Chapitre 13
Rôles et valeurs des emplois en « c’est » dans le corpus Philosophèmes
p. 337-360
Résumé
Le présent chapitre porte sur le corpus Philosophèmes constitué de trente discussions à visée philosophique permettant d’aborder l’usage de la langue spontanée dans un contexte scolaire à partir de sujets sensibles (l’amour, la mort, le conflit, etc.). Ce corpus permet de disposer de paroles véritables d’élèves et d’enseignants nous invitant à porter un regard sur l’activité réflexive. Nous avons fait l’hypothèse que les élèves orientés sur des conduites de raisonnements individuelles et collectives produisent des faits de langue particuliers. Ainsi, nous nous intéressons aux structures en « c’est » quand elles interviennent dans des formulations de type définitionnel ou explicatif1 (Blasco & Pagani-Naudet, 2019 ; Blasco & Cappeau, 2017). Nous avons observé le fonctionnement de ces emplois pour comprendre la concomitance entre le dire et le penser en réalisant une étude, syntaxique et sémantique, suivie d’une étude pragmatique de quelques extraits clefs. Tout d’abord, une recherche outillée avec AntConc a permis de vérifier la variété des cotextes et de sélectionner les épisodes représentatifs sur le corpus Philosophèmes (Auriac-Slusarczyk et coll., 2012). Ensuite nous avons appliqué aux épisodes remarquables une analyse en grille syntaxique. Nous avons porté un regard pragmatique sur les usages en « c’est » prouvant qu’une dynamique interlocutoire particulière s’accordait à ces emplois. Une fouille complémentaire croisée avec le corpus Roiné sur les différents emplois de « c’est » nous a engagés dans une analyse fouillée des formes récurrentes de ce corpus. Au total, l’extraction de phénomènes morphosyntaxiques remarquables couplée à l’analyse pragmatique menée prouvent que les ateliers de philosophie présentent des espaces inédits expliquant les modalités particulières d’inscription de l’activité de la pensée dans les structures morphologiques de la langue, et vice-versa.
Entrées d’index
Mots-clés : discussion à visée philosophique, corpus, dimension morphosyntaxique, mise en grille syntaxique
Texte intégral
1 Introduction
1Ce chapitre clôt cet ouvrage consacré à l’analyse linguistique en langues de spécialité appuyée par les corpus. Il présente, via une étude originale menée en milieu scolaire, l’acquisition de la langue de spécialité par des enfants. Ce sont les formulations de type définitionnel ou explicatif, produites dans le cadre de discussions à visée philosophique, qui sont au cœur de l’illustration.
2Les langues dites de spécialités ont été étudiées et définies sous différents regards (Humbley, 1998 ; Lerat, 1995 ; Resche, 2001, entre autres2). Charnock (Charnock, 1999) précise que « Selon les définitions généralement proposées, les différentes langues de spécialité se distinguent de la langue de tous les jours surtout par la présence d’items lexicaux/syntaxiques spécifiques3 ». La langue parlée par des apprentis philosophes à l’école est singulière et, en regard de la langue ordinaire, son style peut être particulier. Elle est singulière car tout d’abord elle s’exerce oralement et dans un cadre scolaire, ensuite parce qu’elle est produite par des enfants et enfin parce qu’elle fait appel à des compétences spécifiques au champ disciplinaire en question (argumenter, exemplifier, associer, dissocier, etc.). Cherchant, en partie, à vérifier cette singularité, depuis dix ans, une collaboration scientifique pluridisciplinaire a grandi autour de la constitution, de l’archivage et de l’exploitation d’un corpus de discussions à visée philosophique (Auriac-Slusarczyk & Colletta, 2015 ; Auriac-Slusarczyk & Blasco-Dulbecco, 2013), nommé corpus Philosophèmes. Ce corpus fait désormais l’objet de présentations récurrentes dans divers colloques, à visée éducative (Auriac-Slusarczyk & Slusarczyk, 2015) comme à visée de recherche fondamentale en Sciences du langage (Blasco & Auriac-Slusarczyk, 2016).
3La présente étude est associée à cette langue de spécialité, peu connue dans la mesure où son exploitation reste très récente. Nous souhaitons montrer la richesse de ces discussions à partir de l’analyse d’un fait de langue : l’utilisation de la locution « c’est ». Nous avons porté notre attention sur cette locution car celle-ci est particulièrement présente dans nos corpus. Pour effectuer cette analyse, nous avons utilisé la mise en grille syntaxique et ainsi repéré quelques structures particulièrement intéressantes que nous avons analysées plus profondément.
2 Le corpus Philosophèmes
2.1 Présentation du corpus
4Les ateliers philosophiques se pratiquent depuis une trentaine d’années dans plusieurs pays. Le philosophe Matthew Lipman (Lipman, Sharp & Oscanyan, 1980 ; voir aussi Gregory, Haynes & Murris, 2016 ; Topping & Trickey, 2007 ; Sharp, 1990) a transposé l’investigation de type philosophique depuis l’enseignement supérieur jusqu’aux classes des écoles maternelles (Auriac-Slusarczyk & Maire, 2020) en faisant réfléchir des élèves dans des communautés de recherche à visée philosophique (Simon & Tozzi, 2017). Les enseignants qui ont participé au recueil des données ont appliqué les principes de cet ajustement. Le corpus Philosophèmes, 30 discussions d’environ 40 minutes, est constitué de paroles d’élèves, enfants (de 6 à 12 ans) et adolescents (de 14 à 18 ans), enregistrées au sein de ces ateliers philosophiques lors de discussions tenues en classe à l’école primaire et au collège entre 2010 et 2013 et transcrites selon des conventions qui respectent totalement la langue dans ce qu’elle produit en spontané. Ces données verbales et co-verbales (celles qui accompagnent la prise de parole de l’élève) forment un corpus qui a pour caractéristiques d’être transversal et longitudinal. Il est stocké sur une plate-forme en ligne pour permettre une visée d’étude interactionniste de la langue4. Les données sont fiables, non corrigées, non falsifiées5.
