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Acte premier

p. 65-93


Texte intégral

1Une rue de la ville de Montagne Ronde.

Scène première

2Brighella, caricature de devin, Pantalon, derrière lui, qui l’écoute attentivement.

Brighella, à part, exalté. Ô Soleil, toi le miroir

Des humaines aventures,

Jamais tu ne deviens noir

Quand tu montres d’horribles impostures !

Pantalon, à part. Je suis fou de ce poète. Il dit des choses, on pourrait les peindre ! Il fait des vers, on pourrait les chanter à un mariage !1

Brighella, comme précédemment.
Ô malheureuse reine des Tarots !

Ô Tartaglia, béni des dieux !

Ô Barbarina, ô Renzo !

Ô fruits nés d’un tronc véreux !

Pantalon, à part. Ho ! ho ! Voilà qu’il parle de la famille royale de Montagne Ronde. La reine des Tarots, malheureuse ? D’accord ; elle le mérite. Cette vieille maquerelle, après le départ du roi Tartaglia, son fils, n’a pas cessé de jouer les tyrans, et lui, il ne mérite pas d’être béni des dieux puisqu’il a laissé le trône aux mains de cette sorcière pendant dix-huit ans. Si seulement elle était morte de ce chancre qu’elle avait aux jambes au moment des noces de son fils… Mais : « Ô Barbarina, ô Renzo ! Ô fruits nés d’un tronc véreux ! » Ça, je ne comprends pas.

Brighella, comme précédemment.Ô toi, esprit courtois du roi de Coupes2,

Disparu dans l’autre monde,

Combien de hauts faits, combien d’entourloupes

Rendront célèbre Montagne Ronde !

Pantalon, comme précédemment. Encore plus célèbre ? Il ne suffit pas que nous ayons vu des oranges devenir des femmes, des femmes se changer en colombes, et des colombes se changer en reines d’heureuse mémoire3 ?

Brighella, comme précédemment.Tartaglia, je te vois,

Tu reviens à la cour,

Ninette, je le crois,

Ce n’était pas encor ton tour.

Il reste donc une bonne espérance

De voir des trois oranges la descendance.

Pantalon, à part. Rien à faire, il faut que je reste là à l’écouter, la bouche ouverte comme un demeuré. Celui-là, pour ce qui est des prédictions, il vaut six fois le Schieson4. « Tartaglia je te vois » ? Sûr, le roi Tartaglia qui est parti faire la guerre aux rebelles, qui est parti depuis dix-neuf ans, il sera ici ce soir, sûr, sûr. « Ô Ninette, ce n’était pas ton tour » ? Alors là, moi je ne peux pas y croire. La reine Ninette a été ensevelie vivante, il y a dix-huit ans, sous l’évier de la cuisine, à cause des persécutions de cette vieille peau de reine, et je l’ai vue, moi, de mes yeux. Figurez-vous si elle n’est pas décomposée et réduite en poussière ? « On peut espérer voir des trois oranges la descendance » ? Ça, c’est magnifique, mais je ne peux pas l’avaler. Il me semble encore être au moment fatal où feu la reine Ninette, avant d’être ensevelie vivante sous son évier, mit au monde deux jumeaux, un petit mignon et une petite mignonne, si beaux qu’on aurait dit un œillet et une rose. Leur vieille peau de grand-mère me les a livrés, à moi, avec l’ordre de les égorger, sous peine de mort, et, sous peine de mort, de me taire. Et je la vois encore placer dans le berceau, au lieu des deux jumeaux, deux petits chiots qu’une jeune chienne de la cour venait de mettre bas, et ensuite écrire au roi des explications, des accusations et des dénonciations qui ont causé tous ces événements tragiques qu’on racontera, au coin de la cheminée, comme des contes de fées. Moi, il est vrai que je n’ai pas eu le courage de les égorger, ces deux mignons poupons, et je me souviens, comme si c’était hier, que je les ai enroulés dans vingt-quatre brasses de toile cirée vénitienne, bien solide, de celle qu’on fait au traghetto du Buso5, et qu’une fois bien enveloppés pour qu’ils résistent à l’humidité, j’ai jeté ce joli petit paquet, plouf, dans le canal, en ramenant à leur grand-mère deux cœurs de chevreaux, comme font les bons ministres en pareil cas. Après dix-huit ans, s’ils ne sont pas morts noyés ou morts de faim, ils seront morts au moins parce qu’ils n’ont pas pu grandir, cousus comme ils l’étaient, avec une grosse aiguille, dans leur bonne toile cirée. Cher monsieur l’astrologue, vous êtes un heureux poète, vous n’imitez personne, vous n’affectez pas de parler la belle langue toscane, vous ne dites pas des mots en l’air. Le ciel sait donner du talent aux hommes, mais ces hommes, ils savent aussi dire des âneries, et l’on peut leur rire au nez. On ne peut plus rattraper le coup, la descendance des oranges est éteinte.

