Chapitre 2 : Essai de caractérisation du déploiement des pensées. Étude comparative des propos d’élèves dans le corpus A(p)prendre
p. 65-88
Texte intégral
1. Introduction
1L’étude des processus articulant les prises de parole, leur teneur et leur mode d’insertion en discussion à la finalité pédagogique de l’activité philosophique dialoguée proposée à des collégiens, rendue possible via le prisme du corpus A(p)prendre soumis, nous a permis, en tant que spécialistes du domaine de la Philosophy for Children (désormais P4C), de risquer une étude délicate. S’il est aisé de proposer des méthodologies quasi expérimentales testant les impacts pédagogiques, il est autrement plus complexe de tenter de démontrer, même partiellement, à partir de l’enchainement des paroles (Trognon & Brassac, 1992), ce qui se déploie dans un échange d’idées (Auriac-Peyronnet & Daniel, 2009 ; Daniel et coll., 2017). Car y va-t-il d’un déploiement ? Discuter, dialoguer, échanger des idées, connecter ses pensées obligent à l’étude d’éléments linguistiquement très fins (Roiné et coll., 2021) sans pouvoir toujours tout embrasser.
2Notre proposition se range parmi les travaux produits en psychologie sociale dans le champ de la logique interlocutoire (Trognon, 1993, 1997 ; voir aussi Kébir et coll., dans cet ouvrage, et Tartas & Frappart, dans cet ouvrage). Elle profite, au sens plein du terme, de la mise à disposition du corpus (Mellet, 2002) pour tenter de repérer ce qui pourrait faire la spécificité de profils d’élèves raisonneurs dans les communautés de recherche philosophique (CRP). Suivant les méthodes d’études empiriques sur corpus (Cori, David & Léon, 2008 ; Léon, 2008), nous tentons de décrire les raisonnement(s) en actes. L’objectif est d’atteindre une tendance mesurable, pour réfléchir à l’efficacité dans l’animation des CRP (Yan, Walters, Wang & Wang, 2018). Focalisée sur ce que nous nommons l’amplitude de la pensée, cette dernière est étudiée à partir de la caractérisation des actes de langage produits (Austin, 1970 ; Searle & Vanderveken, 1985) en conversation. Nous nous intéressons à une pensée en acte, en proposant l’étude de la pensée en train de se faire telle qu’elle se verbalise en situation.
2. Caractériser l’amplitude des pensées
3La littérature internationale sur les impacts de la Philosophy for Children (P4C) semble indiquer, dans l’ensemble, des bénéfices avérés associés à cette pratique sur différents champs du développement, notamment cognitif (Auriac-Slusarczyk & Maire, 2020 ; Colom, Moriyón, Magro & Morilla, 2014 ; Millett & Tapper, 2012). Au-delà des méthodologies déductives quasi expérimentales à l’origine de ces résultats, les travaux sur corpus présentent une alternative complémentaire dans laquelle nous nous situons (Auriac-Slusarczyk & Blasco-Dulbecco, 2013 ; Specogna, 2013). C’est la liaison entre les théories des actes de langage et celle de la conversation, saisies en linguistique, qui nous sert d’ancrage théorique (Moeschler, 1992, 2019). L’étude des CRP considère possible un relativisme d’opinions, pendant négatif d’une ouverture d’esprit généralement admise quand on active l’étude des propos d’élèves :
dans la pratique philosophique, l’enfant est incité à prendre à bras-le-corps les idées d’autrui pour y appliquer sa pensée propre […] il s’agit toujours d’intervenir sur les idées des autres et les siennes propres. Lorsqu’on dévoile un présupposé, on éclaire un angle mort. (Hawken, 2019, §40).
4La rationalité est à rechercher au cœur même de l’enchainement interlocutoire (voir Kébir et coll., dans cet ouvrage). Cela impose de vérifier que l’organisation pronominale qui cadre l’espace d’argumentation soit séparée, puis de conjoindre les aspects discursifs, interlocutifs et interlocutoires au sein de l’acte de langage (Auriac, 2008 ; Charaudeau, 1983 : p. 39, p. 46). À cet égard, notre contribution reste une tentative.
2.1. Saisir une pensée en train de se verbaliser
5Si les études d’impacts ciblent les progrès argumentatifs et/ou verbaux en P4C (e.g., Jenkins & Lyle, 2010 ; Säre, Luik & Tulviste, 2016 ; Topping & Trickey, 2014), décrire finement comment la parole vivante participe aux progrès cognitifs des élèves importe (Langlois, 2012). D’autant que ces progrès sembleraient spectaculaires (Mortier, 2005 ; Siddiqui, Gorard & See, 2019). Mais, comment accéder aux traces/preuves des discours se faisant ? La logique verbale, capacité humaine tôt exercée déploie des objets de discours saisis au sein de schématisations (Grize, 1990, p. 29). Si bien que la dynamique d’engendrement verbal modifie le cours de sa propre pensée, son déploiement se caractérisant par l’avènement de schématisations singulières qui s’articulant entre elles, empruntent aussi à autrui (voir Kohler, dans cet ouvrage). La psycholinguistique regorge de travaux qui précisent ce que la logique verbo-cognitive doit aux connecteurs (Cadiot, 2002 ; Rossari & Joyez, 1997), backchannels (Ferré & Renaudier, 2017) qui servent d’indices verbaux (Caron, 1989 ; Caron-Pargue & Caron, 1989) participant aux organisations raisonnées (Grize, 1990 : p. 120). Pour seuls exemples, employer si (Caron, 1979), ou bien tout ça (Ferré, 2009) traduit un usage fonctionnel dépendant de conditions de production en situation qui nécessitent une méthode empirique d’annotation (Bolly, Crible, Degand & Uygur-Distexhe, 2015 : p. 3). Simultanément, la verbalisation trace des formes de distanciation à sa propre pensée en train de se déployer, exploitant tout ou partie du monde convoqué par autrui, partagé alors à des degrés divers. Les auto- ou hétéroréférences organisent des emprunts qui construisent le raisonnement singulier (Authier-Revuz, 2004 ; Roiné, 2016). S’agissant de P4C, elles dessinent au pas à pas le chemin d’une aventure imprévisible et collective (e.g., Beaussoleil & Daniel, 1991 ; Fiema & Auriac-Slusarczyk, 2013). Toute pensée est en mouvement et en déplacement.
