Velleius Paterculus
p. 71-83
Texte intégral
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1Cette édition est parue en 1675 à Paris chez F. Léonard et a été élaborée par Robert Riguez, de la Société de Jésus.
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2Ce Jésuite, né en 1647, est admis dans la Compagnie en 1662 ; il enseigne la grammaire et les humanités, puis la rhétorique, avant de devenir prédicateur pendant 26 ans. Il exerce la fonction de recteur pendant 6 ans, avant de mourir en 1725. On connaît de lui quelques lettres écrites au prince de Condé, et cette édition de Velleius, la seule qu’il ait donnée1.
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3Le texte de Velleius Paterculus avait été découvert en 1515 par Beatus Rhenanus sur un manuscrit du viiie siècle de l’abbaye de Murbach en Alsace. L’editio princeps fut publiée en 1520, avec beaucoup de difficultés, car l’humaniste avait trouvé un manuscrit très corrompu. Par ailleurs Boniface Amerbach, disciple de Beatus Rhenanus, a fait une copie hâtive soit du manuscrit (qui a ensuite disparu), soit d’une copie précédemment faite par Beatus Rhenanus. À partir de la moitié du xvie siècle, Velleius Paterculus fait l’objet de plusieurs éditions : celle de M. Vascosan, à Paris en 1538, celle de S. Gelenius à Bâle en 1546 ouvrent la voie. L’édition procurée par Alde Manuce en 1571 à Venise, celles de Juste Lipse (en 1591 à Leyde, et en 1592 à Lyon, puis en 1607 à Anvers) ont compté parmi les plus importantes. La première division en chapitres a été opérée en 1607 par Gruter dans son édition de Francfort. Vossius (Leyde, 1639) et Heinsius (Amsterdam, 1678) ont apporté des commentaires nourris. Je n’ai pas pu consulter l’édition procurée par J. Schegk (Francfort, 1598) dont Robert Riguez a eu connaissance. L’éditeur dauphin de Velleius renvoie aussi à une édition d’Antoine Thysius (Leyde, 1653) dont la particularité est qu’elle ne reprend pas la division en chapitres.
4Les notes et l’interpretatio de R. Riguez ont été reprises à Londres en 18222.
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5Cette édition, en format in-4°, porte le titre :
6C. VELLEII | | PATERCULI | | HISTORIAE ROMANAE | | AD M. VINICIUM COS. | | LIBRI DUO | | INTERPRETA TIONE ET NOTIS ILLUSTRAVIT | | ROBERTUS RIGUEZ e Societate Jesu | | JUSSU CHRISTIANISSIMI | | REGIS, | | IN USUM SERENISSIMI | | DELPHINI. | | [marque d’imprimeur] | | PARISIIS | | Apud Fredericum Leonard Typographum Regis, | | Serenissimi Delphini, & Cleri Gallicani, Via Jacobaea | | [filet] | | M.DC.LXXV | | CVM PRIVILEGIO REGIS.
7L’ouvrage présente ensuite, dans l’ordre, une epistola, une praefatio, puis une synthèse de R. Riguez sur Velleius Paterculus, intitulée De Vellei Paterculi genere, vita et scriptis, suivie d’extraits de Juste Lipse, Vossius, Alde Manuce et Schegk sur le même sujet ; puis quelques emenda in textu, in interpretatione, in notis. Ensuite viennent les deux livres de l’Histoire romaine, paginés de 1 à 151, suivis d’un index vocabulorum abondant, non paginé.
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8Le texte même de l’édition a été établi assez soigneusement. Aucune coupe ne semble pratiquée : il faut avouer que la nature du texte, historique et laudatif, n’y prête guère le flanc. Le texte est présenté selon les deux livres établis très probablement par Velleius lui-même, comme le reconnaît la critique moderne et selon les chapitres établis par Gruter (Francfort, 1607). Le texte étant très lacunaire et difficile à établir3, il m’a paru utile de regarder, dans l’édition de Riguez, le traitement réservé aux points les plus complexes de l’établissement.
9Ainsi, les lacunes sont en général bien signalées par Riguez et font l’objet d’un commentaire en note. J’examinerai ici les plus marquantes. La lacune initiale amène une hypothèse sur la date choisie par Velleius pour faire débuter son histoire ; Riguez pense qu’il s’agissait de la fondation de Métaponte et signale un débat sur l’identité du fondateur de cette colonie.
10Pour d’autres lacunes, Riguez procède avec la même clarté. Le chapitre I, 5 présente une lacune, après quo nomine non est mirandum, quod saepe usurpat [Homerus], « pour cette raison, il ne faut pas s’étonner qu’Homère cite souvent cette phrase » ; cette lacune est signalée et comblée en note : « Orsini a très bien comblé cette lacune par un hémistiche qu’Homère emploie trois fois dans l’Iliade4 : οἷοι νῦν βροτοί είσιν, traduite en latin. La note renvoie aussi à un passage de Virgile, Aen., I 2, cité, de même sens. C’est donc en renvoyant à l’autorité d’un de ses devanciers que Riguez procède.
11Plus brièvement, au chapitre 6, un passage d’Aemilius Sura est placé entre crochets : Riguez signale en note « qu’il aurait été écrit par un antiquaire puis repris par les éditeurs ».
12La grosse lacune repérée entre les chapitres 8 et 9 est signalée comme ingens hiatus, mais ne donne pas lieu à un commentaire ni à une réflexion de Riguez.