Brighella, toujours en méditation, le front dans les mains, comme précédemment.

Si des effroyables pommes qui chantent,

De l’eau d’or qui résonne, et qui danse,

Des rois enchantés, emplumés et parlants,

Tartagliona tu n’es pas défendue

Par cette force que jamais on n’a vue,

Tu auras contre toi les statues

Solides, fluides, alcaloïdes, acides.

Une mare te servira d’asile,

Et de cela ne pourra te sauver

Brighella, devin, astrologue fossile.

3Il reprend ses esprits.

Hélas ! L’enthousiasme céleste m’abandonne ; me voilà aussi imbécile que les autres hommes. Voilà que mes poumons perdent à nouveau leur souffle, et je sens à nouveau venir l’évanouissement. J’aperçois la boutique d’un charcutier. Réparons avec deux sous de bouillon gras, la faiblesse que m’infligent d’habitude l’inspiration divine et les fureurs poétiques. Il sort.

Pantalon. Par le sang de la Noffia qui a fait troisième à la régate6 ! Quel beau morceau de poésie ! Je n’ai pas compris un traître mot, mais connaissez-vous quelque chose de plus divin ? Des pommes qui chantent, de l’eau qui danse, des solides, des fluides, des alcaloïdes et des acides. Qu’on dise ce qu’on veut, quelque chose de grand va sûrement arriver dans ce palais. Moi, j’ai vu tant de choses incroyables, que je doute de tout, et je suis devenu un philosophe pyrrhonien jusqu’au bout des ongles7. Que peut-on voir de plus, après cette série de métamorphoses diaboliques ? Sméraldine, la mauresque, et Brighella, le serviteur du valet de Carreau, sont brûlés. Sméraldine renaît blanche comme une vieille pipe qu’on aurait jetée au feu, elle épouse Truffaldin, cuisinier de la cour, et ils ouvrent une charcuterie… Brighella brûle, comment dirai-je, comme un sonnet d’étudiant qui vient de passer sa thèse, il renaît de ses cendres devin et poète insigne. Ho, ho, je ne m’étonne de rien, tout peut arriver, tout peut arriver. Il sort.

Scène ii

4Truffaldin, en marchand de saucisses, Sméraldine.

Truffaldin, criant qu’il ne peut plus la supporter ; que lorsqu’elle fut brûlée, elle était une scélérate utile, et que si c’était pour ressusciter en imbécile, il valait mieux qu’elle reste charbon. Il maudit le jour où il l’a épousée, qui est le jour de son jugement dernier, etc. Sméraldine. Elle dit qu’il aurait certainement mieux valu qu’elle reste cendres, plutôt que d’épouser un bandit de son espèce, qui ne pense qu’à manger et à dilapider l’argent de la maison pour satisfaire ses vices. Truffaldin. Il dit que les capitaux étaient à lui, gagnés à la sueur de son front, comme cuisinier de la cour, et grâce aux petits vols habituels dans son métier ; qu’il aurait mieux fait de tout jeter dans le canal, plutôt que d’ouvrir une charcuterie pour la voir offrir à toutes les pipelettes de la ville, derrière son dos, des tripes et des saucissons, etc., et faire crédit aux portefaix, aux voituriers et même (et cela le met hors de lui), dans un siècle comme le leur, aux poètes. Sméraldine. Si elle a eu le cadeau facile, au moins elle peut attester à la face du ciel que cela était de bon cœur, et toujours pour le bien de la boutique, tandis que lui, sans parler de tout ce qu’il a mangé à n’importe quelle heure, en cachant jusque sous son traversin des foies frits pour s’empiffrer la nuit, il a régalé en ville des femmes de mauvaise réputation au grand détriment non seulement de la boutique, mais aussi de lui-même, parce qu’après, il a fallu aussi donner des jambons et des saucisses aux médecins, aux chirurgiens, aux apothicaires, etc. Truffaldin, irrité parce qu’elle veut avoir raison et avoir le dernier mot, dit que quoi qu’elle en dise, dans la boutique, il n’y a plus que quatre pauvres poulpes tout durs, et deux barils d’anguilles frites ; qu’il a fait faillite à cause de son appétit de luxe et de sa folle générosité ; que le ciel ne leur avait donné qu’un fils, qui est mort, et qu’elle a voulu à tout prix recueillir ces deux enfants, trouvés sur le fleuve, enveloppés dans un morceau de toile cirée, les allaiter tous les deux, se ruiner la santé, et maigrir ; qu’à partir de ce moment-là elle ne l’avait plus aimé, et que c’était pour cela qu’il s’était tourné vers d’autres tendresses extra-conjugales, pour chercher à soulager son esprit écœuré ; et que de vouloir élever un garçon et une fille jusqu’à l’âge de dix-huit ans avait été une bêtise énorme, cause principale de sa ruine etc. Sméraldine, furieuse, dit qu’il ne s’avise pas de toucher à un cheveu de son Renzo et de sa Barbarina, ni en actes ni en paroles, ou bien elle fera le diable à quatre. Truffaldin. Qu’il a pris une décision inébranlable, et il ne veut plus les voir chez lui. Sméraldine, sa scène de désespoir et de compassion, puis les éloges de Renzo et de Barbarina, leur obéissance, leur gentillesse et leur indifférence à l’inconfort. Elle dit qu’ils mangent les restes, qu’ils étudient toujours, qu’ils sont utiles car Renzo va à la chasse et rapporte toujours des lièvres. Barbarina va ramasser du bois, elle lave, elle balaye, etc. Truffaldin conclut qu’il n’en veut plus chez lui parce que Renzo connaît plus de maximes philosophiques que lui, et parce que Barbarina est trop sage et qu’elle ne peut être d’aucune utilité.