5Destiné au partage scientifique, ce corpus a donné matière à des travaux nombreux et variés dans des champs disciplinaires différents (Saint-Dizier de Almeida, Colletta, Auriac-Slusarczyk, Specogna & Fiema, 2016). Il a été aussi confronté à d’autres corpus de français parlé diversifiant les situations (CRFP6 ou MPF7), qui ont fait objet de publications (Blasco & Pagani-Naudet, 2019 ; Blasco & Cappeau, 2017) pour les questions qui nous intéressent ici.
6Le corpus Philosophèmes d’origine, que nous nommerons désormais corpus Auriac-Slusarczyk, s’est agrandi en accueillant les données verbales issues des travaux de Philippe Roiné (Roiné, 2016) qui concernent exclusivement le niveau d’élèves de CM1/CM2. Les élèves dont les paroles en ateliers ont été transcrites selon les normes du corpus Philosophèmes sont orientés sur une activité définitionnelle. Il comporte des emplois en « c’est » dont le fonctionnement valide et complète les emplois déjà observés dans l’ensemble du corpus Philosophèmes.
2.2 Le corpus Philosophèmes : orientation vers une exploration écologique
7Notre approche est écologique, au double regard de la spécificité des données et de l’objet d’investigation linguistique déterminé a posteriori. L’approche écologique désigne ici un recueil de données qui tient compte des spécificités de fonctionnement ordinaire d’une classe d’élèves, et ainsi n’interfère pas dans les modalités correspondant à « faire classe », ou à « dialoguer » avec ses élèves. Ainsi, les discussions, tenues en classes, se déroulent conformément aux adaptations de chaque enseignant : cela peut concerner la durée, la mise en route du dispositif de discussion (texte, image), comme le mode d’animation, qui, bien que régulé par une formation, reste dépendant du style (Clot & Faïta, 2000) propre à chaque enseignant (débit de parole, capacité de rebonds sur les propos d’élèves, intérêt pour le langage). Le style de chaque enseignant, est, dans le cadre du corpus Philosophèmes comprenant plusieurs enseignants, à la fois compensé pour des études de données transversales à plusieurs classes, mais peut aussi être considéré comme un style à part entière et étudié pour cette raison, par contraste ou non avec les autres styles.
8Concernant la pertinence des données, le corpus Philosophèmes aborde l’usage de la langue spontanée dans un contexte scolaire sur des sujets sensibles : le mensonge, le partage, l’argent, la sécurité, les origines, l’obéissance, le courage, l’amitié, le pouvoir, l’autorité. C’est un corpus récent sur la langue orale qui permet de disposer de paroles véritables d’élèves et d’enseignants du primaire au collège pour renouveler le regard porté sur l’activité réflexive, répertorier et illustrer la dynamique des raisonnements et les emplois verbaux associés chez les élèves. Dans les ateliers philosophiques, deux facultés humaines fondamentales sont mobilisées en même temps : celle de parler et celle de penser (Calistri Martel, Bomel-Rainelli & Rispail, 2007) individuellement et collectivement, dans un même espace, sur un même sujet (les choses de la vie) entre élèves et avec l’enseignant. L’échange collectif crée alors la nécessité régulière de définir ce dont il est question : mots, idées, concepts.
9Concernant l’exploration linguistique, on peut dire que dans l’espace de paroles sensées, les dires et les raisonnements « aboutissent ou non, s’entrechoquent, s’entremêlent, s’agrègent, dans une dynamique positive » (Auriac-Slusarczyk & Fiema, 2013). La parole favorisée retranscrite admet ainsi une épaisseur intéressante pour le linguiste. L’intérêt est de rapprocher ce qui relève spécifiquement et simultanément de la langue, de la parole, du raisonnement comme de la pensée. On a fait l’hypothèse que les élèves orientés sur ces conduites de raisonnement (avec activation d’une pensée singulière) individuelles et collectives produisent des faits de langue particuliers, que nous avons déjà en partie exploités (Blasco & Auriac-Slusarczyk, 2016). Au sein du corpus, on peut pratiquer des fouilles a priori ou bien dérouler des études hiérarchiques et fonctionnelles pour détecter la répartition et le fonctionnement de certains tours ou formes linguistiques : « il y a », « c’est », etc. et montrer que ces tours sont des marqueurs de choix dans l’opération de définition. Pour cette étude, la forme en « c’est » est ciblée. Les points abordés concernent les structures syntaxiques de type suivant :
Ex. 1) ben pour moi l’amour « c’est » un sentiment qui se passe dans la tête et que l’on ne contrôle pas et que l’on a envers quelqu’un ou quelque chose euh plein de choses (Amour TP 78)
Ex. 2) la jalousie justement en général « c’est » (…) en vrai c’est pas de l’amour (Amour TP 351)
Ces structures en « c’est » interviennent dans des formulations que l’on désignera plutôt comme étant de type explicatif, le terme de définition renvoyant davantage en linguistique à des pratiques plus codifiées (Gréco & Traverso, 2016).
3 Les principes méthodologiques de l’exploitation du corpus
10L’étude que nous présentons a consisté à observer les faits de langue (structure d’emploi en « c’est ») pour comprendre la concomitance entre le dire et le penser au sein de cette langue de spécialité. Pour cela une étude syntaxique a été conduite, complétée d’un regard pragmatique. Nous détaillons ces deux principes, ci-après.
