Chapitre 3
Comprendre l’histoire par le corps et par la montagne
p. 99-146
Texte intégral
« Un mot, pour tout dire, domine et illumine nos études : comprendre. Ne disons pas que le bon historien est étranger aux passions ; il a du moins celle-là. » (Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, EKHO, 2020 [1949], p. 202)
1Le port du harnois par le roi lors du franchissement des Alpes ne laisse pas d’étonner, y compris les historiens. Le roi aurait-il fanfaronné afin de grandir l’épreuve et donc sa propre valeur aux yeux de sa mère et de la postérité ? Comment interpréter des mots dont les sources abusent sans explication, comme le terme « armure », dont le sens éculé ne renvoie plus à aucune réalité vécue aujourd’hui ? Autrement dit, comment comprendre des émotions, une douleur et la réalité de la contrainte à travers une expression aussi désuète et opaque qu’« il nous fâche fort de porter le harnois » ? La formule, à la limite drôle, pourrait avoir été tirée d’un épisode de la série Kaamelot imaginée par Alexandre Astier… Il s’agit pourtant bien de mots forgés par l’histoire, dans un contexte précis. Alors, pourquoi ne pas rendre à François Ier ce qui est à François Ier, et à l’histoire le sens et le contenu des mots qui lui appartiennent ? C’est l’hypothèse que nous avons choisi de vérifier. Mais comment y parvenir, à cinq cents ans de distance ? Nous touchons ici aux limites de la démarche historienne classique. Pour aller au-delà, il faut nous intéresser à l’idée de performance en tant qu’objet historique et, pour mieux nous en emparer, adopter une approche par le terrain. Cette histoire appliquée passe par le corps et par les sens comme instruments de cognition ; par l’archéologie expérimentale à partir d’équipements reconstitués et portés ; par la nature, et plus spécifiquement la montagne, comme espace de travail.
Les enjeux d’une histoire appliquée
Le recours à l’archéologie expérimentale
2L’archéologie expérimentale est une manière de faire de l’histoire appliquée. C’est une approche parfois mal comprise par les historiens eux-mêmes, qui la confondent souvent avec la simple « reconstitution », du moins telle que pratiquée par des amateurs et passionnés d’histoire, fussent-ils éclairés. C’est pourquoi je parlerai toujours, concernant le projet MarchAlp, « d’expérimentation », et au sujet de ses protagonistes « d’expérimentateurs ». Ceci afin de bien distinguer notre approche strictement scientifique de celle du monde des reconstituteurs. Disons d’emblée qu’il ne s’agit pas de « re-jouer » un passé pour en faire un spectacle, par amusement ou par névrose, ni de se construire « une histoire à soi », selon la formule de Marilyne Crivello, afin de rejoindre tel ou tel aïeul à travers une histoire fantasmée. La démarche ne consiste pas non plus, par parti pris, à travers une évocation mémorielle orientée, à fixer une certaine histoire « réhabilitée » aux dépens d’une autre. Pas plus qu’il ne s’agit de ressusciter le passé, et de sombrer dans une illusion téléologique qui consisterait à omettre l’altérité infranchissable qui nous sépare des hommes et des femmes qui nous ont précédés.
3Toute démarche scientifique est critiquable, et doit l’être, mais il s’agit de ne pas rejeter a priori, par quelque biais cognitif, une approche heuristique, qui est à penser comme complémentaire de la démarche historienne classique. Celle-ci se fonde sur le questionnement de sources qui peuvent être de natures extrêmement variées : documents manuscrits, imprimés, iconographiques, objets, sources orales… La question fondamentale est ici de savoir ce qui fait source aux yeux du chercheur. Et l’on sera tenté de répondre, en suivant l’esprit de Marc Bloch, dans son introduction à l’Apologie pour l’histoire, que ce sont d’abord les questions que l’on (se) pose, et notre capacité à « établir entre les phénomènes des liaisons explicatives », qui font ou pas la source… et donc l’historien ! (Bloch, 2020, p. 56 et p. 116).
4Contrairement à l’archéologie classique, qui consiste à retrouver des objets du passé, l’archéologie expérimentale implique de reconstituer les équipements tels qu’ils pouvaient être à une époque donnée. Loin du simple jeu, ou même de la « reconstitution » de l’histoire, l’archéologie expérimentale, ou archéologie vivante, est une remise en acte de certains comportements du passé. Elle est à ce titre sans doute plus une « application », voire une « restitution » qu’une « reconstitution ». Par la matérialité des objets et l’utilisation qu’ils induisent, un usage, des gestes et des postures du passé pourront être exhumés. Le geste renvoyant à l’esprit et à la pensée, c’est toute l’intelligibilité d’un équipement qui peut être questionnée et, au-delà, certaines problématiques sociales, culturelles et économiques d’une société disparue. Des connaissances voire des savoirs perdus peuvent alors être retrouvés, comme la taille des silex préhistoriques reproduite par les paléoanthropologues. La médiation du geste explicite le passage de la nature à la culture. Au-delà des techniques elles-mêmes, ce sont les manières d’user de ses mains, de ses bras, et de tout son corps, partant de son esprit, qui pourront être questionnées. Ce faisant, des émotions resurgissent, favorisées par la sollicitation de tous les sens, comme on pouvait le faire jadis, en écho bien sûr avec d’autres sources, qui permettront de croiser les informations en évitant les biais culturels. Notre démarche confronte le corps à ses équipements. Le corps armé pourra ainsi être utilisé comme un instrument cognitif, autrement dit comme une source en lui-même. Il apparaît à ce titre comme un laboratoire embarqué, susceptible de produire des données et des informations analysables par les scientifiques.
Le corps armé comme source d’informations
5Marcel Mauss définissait les techniques du corps comme « les façons dont les hommes, société par société, d’une façon traditionnelle, savent se servir de leur corps », « le premier et le plus naturel instrument de l’homme » (Mauss, 1935). Ces savoirs du corps, qui passent par la gestualité et les représentations, sont un champ disciplinaire pluriel qui s’est développé dans les années 1990, notamment autour des historiens médiévistes, tel Jean-Claude Schmitt, ou autour de Georges Vigarello, sur les aspects de la santé, du sport et plus globalement sur la place du corps et de ses représentations au cours du temps. Pour Keith Thomas, le corps est lui-même une archive à déchiffrer : « The human body, in short, is as much a historical document as a charter or a diary or a parish register » (Bremmer et Roodenburg, 1991, p. 2). Les travaux sur le combat, comme sur la danse ou l’équitation, ont poussé les chercheurs à se questionner sur la place du corps et des équipements qui lui sont liés. Dans ce domaine, les travaux précurseurs de Victor David Hanson sur le port expérimental de la cuirasse antique, comme ceux de Tobias Capwell, Daniel Jaquet et Nicolas Baptiste pour l’armure médiévale, ont été très stimulants. Comme eux, nous nous sommes confrontés à la question fondamentale qui consiste à trouver comment passer du stade du « faire l’expérience » à celui de « mener une expérimentation » (Jaquet, 2016, p. 14). Il est alors apparu évident de recourir aux sciences du mouvement, qui permettent de combiner le visuel et le ressenti aux analyses structurelles, morphologiques et fonctionnelles approfondies de l’expérimentation scientifique, tant du corps lui-même que de l’équipement endossé par ce même corps. Outre l’approche éthologique, fondée sur l’observation des sujets expérimentateurs en action, tous les tests biomécaniques et physiologiques effectués dans le cadre du projet MarchAlp vont dans ce sens (voir les chapitres 4, 5 et 6).
6La critique classique, qui consiste à avancer le fait que nos corps seraient trop différents de ceux des hommes du passé, oublie de mentionner que ces corps étaient eux-mêmes fort différents les uns des autres. Il faut donc dissiper l’illusion qui consiste à croire à une sorte d’uniformité des corps, quand princes et roturiers, piétons et cavaliers, mais aussi Suisses, Français, Anglais ou lansquenets n’avaient pas le même pas, ni ne chevauchaient de manière identique (Mailles, chap. 41, p. 206). Ce que les armées ont souvent conservé dans leurs façons de défiler, comme le soulignait Mauss à partir de sa propre expérience (Mauss, 1935). Cette critique est néanmoins intéressante en ce qu’elle réactive de très anciens débats portant sur les aptitudes physiques et morales à la guerre. Végèce, au ive siècle, s’en faisait déjà l’écho dans son traité, qui se demandait si les citadins, dont le corps et l’esprit passaient pour être amollis par les plaisirs, faisaient de piètres recrues pour les légions romaines en comparaison des ruraux, naturellement plus robustes. La réponse était oui, mais cela ne dispensait pas de les recruter quand même, les exercices aidant à en faire de parfaits légionnaires ! (Végèce, livre I, chap. 3). On peut rappeler que chaque corps ressent à sa manière l’effort et que la douleur se dose souvent individuellement et culturellement, hier comme aujourd’hui. C’est toute la question, subjective s’il en est, du « il nous fâche fort » de François Ier ! À quel niveau situer la douleur du roi sur une échelle de zéro à dix ? Comment l’évaluer par rapport à celle d’un autre prince, de l’un de ses chevaliers ou d’un piéton, parmi les vétérans ou les jeunes recrues ? Par ailleurs on oublie que les corps de ces robustes hommes du passé étaient souvent plus délabrés, moins bien nourris et soignés que les nôtres. Quant à la taille, elle n’a pas d’incidence, et sur ce point, même Végèce en convenait. Rappelons seulement à ce sujet que François Ier était un grand gaillard de presque deux mètres de haut qui, comme les autres hommes d’armes, dut porter le poids d’une armure faite à sa mesure.
