Catulle, Tibulle, Properce
p. 377-401
Texte intégral
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1– 1685 (achevé d’imprimer pour la première fois le 6 avril 1685)1
2– lieu d’édition : Paris
3– imprimeur : Frédéric Léonard
4– commentateur : Philippe Dubois (Philippus Silvius).
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5À la lecture de la préface de l’ouvrage, un fait semblait mériter qu’on s’y attarde (et c’est ce qui orientera cette présentation de l’éditeur dauphin) : Philippus Silvius (autrement dit Philippe Dubois) insiste à plusieurs reprises sur le retard qu’a connu l’édition2. Ceci pourrait être assez banal ; mais Dubois a jugé bon, dans le dernier paragraphe, de fournir au lecteur l’explication de ce retard (candide lector, causas accipe) et de terminer le récit de ses tribulations, et la préface par la même occasion, par cette phrase : « Je ne voulais pas, lecteur, que tu ignores ces faits3. » Qu’est-il donc arrivé à Silvius et à l’édition de Catulle, Tibulle et Properce ?
6Philippe Dubois est d’origine normande, il est né à Chouain, dans le Calvados, vers 1636. Ce qui lui vaut des appréciations très élogieuses de la part des biographes normands : « La cour le choisit pour travailler aux éditions des auteurs anciens Ad usum Delphini. Celle qu’il donna de Tibulle, Catulle et Properce est justement estimée », lit-on chez Boisard4, tandis que Le Breton5 surenchérit en la désignant comme « l’une des plus estimées de la collection ». Il embrassa l’état ecclésiastique et devint docteur de Sorbonne. Niceron6 précise alors qu’il « joüit pendant quelque temps de la Principalité du College de Maître-Gervais, que le Grand Aumônier de France l’obligea d’abandonner, après qu’il y eut soûtenu de violentes oppositions de la part des Boursiers ».
7« Violentes oppositions », c’est le moins qu’on puisse dire : il n’est qu’à lire ce compte rendu des faits trouvé dans L’Histoire de l’Université de Paris au xviie et au xviiie siècles7. Jourdan, parlant de « faits de violence, dignes de la barbarie d’un autre âge, qui se passent dans les Collèges, s’exclame alors : Qui croirait qu’en 1679, dans les plus beaux jours du siècle de Louis XIV, un procureur du Collège de Maître Gervais, qui se nommait Le Mière, ourdit les trames les plus noires contre le Principal, Me Du Bois, et que, non content de l’avoir injurié, frappé, renversé, il le fit appréhender, quelques jours après, par une troupe de gens armés, qui, sous prétexte de le conduire devant l’Archevêque de Paris, pour de prétendus déportements, l’entraînèrent dans un cabaret, et là voulurent le contraindre à signer une promesse d’argent ? Pour cet acte de brigandage, Le Mière et ses complices furent décrétés de prise de corps, cités devant la chambre de justice séant à l’Arsenal, et condamnés les uns aux galères, les autres au bannissement. »
8Justice avait été rendue. Mais la tourmente n’était pas apaisée pour autant : il se trouva des gens pour prendre leur parti et Dubois connut de nouveaux tourments en 1681. Il fut alors gravement malade pendant deux ans avant d’achever enfin sa tâche8.
9Précédemment, Dubois avait édité les œuvres théologiques du Jésuite Maldonat9, personnalité brillante et contestée. Il prit clairement la défense du personnage dans l’épître dédicatoire, qu’on lui attribue généralement, ainsi que dans la préface10. Monseigneur Letellier, archevêque de Reims, lui confia ensuite le soin de sa bibliothèque, dont il dressa le catalogue11. Devenu chanoine, il mourut en 1703.
10À l’issue de cette brève présentation, deux questions se posent :
11– Le retard de l’édition aurait-il contrarié un ordre de parution initialement prévu ? En d’autres termes, peut-on supposer que le projet éditorial avait été pensé dans son ensemble selon une progression fixée d’avance et, si oui, quelle était la place ménagée aux poètes ? Les mésaventures de l’éditeur auraient en ce cas brouillé la lisibilité du projet.
12– Pourquoi avoir confié l’édition des poètes élégiaques à un docteur de Sorbonne ?
13Si nous ne pouvons répondre directement à ces questions, nous tenterons du moins de voir quel est le parti que l’éditeur tire de ces poètes à travers l’appareil des notes et quelle justification il apporte au choix de ces auteurs dans le vaste projet éditorial que constitue l’édition Ad usum Delphini.
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14Ce modeste aperçu de l’édition du texte de Catulle s’appuie sur le catalogue de la BN. Précisons d’abord que l’association Catulle-Tibulle-Properce paraît usuelle : sur les 57 éditions recensées, seules 10 ne concernent pas les trois poètes.
15– Une première édition semble avoir connu un grand succès : celle des poèmes de Catulle commentée par Antonius Parthenius qui paraît à Brescia en 1485. Ses commentaires sont repris dans quatre autres éditions, où figurent également Tibulle et Properce12. Et ils sont encore mentionnés, à côté de ceux d’autres érudits, dans le titre d’une édition vénitienne de 152013.
16– L’édition Aldine, Venise 1502, semble avoir connu également un vif succès au point d’être victime d’une contrefaçon lyonnaise.
17– La première édition de Marc-Antoine Muret date de 155414. Elle porte sur le seul Catulle. Mais, dès 1558, son édition concerne les trois poètes. Elle est réimprimée à Venise une première fois en 1562, puis en 1662, soit un siècle plus tard.
18– L’imprimeur Christophe Plantin propose en 1569 une nouvelle édition15, reprise à Lyon en 1573.
19– Signalons bien sûr l’édition novatrice du grand philologue Joseph Scaliger : le premier exemplaire recensé à la BN date de 157716.
20– Janus Dousa fils fait à son tour paraître une édition des trois poètes à Leyde, en 1592.
21– Enfin, en 1608, paraît chez l’imprimeur parisien Claude Morel l’édition de Jean Passerat.
22– Commencent à être proposés parallèlement des ouvrages de compilation : une grande édition « Variorum » réunit les notes de nombreux commentateurs, dont bien entendu Joseph Scaliger, en 1604, à Paris, mais aussi en 1659 et en 1680 à Utrecht.
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23Le volume comporte trois parties en deux tomes. L’édition comporte 794 pages numérotées auxquelles s’ajoutent les pièces liminaires et les index. Le tome 1 comprend les œuvres de Catulle et de Tibulle, le tome II celles de Properce.
TOME I
24Première page de titre de l’exemplaire de la BM de Grenoble :
25C. VALERII | | CATULLI | | ALBIITIBULLI | | ET | | SEXTI AURELII | | PROPERTII | | OPERA.
26À l’exception de la préface et du privilège du Roi qui concernent tout l’ouvrage, les lettres de dédicace, les pièces liminaires et les index se rapportent à chacun des poètes. Le plan de l’ouvrage est le suivant :
Catulle
27– page de titre : C. VALERII | | CATULLI | | OPERA | | INTERPRETATIONS ET NOTIS ILLUSTRAVIT | | PHIUPPUS SILVIUS, T.E.C.P. | | JUSSU CHRISTIANISSIMI | | REGIS, | | IN USUM SERENISSIMI | | DELPHINI | | [marque d’imprimeur] | | PARISIIS, | | Ex Typographia FREDERICI LEONARD Regis, Serenissimi | | Delphini, & Cleri Gallicani Typographi, viâ Jacobæâ. | | [filet] | | M.DC.LXXXV. | | CUM PRIVILEGIO REGIS
28– dédicace au Dauphin : Ad Serenissum Delphinum (4 pages)
29– praefatio (4 pages)
30– éléments biographiques et textuels (17 pages)17
31– privilège (1 page)
32– Errata in Catullo (1 page)
33– texte de Catulle (p. 1-189)
34– Raphaelis Eglini Vindiciae Ciris Catullianae adversus Josephum Scaligerum (p. 191- 192).
Tibulle
35– page de titre : ALBII | | TIBULLI | | EQU1T1S ROMANI | | ELEGIARUM | | LIBRI QUATUOR | | INTERPRETATIONS ET NOTIS ILLUSTRAVIT | | PHILIPPUSSILVIUS, T.E.C.P | | JUSSU CHRISTIANISSIMI | | REGIS, | | IN USUM SERENISSIMI | | DELPHINI | | [marque d’imprimeur] | | PARISIIS, | | Ex Typographia Frederici Leonard Regis, Serenissimi | | Delphini, & Cleri Gallicani Typographi, viâ Jacobaeâ. | | [filet] | | M.DC.LXXXV. | | CUM PRIVILEGIO REGIS
36– texte de Tibulle (p. 193-383)
37– éléments biographiques et textuels (3 pages)18.
Catulle
38– Index vocabulorum omnium quae in bis C. Valerii Catulli operibus continentur, absolutissimus et accuratissimus. (38 pages)
Tibulle
39– Index accuratissimus omnium vocum, ac dictionum quae in bis Albii Tibulli operibus continentur (37 pages)
40– page titre
41– dédicace au Dauphin : Ad Serenissimum Delphinum (6 pages)
42– éléments biographiques et textuels (8 pages)19.
TOME II
43Page de titre : C. VALERII | | CATULLI | | ALBII TIBULLI | | ET | | SEXTI AURELII | | PROPERTII | | OPERA. | | Tomus II.
Properce
44– page de titre : SEXTI AURELII | | PROPERTII | | EQUITIS ROMANI | | ELEGIARUM | | LIBRI QUATUOR | | INTERPRETATIONE ET NOTIS ILLUSTRAVIT | | PHILIPPUS SILVIUS, T.E.C.P. | | JUSSU CHRISTIANISSIMI | | REGIS, | | IN USUM SERENISSIMI | | DELPHINI | | [marque d’imprimeur| | | PARISIIS, | | Ex Typographia FREDERICI LEONARD Regis, Serenissimi | | Delphini, & Cleri Gallicani Typographi, viâ Jacobæâ. | | [filet] | | M.DC.LXXXV. | | CUM PRIVILEGIO REGIS
45– dédicace au Dauphin Ad Serenissimum Delphinum (4 pages)
46– éléments biographiques et textuels (21 pages 1/2)20
47– Errata in Tibullo ac Propertio (1/2 page)
48– Texte de Properce (p. 387-763)
49Catulle, Tibulle et Properce
50– Typographus ad lectorem (p. 764)
51– Versus obscoeni resecti e Catullo (p. 765-776)
52– Pervigilium Veneris quod quidam Catullo tribuunt (p. 777-780)
53– Versus obscoeni resecti e Tibullo (p. 781-784)
54– Versus obscoeni resecti e Propertio (p. 785-794)
55Properce
56Index vocabulorum omnium quae in Properti elegiis leguntur (151 pages).
57Les pièces liminaires ne sont guère originales et rappellent par exemple beaucoup les prologomena Plautina21. Soulignons simplement que Silvius s’est efforcé de procurer au lecteur la présentation la plus complète possible des poètes et de leur œuvre, informations qui occupent environ 50 pages. Il a également fait figurer dans son édition le Peruigilium Veneris, que, dit-il, certains attribuent à Catulle. C’est une pièce de tonalité très leste, d’où sa place au milieu des « vers obscènes ». De même, il insère les arguments en faveur de l’attribution à Catulle de la Ciris, arguments défendus par un certain Raphaël Eglinus contre Joseph Scaliger qui édita cette petite pièce dans l’Appendix Vergiliana22. Cet ajout a été l’occasion de ne pas laisser blanc le dernier folio du cahier Aa, comme le dit implicitement l’éditeur lui-même : « Puisque ces pages se trouvaient être disponibles23... » En fait, Silvius semble souhaiter faire pièce à la grande œuvre de Scaliger24.