13De même, il s’en tient aux points vus par ses prédécesseurs, ne propose rien de nouveau et ne fait pas d’hypothèses personnelles sur les lacunes. Des lacunes qui seront décelées plus tard, vues par Krause en 1800 et Kritz en 1840-1848, ne sont pas vues par Riguez, pas plus d’ailleurs que par ses contemporains. De même, il place après le chapitre 14 un passage sur les lois des Gracques, comme le faisait l’editio princeps, alors qu’il est maintenant admis que ce passage devait se situer après le chapitre 275.
14La « politique » de Riguez en matière de lacune est donc claire : il respecte les conclusions de ces devanciers et ne s’aventure pas sur le terrain glissant des hypothèses et des restitutions.
15En ce qui concerne les lectures du texte, notre Jésuite fait preuve du même conservatisme. Les passages difficiles à établir sont généralement commentés en note.
16De l’analyse de ces notes, on déduit qu’en général, Riguez n’ajoute pas de mots pour faciliter la compréhension ; ainsi, en II, 30, C. Caesaris in altero consulatu petendo senatum populumque Romanum rationem habere, Riguez ne rajoute pas absentis, qui permet de comprendre « tenir compte de César absent dans sa candidature à un deuxième consulat ». Ou encore, en II, 61 : les éditions modernes (CUF, 1982) portent <id> ab eo annum agente vicesimum... administratum est, « âgé d’à peine vingt ans, il dirigea <la guerre> », ce que Riguez n’ajoute pas, refusant la facilité.
17Quant à ce que notre collègue B. Bureau nomme « notes critiques », Riguez semble se permettre un peu plus de liberté. Rares sont en effet les passages litigieux qui ne sont pas commentés en notes. Quand Riguez signale les passages litigieux et leur consacre des notes, il cite ses devanciers, donne sa position et explique les raisons de son choix. Il s’agit le plus souvent de raisons fondées sur le sens du passage et non sur l’analyse de manuscrits. Riguez explicite parfois le sens du passage selon la lecture qu’il a choisie (la note rejoint alors l’interpretatio, à mon avis). Ainsi, en I, 17, nunc admiratio incitationem accendit, la note porte : « Acidalius veut, avec bon nombre d’éditeurs, qu’on lise imitationem. Mais, avec leur accord, je garde incitationem. Tout d’abord parce que le mot est latin ; ensuite, parce que le sens en découle facilement : l’émulation nourrit les talents, et tantôt la jalousie, tantôt l’admiration, enflamment ce que l’émulation avait déjà mis en mouvement6. »
18Il me semble intéressant de relever que la note met parfois en avant une lecture qui n’est pas celle choisie dans le corps du texte ; le respect pour le texte se conjugue alors avec une note plus libre ; ainsi, pour i, 18, ad conditionem temporum, la note énonce : « Lipse et Schegk écrivent a condicione temporum, ce que le sens réclame assurément7. » Riguez reproduit donc un texte auquel il ne souscrit pas mais il le discute dans les notes8.
19Parfois une note contient une réflexion dépassant le cadre strict de l’établissement du texte, pour arriver à l’Histoire. Dans ce cas, note critique et note d’érudition sont mêlées.
20En II, 40, le texte choisi est : numquam eminentia invidia carent. Itaque et Lucullus memor tamen injuriae et Metellus Creticus, non injuste querens... On trouve en note : « Je ne peux agréer avec Vossius qui refuse que tamen soit ici mis à la place de etiamnum ou de adhuc. C’est ce qu’affirme Acidalius, que je suis. Mais quelle est l’injustice que rappelle Velleius à cet endroit ? Je pense que c’est celle que Lucullus subit (si du moins c’est une injustice) lorsqu’il fut écarté et que la guerre contre Mithridate fut confiée à Pompée9. »
21Dans le texte qu’il donne, Riguez ne relève pas les erreurs historiques. Ainsi, I, 14 : Riguez transmet (colonis occupatae sunt) Fregellaeque, « Fregelles fut peuplée de colons », alors qu’il ne peut s’agir que de Frégènes, la colonie de Fregelles étant fondée dès 328 av. J.-C., et ce passage se situant en 245 av. J.-C.10.
22Également, en II, 36, une énumération comporte : Ciceronem, Hortensium, anteque Crassum, Catonem, Sulpicium, moxque Brutum... La note de Riguez à Catonem précise simplement : intellige Uticensem, alors que Caton, même d’Utique, n’est pas à sa place dans cette énumération, en ordre chronologique, des grands orateurs. L’erreur, présente dans l’édition de 1520 de Beatus Rhenanus, avait été vue et corrigée par Alde Manuce le jeune, qui propose la leçon : Cottam, plus conforme aux dates de vie des autres personnages mentionnés dans cette liste11. Il en va de même en II, 7, où les consuls de 132 av. J.-C. sont appelés Rupilius et Popilius, erreur qui se trouve dans l’édition princeps 1520, alors que Manuce avait reconnu Rutilius et Popilius.
23En conclusion, l’établissement du texte est soigneusement fait, mais reste conforme aux éditions antérieures. Les notes sont l’espace de liberté où notre Jésuite peut contester telle ou telle lecture canonique ; il n’en abuse pas cependant, et justifie toujours ses choix en se fondant sur le sens du passage. L’état du texte est donc conforme à la science du temps, sans que cette édition représente une avancée du point de vue philologique ; on pourrait même dire le contraire puisque certaines hypothèses d’Alde Manuce, contribuant grandement à éclaircir le texte ou à l’améliorer, n’ont pas été reprises, par exemple lorsqu’elles réclamaient une forte correction du texte. L’établissement du texte de Velleius se caractérise par un conservatisme qui amène Riguez à reproduire le plus souvent le texte de l’editio princeps, à de rares exceptions près12. Il convient cependant de nuancer ce point, en rappelant que Riguez semble n’avoir utilisé l’editio princeps que par un intermédiaire, peut-être Antonius Thysius (Leyde, 1653). Cette hypothèse me semble confirmée par le fait que l’édition de Thysius comporte exactement les textes donnés comme documents après la préface, de Vossius, Manuce et Schegk.
