Textes complémentaires
p. 165-193
Texte intégral
Texte antérieur au Pauvre Henri
La conversion de Constantin, extrait de la Chronique impériale
1La Chronique impériale (Kaiserchronik) est sans doute l’œuvre de plusieurs clercs bavarois qui la rédigèrent vers 1140-1150 à Ratisbonne. Elle fut selon toute vraisemblance destinée à un public composé de nobles et de ministériaux, peut-être aussi de religieux. Comprenant plus de 17000 vers rimés, elle retrace, à nos yeux de manière fictive, l’histoire de l’Empire à travers une succession de faits et de règnes allant de César et Auguste à Conrad III. Elle s’achève sur l’annonce de la deuxième croisade (1145) pour laquelle saint Bernard avait su gagner les princes allemand et français (v. 17270-17283). Dans la perspective de la translatio imperii, les empereurs allemands apparaissent comme les héritiers légitimes des empereurs romains. La représentation qui est faite ici de l’histoire s’inscrit dans le plan voulu par Dieu : l’histoire écrite au Moyen Âge est toujours le reflet, non d’une quelconque réalité, mais de l’histoire du Salut. En ce sens, les vies décrites, celles de bons ou de mauvais souverains, ont valeur d’exemples ou de contre-exemples. Comme bien des textes médiévaux, cette chronique s’assimile à un « miroir des princes », le but étant d’édifier le public laïc ou religieux.
2Le bref extrait reproduit et traduit ci-dessous présente la conversion de Constantin et la guérison de l’empereur lépreux. La suite de ce passage décrit comment l’empereur s’emploie à christianiser l’Empire et à détruire les anciennes idoles.
3Le texte suivant est établi d’après le Codex Palatinus Germanicus 361, conservé à la bibliothèque universitaire de Heildelberg (fol. 46v à 47v). Il date du xiiie siècle et est écrit en dialecte rhénan, peut-être issu de la région de Mayence (voir Deutsche Kaiserchronik, 1964, p. 12).
4Les corrections en italique sont apportées d’après les manuscrits Cgm 37, conservé à Munich (fol. 59r à 60r), et Cod 2685, conservé à Vienne (fol. 41r à 42r).
| Die riche stuonden lere. [lettrine rouge, intérieur vert] |
7810 | Der herre was dannoch heiden, |
7815 | Nichein wertlich man |
7820 | So solt duo mir volgen. |
7825 | So solt duo dinen gesuont wider haben. |
7830 | Alse er der muoter iamer gesach, |
7835 | E ich wolle virliesen |
7840 | Diner arzadie negere ich nicht mere”, |
7845 | Die gotis boten bede, |
7850 | “Duo siechist vil lange, |
7855 | Dem solt duo werden gehorsam. |
7860 | Ich sage dir werliche, |
7865 | Daz im der tage sterre |
7870 | “herre, durch minne und durch liebe, |
7875 | Er irbeitet din lebende kume.” |
7885 | Daz duo so guot arzat were |
7895 | Unz an disen huotegen tac.” |
7900 | Die trostin mich wol dar zuo, |
7905 | Daz iz alliz von gote quam. |
7910 | Ob die bilide den herren gelich weren. |
7915 | Und widir mich redeten. |
7920 | Der babes viel ce gote sine venie, [lettrine rouge] |
7925 | Daz sint die heiligen herren |
7930 | Got hat dirz getan ce minnen, |
7935 | Alliz daz ich tuon sol, |
7940 | Die da vor ie ce rome geschach. |
7945 | Die huot um allez abe viel, |
7950 | Daz got von himele were |
7955 | Die ce rome waren in der stete. |
7960 | Gote wart er undirtan, |
7965 | Er gap in silber unde golt, |
7970 | An dem anderen tage, [lettrine rouge] |
7975 | Von der obersten wisheite |
7980 | “O wol duo waldendinger got, |
7985 | Er imphie gotis lichamen unde sin bluot. |
7990 | Der kuonic gebot sin edicta, |
7995 | Von nichte hiez gewerden. |
5[7806] Les contrées de l’Empire n’avaient plus de souverain. Les valeureux Romains élurent le fils de sainte Hélène, le noble Constantin. Ce seigneur était alors encore païen, néanmoins il était très sage.
6[7812] Par la volonté de Dieu il advint que le roi tomba malade. Cette maladie était si terrible qu’aucun laïc2 ne pouvait lui être d’une quelconque utilité et que tous les princes se mirent à l’éviter.
7[7818] Vint alors un sage qui déclara : « Seigneur, si tu veux recouvrer la santé, tu dois faire ce que je te dis. Demande à ceux qui te sont les plus proches de m’amener les enfants nés lors des deux dernières années. Je dois te baigner dans leur sang et ainsi tu guériras. Si cela ne te redonne pas la santé, alors fais-moi pendre ou lapider. » Le roi lui donna l’ordre de rassembler les enfants et les fit aussitôt conduire devant lui. Lorsqu’il vit le chagrin des mères, il prononça des paroles dignes d’un souverain : « Tu m’as donné un mauvais conseil, je ne veux pas faire tuer ces enfants. Je préfère renoncer à la vie plutôt que de sacrifier autant d’enfants. Puisse mon Seigneur m’épargner cela ! Il est préférable que je meure seul plutôt qu’autant de personnes ne périssent par ma faute. Je ne veux plus de ton remède. » C’est ainsi que parla ce souverain à l’âme noble.