58Deux autres particularités appellent une remarque :
59– Dans l’exemplaire de la BN, l’œuvre de Tibulle est présentée de manière assez désordonnée, due à une inversion de cahiers. En effet, le texte de Tibulle n’est pas précédé de sa page de titre, il est suivi d’une partie des pièces liminaires ; les autres pièces, précédées de la page de titre et de la dédicace au Dauphin, viennent après les index de Catulle et de Tibulle. Quant aux errata, il faut aller les chercher dans le tome II. Mais l’exemplaire de la BM de Grenoble est « régulier » : page de titre, Epistola ad serenissimum Delphinum datée LUTETIAE PARISIORUM | | KAL. MART. AN. CHR. M.DC.LXXXV., Albii Tibulli Vita, Testimonia, puis texte.
60– L’édition des poètes est une édition « étoilée », c’est-à-dire que sont rejetés à la fin du tome II, juste avant l’index de Properce, les « vers obscènes », selon le principe adopté par l’édition, et ce après un Avis au lecteur qui est également commun aux versions expurgées25. Niceron26 précise que « l’éditeur a eu soin de retrancher dans cette édition les endroits trop libres qui se trouvent dans ces trois Auteurs qu’on regarde comme les Triumvirs de l’Amour », remarque reprise par Michaud27 et par Hoefer28. L’affirmation est partiellement vraie puisque les passages retirés sont simplement rejetés en fin de volume. Notons aussi que ces vers sont très faciles à trouver, puisqu’ils appartiennent aux pages numérotées de l’édition (p. 764 à 785), et que, s’ils ne bénéficient pas d’une interpretatio, ils sont néanmoins dotés de notes.
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61Dans chacune des dédicaces, Silvius utilise le mètre dont se sert le poète, et réalise une sorte de « pastiche » de son œuvre. Ainsi, la dédicace pour Catulle commence-t-elle en ces termes : Cui dono lepidum librum Catulli/Commentariolo novo explicatum ?/O DELPHIN, tibi. Namque tu solebas en jouant à imiter le premier poème de Catulle : Quoi dono lepidum novum libellum/Arida modo pumice expoexpo-litum ?/Corneli, tibi ; namque tu solebas29. Ce qui laisse à penser que le départ sera malaisé à faire entre l’exercice de style et le véritable contenu informatif, d’autant plus que l’adresse au Dauphin est un passage obligé.
62La préface, adressée au lecteur, présente Montausier comme étant à l’origine du projet éditorial (« Quand le très illustre Duc de Montausier [...] prit en charge, sur l’ordre du roi Louis le Grand, [...] la formation du dauphin Sérénissime30 »). C’est lui qui a conçu le projet d’un travail d’équipe et qui a défini une « ligne d’édition » avec les notes et l’interpretatio qui sont donc présentées comme constitutives du projet : « Réfléchissant à la méthode à adopter pour pouvoir faire progresser, non seulement les études privées du fils du roi, mais aussi les études destinées à un plus large public, il engagea le roi [...] à confier à des hommes choisis le soin d’éclairer par une interpretatio assez facile et des notes assez brèves tous les auteurs latins31. » Silvius rend alors hommage à l’aide que lui a apportée Huet dans son travail, lequel, précise-t-il, joua le rôle de second dans l’éducation du Dauphin après Bossuet32.
63D’autre part, si la préface renfermait des éléments personnels expliquant le retard de l’édition33, on espérait y trouver aussi quelques informations permettant d’éclairer le choix d’un docteur de Sorbonne pour éditer ces poètes. Il n’en est rien. Silvius se retranche derrière une modestie convenue, tout en jugeant bon de préciser qu’il était alors très occupé à des travaux plus sérieux et que bien des choses le détournaient des poètes34. C’est ici qu’intervient l’axe de lecture suggéré par Catherine Volpilhac-Auger : l’image que l’éditeur cherche à donner de l’écrivain latin. Les trois poètes sont considérés comme passablement sulfureux. Le projet éditorial semble d’ailleurs avoir été un moment suspendu, et il a fallu que le duc de Montausier pèse de tout son poids : « Apitoyé par le sort injuste qui était fait au savant Catulle et à ses compagnons, il a fait en sorte que cette édition de leur œuvre [...] soit enfin achevée35. » Fort de cette caution, Silvius insiste alors sur l’élégance d’expression des trois poètes pour justifier l’intérêt de cette édition. Ce sont les « Poètes de langue latine les plus raffinés36 » qu’il propose à son lecteur. Niceron réunissait ces poètes par le thème abordé, c’est-à-dire l’amour37, et Louis Moreri s’est montré encore plus explicite : « trois poètes qui tiennent un des premiers rangs entre les auteurs lascifs de l’antiquité38 ». C’est justement cet écueil que Silvius cherche à éviter en fondant leur parenté sur la grâce du style et de l’esprit, plutôt que sur le sujet traité.
64Dans la lettre de dédicace au Dauphin pour l’œuvre de Catulle, il insiste sur le fait que le Prince ne dédaignait pas ces poètes alors même qu’il s’attachait à l’étude d’auteurs plus sérieux (Virgile, Horace, Sénèque, Cicéron). Mon propos n’est pas ici de faire la part entre la réelle adresse au Dauphin et l’exercice purement formel. Notons simplement que ces poètes semblent avoir besoin du contrepoids d’auteurs réputés plus sérieux, et peuvent au mieux apparaître comme un divertissement de qualité : « Alors, il ne te déplaisait pas de dérider ton front plissé par cette étude sévère, ni de passer souvent du grave poème de Virgile aux plaisants hendécasyllabes39. »
65Le texte est doublé d’une interpretatio continue et éclairé par des notes, comme l’avaient voulu les initiateurs de la collection. Dans la préface, Silvius rend compte de son travail d’éditeur : « Afin que le texte de l’auteur et le sens s’offrent aux yeux ensemble et dans le même ouvrage, j’ai fait figurer sous les vers une interprétation continue, avec le même nombre de mots, mais des mots différents, et sous l’interprétation des notes les plus brèves possibles, mais de telle sorte qu’elles ne laissent aucune difficulté de côté40. »
66L’interpretatio est en prose et procède par un remplacement systématique des termes (nam devient enim, et devient-que41) si bien que parfois la paraphrase propose un terme moins classique (cum temporel remplacé par quando42) et pas forcément plus simple (dominam remplacée par heram43). Outre son caractère prosaïque, elle peut revêtir une valeur didactique et ne cherche en aucun cas à rendre compte de la beauté ou des effets stylistiques du texte. Ainsi le carmen V repose sur une anaphore de deinde / dein ; cet adverbe se voit paraphrasé par mox, tum, postea, c’est-à-dire que Silvius fait l’inventaire de toutes les particules propres à marquer la succession temporelle en latin. De même, tandis que la poésie latine repose souvent sur une disjonction des syntagmes, séparant notamment épithète et nom, Silvius calque l’ordre des mots français et place côte à côte nom et épithète.
67L’éditeur cherche à faire apparaître certaines difficultés par la translation : ainsi pour le suffixe de diminution très fréquent chez Catulle, miselle passer est paraphrasé par infortunate passercule44 L’on peut penser que le lecteur, en comparant passer et passercule peut identifier ce morphème et le percevoir aussi dans miselle. Silvius finit d’ailleurs par consacrer une note à l’emploi de ces diminutifs : « Aridulis pour aridis : comme précédemment frigidulos, singultus, albulus columbulus ; ces termes sont usuels chez Catulle45. ». L’interpretatio peut contenir des mots restitués qui permettent de rendre le texte plus explicite dans des cas d’ellipse (en particulier dans les comparaisons), d’asyndète ou pour souligner l’emploi d’un vocatif. Mais Silvius semble s’être globalement tenu à la règle qu’il fixe en préface : autant de mots dans la paraphrase que dans le texte original.
68En revanche, en dépit des affirmations de la préface, les notes sont très abondantes (837 pour le seul Catulle) et peuvent être extrêmement longues46. Silvius n’a pas voulu laisser une quelconque obscurité : toutes les allusions sont explicitées, toutes les difficultés élucidées. Il ne craint d’ailleurs pas de se répéter d’une note à l’autre. Ainsi pour l’épithète ultima qui caractérise la Britannia, la Grande-Bretagne : « [La Bretagne] est dite ultima parce que les Bretons, séparés du reste du monde, sont établis à la limite la plus éloignée des terres47 », qui reprend presque mot à mot, en l’étoffant, une explication fournie antérieurement : « [Les Bretons] sont dits ultimi parce qu’ils sont établis à la limite la plus éloignée des terres48. » Et nous pourrions multiplier les exemples49.
69La note peut également comprendre un terme qui sera défini dans la note suivante, et l’information devient circulaire. Ainsi, Silvius situe le mont Cytore de la manière suivante : « Le Cytore est une montagne de Paphlagonie, proche de la ville d’Amastris...50 » Dans la note qui suit, laquelle se rapporte justement à cette ville, il la situe par rapport au Cytore : « Amastris est une ville de Paphlagonie, non loin du mont Cytore...51 » Le début de la deuxième note n’apprendra pas grand-chose au lecteur. Silvius semble être conscient de ces redites et précise souvent ut suprà vidimus52 sans référence plus précise, ce qui ne l’empêche presque jamais de reprendre une explication53. Retenons donc l’idée d’une exhaustivité des notes au risque d’alourdir l’édition et de multiplier les redites, dont il nous reviendra de rendre compte lorsque nous les présenterons de manière plus détaillée.
70Chaque auteur a un index, baptisé index vocabulorum omnium... ou index omnium vocum... qui se veut un relevé exhaustif de tous les mots employés dans l’œuvre. Il fournit les références précises des occurrences des mots :
pour Catulle, numéros du poème et du vers (abstinete : 19, 19)
pour Tibulle, numéros du livre, de l’élégie et du vers (accendet : 2,5,90)
pour Properce, numéros du livre et de l’élégie (Domina mea te tolle : 2, 34).