24Le paratexte de cette édition est relativement fourni, puisqu’on y trouve une lettre, une préface, une synthèse de Riguez sur Velleius Paterculus, suivie des extraits d’éditeurs antérieurs.
25Précédée d’un frontispice représentant deux angelots assis sur des dauphins portant un écu aux armes du Dauphin, l’epistola correspond nettement à une introduction « politique » à l’ouvrage. Texte assez court (8 pages, en caractères italiques cursifs), l’epistola est adressée au Dauphin, serenissimo Galliarum Delphino. Le plan, en cinq paragraphes, est clair : le premier paragraphe est une captatio beneuolentiae développant l’intérêt du livre13 ; le deuxième a pour but de rendre grâces au Roi et au Dauphin ; le troisième est une louange de Louis, protecteur des érudits ; le quatrième affirme que le but de l’ouvrage est l’éducation du Dauphin ; le dernier est une louange du Dauphin.
26Les principaux personnages cités dans cette lettre sont le Roi et le Dauphin14. Le Roi, présent dans des expressions comme jussu regis, munijicentia regis, regis voluntas, apparaît, de manière attendue, comme un roi puissant, autoritaire, mais aussi généreux. Les exclamations admiratives de cette lettre ne sont pas sans rappeler celles qui émaillent le texte même de Velleius en l’honneur de Tibère : « De fait, le Roi a cherché des érudits, pour éclaircir par des notes et des interprétations les poètes, les orateurs, les historiens latins ; il les a choisis, les a stimulés par des cadeaux : comme si son esprit, tout à fait libéré de la masse de ses autres et nombreuses charges, ne se consacrait qu’à ce seul but. Que ce fait est nouveau, qu’il est inouï, qu’il est propre au seul Louis partout le Grand15 ! »
27Le Dauphin est avant tout présenté comme un bon élève qui pourra profiter de l’œuvre, animé d’un désir louable d’apprendre (1. 20, cupiditas discendi) que ne démentent pas ses qualités intellectuelles16. Plus intéressante peut-être, une allusion à son avenir de roi, sa place de successeur normal de Louis XIV. Le sens politique de la lettre en est renforcé.
28L’idée la plus intéressante de cette lettre est le jeu qu’elle présente entre « rendre grâces » et « être utile » ; l’auteur affirme ainsi qu’existe un échange mutuel de bienfaits entre le pouvoir et le texte. Riguez affirme d’entrée de jeu qu’il n’est pas besoin de recommandations pour que l’on rende grâces à Velleius ; qu’en revanche, Velleius rendrait grâces au Dauphin et au Roi pour l’estime qu’ils lui témoignent, et plus encore si d’autres auteurs étaient aussi favorisés que lui. Faut-il voir là une discrète demande de Riguez qui aimerait entreprendre l’édition d’un autre auteur ? L’édition de Velleius est une des premières et Riguez pouvait espérer un historien plus riche.
29Se greffe sur cette idée un jeu sur le rapport entre decus et utilité : la lecture de Velleius apporte des éléments « qui non seulement conviennent à un prince, mais encore lui sont très utiles » (non decoros solum Principi sed etiam perutiles)17 De son côté, le Dauphin apporte de l’honneur, decus, aux Belles Lettres, et en retire de lagratta. Il y a donc un réseau d’échanges de bienfaits que l’on donne et que l’on rend en les augmentant. Ce réseau semble ne concerner que le lecteur et Velleius (et avec lui, toute l’Antiquité) ; Riguez se tient en retrait, et ne se présente que comme interpres Vellei (1. 23).
30L’ensemble de cette lettre est donc assez superficiel et pourrait convenir à n’importe quel texte de la collection. Le fait que Velleius soit un « historien » ne semble guère pris en compte. Il semble recommandable surtout pour ses « préceptes politiques » (civilis prudentiae praecepta) ; ainsi, le Dauphin apprendra « à faire peu de cas des vicissitudes des choses humaines et du destin, qui se lisent dans cette oeuvre, et des renversements des empires et des cités, ainsi qu’à conserver un esprit équilibré dans leur préservation et leur recherche18 ». C’est donc clairement des leçons de politique et de morale qu’il faut rechercher dans ce livre.
31L’emploi de l’expression in aula (« à la cour »), pour l’époque d’Auguste et de Tibère, permet également de projeter sur l’Antiquité le mode de vie politique du xviiie siècle.
32Précédée d’un frontispice portant un semis floral, la préface est un exercice différent, représentant plutôt une introduction « scientifique » ; elle veut exposer la démarche de l’auteur : quae nostrorum commentariorum ratio sit exponere. Les quatre paragraphes présentent une introduction ; puis l’histoire de la découverte du texte de Velleius et du travail à effectuer pour le rendre compréhensible (a mendis vindicare19) ; le troisième paragraphe donne la liste des personnages à qui Riguez s’adresse. Ces personnages sont le Roi, le Dauphin, le duc de Montausier, l’évêque de Condom, et Huet. Le dernier paragraphe expose les problèmes textuels posés par l’édition, les buts envisagés, la nature de l’interpretatio et des notes.
33Il s’agit donc d’un texte bien différent de la lettre ; le Roi et le Dauphin sont seulement mentionnés20, alors que Montausier et Bossuet21 se voient honorés d’un éloge.