2.2. La rencontre avec le corpus « A(p)rendre »
6Adoptant une exploration empirique des données (Cori et coll., 2008), nous avons été intriguées par des prises de parole longues a priori complexes organisant une pensée en train de se faire. Pour des spécialistes de la P4C, les propos de Léonie1 se présentaient comme cas d’école intéressant. Comme « Ornella [qui], modifie sa pensée en fonction du développement collectif de la réflexion avec ses camarades » (Hawken, 2019), Léonie, par la configuration même de ses propos faits d’hésitations, de reprises, d’appuis sur des connecteurs discursifs et des référents pronominaux manifestait une modification progressive de sa pensée en la verbalisant (§. 2.2.1.). Par ailleurs, la lecture de l’ensemble du corpus A(p)prendre nous a conduites à ne pas négliger la notion de style d'animation. Pour cela nous avons analysé les propos des six animateurs et leur manière de guider l’interlocution (§. 2.2.2.).
2.2.1. Le cas de Léonie
7Léonie active des accords explicites liés à une précédente parole (ouais), des connecteurs plus ou moins logiques (bah, parce que, du coup, Moeschler, 2019 ; voir aussi Ferré, dans cet ouvrage), des traces de nuances (toujours), des prises en charge du discours (moi je suis plus) et en appelle à la doxa (au fil du temps), autrement dit aux opinions émergentes et perçues comme évidentes dans un contexte socioculturel donné (le conquérant).
Extrait 1.
(1) | 171 Léonie | heu :: ouais mais en même temps je pense que heu peut-êt(r)e que lui// je dis ça comme ça mais c’est peut-êt(r)e pas (xxx)// mais peut-êt(r)e que lui heu il heu : quand il conqui / conqui conqui-sait ? |
(2) | 173 Léonie | conquérait euh :: / conquérait un :: / une ville ou un pays euh :: // il était quelqu’un mais que quand il dirigeait sa ville il était une autre personne // et que du coup il s /quand il : conquérait une ville bah il /par exemple/ il se prenait à :: // il a une personne parce qu’il y avait plusieurs personnes en lui// et que quand il conquérait une ville il était une personne // quand il dirigeait sa ville il était une / une personne // quand il était chez soi il était une personne |
(3) | 189 Léonie | heum ::: sur la question est-ce que l’on change au fil du temps ou est-ce que l’on /on reste le même // moi je suis plus on :: on reste le même parce que // okay par exemple on peut /on peut changer// on peut changer et :: on :: a envie d’être une personne mais en :: / en soi on est toujours la même personne qu’on était avant puisque :: on est toujours la même pers / (en)fin on est toujours le même humain entre guillemets euh : et du coup bah même si on essaie de ch/ de changer bah i(l) y aura toujours une personne en nous qui sera pareil qu’avant |
2.2.2. Distinguo entre styles d’animation
8Deux styles d’animation nous ont semblé opposables. Un premier style dit compréhensif se caractérise en ce qu’il questionne, cherche à comprendre, faire comprendre, use de reformulations via des occurrences d’expressions comme « ça voudrait dire que… c’est ça ? » ou « toi tu penses que… ». Les exemples (4, 5 et 6) suivants illustrent ce style :
Extrait 2.
(4) | peut-être […] faut essayer […] euh on est sur la phrase […] tu reviens sur ce qu’a dit […] c’est ça ? […] peut-être […] vas-y […] hum tu dis en gros […] et du coup ça est-ce que pour toi ça donne un sens… ? |
(5) | toi tu penses que ça veut dire […]) qu’est-ce que tu entends par là ? […] je dis des choses peut-être que vous pouvez compléter […] est-ce que c’est ça que tu voulais dire quand tu disais […] c’est ça ? […] du coup j’insiste lourdement du coup {vers Nizam} est-ce que tu aurais des […] questions […] comment vous définiriez l’autre en général ? |
(6) | alors dans savoir il y a le terme savant […] on peut essayer du coup de de l’de reprendre les définitions […] même si c’est faux on avance […] est-ce qu’il y a autre chose qui vous interpelle dans l’association de ces deux termes ? |
9Un second style dit argumentatif incite à l’explicitation du point de vue et de la logique du raisonnement et à la recherche de preuves, usant de connecteurs logico-discursifs tels « donc », « du coup », assortis de questions telles « tu peux expliquer ? » (cf. exemples 7 et 8)2 suivants :
Extrait 3.
(7) | est-ce que tu peux développer un peu ? […] alors on serait encore avec notre massue ? Pourquoi tu parles de massue ? […] oui mais quel type de questions ? […] okay donc il faut être positif » |
(8) | « et pourtant si euh ::: si le destin existe t’as dit que […] donc ? […] eh bah voilà […] c’est nous ? […] d’accord donc c’est pour ça que tu dis ça ? […] oui mais c’est toujours le destin […] tu en déduis quoi ? […] donc ? […] et la prêtresse elle a lu dans les chez les dieux le destin […] donc ? […] enchainé à son destin très juste […] donc ça serait leur destin ? |
2.2.3. Vers une grille de lecture interprétative des propos d’élèves
10Partant des constats liminaires précédents (2.2.1 et 2.2.2), une grille d’interprétation de propos d’élèves s’est peu à peu élaborée, tentant de typifier les mouvements d’une pensée à l’aide de points d’ancrage servant l’amplification de la pensée.
3. Modalités d’analyse
11Pour comprendre notre méthode d’analyse, nous userons d’une métaphore. Imaginez un bonhomme (ou une grenouille) qui face à l’inconnu (imprévisibilité) se lance dans un vide intersidéral et atterrit sur des cailloux (ou des nénuphars sur un lac) dont il (elle) construit lui(elle)-même l’assise au fur et à mesure de ses bonds. Penser consiste ainsi à créer ses propres appuis pour progresser : c’est le principe même d’imprévisibilité et de constructibilité de toute conversation (cf. Trognon, 1997). Les expressions « je rebondis sur… », caractéristiques en CRP, filent cette métaphore. Qualifier une pensée en actes a supposé, pour nous, de déterminer des cailloux-nénuphars, comme de caractériser le chemin emprunté, ce que nous nommons respectivement déplacement puis déploiement. Chaque caillou-nénuphar peut prendre des formes différentes : assertion pure, nuances, connectivité. Il faut se représenter des cailloux-nénuphars de tailles ou configurations variées. Nous postulons que les deux facteurs croisés 1) le déplacement, et 2) le déploiement de la pensée, caractérisent des profils d’élèves différenciés. Plus les cailloux-nénuphars sont nombreux, et plus leurs formes varient, plus l’amplitude du raisonnement verbal est élevée.
