Du récit de la métamorphose au conte : les transitions par l’écriture
p. 39-52
Texte intégral
FICHE PROJET Niveau de classe : 6e Projet d’étude : ce chapitre a la particularité de présenter deux séquences jumelées dont l’articulation et la progression sont assurées par un projet d’écriture de la métamorphose :
Projet d’écriture de l’élève : écriture d’une description d’une métamorphose, prolongée par deux variations au cours de la séquence. Invention de la matrice d’un conte dans lequel sera insérée la métamorphose, projet de la séquence suivante, consacrée au conte merveilleux et à la lecture de La Belle et la Bête. L’écriture : fonction dans le projet, compétences visées :
Organisation, étapes du projet :
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1. L’écriture de la variation et ses parcours optionnels
1L’enseignement du français au collège est un enseignement en séquences ayant pour objet, autour d’un même projet d’étude, la connaissance d’un genre littéraire clairement identifié, l’acquisition de compétences en lecture, écriture, langue écrite et orale. Un projet annuel déroule ainsi une succession de séquences qui sont la mise en œuvre pédagogique d’un programme spécifique à chacun des niveaux. Les corpus littéraires assurent l’unité et la cohérence des enseignements, les apprentissages de la langue et de l’écriture en font un terrain d’expériences, d’imitation, de compréhension. Chacune des séquences est d’ordinaire close sur elle-même. Or nous cherchons à montrer dans ce nouveau chantier d’écriture qu’une mise en relation de deux genres littéraires distincts étudiés dans deux séquences successives peut constituer une opération intéressante de compréhension des formes littéraires. De façon adaptée à une classe de 6e, il s’agit de faire l’expérience d’une double écriture de la métamorphose, mais dans des espaces génériques distincts : d’un côté les textes fondateurs, de l’autre le conte.
2L’apprentissage de l’écriture sert ainsi de lien entre deux projets de lecture et de fil rouge entre les différents enseignements de la classe de français. Une première séquence initie les élèves à la rédaction d’un discours descriptif en relation avec une sélection de lectures des Métamorphoses d’Ovide. En appliquant les principes d’une réécriture de la variation, on fait découvrir aux élèves, par l’exercice d’une écriture démultipliée et à des moments stratégiques de la séquence, les principes rédactionnels d’une métamorphose et ses possibles enjeux narratifs. Les réécritures engagent par ailleurs un travail sur le lexique, notamment sur les verbes de transformation, dans une démarche d’amélioration des écrits.
3L’écrit premier, rédigé en ouverture de séquence, fait l’objet de deux variations : l’une après des lectures et une activité consacrée au lexique de la métamorphose ; l’autre après une réflexion collective sur les conséquences de la métamorphose, autour des notions de la perte et du gain, et une poursuite des lectures du corpus littéraire.
4Mais ce que montre le schéma 3 ci-dessous, c’est aussi une alternative possible à ce parcours des réécritures. La stratégie de la variation laisse ouvertes les options de la réécriture en fonction des nombreuses contraintes et objectifs singuliers d’un projet d’apprentissage en littératie. Chaque option entraîne alors des adaptations dans le choix des corpus de lecture, dans les activités langagières, dans les temps d’échanges dans la classe. Une séquence programmée en référence aux seules prescriptions institutionnelles montre ici ses limites. Le projet de la variation s’invente dans le temps de son élaboration, attentif aux aléas de la classe, quelle que soit leur nature. L’élève est associé au dessin de la trajectoire des enseignements-apprentissages ; l’expérience de la temporalité dans l’écriture aménage des temps réflexifs de retour sur l’écrit, qui favorisent aussi le repositionnement du scripteur vis-à-vis des attentes ainsi que l’adoption progressive d’un statut d’élève écrivant.
2. Écrire d’abord, même imparfaitement
5Avant toute lecture et toute présentation du projet de séquence, les élèves rédigent un premier écrit qui formera, comme il est d’usage dans l’écriture de la variation (voir, ci-dessus, 2.1.) le matériau des réécritures.
