Annexe A. La culture scientifique de Shelley
p. 423-432
Texte intégral
1Cette synthèse, qui ne peut prétendre à l’exhaustivité, a pour objet de retracer le plus fidèlement possible la nébuleuse de textes, de conversations et de cours qui constituent la vaste culture scientifique acquise par Shelley au cours de sa vie. Les sources principales sont la correspondance de l’auteur, la biographie de Thomas J. Hogg (The Life of P. B. Shelley, 1858), camarade de classe à Oxford et témoin de sa formation scientifique, ainsi que la biographie universitaire de Richard Holmes (Shelley, The Pursuit, 1971). Une grande partie des références est tirée de l’œuvre même de Shelley, de ses essais, de ses poèmes et des notes qu’il lui arrivait de rédiger pour en éclairer le sens.
Formation
2Lors de sa scolarité à Syon House (1802-1804) puis à Eton (1804- 1810), Shelley assista aux conférences d’Adam Walker, publiées ultérieurement sous le titre A System of Familiar Philosophy1. Shelley aimait les professeurs ouverts d’esprit, qui faisaient également montre d’une vaste culture philosophique et littéraire :
L’adulte qui eut le plus d’importance dans la vie de Shelley à Eton fut James Lind. Longtemps l’un des médecins attitrés de la famille royale, Lind avait pris sa retraite et vivait à Windsor, tout en enseignant à mi-temps. […] Lind encouragea Shelley à devenir plus rigoureux dans ses lectures et dans sa réflexion : il mit en évidence les limites de l’Histoire naturelle de Pline et lui recommanda ses premiers ouvrages radicaux et libéraux, comme ceux de Benjamin Franklin, du matérialiste Condorcet, du sceptique Voltaire. Il encouragea certainement Shelley dans son intérêt pour Lucrèce, autorité classique et établie en matière de scientisme, de matérialisme et de méfiance envers la religion. (Thomas J. Hogg, The Life of P. B. Shelley, t. I, p. 25-26)
3La brève formation scientifique de Shelley à Oxford, d’octobre 1810 jusqu’au 25 mars 1811, date de son expulsion, fut à bien des égards décevante. L’université n’était pas encore dotée d’une faculté des sciences et les quelques cours dispensés en la matière lui semblèrent peu convaincants. Thomas J. Hogg se remémore ainsi la mine déconfite de Shelley au sortir d’un cours de géologie :
– De quoi a-t-il parlé ?
– De cailloux ! De cailloux ! répondit-il, d’un air abattu et d’un ton mélancolique, comme s’il était sur le point de révéler une grande vérité.
De cailloux ! De cailloux, de cailloux, de cailloux ! Rien que de cailloux !
Et d’un ton si sec. C’était incroyablement ennuyeux ! (ibid., p. 31)
4Nous verrons dans le paragraphe consacré aux expérimentations que sa formation oxonienne fut en grande partie autodidacte et aventureuse.
5Dans Shelley and Vitality, le Professeur Sharon Ruston a mis en évidence à partir de sa correspondance le fait que Shelley suivit, durant l’été 1811, une formation de chirurgie au Saint Bartholomew’s Hospital de Londres, avec son cousin Charles Grove. Les cours étaient assurés entre autres par William Lawrence et John Abernethy2. Il y étudia l’anatomie et la physiologie. Il y fit l’expérience de la douleur – « Les hôpitaux retentissent des cris d’un millier de victimes » (Essay on the Vegetable System of Diet, p. 93) – et décida d’abandonner. Les professeurs les plus respectés avaient l’habitude de faire publier leurs cours : John Abernethy publia ainsi ceux qu’il avait dispensés entre 1809 et 1825 dans Lectures on Anatomy, Surgery and Pathology delivered at Saint Bartholomew’s Hospital (Londres, James Bulcock, 1828). William Lawrence fit de même plus tardivement, en 1834, pour les cours donnés en 1817 et 1818 avec Lectures on Physiology, Zoology and the Natural History of Man (Londres, J. Cox, 1834).
Lectures
La science de son temps
6Une lettre du 29 juillet 1812 à Thomas Hookham témoigne de l’esprit éclectique et de la liberté intellectuelle de Shelley, qui refuse la compartimentation des domaines du savoir :
Pourriez-vous également me faire parvenir les œuvres en prose de Milton, Elements of Chemical Philosophy de Sir Humphry Davy (à paraître le 1er août), Medical Extracts, Observations On Man de Hartley et Rights of Women de Mary Wollestoncraft ? (LT, p. 345)
7Les travaux de Humphry Davy, de Thomas Thornton et de David Hartley y côtoient deux chefs-d’œuvre de la littérature et de la pensée politique.