3.1. Qualifier les pensées en acte : objectifs et outils
12L’objectif principal est de sélectionner des indicateurs liés à ces mouvements de déplacement et de déploiement responsables, selon notre interprétation de l’amplitude, d’une pensée en acte chez les élèves. Ensuite, le dénombrement des assises interlocutoires (§. 3.1.1.) et des reliefs de déploiement (§. 3.1.2.) mesurent l’amplitude d’une pensée s’élaborant en interlocution. Le degré d’amplitude est ainsi le produit d’une conversion de nos variables qualitatives en variables quantitatives, un degré s’appliquant à chaque pensée d’élève en compilant ses tours de parole (§. 4.1.2.).
3.1.1. Les variables de déplacement : les assises interlocutoires de la pensée
13Le déplacement correspond aux mouvements qui ancrent la parole au sein de l’espace interlocutoire. À chaque bond de bonhomme-grenouille, se créent les cailloux-nénuphars : ce sont les assises interlocutoires de la pensée, qui délimitent le trajet. Les expressions d’auto- hétéro- référencement aux contenus des propos produits ou déjà produits en font partie (« si // reprenons l’exemple de la casquette à Nizam on montre l’ombre »). Plus minimalement, des appuis sur le discours d’autrui pointent les dits antérieurs sans prendre en charge le contenu ou la référence via des expressions comme : « toi tu penses que » ; « je voulais dire la même chose », « je rebondis sur… », « bah non mais si tu ». Les accords/désaccords explicites, la mention « oui/non », les emplois interlocutifs de « bah » renvoient eux aussi à l’enchainement des tours de parole : cailloux-nénuphars déposés, ils sont les échos explicites aux idées déposées. Les pronoms et la prise en charge du discours (« ce que je voulais dire, c’est que tant que j’ai pas de preuve, je sais pas ») dénotent eux la distance à ce qui est ou a été avancé, qu’il s’agisse de doxa, d’opinion personnelle, d’idées émises par autrui. Les cailloux-nénuphars sont plus ou moins éloignés, supposant des bonds d’ampleur ajustée. La pensée transite par ces assises interlocutoires correspondant dans ce que dit Nourra (93) à une cotation de 8 degrés de déplacement (8 cailloux-nénuphars4).
Extrait 4.
(9) | euh :: moi je dis aussi comme toi t’as dit euh :: euh // elle est vérifié par soi-même mais aussi ça se base aussi sur de la confiance // euh : quelqu’un te dit la couleur de Nizam elle est :: // est orange et noir et toi tu le vérifieras pas // bah c’est // (en)fin |
14Les propos adultes sont utilisés quand les élèves exploitent leurs paroles comme assises interlocutoires. Un objectif secondaire considère aussi le style d’animation et le genre comme variable d’étude à contrôler (voir §. 4.3).
3.1.2. Les variables de déploiement : le relief intrapsychique de la pensée
15Les assises interlocutoires canalisent sur chaque caillou-nénuphar un possible raisonnement singulier, tel Elias verbalisant « imaginons que », expression qui enclenche le déploiement de sa pensée singulière issue suite aux propos tenus. Généralement assertive en CRP, la pensée présente des reliefs propres à son déploiement : accompagnant les assertions, les nuances (presque / ça dépend), les expressions de doute (j’sais pas / peut-être) et les connecteurs plus ou moins logiques (même si / donc / tant que / du coup). Les exemples 10 et 11 de Ramon5 illustrent ces déploiements6 cotés respectivement de 11 et 10 degrés de déploiement.
Extrait 5.
(10) | <pa>/parce que par exemple si on s’isole // bah :: c’est ça notre destin // euh ::: qu’on va/qu’on va continuer de s’isoler et par exemple un jour // bah ::: quelqu’un va venir et va te tendre la main // par exemple // c’est ça son destin |
(11) | bah : on peut pas y échapper // c / c’est // par exemple euh ::: // si/si vous voulez le feinter bah : il se /se // c’est comme un euh :: // c’est comme euh :: quelqu’un qui sait ce qui :: va se passer à l’avance // comme quel/par exemple moi je frappe Dan // Dan il va l’esquiver // il va savoir ce qui va se passer |
3.1.3. Grille de cotation illustrant le degré d’amplitude d’une pensée
16Le corpus A(p)prendre fut ainsi passé au crible de la grille suivante (Tableau 1), permettant de repérer et caractériser la pensée des élèves en termes de déploiement, via les assises interlocutoires, et de déplacement, via les reliefs du discours.
Tableau 1 – Grille de cotation illustrée des assises interlocutoires et des indicateurs de reliefs.
Indicateurs | Illustrations (cf. corpus QuDES) | |
Assises interlocutoires | Appuis sur le discours d’autrui | Ramon 66 : je rebondis sur ce qu’a dit Shade euh que :: |
Reprises de discours d’autrui | Shade 232 : à l’avenir / 437 évadé 495 : s’échapper du destin, | |
Auto- ou hétéroréférencées | Ramon 44 si on s’isole ; Shade 731 pour toi faut prouver que dieu existe | |
Prises en charge | ça dépend/ si tu crois/j’y crois/pour moi/moi je pense, on m’a dit | |
Indicateurs de reliefs | Assertions | [il] serait apeuré/condamné/abandonné ; c’est des bactéries |
Doxa | l’exemple du billet : on trouve un billet de 5 ou 10 euros ; euromillion | |
Connecteurs logiques | des fois, du coup, mais, en fait, ou alors, donc | |
Accords explicites | oui, ouais, voilà | |
Nuances | peut-être, trop, en général |
3.2. Catégorisation en double aveugle de deux sous-corpus
17Parmi les corpus consultés7, les corpus « Qu’est-ce que le destin ? » (QuDES) et « Croire et savoir » (CroSAV) ont été sélectionnés et codés en double aveugle. Dès qu’une marque était délicate à catégoriser, les cas litigieux furent harmonisés par discussion, notamment pour si, bah si8 puis non à valeur d’assertion ou d’argumentation : l’enchainement interlocutoire permet souvent de trancher9.
18Issu d’une division par le nombre de tours de parole par élève, un ratio élève permet un comparatif interindividuel, sur la base de nos onze indicateurs comptabilisés élève par élève (Tableau 2).
Tableau 2 – Répartition des indicateurs étudiés (appuis sur autrui, accords, reprises du discours d’autrui, doxa, assertions, doutes, nuances, connecteurs logiques, désaccords) de 6 élèves de 5e et 7 élèves de 6e : ratios divisés par le nombre de tours de parole produits par chaque élève.