8[7842] La nuit, tandis qu’il était couché dans son lit, le roi ressentit un grand état de faiblesse. C’est alors que lui apparurent les deux seigneurs que Dieu lui avait envoyés, saint Pierre et saint Paul. En ce temps-là, le pape s’appelait Sylvestre. Il les vit tous deux très distinctement et saint Pierre lui dit avec bonté : « Voilà déjà bien longtemps que tu es malade et en proie aux tourments. Tu cherches de bons médecins, alors écoute ce que je te conseille : il y a ici, à Rome, un homme auquel tu devrais obéir. Il s’appelle Sylvestre et est destiné à devenir ton père spirituel. Fais ce qu’il te dira, suis les conseils du saint homme. En vérité, je te le dis : tu seras entièrement guéri et en peu de temps tu auras recouvré un corps entièrement saint. »
9[7864] Le roi eut grand-peine à attendre que l’étoile du matin annonçât la venue du jour. Il envoya alors un messager, et je vais vous dire ce que celui-ci déclara au pape lorsqu’il le vit : « Seigneur, par amour et amitié rends-toi au plus vite auprès du roi Constantin. Il se porte extrêmement mal, tu ne dois pas perdre de temps. Il t’attend, mais ne saurait vivre encore longtemps. »
10[7875] Aussitôt le pape s’apprêta : plein d’entrain il se mit en route, car il croyait qu’il allait mourir en martyr pour Dieu. Ce n’était pas l’intention du roi qui dit au saint homme : « Sylvestre, cher ami, tu m’as porté grand préjudice en me cachant que tu es un si bon médecin et en ne venant pas à temps pour me redonner la santé. » Le saint pape lui répondit aussitôt : « Qui t’a dit que je suis un bon médecin ? Mon Seigneur sait parfaitement que je n’ai jamais été médecin et que, jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais dispensé les remèdes de ce monde. »
11[7896] Alors le roi Constantin dit : « Je ne peux pas du tout croire à ces propos. J’ai vu cette nuit deux hommes, magnifiques et bien faits, qui m’ont donné du réconfort en me disant qu’avec ton aide je serais très rapidement entièrement guéri. »
12[7904] Le saint homme comprit alors que tout cela était l’œuvre de Dieu. Il demanda à son chapelain d’amener des représentations de saint Pierre et de saint Paul, et il pria le roi de les regarder. Il lui demanda s’il pouvait confirmer que ces images ressemblaient aux deux seigneurs. Alors le roi déclara : « Ce sont ces deux mêmes hommes qui me sont apparus cette nuit, à la différence qu’ils vivaient et m’ont parlé. L’un avait les cheveux gris, comme il les a sur cette image, l’autre était chauve. Je les reconnais encore parfaitement. »
13[7920] Le pape tomba à genoux devant Dieu et dit au roi : « Dieu a agi ainsi par amour pour toi. Maintenant soumets-toi à Lui et conforme-toi à Ses enseignements. Voici les deux saints qui vont guérir ton corps et te délivrer des péchés. Aussi je suis le médecin qui te transmet les paroles de Dieu. Dieu a fait cela par amour pour toi, Il veut faire de toi Son serviteur. »
14[7932] Alors le roi Constantin répondit : « Toutes mes pensées doivent se tourner vers Dieu. Maître, je te fais entièrement confiance : je me conformerai à ta volonté et ferai de bon gré tout ce que tu m’ordonneras. »
15[7938] Saint Sylvestre bénit la cuve baptismale3. Ce fut alors le plus délicieux événement qui se produisît jamais à Rome. Il prononça devant Constantin la formule rituelle et l’immergea trois fois dans l’eau4. Le roi fut guéri et se retrouva à nouveau en parfaite santé : lorsqu’il sortit du bassin baptismal, son ancienne peau se détacha entièrement de son corps et il devint semblable à un enfant qui vient tout juste de naître. Il fut guéri5 et s’écria aussitôt que le Dieu du ciel est un véritable médecin qui apporte le salut6. Le loup se transforma en mouton. Les Romains durent renoncer aux nombreuses vaines idoles qui étaient adorées dans la ville de Rome. Le vrai Dieu lui-même fut à l’origine de très grandes manifestations de joie.
16[7958] Constantin, ce puissant roi, se mit à aimer et à honorer Dieu. Il se soumit à Lui et toutes les actions et les œuvres qu’il accomplissait, par des aumônes et des prières, étaient louables. Il se montra très amical envers les pauvres et leur donna de l’argent et de l’or ainsi que des vêtements royaux. C’est ainsi qu’il agissait du soir au matin, selon les enseignements de son maître, le pape saint Sylvestre.
17[7970] Le jour suivant [son baptême], comme je m’apprête à vous le raconter maintenant, le pape se trouva dans la cathédrale Saint-Pierre, accompagné de tous ceux à qui il convenait d’être présents. Il y chantait une messe en l’honneur de la très grande sagesse du Dieu du Ciel. Le roi Constantin pria de la façon suivante : « Sois béni Dieu tout-puissant pour m’avoir délivré du paganisme. Désormais je Te confie, Seigneur, mon corps et mon âme. » Empli d’humilité, il reçut l’eucharistie sous les deux espèces.