8Shelley était francophile dans le domaine des sciences :
Il disserta avec autant de zèle qu’avant sur les merveilles de la chimie, sur le soutien que Napoléon apportait aux progrès des sciences fondamentales, sur les chimistes français et leurs glorieuses découvertes. (Thomas J. Hogg, The Life of P. B. Shelley, t. I, p. 58)
9Il mentionne à deux reprises dans ses essais les Leçons d’anatomie comparée de Cuvier dans « A Vindication of Natural Diet » (dans SP, p. 84) et dans A Refutation of Deism (dans SP, p. 133) et fait référence dans sa correspondance (LT, p. 530) aux théories que développe Buffon dans Les Époques de la nature.
10Le corps de notes rédigé par Shelley en vue de la publication de Queen Mab montre également son intérêt pour la science des Lumières : il fait ainsi référence aux Rapports du physique et du moral de l’homme de Cabanis, au Système du monde de Laplace, aux Lettres sur les sciences de Bailly (ch. VI, v. 46, note), et emprunte à d’Holbach sa théorie matérialiste de l’esprit humain (ch. VI, v. 173, note).
11Shelley mentionne également la théorie de William Herschel sur les nébuleuses (ch. VII, v. 13, note), de même qu’il fait référence à la très belle théorie de l’astronome selon laquelle le Soleil est un corps noir et opaque dans Essay on the Devil and Devils (dans SP, p. 99). Il recourt en outre au fameux aphorisme de Newton (hypotheses non fingo) pour tenter de prouver l’inexistence de Dieu (ch. VII, v. 13, note) et cite le nom de l’illustre savant à deux reprises dans sa correspondance (LT, p. 223 et 286).
12Si sa correspondance témoigne de l’acquisition de The Temple of Nature (LT, p. 372), Richard Holmes rappelle qu’il avait également lu The Botanic Garden et Zoonomia d’Erasmus Darwin3, lectures par ailleurs avérées par certaines de ses lettres : « Je ne vois âme qui vive : tout est sinistre et désolé. Je me divertis, cependant, en lisant Darwin. » (LT, p. 124)
13Dans une lettre à Elisabeth Hitchener (LT, p. 258), Shelley se dit plongé dans la lecture de Organic Remains of a Former World de James Parkinson. À partir de la correspondance de Mary Shelley, Ann Engar a également pu établir que le poète lisait Elements of Chemical Philosophy de Humphry Davy lors de leur visite en Suisse en 18164. Il prit aussi des notes sur Elements of Agricultural Chemistry5. Il possédait enfin l’ouvrage de Lazzaro Spallanzani sur la génération spontanée (LT, p. 372).
Les sciences antiques et renaissantes
14Le De rerum natura de Lucrèce fut l’une des lectures déterminantes de sa vie d’écrivain :
Après avoir découvert le De Rerum Natura à l’école, Shelley le relut en 1810, 1816, 1819 et 1820. Selon Medwin, il « se plongeait dans l’étude de Lucrèce » et « le considérait comme le meilleur poète de langue latine ». (Paul Turner, « Shelley and Lucretius », p. 269)
15Il le cite dans A Refutation of Deism (dans SP, p. 120), dans A Defence of Poetry (dans SP, p. 287 et 290) ainsi que dans la préface de Laon and Cythna (dans SP, p. 319).
16Shelley confia à William Godwin qu’il avait lu, avec un émerveillement qui emporta presque son adhésion, les œuvres hermétiques d’Albert le Grand et de Paracelse (LT, p. 314). À la fin de sa scolarité à Eton, en 1820, il avait traduit les quinze premiers livres de l’Histoire naturelle de Pline (voir Richard Holmes, Shelley, The Pursuit, p. 30), qu’il cite également dans « AVindication of Natural Diet » (dans SP, p. 83) et dans A Refutation of Deism (dans SP, p. 120). Il se procura aussi en 1812 des traductions des œuvres de Ptolémée, Celse, Épicure, Hippocrate et Pythagore (LT, p. 372).
Connaissances indirectes
Contacts dans le milieu scientifique
17William Lawrence devint le médecin personnel de Shelley à partir de 1815 : « ses premiers accès violents de douleurs abdominales, ainsi que des symptômes de consomption, […] amenèrent [Shelley] en juillet ou en août à consulter régulièrement Sir William Lawrence, éminent médecin londonien » (Richard Holmes, Shelley, The Pursuit, p. 286)6. Les deux hommes s’appréciaient beaucoup et Lawrence fit sans doute connaître à Shelley les thèses du docteur Xavier Bichat, qu’il défendait outre-Manche.