2.1. Écrire à partir d’une image
6Le germe de l’écriture est une image reproduite ci-dessous et présentée pendant le temps de l’activité au vidéoprojecteur. Il s’agit d’un oiseau de feu que les élèves identifient facilement à un phénix. D’autres choix de représentation animale peuvent convenir, sans qu’il soit fait référence à une origine fantastique ou merveilleuse.
7Le résultat de la métamorphose sera donc commun à toute la classe. Le travail lexical sur la description de la métamorphose s’en trouvera ainsi facilité. En revanche, chacun des scripteurs doit déterminer l’objet de la métamorphose, le personnage qui se transforme en animal. La part de l’invention dans l’écriture est préservée, mais la production écrite est tout de même encadrée puisque le résultat de la métamorphose est contraint.
La consigne d’écriture Tu choisis un personnage, enfant ou adulte, homme ou femme. Tu décris sa métamorphose en un oiseau identique à celui présent sur l’image. |
8Comme souvent dans la phase initiale d’écriture, la consigne d’écriture est minimale et n’impose pas de règles formelles de production. Ce n’est que dans les étapes ultérieures que des contraintes plus ciblées seront introduites afin de réorienter la rédaction des métamorphoses.
9Un point cependant mérite d’être relevé. On sait que la formulation d’une consigne est déterminante dans la compréhension de l’exercice. Sa reformulation peut aussi éviter bien des malentendus quand il va s’agir de produire un texte. Ainsi, on a pu observer que le choix du verbe à valeur performative n’était pas indifférent, selon que le professeur précisait « racontez » ou « décrivez » la métamorphose. Dans le premier cas, les élèves ont été tentés de produire une histoire, de multiplier les informations qui entourent l’événement proprement dit de la métamorphose. Or, il nous a semblé plus intéressant de cantonner la rédaction à la description de la métamorphose, ceci pour deux raisons. Le texte privilégie les opérations de la métamorphose. L’attention est d’abord portée sur les transformations du corps et les effets de la métamorphose. Les circonstances de la transformation ne nous intéressent pas dans l’immédiat. Elles peuvent être recensées sur un carnet d’écriture, par exemple sous la forme d’une liste. Cette question des motivations surgira plus tard et fournira une possibilité de réécriture ultérieure quand les élèves auront découvert, dans les lectures d’Ovide, les significations possibles de la métamorphose.
2.2. Premiers écrits
10En début d’année de 6e, on peut facilement identifier les erreurs les plus fréquentes chez les élèves, dans de brèves productions réalisées sans préparation ni ressource grammaticale ou lexicale. En même temps que l’écriture personnelle d’une métamorphose accompagne la lecture de récits fondateurs d’Ovide, on peut prendre appui sur ces premiers écrits pour évaluer la compétence scripturale de la classe, repérer les erreurs récurrentes dans la mise en texte de même que les défaillances orthographiques. Si cette écriture sert un objectif de savoirs culturels et littéraires, elle remplit aussi, bien évidemment, son rôle dans l’acquisition de la compétence scripturale. Il n’y a pas ici de dissociation entre un objectif du socle commun qui serait d’un côté de nature linguistique et de l’autre culturelle (pilier humaniste). La dynamique et l’invention de chaque séquence se trouvent aussi dans le croisement de ces enjeux de formation qui peuvent être combinés et mis en perspective avec un curriculum de formation, à tous les niveaux du collège.
11Nous avons retenu deux écrits qui montrent assez, dans une même classe, la disparité dans la maîtrise de l’écrit. À travers ces deux parcours d’écriture, nous allons essayer de montrer dans quelle mesure un projet collectif commun peut s’individualiser et s’accorder à des degrés de compétence différents. Une même consigne peut être investie différemment en intensité, en qualité, tout en restant adaptée aux états d’écriture de chacun. Dans un projet de variation de réécriture, il est essentiel de travailler en tenant compte de la réalité des classes, d’une hétérogénéité que l’écrit met souvent dans la lumière.