18[7986] Après la bénédiction, le saint homme le prit par la main et le conduisit jusqu’au prétoire. Là ils définirent les lois, le roi promulgua ses édits, tels qu’ils sont encore en vigueur à Rome, ordonnant que les Romains abjurent définitivement leurs idoles et adorent un vrai Dieu qui à partir du néant créa le ciel et la terre : Celui-ci est un vrai juge [un vrai créateur]. Bien des Romains en furent emplis de joie.
Textes postérieurs au Pauvre Henri
Les versions latines
19Deux recueils d’exempla datant du xive siècle contiennent la légende du pauvre lépreux ne pouvant être guéri que par le sang d’une vierge. Il semble que ces deux récits remontent à une source commune, aujourd’hui perdue, qui s’inspirait directement du texte de Hartmann. Une différence est toutefois notable : dans les deux exempla latins, le jeune chevalier accepte la punition divine. Le modèle proposé est donc d’emblée celui de Job. En outre, les deux textes accordent une importance particulière au thème de la gratitude ou de l’absence de celle-ci. Comme l’a noté Joseph Klapper7, cet exemplum, s’il était effectivement utilisé lors de prêches, était sans doute prononcé à l’occasion du troisième dimanche après l’Épiphanie. En effet, l’homélie dite à cette date relate la guérison d’un lépreux par Jésus : celui-ci étend sa main sur le malade et le purifie (Mt, 8, 1-4).
***
20Cod. ms. I. F. 115 [161vb-162rb], sixième exemplum de ce manuscrit de Breslau (aujourd’hui Wrocław) dont la deuxième partie contient cent soixante-quatre exempla8.
Pulcrum de leproso curato
21[Non] est melius medicamentum lepre spiritualis quam benignitas et misericordia. Legitur, quod fuit quidam miles strenuus, circa Renum Albertus nomine, qui casu, quem passus est, pauper cognominatus est.
22Hic erat dives et mire pietatis, sed vanitati milicie supra modum deditus.
23Quem dominus volens castigare, respexit in eum oculis clemencie et more benignissimi patris flagellum lepre fetide in eum misit.
24Qui omnia tanquam Job benigne sufferens deum in donis suis benedixit.
25Sed cum propter horrorem faciei et fetorem extrinsecum servi et familiares ab eo recessissent, amicique ut alteri Job bona sua invasissent ipsi insultantes, ille amicorum victus tedio et verecundia.
26Et medicina omnia, que habuit, consumpsit.
27Sed cum ei pecunia defecisset, simul amici et plures medicorum evanuerunt.
28Qui vultum non [f]erens9 ad locum amicorum suorum cessit, ubi pauper XIIII annis mansit.
29Tandem venit medicus, qui dixit : « Si aurum haberet iste pauper, ego ipsum curarem. »
30At ille promisit sibi dare, quidquid vellet, confidens in subsidium germanorum et aliorum amicorum, dummodo cum eo iret ad suos. Factum est, ut amici consensum adhiberent.
31Sed cum medicus albertum pauperem in eius infirmitate iudicasset fore leprosum, dixit, quod nullo modo curari posset, nisi sagwine humano casto, qui voluntarie moreretur.
32Adest igitur paupercula virgo, que recordata vestium, quas pater eius de curia alberti quondam sibi portaverat, querens, quidnam contingeret de domino alberto.
33Et responsum est ei, quod ipse esset ille leprosus, quem homines abhorrent, et si haberet hominem, qui voluntarie moreretur, in suo sagwine curaretur.
34Que statim currens ad albertum dixit : « Domine, recordor vestium, quas per patrem meum michi destinasti.
35Et ideo, ut posses mundari, parata sum mori pro tua sanitate. »
36Qui gaudens duxit illam ad medicum, qui preparavit vasa ad hoc, quod sagwinem eliceret de virgine.
37Quod videns albertus dixit : « Absit, ut de crudeli morte tam fidelis virginis sanitatem recipiam.
38Melius est michi mori salua vita virtuose virginis, quam per eius interitum crudelem meam recipere sanitatem. »
39Et hoc dicto medico dedit licenciam dicens, quod nollet sanus fieri per alterius mortem.
40Eadem nocte dominus apparens ei ipsum sanavit et thezauros a suis parentibus olym absconditos sibi ostendit.
41Albertus autem vendita exsolvens emit ampliora.
42Iliam duxit virginem, que pro ipso mori voluerat, in uxorem et post longum tempus exspirans quievit in pace.
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Un beau récit exemplaire : le lépreux guéri
43Il n’est pas meilleur médicament contre la lèpre de l’âme que la bonté et la miséricorde. On lit qu’un valeureux chevalier appelé Albert habitait dans la région du Rhin et, qu’à cause d’un malheur qui lui advint, on le surnomma le Pauvre.
44Il était riche et d’une très grande piété, mais il s’adonnait aux vanités de la chevalerie au-delà de toute mesure.
45Le Seigneur voulut le punir et, posant sur lui ses yeux de père emplis de clémence et de bonté, il fit s’abattre sur lui le fléau de la lèpre fétide.