3.1 Fouille et mise en grille syntaxique des propos philosophiques
11Nous avons investi une étude linguistique outillée avec AntConc8 pour vérifier la variété des cotextes, sélectionner des épisodes représentatifs, puis appliquer aux épisodes remarquables une grille d’étude syntaxique, et enfin, poser à partir de cette fouille et de ces grilles, un regard pragmatique des usages en « c’est »/« c’est pas » quant à la dynamique du dialogue. Nous avons traité le corpus en deux phases : avant et après extension aux cinq discussions du corpus Roiné et avons comparé nos données à d’autres corpus. Afin de mettre au jour ce que le logiciel ne peut montrer et pour visualiser la manière dont le locuteur planifie son discours et progresse, l’analyse linguistique dispose d’un outil puissant et central dans ce travail : la grille syntaxique.
12La mise en grille syntaxique rend compte des modes de déploiement syntagmatique et paradigmatique au sein des tours de paroles. Cette présentation rompt avec la linéarité des transcriptions textuelles habituelles en ajoutant une dimension verticale, c’est-à-dire paradigmatique. Elle met en valeur les régularités vs les variations selon lesquelles le locuteur élabore son discours (Blasco, 2016 ; Blasco & Lebas-Fraczak, 2017). L’interprétation pragmatique peut prendre appui sur cette représentation visuelle de l’analyse (cf. section 3.2.) ; dans ce travail, elle rajoute un point de vue à l’analyse syntaxique et sémantique proposée. La mise en grille d’épisodes de discours montre déjà la nature fortement interactive des discussions, en retraçant les relations syntaxiques, morphosyntaxiques, lexicales et sémantiques qui s’instaurent entre les propos de différents élèves au fil des tours de paroles. Nous illustrons ci-dessous la progression syntaxique et sémantique telle qu’elle a pu être repérée sur les deux axes, paradigmatique et syntagmatique :
13Ici, la progression syntaxique du texte montre une mise en liste (sur l’axe paradigmatique) des propositions relatives (qui se passe dans la tête/que l’on ne contrôle pas/que l’on a envers quelqu’un) et en même temps, sur le plan sémantique, l’accumulation de traits définitionnels. Nous pouvons aussi observer les phénomènes d’extension progressive (sur l’axe syntagmatique) ainsi que le retour conclusif du discours (l’amour c’est/plein de choses) qui montre, selon nous, la pensée en mouvement.
3.2 Regard pragmatique sur les propos présentés en grille autour des emplois en « c’est »
14Étayée par l’analyse outillée puis par la présentation en grille de plusieurs épisodes représentatifs caractérisant des emplois contrastés de « c’est » à partir des corpus Auriac-Slusarczyk comme Roiné, la perspective pragmatique ajoutée intègre un empan plus large que les cooccurrences directes travaillées par l’analyse syntaxique et sémantique conduite. Le regard porté insiste alors seulement sur quelques valeurs interlocutoires (Trognon, 1995, 1999) des emplois en « c’est » en reprenant une partie des épisodes fléchés par la syntaxe, afin d’apporter un éclairage complémentaire, sans prétendre à une analyse pragmatique complète. La caractérisation syntaxique et sémantique des emplois en « c’est » est alors située dans la dynamique générale de la discussion. Ce regard permet d’aborder, s’il le fallait, une nouvelle fois l’indication de l’importance que présentent les genres de discours pour l’analyse syntaxique, sémantique et pragmatique (Biber & Conrad, 2009). Dans ce travail, l’élargissement de l’étude des données à leurs contextes permet de repérer de nouveaux environnements, de développer de nouvelles analyses et d’examiner l’incidence de divers facteurs sur les structures en « c’est » attestées dans ces productions pour l’activité définitionnelle (Auger, 1997 ; Gréco & Traverso, 2016).
4 Résultats : tendances et tri des emplois en « c’est »
15Plusieurs perspectives sont présentées : les tendances distributionnelles, les cooccurrences morphosyntaxiques, les spécificités lexicales et grammaticales, et les premières concordances. Ensuite, nous vérifions en quoi « c’est » est mis au service de la construction du texte dans l’espace de construction de la pensée. Ainsi, nous montrons en quoi la grammaire de la langue répond à des tendances situées non attendues qui participent à la construction inédite de raisonnements tout aussi inédits. Nous détaillons enfin les séquences définitionnelles ou explicatives, celles qui comportent « c’est ».
4.1 Exploration outillée du corpus Auriac-Slusarczyk 2009-2013
16Nous dépassons les conditions des études de discussions scolaires préliminaires conduites contrastant l’âge de scolarisation des élèves qui s’étaient limitées à des comparaisons en pourcentage (Blasco-Dulbecco & Auriac, 2010). Sur le corpus Auriac-Slusarczyk (Auriac-Slusarczyk & Colletta, 2015), l’ensemble de faits observés qui ressort est le suivant :
- dans ce type d’échanges verbaux, la variation des emplois en « c’est » rejoint et complète les classifications proposées avec les analyses syntaxiques conduites sur d’autres corpus ;
- ces emplois ne jouent pas tous un rôle équivalent dans le déploiement interlocutoire des raisonnements produits, notamment pour ce qui est des emplois en « c’est pas ». Ce regard sur l’emploi en « c’est » versus « c’est pas » invite à approfondir la spécificité de cette langue de spécialité due au contexte philosophique d’exercice de la pensée enfantine.