71Les verbes ou les noms sont présentés sous forme fléchie et ne sont pas regroupés sous une seule entrée. Toutes les parties du discours figurent dans l’index. Pour Properce, le système est plus complexe, puisque l’index regroupe des syntagmes (verbe + sujet : ardent vitices ; conjonction + verbe : ut vivat ; groupe nominal : meis rebus, ardor proximus Thylae ; groupe nominal prépositionnel : meis è lacrymis). C’est ce qui explique que, si les index de Catulle et de Tibulle sont de taille équivalente (respectivement 38 et 37 pages), l’index de Properce, lui, est démesuré (151 pages pour un texte de 389 pages). Nous noterons également que l’index de Tibulle porte sur une œuvre éditée en 385 pages, tandis que les poèmes de Catulle n’en occupent que 189. Ce qui laisse à penser que l’index de Tibulle doit être relativement incomplet. Silvius n’indique pas clairement qui est l’auteur de ces index et précise simplement dans sa préface : « Tu trouveras des index de tous les mots très soignés et très sûrs, réalisés avec une très grande application et un grand travail54. »
72En ce qui concerne l’établissement du texte et les notes critiques, il faut tout d’abord se demander quels sont les ouvrages consultés par Silvius, pour faire son édition. Dans sa préface, il se fait fort de les avoir tous regardés : « Je n’ai laissé de côté aucun des auteurs qui se sont attachés à ces poètes très délicats, je les ai tous lus et j’ai sélectionné de nombreux extraits qui venaient d’eux dans mon ouvrage55. » L’identification des sources risque d’être malaisée puisque Silvius précise également : « Bien que souvent je ne les aie pas nommés, je ne voudrais pas pour autant qu’ils soient frustrés des louanges qui leur reviennent en propre56. »
73Le lecteur, sceptique, cherche à vérifier ses dires. Premier constat : certains noms d’éditeurs antérieurs apparaissent dans les notes, ce qui semble accréditer l’hypothèse d’ouvrages véritablement consultés. C’est le cas de Marc-Antoine Muret, de Janus Dousa fils, de Jean Passerat et bien sûr de Joseph Scaliger.
74Par ailleurs, Silvius fit office de bibliothécaire pour Monseigneur Le Tellier, archevêque de Reims, et publia en 1693 un catalogue des livres qu’il possédait57. Sans doute, lors de l’édition de l’ouvrage, Silvius ne s’occupait-il pas encore de cette bibliothèque. Il n’en reste pas moins qu’il est intéressant de voir quelles éditions de Catulle elle renferme, comme le témoignage des ouvrages que pouvait consulter alors un érudit. Voici ce que nous trouvons58 :
une édition vénitienne de Marc-Antoine Muret datant de 1562
une édition d’Achille Statius, publiée à Venise en 1566
l’édition parisienne de Joseph Scaliger de 1577
une édition du même, avec des notes de Joannes Livineius et de Janus Gebhardus, Francfort, 1621
l’édition « Variorum » publiée à Utrecht en 1659
et enfin l’édition de Silvius, Paris, 168559.
75Il semble à peu près certain, et les travaux des membres de l’équipe le confirment, que Silvius a largement reproduit les éditions antérieures et que ce n’est pas dans l’établissement du texte qu’il faut chercher le principal mérite de cette édition. En revanche, il peut être intéressant de mesurer l’intérêt que l’éditeur attache au texte et la démarche qu’il a voulu suivre.
76On dénombre 86 notes critiques pour un total de 837 notes, soit de l’ordre de un dixième, ce qui n’est pas négligeable. La critique ne porte pas exclusivement sur le texte, mais aussi sur le commentaire : identité d’un personnage, différentes versions d’un mythe, localisation géographique... Ce qui fait apparaître Silvius comme un compilateur passionné, essayant de donner les explications les plus complètes possibles. Il est tout à fait conscient des difficultés que présente le texte de Catulle et met en garde le lecteur dès le début de l’ouvrage : « Personne ne doit douter du fait que l’œuvre de Catulle nous est parvenue complètement mutilée et altérée. En effet, les grammairiens anciens et en particulier Terentianus Maurus citent des vers en plus qui n’apparaissent nulle part aujourd’hui60. » Le constat est toujours d’actualité. Toute la difficulté est de savoir pour ces fragments lesquels semblent authentiques et lesquels il convient de récuser.
77La forme revêtue par ces notes est codifiée : la formule d’introduction la plus courante est alii legunt (« d’autres lisent »)61. Les variantes62 comportent toujours le verbe legere. Cette formule constitue comme le signal immédiatement détectable d’une note critique, d’autant que ce type de note peut intervenir en prolongement d’une note d’explication ou d’une note d’érudition. Lorsque Silvius propose plus que deux conjectures, il souligne en général la difficulté du passage. Et cela peut conduire à des excroissances annotatives monstrueuses : « Il n’est presque aucun passage de Catulle qui ne requière autant une main chirurgicale63. » De fait, la note occupe 67 lignes et propose 9 conjectures. À quel souci répond donc Silvius pour alourdir ainsi son texte de notes critiques alors même qu’il adopte des leçons assez douteuses ? Un rapide décompte des passages annotés montre en effet que son texte est le même que celui de l’édition de la CUF64 à 26 reprises, contre 37 conjectures non retenues par cette même édition. Pire, dans 29 cas, la leçon n’est même pas mentionnée dans l’apparat critique. Il nous semble que le rôle de ces notes est double : Silvius veut offrir une lecture polyphonique et cherche à s’inscrire dans la tradition humaniste.
78Silvius cite très rarement une autre lecture telle quelle, de façon sèche. Il s’efforce au contraire de la justifier, en développant les arguments favorables à cette lecture ou en s’appuyant sur des citations d’auteurs anciens (historiens, géographes, érudits, grammairiens)65. À défaut, il explique comment le texte se comprend si l’on adopte cette leçon66. Plutôt que de se livrer à un travail d’édition critique, Silvius veut transmettre les travaux de ses prédécesseurs, explications et développements semblant provenir de son travail de compilation. Il propose alors en quelque sorte des variantes et enrichit d’autant le texte de Catulle en étudiant la virtualité de sens ainsi ouverte.
79Alors même qu’il adopte une lecture pour son édition, Silvius refuse souvent de prendre clairement position dans la note en justifiant son choix. Bien au contraire, il peut appuyer d’autres leçons par un commentaire favorable67 ou même laisser ouvert le choix de la lecture à adopter. C’est ainsi qu’après avoir proposé trois lectures, dont une de Scaliger, Silvius poursuit en ces termes : « Quant à savoir laquelle doit être reçue, le lecteur en jugera68. » Il va parfois jusqu’à lancer un appel, tout rhétorique, à la compétence éventuelle du lecteur : « Je crois vraiment que ces vers, à moins d’être lus par la Sibylle, ne peuvent être interprétés par personne d’autre. J’ai cependant apporté toute la lumière possible à ces ténèbres très épaisses, tout disposé à accueillir un sens meilleur, si d’aventure quelqu’un en propose un69. » Par delà la volonté de se montrer spirituel, notamment par l’allusion à la Sibylle, et la certitude d’une difficulté insurmontable, affleure l’idée d’une tradition dont Silvius se veut le dépositaire, d’une chaîne de travaux qui ont permis peu à peu de progresser dans le savoir : « Ce passage très difficile a été interprété de façon différente par différents grands érudits. Il est étonnant de voir combien il les a tous tourmentés. » Expliquant alors qu’il se bornera à proposer deux lectures différentes, Silvius ajoute : « Mais si quelqu’un propose quelque chose de meilleur, nous lui en saurons très gré70. »
80C’est donc dans le sens d’une lecture polyphonique de l’œuvre, reflet fidèle des travaux de ses prédécesseurs, qu’il faut appréhender l’« apparat critique » de Silvius.
81Mais il peut lui arriver de récuser une leçon. Par les arguments qu’il utilise, il s’inscrit dans la tradition humaniste. Remarquons que le je intervient uniquement en cas de réfutation71, Silvius utilisant ordinairement un pluriel de majesté.
82L’un des arguments avancés est l’autorité des manuscrits72, et lorsqu’il déclare une conjecture contra manuscriptorum fidem73, elle est irrémédiablement condamnée sans autre forme de procès. Une seule fois, dans le poème LXVI, la lecture retenue ne semble pas être celle des manuscrits, puisque Silvius précise en note : Antiqui codices habent, & forsan meliùs…,74 Ce forsan meliùs montre combien l’éditeur hésite à déroger à cette règle. Se pose alors la question de savoir ce que Silvius entend par codex. C’est un terme qu’il emploie toujours au pluriel (codices), lui adjoignant souvent un adjectif pour en souligner l’ancienneté (antiqui codices, mais aussi veteres codices ou vetustiores codicilles, avec la variante meliores codices75) Mais il lui arrive d’utiliser le nom manuscripti76 et il réunit ces deux termes pour les opposer aux éditions anciennes (editiones antiquae)77. Il semble raisonnable de considérer que les codices désignent des manuscrits. Toute la question est alors de savoir si Silvius les a consultés directement ou s’il utilise des informations de seconde main. Il est difficile de trancher de manière définitive, bien que beaucoup d’éléments invitent à pencher pour la seconde hypothèse.
83Silvius accorde également du crédit aux témoignages des auteurs anciens, qu’il s’agisse de scholiastes (Servius, Festus), d’auteurs qui reflètent les usages du latin archaïque (Plaute et Térence), de grammairien (Diomède)78. Ses références sont parfois plus imprécises lorsqu’il engage le témoignage des idonei scriptores ou des graves et magni auctores79. La satisfaction de l’éditeur transparaît dans une note comme celle-ci : « Comme ce qu’écrit Sénèque (le Père) sur Calvus dans la controverse 19 du livre 3 des Controversiae, contribue beaucoup à éclairer ce passage très obscur de Catulle, j’ai pensé que je devais rappeler ici ses propos80. » Il parle d’ailleurs en son nom personnel. De même déclare-t-il doctement : « Ce vers a été restitué d’après des scholies portant sur l’œuvre d’Apollonius81. »
84Un troisième pôle d’arguments s’articule autour de l’œuvre, de ses caractéristiques et de sa cohésion : critères du sens, du mètre, du style, cohérence interne à l’œuvre, précision de l’expression82. Toute cette méthode reflète la tradition humaniste, incarnée magistralement par Scaliger. Il nous semble intéressant d’étudier à présent l’attitude de Silvius face au grand savant, cité à 19 reprises dans les notes.
85Scaliger a laissé une empreinte durable chez les philologues. Comment va se positionner l’obscur Silvius face au grand maître ? Premier constat : Silvius n’adopte explicitement que deux fois la lecture de Scaliger, l’érudit suffisant alors à justifier la leçon retenue : Nos cum Scaligero legimus…83 Notons d’ailleurs que Silvius prend soin de trouver une formulation qui le place sur un plan d’égalité avec Scaliger. Mais, le plus souvent, il cherche à prendre en défaut le grand homme. Ainsi, il explique, dans une note qu’il se fonde sur la lecture habituelle et les manuscrits anciens (communem sequimur lectionem antiquosque codices), ce que réclamait Scaliger à cor et à cri (quidquid vociferetur Scaliger) pour réfuter précisément une de ses conjectures84. Voilà la méthode de l’érudit utilisée contre lui. Silvius stigmatise aussi sa méconnaissance des mœurs des Romains, et en particulier du rite nuptial, évoqué dans l’épithalame en l’honneur de Manlius Torquatus ; l’éditeur, lui, n’hésite pas à se poser en connaisseur de ce rite. C’est ainsi qu’il déclare avec autorité : « Scaliger, selon son habitude louable, lit et interprète autrement ces vers ; lui qui n’a pas fait attention au fait que…85 » Il estime d’ailleurs superflu de citer cette lecture, se contentant cavalièrement de l’adverbe aliter. C’est que Silvius désire passionnément se mesurer au maître : « Scaliger, qui est le seul, avant nous, à avoir entrepris d’interpréter cette épigramme ; car pour tous les autres, elle semblait insurmontable86. » Tous les autres ne sont que menu fretin qu’il peut à l’occasion ridiculiser collectivement : « Il est tout à fait étonnant de voir combien la foule des correcteurs a été ici saisie de frénésie87. »
86Silvius s’inscrit donc dans son époque par son souci d’enrichir l’édition en utilisant les éditions antérieures et par les arguments, reflétant la démarche humaniste, qu’il utilise dans ses notes critiques. Peut-être la rivalité avec Scaliger est-elle plus personnelle.