Élève | Classe | Appui sur autrui | Accord | Reprise du discours d’autrui | Doxa | Assertion | Doute | Nuance | Connecteur discursif | « non » |
Léonie | 5e | 0,39 | 0,14 | 0,44 | 0,07 | 0,83 | 0,01 | 0,03 | 0,63 | 0,13 |
Clément | 5e | 0,43 | 0,14 | 0,61 | 0,02 | 1,57 | 0,23 | 0,05 | 1,41 | 0,11 |
Nizam | 5e | 0,57 | 0,00 | 0,43 | 0,00 | 0,86 | 0,00 | 0,00 | 0,29 | 0,00 |
Mehdi | 5e | 0,45 | 0,00 | 0,18 | 0,00 | 0,36 | 0,00 | 0,00 | 0,09 | 0,09 |
Jean-Luc | 5e | 0,65 | 0,03 | 0,74 | 0,68 | 1,98 | 0,15 | 0,05 | 2,13 | 0,19 |
Nourra | 5e | 0,52 | 0,17 | 0,74 | 0,00 | 1,22 | 0,39 | 0,00 | 1,43 | 0,09 |
Shade | 6e | 0,43 | 0,12 | 0,26 | 0,12 | 0,26 | 0,17 | 0,99 | 0,38 | 0,09 |
Abelle | 6e | 0,47 | 0,05 | 0,24 | 0,03 | 0,50 | 0,06 | 1,01 | 0,12 | 0,09 |
Yann | 6e | 0,75 | 0,00 | 0,10 | 0,00 | 0,65 | 0,00 | 0,00 | 0,10 | 0,10 |
Ramon | 6e | 0,34 | 0,07 | 0,32 | 0,03 | 0,82 | 0,04 | 0,00 | 0,18 | 0,03 |
Elias | 6e | 0,79 | 0,04 | 0,36 | 0,21 | 0,57 | 0,04 | 0,04 | 0,21 | 0,07 |
Dan | 6e | 0,68 | 0,03 | 0,15 | 0,05 | 0,73 | 0,00 | 0,00 | 0,08 | 0,08 |
Pierre | 6e | 0,61 | 0,00 | 0,09 | 0,04 | 0,61 | 0,04 | 0,00 | 0,26 | 0,13 |
3.3. Études corrélationnelles
19Onze variables dépendantes, correspondant aux indicateurs de déplacement ou déploiement sont exploitées. Il s’agit de vérifier dans quelle mesure ces indicateurs présentent une interdépendance pour expliquer l’amplitude du raisonnement. Dit autrement, certains de ces indicateurs agissent-ils l’un corrélativement à l’autre pour expliquer l’amplitude des pensées ? Nous avançons l’hypothèse d’une interdépendance. Par ailleurs, deux variables, le style d’animation (argumentatif vs. compréhensif) confondu ici avec l’âge (12-13 ans), puis le genre sont contrôlées. Dans chaque cas, des analyses quantitatives de corrélations ont été effectuées.
4. Résultats
20Les productions orales des 13 élèves ont été explorées en étudiant QuDES pour la classe de 6e (âge médian = 12 ans) et CroSAV pour les 5es (âge médian = 13 ans). QuDES comporte 438 tours de parole contre 245 pour CroSAV. Les tours de parole ne sont pas équitablement répartis entre élèves (Figure 1) : cette hétérogénéité distingue grands, petits et moyens parleurs (par élève : moyenne = 52,54 tours de parole, écart-type = 46,01, empan de 7 à 173 tours de parole).
21Six grands parleurs (Léonie et Jean-Luc en 5e, Shade, Abelle et Ramon en 6e) capitalisent un nombre important de tours de parole, laissant Nizam, Mehdi, Nourra en 5e et Yann et Pierre en 6e disposer de très peu de tours de parole, Clément en 5e, Elias et Dan en 6e étant repérés comme parleurs quantitativement moyens.
4.1. Caractérisation de profils d’élèves via le déplacement et le déploiement des pensées
22La cotation, via nos indicateurs de déplacement et de déploiement pour typifier l’amplitude des pensées, caractérise chaque élève.
4.1.1. Différenciation de profils d’élèves
23La nature comme la fréquence des indicateurs mobilisés aboutissent à dégager des profils (Figure 2). Ainsi Shade est l’élève qui active le plus de nuances, tout en réservant un nombre d’appuis de type accord quasiment équivalent à ceux de Léonie. Jean-Luc est champion de la connexion logique. Léonie doute très peu, alternant plutôt accords, désaccords et assertions.
24Notre cotation engendre des profils d’élèves différenciés, ce qui valide notre méthodologie.
4.1.2. Vers l’établissement de profils d’élèves-types
25Les amplitudes de pensées vont du simple au triple, de 1,75 à 6,84, respectivement, pour les 6es (Shade : 2,96, Abelle : 2,64, Yann : 1,75, Ramon : 1,97, Elias : 2,50, Dan : 1,80, Pierre : 1,83) et pour les 5es (Léonie : 3,06, Clément : 4,70, Nizam : 2,14, Mehdi : 1,27, Jean-Luc : 6,84, Nourra : 4,83). La Figure 3a représente cette amplitude proportionnelle de la pensée des 13 élèves, qui détachent radicalement trois élèves : Jean-Luc, Clément et Nourra. Ces derniers apparaissent comme cognitivement prolixes, actualisant une pensée qui progresse en complexité coordonnant maints appuis : assises et reliefs. Conjointement, pour ces trois élèves, la fréquence élevée d’assertions et de connecteurs logiques dans leurs discours singuliers est notée.
26Comparé à leur profil interindividuel, le degré d’amplitude des pensées de plusieurs élèves contraste avec leur capital parole. Le croisement est éclairant : si Jean-Luc, Clément et Nourra présentent l’amplitude de pensée la plus importante (Figure 3, à gauche), quantitativement ce sont les fréquences d’interventions de Shade, Léonie, Abelle et Ramon qui sont les plus élevées (Figure 3, à droite). Raisonner verbalement est à distinguer d’intervenir verbalement.
4.2. Tendances corrélationnelles
27Deux tendances sont observées : a) l’assertion parait dépendante interlocutoirement des idées émises, situant la reprise des idées d’autrui en lien avec la doxa (§. 4.2.1.), et b), les connecteurs logiques, marquant l’amplification de la pensée, s’accompagnent de doute et de nuances, fondés à expliciter le désaccord quand il est verbalisé frontalement par « non » (§. 4.2.2.).