4.2 Le regard pragmatique : première considération sur la langue de spécialité
17Si philosopher en classe s’apparente à une langue de spécialité, c’est que les emplois, tels qu’ils ont pu être repérés précédemment par l’analyse syntaxique, s’écartent en partie de l’usage ordinaire de la langue (Dubois, Marcellesi, Mével & Mathée, 1994) tout en empruntant à l’ordinaire ou à l’usage courant (Calberg-Challot, 2007). Comme Revault d’Allones et Foessel le précisent (Revault d’Allones & Foessel, 2012), l’emploi du lexique en philosophie n’est pas un emploi tel qu’on le découvrirait dans les dictionnaires. Le philosophe dépasse souvent, c’est-à-dire ne peut se restreindre aux emplois lexicaux consignés dans les dictionnaires. Tel que Droit le reprendra aussi, la philosophie (Droit, 2004) n’implique pas l’usage d’un lexique spécialisé : « philosophie est un mot qui, souvent, fait peur. On imagine des questions terriblement compliquées, un vocabulaire énigmatique […] On se trompe en croyant cela » (p. 9). Ainsi, parvenir à comprendre ce qui se joue dans la langue parlée en atelier de philosophie revient davantage à s’intéresser, au-delà du vocabulaire, à la manière dont la pensée s’explore, ce qui, en fait, se déploie au fil des tours de paroles. Penser à l’inverse que :
la philosophie devient tellement simple, tellement à la portée de tous, tellement banale qu’elle perd tout son intérêt. Tout le monde ferait de la philo, comme on respire, du matin au soir, sans même s’en rendre compte. On se trompe encore, en croyant cela (ibid., p. 9-10).
18Ce qui justifie, au plan pragmatique, et d’abord a priori, que les ateliers de philosophie convoient une langue de spécialité, c’est qu’ils permettent une expression, avant tout, libre. La philosophie se reconnait « par la liberté extraordinaire qui se dégage d’un univers mental où aucune discussion n’est jamais interdite, aucune possibilité n’est censurée, aucune critique n’est écartée » (ibid., p. 11). Alors quand la discussion est provoquée, encouragée, en atelier de philosophie la traque des faits de langue par le linguiste ne peut a priori que révéler la langue parlée de spécialité qui en découle.
4.3 Fouille complémentaire croisée dans le corpus Roiné 2012-2016
19Le corpus Roiné (Roiné, 2016) montre la présence très nombreuse, au cycle 3 de l’école élémentaire, de deux des trois types d’emploi repérés de « c’est » au sein du corpus Auriac-Slusarczyk. Nous avons repris en partie le classement amorcé par Blasco et Cappeau (Blasco & Cappeau, 2017). À partir de contraintes morphosyntaxiques, les auteurs identifient trois types d’emplois de « c’est » :
- type 1 : explicitation par équivalence (ça veut dire)
- type 2 : explicitation par caractérisation (ça se définit par)
- type 3 : désignation (c’est comme)
20Dans notre corpus, les types 2 et 3 sont représentés mais nous ne trouvons aucune trace de « l’explicitation par équivalence » qui relèverait davantage de la traduction ou de la synonymie, étant donné qu’il s’agit d’une reformulation qui peut être vue comme une « traduction » intralingue.
21En plus de s’appuyer sur cette typologie, notre analyse se focalise sur les formes syntaxiques particulièrement récurrentes dans le corpus Roiné. Nous avons ainsi identifié 3 cas que nous allons maintenant approfondir :
- le N c’est quelque chose qui/que
- le N c’est quand, le N c’est comme
- N c’est + construction infinitive
Ces trois cas caractérisent une structure de type A c’est B dans laquelle on pourrait dire que le constituant A a une valeur thématique alors que le constituant B a une valeur rhématique.
4.3.1 Cas 1 : le N c’est quelque chose qui/que
22Tout d’abord, on retrouve dans le corpus Roiné des schémas de type : le nom (N) c’est quelque chose qui/que. C’est le cas avec Raymond (exemple 3) dont on peut noter en position initiale (A) la présence d’un syntagme nominal (SN) de type : dét. (le) + N :
Ex. 3) Raymond : en fait / le pouvoir c’est / quelque chose qu’on a et que personne ne / ont en fait I- <Enseignant> ah -I il peut y avoir avoir beaucoup de personnes qui ont un pouvoir et aussi qui en ont pas donc / ceux qui ont plus de la chance que les autres ils ont du pouvoir // enfin / du pouvoir c’est avoir des choses que les personnes n’ont pas.
23L’utilisation du déterminant ici permet sans doute de distinguer le verbe « pouvoir » du nom. La structure en c’est apparaît deux fois dans l’extrait, une première fois en introduction puis une deuxième fois en clôture de l’énoncé après une glose explicative. En position B (à droite de c’est), le passage du pronom « quelque chose » à un verbe à l’infinitif « avoir des choses » accentue la généralisation. L’utilisation du partitif « du » témoigne d’un glissement sémantique opéré à partir de « le pouvoir ». Une variante de cette forme nous semble intéressante :
Ex. 4) Thomas : ben euh un sage euh c’est quelqu’un qui a beaucoup de sagesse / mais ce n’est pas quelqu’un qui est sage euh qui regarde / tout le temps comme ça I- en classe9
24Avec Thomas, nous retrouvons une structure identique. Le SN en position A est introduit par le déterminant indéfini « un » ; en position B, le pronom « quelqu’un » est prolongé d’une relative qui apporte une détermination. Ici, le déterminant « un » évite que l’on confonde le nom avec l’adjectif « sage » qui a été utilisé antérieurement. Mais on peut surtout observer un schème syntaxique comprenant une inversion de la polarité assertive c’est/c’est pas dans la deuxième partie de l’énoncé.