34Le dernier paragraphe me paraît intéressant, qui aborde des points techniques et développe la conception de l’édition. Il pose en effet la question des différentes lectures du texte antique et des corrections qu’il faut y apporter. La démarche de Riguez est assez claire : il choisit ce qui semble « préférable » (quae potior sit). On devine là un parti pris plutôt scientifique que pédagogique : Riguez ne choisit pas de privilégier les lectures les plus faciles, les plus simples, mais veut essayer de respecter le texte antique, de retrouver ce qui fut son état originel, ou du moins celui qu’établit Beatus Rhenanus.
35L’édition de Velleius présente, selon Riguez, deux qualités, l’interpretatio et les notes. La différence entre les deux réside, toujours selon notre Jésuite, dans l’intention : l’interpretatio aura pour but d’éclaircir la langue, cependant que les notes expliqueront, l’histoire, le récit (fabula) et viseront à la compréhension générale22.
36Enfin, Riguez affirme sa dette envers les érudits qui Font précédé. Il cite Juste Lipse et Vossius. On verra plus loin, dans l’analyse des notes, l’usage qui est fait de ces deux érudits.
37La praefatio est donc une introduction scientifique, expliquant les buts de l’édition et ses moyens. Elle refuse de s’arrêter sur la valeur littéraire de l’oeuvre : « quelle est la beauté de l’Histoire de Velleius Paterculus, la lecture le montra toute seule » (historia Velleii Paterculi quam sit elegans [...] satisper se lectio docebit). Elle a pour but de présenter le parti pris éditorial. Riguez est beaucoup plus présent dans ce texte que dans la lettre, affirmant la valeur de son travail personnel (même s’il associe les Jésuites à sa louange en fin de préface).
38Après les deux textes introductifs vus ci-dessus, on trouve une série de textes sur Velleius Paterculus ; le premier est de Riguez, De Velleii Paterculi genere, vita et scriptis. Il est suivi par deux textes de Juste Lipse, pris dans l’édition de Leyde 15 91, et traitant, l’un du nom de V.P., son origine, sa vie et son œuvre23, l’autre du titre, du sujet et du nombre de livres de l’Histoire romaine24. On trouve ensuite deux textes de Vossius (édition Leyde 1639) : Ex Gerardi Joannis Vossi opere de historicis Latinis et De Velleii et Vinicii nominibus ; puis, une scholie d’Alde Manuce (Venise, 1571) sur le nom et le prénom de Velleius25 ; et enfin un texte de Schegk (Francfort, 1598) sur le même sujet26.
39Cet ensemble de textes m’a surprise, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il y manque Beatus Rhenanus, précisément cité dans la préface : notre Jésuite ne fonde pas sa réflexion sur celle de Beatus27. Ensuite, parce que je me suis demandée quelle était Futilité de ces différents textes. Celui de Schegk est très bref ; ce n’est pas une démonstration, mais une simple affirmation et il porte seulement sur le prénom de Velleius. Celui d’Alde Manuce ne comporte rien qui ne soit déjà dans les extraits cités auparavant. Celui de Vossius est remarquable pour un élément : l’affirmation qu’un fragment du texte de Velleiustrouvé par Wolfgang Lazius, n’est qu’un faux des xiie -xiiie siècles, fait par l’abbé Conrad d’Urspergens ; mais Riguez ne développe nulle part de réflexion sur ce point. Enfin, le texte de Riguez ne présente aucune thèse nouvelle sur les points envisagés par ses prédécesseurs. Ces différents documents n’ont pour ainsi dire pas de dialogue entre eux et sont juxtaposés.
40Ces remarques nous amènent à faire quelques suppositions : s’agit-il d’un « dossier de textes » dont l’élève devait retirer l’essentiel pour en faire une synthèse ? Était-ce seulement un moyen rapide de faire sentir au Dauphin les divergences des érudits sur ces sujets ? Était-ce destiné à montrer au Dauphin comment l’éditeur avait opéré pour réaliser son propre texte d’introduction proposé en premier (les citations textuelles de Juste Lipse s’y repèrent très aisément) ?
41Toujours est-il que ces textes nous montrent d’ores et déjà que Riguez est peu intéressé par les spéculations proprement philologiques sur les œuvres perdues, l’aspect de l’œuvre, de même que par l’apport de l’épigraphie, qu’il n’utilise pas, contrairement à Vossius et Manuce. Cette démarche est confirmée par l’analyse du texte et de son apparat.
42L’annotation est assez fournie et représente le tiers ou la moitié de la page ; les appels de note sont des chiffres arabes placés avant le mot réclamant une note ; le texte est brièvement repris dans la note (entre I et 4 mots).