4.2.1. Le rôle des actes assertifs
28L’emploi d’assertions est significativement positivement corrélé à l’évocation de doxa et à la reprise du discours d’autrui, cette dernière étant elle-même corrélée à l’usage des marques d’accord (Tableau 3). Cette tendance semble qualifier des extraits de discussion permettant d’asseoir le consensus, le construire, le fonder assertivement.
Tableau 3 – Corrélations entre occurrences des indicateurs langagiers (appuis sur le discours d’autrui, reprises du discours d’autrui, accords, appels à la doxa, assertions) dans CroSAV et QuDES.
Appuis sur le discours d’autrui | Reprises du discours d’autrui | Accords | Doxa | Assertions | |
Appuis sur le discours d’autrui | 1 | - 0,169 | - 0,549 | 0,301 | 0,038 |
Reprises du discours d’autrui | 1 | 0,597* | 0,464 | 0,827** | |
Accords | 1 | - 0,103 | 0,280 | ||
Doxa | 1 | 0,586* | |||
Assertions | 1 |
29Nous illustrons avec le tour de parole d’Elias (12)10 :
Extrait 6.
(12) | c’est / bah : c’est s’engager euh : bah : à croire à faire des offrandes // des euh :: // des euh :: // des sacrifices bah : pour dieu pour qu’il soit euh :: // bah : bah : pour qu’il dise ce qu’on veut // mais là // mais là // mais là maintenant c’est pour qu’il se tourne bah :: // bah : un destin positif // pour qu’il écrive un / un destin positif |
30Les cinq assertions (faire des offrandes, [faire] des sacrifices, qu’il dise ce qu’on veut, qu’il se tourne [vers un destin positif], qu’il écrive un destin positif) s’articulent aux connecteurs plus ou moins logiques (pour qu’il, mais là, bah) qui organisent, en partie au moins, la progression du raisonnement.
4.2.2. Le rôle des connecteurs logiques : dire « non »
31L’emploi des connecteurs logiques est significativement positivement corrélé aux prises en charge, aux expressions de doute et aux emplois interlocutoires de « non », autrement dit de désaccords opposés aux idées d’autrui (Tableau 4).
Tableau 4 – Corrélations entre occurrences des indicateurs langagiers (prises en charge du discours, questions, doutes, nuances, connecteurs logiques, marques de désaccords) dans QuDES et CroSAV.
Prises en charge | Questions | Doutes | Nuances | Connecteurs logiques | Désaccords (« non ») | |
Prises en charge | 1 | - 0,047 | 0,483 | - 0,215 | 0,655* | 0,477 |
Questions | 1 | - 0,181 | - 0,354 | - 0,211 | 0,055 | |
Doutes | 1 | 0,109 | 0,710** | 0,221 | ||
Nuances | 1 | 0,178 | 0,004 | |||
Connecteurs logiques | 1 | 0,599* | ||||
Désaccords (« non ») | 1 |
32Cette tendance parait décrire des moments au cours desquels des désaccords pointent, avec leur lot de subjectivité assumée et d’incertitudes exprimées, durant lesquels toute déviance au consensus collectif se justifie et s’argumente activement. Nous illustrons avec le tour de parole de Jean-Luc (1311).
Extrait 7.
(13) | non ce que je voulais dire c’est que tant que j’ai pas de preuves je sais pas // parce que/ je prends un exemple // on m’ dit// (il) y a / je crois qu’(il) y a un singe qui s’est échappé du zoo // je vais faire // bon vu que je te connais tu m’as : pas menti souvent / je vais y croire mais // je suis pas sûr // que si tu fais // […] // je / du coup je / ça je vais attendre d’être sûr / je vais être sûr de le savoir // […] // tant que tu démontres pas que c’est vrai par A + B // euh: // c’est que de/ c’est que une chose que l’on croit // une chose que l’on sait c’est si on a démontré par A + B que c’est ça |
4.3. Impacts du style d’animation et de l’âge
33Trois des onze variables se corrèlent au style et à l’âge. Le genre des élèves n’est corrélé à aucun de nos indicateurs.
4.3.1. Impact de l’âge et/ou du style d’animation
34Le style d’animation et/ou l’âge distinguent QuDES et CroSAV sur certains indicateurs (Tableau 5). Plus les élèves avancent en âge, plus ils emploient de connecteurs logiques, reprennent activement le discours d’autrui ou fondent leur discours sur des assertions.
Tableau 5 – Corrélations entre les facteurs classe, niveau logico-moral et âge et l’occurrence de certains indicateurs langagiers (reprises du discours d’autrui, connecteurs logiques, assertions, tours de parole) dans QuDES et CroSAV.
Style/âge | Reprises du discours d’autrui | Connecteurs logiques | Assertions | Tours de parole | |
Style/âge | 1 | 0,707** | 0,632* | 0,582* | 0,245 |
Reprises discours d’autrui | 1 | 0,896** | 0,827** | 0,007 | |
Connecteurs logiques | 1 | 0,911** | 0,036 | ||
Assertions | 1 | - 0,181 | |||
Tours de parole | 1 |
35Alternativement ou complémentairement, le style compréhensif à 13 ans (i. e., en 5e) (vs. argumentatif à 12 ans, i. e., en 6e) serait significativement corrélé à ces indicateurs (Figure 4.).
4.3.2. Doutes et désaccords : quelle généalogie ?
36QuDES et CroSAV distinguent les élèves de 13 ans qui ont tendance, plus que les élèves de 12 ans, à investir des épisodes de désaccords (emploi interlocutoire du non), de doutes et à manier davantage les connecteurs logiques (Tableau 6).
Tableau 6 – Corrélations entre le facteur classe et le nombre d’occurrence de certains indicateurs langagiers (prises en charge du discours, questions, doutes, nuances, connecteurs logiques, marques de désaccords), dans les corpus CroSAV et QuDES.
Style/âge | Prises en charge | Questions | Doutes | Nuances | Connecteurs logiques | Désaccords (« non ») | |
Style/âge | 1 | 0,459 | 0,015 | 0,350 | 0,378 | 0,632* | 0,210 |
Prises en charge | 1 | - 0,047 | 0,483 | - 0,215 | 0,655* | 0,477 | |
Questions | 1 | - 0,181 | - 0,354 | - 0,211 | 0,055 | ||
Doutes | 1 | 0,109 | 0,710** | 0,221 | |||
Nuances | 1 | 0,178 | 0,004 | ||||
Connecteurs logiques | 1 | 0,599* | |||||
Désaccords (« non ») | 1 |
37L’écart-type comparant la distribution des élèves de 12 ans (6e) vs. de 13 ans (5e) indique que le groupe des élèves de 6e est plus homogène : ceci confirme que les cas de Jean-Luc, Clément et Nourra, augmentent la distribution des écarts dans le groupe des élèves de 5e (Figure 5).