87En reprenant la classification proposée par Bruno Bureau, nous comptons pour Catulle environ 507 notes de compréhension, 519 notes d’érudition et 86 notes critiques. Certaines notes sont multiples, à la fois géographiques et critiques par exemple, ce qui explique que le total des appels de notes est de 837 tandis que le total des notes classées et éventuellement subdivisées s’élève à 1 112.
88Silvius appuie souvent son propos par une citation ou, à défaut, par une référence88. Il nous semble intéressant d’analyser cela d’un peu plus près, afin de voir quels étaient alors les auteurs de référence propres à éclairer le texte de Catulle. Même s’ils sont minoritaires, les auteurs grecs ne sont pas boudés, en particulier Strabon, mais aussi Diodore et Homère. Parmi les Latins, Virgile arrive largement en tête, suivi d’Horace, d’Ovide, de Pline et de Cicéron. Virgile sert à éclairer tous les aspects d’un texte : vocabulaire et expression bien sûr, mais aussi géographie, mythologie, religion et civilisation. Pline sert d’encyclopédie, Ovide est la référence en matière de mythologie, Horace rend compte d’une vie romaine quotidienne. Silvius s’appuie souvent sur les géographes anciens, d’où le fréquent recours à Strabon et à Diodore. Les historiens sont très peu représentés, à l’exception de Suétone, qui ne semble pas au moderne la source la plus sûre ni la plus savante. Mais les notes envisagent l’histoire sous son aspect anecdotique, et Suétone ne se montre pas avare de petits détails.
89Les notes de compréhension s’articulent autour de trois axes, liés au caractère poétique du texte.
90L’œuvre d’un poète n’est pas supposée être lue de façon suivie. C’est pourquoi, Silvius résume en général l’argument du poème89. De plus, lorsque le poème est très long et de structure un peu complexe, comme le carmen LXIV, l’éditeur se livre à des résumés partiels qui jalonnent le texte ou explicite en note la structure90. Nous tenons déjà une explication pour les redites dans les notes : à partir du moment où il est difficile de savoir quel sera l’ordre adopté pour la lecture, Silvius se doit de fournir des explications complètes pour chaque poème de façon indépendante.
91La langue de Catulle présente certains archaïsmes que des notes de grammaire tentent d’éclaircir91. L’éditeur s’appuie alors sur des exemples tirés d’auteurs dont la langue présente les mêmes caractéristiques (Lucrèce, Plaute, Térence) ou de grammairiens anciens (Quintilien, Priscien, Diomède, Nonius)92. Les plus nombreuses sont les notes portant sur une expression ou un mot de vocabulaire93. La difficulté tient souvent au caractère poétique de la langue. Par delà le travail d’éclaircissement, ces notes semblent avoir une visée pédagogique. Voyons comment l’éditeur cherche à enrichir le vocabulaire du lecteur. Silvius utilise parfois simplement la définition : « Pupula ou pupilla est la partie la plus petite de l’œil, de laquelle dépend pourtant entièrement la vigueur ou l’acuité des yeux ; employé ici à la place de oculus, comme chez Manilius au livre 494. » Il précise alors souvent le sens contextuel du mot. Il peut également avoir recours à la synonymie, prenant appui sur les connaissances de son lecteur (grabati id est lecti95).
92Lorsqu’il le peut, Silvius s’efforce de rendre le sens du mot compréhensible, ce qui en favorise la mémorisation. Ainsi, il justifie le sens figuré de palma en expliquant son évolution : « C’est un arbre qui ne cède pas sous le poids, mais qui ploie pour lutter contre le poids, et à cause de cela, la palme est remise aux vainqueurs comme récompense, parce qu’ils n’ont pas cédé, mais qu’avec obstination, ils ont tenu bon lors de la guerre. D’où on appelle communément la victoire palme96. » Il explique le sens d’un mot composé par le sens de ses constituants : « Hespérus est appelé par Catulle Noctifer. parce que, en apparaissant aussitôt après le coucher du soleil, il semble apporter la nuit97. » Silvius peut également se livrer à une véritable leçon de vocabulaire :
93« Palaestra se dit en latin lucta [...]. S’emploie parfois pour désigner le lieu dans lequel se pratique ce type d’exercice [...]. Stadio : le stadium est un lieu dans lequel on pratique la course. [...] Gymnasiis : le gymnasium (ou schola) est aussi au sens propre un lieu où les jeunes gens exerçaient leur corps par la lutte, la course et le saut. Ils s’y entraînaient assez souvent en étant nus. Tous ces jeux et exercices étaient surtout en usage chez les Grecs, là d’ou est originaire Attis98. » Par ses définitions, Silvius s’efforce d’éclairer l’origine de ces trois mots contextuellement presque synonymes : l’allusion à la nudité des jeunes athlètes est là pour rappeler que le nom gymnasium est formé sur l’adjectif grec gymnos « nu », de même que le stade désigne primitivement une unité mesurant la distance, puis un parcours pour la course, avant de désigner un lieu, et que palaestra est formé sur le verbe grec palaiô signifiant « lutter ». La multiplicité des noms peut aussi s’expliquer, selon l’éditeur, par des emprunts à des langues différentes : « Les Mages sont dans la langue des Perses ceux que les Grecs appellent Philosophes, les Gaulois Druides, les Égyptiens Prophètes et que nous nous appelons Sages99. » Nous glissons de la définition au bon usage, l’optique étant alors, dans la lignée des recueils de differentiae des grammairiens anciens, de souligner les différences existant entre des mots de sens très voisin pour améliorer la précision de l’expression : ainsi de la différence entre mulcta et poena telle qu’elle est établie par les juristes100. Les notes de vocabulaire frôlent alors l’érudition. Quant aux notes portant sur des expressions, elles sont très abondantes, puisque Silvius se fait un devoir de tout expliquer, depuis la valeur contextuelle d’un mot ou le sens d’une expression proverbiale jusqu’aux différentes figures (métonymie, comparaison, ironie...). L’interpretatio, pourtant continue, se double parfois d’une seconde paraphrase en note, plus explicative.
94Nous retrouvons ce même souci d’exhaustivité pour les notes d’érudition, et cela même si Silvius semble parfois avoir conscience de l’inutilité de ces rappels. Ainsi, pour la légende du Minotaure, il commence sa note, avec un appel sur le mot Minotauro, en précisant que la légende est bien connue (Fabula Minotauri notior est), il insiste en affirmant que personne en effet n’ignore que (Nulli enim nesciunt), et pourtant... Il va tout rappeler, nommant Pasiphae, mentionnant son union criminelle avec le taureau, parlant du labyrinthe de Dédale, de la mission de Thésée et de l’amour d’Ariane101. Silvius peut tirer parti du moindre mot d’un texte pour se livrer à une digression relevant de l’érudition. Dans le même poème, après avoir défini ce qu’était un labyrinthe, il explique que d’après Pline, livre 38 chapitre 13, il y avait dans le monde antique 4 labyrinthes102. Et il les situe avec exactitude. Pourquoi alourdir ainsi l’édition par des notes nombreuses et souvent longues ?
95Une première explication réside dans le minutieux travail de compilation. De même que les notes critiques se font un devoir de rendre compte des différentes lectures, de même Silvius n’ose pas priver son lecteur d’une seule note d’érudition, même si l’intérêt n’est pas immédiatement perceptible. Son édition se veut une somme des connaissances de ses prédécesseurs, sans discernement quant à la pertinence ou à la qualité des remarques.
96Sans doute a-t-il également reçu des consignes, notamment pour les notes de géographie. Ce sont elles les plus nombreuses des notes d’érudition103 et elles s’organisent en général autour d’une même matrice, ce qui conduit parfois à des définitions circulaires. L’on précise d’entrée, avec le verbe être, s’il s’agit d’une ville, d’une montagne, d’une mer, d’une rivière, etc., et on la situe. Ce qui conduit à des énoncés du type : « Les Cyclades sont des îles dans la mer Égée104. » S’y ajoutent alors d’autres informations : étymologie du nom, raisons pour lesquelles le lieu est illustre, justification de l’adjectif épithète s’il y en a un, etc. Les prolongements avec la géographie contemporaine restent relativement rares. Peut-être reflètent-ils des préoccupations politiques, à moins qu’il ne s’agisse que de combler la curiosité du lecteur tout en ajoutant au pittoresque. Silvius mentionne ainsi Byzance, appelée aussi Constantinople, « où siège actuellement l’empereur des Turcs105 ».
97D’autres notes d’érudition s’attachent plus particulièrement à Catulle et à son œuvre. Silvius donne ainsi quelques indications de métrique pour permettre au lecteur de scander les vers. Dès le premier poème, il précise que le mètre employé est l’hendécasyllabe et tente d’en expliquer la structure : « Ce vers est un hendécasyllabe, qu’on appelle aussi phalécien, il est constitué par un spondée, un dactyle et trois trochées106. » En revanche, Silvius estime superflu de rappeler la structure de l’hexamètre, dont il ne fait que signaler brièvement l’emploi107. Il lui arrive également de faire remarquer en note une quantité qui peut faire difficulté pour la scansion du vers : « Le poète a allongé la pénultième de fecerimus, qui est brève, de même qu’Ennius a allongé la pénultième de dederitis...108 » Lorsqu’il le peut, il nomme le type de poème : c’est ainsi qu’il précise que le carmen LXI est un épithalame109. Enfin, des notes relevant plutôt de l’histoire littéraire éclairent des éléments de la vie de Catulle (dédicace à Cornelius Nepos, personnage de Lesbie, voyage en Bithynie, mort du frère...)110 ou ses influences littéraires. Silvius souligne notamment l’importance des modèles grecs Théocrite et Callimaque111. Le carmen LI, qui est une imitation d’un poème de Sappho, est présenté comme tel. Silvius cite en note le poème en grec et le jugement fait par Janus Dousa fils comparant les deux œuvres112.
98Les dernières notes que nous voudrions aborder ont trait à l’image du poète et à sa qualité littéraire. Nous savons toutes les réserves que peuvent inspirer Catulle, Tibulle et Properce. Dans sa préface, l’éditeur insistait sur le raffinement de leur expression. Certaines notes visent à mettre en valeur le style de Catulle. Ainsi, lorsque le poète compare son amour défunt à une fleur des champs fauchée par la charrue au bord d’un pré, Silvius précise en note qu’il s’agit d’une elegans comparatio113. Et pour cause : l’image est fréquemment utilisée dans les psaumes et reprise dans les oraisons funèbres de Bossuet. Il s’agit alors d’insister sur la brièveté de la vie, tandis que le poète ne parle que de l’amour, mais l’image peut servir de modèle. Les passages soulignés pour leur style seraient-ils donc plutôt bienséants ? Pas véritablement, puisque Silvius souligne que Catulle excelle particulièrement dans les poèmes en hendécasyllabes dans le carmen XLII, adressé à une femme, où revient comme un leitmotiv « infâme putain, rends-moi mes tablettes114 ». Les épithètes peuvent également être qualifiées de venustissima & elegantissima115. Le lecteur est donc appelé à découvrir des procédés d’expression qui donne à l’œuvre toute sa qualité littéraire.