7Dans le cas précis de notre expérimentation, l’armure présente de gros avantages, car même si l’homme du xxie siècle est globalement moins rustique, mais mieux portant que son aïeul du xvie siècle, la physionomie de l’un et de l’autre n’a pas changé. L’enveloppe de métal, qui couvre le corps de la tête aux pieds, reste un équipement dont l’ergonomie est pensée pour être endossée par un être humain normalement constitué. L’armure impose donc sa propre objectivité, en tant qu’elle induit des gestes et des postures obligés, au-delà du « dressage » social et culturel que Mauss voulait mettre en lumière à travers la notion d’habitus. L’homme armé, quelles que soient les époques, apparaît comme un être « augmenté », dans le sens où son corps est prolongé et amplifié par l’exosquelette de métal que constituent les pièces assemblées de l’armure. Porté par un individu habitué, un tel équipement fait système et pourra fournir de nombreuses informations cohérentes, impossibles à tirer des sources textuelles et iconographiques, ou même d’une armure exposée, telle une coquille vide, dans un musée. Nous n’attribuons pas pour autant à la culture matérielle une place qui donnerait aux seuls objets l’exclusivité de la vérité historique, en disqualifiant du même coup les mots, notamment ceux de François Ier, considérés comme inopérants parce que forcément subjectifs et trompeurs. Il s’agit pour nous de concilier au contraire toutes les approches, en voyant comment les textes de l’époque, l’iconographie et les objets se répondent. À ce titre, le milieu dans lequel se déroule l’expérimentation peut aider à en affiner la pertinence.
La montagne comme laboratoire : apprendre en marchant
8La prise en compte du corps comme instrument cognitif implique la considération de l’espace dans lequel il évolue et avec lequel il interagit. L’originalité de MarchAlp réside dans le fait d’avoir procédé à une expérimentation territorialisée, à savoir ancrée dans un milieu naturel spécifique, contraignant, et a priori incompatible avec le port d’une armure. Les sources elles-mêmes, liées à l’événement du franchissement de 1515, nous imposaient la montagne comme cadre de l’expérimentation. Il a fallu faire des repérages in situ, dès 2016, complétés en 2018, et testés dès le 1er juillet 2019. Il s’agissait de valider un itinéraire, sa praticabilité aux hommes et aux chevaux, et de constater l’état des lieux. Le col de Mary, choisi pour l’expérience, étant à 2 641 m, la présence de neige n’était pas à exclure début juillet. Comment allaient réagir les corps sous armure ? Et les chevaux, dont nous nous demandions s’ils seraient seulement capables de monter jusque-là ? De fait, lors de l’expérimentation, nous avons eu à traverser quelques petites portions enneigées, au niveau du col, mais rien de difficile aux hommes, ni même aux animaux. Les cols de Vars et de Larche, situés à 2 000 m, ne présentaient plus cet obstacle en août 1515. Raison pour laquelle les armées franchissaient généralement les Alpes à cette époque de l’année.
9Pour peu que les chemins n’aient pas été trop aménagés, la pente, l’étroitesse des sentes, les torrents et les rochers, mais aussi le vent, la neige, la température et l’altitude offrent un cadre intemporel. La description poétique de la montagne, que donnait Jean Marot en son temps, rappelle ces invariants de la nature : « Vaulx profonds, my haulx rochers cornuz,/Bruyans torrens, passaiges incongneuz,/Chemins estroictz, » (Jean Marot, Recueil, Paris, 1533). L’immersion du corps, armé et en marche, dans un tel milieu, produit des informations susceptibles de renseigner le chercheur. Ainsi la montagne devient-elle comme un laboratoire à ciel ouvert.
10La marche, considérée comme « le propre de l’homme », est en soi un moteur et un outil réflexif dynamique, qui interagit avec la parole, les sens et l’esprit. La mise en mouvement du corps rejoint une archéologie vivante telle que la pratique Antoine de Baecque. Historien de la marche et historien marcheur, il associe de manière dynamique le corps à un espace, créant une relation de réciprocité féconde pour les sens. La marche a cette vertu qu’elle permet littéralement de « mettre ses pas » dans ceux des êtres qui nous ont précédés, de « marcher sur la nature » ou « sur l’histoire » elle-même. Ce principe dynamique exhume des itinéraires, réemprunte des voies, en ouvre d’autres. Il fait apparaître les savoirs historiques de la montagne et enclenche le procès historiographique que le chercheur expérimente directement lors de sa traversée des Alpes, au fil du GR 5 (Baecque, 2014). Dans notre cas, il transforme une image figée, telle la scène de Breughel illustrant la conversion de saint Paul, en un vécu prosaïque, de la pente affrontée à la chute de cheval, et restitue la réalité historico-paysagère de la montagne traversée par des hommes en armes. Comme si les protagonistes de l’expérimentation entraient eux-mêmes dans le cadre pour refaire partie du paysage. L’engagement de la personne est total et néanmoins objectivé par les critères rigoureux, qui fixent le cadre scientifique de son expérimentation.
Des hommes en armures
« Une armure quand on en a pris l’habitude devient aussi confortable qu’une robe de chambre. »
Paul Claudel, Journal.
Les expérimentateurs
11Le choix des expérimentateurs s’est imposé de lui-même, du fait de leurs spécificités et de leur complémentarité :
- un scientifique, historien de métier à l’Université de Grenoble Alpes, qui puisse entendre les mots du passé et ressentir dans sa propre chair leur mise en acte. Port de l’armure expérimentale à pied, type capitaine de lansquenets ou d’aventuriers de 1515.
- un ancien sportif de haut niveau, triple champion paralympique de cyclisme, Patrick Ceria. L’idée était ici d’établir un parallèle avec le chevalier, dont le corps et l’esprit étaient éduqués depuis l’enfance pour s’exercer au métier des armes, tout comme l’athlète de haut niveau est aujourd’hui entraîné à la pratique de son sport depuis son jeune âge. Port de l’armure expérimentale à cheval, type homme d’armes de 1515.
- un passionné, Cameron O’Reilly, sportif, homme d’affaires et mécène du projet. Port de l’armure expérimentale à cheval, type homme d’armes de 1515.
12Aucun des trois n’appartient à une association de reconstituteurs. Chacun des trois individus est en revanche considéré comme expérimentateur dans la mesure où il a constitué un sujet expérimental en soi, susceptible de fournir des informations scientifiques et des éléments de comparaison dans le cadre du projet MarchAlp. À cet effet, les trois spécimens, tous quinquagénaires, ont dû effectuer un entraînement sportif préalable, sollicitant le cœur et les jambes, de manière à être en bonne condition physique, tests d’efforts à l’appui.
13Au cours des mois qui ont précédé l’expédition, ils se sont soumis à un entraînement spécifique relatif au port de l’armure. Il était en effet absolument nécessaire d’habituer leur corps afin d’être à l’aise avec l’armure avant de la porter pour les tests biomécaniques et pour l’expédition proprement dite. On constate que, au fil des jours, une forme d’accoutumance s’installe, le corps apprenant à épouser progressivement son enveloppe de métal et à « estimer la pesanteur du harnois », comme l’écrivait au xvie siècle Guillaume du Bellay, dans ses Instructions. Il était pour nous essentiel d’apprivoiser notre équipement, de ne pas en avoir peur. On apprend à connaître les limites et les contraintes des différentes parties de l’armure, notamment les frottements et pincements aux jointures des pièces de métal. Une fois à l’aise avec son harnois de tête, de corps et de jambes, on imagine aisément le sentiment d’invulnérabilité que procurait une telle protection, qui augmente le corps humain en retaillant ses formes, sculptées idéalement pour lui donner une stature de géant de métal. L’armure portée, tel un reptile au contact d’une source de chaleur, se réchauffe progressivement et irradie une douce tiédeur. Le corps ainsi enveloppé, on finit par ressentir une impression mêlée de force, de sécurité et de confort relatif. Sans aller toutefois jusqu’à la « robe de chambre » de Claudel ! Brantôme prétend que certains gardaient l’armure en toute occasion (Recueil des Dames, II, II)… Le capitaine Humbercourt était connu pour en avoir perfectionné l’usage pratique. Alors qu’il était sujet à des dérangements intestinaux chroniques, qui le torturaient avant chaque combat, il se fit aménager des chausses dites à « martingale » ou « à pont-levis », qui lui permettaient de défaire son fond et ainsi de se soulager sans avoir à se désarmer. Brantôme, qui rapporte l’anecdote, dit avoir lui-même vu des soldats espagnols équipés de la sorte, « afin que marchant, ils eussent plutôt fait » (Vies des grands capitaines, livre II, XVII). On pouvait parfois retirer soi-même certaines parties de l’armure afin de se déplacer plus aisément, notamment le harnois de jambes et les éperons lorsque le cavalier se retrouvait à pied. Lors de l’assaut de Brescia, en février 1512, le duc de Nemours et ses hommes d’armes combattaient à pied. Le terrain, pentu, étant mouillé et glissant, le duc ôta ses solerets de fer et d’autres l’imitèrent : « Car à vrai dire, ils s’en soutenaient mieux », précise Jacques de Mailles (chap. 50, p. 266). Pendant la bataille de Marignan, Bayard, emporté à travers les lignes suisses par un cheval fou, dut lui-même se défaire de son armet, de ses grèves et solerets, afin de rejoindre, à pied, le camp français.