C’est une femme qui a trouver une bage rouge et la dame méta la bage est d’uncoup deux ailes flamboyante sortir de son dos deux petites pate et un grand bec lui sortie de la téte et deux oeux rouge et trous queux rouge et marron Louis |
12Le texte de Louis ne présente qu’une seule phrase dont la composition est marquée par une difficulté à mettre en texte une description d’actions. Le premier segment amorcé par le présentatif « c’est » introduit le personnage et l’origine de la métamorphose : « une bague rouge ». À partir de cette annonce, le texte additionne une série de métamorphoses dans une absence de composition logique structurée, qui retiendrait, par exemple, comme principe d’énumération descriptive, l’examen des parties du corps, depuis la tête jusqu’à la queue.
13L’absence de ponctuation, manifestation fréquente d’une gestion difficile de la mise en texte chez l’élève de classe de 6e, est compensée par une coordination en « et », qui agrège des syntagmes nominaux sans que la cohérence sémantique soit observée. Le syntagme « deux petites pate » se trouve ainsi isolé sans être associé à un syntagme verbal. De même, l’énumération « et deux oeux rouge et trous queux rouge et marron » est privée de complément, ou bien est associée au groupe verbal précédent, « lui sortie de la téte », comme si l’on était en présence d’une hyperbate mais sans le maintien alors d’une vraisemblance anatomique !
Un jour après les cours une danseuse étoile rentra chez elle elle avait beaucoup de travail elle commença à en faire un peu puis elle s’arrêta tellement çela l’agacé. La danseuse rêvée de s’envoler dans les airs elle de se libérer et de pouvoir danser dans le vent. Elle rêvée de tous ca dans la nature. Elle y aller souvent pour réchlérir. Ce jour ci elle s’allonga au milieu d’un pré d’un coup elle senti un vent si fort, une tornade l’emporter c’était une violante douceur inexplicable elle se mit à daner dans les airs elle virevolter son corps se libéra. Ses yeus brillèrent de mille feux ses bras devenirent des ailes si belle d’un rouge si vif puis peu tous son corps pris l’allure d’un magnique oiseau. Cet oiseau avait des couleurs si belle, flamboyantes. On ne le revit plus jamais. Alexia |
14Le texte d’Alexia, en comparaison, affiche un degré de maîtrise bien plus élevé. Il forme une unité autonome, marquée par une thématisation de l’ouverture et de la clôture textuelles sous la forme d’une information temporelle conventionnelle (« un jour ») qui sert d’embrayeur du récit et d’une information sur la conséquence de la transformation qui justifie la fin du texte : « On ne le revit plus jamais. »
15Cependant, la mise en contexte de la métamorphose se déploie sur plusieurs phrases et la narration prend le pas sur la description d’actions proprement dite. Cette entorse par rapport à la consigne limite de fait l’épisode de la métamorphose et la contient dans une seule phrase ! « Ses yeus brillèrent de mille feux ses bras devinrent des ailes si belle d’un rouge si vif puis peu tous son corps pris l’allure d’un magnique oiseau. »
16Le traitement de la métamorphose dans les deux écrits présente des manques et des défaillances, au niveau informationnel et linguistique. C’est un des enjeux de la réécriture de programmer un retour sur l’écrit, une révision des opérations de mise en texte, mais sans individualiser le retour sur l’écrit. Autrement dit, on ne donne pas à la réécriture la seule vocation d’une correction, encore qu’elle ne manque jamais d’être un horizon du travail engagé. Mais pour conserver le profil d’un projet collectif, on est plutôt en mesure de proposer une nouvelle procédure commune à tous. Les élèves s’engagent donc dans la réécriture non pas avec l’idée de la correction, mais avec le sentiment d’un nouvel engagement scriptural qui fait surgir du nouveau. On verra cependant que les nouveaux états d’écriture rétablissent, en certains endroits, des normes grammaticales et orthographiques : un projet nouveau est aussi en mesure d’emporter avec lui des corrections qui n’étaient pas posées comme le premier enjeu du retour sur l’écrit.