18Par James Lind, Shelley eut très certainement connaissance des travaux de James Watt sur les lois de conservation et de conversion de l’énergie, notamment au sein de la machine à vapeur : « [James Lind], meilleur ami de Watt, avait assisté à la naissance de son modèle de machine à vapeur » (Desmond King-Hele, « Shelley and Science », p. 136). Lind, ami personnel de l’ingénieur, entretint en effet avec lui une correspondance nourrie, au sujet de l’amélioration des rendements de la machine à vapeur. Lind était en outre un correspondant régulier de la Lunar Society de Birmingham, dont les membres les plus notables à la fin du xviiie siècle étaient Erasmus Darwin, Joseph Priestley et James Watt.
19Mary Shelley raconte les discussions animées entre Shelley et Byron sur les progrès des sciences, conversations qui nous sont parvenues à travers le mythe de la genèse de Frankenstein, développé dans la préface de 1831. Les deux poètes y sont représentés devisant sur le galvanisme et la génération spontanée :
Ils parlèrent des expériences du Docteur Darwin, […] qui avait enfermé un morceau de vermicelle dans un bocal de verre, jusqu’à ce que, par une opération extraordinaire, ce dernier se mette à se mouvoir de lui-même. Aussi était-il possible de donner la vie. Peut-être un cadavre pourrait-il être réanimé : le galvanisme avait donné des raisons de s’attendre à ce genre de choses. Peut-être pourrait-on fabriquer les composants d’une créature et les doter de chaleur vitale. (préface de Frankenstein de 1831, p. 195-196 ; trad. G. d’Hangest)
20Les références à La Mettrie présentes dans Frankenstein, et en particulier dans le sous-titre de son récit, « The Modern Prometheus », permettent en outre de supposer que Shelley en avait connaissance, à l’instar de son épouse. Cette formule renvoie en effet à l’une des phrases les plus célèbres de l’essai L’Homme-Machine :
S’il a fallu plus d’art à Vaucanson7 pour faire son flûteur que pour son canard, il eût dû en employer encore davantage pour faire un parleur : machine qui ne peut plus être regardée comme impossible, surtout entre les mains d’un nouveau Prométhée. (Julien Offray de La Mettrie, L’Homme-Machine, p. 204)
21Lorsque le savant saura conférer la parole à ses automates, il deviendra créateur au même titre que Dieu : cette réflexion de La Mettrie est au cœur du récit de Mary Shelley.
22C’est enfin lors de son séjour dans la ville universitaire de Pise que Shelley, accompagné de sa femme, tissa des liens avec des hommes de science, notamment l’agronome George William Tighe : « Ses connaissances poussées sur la composition chimique des sols et sur la croissance organique amusaient et émerveillaient Shelley. » (Richard Holmes, Shelley, The Pursuit, p. 576) C’est également à Pise que Shelley fit la connaissance du Docteur Andrea Vaccà, professeur à l’université : « il devint de plus en plus proche de Vaccà, et les Shelley le fréquentaient souvent, en compagnie d’autres docteurs, à la Casa Silva. Ils avaient leurs entrées dans le cercle de l’université » (ibid., p. 577).
Ouvrages de référence et de vulgarisation
23Shelley fait régulièrement référence à la Rees’ Cyclopædia : elle est citée par exemple dans « A Vindication of Natural Diet » (dans SP, p. 84) et A Refutation of Deism (dans SP, p. 133). La lecture de cette encyclopédie permet de connaître la teneur de la culture scientifique d’un amateur éclairé de l’époque. L’édition la plus souvent citée dans notre étude est celle de 1781-1786 car il s’agit de l’édition utilisée par Shelley dans ses essais. Cependant, nous faisons également référence à l’édition de 1819-1820, dans la mesure où les théories exposées sont plus récentes et où certains contributeurs, notamment William Lawrence, conversaient souvent avec Shelley.
24Shelley lisait régulièrement le journal de vulgarisation scientifique Nicholson’s Journal8, dont le physicien Thomas Young était l’un des rédacteurs attitrés. Il s’était procuré la Nicholson’s Encyclopædia en 1812 (LT, p. 372), dont il cite l’article « Light »9, qui expose les théories de Thomas Young. Ce dernier, étroitement associé à la parution du Nicholson’s Journal, était d’ailleurs probablement l’un des nombreux contributeurs anonymes de la Nicholson’s Encyclopædia et pourrait tout à fait être l’auteur de cet article10.