46Tel Job, il supporta tout cela de bon cœur et loua Dieu pour ses dons.
47Toutefois, lorsqu’à cause de son visage horrible et de l’odeur infecte qu’il dégageait ses serviteurs et les membres de sa maisonnée se détournèrent de lui et que ses amis, le traitant avec mépris tel un second Job, s’emparèrent de ses biens, il fut saisi de dégoût et de honte pour ces mêmes amis.
48Il dépensa tout ce qu’il possédait pour des médicaments.
49Mais aussitôt que l’argent vint à lui manquer, ses amis et la plupart des médecins disparurent également.
50Lui, ne supportant plus le visage de ses amis, se rendit en un lieu où il vécut quatorze ans dans la pauvreté.
51Un jour vint un médecin qui dit : « Si ce pauvre avait de l’argent, je le soignerais. »
52Mais celui-ci promit de lui donner tout ce qu’il voulait, confiant en l’aide que lui apporteraient ses parents et d’autres amis s’il se rendait chez eux avec le médecin. Il s’avéra que ses amis donnèrent leur consentement.
53Mais lorsque le médecin eut examiné la maladie du Pauvre Albert et conclu qu’il s’agissait de la lèpre, il dit qu’il ne pouvait d’aucune façon le soigner, si ce n’est par le sang d’un être humain pur qui serait prêt à mourir de son plein gré.
54À ce moment-là une pauvre pucelle était présente qui se souvint des vêtements que son père lui avait rapportés autrefois de la cour d’Albert. Elle demanda ce qui était arrivé à son seigneur Albert.
55On lui répondit qu’il s’agissait justement de ce lépreux que les gens avaient pris en dégoût et qui serait guéri s’il se baignait dans le sang d’une personne prête à mourir de son plein gré.
56Aussitôt elle courut vers Albert et dit : « Seigneur, je me souviens des habits que tu m’as fait parvenir par mon père.
57Et pour cette raison je suis prête à mourir pour que tu puisses être purifié et que tu recouvres la santé. »
58Il se réjouit et la conduisit auprès du médecin qui prépara des récipients afin de recueillir le sang de la pucelle.
59Voyant cela, Albert dit : « Loin de moi l’idée de vouloir recouvrer la santé par la mort cruelle d’une vierge si fidèle.
60Je préfère mourir en épargnant la vie de cette vertueuse pucelle plutôt que de guérir grâce à sa mort cruelle. »
61Après avoir dit cela, il donna son congé au médecin, ajoutant qu’il ne voulait pas devoir sa santé à la mort de quelqu’un d’autre.
62Durant la nuit qui suivit, le Seigneur lui apparut, le guérit et lui montra les trésors qui avaient été cachés autrefois par son père et sa mère.
63Ainsi, Albert racheta les biens qu’il avait vendus et en acquit beaucoup d’autres.
64Il épousa la pucelle qui avait voulu mourir pour lui et, après une longue vie, il expira et reposa en paix.
***
65Cod. ms. II. F. 118 [172v], dixième exemplum de cet autre manuscrit de Breslau, qui contient en tout cent vingt-quatre exempla10.
De misericordia
66Comes quidam strennuus nomine henricus, qui a casu, quem passus est, pauper cognominabatur.
67Hic erat devotus et mire pietatis, sed necessitatibus milicie supra modum deditus.
68Quem deus volens castigare, respexit oculis misericordie sue et more benigni patris super hunc lepre fetide misit.
69Qui omnia tamquam alter Job benigne sufferens et deum in donis suis benedixit.
70Sed cum propter horrorem fetoris servi et familiares ab eo recesserunt atque amici ut altero Job insultantes bona sua invaserunt, quorum partem in medicinis expendit.
71Sed cum ei pecunia defecit, amici et pulvis medicorum [evanuerunt].
72Tedio et verecundia affectus vultum non ferens suorum ad loca ignota secessit, ubi pauper degens xiiii annis mansit.
73Tandem venit medicus, qui dixit : « Si aurum dare posset pauper iste, sanarem eum. »
74Qui sibi promisit dare, quicquid vellet, confidens in sufragium amicorum.
75Sed cum medicus henricum pauperem et eius infirmitatem advertisset, dixit, quod nullo modo curari posset, nisi in saguine humano, qui voluntarie moreretur.
76Adest virgo paupercula recordata vestium, quas pater eius de curia ei portaverat, querens, que contigerent de domino henrico.
77Responsum est, quod ipse esset leprosus ille, quem abhorrerent homines, et si haberet unum hominem, voluntarie pro eo morientem, a lepra mundaretur.
78Et virgo statim currens ad henricum dixit : « Domine, recordor vestium, quas pater meus aliquando de gracia vestra michi attulit.
79Igitur, ut vos mundari possitis, parata sum pro vestra salute mori. »
80Qui gaudens duxit eam ad medicum, qui preparabat vasa ad hoc, ut sagwinem eliceret de virgine.
81Quod vidit henricus, dixit : « Absit, ut de crudeli morte pie virginis sanitatem reciperem.
82Melius est michi mori salua vita virginis, quam quod per eius crudelem interitum meam sanitatem reciperem. »
83Et hoc dicto medico dedit licenciam dicendo, quod nollet sanus fore per mortem alicuius.