Scène iii

5Renzo, portant une arquebuse et un livre. Barbarina, portant un fagot et un livre. Tous les deux, en haillons, arrivent par le fond. Et les mêmes.

Barbarina
Renzo, notre père et notre mère sont

En grande dispute.

Renzo
Il est vrai ; écoutons.

6Ils s’arrêtent et tendent l’oreille.

Sméraldine, à Truffaldin. Lui dit que s’il ose dire un mot de travers à Renzo et Barbarina, elle se déchaînera. Truffaldin. Qu’il attend avec impatience leur retour, pour pouvoir les chasser de la maison. Sméraldine, ses supplications à Truffaldin, pour qu’il ne se montre pas si tyrannique. Truffaldin. Qu’il n’a pas d’enfants et qu’il ne veut pas se ruiner pour des bâtards.

Renzo, à Barbarina. Nous sommes des bâtards.

Barbarina, Comment ! Je ne comprends pas.

Sméraldine prie Truffaldin de ne jamais laisser échapper ce mot : bâtards. Truffaldin dit qu’il est presque mort étouffé à le retenir depuis si longtemps ; qu’il ne peut plus se retenir ; qu’à peine ils se montreront, il veut leur dire : bâtards, mille fois bâtards, pour respirer. Sméraldine. Elle dit que ce sont peut-être les enfants de quelque grand seigneur ; que leurs belles manières et leurs visages le montrent. Truffaldin. Qu’on ne trouve pas des enfants de grands seigneurs dans le canal, tout nus dans une toile cirée, etc.

Renzo, à Barbarina. Ma sœur, tout est clair : nous sommes des bâtards.

7Il s’approche de Truffaldin.

Père, est-ce vrai, nous sommes des bâtards ?

Barbarina. Elle s’approche de Sméraldine. Mère, est-ce vrai, nous ne sommes pas vos enfants ?

Sméraldine, sans répondre, verse un déluge de larmes. Truffaldin, avec gravité, dit qu’il n’entend rien aux pleurs et aux attendrissements héroïques, que la misère ne laisse pas de place pour l’héroïsme. Il brosse un tableau exagéré de sa faillite prochaine, en forçant le trait sur le bilan de son commerce. Il dit qu’il les a entretenus trop longtemps, et qu’ils doivent savoir qu’ils sont deux bâtards, trouvés nus dans de la toile cirée, vêtus de leur seule peau ; qu’il n’est pas responsable de leurs malheurs, que le ciel le sait bien, qu’il atteste le ciel d’avoir tout fait pour que sa femme récupère ce paquet de toile cirée et aille les noyer dans le canal afin qu’ils n’aient pas à endurer les misères infinies de ce monde. Ses serments pour certifier que c’est la vérité. Il dit que sa femme, toujours folle et sans discernement, avait voulu à tout prix les garder en vie et les élever, pour leur malheur ; que de son côté, il ne se sentait pas coupable de ne pas leur avoir donné un minimum d’éducation humaine ; qu’il est persuadé qu’ils ont appris à manger, à boire, à faire leurs besoins ; que donc ils n’avaient qu’à se prévaloir des vertus qu’il leur avait enseignées, partir immédiatement, et ne plus oser mettre les pieds dans sa maison, sinon, etc. Il sort.

Scène iv

8Renzo, Barbarina, Sméraldine.

Renzo
Ah, vraiment ! Barbarina, voilà certes

Une curieuse nouveauté. Je rends grâces

Au ciel de m’avoir doté d’un esprit fort8.

Barbarina
Il est vrai, ce serait pour nous bien cruel.

Si nous n’avions pas lu nos petits livres

Philosophiques et réfléchi sur l’humaine

Nature et sur la raison, nous serions frais !

Sméraldine
Chers enfants, je sais que vous ne prêterez pas

L’oreille aux dires de mon âne bâté de mari.

Renzo
Sommes-nous ou non vos enfants ?

Sméraldine
Non, vous ne l’êtes pas.

Vous l’avez entendu ; mais qu’est-ce que ça fait ?

Je vous ai nourris, élevés comme mes enfants,

Vous ne pouvez pas partir loin de moi.