43De nombreuses notes proposent une traduction française, qui vient doubler l’explication latine ; ainsi pour I, 1, scelere patruelis, la note donne : « On nomme patrueles, en langue vernaculaire, les cousins germains, ceux qui sont les enfants de frères28. »
44Ou encore, en I, 3, civitas : dicitur pro tota regione cujus incolae iisdem legibus utuntur, vulgo, l’État de, sic civitas Allobrogum, Helvetiorum apud Sallustium et apud Caesarenr. « Civitas désigne la région entière dont les habitants partagent les mêmes lois, vulgairement l’État de, comme l’État des Allobroges, ou des Helvètes chez Salluste et César. »
45Riguez précise parfois que cette traduction est propre au français, Gallice, comme en II, 13, interrogatum lege repetundarum : interrogari lege, nihil aliud est, teste Asconio, quam reum fieri, accusari. Gallice accusé de concussion : « Interrogatum lege repetundarum : être interrogé selon une loi n’est autre, selon Asconius, qu’être mis en accusation, être accusé. En français, accusé de concussion29. »
46Les notes comprennent parfois une dimension pédagogique plus nette, pour compléter le vocabulaire de version30 du royal élève ; en I, 8 : mercatum : id aptissima voce, πανηγύριv, appellant Graeci, hoc est Conventum, Assemblée. Interdum mercatus accipitur pro nundinis, la Foire. Interdum pro foro, vel emporio, le Marché : « mercatum : les Grecs le désignent d’un mot très adapté, πανηγύριv, c’est-à-dire conventus,assemblée. Tantôt mercatus a le sens de nundinae, la foire. Tantôt de forum ou d’emporium,le marché. »
47Les noms propres géographiques sont presque systématiquement « traduits », ainsi en I, 4, Euboea : insula Aegaei maris, vulgo Negrepont. Angusto admodum Euripi tractu a Boeotia divisa, hodie le détroit de Negrepont : « Euboea : île de la mer Égée, vulgairement Negrepont. Elle n’est séparée de la Béotie que par un étroit bras de l’Euripe, aujourd’hui le détroit de Negrepont. » La dissertation géographique se complète parfois d’éléments historiques, légendaires ou philologiques ; ainsi en I, 2, Athènes se voit ainsi commentée : hodie Setines, omnium disciplinarum inventrices, in ea Achaiae parte, quae, quod littoralis est, olim Acte, nunc Attica quasi Actica nuncupatur. Hanc Cecrops primus condidit... (« Aujourd’hui Setines, origine de tous les arts et sciences, dans cette partie de l’Attique qui, parce qu’elle est en bord de mer, s’appelait autrefois Acte, et porte aujourd’hui le nom d’Attique, presque Actique. Cette ville fut fondée par Cecrops. ») Suit le récit de la dispute de Neptune et Minerve quant au nom de la ville ; Minerve gagne, eoque urbem suo nomine appellavit. Nam Graecis Athena Minerva dicitur. « et elle appela la ville de son propre nom. Car chez les Grecs Athena s’appelle Minerve ».
48Ce genre de notes a donc un but pédagogique marqué : il s’agit d’ancrer le récit antique dans la réalité géographique du temps où vit l’élève.
49Les notes renvoient fréquemment à d’autres auteurs antiques ; la liste en est longue, poètes, orateurs, historiens. À titre d’exemple, I, 5 : « Archiloque est un poète lacédémonien, parmi les plus agressifs. Inventeur des vers iambiques qui portent son nom. On croit que, par ses vers agressifs, il poussa Lycabès à se pendre, parce qu’il ne lui avait pas donné sa fille qui lui était fiancée. Sur ce point, Horace, dans l’Art poétique : la rage arma Archiloque du vers qui lui est propre. D’où Cicéron, dans le deuxième livre des Lettres à Atticus, a dit qu’on dénommait paroles archiloquiennes des mots insultants, agressifs, blessants31 »
50Le renvoi à des auteurs modernes est moins fréquent, quand il s’agit de notes d’érudition ; en I, 14, colonia : « Les colonies étaient des oppida où le peuple Romain installait ses citoyens pour qu’ils y habitent en quittant Rome. Que celui qui veut en savoir plus sur les colonies aille voir dans Sigonio, Sur le droit italien antique, livre 232. » Sigonio est l’auteur moderne le plus cité, avec Budé, pour ses estimations de prix par rapport aux sommes mentionnées en sesterces dans le texte latin.
51Ce genre de renvoi nous indique en fait à quel moment la note cesse d’être un outil pédagogique pour devenir un moment d’érudition. Et, sur ce point, les notes de Riguez sont très complètes, bien menées.
52Mais, surtout, les notes de Riguez frappent par la place qu’elles accordent à l’établissement du texte. Certes, les circonstances de la découverte du texte sont complexes et n’ont pas favorisé une lecture unanime de certains passages. Toutefois Riguez s’attache à préciser dans les notes les passages litigieux, comme nous l’avons vu plus haut. Ces notes critiques représentent environ le tiers des notes de Riguez, ce qui est loin d’être négligeable. Riguez cite toujours les éditeurs qu’il suit ou conteste.
53L’autre point frappant dans ces notes est la presque totale absence d’intérêt pour les aspects proprement littéraires du texte. Alors que le style de Velleius est assez particulier, marqué par les pointes, l’emploi d’homéotéleutes, d’allitérations, de mots nouveaux ou poétiques33 Riguez ne commente pas ces traits. Ainsi, en II, 34, à propos de Cicéron, vir novitatis nobilissimae, « homme nouveau très illustre » qui est une expression pour le moins surprenante, Riguez dit seulement : id est, vir novus, sed novitate quam reddidit nobilissimam : « c’est-à-dire homme nouveau, mais d’une nouitas qu’il a rendu très illustre34 ». Suit une note d’érudition, sur les imagines des ancêtres ; rien sur le jeu de mot entre novitas et nobilissima.
54Souvent, les particularités du style de Velleius, telles que la redondance, les répétitions, les particularités de vocabulaire, sont gommées par une révision du texte ; comme, en II, 40, cujus reditum favorabilem opinio fecerat. « les rumeurs avaient rendu son retour populaire » : favorabilem amène la note : lego cum Aldo formidabilem. Nam rumor fuerat Pompeium cum exercitu rediturum et instar Sullae et Marii, urbem invasurum. Quod cives valde reformidabant : « je lis, avec Alde Manuce formidabilem. Car les rumeurs disaient que Pompée allait revenir avec son armée et, comme Sylla et Marius, envahir la ville. Ce que les citoyens craignaient grandement » ; ou, en II, 78, interim Caesar per haec tempora, ne... « entre temps César pendant ce temps », qui amène la note suivante : Alterutrum ut superfluum delendum esse recte putat Acidalius. Neutrum tamen deleto, sed unam vocabulam sic transpone : interim Caesar, ne per haec tempora... : « Acidalius pense fort justement qu’il faut supprimer un des deux [compléments de temps] comme étant inutile. Mais je n’en supprime aucun, et déplace ainsi un seul petit mot : entre temps César, pour éviter que pendant ce temps... ». Riguez se fie à sa connaissance du bon latin et repousse l’idée qu’une telle répétition puisse être voulue. L’examen de l’ensemble de l’œuvre, du point de vue stylistique, amène en revanche à en accepter la probabilité. Mais, précisément, Riguez ne s’intéresse pas au style de Velleius. N’oublions pas que, dans la préface, il affirmait : « Si le jugement des plus savants ne convainc pas de l’élégance de l’Histoire de Velleius Paterculus, la lecture le montrera suffisament par elle-même35. » Il semble bien qu’il s’en soit tenu là.
