Introduction
p. 87
Texte intégral
1L’excellence du goût ne relève ni tout à fait d’un don de la nature ni tout à fait d’un effet de l’art. Elle trouve son origine dans certaines facultés naturelles de l’esprit ; mais certaines de ces facultés ne peuvent parvenir à leur pleine perfection sans s’appuyer sur la culture qui convient. Le goût consiste essentiellement à améliorer ces principes que l’on nomme habituellement les facultés de l’imagination et qui sont considérées par les philosophes d’aujourd’hui comme des sens internes ou réfléchis1 qui sont des perceptions plus raffinées et plus délicates que celles qui procèdent communément de nos sens externes. Elles se réduisent aux principes suivants : les sens de la nouveauté, du sublime, de la beauté, de l’imitation, de l’harmonie, du ridicule et de la vertu. En les exposant, il nous faudra donc d’abord commencer par examiner la nature du goût. On s’efforcera ensuite de découvrir comment ces sens coopèrent pour former le goût, quelles sont les autres facultés de l’esprit qui interviennent dans ce processus, ce qui constitue la délicatesse et la perfection de ce que nous appelons le bon goût, et par quels moyens on y parvient. Et enfin, nous déterminerons, en passant en revue les principes, les modes d’opération et les sujets sur lesquels le goût s’exerce, le rang exact qu’il occupe parmi nos facultés, dans quel domaine il intervient et son importance réelle.
Notes de bas de page
1 M. Hutcheson fut le premier à considérer les facultés de l’imagination comme autant de sens. Dans son Enquête concernant la beauté et la vertu, et dans ses Essais sur les passions, il les appelle sens internes. Dans ces travaux ultérieurs, il les appelle sens subséquents ou réfléchis ; subséquents, parce qu’ils impliquent toujours quelque perception antérieure des objets sur lesquels ils s’exercent ; ainsi, la perception d’une harmonie présuppose que nous avons entendu certains sons et elle se distingue totalement du simple fait de les entendre, dès lors que bon nombre de personnes possédant une ouïe absolument parfaite n’ont pas l’oreille musicale ; réfléchis, parce que, pour qu’ils entrent en jeu, l’esprit réfléchit sur la circonstance ou le mode dans lesquels cet objet a été perçu et il en tient compte, outre les qualités qui se sont offertes à son attention de prime abord. Ainsi la perception de n’importe quel objet ne procure pas le sentiment agréable de la nouveauté avant que nous ayons apprécié l’originalité d’une expérience absolument nouvelle. Dans l’essai qui suit, les termes sens interne et sens réfléchis sont employés indistinctement.
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