Barbarina
Non, Sméraldine. Si la fortune nous sourit

Vos bienfaits seront récompensés.

Il ne sied pas à qui de votre sang

N’est pas né, de continuer à peser

Sur le dos de votre pauvre famille, et sur celui

De votre époux. Je suppose en moi-même

Que vous éprouvez quelque amertume

À nous quitter. Ce déplaisir naît en vous

De la seule habitude de vivre avec nous,

Et parce que vous pensez qu’il nous déplaît

D’être chassés et d’aller errer par le monde.

Pensez que le chagrin que vous éprouvez

Naît de l’amour-propre qui règne en vous.

Sméraldine
Quoi, l’amour-propre ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

Barbarina
Oui, Sméraldine, vous éprouvez du chagri

À nous voir partir ; aussi cherchez-vous

À nous retenir pour tenter de l’atténuer.

Donc vous cherchez un bienfait pour vous-même.

Ne rêvez pas, il n’y a pas de réponse.

Sachez que mon frère Renzo et moi-même,

Lisons sans cesse, quand nous allons au bois,

Des petits livres modernes acquis au poids,

Pour la boutique, et nous philosophons

Sans cesse sur l’homme ; nous connaissons donc

La cause de toutes les actions humaines,

Et rien ne peut nous étonner.

De votre chagrin nous ne vous avons

Aucune obligation, il naît de votre amour-propre.

Tempérez-le, si vous pouvez, par la raison.

Nous partons avec la plus grande indifférence.

Si nous faisons fortune, nous nous souviendrons

De ce que vous fîtes pour nous, soyez-en sûre.

Nous vous récompenserons suivant les lois

De la société, jamais par obligation.

Retirez-vous. Adieu.

Renzo
Bravo, ma sœur.

En bonne philosophe vous ne confondez pas

L’intrinsèque valeur des lois de la société

Et les désirs humains. Ma chère Sméraldine,

Que le ciel vous tienne en vie ! Rentrez chez vous,

Avec l’époux que vous ont donné les lois de la société,

Et cherchez, si vous pouvez, à libérer votre raison

De vos sens et à réprimer grâce à elle

Cet amour-propre qui tant vous tourmente.

Retirez-vous, adieu.

Sméraldine
Ah, petits freluquets

Sans jugement. Qu’est-ce que c’est que ce discours ?

Quoi, l’amour-propre ? Quoi, la raison humaine ?

Quoi, la société ? Quoi, les lois ? Qui vous apprend

À penser et à parler de la sorte, pauvres fous ?

Barbarina, riant à gorge déployée.

Ah ! Ah ! Ah ! Frère, tu entends, elle se fâche !

Quel malheur que de ne pas être philosophe !

Renzo
L’amour-propre, Sméraldine, vous enflamme.

Retirez-vous et ne vous faites pas remarquer

Ainsi dans la rue, par les personnes savantes

Et libres de préjugés qui pourraient passer.

Sméraldine
Ah, je jure par le ciel que si j’avais cru

Élever deux ingrats, je vous aurais laissé crever.

Donc, c’est par amour de moi-même

Que je vous ai sauvés de la noyade ?

Barbarina
Quelles questions sont-ce là ? Sans aucun doute

Vous avez senti en vous-même du plaisir

À faire cette action, c’est pourquoi vous la fîtes.

Sméraldine
Pour vous allaiter je me suis ruiné la santé,

Pour vous vêtir, je me suis dépouillée ;

Pour vous nourrir tous deux jusqu’à ce jour,

Je me suis retiré le pain de la bouche.

Pour vous deux, j’ai souffert mille tourments,

Mille angoisses ; et tout cela, je l’aurais fait

Par amour de moi-même ?

Renzo
Vous me faites rire.

Ah ! Ah ! Ah ! Oui, par amour de vous-même ;

Vous fûtes tout occupée par le désir fanatique

D’accomplir un acte héroïque. Le plaisir

Que vous ressentiez à faire cette action,

L’idée d’acquérir de l’empire sur nous,

Vous ont poussée à agir par amour-propre.

Sméraldine
Oh ciel ! Vous ne m’accordez donc aucun mérite

De ce que j’ai fait pour vous ?

Barbarina
Tout doux, Sméraldine,

La valeur intrinsèque de l’action ne vous confère

Aucun mérite. Si le sort nous est favorable,

Nous ferons en sorte d’accorder notre âme

Et les lois de la société, et vous obtiendrez

Une récompense pour le mal que vous avez enduré

Par amour de vous-même.

Sméraldine, en fureur.Je maudis le moment

Où par trop d’amour pour moi-même

J’ai tant peiné pour élever deux ingrats,

Deux fous à lier qui m’abandonnent

Avec tant d’indifférence et d’ingratitude.

Si je sauve jamais quelqu’un qui se noie,

Si j’habille jamais quelqu’un qui a froid,

Si je fais jamais le moindre sou d’aumône,

À qui meurt de fièvre, de faim, de soif

Que je sois torturée, étranglée,

Hachée menue, et brûlée une seconde fois.