99Silvius met aussi en valeur des passages célèbres, qu’un lettré se doit de connaître et de pouvoir commenter. Ainsi, lorsqu’il annote les plaintes d’Ariane, Silvius souligne la visée pathétique du passage : « C’est le début des plaintes d’Ariane, dont le discours tout entier pathétique et composé pour émouvoir se construit autour de phrases brèves et de changements fréquents de ton et de construction, reproduisant la manière dont elle est agitée en étant livrée aux flots de la colère116. »
100Le recours à l’intertextualité permet au lecteur d’acquérir une culture littéraire. Il s’agit souvent de simples rapprochements formulés de façon lapidaire (Sic Propert. lib. 2 eleg. 24 avec une citation de l’extrait117) mais qui peuvent parfois porter sur des passages fameux. Ainsi, lorsque Catulle prête à Julia le désir d’avoir un petit Torquatus, Silvius rapproche cela du désir de Didon qui espère un petit Énée118. De même, il confronte aux plaintes d’Ariane des extraits des Héroïdes d’Ovide. Catulle a précédé Virgile, ne l’oublions pas, et l’intertextualité devient ainsi un moyen pour insister sur la postérité du poète et pour rehausser son image, à la lumière du renom de ceux qui l’ont suivi. Ainsi de la remarque : « Virgile, qui imite en beaucoup de passages Catulle119 ».
101Il nous a paru honnête de montrer la minutie de l’annotation de Silvius, la longueur des développements et l’intérêt littéraire qu’il prête à l’œuvre avant d’aborder un dernier point qui nous semble refléter une coloration plus personnelle dans l’appareil des notes. Commençons par étudier l’annotation d’un poème célèbre, le carmen V, où Catulle réclame des milliers de baisers à sa bien-aimée.
102C’est dans ce poème qu’apparaît pour la première fois le nom de Lesbie. La note est étonnamment brève : « Sous le nom de Lesbie. Catulle célèbre son amie Clodia, comme Tibulle et Properce ont fait connaître Délie et Cynthie à la place de Plania et de Hostia ou Lesbie120. » Aucun éclaircissement n’est fourni quant au choix du pseudonyme ou à la personnalité de Clodia. Silvius n’estime pas nécessaire non plus d’expliquer l’expression unius assis aestimare « estimer à la valeur d’un seul as » c’est-à-dire « ne pas faire cas ». En revanche, il commente le vers 1 o (Dein, quum milia multa fecerimus121) : « Bien que les baisers qu’il réclame soient d’un nombre respectable, ils ne suffisent pourtant pas à Martial qui [dit] avec grâce, selon son habitude...122 » Suit alors une citation du poète qui fait allusion à ce poème. C’est certes une façon agréable de faire jouer l’intertextualité, mais une note s’imposait-elle réellement ? De la même façon, dès le premier vers du poème, Dubois cite en regard deux passages d’Horace123 Le premier place ce poème dans la perspective de l’épicurisme124. Dans le deuxième, Horace encourage son amie à se livrer aux plaisirs de l’amour et du vin125. Le lecteur attendrait un contrepoint moral. L’occasion n’était-elle pas belle de stigmatiser la vacuité de ses comportements où l’homme gâche toute son énergie dans des dissipations que la morale réprouve ? Silvius éclaire donc l’œuvre de Catulle en adoptant la position d’un érudit plutôt que celle d’un censeur.
103Le poème 16 se fait l’écho de reproches sur la frivolité des œuvres de Catulle. Quelle est alors l’attitude de l’éditeur ? Il surenchérit sur la position de Catulle qui consiste à établir un distinguo entre l’homme et l’œuvre : « Un poète qui se veut un homme de bien doit être lui-même vertueux, ses petits vers ne le doivent nullement126 », proclame Catulle. La note ne fait que paraphraser cette affirmation en l’infléchissant légèrement : « Les poètes doivent avoir des moeurs honnêtes, même si leurs vers sont assez licencieux127. » Et Silvius cite un vers de Martial et deux extraits d’Ovide qui professent le même point de vue. À titre de comparaison la note de l’édition de la CUF est autrement plus moralisatrice : « Cette déclaration discutable, qui va au-delà de ce que tolèrent notre goût et nos habitudes d’aujourd’hui, traduisait un sentiment très commun chez les Romains ; car elle a été reprise par Ovide, par Martial et par Pline le Jeune128. »
104Les seules réserves de l’éditeur concernent les passages obscènes et l’emploi d’un vocabulaire religieux dans un contexte profane. Voici par exemple le commentaire qu’il propose pour le terme ineptiae, utilisé par Catulle pour désigner son œuvre : « Les ineptiae se trouvent surtout dans les passages obscènes129. » Lorsque Catulle utilise un mot passé dans le vocabulaire chrétien, Silvius estime également utile de faire une mise au point. Quand le poète s’exclame : uolo te ac tuos amores/ad caelum lepido vocare versu130, Silvius craint que le terme de caelum soit mal interprété et s’efforce de souligner en note que le ciel a ici une valeur figurée sans connotation religieuse : « Le poète semble s’applaudir et se flatter de manière excessive, comme s’il était élevé au ciel par ses écrits et qu’il pouvait y porter d’autres personnes131. » De même, il paraphrase l’expression par esse Deo132 (« être l’égal de Dieu ») par beatum esse133 pour lever toute équivoque.
105Quel est alors l’enseignement moral qui se dégage de l’œuvre des poètes ? La question revient à tenter de justifier le choix de ces textes dans le projet éditorial Ad usum Delphini. Les notes visant à l’édification d’une âme bien née sont relativement rares, sans doute faute d’occasion. Est-ce d’ailleurs l’intention de l’éditeur, lorsqu’il explique que l’adjectif bellus peut flétrir le personnage qui se voit ainsi caractérisé : « On appelle homines belli les personnes qui se plient facilement aux désirs des autres, [...] ce qui est certes le fait d’un esprit petit et méprisable134 »? L’anecdote suivante, sans rapport direct avec la compréhension du texte135, est-elle destinée à la formation des jeunes gens riches : « On raconte que Diogène, interrogé un jour à ce propos, répondit que ce n’était pas sans raison que l’or était pâle, puisque tant de personnes, de tous côtés, se trouvent être à l’affût de lui136 » ? La note qui suit, elle, semble clairement constituer une mise en garde contre l’ingratitude des hommes : « Ces vers renferment une plainte de caractère général à propos de la déloyauté et de l’ingratitude de ceux qui feignent d’être des amis alors qu’ils ne le sont pas réellement. Mais la chose est tellement pratiquée de nos jours, et les hommes sages s’en plaignent si souvent, qu’il me semble que personne ne peut être en désaccord avec Catulle137. »
106Mais l’essentiel de l’enseignement prodigué par le poète est ailleurs. Et le « roman d’amour » de Catulle et de Lesbie s’avère un véritable petit manuel des relations hommes-femmes, conjugales et extra-conjugales. « La plus grande félicité dans l’amour consiste à être aimé de manière égale par l’autre138. » Mais comment parvenir à cet amour partagé ? Et comment doit-on aimer l’autre ? Les vers de Catulle sont l’occasion de prodiguer quelques conseils. Le poème 72 se termine par une opposition entre amare et bene velle. Silvius tente en note de définir ces deux termes et de distinguer les différentes sortes d’amour : « Amare en effet a une portée plus large que bene velle. En effet, si quelqu’un aime, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’il veuille du bien ; alors que ne peut vouloir du bien celui qui n’aime pas. Ainsi, on dit souvent que nous aimons des bêtes ou des choses inanimées comme la nourriture, la boisson, les œuvres d’art, les statues, les tableaux d’un travail remarquable ; mais aucune personne sensée ne dirait que nous leur voulons du bien. Le poète affirme donc que, jadis, non seulement il a aimé Lesbie, comme le commun des hommes a coutume d’aimer sa maîtresse, à cause bien sûr du plaisir qu’elle lui procure, mais aussi comme les pères aiment leurs enfants ou leurs gendres, eux qui ne les chérissent pas au nom d’un quelconque plaisir ou au nom de leur intérêt, mais qui mettent toute leur bienveillance au service de l’intérêt et du bien-être de ces derniers139. » L’éditeur convoque les philosophes anciens pour reprendre cette distinction lorsqu’il commente le dernier vers de ce poème (« Les philosophes disent que amare et bene velle diffèrent pour cette raison que l’amour est une passion, tandis que vouloir relève de la volonté et du raisonnement juste140 ») et affirme alors qu’en matière d’amour, la distinction est importante : « Et pour cette raison, l’amoureux qui voit qu’on lui préfère un autre est affecté par une plus grande passion amoureuse et s’enflamme plus vivement ; cependant, il ne veut pas de bien à sa maîtresse, bien au contraire, il désire se venger141. » Malheur à l’infidèle donc !
107Le drame, c’est que les femmes sont des infidèles : « Le poète montre qu’il ne faut accorder aucune confiance aux tendres propos des femmes142 », déclare Silvius lorsqu’il résume le poème 70 baptisé d’ailleurs De l’inconstance de l’amour féminin143. D’ailleurs Properce en juge de même144, affirme-t-il dans une autre note. La femme apparaît donc comme un être retors, inconstant, capable de toutes les ruses, qu’il importe de mieux connaître. Une maîtresse dit du mal de vous, c’est du simple dépit, en fait elle vous aime. Tel est le contenu du poème 83, et l’éditeur ajoute : « Ce que dit avec bon sens de Lesbie le poète peut être affirmé de façon générale pour toutes les femmes de ce genre145. » D’ailleurs, bavarde impénitente, la femme livre tous les secrets de ses débauches à ses servantes. Une note critique de Silvius prend appui sur l’évidence du fait : « Mais les plus anciens manuscrits ont ancillis, ce qui certes convient merveilleusement à ce passage. En effet, de nombreux témoignages de Plaute, Tibulle, Ovide, Properce et d’autres auteurs nous enseignent que les dames avaient coutume d’utiliser leurs servantes comme auxiliaires de leurs amours, ce qu’il était vain de rapporter, puisque la chose est bien connue de tous à notre siècle aussi146. » Il est d’autant plus utile de se prémunir contre les femmes que les rouées ont comme un savoir instinctif de toutes les choses de l’amour qu’elles utilisent contre les hommes. Que l’on se souvienne de la définition de l’amour comme d’une passion donnée lors du poème 72. Ce que Dubois a longuement établi en faisant appel aux philosophes, les femmes le savent instinctivement et elles en usent pour garder leurs amants : « Quand les femmes de petite vertu veulent qu’un homme reste amoureux d’elle, elles lui trouvent un rival. Il est très clairement indiqué dans ce passage que Lesbie a eu recours à cette pratique147. »
108La vision de la femme qui se dégage à la lecture des notes n’est donc nullement à son avantage, et la manière dont Silvius souscrit aux prises de position du poète nous semble trahir une certaine misogynie. Il n’hésite pas à porter le même regard sur les grandes figures de la mythologie. Le poème 68 mentionne l’enlèvement d’Hélène. L’éditeur, qui explique en général toutes les allusions mythologiques, estime ici ne pas devoir le faire : « L’histoire de l’enlèvement d’Hélène est trop connue et trop affligeante pour que nous devions la rappeler plus longuement148. » La deuxième explication surprend un peu. Le lecteur cherche à comprendre pourquoi l’éditeur semble prendre fait et cause dans un vieux mythe. Dubois poursuit alors : « Il est tout à fait étonnant qu’une femme de si mauvaise réputation, doublée d’une adultère sans honneur, ait failli être cause de la ruine de l’Asie et de l’Europe149. » La cause d’Hélène est entendue. Mais Pénélope, dira-t-on ? Pénélope, figure emblématique de la fidélité conjugale ne sort pas indemne des notes du docteur de la Sorbonne. La reine d’Ithaque est citée en exemple à l’épouse dans le long épithalame en l’honneur de Manlius (poème 61). Catulle la qualifie d’optima mater150. Dubois explique alors en note son mérite : être restée fidèle pendant vingt ans à son mari absent151. Un vers plus loin, le poète précise son nom Penelopaeo. C’est l’occasion d’une nouvelle note qui vient ternir la meilleure des épouses et des mères. Au récit d’Homère, Dubois oppose les témoignages de Lycophron qui dit qu’elle eut un fils des relations qu’elle fut forcée d’avoir avec tous les prétendants, d’Hérodote qui mentionne l’existence d’un enfant de Pénélope et de Mercure, et enfin de Théocrite qui raconte que Mercure s’était métamorphosé en bouc pour obtenir cette étreinte. L’éditeur conclut finalement que Catulle adopte la version la plus courante, celle qui fait de Pénélope une épouse chaste. Mais alors, quel besoin d’une si longue note ? Ce qui est certain, c’est que l’accumulation de ces témoignages passablement scabreux ne rehausse pas le renom de Pénélope.