25Enfin, dans une lettre de mai 1812 (LT, p. 305), Shelley fait référence au chimiste Joseph Priestley, dont les théories sont également exposées dans A System of Familiar Philosophy d’Adam Walker.
26Les sommes rédigées par Erasmus Darwin constituent le travail de diffusion des théories nouvelles le plus déterminant : le Professeur Darwin y développe sa doctrine personnelle en plus de synthétiser les connaissances de son temps. Il expose la thèse de Joseph Priestley sur les gaz et sur le phlogistique dans Additional Note XII to The Temple of Nature (« Chemical Theory of Electricity and Magnetism », p. 46-79) et présente celle de John Needham sur la génération spontanée dans Additional Note I to The Temple of Nature (« Spontaneous Vitality of Microscopic Animals » p. 1-11).
27Erasmus Darwin fut l’un des premiers à prendre le parti de James Hutton contre Abraham Werner, et c’est à travers ses ouvrages, notamment les articles « Volcanoes » (Additional Note III to The Temple of Nature, p. 14-15), « Central Fires » (Additional Note VI to The Botanic Garden, p. 11-13) et « Granite » (Additional Note XXIV to The Botanic Garden, p. 64-66) que Shelley prit connaissance des travaux de l’école plutoniste, fondée par Hutton, ainsi qu’à la lecture de l’article « Volcano » de la Rees’ Cyclopædia.
Expériences menées
28Le seul récit détaillé des expériences scientifiques menées par Shelley concerne la période de sa scolarité à Oxford. Nous le devons à son ami d’alors, Thomas Hogg. Au milieu du joyeux capharnaüm qui régnait dans la chambre de Shelley à Oxford, Hogg découvrit un nombre impressionnant d’appareils scientifiques :
Livres, bottes, feuillets, chaussures, instruments scientifiques, vêtements, linge, vaisselle, munitions, d’innombrables fioles, ainsi que de l’argent, des bas, des gravures, des creusets, des sacs et des boîtes jonchaient le sol en tous lieux : on aurait dit que le jeune chimiste avait tenté, pour percer le mystère de la Création, de recréer le chaos primordial. Les tables, les tapis plus encore, arboraient des taches aux teintes variées, et parfois dues à l’action du feu. Une machine électrique, une pompe à air, une pile de Volta, un microscope solaire, plusieurs grands bocaux de verre et quelques réservoirs se détachaient de cette masse. (Thomas J. Hogg, The Life of P.B. Shelley, t. I, p. 69-70)
29Ce que Hogg nomme « machine électrique » est très certainement un condensateur actionné à la manivelle, également appelé « bouteille de Leyde », tandis que ce qu’il nomme « galvanic trough » dans la version anglaise de ce texte est une forme de pile voltaïque dans laquelle le courant est produit par la mise en contact des plaques de cuivre et de zinc. Enfin, le microscope solaire permet, en fonctionnant selon le principe de la chambre obscure, de projeter l’image agrandie d’un objet sur un mur.
30Une étrange mixture, qui ressemble fort à une expérience de chimie sur le point de mal tourner, mijote, au milieu des livres :
Deux piles de livres soutenaient une pince, qui maintenait un petit récipient de verre au-dessus d’une lampe d’Argand. Je venais tout juste de m’asseoir lorsque la mixture déborda, dégageant des vapeurs à l’odeur des plus désagréables. Shelley s’empara rapidement du récipient et le brisa en mille morceaux dans l’âtre, ce qui ne fit qu’accentuer l’effluve déplaisant et entêtant. (ibid.)