25La mise en grille syntaxique visualise spatialement le discours oral rendant compte des modes de déploiement syntagmatique et paradigmatique du discours. Elle met en valeur la nature fortement interactive des discussions, en retraçant les relations syntaxiques, morphosyntaxiques, lexicales et sémantiques entre les propos de différents élèves. Elle illustre la progression syntaxique et sémantique telle qu’elle s’opère sur les deux axes :
26Ainsi, la lecture en grille syntaxique suivante nous montre le déploiement syntaxique opéré par l’élève :
27On se retrouve ainsi avec une forme en : un N c’est quelqu’un qui / (un N) ce n’est pas quelqu’un qui. Mais à droite de c’est le nom (sagesse) est rappelé sous la forme adjectivale (sage), il entraîne l’ajout, en liste, d’une relative déterminative (qui regarde / tout le temps comme ça). Ainsi le mouvement opéré et observable par la mise en grille montre un processus de caractérisation progressive renforcé par la négation effectuée par Thomas de SN1.
28Ces tours sont privilégiés dans le corpus Philosophèmes ainsi que dans le corpus Roiné. Il s’agit même du cas le plus fréquent dans ce dernier. Mais dans ce dernier corpus, nous pouvons surtout analyser plus particulièrement les spécificités suivantes.
4.3.2 Cas 2 : le N c’est quand, le N c’est comme
29Trois tours de parole vont ici nous intéresser pour illustrer la présence des formes en N c’est quand et N c’est comme :
Ex. 5)
Lou : ben le pouvoir ça veut dire deux choses / ben il y a il y a ça veut dire deux choses / par exemple le pouvoir c’est quand tu as tes tes parents ils sont d’accord que tu sors et le pouvoir d’être par exemple le roi du monde
Mohamed : avoir du pouvoir c’est quand / on règne sur quelque chose / c’est l’empereur qui a du pouvoir
Marine : quand on parle de pouvoir et d’autorité / Dalhia elle avait dit qu’elle entendait pouvoir par Louis XIV / et moi à propos du pouvoir je dirais que le pouvoir / c’est un tout petit peu un peu comme de l’autorité par exemple avec Louis XIV lorsqu’on dit qu’il avait le pouvoir / judiciaire / et ben moi je dirais qu’en fait / au niveau judiciaire il était un peu au-dessus des autres donc il avait plus d’autorité donc on disait qu’il avait un peu de pouvoir
30Tout d’abord un cas fréquent est l’utilisation de la forme en c’est quand (Lou). On trouve alors l’utilisation du pronom on (Mohamed) ou bien la présence d’un tu (Lou), dans le constituant introduit après c’est. L’emploi de ces pronoms donne un caractère générique à l’illustration, d’autant que la caractérisation est renforcée par l’utilisation de par exemple.
31Le SN initial peut-être de type le + N (le pouvoir), il peut être aussi un verbe à l’infinitif (avoir du pouvoir). L’utilisation du déterminant partitif permet à l’énonciateur de caractériser une partie seulement du pouvoir qu’il tente de définir en « c’est ».
32On retrouve aussi dans le corpus l’utilisation de c’est comme avec en SN1 : dét. + N et en SN2 : partitif + N. Ici, les différents adverbes de modalité et l’utilisation de comme ainsi que l’utilisation du partitif (de l’autorité) montre la distance prise avec la mise en adéquation entre SN1 et SN2.
4.3.3 Cas 3 : N c’est + construction infinitive
33Le corpus Roiné ajoute à ces exemples des structures de type : le N c’est + construction infinitive.
Ex. 6) Raymond : ben/ pour moi le pouvoir c’est marcher / avoir un corps / parce que ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir un corps / il y a des gens qui n’ont qui n’ont pas de (xx) ils n’ont pas de bras ils n’ont pas de corps / avoir des yeux c’est un pouvoir
Ex. 7) Luc : ben sage c’est être comme ça oui je suis sage oui je suis sage / tandis que être euh sagesse c’est dire / ouais fais attention à ça (x) plutôt dangereux euh / euh I– <élève> maître –I euh / surtout attaque le bien comme ça euh / ne fais pas de bêtises à la I– <Anna> (x) donner des ordres <Camille> oui (x) –I comme ça
34On remarque avec Raymond la modalisation en « pour moi » en ouverture et une glose explicative qui suit la forme SN1 c’est + construction infinitive en position B (rhématique). Ainsi en est-il des constructions qui peuvent aller jusqu’à la mise en scène (changement intonatif et mise en scène paraverbale) pour signifier le nominal en SN1 (Luc). On peut aussi noter la réitération du schéma N c’est + infinitive + mise en scène pour distinguer les deux nominaux autonomysés « sage » et « sagesse ».
35Enfin une occurrence particulière :
Ex. 8) Nèle : et aussi pour avoir du pouvoir c’est décider pour les autres
Ici, en position initiale (A), une construction infinitive qui possède une fonction thématique explicite avec l’utilisation de « pour » en amont et, en position B (après c’est), une autre construction infinitive.
36Ainsi, après étude du corpus Roiné, le classement et la répartition dans les discussions philosophiques des schèmes A c’est B sont confirmés par ce dernier. Mais avec l’étude des trois cas que nous venons de faire nous notons aussi dans ce corpus la présence en particulier de la structure en : N c’est + construction infinitive. Nous allons maintenant montrer que d’autres éléments intéressants pour notre analyse apparaissent dans ce corpus.
4.4 Le regard pragmatique : vers la confirmation d’une langue de spécialité exercée en atelier de philosophie
37Le regard pragmatique s’est tourné vers l’usage des formes affirmatives versus négatives de « c’est » (« c’est N » ou « c’est pas N ») pour caractériser la langue de spécialité parlée en philosophie. C’est au sein du corpus Roiné que deux illustrations, que nous nommons respectivement, inversion de la polarité assertive, et, désignation, que l’on détecte en quoi les emplois successifs de « c’est » puis « c’est pas », puis « c’est » sur un épisode interlocutoire accompagnent le cheminement d’une pensée non ordinaire.