55L’interpretatio n’est pas continue, mais appelée par des lettres situées dans le texte avant le mot qui est explicité. Les lettres se suivent par chapitre et non par pages. L’interpretatio est placée sous le texte, en deux colonnes. On trouve en moyenne approximativement 2 ou 3 membres de phrases explicités par page d’environ 20-30 lignes. On ne distingue pas d’évolution nette au cours du texte ; certains passages faisant l’objet d’une interpretatio longue, d’autres étant laissés pour compte. L’interprétatio est en italique, les mots ajoutés en romain.
56Trois buts principaux semblent recherchés dans l’interprétatio : la meilleure compréhension du texte et l’enrichissement du vocabulaire, ainsi que la révision de points de grammaire, n’apparaissent pas nettement.
57Pour viser à la compréhension, les ajouts de mots sont assez fréquents, ainsi en I, 6, Lycurgus Lacedaemonius, vir generis regii, fuit severissimarum justissimarumque legum auctor et disciplinae convenientissimae viris, cujus quam diu Sparta diligens fuit, excelsissime floruit : « Le Lacédémonien Lycurgue, un homme de souche royale, fut l’auteur de lois très sévères et très justes et d’un système d’éducation très adapté à des hommes, dont Sparte, aussi longtemps qu’elle s’y tint, retira un très grand prestige. » L’interpretatio donne alors : cujus disciplinae quamdiu Sparta fuit amans, altissime enituit.
58L’ordre des mots est souvent bouleversé, pour rendre le texte plus clair, mais en lui ôtant tout son caractère rhétorique et en gommant toutes les « pointes » propres à l’écriture de Velleius.
59Pour l’enrichissement du vocabulaire, les remplacements de mots sont fréquents, mais ne sont pas soumis à une règle précise : tantôt le mot donné en interpretatio est plus courant, tantôt il est plus rare que celui du texte36.
60Plus intéressant, en I, 11,6, quattuor filios sustulit amène dans l’interpretatio : genuit, ce qui s’explique par le fait que, plus avant dans le texte, Velleius emploie sustulerunt, au sens de « porter », lectum pro rostris sustulerunt. L’interpretatio a visiblement pour but d’attirer l’attention sur les différents sens du verbe dans un même passage.
61On voit aussi des changements pour montrer le genre des mots ; I, 11 : duabus aedibus devient duobus templis. À d’autres moments, l’éditeur s’amuse à changer les mots pour montrer les possibilités, au sein d’une même famille de mots ; ainsi, en II, 75, magni vir animi doctissimique ingenii devient : et summae doctrinae ou encore, en II, 79 : lacerauit ac distulit devient : et in diuersa loca tulit (pour insister sur dis-tulit ?).
62Pour la grammaire, l’intérêt me semble surtout porter sur des points de grammaire limités, comme les compléments de temps, I, 7 : ut condita est devient ex quo aedificata est ; ou les constructions du comparatif, II, 40 : suoque et civium voto major devient major quam nec ipse nec cives optaverant. Les modifications syntaxiques sont assez rares, les ablatifs absolus ne sont pas systématiquement remplacés.
63L’interpretatio semble, somme toute, très artificielle, car Riguez paraît souvent se forcer à la faire, et choisit pour cela des passages relativement simples, dont il se sert pour rappeller des points de grammaire ou étendre le vocabulaire de son élève. Quand le texte est véritablement difficile à comprendre, il passe plutôt par les notes et les questions d’établissement de texte.
64L’index vocabulorum omnium quae in Velleio Paterculo leguntur, non paginé, comprend 43 feuillets, ce qui en fait un gros index. Les renvois sont faits aux pages et aux lignes du texte. Les mots figurent dans l’index sous la forme qu’ils ont dans le texte, donc, selon le cas et le temps du texte. Les entrées de l’index sont parfois assez longues ; ainsi absumpsisset acies Labienus ou encore abolendum testamentum. On peut donc supposer que l’index pouvait fonctionner comme un recueil d’exemples grammaticaux, de même que dans succedent stationi paternae, pour rappeler la construction de succedo + datif, ou la valeur de l’adjectif paternus pour remplacer un génitif.
65L’index précise, lorsqu’un mot présente des formes semblables, lesquelles se trouvent dans le texte. Ainsi causae est divisé en datif (singulier) et (nominatif) pluriel ; adversus se répartit entre nom et préposition.
66Lorsqu’un passage avait été commenté et révisé en notes, la politique de Riguez n’est pas constante. On trouve, par exemple, accendit admiratio incitationem vel imitationem : Riguez donne les deux lectures possibles, que nous avons examinées plus haut. Mais ailleurs, pour le passage II, 48, on ne trouve dans l’index que cupiditates, alors que Riguez affirmait en note préférer la lecture civitates.
67Un supplementum comprenant une vingtaine d’entrées fait suite à l’index.
