Chapitre IX. Mes premiers pas d’écrivain professionnel – et les suivants…
p. 117-121
Texte intégral
1Je vais montrer dans ce chapitre comment j’ai posé le pied sur les premiers barreaux de l’échelle, et comment j’ai commencé à monter.
2Je reviens à 1868. Mon livre sur la poésie en ancien français avait été publié et avait été bien accueilli par les critiques. Au moins, c’était un bon début, et j’avais un public et, ainsi que je ne tardai pas à le découvrir, j’étais considéré avec bienveillance par certains éditeurs comme un homme assez prometteur. C’est cette année-là que je fis la connaissance de James Rice ; c’était l’éditeur et le propriétaire de Once a Week. J’ai déjà parlé de mon voyage à l’île de Réunion [sic], et mentionné l’article que j’ai écrit à ce sujet.
3L’éditeur n’accusa pas réception de cet article. Or, un jour, ayant acheté par hasard Once a Week dans un kiosque à journaux, j’y découvris mon article – mal imprimé, sans aucune correction, et plein de fautes ! Naturellement, je lui envoyai une lettre de protestation, à laquelle il répondit fort aimablement par une invitation à passer au journal pour le rencontrer. C’est ce que je fis. Je découvris que l’éditeur venait juste de reprendre le journal ; qu’il avait trouvé mon article déjà dactylographié et l’avait publié, sans rien connaître de son auteur. Ces informations étaient assorties de compliments sur mon article ; il me demandait de continuer à écrire pour lui, proposition que j’acceptai avec gratitude.
4Ma collaboration avec Rice perdura livre après livre – même si aucun accord, contrat ou partenariat ne nous liait l’un à l’autre – pendant environ dix ans. Pendant cette période, nous publiâmes trois romans qui eurent un grand succès : Ready-Money Mortiboy, The Golden Butterfly, et The Chaplain of the Fleet, et d’autres – My Little Girl, By Celia’s Arbour, This Son of Vulcan, With Harp and Crown, The Monks of Thelema, The Seamy Side, ainsi que deux autres recueils de nouvelles, parmi lesquels The Case of Mr. Lucraft ; tous furent bien accueillis et nous valurent des amitiés dans le monde des lettres. La méthode de publication que nous appliquions était simple. Le roman ou la nouvelle était d’abord publié dans un magazine ou dans une revue ; puis il était édité sous la forme d’un ouvrage en trois tomes ; après un an ou deux, il sortait en un seul volume au prix de trois shillings et six pence ; et finalement, comme yellow back à deux shillings10.
5Walter Besant évoque ensuite, au chapitre XI, le « romancier libre de sa plume » et prolifique, qui ne publia pas moins de dix-huit romans en dix-huit ans, et au chapitre XII, l’écrivain engagé dans la défense de ses droits. Besant est en effet à l’origine de la Société des auteurs, fondée en 1863, et qu’il présida jusqu’en 1892, dont les trois objectifs étaient « le maintien, la définition et la défense de la propriété littéraire ; la consolidation et l’amendement des lois sur le copyright national ; la promotion du copyright international11 ». Il est ensuite question de son engagement philosophique, spirituel, littéraire, social.
6J’avais été initié à la franc-maçonnerie dès 1862. À mon retour en Angleterre, je me rapprochai d’une loge. Je n’ai jamais été très enthousiaste pour les rites et les cérémonies des frères, mais j’en ai toujours perçu les immenses possibilités en tant que force sociale et religieuse. S’il se débrouille bien, un franc-maçon a des amis partout, et en cas de nécessité, les frères de la même obédience sont tenus par leurs vœux de lui porter assistance. Chaque loge est un club de charité ; ses membres sont liés les uns aux autres par les vœux et obligations d’une guilde médiévale. La confrérie a développé une sorte de doctrine, vague et sans credo spécifique, qui équivaut pour certains de ses membres à une véritable religion. C’est surtout une conviction qui n’a nul besoin de prêtre, d’église s’interposant entre l’individu et son créateur ; elle ne prétend être ni une superstition ni une religion. C’est donc un rempart contre la religion catholique romaine ou quelque rite catholique que ce soit ; et en tant que tel, elle est littéralement excommuniée par l’église catholique romaine.
7On ne connaît pas très bien les origines de la maçonnerie. Cela, j’avais toujours trouvé que c’était un grave défaut ; même si, étant effectivement ce pour quoi en général on la prend, la question de son origine n’est pas une question essentielle. Cependant, il existait une petite – une toute petite – société nommée l’Institut maçonnique d’archéologie. J’en devins le secrétaire honoraire. On y lisait des communications, dont certaines étaient utiles et d’autres absurdes ; au bout de quelque temps, je rendis mes papiers et mon bureau à M. Haliburton, de Nova Scotia, qui vivait à l’époque à Londres, et je n’entendis plus jamais parler de cet institut, qui est mort de sa belle mort. Mais quelque dix-huit ans plus tard fut créée une loge archéologique composée de neuf personnes, dont je faisais partie. On proposa de continuer ses travaux afin de publier des articles historiques sur tous les aspects relatifs à la maçonnerie. Le secrétaire, l’un des neuf membres, a développé cette loge au point qu’aujourd’hui, en dehors de ses premiers membres, elle compte quelque deux mille correspondants disséminés dans le monde entier. Un jour à Albany, New York, je reçus la visite de l’un des correspondants, qui avait rassemblé quelques francs-maçons de cette ville pour m’accueillir. Cet événement n’est qu’une petite anecdote ; mais il me fit prendre conscience de l’immense succès et de l’ampleur du réseau d’influence de la loge Quatuor Coronati.
8Une autre société. En 1879 ou 1880, un petit groupe d’une douzaine de personnes se retrouva pour dîner dans une certaine taverne, et ce dîner fut le point de départ du Club Rabelais. Qui fut pendant huit ans environ un club très florissant. Nous dînions ensemble environ six fois par an ; nous ne faisions pas de grands discours, mais ne levions nos verres qu’à une seule personne : « le Maître ». Nous rassemblâmes soixante-dix ou quatre-vingts membres, et nous avions l’habitude de disposer sur les tables des brochures, des poèmes, et toutes sortes de gadgets littéraires. Ils furent plus tard rassemblés et publiés sous la forme des trois volumes intitulés Récréations du Club Rabelais, dont chacun ne fut tiré qu’à une centaine d’exemplaires. Parmi les membres, il y avait : Edwin Abbey, Richard Copley Christie, (auteur d’une vie d’Étienne Dolet), George Du Maurier, Thomas Hardy, Bret Harte, le colonel John Hay, Oliver Wendell Holmes, Henry Irving, Henry James, Charles Godfrey Leland, sir Edward Bulwer Lytton, Richard Monckton Milnes lord Houghton, James Payn, sir John Everett Millais, Edward Henry Palmer, sir Frederick Pollock, Walter Herries Pollock, George Saintsbury, George Augustus Sala, William F. Smith (le plus récent et le meilleur traducteur de Rabelais), Robert Louis Stevenson, sir Lawrence Alma-Tadema, John Lawrence Toole, Herbert Stephen, Henry Duff Traill, et Thomas Woolner.
Notes de bas de page
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