38En fait, le regard pragmatique permet de reconsidérer les emplois en « c’est » comme des modalités de frontière de monde ou d’univers de croyance (Martin, 1987 ; Soutét, 1988). Chacun des emplois en « c’est » désigne le moment où les élèves affirment leur attachement à un univers : par exemple, le monde du quotidien, où l’expérience humaine fera dire à des élèves que le pouvoir c’est une manière de distinguer le monde des petits et celui des adultes (univers de croyance no 1). Puis pointe le moment casuistique10, où les formules en « quand » et en « si » permettent aux élèves de vérifier, par l’exemple successif, la propriété comme marque de frontière de l’univers de croyance considéré (univers no 1). Or les exemples s’appuient naturellement sur des formules en « c’est » puis « c’est pas » : la sagesse « c’est N » mais « c’est pas N ». Ces formules obligent à désigner lexicalement un nouvel univers (univers no 2, 3, etc.). Puis par digression, la frontière se franchit d’un univers à l’autre, et c’est l’univers de croyance no 2 qui est peu à peu investi. Dans ce nouvel univers, grâce à l’emploi de « c’est pas » les élèves, ayant dépassé la frontière, explorent par exemple la liberté, délaissant momentanément le pouvoir. Délaissant l’univers no 1 (le pouvoir) au profit de la liberté d’agir (univers no 2), la polarité assertive s’est inversée, grâce à l’emploi de « c’est pas ».
39Au cœur de ces passages de frontières, la désignation prend une place de choix. Pour qu’un univers de croyance existe (et soit éventuellement caractérisé, exploré, voire dépassé, cf. ci-dessus), encore faut-il désigner « la chose ». La désignation semble proprement relever de la langue de spécialité développée en ateliers philosophiques : par glissement, parce que l’on revient sur ce que l’autre a dit (Roiné, 2016), les univers de croyances se suivent, s’enchaînent interlocutoirement. Ainsi, le monde ordinaire et subjectif des parents, qui ont un « métier » (celui de parents aux yeux des enfants), fera place au monde subjectif des obligations associées à l’univers de l’école, univers de croyances encore assez subjectif, pour retravailler l’obligation (d’aller à l’école) comme un univers plus abstrait, au prix de tautologie (obligatoire, « c’est » obligé), pour terminer, au fil des tours de paroles dans une désignation de ce que serait un « grand pouvoir » ou « du pouvoir » comparé à des « petits pouvoirs », ceux justement du quotidien, qui ramènent à l’univers de croyance no 1, où se situent les parents. Ces deux exemples sont détaillés, ci-après à partir des grilles établies par l’analyse syntaxique.
4.4.1 L’inversion de la polarité assertive en philosophie
40Une structure apparait de façon régulière dans le corpus Roiné : il s’agit de l’utilisation récurrente et concomitante des deux formes, affirmative et négative d’emploi de « c’est ». Ainsi, l’exemple suivant :
Ex. 9) Tania : moi par rapport à Alice je ne suis pas d’accord que / que sortir vivre s’amuser rigoler et aller à l’école c’est pas du pouvoir / ça c’est plutôt la base avoir du pouvoir c’est / au-dessus de la base c’est un plus / parce que on peut très bien vivre sans pouvoir ça va pas nous tuer ça va pas gâcher notre vie /euh en fait c’est c’est la base de de sortir / de vivre s’amuser rigoler aller à l’école t’en as besoin pour vivre I- <Enseignant> alors -I alors que le pouvoir c’est un plus
41Nous avons avec Tania une forme en construction infinitive c’est (du) N, puis un pronom anaphorique (ça) c’est (du) dét. + nom. On peut là aussi noter l’utilisation du partitif. Mais nous voudrions ici soulever une question qui concerne le statut sémiotique du SN2. S’agit-il d’un autonyme (Rey-Debove, 1978) ou renvoie-t-il directement au monde ? De cette question dépend la caractérisation de l’activité : désignation ou dénomination.
- sortir vivre s’amuser rigoler et aller à l’école c’est pas du « pouvoir » / sortir vivre s’amuser rigoler et aller à l’école [s’appelle] pas « du pouvoir »
- ça c’est [s’appelle] plutôt « la base »
42Aucun marquage syntactico-énonciatif ne permet de signaler cet éventuel autonyme mais si nous considérons la reprise très fréquente de ces deux SN (« du pouvoir » / « la base ») ainsi qu’un marquage intonatif sur le deuxième « base » on peut éventuellement envisager une dimension autonymique des deux SN. Nous sommes sans doute ici dans le cas 3 c’est-à-dire d’une activité qui tente de dénommer SN1.
43Un autre aspect nous semble important de souligner : l’utilisation des formes affirmative et négative au sein d’un même énoncé montre bien selon nous la double dimension cognitive et sociale de l’interaction.
44En ce qui concerne la dimension cognitive, on peut tout d’abord noter la présence en alternance de c’est/c’est pas dans un même énoncé d’élève (Tania, 9). Ensuite, on peut remarquer que les élèves alternent dans leurs énoncés des éléments relevant de la caractérisation ou de la désignation. Ainsi une mise en grille de l’énoncé de Tania (9) nous montre-t-elle les différentes utilisations de c’est :
45Dans cette grille, nous voudrions noter la mise en miroir autour de sortir, vivre, s’amuser, rigoler, aller à l’école.
46Ce tissage entre les différentes utilisations de c’est est selon nous important sur le plan cognitif car il permet les renvois entre description mondaine, caractérisation, dénomination et désignation.