84Eadem nocte Ihesus apparens sibi ipsum sanavit et thezauros absconditos a suis parentibus sibi ostendit.
85Henricus autem exolvens vendita, virginem, que pro eo mori voluit, in uxorem duxit et postea in Christo quievit.
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De la miséricorde
86Un comte valeureux, appelé Henri, fut surnommé le Pauvre à cause d’un malheur qui lui advint.
87Il était plein de zèle envers Dieu et d’une grande piété, mais il s’adonnait au-delà de toute mesure aux obligations de la chevalerie.
88Dieu voulut le punir et, posant sur lui ses yeux de père emplis de miséricorde et de bonté, il fit s’abattre sur lui la lèpre fétide.
89Tel un second Job, il supporta tout cela de bon cœur et loua Dieu pour ses dons.
90Toutefois, lorsqu’à cause de son odeur épouvantable ses serviteurs et les membres de sa maisonnée se détournèrent de lui et que ses amis, le traitant avec mépris tel un second Job, s’emparèrent de ses biens, il dépensa une partie de son argent en médicaments.
91Mais lorsque l’argent lui fit défaut, il perdit également ses amis et les remèdes des médecins.
92Empli de dégoût et de honte, ne supportant plus le visage des siens, il alla s’isoler dans des lieux secrets où il demeura quatorze ans, vivant dans la pauvreté.
93Un jour vint un médecin qui dit : « Si ce pauvre pouvait me donner de l’argent, je le guérirais. »
94Il lui promit de lui donner tout ce qu’il souhaitait, confiant en l’aide de ses amis.
95Mais lorsque le médecin se fut penché sur le Pauvre Henri et sa maladie, il dit qu’il ne pouvait le guérir d’aucune façon, si ce n’est par le sang d’un être humain qui serait prêt à mourir de son plein gré.
96Une pauvre pucelle était présente qui se souvint des vêtements que son père lui avait rapportés de la cour d’Henri. Elle demanda ce qui était arrivé à son seigneur Henri.
97On lui répondit qu’il s’agissait précisément de ce lépreux que les gens avaient pris en dégoût et qui serait délivré de la lèpre s’il trouvait une personne prête à mourir pour lui de son plein gré.
98Et aussitôt la vierge courut vers Henri et lui dit : « Seigneur, je me souviens des habits que mon père m’a rapportés autrefois grâce à votre bonté.
99Ainsi, pour que vous puissiez être purifié, je suis prête à mourir pour votre santé. »
100Il se réjouit et la conduisit auprès du médecin qui prépara des récipients afin de recueillir le sang de la pucelle.
101Lorsqu’il vit cela, Henri dit : « Loin de moi l’idée de vouloir recouvrer la santé par la mort cruelle d’une vierge pieuse.
102Je préfère mourir en épargnant la vie de cette pucelle plutôt que de guérir grâce à sa mort cruelle. »
103Après avoir dit cela il donna son congé au médecin, ajoutant qu’il ne voulait pas devoir sa santé à la mort de quelqu’un d’autre.
104Durant la nuit qui suivit, Jésus lui apparut, le guérit et lui montra les trésors qui avaient été cachés par son père et sa mère.
105Ainsi, Henri racheta les biens qu’il avait vendus et épousa la pucelle qui avait voulu mourir pour lui, et ensuite il reposa dans le Christ.
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106Également tiré du Cod. ms. I.F. 115, l’exemplum suivant est le dix-huitième texte de ce manuscrit silésien [166va-166vb]. Le texte présente la lèpre comme une grâce qui, si on l’accepte, conduit à Dieu. C’est précisément à cause de son infirmité et de son corps rongé par la maladie que le lépreux ne peut plus profiter de la vie et échappe aux vanités terrestres11.
De leproso bonum et servicio infirmorum
107[L]egitur de quodam heremita, qui inter ceteras virtutes habuit magnam graciam infirmis ministrare. Hic ammonitus per quandam visionem ivit ad proximam civitatem. Et dum pervenisset ad portam, vidit quendam horribilem infirmum et fetidum, quem eciam leprosi inter se sustinere non valebant. Ad hunc heremita accedens ipsi serviens in domino consolatur. Ad hec infirmus respondit : « Sit deus altissimus benedictus, qui michi donavit hanc infirmitatem, sed timeo, nec michi dominus minuat premium celeste propter tuum humile servicium. » Cui ille : « Non ita est, domine, sed pro mea mercede huc venire iussus sum. » Sic ergo sanctus cottidie oriebatur12 inter eos luctus. Quantum ergo heremita plus serviebat, plus servire desiderabat ; et eo minus infirmus heremitam servire sibi permittebat, ut plus sustinendo plus premiaretur. Tandem infirmus migravit ad dominum annis elapsis xxv osculatis manibus heremite et gracias de servicio fideli exhibito. Heremita vero exorabat dominum, ut sibi ostenderet, qualiter hec sancta anima a corpore egrederetur. Sed quia dominus presto est omnibus (ipsum) invocantibus eum in veritate ipsius devocioni annuens ostendit ei. Nam cum ad horam novissimam devenisset, audivit de celo vocem dicentem : « Veni, electe mi, ad gaudia mea. » Tunc illa felicissima anima ad omnes sensus cum iubilo dicebat : « Vobis regracio, quod michi obedistis : oculi, qui vanitatem videre non concupivistis ; aures, quia vana audire noluistis ; manus, quia in delectacionem non palpastis ; pedes, quia ad vana non ivistis ; nares, quia delicata contempsistis ; os quia ad delicata te non dedisti. Exspecta ergo et tu, corpus, dominium accipias et quiesces in pace, ut ipsum pro tuo labore recipias eternam remuneracionem. » Et hoc dicto cum concentu angelorum migravit ad celum.
