Annexe 1
Protocole d’écriture inclusive
p. 179-182
Texte intégral
L’androcentrisme de la langue française
1La langue française est une langue profondément andro-centrée de bien des manières : que ce soient les accords, ou l’utilisation des noms et des adjectifs, elle comporte des règles et usages sexistes. Si l’on peut bien évidemment penser à la règle bien connue du « masculin l’emporte sur le féminin », ce n’est qu’une parmi bien des évolutions de la langue qui a discriminé le genre féminin. Le masculin continue à être la référence, le « neutre universel » alors qu’il n’en est rien. La langue française reste emplie de stéréotypes de genre et de catégorisations hiérarchisant les personnes et en invisibilisant certaines.
2Remarquer le caractère discriminant et excluant d’une langue n’a rien d’anecdotique : la masculinisation de la langue française est le fait d’une évolution historique et sociale, datant de l’époque des Lumières. Il est évident que la langue a une portée symbolique, politique et réelle forte. Elle est le moyen d’aborder des références communes, des catégories et les termes qui désignent le monde social dans lequel nous évoluons et permettent de le penser. C’est un instrument au service de l’ordre de genre et du masculin universel, dans une continuité avec le « réel ». La langue produit et renforce des inégalités.
Mais cette discrimination n’est pas une fatalité. De nombreuses voix s’élèvent pour critiquer cet androcentrisme et faire évoluer la langue. De nombreuses chartes et documents voient le jour actuellement : on peut notamment citer la Charte du Haut Conseil à l’Égalité (2016), celle de la ville de Grenoble (2019) ou encore le guide de l’Université Lumière Lyon 2 (2017). Certaines collectivités territoriales ou encore des entreprises privées commencent à utiliser la forme féminine des noms des postes et métiers. Ces évolutions sont le fait d’impulsions venant de la société civile féministe et de la sphère académique comme les Études sur le genre. Les résistances aux évolutions féministes sont nombreuses, à commencer par celle de l’Académie française, très majoritairement composée d’hommes.
Le langage inclusif, ou encore non-discriminant et non sexiste est celui qui permet une égalité des genres dans le langage, écrit et oral. Il s’agit de représenter de manière égalitaire hommes et femmes, mais aussi les diversités de genre, comme les personnes transgenres ou non-binaires. Il ne s’agit pas « d’inclure » des personnes, mais bien de les rendre visibles. Ce sont donc à la fois les inégalités hommes-femmes et la binarité du genre que ce langage s’emploie à déconstruire.
Choix de la langue inclusive / non-discriminante
3C’est parce que nous avons l’ambition de rendre accessibles les luttes féministes qu’il nous tenait à cœur de rédiger ce livre dans un langage inclusif ou non-discriminant. Pour celles et ceux qui ne sont pas familier.es d’un tel langage, nous avons mis à votre disposition un protocole d’écriture qui vous permettra de comprendre les règles utilisées. Nous espérons démontrer qu’un tel langage ne rend pas la lecture plus difficile, qu’il n’est pas si compliqué de se l’approprier, et permet d’avoir une langue qui reflète notre réalité : une réalité féministe inclusive visibilisant les femmes et les diversités de genre et d’orientation sexuelle. De la même manière, un lexique des concepts clés est disponible afin de naviguer à travers ces mots qui peuvent ne pas être limpides.
4Pour élaborer notre protocole de rédaction, nous avons eu recours aux documents cités plus haut.
Protocole d’écriture
5Dans ce livre, nous avons suivi certaines des règles suivantes :
- La féminisation des titres, métiers, fonctions, etc.
- Le recours aux guillemets ou à l’expression « dit… » dès que le terme utilisé reprend une expression porteuse de sexisme, stéréotypes de genre, dévalorisant les femmes, leur rôle ou identité sociale (ex. : « au foyer ») ou toute autre discrimination porteuse d’une hiérarchisation sociale et politique.
- La non-utilisation du masculin universel (ex. : parler de « droits de l’homme ») sauf si c’est le cas dans les documents officiels et dans ce cas, cela est précisé.
- Le recours aux mots épicènes, dont la forme ne varie pas, lorsque cela était possible (ex. : individus) pour ne pas avoir à doubler les mots de genre masculin et féminin.
- Le recours systématique à la forme féminine et masculine des mots quand nous ne faisions pas uniquement référence aux femmes ou aux hommes pour les noms communs, adjectifs et participes à l’aide de :
- point en cas de syllabe simple en suivant la forme suivante : « racine du mot » + « suffixe masculin » + « point » + « suffixe féminin » + « s », si pluriel (ex. : dirigeant.es) ;
- la barre oblique en cas de doublement de syllabe (ex : instituteur/trices ou instituteur/institutrices en fonction des préférences des autrices).
- Si cela était nécessaire ou souhaité, le recours à l’accord de proximité : les mots s’accordent au terme le plus proche (ex. : les hommes et les femmes sont socialisées).
Pour certains mots, il est possible (plus court et lisible) de ne pas utiliser le point entre les deux formes des mots (ex : tous/tes plutôt que tous/toutes ou tou.tes). On peut également avoir recours à de « nouveaux » pronoms (ex : « iels » pour « ils et elles » ; « celleux » pour « celles et ceux »).
Lorsque nous utilisons le terme de « femme » ou « homme », nous ne faisons pas référence uniquement aux personnes cisgenres. Parfois, par facilité d’écriture, nous parlons de discrimination des femmes, mais il faut garder en tête que le système de genre discrimine les femmes, les personnes transgenres et non-binaires ainsi que la pluralité d’orientations sexuelles non exclusivement hétérosexuelles. Nous avons parfois recours aux catégories binaires quand elles sont utilisées par les organisations comme les Nations unies, mais nous ne souhaitons aucunement réifier une pensée binaire biologisante.
Ces règles sont des clés de compréhension, indicatives. Cette forme de langage est récente et nous avons souhaité partager ce protocole avec vous pour faciliter la lecture du livre ainsi que votre utilisation de cette langue dans le futur. Il nous semble important d’expérimenter les différentes formes pour trouver celles qui vous correspondent le mieux, en s’éloignant de celles qui véhiculent une différenciation hiérarchisée ou une invisibilisation des genres.
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