47Un autre exemple :
Ex. 10) Dalhia : [l’autorité] mais c'est pas un métier l'autorité c'est c’est juste que ils nous ont éduqués / euh / ils nous / et / ils nous / et ils / ont / ils nous gardent chez eux euh / c'est eux qui / qui nous ont fabriqués enfin voilà / c’est /
48Ici, la caractérisation effectuée par Dalhia s’effectue sous une forme particulière que nous montre la mise en grille :
49Après une forme en c’est relevant de la désignation, on trouve c’est avec une forme relevant de la caractérisation qui est en œuvre. C’est la négation de la désignation qui entraine une caractérisation de l’autorité des parents. On peut donc voir avec l’utilisation fréquente des deux formes c’est/c’est pas une trace de l’activité cognitive en jeu dans les « discussions à visée philosophique ».
50Cette alternance des formes en c’est/c’est pas possède non seulement une dimension cognitive mais elle permet aussi de montrer un deuxième phénomène : la dimension dialogique de ces deux formes. Cette dimension dialogique prend, selon nous, deux aspects. Tout d’abord, dans l’interaction :
Ex. 11)
Alice : ben c’est ce que j’ai dit en fait (rires de quelques élèves) / parce que en fait si t’as pas compris parce que en fait on a du pouvoir politiquement mais après j’ai dit que en fait après c’est obligatoire tout / enfin c’est aller à l’école c’est obligatoire sortir enfin pour moi c’est obligatoire on disait que c’était obligatoire donc / donc tu vas pas rester ilo/ isolé / donc (bruit) I- (xx) <Enseignant> attends -I
Maria : c’est pas du pouvoir cela
Alice : ben / c’est / c’est du pouvoir au quotidien enfin c’est des petits pouvoirs
51Ici, la reprise en écho de c’est dans l’interaction montre le jeu de questions / réponses entre les interlocuteurs. Les formes A c’est B sont alors réparties entre les interlocuteurs. Ici les formes 2 et 3 sont alternativement présentes avec Maria puis avec Alice. Avec Alice, nous retrouvons la question soulevée précédemment du statut sémiotique de SN2. S’agit-il de caractériser l’énoncé précédent comme étant un « pouvoir au quotidien », ou « des petits pouvoirs » ou bien de dénommer ce même énoncé comme relevant du « pouvoir au quotidien » / « des petits pouvoirs » ? : « c’est [s’appelle] du pouvoir au quotidien enfin c’est [s’appelle] des petits pouvoirs ».
52Ensuite, cette dimension dialogique des formes en c’est prend forme dans la « Représentation du Discours Autre » (Authier-Revuz, 2004) :
Ex. 12) Maya : moi je n’étais pas d’accord avec Mattei quand Mattei il a dit que aller à l’école c’est un grand pouvoir / ben non parce que un pouvoir c’est quand on peut faire quelque chose quand on en a envie / par exemple le roi il peut aller / il peut acheter quelque chose quand il en a envie
53Ici, la forme A c’est B est une « représentation du discours » de Mattei en discours indirect. C’est à partir de cette représentation que Maya va porter son propre discours en reprenant le schème syntaxique A c’est B, « un pouvoir c’est quand on peut faire quelque chose quand on en a envie », mais cette fois avec un N en A et une forme en c’est quand en B qui relève de la caractérisation. Ainsi ici aussi, par la représentation du « discours autre » qui relève de la désignation, l’énonciateur enchaine sur une forme en A c’est B qui relève de la caractérisation.
4.4.2 La désignation en philosophie
54Enfin, nous présentons une forme d’utilisation de c’est par désignation très fréquente dans le corpus Roiné (2016).
Ex. 13) Max : mais euh en fait // euh / ben je suis / je suis d’accord avec Tania parce que aller à l’école / c’est un pouvoir en fait on a le pouvoir d’apprendre d’apprendre à lire
55Nous retrouvons ici une construction infinitive en A, et un dét. (un) + N en B. Il s’agit d’une forme très présente dans le corpus Roiné qui peut se décliner avec quelques variations comme ici avec Mattei :
Ex. 14) Mattei : ben le directeur c’est un métier / être directeur c’est un métier le directeur enfin il ne vient pas à l’école quand il veut il il ouvre la porte / il vient à l’école pour euh / euh les papiers il a toujours il a toujours du travail dans la journée donc il peut pas faire ce qu’il veut
56On a en effet ici deux structures juxtaposées en c’est, la seconde en reprise de la première. Tout d’abord : le N c’est un N puis un déplacement de A avec une construction infinitive et une reprise de B. Ce déplacement montre selon nous là aussi le travail cognitif en jeu avec un discours qui précise au fur et à mesure la pensée par les énonciations sous forme de reprises successives.
57Deux autres occurrences avec des formes que l’on retrouve régulièrement : A (un énoncé) c’est B (un N). A est alors une proposition introduite par « si » (Abida) ou bien « quand » (Nèle) :
Ex. 15)
Abida : oui mais peut-être après par exemple si si ta mère elle te parce que parfois il y a des mères qui laissent pas regarder la télé sauf le week-end / ben par exemple si ta mère elle te laisse regarder la télé c’est quand même / tu as des choses à faire c’est quand même un pouvoir ça
Nèle : je pense quand on est riche c’est avoir du pouvoir
Luc : c’est pas -I en fait ça c’est pas une histoire c’est ouais c’est plutôt un proverbe toute l’histoire c’est c’est pas genre une histoire qui se termine bien et tout / parce que c’est / toute l’histoire elle fait un proverbe parce que il veut se prendre pour Zeus il va trop près du soleil et / là et bah / il n’écoute pas son père parce que il se rend o/ quand il écoutait son père il disait mais oui mais oui I- <enseignant> d’accord -I mais en fait quand il a le pouvoir il ne se rend pas compte que c’était aussi bien I- <enseignant> alors lor/ -I / ça rend aussi euh / ça monte aussi à la tête
Marie-Charlotte : ben les pauvres ils peuvent dire aux riches que que ils peuvent leur dire plein de compliments c’est ça avoir du pouvoir
58On peut noter ici aussi la présence récurrente d’éléments de modalisation, quand même, vraiment, seulement (Abida), plutôt (Luc), je pense que (Nèle). La locution c’est permet la mise en adéquation entre une situation décrite (A) et une dénomination (Abida, Marie-Charlotte). La référence mondaine est parfois glosée après la dénomination (Abida).