109D’une manière générale, les personnages ne ressortent pas grandis des notes de Silvius. Et si l’élégie remet en cause les valeurs traditionnelles de la société romaine, il se prête avec complaisance à cela. Certes, Silvius rappelle à propos de César la formule veni, vidi, vici152. Mais il justifie dans ce même poème l’appellation de cinaede Romule153 en expliquant la réputation d’homosexualité qui entachait les relations de César et de Nicodème, le roi de Bithynie, rumeur colportée par les soldats lors du triomphe de César. Et il cite intégralement les vers qu’ils chantèrent alors afin que le lecteur comprenne bien de quoi il en retourne154.
110D’ailleurs, Silvius s’intéresse beaucoup à l’homosexualité. Il ne relâche en rien l’appareil des notes pour les vers de l’épithalame de Manlius concernant la vie passée du jeune marié155 et explique par exemple ce qu’il faut entendre par concubinus : « jeunes esclaves prostitués, c’est-à-dire mignons, dont les Anciens usaient volontiers156 ». Il s’intéresse également de très près à l’anatomie masculine. Ainsi, dans le poème 63 qui traite de la castration que s’inflige Attis. L’instrument utilisé, un silex tranchant157, appelle une note : « Catulle désigne ainsi le morceau de pierre avec lequel les prêtres de la mère des dieux, que l’on appelait les Galles, avaient coutume de s’amputer des parties génitales [...]. D’ailleurs, ce morceau de pierre remplissait le rôle d’un couteau, de ce fait les poètes ont coutume de l’appeler couteau phrygien. [...] Il fut jadis prescrit aux Juifs aussi de se circoncire avec un couteau en pierre158. « Toutes ces précisions sont appuyées par des références : Pline, Juvénal, Claudien ou Josué. La pertinence de ce dernier exemple nous échappe, mais cette question de la circoncision semble bel et bien préoccuper Silvius, qui y fait allusion dans une autre note159. La note sur le silex tranchant semblait suffisante pour comprendre quelle était la mutilation qu’Attis s’imposait. Pourtant Silvius craint que cela ne soit pas bien clair et précise pour le vers suivant ce qu’il faut entendre par membra sim viro : « Il appelle virum cette partie grâce à laquelle nous sommes des hommes160. » Le malheureux Attis, lui, n’est plus vraiment un homme et Catulle fait alterner le féminin et le masculin pour le désigner afin de souligner cette équivoque. La première occurrence d’un participe féminin est aussitôt soulignée par l’éditeur : « Catulle désigne Attis, en proie à la démence et émasculé en utilisant le genre féminin, parce que, désormais privé de sa virilité, il était presque une femme161. » On remarquera la répétition eviratum / virilitate privatum. Nous touchons une question grave. Pourtant, par crainte d’avoir été insuffisamment compris, Silvius annote chaque nouvelle occurrence du genre féminin162. Le personnage que Catulle nomme ironiquement Mentula ne risque pas, lui, d’être qualifié par des féminins puisque sa spécificité est justement la taille énorme de son organe. Le résumé du poème signale clairement cette caractéristique : « hormis la taille gigantesque de son organe obscène163 ».
111Pour en finir avec ce chapitre et montrer combien Silvius affectionne les propos grivois, citons une de ces anecdotes passablement lestes qu’il juge bon de faire figurer en note. Pour éclairer un passage de l’Epithalame de Manlius incitant l’épouse à la fidélité164, Silvius fournit l’explication suivante : « Car les femmes mettent en général au monde des enfants qui ressemblent à ceux qui les ont engendrés165. » Et il ajoute aussitôt, pour illustrer son propos : « Ainsi Julie, la fille d’Auguste, mit toujours au monde des enfants qui ressemblaient à Agrippa ; comme certains, connaissant ses débauches et son impudeur s’en étonnaient, elle répondit plaisamment : “Je ne prends jamais de passager à bord si le navire n’est pas plein.” Par ces paroles spirituelles, elle voulait dire qu’elle ne laissait pas des amants disposer de son corps avant d’avoir été mise enceinte par son mari166. » Silvius n’hésite pas à qualifier la réponse de Julie d’urbane dicto (« paroles spirituelles »). Lui-même préfère préciser crûment de quoi il en retourne. Le lecteur se demande alors en quoi cet exemplum d’un froid cynisme peut contribuer à la formation d’un jeune homme. Nous pourrions multiplier les exemples, mais nous craignons qu’une énumération ne devienne fastidieuse.
6
112Cette édition apparaît donc comme un travail minutieux, dans lequel Silvius s’est efforcé de réunir tout ce qu’il a trouvé chez ses prédécesseurs. À défaut d’être une édition scientifique cherchant à offrir un texte sûr accompagné de notes brèves et pertinentes, l’ouvrage se veut plutôt l’écho des travaux antérieurs, ce qui explique une certaine boursouflure de l’appareil des notes. Le travail de compilation est parfois un peu trop manifeste, le souci d’exhaustivité l’emportant sur la cohérence de l’ouvrage.
113Silvius a voulu donner à Catulle, Tibulle et Properce leurs lettres de noblesse en vantant la qualité du style et en les rapprochant de poètes nobles et reconnus comme Virgile. Pourtant, en multipliant les notations lestes, ce qui nous semble être une empreinte assez personnelle, il conforte plutôt les trois hommes dans leur rôle de poètes licencieux. Et la remarque d’un biographe prend alors tout son sens : « Il paroîtra au reste assez étonnant qu’un docteur de Sorbonne se soit amusé à interpréter, & à commenter trois poëtes qui tiennent un des premiers rangs entre les auteurs lascifs de l’antiquité167. »
Notes de bas de page
1 Les exemplaires consultés sont ceux de la BN, cote Yc 561-562, et de la BM de Grenoble, cote F 6030.
2 Post longam satis temporum intercapedinem, tanta nimirum fuit tarditas, tam diuturna procrastinatio, ante complures enim annos...
3 Haec te, lector optime, nolebam nescire.
4 François Boisard, Notices biographiques, littéraires et critiques des hommes du Calvados..., Caen, 1848, dans Archives de biographie française.
5 Théodore Éloi Le Breton, Biographie normande, Rouen, 1857-1861, 3 vol., dans Archives de biographie française.
6 Jean-Pierre Niceron, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres de la République des lettres..., Paris, 1729-174 5,43 vol., dans Archives de biographie française.
7 Charles Jourdan, Paris, 1862, p. 246.
8 Morbique gravissimi, quibusper biennum fere desperatâ meâ salute [...]. Ubi [...]paulatim relevatus, tantillum coepi respirare, statim animum, manumque ad opus adjunxi.
9 Joannis Maldonati Societatis Jesu [...] Opera varia Theologica..Paris, 1677.
10 Ce qui valut à ces pièces d’être manquantes dans un certain nombre d’exemplaires, comme le souligne Niceron, op. cit.
11 Bibliotheca Telleriana, siue catalogus Librorum bibliothecae Caroli Mauritii Le Tellier..., Paris, Imprimerie royale, 1693.
12 Brescia, 1486 ; Venise, 1487.1488, 1491 et 1493. C’est à partir de l’édition de 1491 que sont proposés les commentaires de Beroaldo pour Properce.
13 Al. Tibulli elegiarum libri quatuor, una cum Val. Catulli epigrammata, necnon et Sex. Propertii libri quatuor elegiaci, cum suis commentariis, uidelicet Cylaenii Veronensis in Tibullum, Parthenii et Palladii in Catullum, et Philippi Beroaldi in Propertium. Habes insuper emendationes in ipsum Catullum per Hieronymum Avancium Veronensem..., Venise, 1520.
14 À Venise, chez l’imprimeur Paul Alde Manuce.
15 Catullus, Tibullus et Cornelius Gallus cum doctissimorum uirorum lectionibus a Victore Gisclino et Theodoro Pulmanno editis ; Propertiis cum scholiis Gulielmi Canteri, Anvers, 1569.
16 Catulli, Tibulli, Propertii noua editio. Josephus Scaliger, [...] recensuit. Ejusdem in eosdem castigationum liber..., Paris, 1577.
17 Caii Valerii Catulli vita auctore Alexandro Guarino Ferrariensi. /Caii Valerii Catulli vita ex Petro Crinito, lib. II cap. VII De Poetis Latinis. /Caii Valerii Catulli vita ex Lilio Giraldo, De Poëtarum Historia Dialogo X. /Gerhardus Johannes Vossius, De Poetis Latinis. /Cur Valerius Catullus ab A ntiquis doctus fuerit vocatus. /Veterum Testimonia de C. Valerio Catullo.
18 Ovidii Nasonis Elegia deflens Tibulli immaturam mortem. /Domitii Marsi de Tibulli morte Tetrastichon.
19 Albii Tibulli Equitis Romani vita ex Petro Crinito, lib. III De Poetis Eatinis. /Albii Tibulli Equitis Romanis vita ex Lilio Gregorio Giraldo, De Poëtarum Historia, Dialogo IV/Gerardus Joannes Vossius, De Poetis Latinis. /Veterum testimonia de Albio Tibullo.
20 Sexti Aurelii Propertii Equitis Romani vita ex Petro Crinito, lib. III cap. XLIII De Poetis Latinis. /Sexti Aurelii Propertii Equitis Romani vita ex Lilio Giraldo, De Poëtarum Historia, Dialogo IV/Gerhardus Johannes Vossius De Poetis Latinis. /Excerpta ex Gasparis Scioppii Epistola XIII de Propertii patria, quae in ejus paradoxis habetur. / Excerpta ex libro Thaddaei Donnolae J.C. De patria Propertii. /Veterum testimonia de Sexto Aurelio Propertio.