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Du bon lépreux et du service aux malades
108On lit qu’il y avait une fois un ermite qui, entre autres vertus, possédait le don merveilleux de servir les malades. Une vision l’exhorta à se rendre dans la ville voisine. Et lorsqu’il parvint aux portes de celle-ci, il vit un homme frappé par une maladie si horrible et répugnante que même les lépreux ne voulaient pas le tolérer parmi eux. Cependant, l’ermite s’approcha de lui, le servit et le consola dans le Seigneur. Toutefois, le malade répondit : « Loué soit Dieu tout-puissant qui m’a donné cette maladie. Je crains néanmoins que le Seigneur n’amenuise ma récompense céleste du fait de ce service que tu m’accordes en toute humilité. » L’ermite rétorqua : « Il n’en va pas ainsi, seigneur, car c’est pour ma propre récompense que je suis venu ici. » Ainsi se répandaient-ils chaque jour en saintes lamentations. Plus l’ermite le servait et plus grande était son ardeur à le servir, et moins le malade ne lui permettait de le servir afin de souffrir davantage et d’obtenir une plus grande récompense céleste. Enfin, après vingt-cinq ans, arriva le jour où le malade devait rejoindre le Seigneur. Il baisa les mains de l’ermite et le remercia pour son loyal service. Toutefois, l’ermite demanda à Dieu de lui dévoiler comment cette âme sainte allait quitter son corps. Et puisque le Seigneur est prompt à exaucer tous ceux qui l’invoquent en toute sincérité, il le lui montra. Ainsi, lorsque l’heure du trépas arriva, il entendit une voix du ciel qui disait : « Viens, toi qui es élu, rejoins-moi dans la joie. » Alors cette âme bienheureuse dit en exultant à tous ses sens : « Je vous remercie de m’avoir obéi : vous, les yeux, pour n’avoir pas désiré regarder les vanités du monde ; vous, les oreilles, pour n’avoir pas voulu écouter les paroles vaines ; vous, les mains, pour n’avoir pas touché aux plaisirs ; vous, les pieds, pour n’avoir pas marché vers les vanités ; toi, le nez, pour avoir dédaigné les odeurs délicates ; toi, la bouche, pour n’avoir pas cédé aux mets raffinés. C’est pourquoi toi aussi, mon corps, tu dois être plein d’espoir, tu recevras le Seigneur et reposeras en paix, car tu obtiendras pour tes souffrances la récompense éternelle. » Et une fois qu’il eut dit cela, il s’éleva vers le ciel, accompagné par le chant des anges.
***
Deux chansons populaires néerlandaises
109Le Recueil de chansons d’Anvers (Antwerps liedboek) a été imprimé dans cette même ville en 154 et contient les textes de 221 chansons. Ce recueil a été interdit par l’Inquisition et, malgré les cinq éditions qu’il a connues, seuls quelques exemplaires ne furent pas détruits par les censeurs. Aujourd’hui il n’en reste plus qu’un seul, conservé en Allemagne à la bibliothèque de Wolfenbüttel. L’originalité de la chanson reproduite ci-dessous13 est que la lèpre est délibérément identifiée à une maladie bienfaitrice qui rapproche de Dieu. La jeune fille, qui n’est d’ailleurs pas lépreuse, se mutile avec un couteau afin de s’infliger des plaies semblables à celles d’un lépreux. On retrouve certains thèmes rencontrés dans Le Pauvre Henri, notamment ceux du mépris du monde et de l’union mystique avec le Christ, apparaissant ici sous l’apparence d’un chevalier qui enlève la demoiselle pour l’emmener dans son Royaume.
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Verholen minne
Wie wil horen een goet nieu liet?
ende dat sal ick ons singhen
al vander edelder minne
van een ridder ende joncfrouwen
sy droeghen verholen minne.
Die vrouwe op hogher salen lach,
van also verre dat sy sach,
sy sach hem van so verre,
sy sach hem comen ghereden
veel claerder dan een sterre.
Hy stack sijn hant onder sijn cleet,
een vingherlinc was daer bereet,
dat worp hy in den Rijn.
die vrouwe op haer sale lach,
seer node wou sijt verloren laten blijven.
Ende sy had een clein vondelhont,
dat conste wel duiken tot in den gront,
so diep in ghenen gronde ;
dat haelde haer dat vingherlijn
in also corter stonde.
Doen sy dat vingherlinc ontfanghen had,
ende sy dat seer wel besach,
so stont daer in gheschreven:
“och rijc heer god, hoe salich hy waer,
die lazarus mochte wesen!”
Sy ghinc voor haren vader staen,
voor haren liefsten vader:
“siet vader, ick moet u claghen,
ick ben besmet met laserije,
ick moet uit alle minen maghen.”