5. Conclusion
38Notre tentative de caractériser différentiellement la pensée en acte des élèves aboutit. L’exploitation qualitative puis quantitative du corpus A(p)prendre met à jour des profils d’élèves contrastés : on peut décrire une pensée par ses assises interlocutoires (emplois du « non », prises en charge, reprises du discours d’autrui) couplées aux reliefs (assertions, doutes, nuances, questions) qui agissent en amplifiant la pensée. Penser verbalement (Figure 3b) ne se réduit pas à intervenir en discussion (Figure 3a). Notre essai de caractérisation nous semble être une perspective de travail féconde, pour relever ces rebonds, bondissements de la pensée dans l’espace interlocutoire, les cheminements intellectuels singuliers profitant différemment de l’intégration de tout ou partie des propos échangés. Tout raisonnement exploite concomitamment déplacement et déploiement.
39Ces profils d’élèves plus raisonneurs doivent-ils pour autant constituer des modèles inspirants ? Notre étude avance qu’assertion, accord, doxa et reprises du discours d’autrui fonctionnent corrélativement comme noyau dur amplifiant la pensée (§. 4.2.1.). S’accorder avec autrui impulse à la pensée un mouvement certain. Mais le désaccord est lui aussi une modalité d’amplification (§. 4.3.2) : plus spécifique aux élèves un peu plus âgés (5e), ce trait qui passe par opposer un non franc s’accompagne de doute articulé à une pensée logique grâce aux connecteurs. L’opposition est un moteur pour penser et douter, ou douter en pensant.
40De quelle marge de progression chaque élève dispose-t-il au fil de l’âge ? Bien qu’ayant aménagé un comparatif rapprochant des thèmes (QuDES et CroSAV), nous ne croyons pas que la thématique explique les déploiements de pensée ou de raisonnement. Un même thème peut s’investir très différemment. En termes d’âge, en revanche, le passage de 12 à 13 ans n’est peut-être pas neutre ; des études confirmeront si le niveau de développement logico-moral (Bleazby, 2020 ; Garcia-Moriyon et coll., 2020 ; Leleux, 2009) n’explique pas en partie certaines de nos tendances.
41Il s’est davantage agi, ici, de mettre en lien le style d’animation confondu avec l’âge. Sur cet axe, notre étude répond pour partie : elle semble indiquer qu’un style compréhensif favoriserait plutôt l’activation du noyau dur assertif (§. 4.2.1.) ; ce seraient les élèves de 5e qui exploiteraient le plus ce noyau dur assertif. La doxa y serait particulièrement soumise au travail de la pensée. En termes de style, on s’interroge alors sur l’effet possible de l’emploi alternatif de du coup (style compréhensif) ou donc (style argumentatif, voir §. 2.2.2). L’emploi de du coup (voir Ferré, dans cet ouvrage) est proche de cette idée de rebonds dont nous avons filé la métaphore, l’usage du connecteur bah dans sa fonction interlocutive comme discursive pourrait d’ailleurs en être le pendant chez les élèves (§. 2.2.1 ; extraits 1, 2 et 3 ; §. 3.1.1. ; extrait 9). Dans ce cadre la pensée (re)bondit : de caillou en caillou, de nénuphar en nénuphar, caillou ou nénuphar se configure différemment. En revanche, l’animateur adulte qui active donc prend en charge l’articulation logique du discours à son compte : il priverait peut-être du même coup l’investissement par l’élève d’une possibilité logico-argumentative, l’en dessaisirait. Vouloir transformer de manière externe les cailloux distribués par l’élève au fil de sa pensée ferait obstacle. À cet égard, il serait intéressant d’intégrer la multimodalité à l’étude de du coup (Blache, Ferré & Bertrand, 2009 ; Ferré & Renaudier, 2017, voir Ferré dans cet ouvrage) pour traquer la subtilité du raisonnement croisé des élèves et animateurs, en tenant compte de la fonction interlocutive autant que discursive des connecteurs. Si l’adulte exploite trop logiquement la pensée de l’élève, alors ce dernier pourrait être privé de l’appui naturel conversationnel qui ancre ses schématisations sur celles d’autrui (appui sur le discours d’autrui, reprises hétéroréférencés) déployant une pensée argumentée à sa hauteur (voir Kholer dans cet ouvrage).
42Dénombrer les appuis est-il suffisant comme méthode d’analyse ? Oui et non. Ce qui est certain c’est que s’obliger à la mesure a contraint la différenciation, ce qui interroge récursivement le cheminement intellectuel. Notre étude fait écho aux travaux sur l’esprit critique ; saisir la pensée en acte correspond à traquer ces têtes bien faites (Gauvrit & Delouvée, 2019) qui osent le caractère élastique et approximatif de la pensée, acceptant même les « ratés de la raison » propre au raisonnement humain. Si bonhomme ou grenouille tombe respectivement dans le vide ou dans l’eau, c’est alors une bonne chose. Cela évite même d’habituer l’esprit à ne point s’endormir : plonger une grenouille dans l’eau bouillante, elle s’en extrait d’un bond, en eau froide sous un feu qui couve, elle se laisse cuire insensiblement, ce qui n’est pas sans rapport avec l’idée de démocratie (Robert, 2018, p. 11 ; voir aussi Vernant, dans cet ouvrage). Philosopher, c’est (r)éveiller l’esprit. L’interaction restera matrice des cognitions (voir Tartas & Frappart, dans cet ouvrage), si on laisse aux élèves le temps d’exercer leur crédulité effective en leur déléguant l’alternative de l’accord ou du désaccord, pour qu’ils investissent eux-mêmes leurs doutes, harmonieusement.
6. Bibliographie
43Auriac Emmanuèle, 2008, « Variation in the use of pronouns as a function of the topic of argumentation in young writers aged 11 Years », Argumentation, vol. 22, p. 273-290.
44Auriac-Peyronnet Emmanuèle & Daniel Marie-France, 2009, « Apprendre à dialoguer avec des élèves : le cas des dialogues philosophiques », Psychologie de l’Interaction, vol. 25-26, p. 155-196.