14Les armures, faites sur mesure pour chacun des expérimentateurs, ont été portées pendant des durées de plus en plus longues, afin d’habituer progressivement le corps : d’abord une heure puis plusieurs heures d’affilée. Des entraînements de marche en pleine nature, avec chaussures et armure complète, ont ensuite été effectués en montagne : Sentier du fer dans le massif de Belledonne (930 m d’altitude moyenne) ; Pal de fer en Chartreuse (740 m de dénivelé positif sur 1,48 km), Croix de l’Alpe également en Chartreuse (1 821 m). La surprise des promeneurs rencontrés était l’occasion d’échanges fructueux sur l’expérimentation : Un pari ? Un gage ? Un enterrement de vie de garçon ? Non, un projet scientifique de l’université de Grenoble ! Il s’agissait de tester l’équipement face à la déclivité, et à différentes heures de la journée : sous le soleil de midi comme sous la pluie, sur terrain humide, sec, pierreux ou herbeux. Un vol en parapente en armure a même été effectué, en duo avec le moniteur Pascal Chatanay, depuis Saint-Hilaire-du-Touvet (Isère). Une première réalisée sans difficulté pour le chevalier volant. Le but recherché était d’aguerrir le corps, mais aussi l’esprit, avant d’effectuer la montée au col de Mary. Les nombreuses conférences données « armé de toutes pièces », ont également constitué autant d’entraînements pour Patrick et Stéphane. Des ajustements ont été faits à plusieurs reprises par le batteur d’armure Georges Jolliot, à la suite de ces tests réalisés en extérieur : le gorgerin du marcheur a été retouché afin d’élargir le col initialement trop étroit qui, en heurtant la pomme d’Adam, rendait insupportable la moindre déclivité, même dans un escalier ; les grèves et solerets des cavaliers, parties délicates s’il en est, ont également été plusieurs fois retouchés afin de ne plus blesser leurs porteurs. Les cavaliers se sont plus spécialement entraînés à tenir en selle et à marcher avec leur équipement complet en tenant leur cheval par la bride. Ils ont pour cela bénéficié du coaching du centre équestre Crinières aux vents, en Isère.
15Patrick a dû effectuer un travail spécifique avec son prothésiste (Chabloz), de manière à trouver la structure la mieux adaptée au surpoids engendré par l’armure. L’armure se présente elle-même comme une forme de prothèse. Au xvie siècle, elle servait d’ailleurs de modèle aux équipements artificiels fournis aux individus qui avaient perdu bras ou jambe, comme le montrent les planches illustrant les travaux d’Ambroise Paré dans Les dix livres de la chirurgie (1564). Un des plus célèbres capitaines de lansquenets, Götz von Berlichingen, avait eu la main droite déchiquetée par un boulet en 1504. Il avait depuis été surnommé « Main de fer », à cause de la prothèse de métal qu’il portait à la place de son avant-bras. Articulée, elle lui permettait d’empoigner une épée et même de tenir une plume. Elle est aujourd’hui conservée au château de Götzenburg à Jagsthausen en Allemagne. Jacques de Mailles, de son côté, évoque un certain La Baulme, portant une jambe de bois, qui était parvenu à capturer trois hommes d’armes du pape devant Bologne (Mailles, chap. 46, p. 237).
16Il a également fallu apprendre à s’équiper, vite, bien et partout. Ce point était d’autant plus important que cavalier ou piéton ne parviennent pas à s’habiller seuls. Pour s’armer, l’un et l’autre ont besoin d’une aide qui portera la cuirasse, attachera les liens et sanglera ce qui doit l’être. Le tout dans le bon ordre : le gorgerin en premier chez l’homme à pied ; d’abord les jambes chez le cavalier ; puis pour les deux la cuirasse, enfin les bras et le casque. Au final, revêtir son armure, quand on porte déjà les vêtements de dessous adaptés, prend entre 8 et 20 mn selon l’armure, et le nombre d’aides autour de l’homme à armer ou à désarmer. Jean d’Auton explique que, en 1506, l’armée étant au repos à Asti, le roi Louis XII voulut essayer son harnois. Le chroniqueur profita du temps pendant lequel le roi se faisait armer, et au cours duquel il était entièrement disponible, pour lui lire une ballade de sa composition sur les Génois révoltés (Auton, t. 3, p. 288-290).
17Ainsi équipés, les expérimentateurs se rendent vite compte que le « corps augmenté » par l’armure est aussi un corps entravé. Augmenté pour la protection certes, mais diminué pour la mobilité. L’entrave à la motricité et la surcharge pondérale sont en effet immédiatement perceptibles. En se déplaçant, on ressent l’impression de modification du centre de gravité et la perturbation de l’équilibre qui l’accompagne. Lesquelles sensations peuvent se prolonger après avoir retiré l’armure, un peu comme quand on quitte une embarcation pour revenir sur la terre ferme. Après un effort prolongé, les effets manifestes sont la pression thoracique et la sudation, puis la macération, l’armure empêchant ou limitant considérablement l’évaporation.
18Ces aspects ressentis et observés à l’œil devaient être confirmés et évalués par des données scientifiques. C’est la raison pour laquelle, tous les expérimentateurs ont effectué plusieurs batteries de tests biomécaniques et physiologiques en armure et sans armure, à l’hôpital Sud de Grenoble, au centre Inria de Montbonnot et à la salle Cube de l’Université Grenoble Alpes, au sein des laboratoires Gipsa-lab et HP2. Il s’agissait, grâce à l’apport de technologies de pointe, comme la plateforme KINOVIS, de se procurer des mesures et des données fines destinées à évaluer le corps de chaque spécimen, mais aussi de connaître les caractéristiques des équipements et de scruter la manière dont ils étaient portés par les expérimentateurs (voir chapitres suivants). À ce sujet, il était pertinent de pouvoir comparer le port de deux types d’armure différents : l’armure de l’homme à pied et l’armure de l’homme d’armes. Par ailleurs, Patrick et Cameron étaient deux sujets complémentaires pour des analyses sur le port d’un même type d’armure, celle de l’homme d’armes. Il s’agissait de pallier les éventuelles anomalies résultant du handicap de Patrick (prothèse du tibia à la jambe gauche). Au cours de la marche en montagne, le médecin du sport Yann Pascault a également fourni des données spécifiques à l’expérimentation en milieu extérieur, comme l’évolution du taux de lactate et les variations de la fréquence cardiaque en fonction de l’effort. Même si les tests physiques nous avaient tous trouvés en bonne santé et aptes pour le service, Yann était aussi à nos côtés afin d’assurer les premiers secours en cas d’urgence. Nous n’étions pas à l’abri d’un problème cardiaque, d’une chute grave ou d’une blessure accidentelle par arme blanche…
Le choix d’un équipement : « armé de toutes pièces »
19Afin de retrouver les sensations que les hommes de 1515 avaient pu ressentir en franchissant la montagne en armure, il fallait se doter d’un équipement semblable. Sur les conseils du spécialiste Nicolas Baptiste, nous avons opté pour deux modèles types de harnois que pouvaient porter les soldats de 1515. La réalisation en a été confiée à Georges Jolliot, batteur d’armure à Montels (Ariège). Il était important pour l’expérimentation que le travail soit effectué de façon artisanale, en rétreinte, à savoir modelé au marteau, riveté et sans aucune soudure. L’acier choisi est le xc45, acier au carbone qui réagit bien à la trempe et dont le rendu se rapproche de celui du xvie siècle. Le poids, la dureté et l’aspect de cet acier, une fois travaillé, trempé et poli, sont fidèles aux harnois blancs (polis) tels qu’on les trouvait en 1515. Les armures ont été réalisées sur mesure, selon un procès qui permet d’adapter au plus précis l’enveloppe de métal à un corps humain. Les articulations des mains (gantelets), bras (cubitières) et jambes sont des pièces particulièrement délicates. Les grèves, parties fermées qui couvrent les mollets, ainsi que les solerets (pieds), demandent un ajustement et une finition que seul un batteur expérimenté est capable de bien reproduire. Chacune des quatre armures représente un temps de travail compris entre 230 et plus de 300 heures, pour un prix qui va de 6 250 à 9 650 euros. Les armures de qualité étaient déjà des objets chers et précieux à la Renaissance, dont le coût dépassait celui des toiles de maître. Ainsi, les comptes d’écurie de la Maison d’Angoulême révèlent-ils que le futur François Ier avait acheté, en 1514, une armure de joute complète, qui avait demandé trois mois de travail au maître batteur d’armes Jacques Merveille, de Tours, pour le prix de 500 livres (Giraud, 1898). Cent fois le salaire mensuel d’un aventurier français recruté en 1515.
L’armure expérimentale des cavaliers et de l’homme à pied
20L’armure lourde de cavalier s’inspire du modèle milanais du doge de Gênes, vers 1510, dont l’original est à Vienne (Kunsthistorisches Museum, Inv. A11), ainsi que de celle figurant sur le gisant de Philibert le beau à Brou (Ain), en particulier pour l’armet et les gantelets. L’armure de l’homme d’armes de 1515 est dite asymétrique car elle est renforcée à gauche et composée de plusieurs parties amovibles en fonction des opérations tactiques à mener : pour la charge elle s’alourdie de protections supplémentaires, notamment d’un grand garde-bras à gauche, une spallière renforcée et d’un arrêt ou repose lance à droite et d’une bavière à la base de l’armet. Elle est au contraire allégée (sans les parties ci-dessus) pour des opérations de reconnaissance. L’armet à rondelle est le casque clos typique de l’homme d’armes de cette époque. Il est fermé par une visière percée d’une fente et de trous pour la ventilation, et comporte à l’arrière une rondelle métallique caractéristique destinée à protéger la nuque tout en faisant contrepoids. L’armure lourde complète de l’homme d’armes expérimental se compose donc de :
- 1 armet avec sa garniture de mailles ;
- 1 bavière ;
- 1 épaulière ou spallière droite ;
- 1 grand garde-bras gauche ;
- 2 brassards et canons de bras avec cubitières ;
- 2 gantelets ;
- 1 cuirasse avec sa garniture de mailles (composée d’un plastron à tassettes et d’une dossière) et son arrêt de lance amovible ;
- 2 jambes avec cuissots ou cuissards, genouillères, grèves et solerets.