9Elle sort.

Scène v

10Renzo et Barbarina.

Renzo
Elle est partie en colère. Ma sœur,

Il convient d’excuser l’ignorance.

Barbarina
Il est vrai.

Mais dis-moi, mon frère, tu ne ressens rien

À être ainsi soudain solitaire et errant,

En haillons, sans savoir de qui tu es le fils ?

Renzo
Non, rien du tout, ma sœur. Je vais te dire

Quelles sont mes théories philosophiques.

Nous n’avons ni père, ni mère. Donc nous voici

Libérés de l’obéissance et de la soumission.

Et voici qu’est supprimé aussi le désir

De voir mourir nos parents pour hériter

De leurs biens, pour assouvir les passions humaines,

Insatiables, et les élans sans fin. C’est un bienfait

Comparé au malheur. Venons-en à autre chose.

Aurais-tu par hasard quelque amoureux ?

Barbarina
Aucun, Renzo, je peux te l’assurer.

Renzo
Moi non plus, aucune amoureuse. Et voici

Qu’est supprimée la source de ce désir fou,

De cette périlleuse propension

À paraître galants par amusement,

Qui rend d’ordinaire malheureux et ridicules

Ceux qui se pâment d’amour, et fait transpirer

Tant de marchands qui leur font crédit.

Et c’est un bienfait qui vaut largement

Le malheur d’être en haillons. Il ne faut donc

Jamais nous habituer à ce que ce siècle

Appelle confort et délices. Jamais

Nous ne devrons avoir d’affection pour quiconque,

Ni aucune amitié en ce monde. Soyons

Protégés par l’idée que toute femme,

Tout homme agit toujours par amour de soi.

Fixons-nous pour maxime que les mortels

Sont en général orgueilleux et avares,

Futiles, vindicatifs, impraticables.

Que cette philosophie nous nourrisse.

Dépouillons-nous tout à fait de l’amour-propre,

Et nous serons heureux. Allons, ma sœur.

Barbarina
Écoute-moi, Renzo. Je t’assure et te jure

Que je n’aimerai personne, que toujours ma vie

Sera philosophique. Je dois te confesser pourtant

Que, quoique je t’aie dit que je n’aimais personne,

Je vois souvent autour de moi voler un oiseau vert,

Qui, me semble-t-il, m’aime beaucoup, et j’ai,

Pour ce petit animal, quelque faiblesse.

Renzo
Ce n’est rien ma sœur. Je te guérirai bientôt

De cet amour. Sache que tous les oiseaux,

Par instinct, tournent autour de toutes les coquettes.

Cet oiseau te croit coquette, et tourne autour de toi.

Partons loin de tout cela, loin de cette ville

Dangereuse. Il sort.

Barbarina
Oh monde ! Oh monde !

Que tu es donc sinistre, puisqu’on ne peut

Sur cette terre se prévaloir de l’amour

Et de l’amitié d’un petit oiseau vert.

11Elle sort.

Scène vi

12Tombeau souterrain sous le trou de l’évier, où est ensevelie Ninette, en habit funèbre.

Pourquoi vis-je encor après un si long temps,

Ensevelie dans cette fosse horrible,

Où tant de puantes ordures tombent

Sans cesse ? Ô fille de Concul, misérable

Ninette ! Il eût mieux valu rester colombe,

Ou bien rester enclose dans la fatale écorce

De cette orange, aux mains de Creonta la géante9,

Plutôt que de moisir ici sans raison,

Sans être coupable, condamnée à être ensevelie

Vivante, dans cette fosse infecte, à peine accouchée.

Mais revoilà encore ce bon oiseau vert,

Qui, comme chaque jour, m’apporte à manger

En descendant par le trou de l’évier.

Ô oiseau, il eût mieux valu que je meure !

Ainsi ma longue peine serait finie.

Le cruel Tartaglia, le roi, mon époux,

Serait enfin content, comme le serait

Mon ennemie, la reine, sa vieille mère.

Scène vii

13L’Oiseau vert, qui descend avec une petite bouteille et un pain ; et la même.

L’Oiseau vert
Ninette, sèche tes pleurs. Le temps n’est plus très loin

Où prendra fin l’horreur de ton sort inhumain.

Ninette
Comment ? L’Oiseau vert parle donc ?

L’Oiseau vert
Tu t’étonnes, Ninette, qu’après dix-huit ans,

Je parle, aujourd’hui, pour calmer tes tourments.

Tu es fille de roi, et tu fus une orange,

Tu sais donc qu’il se peut que le visage change.

Je suis, moi, fils de roi ; dans mes jeunes années

Je fus, par un ogre, en oiseau transformé.

Notre destin, notre sort cruel, ce jour même

Dépend de ta fille, Barbarina, que j’aime.