6
68Pour conclure, l’édition de Velleius par Riguez est un ouvrage technique, sérieusement fait, qui hésite entre l’indispensable pédagogie et un penchant pour la critique textuelle, menée avec prudence dans les notes, cependant que le corps du texte respecte un établissement canonique. Riguez donne des notes sérieuses, fournies, mais sans s’intéresser de façon profonde aux aspects historiques du texte ; de même, alors qu’il affirmait trouver en Velleius une source de préceptes politiques, il n’insiste pas sur ce point dans le cours de son ouvrage.
Notes de bas de page
1 Voir Sommervogel, VI.
2 Sommervogel, VI : C. Vellei Paterculi Historia Romana ex editione H. Krausii cum notis et interpretatione in usum Delphini, notis uariorum, recensu editionum et indicibus locupletissimis accurate recensibus, LLondini curante et imprimente J. Valpy.
3 Je renvoie à la synthèse de J. Hellegouarc’h, Paris, CUF, 1982, p. LXXIII et suiv.
4 Hanc lacunam optime Ursinus supplevit hoc hemistichio quod Homerus in Iliade ter usurpat.
5 Démonstration faite par Cludius, Hanovre, 1815.
6 Acidalius cum plerisque vult km imitationem. Sed pace illorum retineo incitationem. Nam primum uox latina est : deindefacilis ejus sensus : aemulatio alit ingenia ; et nunc invidia, nunc admiratio accendit, quaejam aemulatio incitaverat.
7 Lipsius et Schegkius scribunt a condicione temporum quod sane sensus postulat.
8 On pourrait ajouter d’autres exemples. Ainsi, en II, 48, le texte porte : Cujus animo voluptatibus vel libidinibus neque opes ullae neque cupiditates sufficere possent. En note : Huit loco varii varie medentur, Acidalius pro animo legit omnino. Lipsius pro cupiditates legit civitates. Hunc sequitur Gruterus : sed praeterea rejicit voluptatibus vel libidinibus : utrumque retineo, ac praeterea lego civitates : hoc sensu : cujus inexplebili cupiditati, neque divitiae ullae, neque urbes ipsae satis esse possent ad voluptates vel ad libidines : « À ce passage divers érudits apportent diverses améliorations : Acidalius lit omnino au lieu de animo. Lipse lit civitates au lieu de cupiditates. Gruter le suit ; mais il rejette en outre voluptatibus vel libidinibus : je garde ces deux mots, et je lis en outre civitates, dans ce sens : lui dont aucune richesse, aucune ville même ne pouvaient satisfaire le désir insatiable, en fait de plaisirs comme en fait d’amours ».
9 Non possum assentire Vossio neganti tamen hic poni pro etiamnum. siue adhuc ; quod affirmat Acidalius, quem sequor. Sed quam hoc loco invidiam Velleius memorat ? Opinor eam, quam Lucullus accepit (si tamen injuria est) cum eo posthabito, bellum Mithridaticum Pompeio decretum est.
10 Il est vrai que cette confusion facile, due à la similarité des sons, n’a été corrigée que par Sigonius, dans l’édition de 1732.
11 Pour plus de précision, voir la n. 3, p. 184, de l’édition CUF 1982.
12 Dans ce cas, il suit souvent les corrections proposées par Gelenius (Bâle, 1546), comme en II, 29, et II, 34.
13 Riguez s’excuse de la brièveté de l’ouvrage, que compense son intérêt : Nam spectabis, opinor, non quantae magnitudinis sit, sed quos ex illa morum vitaeque fructus colligere possis.
14 La Société de Jésus est mentionnée à la ligne 23 : maxime cum... ex ilia Societate sim, quae literas colit et amat imprimis : « surtout parce que je fais partie de cette Société qui cultive les Belles Lettres et les aime avant tout ». Le nom de Montausier apparaît plus loin, quand Riguez dit que le Dauphin est d’une « nature docile aux pensées de Montausier », natura docilis et ad Montauserii fingentis arbitrium tenera et flexibilis. Mais ces mentions sont faites sans insistance ; voir en revanche la préface.
15 Nempe Rex eruditos viros, qui Poetas, qui Oratores, qui Historicos Latinos et Notis et Interpretationibus illustrarent, intra et extra Regni fines quaesivit, delegit, praemiis invitavit : tamquam distractissimus tot aliorum mole negotiorum ejus animus buic uni rei vacasset. Quod factum quam novum, quam prius inauditum, quam unius est Ludovici ubique Magni proprium
16 L. 39-41 : ingenium excellens, indoles regia ; l. 43-44 : natura docilis, integri mores et amabiles ; piété, bonté.
17 L’utilité de Velleius est affirmée par des adjectifs verbaux qui signalent un intérêt à la fois moral : ex imperiorum atque ciuitatum occasu, consuesces parui ista facere, et pragmatique : addisces quid olim in tuis et Regni rebusgerendis tenendum vitandumque sit. Ces intérêts, il faut le noter, ne sont absolument pas d’ordre scientifique, contrairement à ce que Beatus Rhenanus affirmait dans son édition de 1520 : il considérait que le livre de Velleius avait l’avantage d’apprendre des précisions inconnues par ailleurs, comme sur le désastre de Varus, ou sur Maroboduus, roi des Marcomans.
18 Ex humanarum rerum ac fortunae, quae illic legitur, vicissitudine, ex imperiorum atque civitatum occasu, consuesces parvi ista facere : et aequam servare mentem in iis aut tuendis aut appetendis.
19 La responsabilité de Beatus Rhenanus est affirmée, tant dans la découverte du texte que dans son édition (dont la date, 1520, n’est pas précisée).