21Le poids total de l'ensemble, armure et vêtement, est d’une trentaine de kilos. Le poids de l’armet est de 4,2 kg. La cuirasse seule pèse 8,1 kg. L’armure est complétée par un boléro ou chemise de mailles (6,4 kg), d’un colletin et de jupons de mailles. Le poids total varie en fonction de la taille des individus, mais l’ensemble vêtements, armure complète et mailles atteint près de 40 kg pour un individu d’environ 1,84 m. Les parties en cotte de mailles (colletin, jupons de pourpoint et de braconnières, boléro), constituées d’anneaux de 5 à 7 mm, ont été réalisées artisanalement par Baptiste Bouvret. Le boléro est directement attaché au pourpoint porté sous l’armure, tout comme les spallières et cuissots. Cameron et Patrick ont porté l’armure de cavalier sans ses pièces ajoutées pour la charge, Mickaël a porté l’armure lourde asymétrique complète, mais sans casque ni bavière, conformément à l’ordre royal de 1515.
22Le modèle choisi pour le piéton s’inspire d’une armure provenant d’Allemagne méridionale vers 1500-1510, conservée dans les collections italiennes de Santa Maria delle Grazie, à Curtatone, en Lombardie (g 9.890 Mantoue. cf. Boccia, Lionello G., Le armature di S. Maria delle Grazie […], Busto Arsizio, 1982, 405-413 B9). Le modèle expérimental est en acier trempé xc45, pour un poids total de 14 kg chez un individu mesurant 1,75 m. L’armure de l’homme à pied est adaptée à la marche puisqu’elle ne comporte pas de parties basses métalliques protégeant les jambes (cuissots, grèves et solerets), et son casque, du type bourguignotte, avec visière amovible et protège-joue, est ouvert sur le devant pour favoriser la vision et éventuellement la visée. La bourguignotte a été directement inspirée d’une pièce du musée des Invalides (no inv 36801-H161). L’équipement se répartit comme suit :
- 1 casque (2,1 kg) ;
- 2 gantelets (600 g x 2 = 1,2 kg) ;
- 2 bras composés chacun de spallière, cubitière et canon de bras (2,5 kg x 2 = 5 kg) ;
- 1 gorgerin (0,5 kg) ;
- 1 cuirasse composée d’un plastron à tassettes (3,3 kg) et d’une dossière (1,9 kg), soit 5,2 kg.
23Il n’a pas été ajouté de cotte de mailles, mais celle-ci pouvait éventuellement compléter l’équipement du piéton de 1515.
24Pour tous les modèles, des garnitures en tissu ou en cuir de chèvre ont habillé l’intérieur des casques ainsi que des gantelets.
Des armes blanches
25L’équipement individuel a été complété par des armes caractéristiques de l’époque : une épée et une dague à la ceinture, pour un poids total d’environ 4 kg chez l’homme à pied. Il ne s’agissait pas ici de reproduire des armes dans une perspective de combat, mais de générer un poids et un encombrement susceptibles de contraindre la marche. Les épées des cavaliers, type épée à une main du début du xvie siècle, ont été réalisées de manière artisanale par l’armurier Thibaud Pascual (1,78 kg avec le fourreau, 1,3 kg pour l’épée nue). Toutes les dagues ainsi que l’épée de l’homme à pied, type Katzbalger, proviennent de chez Armory Marek (République tchèque). La Katzbalger ou « étripeuse de chat », était l’épée courte (lame de 59 cm, pour 2,2 kg), large et tranchante, avec une garde en S, caractéristique des lansquenets. Elle servait au combat rapproché, comme un glaive ou une machette. Son fort quillon pouvait être utilisé comme un marteau-pilon. Elle se portait à la ceinture, horizontalement, ce qui ne gênait en rien la marche d’un piéton.
26D’autres équipements parachevaient la tenue du soldat de 1515 : bourse de ceinture et aumônière, destinées à pallier l’absence de poches ; ceinture longue ; couteau ; gourde de cuir ; besace de toile destinée à recevoir la ration individuelle du marcheur, soit plus de trois kilos à plein. Ces objets ont été commandés sur les nombreux sites spécialisés en ligne (Armae, Ritterladen, Eysenhut, Vehi Mercatus, Mytholon…), fabriqués maison (besaces) ou achetés directement aux exposants lors de marchés de l’histoire, à Compiègne et à Orange.
De laine, de lin et de cuir : les vêtements et chaussures
27Des vêtements sous armure, type pourpoint armant (avec son boléro de mailles attaché) pour les cavaliers et casaque de cuir pour l’homme à pied, ont également été fabriqués pour l’occasion. Le légionnaire romain portait déjà ce type de vêtement protecteur en cuir sous sa cuirasse (subarmales). Leur rôle était de préserver le corps et les autres vêtements, notamment la chemise, contre les frottements, la graisse et la rouille des parties métalliques, tout en offrant une couche amortissante, qui favorise le port, sinon le confort, de l’armure. Ces vêtements sont soumis à rude épreuve et se détériorent vite : déchirures, trous et taches de graisse ou de rouille. On sait que les lansquenets avaient fait de ces dégradations, liées à leur état de guerriers, des éléments de fierté, qui ont donné lieu à la mode vestimentaire des crevés. Hormis les chemises, achetées sur des sites spécialisés en ligne, les vêtements des expérimentateurs ont été fabriqués sur mesure principalement en laine, lin et cuir, avec de la soie parfois, notamment pour certaines doublures, afin de respecter les matériaux de l’époque. Sans oublier les bérets de laine avec leurs plumes d’autruche. Merci au « Chevalier Mathieu » et à Isabelle pour les heures de couture, jusqu’à la veille du grand départ ! Les matériaux ont été achetés directement à des fournisseurs au marché de l’histoire de Compiègne (laine anglaise de Bernard Hunt de Godmanchester) et aux Médiévales d’Andilly (cuir de Cuirs Mazamet). Les nombreux liens, terminés par des ferrets, permettent, faute de boutons, de fermer pourpoints et braguettes, ou de relier les parties entre elles, notamment les chausses au pourpoint. Pas de ceinture ni de poches ! Les modèles ont été directement inspirés par l’iconographie de la Renaissance : gravures sur bois d’Erhard Schön, Hans Sebald Beham, Niklas Stoer (Enkevoerth, 2013), estampes de Hans Burgkmair l’Ancien contenues dans Le Triomphe de l’Empereur Maximilien, dessins de Matthäus Schwarz. Le travail a pu s’effectuer ensuite à partir de l’adaptation de patrons spécialisés : Reconstructing History, Early 16thc Landskenecht, 502 ; 16thc German Commonwoman’s Gown, rh 504 ; early 16thc German Accessories rh 505, Early 16thc German Men and Women, 500-1.
28Enfin, les chaussures ont été spécialement fabriquées par l’artisan Jean-Baptiste Ferey, de Ferey Medieval (Manche), de manière à restituer l’aspect de celles de 1515, entièrement en cuir et sans talon. Les chaussures ont été réalisées sur mesure, en cuir de veau, avec des semelles en cuir végétal. La semelle a toutefois été doublée en cuir et une rehausse en liège ajoutée au niveau du talon afin de permettre à des pieds et dos d’hommes du xxie siècle de supporter une marche sur une longue distance. L’absence de talon induit une marche portant davantage sur l’avant du pied, ce qui n’est pas l’usage de l’homme moderne occidental, sauf à pratiquer du barefoot (course à pieds nus). La semelle double se développe à la fin du xve siècle en Italie, avant d’être communément adoptée, vers 1550. Elle serait une adaptation provoquée par le pavage des rues, qui exigeait désormais de mieux absorber l’impact du pied sur le sol (Goubitz, 2011, p. 79). Mais on peut aussi se demander si les multiples franchissements des Alpes, qui eurent lieu précisément à cette époque, n’ont pas joué un rôle dans cette révolution de la semelle et donc des pieds.
29Trois types de chaussures ont été fabriqués. Les cavaliers expérimentateurs avaient des chaussures basses, lisses et sans lanières, du type pattes d’ours, selon la mode de l’époque (Goubitz, p. 277). Il s’agissait d’avoir des chaussures portées sous les solerets de fer et a priori inadaptées à la marche sur une longue distance, exercice auquel les chevaliers n’étaient soumis qu’exceptionnellement. L’homme à pied expérimentateur portait des chaussures montantes, à lacets de cuir, avec des crampons en lanières de cuir végétal. Ces chaussures devaient restituer une forme d’adaptation à la marche en montagne, du type des chaussures portées par les chasseurs de chamois du livre des Triomphes de l’empereur Maximilien. Une adaptation de plus d’une année a permis de « faire » ces chaussures aux pieds du marcheur, avant même de porter l’armure. Il était essentiel d’être parfaitement à l’aise pour l’expérimentation. Leur souplesse et leur légèreté ont été de bonnes surprises. Une troisième paire, ouverte avec une lanière à boucle et sans crampons, a été fabriquée en appoint. Elle est du type des souliers que porte l’arbalétrier au premier plan du tableau du Martyre de Saint Sébastien de Hans Holbein l’ancien, en 1516 (Munich, Alte Pinakothek ; Goubitz, p. 276). Cette dernière paire a été éprouvée à plusieurs reprises lors de marches courtes et pour des tests biomécaniques, mais pas pour la marche effectuée au col de Mary. Toutes ont dû être réajustées au cours des mois qui ont précédé l’expérimentation sur le terrain.