Mais combien d’aventures, de décrets affreux

Étranges, inhumains, nous menacent tous deux !

Ninette
Oiseau, dis-moi, quelle faute ai-je commise

Pour être ensevelie dans ce trou immonde ?

Qu’en est-il de mon époux, de mes enfants ?

L’Oiseau vert
Ta faute est la haine de la reine-mère

Qui au roi Tartaglia t’a montrée adultère.

Elle a écrit au roi que tu avais pondu

Deux petits chiots au lieu de deux bébés dodus.

Ton époux a confié, en te croyant coupable,

À cette barbare sans cœur, impitoyable,

Le soin de résoudre l’affaire. La mégère

Te fit ensevelir, ordonnant qu’on enterre

Tes jumeaux nouveau-nés. Mais ils furent sauvés.

Un bon Vénitien, Pantalon, en eut pitié.

Ils errent, inconnus, tels bâtards sans fortune.

L’un s’appelle Renzo, et l’autre Barbarine.

Espère, Ninette ; mais ajoute à l’espoir

Des prières aux dieux, pour fuir de ce trou noir.

Si tes jumeaux triomphent de tous les dangers,

Quittant la fosse immonde, tu reviendras régner ;

Tartagliona mourra ; forme humaine prendrai

Si Barbarine est forte et je l’épouserai.

Mais contre elle, hélas, je devrai mener guerre.

Ninette, je me tais ; et voici mon derrière. Il se relève et sort.

Ninette
Résiste, mon esprit ! Que d’étranges nouvelles !

Mangeons et élevons au ciel des prières.

Si après dix-huit années de sépulture

Je sors d’ici, quelle histoire vaudra la mienne ?

Elle referme la porte sous l’évier.

Scène viii

14Une rue de la ville.

Brighella dit qu’il a revigoré sa veine prophétique avec des tripes de brebis en sauce, chez le charcutier. Il sent dans son ventre gargouiller l’astrologie et l’art poétique divinatoire, et pense que les prémisses sont prêtes à sortir. Il dit qu’il assistera Tartagliona autant qu’il pourra ; qu’il a une petite faiblesse amoureuse pour cette vieille ; que l’on ne doit pas discuter des goûts ; qu’elle est vieille, ridée, mais reine ; qu’un poète peut avoir des inclinations qui se distinguent du commun des mortels ; qu’il voudrait attendrir son cœur avec des attentions, de délicates expressions et des vers tendres.

15Avec emphase.

Chevelure d’argent, hirsute, entortillée

Autour d’un beau visage, d’or tout décoré !

16Il sort.

Scène ix

17Plage déserte. Barbarina et Renzo.

Barbarina
Renzo, la nuit vient : je ne vois ici

Qu’une plage déserte. L’air est glacé,

Mes pieds, mes mains et mes dents tremblent de froid.

Et l’amour-propre commence à me gagner.

Renzo
Barbarina, sois forte et tu le vaincras.

Pour moi, je ne tiens plus debout tant j’ai faim.

Mais cette plage dépouillée de tout bien,

Où nous sommes très loin des hommes perfides

Qui font tout par amour-propre, crois-moi,

Réconforte mon esprit.

Barbarina
Mais, mon cher frère,

Si, admettons, une personne maintenant

Nous accueillait et allumait devant nous

Un beau feu, nous donnait un bon lit ; dis-moi

La vérité : cette personne te déplairait-elle ?

Renzo
J’aimerais le repas, le feu, et le lit.

Mais si je réfléchis que cette personne

Nous donne l’hospitalité seulement

Par amour d’elle-même, j’aurais du mal

À accepter ce bienfait.

Barbarina
Pour moi, Renzo,

À dire vrai, la faim, le froid et le sommeil

Me feraient trouver tout à fait adorable

Cette personne, et remplie d’amour

Pour nous plus que pour elle-même.

Renzo
Holà, holà !

Cette personne, c’est certain, ou sera femme

Et fera cette action pour moi, qui suis homme ;

Ou elle sera homme et la fera pour toi

Qui es femme. Scélératesse, toujours.

Pour le moins, elle fera cette action

Par fanatisme et par désir de gloire,

Afin que chacun dise : « Elle est grande,

Généreuse, magnanime, accueillante,

Adorable, bienfaisante. » Amour-propre

Pourri, toujours, toujours, rien qu’amour-propre.

Barbarina
Renzo, la faim, le froid, et la fatigue

Ont sur moi tant de pouvoir, qu’à mes yeux

Tu n’es qu’un fou, tu n’es qu’un fanatique,

Rempli d’amour-propre, plus que tout autre.

Renzo
Pourquoi ?

Barbarina
Toute la rage que tu sens

Et le mépris que tu montres envers les autres

Ont pour source ton amour-propre.

Et l’amour-propre est si important en toi

Qu’il t’empêche même de comprendre

Que tu meurs de faim et de froid. Qu’est-ce donc

Sinon un fanatisme extrême ?