3. Le temps des lectures et de la construction des savoirs
17Dans cette étape, l’exposé présente de manière synthétique une proposition de mise en œuvre des lectures en rapport étroit avec la campagne d’écriture de la métamorphose. Elle ne cherche pas à faire le tour des situations possibles de lecture mais privilégie plutôt une entrée de lecture toujours préoccupée du projet d’écriture.
Arachné
18La Métamorphose d’Arachné est le premier texte étudié en classe. Le choix de lecture isole le passage de la métamorphose proprement dite, à la fin du récit. Ce n’est que dans un second temps que l’on procède à une lecture découverte de l’ensemble du récit. L’analyse du passage de la métamorphose permet de repérer les modes d’expression de la transformation à travers les verbes employés et le traitement de la temporalité marqué par la simultanéité et la rapidité du phénomène.
19La découverte de la métamorphose introduit naturellement la question du pourquoi et prépare la lecture du récit à partir d’hypothèses formulées par les élèves. La lecture du récit (lecture qui peut prendre des formes diverses : lecture cursive, récit raconté par le professeur, etc.) met au jour le couple orgueil/sanction, la rivalité humain/dieu, et pose une première définition du mythe qui dit l’origine d’un événement, d’un être, d’une chose. La Métamorphose d’Arachné permet ainsi de comprendre la notion de récit étiologique, de fixer un savoir culturel tout en examinant certaines options rédactionnelles de la métamorphose chez Ovide.
Midas
20À ce moment de la séquence, ce récit est intéressant car il reprend le motif de la métamorphose sous l’angle de la sanction d’un vice moral, mais en introduisant un ressort dramatique original. Midas, hanté par la soif de l’or et l’illusion de la richesse matérielle, voit sa récompense transformée en punition. C’est ce renversement que la lecture doit mettre en évidence.
21Le choix de la démarche de lecture est celui du dévoilement progressif du récit afin de montrer que l’on passe de la joie du vœu exaucé au désespoir et à l’infortune.
22Il est également possible de porter attention aux métamorphoses proprement dites et à la manière dont elles sont présentées. Dans la version retenue1, on étudiera l’usage du présent de narration, la construction syntaxique originale, marquée par la répétition d’une structure simple mais efficace, et l’emploi caractéristique de la ponctuation (« Il ramasse une pierre, la pierre aussi se dore. Il touche une motte de terre : par son pouvoir, la motte devient lingot »), qui sous-tend un rapport de conséquence, pour introduire l’idée qu’elle ne joue pas seulement un rôle syntaxique, distributif et organisationnel, mais aussi une fonction logique. Une activité de substitution peut être menée et prolongée par l’invention par chacun des élèves de nouvelles métamorphoses selon le même principe de construction.
Apollon et Daphné
23La lecture de cette métamorphose prend appui sur sa représentation sculpturale réalisée par le Bernin au xviie siècle. L’exploitation de l’image prend alors différentes formes :
- Décrire la sculpture puis isoler dans le texte le passage qui correspond à l’événement.
- Examiner la représentation sculpturale en formulant une série d’hypothèses. Pourquoi cette métamorphose ? Quelle est la nature de la relation entre les deux personnages ?
- En guise d’évaluation formative, proposer la rédaction de la métamorphose de Daphné en réinvestissant des modes d’expression étudiés dans les séances précédentes.
Icare
24Le mythe d’Icare clôt la séquence. Le texte d’Ovide peut ainsi être lu en comparaison avec les autres métamorphoses afin d’en dégager la singularité. Une lecture cursive autonome peut conduire les élèves à formuler des hypothèses sur les significations de cet épisode : ingéniosité de l’homme et sa punition, insouciance de la jeunesse, désobéissance et sanction.
25Il nous semble enfin important de sensibiliser les élèves à la façon dont la littérature patrimoniale demeure vivante à travers les arts qu’elle inspire jusqu’à aujourd’hui. On pourra ainsi se référer à la mise en scène du mythe dans les œuvres de Bruegel, de Gowy, de Matisse, ou à la reprise qui en est faite dans des jeux vidéo tels que God of War II, qui reprend le personnage d’Icare et dont un extrait pourra être visionné et commenté2.