20 Spectaui Ludouicum Magnum, qui nos huic operi imperio suo addixit. Maxime vero rationem duxi Serenissimi Galliarum Delphini. « J’ai considéré Louis le Grand, qui, par son ordre, nous a commis à ce travail. Mais surtout, j’ai tenu compte du Sérénissime Dauphin. »
21 (Rationem duxi) Ducis Montauserii, Delphini juventae moderatoris, de quo viro duhites belli clarior sit, an pacis artibus [...] Deinde episcopi Condomiensis coelestis eloquentiae doctissimique ingenii [...] Postremo v(iri) c(larissimi) Petri Danielis Huetii [...] Hos, inquam, respexi praecellentes viros. « (J’ai tenu compte) du duc de Montausier, gouverneur de la jeunesse du Dauphin, homme dont je me demande s’il est plus illustre par son art de la guerre ou de la paix [...] ensuite, de l’évêque de Condom, à l’éloquence céleste et au génie si érudit [...] enfin, du très illustre P. D. Huet. [...] Voilà, dis-je, les hommes exceptionnels auxquels j’ai pensé. »
22 Il vaut la peine de reproduire tout ce paragraphe : Duplex hujus editionis nostrae dos est, et quodlocutionem Interpretatione verhorum dilucidat, et quod rerum difficultates explicat Notis. Hanc porro sequimur interpretandi rationem ab Illustrissimo Duce Montauserio excogitatam. Non modo sensum e sensu ; sed ex verbis verba aeque significantia reddimus : obscuris expressiora, translatis propria substituimus. Cum vel una vox textui non respondens additur, diversus illam signat character. Denique quarum vocum sensus aut vis exponi nisi pluribus non potest, illarum explanationem rejecimus in Notas. Notae vero breves ut essent curavimus : sic tamen, ut in bis nihil aut ad historiam, aut ad fabulam, aut ad caeterarum rerum intelligentiam desiderari posset. Unum restat, ut fatear, hoc totum , quod est hic Notarum in Velleium Paterculum, hoc, inquam, non totum meum unius esse ; sed parti m eorum, qui operam suam in Velleium emendandum egregie contulerunt. Lipsium imprimis et Vossium, quibus plus debeo, honoris causa nomino ; et in meae laudis, si adipiscor aliquam, accipio societatem. « Il y a deux qualités à notre édition : elle éclaircit la langue par l’interprétation des mots, et explique les difficultés par les notes. Nous suivons d’ailleurs la manière d’interpréter établie par le très illustre Duc de Montausier. Nous ne donnons pas seulement le sens à partir du sens, mais à partir des mots, nous donnons (d’autres) mots signifiant la même chose : nous avons remplacé les expressions obscures par de plus claires, les allusions par le sens propre. Quand on ajoute au texte ne serait-ce qu’un seul mot qui ne lui aille pas, un changement de typographie le montre. Enfin, pour les mots dont le sens ou la valeur ne peuvent être expliqués brièvement, nous en avons rejeté les explications dans les notes. Cependant, nous avons veillé à la brièveté des notes : mais de façon toutefois à ce qu’il ne puisse rien y manquer pour comprendre l’histoire, le récit ou le reste. Il demeure, je dois l’avouer, que tout cet ensemble de notes à Velleius Paterculus n’est pas entièrement de mon cru ; une partie vient de ceux qui ont apporté leur soin à améliorer de manière remarquable (le texte de) Velleius ; je cite pour les honorer Lipse tout d’abord, et Vossius, envers qui j’ai la plus grande dette ; et j’associe à ma louange, si j’en mérite une, la Société de Jésus. »
23 Justus Lipsius de Velleii nominibus, genere, vita, scriptis.
24 Idem de titulo, materie, numero librorum Historiae Velleii.
25 Aldi Manutii Scholia de Vellei nomine et praenomine.
26 Schegkius de Velleii praenomine.
27 Comme nous le verrons dans l’étude des notes, Riguez ne précise pas que les lectures qu’il adopte sont celles de Beatus Rhenanus. Sa dette, affirmée, envers le grand érudit, semble bien n’être que de pure forme et Riguez n’a peut-être pas directement utilisé une édition de Beatus Rhenanus.
28 Vocantur patrueles, vulgo, cousins germains, qui sunt fratrum filii.
29 De même, en II, 55, acies restitutae : verbum militare. Gallice les troupes se rallièrent : « acies restitutae : expression militaire. En français, les troupes se rallièrent ».
30 Et non de thème, ce qui semblerait plutôt être la tâche de l’interpretatio.
31 Archilochum : poeta Lacedaemonius est, inprimis mordax. Inventor iambici carminis, quod Archilochium ab eo vocatur. Hoc mordaci carmine Lycabes ad suspendium adegisse creditur, eo quod promis sam sibi filiam non tradidisset. De quo Horat. in art. Poet. Archilochum proprio rabies armavit iambo. Hinc Cicer. lib. 2 epist ad Attic Archilochia dicta dixit pro contumeliosis, mordacibus, injuriosis.
32 Coloniae oppida fuerunt, quo populus Romanus suos cives ad incolendum ab urbe deduxit. Qui plura scire de coloniis volet, adeat Sigonium, de antiq.jure Italiae lib. 2.
33 Voir l’introduction de l’édition CUF 1982, p. LXII-LXXIII.
34 Le traducteur moderne s’en tient à une prudente transcription, la nouitas étant un concept que le français « nouveauté » ne rend qu’imparfaitement.
35 Historia Velleii Paterculi quam sit elegans si non persuadet doctissimi cujusque judicium, satis ejus per se lectio docebit.
36 Par exemple, en I, 12 : instincta devient incitata ; II, 63 : sobrius devient non ebrius ; II, 77 : animus inquies devient animus inquietus.
Auteur
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2003
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