59La mise en grille de l’énoncé de Luc montre bien la dimension cognitive de l’énoncé. Pour rappel, il s’agit d’un énoncé se situant après la narration par une élève de l’histoire de « Icare » (pronom anaphorique « ça »). Il s’agit alors, dans la discussion entre élèves, de dénommer cette histoire :
60On retrouve ici ce que nous avions noté plus haut à savoir l’utilisation concomitante des formes c’est/c’est pas avec la présence des cas 2 et 3 du classement amorcé par Blasco et Cappeau (Blasco & Cappeau, 2017), c’est-à-dire des éléments tout d’abord de désignation ou de dénomination et ensuite de caractérisation.
5 Conclusion et discussion
61L’exploration syntaxique couplée à l’exploration sémantique et pragmatique à partir des usages repérés en « c’est » est productive. L’utilisation de plusieurs exemples issus du corpus Philosophèmes permet de confirmer les usages et de faire des hypothèses sur l’emploi et le genre de structures définitionnelles en « c’est » dans le discours des enfants à visée spécialisée (i.e. philosophie). Le regard pragmatique indique, à partir d’une analyse interlocutoire, que « c’est » est un opérateur de frontière entre univers de croyances, où c’est représente le traçage dynamique d’une frontière, par désignation, avec une diffraction possible à l’infini, chaque monde de croyance redevenant discutable.
62L’extraction et l’étude syntaxique de phénomènes morphosyntaxiques remarquables couplées au regard pragmatique prouvent en quoi les ateliers de philosophie présentent des espaces singuliers où se déploie une langue de spécialité. Les élèves s’engageant à philosopher, exploitent des modalités particulières d’inscription de leur activité de pensée dans les structures morphologiques de la langue.
63Au plan pragmatique, sans doute que la diffraction progressive des univers de croyances associés à chaque idée, concept, et parfois au renouvellement du lexique employé au fil des tours de parole, peut donner l’impression d’un discours de digression qui s’apparenterait à une conversation relâchée, ordinaire. Pourtant la comparaison avec des corpus ordinaires (CRFP, MPF) nous a montré que la distribution des emplois en « c’est » y est différente. Sous une apparente forme assez décousue, la description et l’analyse des emplois en « c’est » dans le corpus Philosophèmes dévoilent ce que ces emplois convoient comme modalité de raisonnement logique sous-jacent de la part des élèves. Alors, peut-on considérer les discussions philosophiques comme une langue de spécialité ? Si l’on considère la philosophie comme une discipline, suivant Mounin, « au sens propre il n'existe pas de langue du droit en soi mais seulement, à l'intérieur de la langue française, un vocabulaire du droit, et sans doute quelques tours syntaxiques spécifiques » (Mounin, 1979, p. 13), on peut dire que les élèves qui philosophent recourent à ces dits « tours syntaxiques spécifiques ».
Bibliographie
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10.4000/apliut.5549 :Notes de bas de page
1 Une étude approfondie de ce type de structures a été menée, par exemple, par Auger (1997).
2 Van Der Yeught (2016) passe en revue différentes définitions.
3 Thörle et Forner (2016) décrivent les spécificités d’un « sous-système ».
4 Disponible en ligne sur https://philosophemes.msh.uca.fr [consulté en décembre 2020].
5 Le travail de constitution de ce corpus et son analyse a bénéficié de soutiens financiers dans le cadre de différents projets de recherche coordonnés (Daniel et coll., 2009-2012 ; Auriac-Slusarczyk & Blasco-Dulbecco, 2010 ; Auriac-Slusarczyk & Lebas-Fraczak, 2011 ; Specogna & Saint-Dizier de Almeida, 2012).
6 Corpus de Référence du Français Parlé (Voir Recherches sur le Français Parlé 2004, no 18).
7 Le MPF (Français Parisien Multiculturel - « Multicultural Paris French ») provenant du projet franco-britannique ANR-FRBR-09-037-01 est un corpus qui a été constitué en région parisienne depuis 2010 (cf. Gadet, 2013).
8 Logiciel d'analyse de corpus développé par Laurence Anthony, disponible en ligne sur https://www.laurenceanthony.net/software/antconc [consulté en décembre 2020].
9 Nous avons codé notre corpus de la façon suivante : / pause courte, // plus longue, /// pause très longue, I- superposition de discours.
10 Nous n’exploiterons pas dans cette étude la casuistique qui pourtant participe interlocutoirement de la nécessité de désigner et redésigner en employant les formules en « c’est », souvent assortie de modalisation (quand même). Pour exemple, un propos d’élève : « oui mais peut-être après par exemple si si ta mère elle te parce que parfois il y a des mères qui laissent pas regarder la télé sauf le week-end/ ben par exemple si ta mère elle te laisse regarder la télé « c’est » quand même/ tu as des choses à faire « c’est » quand même un pouvoir ça ».
Auteurs
École Mutations Apprentissages (EMA), Université Cergy-Pontoise
Laboratoire de Recherche sur le Langage (LRL), Université Clermont Auvergne
Activité Connaissance Transmission-Éducation( ACTé), Université Clermont Auvergne
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