“Och dochter, sprack hy, dochter mijn,
hoe soude dat moghen ghesijn?
want ghy sijt also schone,
ende boven alle lantsvrouwen
so spant ghy die crone.”
Die vader al totter dochter sprack:
“och dochter, wel lieve dochter mijn,
hoe gaerne soude ick weten,
waer u die lelijke laserije
eerst uit sal breken?”
Dat meisken dat niet laten en dorst,
sy nam een mes, sy cloofde haer borst:
“siet, vader, ick salt u betonen.”
sy en condese daer na in seven jaer
ghesuiveren noch gheschonen.
Men ghinc haer daer een huisken maken,
besiden des wechs al vander straten,
men huurde haer eenen gheselle,
die haer al door die minne van god
soude clinken die laserische belle.
Daer in so lach sy seven jaer,
dat sy noch sonne noch mane en sach ;
niet meer dan tot eenen tijde
so liet sy haer dore open staen,
sy sach den ridder comen rijden.
Sy wiesch haer handen, sy waren schoon,
sy leidese opten sadelboom,
sy lieter die sonne opschijnen.
doen kende hy dat vingherlijn
dat hy worp in den Rijne.
Hy settese voor hem op sijn paert,
hy voerdese tot sijnen lande waert,
hy cledese al met gouwe,
ten einden vanden seven jaer
so was sy des ridders vrouwe.
***
Un amour secret
1. Qui veut entendre une bonne nouvelle chanson ? Je vais en chanter une qui traite du noble amour entre un chevalier et une demoiselle : ils se vouaient un amour secret.
2. La dame se tenait dans la salle haute et regardait au loin, elle le vit de si loin, elle le vit venir à cheval, bien plus clair qu’une étoile.
3. Il mit la main sous son manteau et en sortit un anneau qu’il jeta dans le Rhin. La dame qui se trouvait dans la salle ne souhaitait pas le laisser perdre.
4. Elle avait un petit chien qui savait bien plonger au fond de l’eau, tout au fond des eaux profondes, et qui retrouva l’anneau en très peu de temps.
5. Lorsqu’elle eut retrouvé l’anneau, elle le regarda bien et vit qu’il portait l’inscription suivante : « Hélas, Dieu tout-puissant, bienheureux celui qui parviendrait à devenir lépreux ! »
6. Elle alla devant son père, devant son cher père : « Regardez père, je dois malheureusement vous dire que j’ai la lèpre, je dois fuir tous mes parents. »
7. « Hélas, ma fille, dit-il, ma chère fille, comment cela est-il possible ? Car tu es si belle, tu es la plus belle de toutes les dames du pays. »
8. Le père dit à sa petite fille : « Hélas, ma fille, ma très chère fille, comme j’aimerais savoir où, sur ton corps, cette vilaine lèpre est déjà apparue. »
9. La jeune femme ne put en rester là, elle saisit un couteau et se mutila la poitrine : « Regardez père, je vais vous montrer. » Alors elle ne put pendant sept ans ni se laver ni se nettoyer.
10. On alla lui construire une petite maison, loin du chemin et de la route. On engagea un valet qui, par amour de Dieu, faisait retentir pour elle la cloche des lépreux.
11. Elle y demeura sept ans sans voir ni le soleil ni la lune, jusqu’au jour où elle laissa la porte ouverte et vit arriver le chevalier.
12. Elle se lava les mains et, lorsqu’elles furent propres, elle les posa sur l’arçon de la selle, laissant le soleil briller dessus. Alors il la reconnut à l’anneau qu’il avait jeté dans le Rhin.
13. Il la fit monter devant lui, sur son cheval, et l’emmena en son pays où il la vêtit entièrement d’or. Au bout des sept années, elle devint l’épouse du chevalier.
***
110Cette chanson populaire traite du même thème que la chanson précédente. Elle semble toutefois lui être postérieure, car certains éléments explicites dans le texte du Recueil d’Anvers deviennent ici implicites, notamment la relation amoureuse avec le chevalier. Ce texte, reproduit ici d’après l’édition des frères Grimm, a été publié la première fois à Amsterdam en 1754 dans De marsdrager of nieuw Toverlantaren (Le Colporteur ou la Nouvelle Lanterne magique)14.
Van een Ruyter met een Meysje
Het meysje al over de valle-brug reed,
haar buydeltje van har zijde gleed,
het zonk al na de gronde;
met een kwaam daar een ruyter aan,
hy visten’t in korten stonde.
Toen zy haar buydeltje weder zag,
van haar leven zag zy noyt droeviger dag,
aldaar stond in geschreven,
“al die verhole liefde draagt,
moet zeven jaar lazarus wezen.”
Z’ wist niet, wat zy doen of laten most,
zy nam en mes en kwesten haar borst,
en zy ging het haar vader toonen:
“ik bender met lazery besmet,
komt, zie’t hier voor u oogen.”
“Wel dogter zoud gy lazerus zijn,
gy benter de liefste dogter van mijn,
gy benter zo schoon jonkvrouwe;
al kwam’ er een konings-zoontjen om jou,
hy zouje wel mogen trouwen.”
“O vader, laat maaken een huysje koen,
van distel, doornen, lelye groen
en huurter mijn eenen gezellen,
die dagelijks mijn willetje doen
en klinken de lazerus bellen.”
