Troisième partie. Transcience
p. 220
Texte intégral
Worlds on worlds are rolling ever
From creation to decay,
Like bubbles on a river
Sparkling, bursting, borne away.
(Hellas, v. 197-200)1
1Les mondes se créent et se dissolvent en un mouvement circulaire où se succèdent les vastes cycles de création et de destruction du cosmos. S’y dessinent également les orbites imbriquées de l’univers newtonien, équilibres dynamiques fondés sur l’inflexion des trajectoires de vastes corps que la force d’attraction ramène toujours en orbite malgré leur fuite centrifuge.
2Quelle est la relation du poète, jusqu’alors enraciné dans les terreaux du jardin de la nature, au domaine stellaire ? Par la contemplation de ces forces et de ces formes, la poésie shelleyenne se fait « transcience », appréhension mélodique et rythmique de cet éternel retour fondé sur la nature transitoire des éléments qui le composent. À partir du concept anglais de transience, qui désigne le caractère éphémère d’un phénomène, Shelley déploie une méditation poétique sur la révélation par la science moderne d’un univers en transformation constante, loin de la douce éternité du cosmos ptolémaïque.
3Cette « transcience », représentation d’inspiration astronomique de la création poétique, dévoile alors le caractère transversal et transgressif des allusions shelleyennes à l’astronomie : l’auteur passe librement d’un paradigme scientifique à un autre, allant, parfois au sein d’un même poème, d’une représentation ptolémaïque à une représentation newtonienne de l’univers. Seule compte la transfiguration poétique des concepts, transfert qui les libère de leur contexte épistémologique originel afin de mener une réflexion sur les fulgurances de l’inspiration poétique : les représentations astronomiques se transmuent en métaphores de la relation que tisse le poème à la beauté absolue, entre harmonie et chaos, entre mesure et sublime.
Notes de bas de page
1 « Mondes sur mondes roulent éternellement, de la création au déclin, comme les bulles qui sur une rivière étincellent, éclatent et disparaissent. » (trad. F. Rabbe, t. II, p. 301)
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