45Auriac-Slusarczyk Emmanuèle, 2010 (dir.), Psychologie de l’interaction, vol. 27-28 (Les interactions scolaires : actualités et méthodes).
46Auriac-Slusarczyk Emmanuèle & Blasco-Dlubecco Mylène, 2013, Quand les enfants philosophent. Analyses plurielles du corpus « Philosophèmes », Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal.
47Auriac-Slusarczyk Emmanuèle & Maire Hélène, 2020, « Sur les pas de Lipman, philosopher à l’école. Une histoire scientifique à connaître », dans A. Fournel, J.-P. Simon, S. Lagrange-Lanaspre, J.-M. Colletta, & E. Auriac-Slusarczyk (dir.), Philosopher avec les enfants. Fabrique de l’apprendre, fabrique du savoir ?, Clermont Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, p. 485-512.
48Austin John L., 1970, Quand dire c’est faire, Paris, Seuil.
49Authier-Revuz Jacqueline, 2004, « La représentation du discours autre : un champ multiplement hétérogène », dans J.-M. Lopez-Munoz, S. Marnette & L. Rosier (dir.), Le discours rapporté dans tous ses états ?, Paris, L’Harmattan, p. 35-53.
50Blache Philippe, Ferré Gaëlle & Bertrand Roxane, 2009, « Creating and exploiting multimodal annotated corpora: The ToMA project », Multimodal corpora, p. 38-53.
51Beausoleil Jacqueline & Daniel Marie-France, 1991, « L’identification des dimensions philosophiques dans les dialogues des élèves », Arrimages, vol. 7/8, p. 17-24.
52Bleazby Jennifer, 2020, « Fostering moral understanding, moral inquiry and moral habits through philosophy in schools: a Deweyian analysis of Australia’s Ethical Understanding curriculum », Journal of curriculum studies, vol. 52, no 1, p. 84-100.
53Bolly Catherine, Crible Ludivine, Degand Liesbeth & Uygur-Distexhe Deniz, 2015, « MDMA. Un modèle pour l’identification et l’annotation des marqueurs discursifs “potentiels” en contexte », Discours, vol. 16, p. 1-32.
54Cadiot Pierre, 2002, Schémas et motifs en sémantique prépositionnelle : vers une description renouvelée des prépositions dites « spatiales », Travaux de linguistique, vol. 1, no 44, p. 9-24.
55Caron Jean, 1989, Précis de psycholinguistique, Paris, Presses universitaires de France.
56Caron Jean, 1979, « Compréhension d’un connecteur polysémique : la conjonction “si” », Bulletin de psychologie, vol. 32, p. 791-801.
57Caron-Pargue Josiane & Caron Jean, 1989, « Processus psycholinguistiques et analyse des verbalisations dans une tâche cognitive », Archives de psychologie, vol. 57, p. 3-32.
58Charaudeau Patrick, 1983, Langage et discours, Paris, Hachette.
59Colom Roberto, Garcia-Moriyón Felix, Magro Carmen & Morilla Elena, 2014, « The long-term impact of Philosophy for Children: a longitudinal study (preliminary results) », Analytic teaching and philosophical praxis, vol. 35, no 1, p. 50-56.
60Cori Marcel, David Sophie & Léon Jacqueline, 2008, « Présentation : éléments de réflexion sur la place des corpus en linguistique », Langages, vol. 3, no 171, p. 5-11.
61Daniel Marie-France, Belghiti Karima & Auriac-Slusarczyk Emmanuèle, 2017, « Philosophy for Children and the incidence of teacher’s questions on the mobilization of dialogical critical thinking in pupils », Creative education, vol. 8, p. 870-892. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4236/ce.2017.86063.
62Ferré Gaelle, 2009, « Analyse multimodale des particules d’extension “et tout ça, etc.” en français », Interface discours prosodie, vol. 9, p. 157-171.
63Ferré Gaëlle & Renaudier Suzanne, 2017, « Unimodal and bimodal backchannels in conversationnal English », Proceedins of SemDial (actes du colloque « Semantics and Pragmatics of Dialogue », août 2017), Saarbrücken, Allemagne, p. 27-37.
64Fiema Gabriela & Auriac-Slusarczyk Emmanuèle, 2013, « Raisonner en discussion : illustration sur les sous-corpus Effort, Vie Prêtée et Amour », Cahiers du LRL, vol. 5, p. 203-244.
65Garcia-Moriyon Félix, Gonzalez-Lamas Jara, Botella Juan, Gonzalez Vela Javier, Miranda-Alonso Tomas, Palacios Antonio & Robles-Loro Rafael, 2020, « Research in moral education: the contribution of P4C to the moral growth of students », Educational sciences, vol. 10, no 119, p. 4-13.
66Gauvrit Nicolas & Delouvée Sylvain, 2019, Des têtes bien faites : défense de l’esprit critique, Paris, Presses universitaires de France.
67Grize Jean-Blaise, 1990, Logique et langage, Paris, Ophrys.
68Hawken Johanna, 2019, « La discussion philosophique avec les enfants : un dispositif communicationnel égalitaire comme pratique éducative de l’ouverture d’esprit », Éducation et socialisation, 53 | 2019, mis en ligne le 30 septembre 2019 [consulté le 22 septembre 2022]. http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/edso/7348 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/edso.7348.
69Jenkins Philip & Lyle Sue, 2010, « Enacting dialogue: the impact of promoting philosophy for children on the literate thinking of identified poor readers, aged 10 », Language and education, vol. 24, no 6, p. 459-472.
70Langlois Robert, 2012, Les précurseurs de l’oralité scolaire en Europe : de l’oral à la parole vivante, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
71Leleux Claudine, 2009, « La discussion à visée philosophique pour développer le jugement moral et citoyen ? » Revue française de pédagogie, vol. 166, p. 71-87.
72Léon Jacqueline, 2008, « Aux sources de la “Corpus Linguistics”: Firth et la London School », Langages, vol. 3, no 171, p. 12-33.
73Mellet Sophie, 2002, « Corpus et recherches linguistiques, Introduction », Corpus, vol. 1, p. 1-6.
74Millett Stephan & Tapper Alan, 2012, « Benefits of collaborative philosophical inquiry in schools », Educational philosophy and theory, vol. 44, no 5, p. 546-567.
75Moeschler Jaques, 1992, Théories des actes de langage et analyse des conversations, Cahiers de linguistique française, vol. 13.
76Moeschler Jacques, 2019, Défense et illustration de la linguistique française, Cahiers de linguistique française vol. 33.