Het napje in haar regter hand
en het klapje in haar slinker hand
en zy ging over’s heeren-straaten:
“ach geeft’ er den armen lazerus wat,
doet werk van caretaten.”
“Wat caretaten zou ik u doen?”
“ik hebber geen koussen ofte schoen,
en in zeven jaar niet gedragen,
dan word ik een mooy meysje toe
by een fonteyntje te wagen.”
Zy wies haar handen en droogdenze schoon,
en op haar zadel zat zy ten toon,
aan haar ringen kon hyze kinnen,
als dat zy het zelfde maagdetje was,
die hy plagt te beminnen.
Hy hadder het schoon-kind lief en waard,
en hy zettenze voor hem op het paard
en met een zo ging hy rijden ;
hy trok haar lazerus kleederen uyt,
en hy kleed ze in witte zijde.
“Adieu vader en moeder van mijn!
adieu mijn suster en broederlijn!
adieu mijn vriendetjes allen,
ik dank de Godt van’t hemelrijk,
dat de lazerny is vervallen.”
Le Chevalier et la jeune fille
1. La jeune fille passait à cheval sur le pont-levis lorsque son aumônière se détacha et sombra tout au fond de l’eau. Tout à coup arriva un chevalier qui la repêcha en peu de temps.
2. Jamais la demoiselle ne connut de jour plus triste de toute sa vie que lorsqu’elle retrouva son aumônière, car il y était écrit : « Quiconque porte un amour secret sera lépreux pendant sept ans. »
3. Elle ne savait plus que faire. Elle s’empara d’un couteau et se mutila la poitrine, puis elle alla se montrer à son père : « Je suis frappée de la lèpre. Tenez, voyez-le de vos propres yeux ! »
4. « Eh bien, ma fille, même si tu es lépreuse, tu seras toujours ma fille préférée. Tu es une si belle demoiselle que si un prince venait à toi, il pourrait fort bien t’épouser. »
5. « Ô mon père, faites-moi construire une fière maisonnette de chardons, d’épines et de lys verts, et engagez un valet qui soit chaque jour à mon service et fasse retentir la cloche des lépreux. »
6. Une écuelle dans la main droite et une crécelle dans la main gauche, elle alla par la grand-route : « Hélas, donnez quelque chose à la pauvre lépreuse, faites œuvre de charité ! »
7. « Quelle aumône souhaitez-vous ? »« Je n’ai porté ni bas ni chaussures pendant sept ans. Alors [si vous faites œuvre de charité] j’irai me laver à une fontaine et redeviendrai une belle jeune femme. »
8. Elle se lava les mains puis les sécha parfaitement. Et sur sa selle elle était assise, bien en évidence. Aux anneaux qu’elle portait, il put la reconnaître et vit que c’était la même jeune fille que celle qu’il avait aimée.
9. Il était très attaché à cette belle enfant et la fit monter devant lui, sur son cheval. Et tout à coup il s’en alla au galop. Il la dévêtit de ses habits de lépreuse et l’habilla de soie blanche15.
10. « Adieu mon père et ma mère ! Adieu ma sœur et mon petit frère ! Adieu tous mes amis ! Je remercie le Dieu du Ciel de m’avoir délivrée de la lèpre. »
Notes de bas de page
1 Cgm 37 : Er war ir rehter schephare (Celui-ci était leur vrai Créateur) ; Cod. 2685 : Der wær rechter schephær (Celui-ci était le vrai Créateur).
2 Littéralement : aucun homme du monde.
3 « prunnen » ou « brunnen » correspond au mot latin fons, désignant la « source », la « fontaine ». La forme latine plurielle (fontes) est étymologiquement à l’origine des « fonts » baptismaux. Cette « fontaine » désigne ici la piscine ou cuve baptismale dans laquelle le catéchumène était immergé.
4 À chaque immersion, l’évêque demande au baptisé : « Crois-tu en Dieu, le Père tout-puissant ? », « Crois-tu en Jésus-Christ, fils de Dieu ? », « Crois-tu en l’Esprit saint dans la sainte Église ? ». À chaque question, le catéchumène répond par : « Je crois. »
5 Il convient de noter ici la présence du terme « heil », pouvant se rapporter au salut du corps comme à celui de l’âme.
6 « heilere » désigne à la fois le médecin et celui qui accorde le salut (heil).
7 Die Legende vom Armen Heinrich, 1914, p. 18-20.
8 Texte cité d’après ibid., p. 21-23.
9 Manuscrit : « verens ».
10 Texte cité d’après ibid., p. 21-23.
11 Texte cité d’après : Erzählungen des Mittelalters in deutscher Übersetzung und lateinischem Urtext, 1914, p. 246.
12 Manuscrit : « hortabatur ».
13 Texte établi d’après Holländische Volkslieder, 1833, p. 122-124.
14 Texte établi d’après Der arme Heinrich von Hartmann von der Aue. Aus der Strassburgischen und Vatikanischen Handschrift, 1815, p. 167-169.
15 La soie blanche symbolise le mariage avec le Christ et anticipe le corps glorieux qui sera celui de la demoiselle après sa mort et sa résurrection.
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Le Pauvre Henri
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