Des animaux pour la guerre : ânes et chevaux
30Les chevaux de l’expérimentation devaient répondre à plusieurs critères précis absolument déterminants pour la validité du projet. Ils devaient être habitués au port d’un cavalier en armure, mais ne pas être des chevaux de randonnée familiers de la montagne. Autrement dit, présenter les mêmes caractéristiques que la très grande majorité des grands chevaux de l’armée de François Ier. Les chevaux peuvent en effet être facilement effrayés par le bruit et les éclats du métal de l’armure s’ils n’ont pas été habitués auparavant. Ils devaient également être robustes, afin de supporter le poids supplémentaire généré par l’homme d’armes entièrement équipé. La selle devait être haute et enveloppante, comme celle des destriers des chevaliers du xvie siècle. Des selles d’armes, avec leur pommeau et troussequin bardés de fer, ou des selles hautes, type portugaises, ont été choisies à cet effet. L’ensemble de la monte et de l’équipement de notre cavalerie a été fourni par les Écuyers de l’histoire, association spécialisée dans l’équitation historique. Mickaël Sadde, jouteur professionnel, a fourni quatre chevaux équipés pour l’expérimentation. Ceux-ci répondaient parfaitement aux critères exigés dans le cahier des charges de MarchAlp. Fort de son expérience, Mickaël s’est joint à nous, en armure lourde asymétrique, et a joué le rôle du coach auprès de nos cavaliers expérimentateurs. Il était accompagné d’une cavalière en charge du soin des chevaux, Constance Riaux.
31Deux ânes bâtés, Carioca et Crunch, loués chez Odilon Ferran, de Fouillouse (Alpes-de-Haute-Provence), ont quant à eux été de précieux auxiliaires logistiques, tout comme les mulets au xvie siècle. Bêtes de somme ou de charge destinées au transport du bagage des armées, ils ont porté du matériel lourd et encombrant, notamment vidéo, des vêtements et des réserves d’eau. Arthur, Jonathan et Oriane ont accepté de nous servir de muletiers au fil de la marche, composant avec le caractère des animaux. Ainsi ânes et chevaux sont-ils venus constamment nous rappeler la place qu’ils occupaient au sein des armées et la nécessité qu’il y avait à tenir compte de leur propre rythme, tout particulièrement en montagne. Les ânes, guidés par Arthur et quelques courageux de Megapix’Ailes, seront les seuls, une fois délestés de leurs charges et l’orage passé, à regagner Maljasset par le col de Mary, le dimanche 7 juillet.
La ration de combat comme au xvie siècle
32Pour retrouver les problématiques de 1515, en particulier les entraves à la mobilité par le poids, des rations individuelles ont été remises à chaque participant, la veille du départ. Une chaîne de distribution a été organisée à cet effet au campement de Maljasset. On a cherché à respecter au mieux les portions et le type de produits qui constituaient l’ordinaire du soldat en campagne, ceci en grande partie grâce aux documents conservés aux archives de l’Isère (Recueil et abrégé…, J500) : 1 kg de pain ; 250 g de coppa ; 200 gr de fromage de chèvre ; 2 pommes. Soit environ deux kilos de victuailles transportées dans une besace de toile. Auxquelles s’ajoutait au moins un litre d’eau en gourde de cuir. Soit un total d’environ trois kilos de vivres à porter avec soi. Certains avaient plus, d’autres moins, comme ce fut le cas en 1515, puisque les hommes avaient alors reçu pour consigne d’emporter pour trois jours de vivres. En tout nous avons distribué 35 miches de pain, 10 kg de coppa, 7 kg de fromage de chèvre et 70 pommes…
Le choix d’un lieu et d’un parcours
33Il était essentiel de trouver un lieu adapté à l’expérimentation de manière à faire de la montagne un vrai laboratoire. L’itinéraire suivi par François Ier, par les cols de Vars et de Larche, a ouvert une route dans la montagne, laquelle a servi, par la suite, à d’autres occasions. Notamment en 1692, lorsqu’elle fut empruntée, dans l’autre sens, par les troupes du duc de Savoie venues envahir le Dauphiné. Ce chemin est aujourd’hui goudronné et ne présente plus d’intérêt pour un projet comme le nôtre. Il a donc fallu trouver un autre passage, qui puisse offrir des caractéristiques proches de celles du chemin de 1515 : pentes herbeuses, sentier de terre et de pierre, torrents sans pont, altitudes autour de 2 000 m, dénivelés, etc. Une hypothèse émise par l’historien Jean Jacquart voudrait que Bayard, en 1515, soit passé par la haute vallée de l’Ubaye puis par le col de Mary (anciennement col de Maire). Rien ne le confirme, toutefois Signot évoque bien le val Maira dans son édition de 1515 (sixième passage, feuillet 4) comme une des voies d’accès à l’Italie depuis le Queyras. Bourcet le mentionne également comme praticable aux chevaux dans ses Mémoires militaires sur les frontières (Bourcet, 1801, p. 81-82). Ce col, situé à 2 641 m, marque aujourd’hui la frontière entre la France et l’Italie, jadis entre France et États de Savoie, comme le signalent encore sur place croix et fleur de lys sculptées dans la roche. Il domine le hameau français de Maljasset, anciennement Maurin (1 900 m), au bord de l’Ubaye, sur la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye (Alpes-de-Haute-Provence). Une église sur place rappelle, par ses fresques et son linteau, une implantation contemporaine des guerres d’Italie. Ce col a été utilisé au cours du temps par troupes et migrants. Il permet de gagner le hameau italien de Chiappera (ou Clapière en français), commune d’Acceglio, puis le val Maira, qui ouvre sur le Piémont.
34Un repérage a été effectué dès 2016 afin d’évaluer la praticabilité du col. Celui-ci, présentant tous les critères requis, a été retenu pour le projet. Sur place, la médiation amicale de Robert Estachy, habitant permanent de Maljasset, ainsi que le concours de Laurent Surmely et Jean-Philippe Grillet (association Sabença de la Valeia, Barcelonnette), ont été déterminants. L’itinéraire de la marche expérimentale, fixée au 6 juillet 2019, part donc de Maljasset, suit le sentier qui monte au col par le vallon de Mary, redescend côté italien jusqu’à la bergerie de la Baita, sur les hauteurs de Chiappera. Le parcours représente 700 m de dénivelé positif jusqu’au col et autant en négatif jusqu’à la bergerie italienne. En tout, huit et sept kilomètres soit quinze kilomètres de marche. Tant au niveau de la distance parcourue que du dénivelé, on retrouve des critères fiables, proches des caractéristiques possibles d’une étape de montagne de 1515 : trois grandes lieues, soit quelque 19,5 km, selon Barrillon. Le retour, le 7 juillet, devait se faire par le même chemin.
Une équipe : hommes et femmes, civils et militaires
35Le noyau des expérimentateurs était complété par des accompagnants, dont quatre doctorants de l’Université Grenoble Alpes travaillant sur les problématiques de la montagne et/ou de la Renaissance. Marine Haurillon, Perrine Camus-Joyet, Emma-Sophie Mouret et Nicolas Broisin ont dû, eux aussi, s’équiper et s’entraîner. Tout comme Arthur, Nathanaël, Oriane, Jonathan, Isabelle et Fabienne, qui nous ont accompagnés en tant qu’aides logistiques. Nathanaël faisait office de tambour et Nicolas d’enseigne, autrement dit de porteur de drapeau, puisque, comme dans les armées du xvie siècle, des signaux visuels et sonores devaient soutenir la marche. Les couleurs étaient si importantes qu’elles servaient non seulement à s’identifier, mais aussi à se nommer et à s’interpeler jusque sur le champ de bataille : « les bandes noires » du duc de Gueldre, « les blanc et noir » de Robert de la Marche etc. Notre drapeau avait été conçu spécialement pour l’occasion (en collaboration avec Mégapix’Ailes), en référence à des symboles héraldiques précis : le lion naissant des armes de Bayard écartelé avec la rose héraldique de la ville de Grenoble, selon les couleurs de la charte graphique de l’université : de gueules (rouge) et sable (noir-gris). La plupart des accompagnants étaient chargés de porter du matériel complémentaire grâce à des besaces de toile et des hottes d’osier : notamment les capes de laine à capuche (fabrication États du Velay) destinées à servir de sac de couchage pour la nuit de bivouac à 1 900 m d’altitude. Plusieurs ont aussi été sollicités pour aider les cavaliers à monter et à descendre de leur monture, en tenant le cheval ou en faisant contrepoids au niveau de l’étrier opposé. La présence féminine au sein de l’expérimentation rappelait que des femmes étaient au cœur des armées de la Renaissance. Les nombreuses gravures montrant les lansquenettes chargées de la logistique familiale, hotte sur le dos, nous ont servi de modèles. Le rendu visuel du cortège a été complété par des troupes d’appoint fournies par des reconstituteurs spécialisés dans la période Renaissance : les États du Velay de Pierre Bouchet, et les lansquenets de Berthold Jockenhöfer, venus spécialement de Bavière. Orso et Ange Simeoni, jeunes de Maljasset, se sont joints à l’équipe afin de servir de guides, comme on en trouvait au xvie siècle. Tous ces participants ont permis non seulement d’apporter le nécessaire soutien logistique à l’expérimentation, mais également de recréer une ambiance qui a pu aider à se plonger dans l’expérimentation. La cinquantaine de marcheurs, les tenues, le son du tambour, la veillée au feu de camp, les coups de ribaudequin (petite pièce d’artillerie), qui ont salué le départ de la colonne au matin du 6 juillet, ont apporté le supplément « anachronique » nécessaire à une forme de déphasage à l’égard de notre xxie siècle, tout en replaçant la marche armée dans son cadre collectif, voire épique. Certes nous étions loin des 40 000 hommes de François Ier, mais le même déplacement limité aux seuls expérimentateurs n’aurait pas été vécu avec la même ampleur, ni avec la même acuité, le nombre produisant ses propres dynamiques et contraintes : élan, inertie, encombrement, émulation, ralentissement…
36Des militaires d’active du 4e régiment de chasseurs de Gap, en tenue de combat, avaient été spécialement détachés pour nous escorter jusqu’au col. Ils venaient rappeler la dimension mémorielle de l’événement. Par son ampleur humaine, ses dimensions tactiques et stratégiques, par son extraordinaire déploiement logistique, une telle opération annonçait des problématiques et des spécificités qui furent plus tard développées par les troupes de montagne. Le contraste entre les tenues des guerriers de 1515 et ceux de 2019 était saisissant. Pourtant, le casque et le gilet pare-balles ou structure modulaire balistique (SMB) des chasseurs n’étaient pas sans rappeler l’armure de l’homme à pied du xvie siècle. Leur poids d’ailleurs est presque similaire (12 kg pour la SMB). Toutefois, pour avoir essayé les deux équipements, on constate que les protections que portent les troupes d’aujourd’hui sont autrement plus ergonomiques, flexibles et confortables que le vieil harnois de guerre. Le contraire eût été inquiétant !