21 Lesquels comportent aussi une biographie de Crinitus, de Giraldus et des veterum auctorum testimonia. Voir la notice de M. Scialuga.
22 On considère en général aujourd’hui que cette pièce est postérieure à Virgile (voir H. Zenhacker et J.-C. Fredouille, Littérature latine, Paris, 1993) et donc bien entendu à Catulle.
23 Cum hae paginae uacuae occurrerent. (p. 191)
24 Silvius justifie également cette insertion par le fait que les notes de Scaliger sont bien connues, ce qui n’est pas le cas du travail d’Eglinus. (Rationes Scaligeri, quoniam in omnium manibus uersantur eius Notae, hic addere supersedebo. Pergam itaque ad Eglinum, qui non ita obuius : cuius sunt haec verbal)
25 Nonnullos versus obscoenos tùm è Catullo, tùm ex Tibullo, ac Propertio resectos, tanquam Augusto non solum Principi, cui hoc Opus est consecratum, indignos, sed et cuilibet etiam verecundo ac probo lectori invisos, separatim editos, alienisque Notis illustratos, ne quid huic trium elegantissimorum Poëtarum editioni deesse videtur, subjecimus. (p. 764) Nous renvoyons à ce sujet au travail d’Étienne Wolff.
26 J.-P. Niceron, Mémoires...,op. cit.
27 Michaud, t. XII, p. 69.
28 Nouvelle Biographie, t. XIII, p. 871.
29 I, v. 1-3.
30 Cum primum illustrissimus DUX MONTAUSERIUS [...] ab LUDOVICO MAGNO [...] SERENISSUM DELPHINUM [...] suscepisset informandum.
31 Meditatus, quâ possent ratione non alumni modo Regii privata, sed & publica studia promoveri, [...] Regi fuit auctor, ut Scriptores Latinos omnes interpretatione faciliori, brevioribusque notis illustrandos selectis viris mandant.
32 PETRUS DANIEL HUETIUS[...] cujus post virum illustrissimum JACOBUM BENIGNUM BOSSUETIUM [...] in erudiendo SERENISSIMO DELPHINO secundae fuerunt partes.
33 Voir § 2.
34 Quoniam me multa alias à Catullo, multa quoque à Tibullo ac Propertio grauioribus studiis occupatum deterrebant. Deterreo signifiant d’ailleurs littéralement « détourner en effrayant ».
35 DUX MONTAUSERIUS, iniquam docti Catulli, comitumque ejus sortem miseratus, effecit, ut horum praesens editio [...] tandem absolveretur.
36 Hos Romanae Linguae Vates elegantissimos.
37 « Ces trois Auteurs qu’on regarde comme les Triumvirs de l’Amour », op. cit.
38 Louis Moreri, Le Grand Dictionnaire historique…, Paris, J.-B. Coignard, 1759, tome II, p. 25.
39 Tum te nec [...] pigebat [...] hoc severo contractam studio explicare frontem saepe et Virgiliigravem jocosis mutare hendecasyllabis Camoenam.
40 Ut igitur unâ eâdemque operâ & Auctoris textus & sensus oculis appareret, continuant versibus, aliis totidem verbis, interpretationem, interpretationi vero quam potui brevissimas annotationes, quae nihil tamen praeterirent difficultatis [...] subjunxi.
41 Voir carmen III de Catulle.
42 Voir carmen I.
43 Voir carmen III.
44 Ibid.
45 Aridulis pro aridis : ut suprà frigidulos, singultus. albulus columbulus. Vocabula illa Catullo sunt familiaria. (LXIV, n. 316)
46 La note critique portant sur le vers 5 du carmen XXV propose ainsi 9 lectures et occupe 67 lignes.
47 [Britannia] dicitur ultima, quia Britanni à toto orbe divisi in ultimo terrarum termino sunt positi. (Carmen XXIX, n. 4, p. 36)
48 [Britanni] dicuntur ultimi quia sunt in extremo terrarum termino positi. (Carmen XI, n. 12, p. 15)
49 Voir XIII, n. 11, p. 17 et n. 14, p. 18 ; XLIV, n. 2, p. 54 et n. 4, p. 55 ; LXIV, n. 213, p. 118 et n. 241, p. 119, etc.
50 Cytorus mons est Paphlagoniae juxta Amastrim urbem... (Carmen IV, n. 11, p. 6)
51 Amastris urbs est Paphlagoniae [...] non procul à Cytoro monte... (Carmen IV, n. 13, p. 6)
52 « Comme nous l’avons vu plus haut ».
53 Une seule note renvoie à une note précédente sans reprendre l’explication : voir LXXXI, n. 1, p. 164.
54 Accuratissimos locupletissimosque vocabulorum omnium indices industriâ summâ, magnoque labore concinnatos invenies.
55 Nullum ego Scriptorem, qui hos Poëtas lepidissimos attrectaverit, praetermisi, omnes pervolvi, multaque ex iis in opus meum selegi.
56 Quos, et si saepe non nominavi, propriâ tamen laude nolim defraudatos.
57 Bibliotheca Telleriana, sive Catalogus Librorum Bibliothecae illustrissimi ac reverentissimi DD. Caroli Mauritii Le Tellier, archiepiscipi duci Remensis…, Paris, 1693.
58 P. 397.
59 Elle est citée p. 394 puisque les ouvrages sont classés en fonction du type d’écrivain (rubrique poètes latins anciens), mais aussi selon le format.
60 Catulli admodum mutilum & lacerum ad nos pervenisse nemini dubium esse debet. Veteres enim Grammatici, maximeque Terentianus Maurus, pluraque producunt ex Catullo, quae nusquam hodiè comparent, (note b, p. 1)
61 Cette formule est utilisée à 28 reprises.
62 Legunt multi, sunt qui legant, plures legunt, quidam legunt, sunt qui velint legi, nonnulli legunt, nonnulli alii legunt, legitur vulgo.
63 Nullus fere Catulli locus medicam manum magis desiderat. (Carmen XXV, n. 5, p. 32)
64 Édition de Georges Lafaye, Paris, Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 1922.
65 C’est le cas pour une quinzaine de notes critiques. Voir I, n. 9, p. 2 ; XXV, n. 5, p. 32, n. 11, p. 33, etc.
66 C’est également le cas pour une quinzaine de notes. Voir VIII, n. 9, p. 11, n. 14, p. 11 ; IX, n. 1, p. 11 ; etc.
67 Quod non male conuenit (« ce qui convient plutôt bien ») (LIX, n. 1, p. 71) ; quod quidem sensum non improbamus (« sens que nous ne récusons certes pas ») (LXVI, n. 28, p. 136), etc.
68 Quod utrum sit accipiendum vident lector. (Carmen LXII, n. 7, p. 88)
69 Hos sane versus, nisi Sibylla legerit, interpretari alium posse reor neminem. Lucem tamen quam potui densissimis tenebris attuli, paratus meliorem amplecti sensum, si quisproposuerit. (Carmen LIV, n. 1, p. 66)
70 Locus hic difficillimus à variis eruditissimis vins varie exponitur, mirum est quantum omnes torserit. [...] si quis vero meliùs aliquid protulerit, gratulabimur. (Carmen LXVI, n. 5 3, p. 138)
71 Voir par exemple carmen LXIV, n. 324, p. 126 et carmen LXVI, n. 30, p. 136.
72 Voir par exemple IX, n. I, p. 11 ; XXI, n. 5, p. 27 ; XXIV, n. 4, p. 31 ; etc.
73 Carmen XXII, n. 11, p. 28.
74 « Les manuscrits anciens comportent, et c’est peut-être meilleur... », LXVI, n. 93, p. 141.
75 Voir par exemple carmen LXI, n. 171, p. 82 ; carmen LXVII, n. 42, p. 143 ; carmen LXII, n. 9, p. 88.
76 Voir carmen XXII, n. 11 p. 28 ; carmen XXIV, n. 4, p. 31.
77 Voir carmen IX, n. 1, p. 11.
78 Voir carmina I, n. 2, p. 1 ; VIII, n. 14, p. 11 ; XII, n. 9, p. 16 ; LXIII, n. 52, p. 98 ; CXI, n. 3, p. 186.
79 Carmen LV, n. 4, p. 67, et carmen XXXIX, n. 11, p. 49.
80 Cum autem ad locum hunc Catulli obscurissimum illustrandum maxime faciant quae de Calvo scri hit Seneca Controversiarum lib. 3 controversia 19 ; ejus verha hîc dehere me recensere putavi. Suit une citation de 22 lignes. (Carmen LUI, n. 5, p. 65)
81 Versus hic restitutus est e scholiis in Apollonium. (Carmen LXVI, n. 43, p. 137)
82 Voir XXIV, n. 4, p. 31 ; XXV, n. 5, p. 32 ; LXVI, n. 30, p. 136 ; XVII, n. 6, p. 23 ; XXV, n. 5, p. 32 ; CXV, n. 8, p. 182 ; XLIII, n. 1, p. 53 ; CVII, n. 6, p. 183 ; CXII, n. 1, p. 186 ; LXI, n. 171, p. 82 ; LXIV, n. 179, p. 116.
83 « Nous lisons avec Scaliger. » (Carmen XXV, n. 2, p. 32) Silvius utilise une formule très similaire dans la seconde note : Sed cum Scaligero legendum putamus... (« Mais avec Scaliger, nous pensons qu il faut lire... ») (Carmen XLIII, n. 1, p. 53)
84 Carmen XVII, n. 19, p. 23.
85 Aliter etiam haec legit et exponit suo more laudabili Scaliger ; qui non advertit... (Carmen LXI, n. 186, p. 83)
86 ... Scaliger, qui solus interpretandum ante nos sucepit hoc Epigrammata ; ceteris enim visum est ineluctabile. (Carmen LIII, n. 2, p. 66)
87 Mirum certe est quantum hîc correctorum vulgus debacchatum sit. (Carmen CXI, n. 1, p. 185)
88 On dénombre environ 375 citations et 435 références dans les notes.
89 95 notes d’« œuvre » pour Catulle.
90 Outre six notes d’« œuvre », supposées faciliter la compréhension d’ensemble du poème, des notes signalent le début de l’ecphrasis et le début des plaintes d’Ariane.
91 20 notes portent plutôt sur la morphologie et 14 relèvent de la syntaxe.
92 Voir par exemple IV, n. 26, p. 7 ; XXIX, n. 9, p. 37 ; XLIII, n. 8, p. 54 ; I, n. 1, p. 1 ; XXXIX, n. 14, p. 49 ; LXIII, n. 52, p. 98 ; LXIV, n. 145, p. 113.