31À Oxford, Shelley s’adonna à des expériences de physique proches de celles menées par le jeune Victor Frankenstein à Ingolstadt – rappelons que le premier nom de plume de Shelley était Victor11 ! L’un des éléments déclencheurs de l’étrange vocation du jeune Frankenstein ressemble d’ailleurs fort aux expériences menées par le jeune Shelley à Field Place :
Debout à la porte, je vis soudain un ruisseau de feu sortir d’un vieux chêne magnifique qui se dressait à environ vingt mètres de notre maison ; et à peine cette éblouissante lumière s’était-elle dissipée, que le chêne lui-même avait disparu, et qu’il n’en restait qu’une souche calcinée […]. Ce jour-là, nous avions avec nous quelqu’un de très versé dans l’étude des phénomènes naturels ; excité par le spectacle de cette catastrophe, il nous expliqua une théorie qu’il avait conçue à propos de l’électricité et du galvanisme, dont la nouveauté me jeta de suite dans l’étonnement. (Mary Shelley, Frankenstein, p. 24 ; trad. G. d’Hangest)
32Hogg se remémore la frénésie avec laquelle le jeune Shelley évoquait ses propres expériences à l’aide d’un cerf-volant électrique :
Il décrivait un cerf-volant électrique réalisé chez lui, et projetait d’en faire un autre, un immense cette fois, ou plutôt l’assemblage de nombreux cerf-volants, qui arracherait au ciel une immense quantité d’électricité, munitions d’un orage violent qui, concentrées vers un endroit précis, auraient des conséquences prodigieuses. (Thomas J. Hogg, The Life of P. B. Shelley, t. I, p. 71)
33Le Prométhée moderne de Mary Shelley doit beaucoup à ce double imprudent, « volant le feu du ciel, tel un nouveau Prométhée » (Thomas Medwin, The Life of Percy Bysshe Shelley, p. 72).
34Les discours de Shelley sur la puissance électrique, sur les pouvoirs titanesques qu’elle conférerait un jour à celui qui s’en ferait maître, revêtent par instants des tonalités inquiétantes :
Quel instrument puissant l’électricité serait-elle aux mains de celui qui s’en rendrait maître, et dirigerait ses énergies omnipotentes ! […] Combien de phénomènes naturels révéleraient leurs mystères grâce à elle ! » (Thomas Hogg, The Life of P. B. Shelley, t. I, p. 62)
35Mary Shelley rapporte les cauchemars de la nuit précédant l’écriture de Frankenstein :
Je vis […] le pâle adepte d’arts sacrilèges agenouillé auprès de la créature qu’il avait formée. Je vis, étendue, l’apparence hideuse d’un homme donner signes de vie, à la mise en marche d’une puissante machine, et remuer d’un mouvement malaisé, à demi-vital » (préface de Frankenstein », p. 196 ; trad. G. d’Hangest)
36Un rapprochement entre ce passage et le récit de la romancière (« Je rassemblai autour de moi les instruments qui devaient me permettre de faire passer l’étincelle de la vie dans la créature inerte étendue à mes pieds », Frankenstein, p. 38 ; trad. G. d’Hangest), suggère la nature électrique de la machine de Frankenstein. Le jeune homme, féru de disciplines profanes, ressemble de façon troublante à l’étudiant d’Oxford qui n’hésitait pas à s’électriser pour ressentir le fluide vital de l’électricité monter en lui :
37Ensuite, il me montra avec exaltation ses divers instruments, notamment sa machine électrique. Il se mit à faire tourner le manche très rapidement, projetant de violentes étincelles, puis, du haut de son tabouret aux pieds de verre, m’enjoint de faire fonctionner l’appareil : son corps s’emplit du fluide électrique et ses longues boucles désordonnées se dressèrent sur sa tête. (Thomas Hogg, The Life of P. B. Shelley, t. I, p. 69-70)
Notes de bas de page
1 Voir R. Holmes, Shelley, The Pursuit, p. 16.
2 « En 1811, William Lawrence était l’assistant d’Abernethy » (S. Ruston, Shelley and Vitality, p. 78).
3 « Shelley lut le long poème The Botanic Garden (1792) et jeta probablement un œil à son traité en prose Zoonomia (1796) » (R. Holmes, Shelley, The Pursuit, p. 75).
4 Voir « Mary Shelley and the Romance of Science », dans Jane Austin, Mary Shelley and Their Sisters, p. 141.
5 The Bodleian Shelley Manuscripts, A Facsimile Edition, t. V, adds. e 6, p. 172-155 rev.
6 Des nombreux médecins qui assistèrent Shelley dans ses maladies réelles et imaginaires, William Lawrence était selon lui le plus qualifié : « Ma santé s’améliore considérablement depuis que je consulte Lawrence. » (LT, p. 443)
7 Vaucanson était un fameux constructeur d’automates français du xviiie siècle.
8 P. Butter, Shelley’s Idols of the Cave, p. 137.
9 Voir Queen Mab, ch. I, v. 252, note.
10 « Certains des auteurs de la British Encyclopædia préfèrent ne pas mentionner leur nom », (W. Nicholson, Preface to the British Encyclopædia, p. viii).
11 Son premier recueil de poèmes, écrit avec sa petite sœur en septembre 1810, s’intitulait Original Poetry by Victor and Cazire.
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