Retour d’expérimentation : une lecture éthologique de la marche armée
37Le départ de Maljasset s’est effectué en ordre de marche, le 6 juillet, à 7 h 54. Les expérimentateurs avaient commencé à s’équiper vers 6 h 30. La température au cours de la journée a varié entre 13 et 24 degrés, soit une moyenne tout à fait supportable. Il faut normalement environ 2 h 15 pour monter jusqu’au col de Mary. Nous avons mis près du double ! La moyenne de notre marche se situe donc autour de 2 km/h.
Efforts et douleurs
38Les chevaux, qui se déplacent plus rapidement que les hommes (6 à 8 km/h), ont pris immédiatement de l’avance. Mais dès les premiers torrents, la difficulté du franchissement s’est fait sentir chez des animaux qui n’avaient pas l’habitude de la montagne. Apeurés par le bruit et les reflets de l’eau vive, ils avaient tendance à renâcler puis à faire des bonds démesurés au lieu de traverser en se mouillant les sabots. Dès les premières pentes raides, encore dans les sous-bois, les cavaliers durent mettre pied à terre et poursuivre en tenant leur monture par la bride, sur un sentier étroit et mouillé, jusqu’au premier grand replat au niveau des bergeries du vallon de Mary (2 365 m). La marche avec solerets et grèves sur un sol herbeux et terreux, parfois mouillé, parsemé de pierres, a soumis les équipements et les organismes à rude épreuve. Les pieds et les jambes des cavaliers étant pris dans leur enveloppe de métal, la marche a été rendue mal aisée, mais jamais impossible. Comme le montreront les études biomécaniques (chapitre 5), la foulée raccourcit, le pas s’élargit pour garder la stabilité, tandis que les appuis se prennent davantage sur le milieu du pied.
39La première grosse déclivité a éprouvé les organismes des expérimentateurs, ce que répercutèrent le cardiofréquencemètre, porté par l’homme à pied, et le taux de lactate, ou lactatémie, mesuré par Yann Pascault sur Patrick et Stéphane, grâce aux prises de sang effectuées régulièrement lors de l’ascension. Le taux d’acide lactique, qui permet de mesurer la dépense énergétique, est monté rapidement à 6 millimoles/litre chez les expérimentateurs, puis autour de 8, avant de redescendre à 5 à mi-parcours (taux au repos : 1 à 2 millimoles/litre, taux limite à 4). Il était plus élevé chez le cavalier lors de ses progressions pied à terre, ce qui souligne l’effort intense de la marche en armure d’homme d’armes : 8,2 chez Patrick et 7,7 chez Stéphane, au pied de la Croix du Passour (2 201 m), après plus d’une heure de progression. La fréquence cardiaque, autour de 85 bpm (battements par minute) au départ, sera en moyenne autour de 130, souvent dépassée pour monter à 155 bpm au moment des plus fortes déclivités. L’effort physiologique considérable, qui oblige à puiser dans le métabolisme anaérobie lactique, produit de la fatigue et des douleurs sur l’ensemble de l’organisme. Mais qu’en est-il de l’armure proprement dite ?
40On perçoit naturellement que l’ergonomie de l’armure offre des avantages par rapport à un sac à dos du même poids. Par sa structure épousant la silhouette, elle répartit d’emblée la charge sur les épaules et sur les hanches, sans bloquer la motricité (voir chapitre 4). Toutefois, la prolongation de l’effort pendant plusieurs heures en accroît la pénibilité et l’impact sur la puissance métabolique, comme le confirment les chapitres 5 et 6. Une solution simple consiste alors à s’alléger en posant certaines pièces. À mi-ascension, vers 10 h 30, le marcheur a retiré casque et gantelets. Les effets ont été immédiats : soulagement des cervicales, diminution de l’effet de macération, meilleure respiration. La chaleur estivale n’a pas été perçue, l’altitude corrigeant la température, par ailleurs très supportable ce week-end-là. En 1515, le port fréquent d’un sayon de tissu par-dessus l’armure, qui servait à afficher les couleurs identitaires du porteur, pouvait aussi atténuer les effets calorifiques provoqués par un soleil d’été dardant ses rayons sur le métal nu. Patrick avait passé un sayon dans ce but, mais la chaleur n’a pas été assez forte pour que nous puissions mesurer ses potentiels effets sur la température corporelle.
41À la longue, c’est tout l’armement qui finit par peser. Chez l’homme à pied, le poids de la cuirasse, accentué par gourde et besace portées en bandoulière, a tendance à cisailler les épaules et à introduire une limitation ventilatoire. Cette incidence directe sur l’ampliation thoracique est corroborée par les observations sur le vif faites par le médecin Yann Pascault, comme par les tests réalisés en laboratoire (voir chapitres 6). En effet, le poids et la rigidité de la cuirasse contraignent la cage thoracique, pénalisant les volumes respiratoires, ce qui oblige à un surcroît d’effort à chaque inspiration, puisqu’il faut repousser l’enveloppe métallique, au risque sinon d’avoir le souffle raccourci. La dépense énergétique musculaire devient disproportionnée pour assurer l’effort ventilatoire. « C’est la double peine ! », dit Yann. On devine donc que la moindre prise de poids ou tout mauvais ajustement est susceptible de fausser le port de la cuirasse. On peut alors la desserrer (sa jointure avec la dossière possède un jeu à cet effet), ou la soulever de ses mains afin de soulager momentanément les épaules et les poumons. Le poids des protections de bras peut lui aussi devenir une contrainte, qui suscite à la longue un phénomène d’ankylose. La pose des gantelets l’atténue mais ne suffit pas à la faire disparaître.
42Pour les cavaliers, la nécessité de mettre pied à terre puis de remonter en selle, jusqu’à dix fois en tout dans la journée, fut un effort pénible compte tenu du poids considérable du harnois. Malgré l’utilisation des rochers comme marchepieds, nos accompagnants, tout comme jadis les pages, écuyers et autres valets, devaient les aider, tant pour tenir les montures que pour se hisser ou faire contrepoids de l’autre côté de la selle, comme on le voit sur les représentations du xvie siècle. Bayard, que ses chroniqueurs disaient capable dans sa jeunesse de monter à cheval armé sans mettre le pied à l’étrier, devait être d’une force exceptionnelle (Mailles, chap. 15, p. 74).
Les chutes : douleur et inquiétude
43Le relief pouvait favoriser et aggraver de possibles accidents. La configuration du déplacement des cavaliers était particulièrement sensible à gérer du fait que les chevaux n’étaient pas habitués à la montagne et que nos cavaliers ne portaient pas de protection de tête, conformément à l’ordre royal de 1515. La montagne étant un milieu rocheux par définition, le risque de blessure grave à la tête n’était pas négligeable. Cette éventualité a hanté l’expédition et fut un motif de stress pour les participants. La chute la plus spectaculaire fut celle de Mickaël, pourtant expert en matière d’équitation armée. Mais la montagne n’épargne personne. Ce fut lors de la traversée d’un torrent du vallon de Mary que son cheval, rendu nerveux par les reflets et le bruit, s’est cabré, déséquilibrant son cavalier dont l’étrier a cédé, ce qui l’a fait choir lourdement. La dossière en acier a été enfoncée par une pierre sur le côté droit. Les côtes et le coccyx fortement endoloris, Mickaël a néanmoins poursuivi l’ascension jusqu’au col, après avoir déposé spallière droite et garde-bras gauche. Mais, la douleur persistant, il a dû se délester complètement de l’armure et faire demi-tour pour redescendre à pied sur Maljasset. Preuve s’il en est qu’être cavalier en armure dans la montagne n’est pas chose anodine, et que l’entreprise peut s’avérer dangereuse et douloureuse, tant physiquement que moralement, même pour les plus expérimentés. Cameron et Constance ont eu, eux aussi, à déplorer des contusions. On comprend mieux le choix de Breughel de situer l’épisode de la conversion de saint Paul dans la montagne, lors d’une traversée en armes. Le franchissement apparaît bien comme ce moment incertain de tension et d’instabilité, de douleur et d’humilité, qui retourne le corps et le cœur.