93 Elles sont environ 345.
94 Pupula seu pupilla est pars oculi minima, à qua tamen oculorum vis aut acies omninô pendet, quae hîcpro oculis usurpatur, ut apudManilium lib. 4. (LXIII, n. 56, p. 99)
95 IX, n. 22, p. 13.
96 Arbor est palma quae non cedit ponderi, sed nititur contra pondus, ideoque victoribus traditur praemio, qudò non cesserint, sedpertinaces in bello perstiterint. Inde vulgò Victoria dicitur palma. (LXII, n. n, p. 89)
97 Hesperus autem vocatur à Catullo Noctifer, quod cum statim post solis occcasum apparent, noctem ferre videatur. (LXII, n. 7, p. 88)
98 Palaestra. latine lucta dicitur, [...]. Aliquando sumitur pro loco in quo fit ejusmodi exercitatio [...]. Stadio : locus est stadium. in quo cursus [...] celebratur. Gymnasiis : locus etiam propriè est gymnasium, seu schola, ubi juvenes luctâ, cursu & saltatione corpora exercebant. Quod saepius nudi factitabant. Quae omnia ludorum & exercitationum genera apud Graecos : unde natus erat Atys, maxime erant in usu. (LXIII, n. 6o, p. 99)
99 Magi Persarum Linguâ hi sunt, quos Graeci Philosophos, Galli Druidas, Ægyptii Prophetas, nos Sapientes appellamus. (LXXXIX, n. I, p. 169)
100 Voir LXIV, n. 190, p. 116.
101 Ibid., n. 79, p. 108.
102 Ibid., n. 114, p-m.
103 Elles sont environ 118.
104 Cycladas : insulae sunt in mari Ægeo. (IV, n. 7, p. 5)
105 Ubi nunc sedem habet Turcarum Imperator. (IV, n. 8, p. 5)
106 Versus est hendecasyllabus, idemque Phaleucius, constatque spondeo, dactylo, & tribus trochaeis : in hoc tamen carmine Catullus ordinem non seruat. (I, n. 1, p. 1) Voir aussi XXV, n. 1, p. 32 ; XXXIV, n. 1 ; p. 42 ; LXI, n. 1, p. 73 ; LXIII, n. 1, p. 94.
107 Voir note concernant le carmen LXII, p. 87.
108 Fecerimus penultimam syllabam, quae brevis est, produxit Poëta, sicut & Ennius penultimam dederitis... (V, n. 10, p. 8). Voir aussi IV, n. 9, p. 5 ; LXI, n. 206, p. 84 ; LXII, n. 4, p. 87 ; LXIV, n. 356, p. 128 ; LXVI, n. 10, p. 135.
109 Voir p. 73.
110 Voir par exemple I, n. I, p. I ; V, n. I, p. 7 ; X, n. 7, p. XXVIII, n. 8, p. 36 ;XLVI, p. ;8.
111 LXII, p. 87 ; LXVI, n. I, p. 134.
112 Voir p. 63.
113 XI, n. 22, p. 16 ; voir aussi LXII, n. 39, p. 92 où c’est la jeune fille qui est comparée à une fleur.
114 Voir LXII, n. I, p. 41. Le vers latin est Moecha putida, redde codicillos, répété sous la forme Redde, putida moecha, codicillos.
115 LXIII, n. 40, p. 97 ; voir aussi LXIV, n. 375, p. 128.
116 Querelarum est Ariadnes exordium, cujus sanè oratio omnis pathetica, & ad movendum animum composita, brevibus constat sententiis, & crebris figurarum mutationibus, velut inter aestus iracundiae fluctuat. (LXIV, n. 132, p. 112)
117 Voir XLII, n. 3, p. 52. Voir aussi XLVIII, n. 6, p. 60 ; LI, n. 5, p. 63 ; LXII, n. 25, p. 90 ; etc.
118 Sic apud Virgil. Dido optat parvum Æneam. (LXI, n. 216, p. 84)
119 Virgilius, qui passim Catullum imitatur. (XC, n. 6, p. 170)
120 Sub nomine Lesbia Clodiam amicam celebrat Catullus, ut Deliam Tibullus pro Plania, Propertius pro Hostia seu Lesbia Cynthiam illustrarunt. (n. 1, p. 7)
121 « Ensuite, quand nous nous serons donné des milliers de baisers. »
122 Etsi quae petit basia bene multa sunt, non sufficiunt tamen Martiali, qui de his lepide suo more... (n. 1o, p. 8)
123 N. 1, p. 7.
124 Dum licet, in rebus iucundis vive beatus,/vive memor quam sis aeui brevis, & c. (« Tant que tu le peux, vis heureux parmi des choses agréables, vis en te souvenant que le temps qui t’es imparti est court, etc. »)
125 Miserarum est neque amori dare ludum neque lavere dulci/mala uino... (« Elles sont malheureuses, les femmes qui ne se prêtent pas au jeu de l’amour, qui ne noient pas leurs peines dans la douceur du vin. »)
126 Nam castum esse decet pium poetam/ipsum, versiculos nihil necesse est. (v. 5-6)
127 Poëtas decet esse viros probos, etsi versus eorum sunt lasciviores. (n. 5, p. 20)
128 N. 4, p. 15 dans Catulle, Poésies, texte établi et traduit par Georges Lafaye, édition citée.
129 Ineptiae uero maxime sunt in obseoenis (XVI, n. 14, p. 21)
130 VI, v. 16-17. (« Je veux vous porter aux nues, toi et tes amours, par de jolis vers », trad. de G. Lafaye.)
131 Applaudere nimiumque sibi attribuere videtur poéta, tanquam sit ipse in coelum scriptis suis sublatus, illucque alios possit efferre. (VI, n. 17, p. 9)
132 VI, v. 1.
133 N. I, p. 63.
134 Belli homines [...] dicuntur qui aliis libenter obsequuntur, [...] quod quidem est animi pusilli et abiecti. (LXXVII, n. 3, p. 163)
135 La note porte sur l’expression inaurata pallidior statua (« plus pâle qu’une statue en or »). Silvius explique que l’or est pâle par nature (aurum suâpte naturâ pallidum est) avant de citer l’anecdote.
136 Cuius rei causam rogatum aliquando Diogenem respondisse ferunt : aurum non immerito pallere, cùm tam multos undique habeat sibi insidiantes. (LXXXI, n. 4, p. 164)
137 Continent hi versus communem querelam de perfidia ingratoque animo eorum, qui se amicos simulant, cùm re vera non sint. Sed res est ita nunc usitata, & de ea tam frequentes sunt sapientium hominum querelae, ut neminem Catullo putem dissentire. (LXXIII, n. I, p. 159)
138 Summa est in amore felicitas invicem aequè amari. (XLV, n. 20, p. 57)
139 Amare enim latiùs patet quam benè velle. Neque enim si quis amet, continuo illud sequitur ut etiam bene velit; cùm tamen benè velle non queat, nisi qui amet. Ita saepe tum belluas, tum res inanimas, ut cibum & potum, signa, statuas, tabulasque egregii operis amare dicimur; quibus tamen nemo sanus nos bene velle dixerit. Asserit igitur Poëta se quondam non tantum amavisse Lesbiam, ut vulgus amicam solet voluptatis nimirùm suae causa; verum etiam ut patres liberos generosve amant, qui non delectatione aliqua, aut utilitate suâ eos diligunt, sed totam suam benevolentiam in ipsorum commoda & opportunitatem referunt. (n. 1, p. 158)
140 Amare & bene velle ideo differre dicunt Pbilosopbi, quia amorperturbatio est ; velle autem est voluntatis & rectae rationis. Suit un extrait des Tusculanes. (n. 6, p. 158)
141 Et ideo amator, qui sibi alium videt praeferri, majore amoris perturbatione afficitur, & acriùs incenditur ; non vult tamen amicae bene velle; imo ulcisci desiderat. (n. 6, p. 158)
142 Significatque muliebribus blanditiis nullam esse adhibendam fidem. (n. i, p. 157)
143 De inconstantia foeminei amoris.
144 N. 4, p. 157 ; affirmation soutenue par une citation.
145 Quod sanè de Lesbia hîc dicit Poëta, illud absolute de toto ejusmodi mulierum genere potest affirmari. (n. i, p. 164)
146 Sed vetustiores codicilles habent ancillis : quod quidem buic loco mirifice convenit. Ancillis enim libidinum omnium administris uti dominas consuevisse, multa Plauti, Tibulli, Ovidii, Propertii, aliorumque testimonia docent, quae referre frustraneum esset, cùm res ipsa sit omnibus nostro etiam saeculo notissima. (LXVII, n. 42, p. 143)
147 Cum perditae mulieres aliquem in amore volunt retinere, rivalem aliquem opponunt. Hac arte usam fuisse Lesbiam hoc loco apertissime indicatur. (n. 1, p. 171)
148 Raptûs Helenae hisloria notior est & tristior quam quae pluribus à nobis referri debeat. (n. 87, p. 150)
149 Mirum sane est, quod tam perditae famae mulier & infamis adultera, Asiae atque Europae exitii pene causa fuerit. (n. 87, p. 150)
150 V. 228-229.
151 Voir n. 228, p. 286.
152 XXIX, n. 19, p. 38.
153 V. 5.
154 Gallias Caesar subegit, Nicodemes Caesarem / Ecce Caesar nunc triumphat, qui subegit Gallias. / Nicodemes non triumphat, qui subegit Gallias. (« César a soumis la Gaule, mais Nicodème a soumis César. Voici que triomphe César, lui qui a soumis la Gaule. Mais Nicodème ne triomphe pas, lui qui a soumis César. ») (n-5, P-37)
155 V. 126 à 140.
156 Meritori pueri, id est catamiti, quibus libenter utebantur Antiqui. (LXI, n. 130, p. 179)
157 Acuto silice, n. 5.
158 Samiam testam innuit, quâ solebant matris Deorum, [...] Sacerdotes, qui Galli dicebantur, sibi genitalia amputare. [...] Illa porro testa Samia cultri vicem praestabat, quia acuta erat ; unde à Poëtis culter Phrygius appellari solet. [...] Judaeis quoque praeceptum fuit olim, ut petrinis seu lapideis cultris circumciderentur. (n. 5)
159 Voir n. 4, p. 59, à propose de l’adjectif verpus.
160 Virum dixit eam partem quâ viri sumus. (n. 6, p. 95)
161 Atyn furore concitatum & eviratum foemino appellat genere Catullus, quia jam virilitate privatus erat quasi foemina. (n. 8, p. 95)
162 Voir n. 12, p. 96 et n. 32, p. 97.
163 Praeter obscoenae partis magnitudinem enormem. (n. 1, p. 187)
164 Il s agit des vers 221 à 225 : Sit suo similis patri/Manlio, et facile insciis/Noscitetur ab omnibus,/Et pudicitiam suae / Matris indicet ore. (« Qu’il ressemble à Manlius, son père, que tous le reconnaissent aisément sans le connaître, et qu’il témoigne, par son visage, de l’honnêteté de sa mère. »)
165 Mulieres enim plerumque pariunt liberos similes iis, ex quibus conceperunt. (LXI, n. 221, p. 286)
166 Sic julia Augusti plia semper plios Agrippae similes procreavit; quod cum nonnulli flagitiorum & impudicitae conscii mirarentur, festiviter respondit: Numquam nisi plenâ navi tollo vectorem. Quo urbane dicto signipcabat se non priùs adulteris potestatem sui corporis facere, quàm ex marito facta esset gravida. (n. 221, p. 286)
167 Moreri, tome II, p. 25.
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La collection Ad usum Delphini. Volume II
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- (2016) Quelle révolution scientifique ?. DOI: 10.3917/herm.duris.2016.01.0355
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