Renzo, pensif. Attends.

Je crois que tu dis vrai. Et si c’est le cas,

Je l’avoue, cela me déplairait beaucoup.

Scène x

18Tremblement de terre, prodiges, obscurité.

19Calmon, statue ancienne, et les mêmes.

Calmon
Barbarine a raison : Renzo, ouvre les yeux.

Barbarina
Mon Dieu, Renzo, une statue qui marche !

Une statue qui parle !

Renzo
Voilà un fait

Qu’un philosophe ne croirait jamais.

Pourtant il est vrai. Statue, dis, qui es-tu ?

Calmon
Je suis un homme qui vécut comme tu vis,

Misérable philosophe. Je voulus sonder

L’intérieur des hommes et, homme moi-même,

Je vis en tous que l’amour-propre était le moteur

De chacun de leurs actes. Je vis ou crus voir,

Dans mon délire, la raison être esclave des sens,

Et l’espèce humaine, avec son esprit hardi,

Généralement avare, traître, pervers, ingrat,

Me parut vivre seulement pour elle-même,

Et non pour les autres ; et moi, téméraire,

Je méprisai la plus illustre créature,

Et la plus belle, du Moteur Suprême.

Si au moins ma langue avait été coupée

Avant que je nomme l’héroïsme

Des hommes charitables qui œuvrent pour autrui,

Fanatisme et folie, enfant de l’amour-propre,

Né d’une vanité excessive, hautaine et imbécile.

Que de belles œuvres n’ai-je pas tronquées,

Et combien d’ingrats en tirèrent bénéfice !

À quoi bon, Renzo, à quoi bon soupçonner

Chaque homme, et user de son éloquence

Pour persuader les autres que toujours l’homme

Est néfaste à soi-même, et que toujours,

Chez lui, la raison est soumise aux sens.

Tu ne gagnes rien, sauf de rendre les humains

Soupçonneux, haineux les uns envers les autres,

Remplis d’ennui, de perpétuelle inimitié.

Toi plus encore, Renzo, qui n’est pas homme.

Si quelqu’un dit de toi ce que tu dis des autres,

Sûr, la honte te gagnera, et ta langue,

Mue par l’amour-propre, cherchera

Tous les arguments pour qu’on te croie loyal,

Libéral, charitable, humain, et que nature

Parle en toi et abhorre le mal.

Tel tu voudrais être et voudrais que soit l’homme,

Et la raison non esclave des sens

Te laisse distinguer ce qui est bien, ce qui est mal.

Aime-toi toi-même en aimant les autres : et, suivant la raison,

Fille des décrets du ciel et non esclave des sens,

Tu seras, en t’aimant toi-même, tel que tu veux être.

Barbarina
Renzo, la statue ne me paraît pas mauvais philosophe.

Renzo
Elle n’est, ma sœur, qu’un philosophe statufié,

Un moraliste rance et pourri ; qui n’a pas encore

Prouvé que l’homme n’agit pas par amour-propre.

Calmon
Enfant, moi aussi j’ai pensé comme tu penses,

Il y a quatre cents ans. Je méprisai autrui

Avec ces mêmes idées. Je voulus user de la force

Et faire que mes actes ne dépendent pas

De l’amour de moi-même. Alors mon cœur

Se fit pierre, tous mes membres se changèrent

En marbre, et je tombai à terre, où je restai

De longues années enseveli sous l’herbe et la saleté.

Corps inutile, je fus la mire sur quoi les voyageurs

Soulageaient leurs besoins naturels. Voilà

Ce que deviendrait tout mortel qui œuvrerait

Contre son amour-propre, principe de toute action.

Renzo
À quoi bon ces litanies si ennuyeuses,

Ridicule statue, si tu savais ma cause gagnée ?

Tout est donc amour-propre, tout, tout, tout.

Calmon
Minable philosophe borné, tu parles

Comme parlent les impies, qui, méprisant

La création du Grand Moteur tout-puissant,

Cherchent excuse à leurs défauts, à leurs vices.

Où est amour-propre règne compassion,

Pitié pour l’adversité qui frappe l’ami ;

Désir de vertu, crainte de la mort

Et des peines éternelles. Ne farde pas la vérité.

L’homme est une partie du grand Jupiter,

Et, s’aimant soi-même, il aime son Créateur.

L’amour-propre est en l’homme une force céleste.

Mais qui ressent mieux cet amour que celui

Qui, œuvrant avec charité, vertu, piété,

Gagne la vie éternelle et le bonheur

En s’aimant en son origine, en son centre,

Et se satisfait de cette vertu

Que tes maîtres impies appellent fanatisme

Pour se trouver une excuse ? Viendront

Des heures funestes, et l’humanité forcément

Sera la proie des chagrins. Viendra le moment,

Oui, il viendra, où les hommes te vomiront ;

Alors ton réconfort à l’heure de ta mort

Terrestre sera d’avoir, pendant ta vie,

Cultivé en toi l’idée de ta grandeur.