L’arrivée au col de Mary
44L’arrivée au col, à 2641 m, s’est faite entre 12 h 00 et 12 h 30, après avoir parcouru quelque huit kilomètres et effectué environ 740 m de dénivelé positif. L’effort de la dernière montée a fait grimper une nouvelle fois le taux de lactate à son maximum : 8,5 mmol/litre chez Stéphane. Le vent puissant qui soufflait à cette altitude a rapidement refroidi les organismes. Le métal comme les vêtements imbibés de sueur sous les armures se sont immédiatement glacés, générant une impression de refroidissement émanant de l’intérieur, qui n’est pas sans rappeler l’expérience douloureuse rapportée par Jehan de Wavrin. Nous avons alors endossé nos capes de laine à capuche par-dessus l’armure, mais seule la descente à l’abri, en contrebas du col, et les repas tirés des besaces ont permis de chasser ce froid intérieur en réchauffant les organismes. Une partie des accompagnants, Mickaël blessé, ainsi que les militaires (non autorisés à franchir la frontière), sont redescendus sur Maljasset. Une vingtaine de personnes, dont les trois expérimentateurs, ont poursuivi la marche sur Chiappera.
La descente sur Chiappera
45La descente sur la bergerie haute de Chiappera, en Italie, s’est faite entre 13 h 45 et 16 h 30. La progression a été relativement rapide malgré la nécessité pour les cavaliers de mettre pied à terre aux passages les plus raides. Pas de dégâts à déplorer, seuls quelques dérapages sur les sentiers pierreux.
46L’armure endossée vers 6 h 30 a été déposée vers 16 h 30, soit un port continu de dix heures. On retrouve ici une période de marche plausible, les armées de 1515 progressant parfois du lever au coucher du soleil, un temps au cours duquel on peut supposer que les soldats étaient constamment armés, l’armure n’étant déposée que pour la nuit.
47La bergerie haute de Chiappera, la Baita (1 900 m) à environ sept kilomètres du col de Mary, avait été choisie en raison de sa commodité. Elle offre en effet un accès libre à l’eau potable, un espace dégagé pour le bivouac, des toilettes, la possibilité d’un abri au sec en cas d’intempéries. Avec l’accord des propriétaires et du berger, Richard Bastin, en charge de l’organisation côté italien, nous y avait préparé un sympathique casse-croûte, qui revigora tous les marcheurs, auxquels s’étaient joints les membres de l’équipe vidéo de Mégapix’Ailes. La nuit devait se passer à la belle étoile, autour d’un feu de bois, comme en 1515. Mais un orage violent, survenu en fin de soirée, nous a obligés à nous réfugier à l’intérieur de la bergerie. Nous avons alors tenté de dormir un peu, enveloppés dans nos capes de laine, répartis dans deux pièces sans électricité, entassés avec notre matériel et éclairés à la lueur des cierges que nous avions emportés. Mais le froid et l’humidité ne nous ont pas laissé beaucoup de répit.
Le retour : pluie et foudre
48Au matin du 7 juillet, le lever s’est fait vers 5 h 30. Le ciel était nuageux et un vent fort balayait la montagne, mais les prévisions météo étaient au beau. Le temps d’enfiler nos armures et de remobiliser les troupes, nous partions vers 7 h 00 sous une légère pluie. Pas de quoi arrêter le pèlerin, comme dit le proverbe ! Toutefois, alors que nous entamions l’ascension du col, le temps s’est soudain dégradé et des orages ont éclaté, l’un en aval et l’autre en amont de notre position. Équipés de protections métalliques sur tout le corps pour les uns et armés d’armes d’hast ferrées pour les autres, nous devenions de potentielles cibles pour la foudre. Le danger était d’autant plus grand que l’effet de pointe est accentué en montagne. Notre médecin ne pouvait plus engager sa responsabilité professionnelle dans une telle configuration. La fatigue, la dispersion et le stress ne rendaient pas facile la prise de décision. Heureusement, les radios, dont nous avait équipés Megapix’Ailes, nous ont permis de communiquer et de nous coordonner. Face aux risques élevés de foudroiement, il a été décidé de redescendre pour aller s’abriter dans une bergerie en attendant la fin de l’orage. Mais devant l’instabilité du temps et le constat que les sols étaient fortement détrempés et glissants, donc dangereux pour nos chevaux non habitués à la montagne, nous avons convenu d’annuler le retour par le col et de redescendre par le village de Chiappera. La descente s’est faite en armure, à pied et à cheval, pendant deux heures environ, avec une pause à la bergerie de la Baita où les ânes, terrifiés par l’orage, nous avaient attendus. Le temps de se réorganiser, nous avons repris la descente avec, sur notre droite, la belle cascade de Stroppia, la plus haute d’Italie, pour nous consoler. Nous sommes parvenus au hameau, toujours en armure, quand midi sonnait au clocher de l’église… sous un soleil éclatant. Mais ainsi va la montagne qui, comme la mer, est un milieu instable par définition, avec lequel il faut savoir composer.
49Grâce à l’efficacité de Cameron et à son remarquable réseau, des véhicules sont venus nous récupérer sur place ainsi que les chevaux. Ce fut un immense soulagement de voir tout le monde, personnes et animaux, revenir sains et saufs.
Bilan impressionniste
50L’impression générale, recueillie auprès des expérimentateurs et des étudiants marcheurs-accompagnants en tenue, confirme un déplacement éprouvant et un climat de stress lié à la crainte des chutes. Pour tous, la descente fut plus sensible à négocier que la montée, du fait de la raideur de la pente côté italien, du poids du harnois et de la fatigue accumulée. Ce que confirment les tests biomécaniques réalisés sur tapis roulant quant au port de l’armure en déclivité négative (voir chapitre 5). Mais le franchissement du col ainsi que l’arrivée à la bergerie avec armes et bagages furent vécus, tant individuellement que collectivement, comme de grands moments de satisfaction et de fierté.
51Les cavaliers ont ressenti la nervosité des chevaux perturbés par la pente et l’altitude. Le passage des torrents a été unanimement considéré comme un moment difficile à cause du stress des animaux : « Il a été tout au long de l'expérience très important de rassurer sans cesse les chevaux rendus plus nerveux, stressés par la découverte du milieu montagnard en général, l’étroitesse des chemins, l'état du sol, les torrents, le vide, et gérer la fatigue engendrée par le dénivelé positif, négatif et le manque d’oxygène. » (Patrick).
52Le surcroît de fatigue a été immédiatement ressenti lors de la marche en armure, surtout que les chevaux, lorsqu’ils sont tenus par la bride sur un sentier étroit, ont tendance à pousser leur cavalier démonté pour le dépasser : « It was difficult to walk up the steep parts in armour and keep the horses in line behind us. » (Cameron). C’est surtout le fait de devoir descendre de cheval et de remonter en selle qui exaspère le plus : jusqu’à cinq fois, tant à la montée qu’à la descente.
53C’est aussi un moment pénible pour les marcheurs, qui doivent suivre les chevaux, plus rapides, et les rattraper par moment afin d’aider les cavaliers : « J’ai un peu mieux compris ce que traverser veut dire dans la pratique militaire de la montagne au début du xvie siècle. Cela m’a également rappelé que les considérations militaires ne sont pas seulement “humaines” mais aussi animales dans une société où la place des animaux était très différente de la nôtre. » (Nicolas Broisin). L’épée et la besace, portées sur le côté, gênent la marche du piéton (Marine Haurillon), et la hotte, plus ou moins chargée, déséquilibre et meurtrit le bas du dos des porteuses, qui doivent relever leur robe pour dégager leurs pieds, comme le faisaient les lansquenettes : « J’avais l’impression de ne pas être “adaptée” au terrain et de ne pas être assez rapide ou “libre dans mes mouvements”. Je ne pouvais pas faire de gestes brusques ou amples lorsque je portais la hotte. J’avais l’impression de devoir tenir un rythme lent et régulier et de ne pas pouvoir en sortir. La moindre pause ou réajustement d’équipement nécessitait de ”rompre” ce rythme. Tout prenait du temps, de même que de se remettre en marche. » (Emma-Sophie Mouret).
54La mobilisation du corps et de l’esprit fut générale pendant la traversée, qui n’a pas laissé de temps pour la contemplation du paysage. On réalise pourquoi les descriptions des traversées alpines par les hommes de la Renaissance sont si souvent austères : « Je comprends un peu mieux comment la dimension paysagère n’a pas été une priorité pendant des siècles : il faut un minimum de confort physique et psychologique pour se détacher d’une considération pratique et pragmatique du terrain, et déplacer son attention sur le paysage. J’avais par exemple emmené un carnet pour faire quelques croquis. Je ne l’ai finalement pas utilisé car la situation ne m’en donnait ni l’idée ni la possibilité. » (Perrine Camus-Joyet).
55Le matériel quant à lui a gardé les stigmates de la traversée : solerets déformés par les pierres du chemin, armure lourde dont la dossière a été enfoncée lors de la chute de Mickaël, rouille générale à cause de l’humidité et de la sueur des hommes et des chevaux ; vêtements sous armure noircis, élimés, troués et déchirés ; chaussures usées, déformées et abîmées ; semelles laminées… On comprend mieux les descriptions de loqueteux qui accompagnent parfois les guerriers de cette époque, qui n’avaient pas toujours les moyens de remplacer les équipements dégradés par les marches et les combats. Ainsi les aventuriers français de François Ier, du moins tels que les dépeignait Brantôme :
« […] et Dieu sait comment représentés et habillés plus à la pendarde vraiment, comme l’on disait de ce temps, qu’à la propreté, portant des chemises à longues et grandes manches, comme Bohêmes de jadis ou Mores, qui leur duraient vêtus plus de deux ou trois mois sans changer, ainsi que j’ai ouï dire à aucuns ; montrant leurs poitrines velues, pelues et toutes découvertes, les chausses plus bigarrées, découpées, déchiquetées et balafrées, et la plupart montraient la chair de la cuisse, voire des fesses. » (Capitaines français, « Des couronnels françois », Œuvres complètes, t. 1, p. 578-579).