77Mortier Freddy, 2005, « Études d’évaluation : la méthode de Matthew Lipman comme moyen de développement », dans C. Leleux (dir.), La philosophie pour enfants : le modèle de Matthew Lipman en question, Bruxelles, De Boeck, p. 47-69.
78Robert Anne-Cécile, 2018, La stratégie de l’émotion, Paris, Lux.
79Roiné Philippe, Blasco-Dulbecco Mylène & Auriac-Slusarczyk Emmanuèle, 2021, « Rôle et valeurs des emplois en “c’est” dans le corpus Philosophèmes », dans C. Frérot et M. Pecman, Des corpus numériques à la modélisation linguistique en langues de spécialité, Grenoble, UGA Éditions, p. 337-360.
80Roiné Philippe, 2016, « Analyse des représentations du discours autre en discours direct et discours indirect lors des discussions à visée philosophique », Recherches en éducation, vol. 24, p. 122-133.
81Rossari Corinne & Jayez Jacques, 1997, « Connecteurs de conséquence et portée sémantique », Cahiers de linguistique française, vol. 19, p. 233-265.
82Säre Egle, Luik Piret & Tulviste Tiia, 2016, « Improving pre-schoolers’ reasoning skills using the philosophy for children programme », Trames: A journal of the humanities and social sciences, vol. 20, no 3, p. 273-295.
83Searle John R. & Vanderveken Daniel, 1985, Foundations of illocutionary logic, Cambridge, University Press of Cambridge.
84Sidiqui Nadia, Gorard Stephan & See Bang Huat, 2019, « Can programmes like Philosophy for Chirldern help scholls to lokk beyond academic attainment », Educational Review, vol. 71, no 2, p. 146-165.
85Specogna Antonietta, 2013, « Énonciations d’élèves et tentative de construction collective de l’enseignante : regard de la pragmatique », dans E. Auriac-Slusarczyk & M. Blasco-Dlubecco, Quand les enfants philosophent. Analyses plurielles du corpus « Philosophèmes », Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, p. 95-114.
86Topping Keith J. & Trickey Steven, 2014, « The role of dialog in philosophy for children », International journal of educational research, vol. 63, p. 69-78.
87Trognon Alain, 1993, « La négociation du sens dans l’interaction », dans J.-F. Halté (dir.), Inter-action, Metz, Université de Metz, p. 91-120.
88Trognon Alain, 1997, « Conversation et raisonnement », dans J. Bernicot, A. Trognon & J. Caron-Pargue (dir.), Conversation, interaction et fonctionnement cognitif, Nancy, Presses universitaires de Nancy, p. 253-282.
89Trognon Alain & Brassac Christian, 1992, L’enchaînement conversationnel, Cahiers de linguistique française, vol. 13, p. 77-106.
90Siddiqui Nadia, Gorard Stephen & See Bang Huat, 2019, « Can programmes like Philosophy for Children help schools to look beyond academic attainment? », Educational review, vol. 17, no 2, p. 146-165.
91Vanderveken Daniel, 1988, Les actes de discours. Essai de philosophie du langage et de l’esprit sur la signification des énonciations, Bruxelles, Mardaga.
92Yan Sijin, Walters Lynne Masel, Wang Zhuoying & Wang Chia-Chiang, 2018, « Meta-analysis of the effectiveness of philosophy for children programs on students’ cognitive outcomes », Analytic teaching and philosophical praxis, vol. 39, no 1, p. 13-33.
Notes de bas de page
1 Paroles extraites du corpus « Je est un autre », tours de parole 171 et 189.
2 Paroles extraites des corpus « Pourquoi on se pose des questions » et « Qu’est-ce que le destin ? »
3 Paroles extraites de CroSAV : tour de parole 222.
4 Les segments mettant en valeur les assises interlocutoires sont en petites majuscules.
5 Les segments mettant en valeur les marques de relief sont en petites majuscules. Les assertions sont en italiques soulignées.
6 Corpus QuDES : tours de parole 44 et 74.
7 Les séances ont été retenues au regard du thème supposé apparenté (voir notre discussion).
8 Selon le contexte interlocutoire, si / bah si s’interprète comme connexion logico-argumentative ou interactive (accord).
9 Le backchannel « non » prononcé par Dan (536) affirme son lien avec le tour de parole précédent « les gens pauvres ne deviennent pas riches », sous forme d’assertion typifiée comme reprise implicite du discours d’autrui. Alternativement, les différentes occurrences de « non » de Shade revêtent une valeur d’argumentation logique, précisant le mouvement de logique interne au raisonnement propre, « non je voulais dire la même chose » (39) ou « non pas forcément » (48).
10 Paroles extraites de QuDES. Voir aussi le tour de parole 96 d’Elias (Kohler, dans cet ouvrage), où Elias participe à construire la classe objet « destin », en termes d’avenir strict et obligatoire.
11 Paroles extraites de CroSAV : tour de parole 262.
Auteurs
Laboratoire Activité, Connaissance, Transmission, Éducation (ACTé, EA 4281), Université Clermont Auvergne, Clermont-Ferrand
Emmanuèle Auriac-Slusarczyk est maitre de conférences depuis 1996 à l’Université Clermont Auvergne [UCA] habilitée à diriger des recherches en psychologie et sciences du langage. Ses travaux conduits au sein du laboratoire ACTé portent sur les habilitées langagières et cognitives dont elle mesure l’efficience et la variation telles qu’elles s’exercent dans différents contextes pédagogiques ou professionnels. Elle a promu le dialogue raisonné au sein de pratiques d’ateliers philosophiques cadrées à l’école et au collège, en ayant notamment évalué les impacts positifs à partir de corpus oraux ou écrits. Elle investit désormais l’intérêt d’étudier les dialogues authentiques entre soignants et patients en contexte hospitalier, récemment pour notamment éviter le clivage de vues sur la mort.
Laboratoire Lorrain de Psychologie et Neurosciences de la dynamique des comportements (2LPN, UR 7489) Université de Lorraine, Nancy
Hélène Maire est maitresse de conférences en psychologie à l’Université de Lorraine depuis 2018. Elle enseigne à l’Institut supérieur du professorat et de l’éducation de Nancy et effectue ses recherches au sein du Laboratoire lorrain de psychologie et neurosciences de la dynamique des comportements (2LPN). Ses travaux portent sur la cognition sociale, et notamment sur les émotions réflexives (embarras, honte, fierté…), les biais en faveur de soi et les effets de la philosophie pour enfants sur leurs aptitudes réflexives et leur créativité.
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