N’habitue pas ton âme, comme les mauvais

Et coupables philosophes, à nier l’existence

D’un asile suprême et immortel.

Lève ton groin de la terre, animal immonde,

Regarde le ciel et les étoiles ; libère

Ici ta pensée du joug des sens et du néant.

Barbarina
En somme cette statue a de la jugeote.

Renzo
Oui, bravo, elle me plaît. Mais cette statue

Ne m’empêchera pas d’être philosophe.

Calmon
Je ne t’empêcherai pas, mais tu ne le seras pas.

La faiblesse est trop grande en l’homme.

Car, petit idiot, tu l’apprendras sous peu,

La philosophie existe, mais pas le philosophe.

Renzo
À la fin, qui es-tu, pourquoi es-tu venu ?

Calmon
Je fus, un jour, roi parmi les hommes, aujourd’hui

Je commande à toutes les statues. Mes sujets

Sont bien meilleurs que vous tous, mortels

Corrompus par de dangereux philosophes.

Je fus tiré de la boue par vos ancêtres,

Et dressé dans un jardin de la ville voisine,

D’où vous venez. Je viens vous rendre les bienfaits

Dont vos aïeux m’ont comblé, chers orphelins.

Barbarina
Oh, chère statue ! Donc tu as connu nos ancêtres ?

Dis-nous de grâce : de qui sommes-nous les enfants ?

Tu dois le savoir.

Calmon
Je le sais et ne puis le dire.

Je vous dirai seulement que vous êtes soumis

À une horrible suite de malheurs,

Dont la fin, ainsi que la révélation

De votre identité, dépendent de l’Oiseau vert

Qui tourne autour de Barbarine et qui l’aime.

Renzo
Je commence à croire que je suis un idiot

Qui ne sait rien. D’obscures prédictions…

Un Oiseau vert, entité dont dépend notre sort…

Un homme de marbre qui parle… La tête me tourne…

Je ne comprends rien.

Calmon
Renzo, ne t’étonne pas. Nombreux sont les vivants

Qui sont plus statue que ne le suis moi-même.

Tu sauras quelle force peut avoir une statue,

Et comment un homme devient simulacre.

Ramassez cette pierre qu’ici vous voyez ;

Retournez à la ville ; jetez-la devant

Le palais royal et, de pauvres, deviendrez riches.

En cas de danger, appelez Calmon ; je suis votre ami.

20Tremblement de terre, prodiges. Calmon sort.

Renzo
Calmon, ma sœur, nous laisse orphelins,

Affamés, gelés et remplis de terreur,

Une pierre dans les mains. Le brave homme !

Barbarina, ramassant la pierre. Allons, comme il l’a dit, et devant le palais

Jetons-la. Nous verrons les merveilles

Que Calmon nous a promises. Des épreuves

Qu’il nous a annoncées peut-être sortirons-nous.

Car enfin, dans nos malheurs, si ceux qui nous écoutent

Ont pitié de nous, nous devons nous réjouir.

21Ils sortent.

Notes de bas de page

1 Pantalon fait allusion à la coutume de faire écrire et publier des recueils de vers en l’honneur des mariés et de leur famille, dans les familles aristocratiques. Goldoni écrivit ainsi de nombreux recueils de vers « pour des mariages », à la commande.

2 Brighella invoque ici un roi des « Coupes » (coppa) qui fait partie des tarots napolitains.

3 Pour l’histoire de L’Amour des trois oranges, voir Introduction, p. 8. Dans le final de la fiaba, le roi Silvio, père de Tartaglia, cachait Ninette et son prince dans la souillarde de la cuisine, et transformait cette dernière en tribunal. Les conseillers interrogés condamnaient Sméraldine au bûcher, et Brighella à l’exil.

4 Allusion à un almanach (lo Schieson) imprimé à Trévise, où figuraient des prédictions, et dont Gozzi s’inspire aussi dans un texte polémique écrit en 1757 contre Goldoni, La Tartana degli influssi.

5 Le traghetto est l’endroit où les Vénitiens embarquent sur une gondole pour traverser le Grand Canal ou un canal important, en dehors des ponts. Le traghetto du Buso ferait allusion à un traghetto situé alors sous le pont du Rialto, dans un renfoncement (d’où le « buso » qui signifie le « trou »). Certains pensent qu’il s’agit d’un traghetto imaginaire, avec un double sens obscène.

6 Depuis le xve siècle, on faisait des régates auxquelles participaient des femmes. La Noffia était une célèbre rameuse, qui remporta dit-on une régate féminine l’année précédant l’écriture de L’Oiseau vert.

7 Pyrrhon, philosophe grec, sceptique, disciple d’Anaxarque, il nie la possibilité pour l’homme d’atteindre la vérité.

8 Dans le sens où il est utilisé au xviiie siècle par les philosophes.

9 Personnage de L’Amour des trois oranges, gardienne des fruits ensorcelés.

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