Les conclusions de l’historien marcheur
56L’expérience, nouvelle et unique en son genre, fut pour moi un grand moment de stimulation, tant de l’esprit que du corps tout entier. Rare occasion de jubilation de tous les sens dans la carrière d’un scientifique ! Pour l’historien que je suis, être à la fois observateur et expérimentateur m’a permis de vivre la situation et de m’emparer de la totalité de mon objet d’étude, une sensation qu’aucune lecture ne m’avait jamais procurée. L’archéologie expérimentale se rapproche en cela des méthodes et des résultats d’un reportage en immersion. Au final, après avoir porté moi-même armes et bagages, je n’enseignerai plus l’histoire des hommes et des femmes du xvie siècle tout à fait de la même manière !
57L’apport scientifique principal de l’expérimentation en milieu extérieur et grandeur nature a été de valider plusieurs points qui semblaient incertains ou vagues au regard des seules sources textuelles et iconographiques. Il a été vérifié qu’il était possible de :
- porter l’armure de combat en montagne, pendant dix heures d’affilée (de 6 h 30 à 16 h 30) ;
- marcher en armure en montagne pendant sept heures ;
- franchir un col à 2 641 m d’altitude en armure, à pied et à cheval ;
- faire 1 400 m de dénivelé positif et négatif en armure dans la journée.
58Reste difficile de mesurer avec exactitude le degré de souffrance humaine et l’effort à l’échelle individuelle. Il est toutefois certain, compte tenu de la concordance des récits de l’époque avec notre propre vécu expérimental, que la marche armée de 1515 à travers la montagne ne fut pas sans douleurs ni « sans peine », comme l’écrivait François Ier. On peut affirmer que, en 1515 comme en 2019, elle ne fut en aucun cas une promenade de santé.
59Au bout du compte, nous avons effectué un déplacement lent, d’une quinzaine de kilomètres en sept heures de marche effective, soit environ 2 km/h, ce qui correspond à une vingtaine de kilomètres pour une journée intense de dix heures. Un rythme moins rapide que les « six lieues » (29 km) parcourues en 1515 en une journée de marche, selon l’estimation de Jean Barrillon. Mais ce dernier parlant aussi, pour les deux premières journées, de trois grandes lieues quotidiennes, soit environ 19,5 km, on obtient un rythme de marche proche du nôtre. La discordance des informations sur les périodes et les distances, y compris au sein du journal de Barrillon, provient certainement de rythmes de progression variables entre cavaliers et piétons. Ainsi, si le roi a bien pu franchir les montagnes en trois jours à cheval, d’autres ont pu en mettre quatre à pied.
60De tout ce qui a été observé et mesuré en 2019, on peut déduire qu’il n’y a pas eu d’exagération de la part de François Ier dans son rapport à l’effort. Son « il nous fasche fort de porter le harnois » et son « ce n’est sans peine » englobent incontestablement une somme d’efforts individuels et collectifs qui dépasse l’ordinaire d’un guerrier du xvie siècle. Il paraît clair que le roi avait des raisons d’en parler à sa mère, régente, et à ses parlements dans son compte-rendu final de la campagne. Sans pour autant parler explicitement de « performance », le roi montre un sentiment de fierté, de prouesse accomplie, tant à son propre sujet qu’à l’égard de toute son armée, qui méritait d’être dit et immortalisé dans des courriers officiels : « […] qui n’auroit veu ce que voyons seroit impossible de croire… ». Barrillon lui-même en reprend le thème dans le discours qu’il attribue au roi juste avant la grande bataille : « Je suis venu par deçà avec vous à grand labeur et dépense […] Quant avons eu passé les monts et sommes venus à la campagne vous désiriez combattre les Suisses […] Nous sommes venus par deçà à grand travail ; voici la fin de notre voyage, car tout sera gagné ou perdu. » (Barrillon, p. 117-118).
61Au regard de l’histoire elle-même, on sait que la bataille gagnée à Marignan, en septembre 1515, a façonné à tout jamais l’image de François Ier. Après le terrible revers subi dix ans plus tard à Pavie, cette victoire est apparue encore plus grandiose et unique en son genre. Elle fut en son temps qualifiée de « bataille de géants » par le maréchal Trivulce lui-même (Guicciardini, XII, chap. 15). L’expression bien connue a souvent été limitée au combat qui, fait exceptionnel, se prolongea deux jours durant. Mais elle pourrait tout autant porter sur l’avant-bataille dont le maréchal fut le principal stratège. L’exploit du franchissement des Alpes, victoire sur la montagne et amorce de la victoire sur les Suisses, ne fut pas la moindre des performances de l’année 1515. L’effort humain généré de bout en bout, tant de la part du roi en personne que du plus humble de ses soudards « parformés » par l’épreuve de la montagne, fut le liant dont avait besoin cette troupe hétérogène pour devenir une véritable armée. Sans un tel aguerrissement, les Français et les lansquenets auraient-ils trouvé la force morale de soutenir le terrible choc de l’assaut initial des Suisses ? Auraient-ils pu tenir jusqu’à la nuit noire, et encaisser une nouvelle offensive, le lendemain dès le lever du jour, avant l’arrivée des Vénitiens ? Les Suisses comptaient sur l’épuisement, le découragement et l’inexpérience des soldats du roi pour les balayer. Ils n’avaient pas imaginé que la montagne les rendrait plus forts. Ainsi, avant d’être une victoire par les armes, Marignan fut d’abord une victoire logistique, tactique et psychologique. Une victoire sur la montagne et par la montagne. Comme le soulignait l’ancien précepteur du roi, François Demoulins, les « hautes montagnes » avaient grandi le jeune François Ier :
« Le Roi en disant le psaume de Madame qui se commence Dominus illuminatio, ramène à mémoire la pensée qu’il eut quand allant en Lombardie il se trouva sur le mont de Saint-Paul, ou de Guillestre, ou d’Apremont, et en regardant derrière lui lui souvint de madite Dame [Louise de Savoie] qui était à Amboise et de feu Monsieur [Charles d’Angoulême, père de François Ier, mort en 1496] qui était à Cognac. Et lors il commença à dire comme David : « Mon père et ma mère m’ont laissé et Monseigneur Dieu m’a reçu et élevé sur ces hautes montagnes. »
(Interprétation du psaume XXVI, 1516, fo 8v).
62La convergence entre les mots du roi et ceux des témoins de l’époque explique que l’on ait retenu le thème du franchissement des Alpes comme un moment extraordinaire, indissociable de la bataille elle-même. Le tombeau de François Ier à Saint-Denis, réalisé à la demande de son fils Henri II, entre 1548 et 1559, par l’architecte Philibert de l’Orme, en offre la synthèse. Sa forme en arc de triomphe rappelle qu’il était voué à immortaliser la gloire personnelle d’un grand roi. Mais la lecture de ses bas-reliefs, sculptés entre autres par Pierre Bontemps, nous dit bien davantage. On y voit que la victoire n’est jamais l’œuvre d’un seul, fût-il le roi, mais une conjugaison de talents, d’énergies et de performances collectives. On y voit aussi que la montagne, vaincue par le roi, devient elle-même une partie de la victoire du roi. Ce faisant, elle accède au statut d’actrice de l’histoire, susceptible de grandir les êtres et de façonner les destinées des États.
Rappel de quelques données chiffrées relatives à la journée de marche armée du 6 juillet 2019
Armure endossée : 6 h 30
Départ de Maljasset : 7 h 54
Arrivée au col de Mary à 2641 m : 12 h 25
Distance parcourue jusqu’au col : 7,89 km
Dénivelé positif : 700 m
Temps de marche total : 4 h 30, soit une moyenne de 1,75 km/h
Arrivée à la bergerie de la Baita à 1900 m et pose de l’armure : 16 h 30
Temps total de port de l’armure : 10 h 00
Distance totale parcourue : 15 km
Temps de marche effective (pause méridienne déduite) : 7 h 00
Soit une moyenne sur la journée de : 2,14 km/h
Itinéraire de l’expérimentation
Fréquence cardiaque et lactatémie au cours de l’ascension
L’ensemble du cortège qui s’est ébranlé au matin du 6 juillet 2019 était composé d’une cinquantaine de personnes
- 2 expérimentateurs en armure à cheval : Patrick Ceria et Cameron O’Reilly
- 1 expérimentateur en armure à pied : Stéphane Gal
- 1 expert en armure à cheval complète : Mickaël Sadde
- 1 palefrenière à cheval sans armure : Constance Riaux
- 1 médecin du sport, Yann Pascault, et son épouse comme infirmière
- une trentaine d’accompagnants et reconstituteurs en costumes d’époque, dont 4 étudiants de l’UGA, 2 jeunes de Maljasset, une troupe de reconstituteurs du Puy-en-Velay et une de Bavière
- une douzaine de militaires de la 27e Brigade d’Infanterie de Montagne, dont 8 en tenue de combat du 4e chasseurs de Gap
- une équipe vidéo de la société Mégapix’Ailes : 6 personnes
Bibliographie
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