4. Les réécritures de la métamorphose
26Le deuxième état de la métamorphose intervient après les lectures d’Arachné et de Midas et la séance de langue consacrée au lexique de la transformation3. Même si l’objectif est bien de rendre plus performant l’emploi de ce lexique, la lecture de ces écrits montre que des remembrements significatifs interviennent en fonction des propriétés singulières de chacun des écrits. Par le jeu de la réécriture, le projet connaît nécessairement des aménagements conséquents qui ne sont pas seulement du côté de la norme grammaticale et orthographique. Ainsi, le brouillon n’est pas le lieu de la seule correction mais également celui de l’invention.
La réécriture de Louis
27La variation de Louis apporte la confirmation de ces repentirs et réorientations qu’une consigne pourtant faiblement orientée du côté de la signification peut engendrer. L’identité du personnage est modifiée. Il s’agit à présent d’un homme. La métamorphose est encadrée par deux notations circonstancielles : la chute dans la lave et la vision des spectateurs. Le verbe « sortir », seul verbe employé à deux reprises dans l’état 1 pour signaler la transformation, est maintenu dans cet état 2, mais il est accompagné d’autres verbes tels que « pousser », « rapetisser », « se transformer », « apparaître ». Surtout, la construction textuelle présente une cohérence et une cohésion, mal assurées dans l’état antérieur. La métamorphose est toujours développée dans une longue phrase qui appelle sans aucun doute un travail sur les usages de la ponctuation ; néanmoins, on observe un souci de coordination à travers la multiplication du coordonnant « et » qui assure la lisibilité de l’ensemble et la segmentation cohérente des différentes parties de l’énoncé. La description adopte une progression à présent mieux stabilisée qui s’intéresse d’abord au visage, à l’apparition du bec, pour s’achever par l’irruption des griffes à la place des ongles. Un ordre scriptural de la métamorphose est établi, encadré par des informations qui tiennent lieu de motivation et de retentissement de l’événement.
C’est un homme qui tomba dans de la lave et d’un coup l’homme se propulsa vers le siel. Un long bec lui sortie de sa bouche et deux ailes flamboyante multicolore lui poussèrent dans le dos ses deux jambes se rapetisser et se transforma en petite pate et trois queux lui sortie de derrière rouge écarlate et de grande grife apparaisse a la place de ces ongles et le fénix s’envola et pour tous les gens qui le regarder s’était un événement. Louis (2) |
Un jour une danseuse s’allongea au milieu d’un pré soudain elle senti un vent si fort l’emporter c’était une violante douceur inexplicable elle se mit a danser elle virevolter dans les airs son corps se vêtit de plume flamboyante. Ses bras deveninrent des ailes dignes des plus beau Phénix. Elle avait des couleurs flamboyante au loin nous dirions que c’était un arc en ciel. Ses pieds craquèrent et des pattes composées d’écailles soudées prirent leur place. Elle s’envola dans les airs et on ne la revit plus jamais. Alexia (2) |
28La nouvelle consigne d’écriture introduite après l’établissement collectif des possibilités de gain et de perte occasionnées par la métamorphose nécessite un accompagnement dans l’écriture. On le voit à la façon dont Louis résout la difficulté. Il conserve le texte 2 dans son intégralité, en modifiant localement certains éléments (ponctuation, mise en paragraphes, substitutions lexicales, modifications orthographiques). Puis, au moment de conclure, il précise que ce nouvel état condamne le personnage à être séparé de ses proches. On remarquera l’erreur dans l’emploi du pronom anaphorique avec ce glissement du « il » au « elle » (résurgence de l’état 1 ?), l’absence d’évaluation du gain de la métamorphose, l’incapacité à tisser ces nouvelles données avec les transformations physiques du personnage.
C’est un homme qui tomba dans la lave et d’un coup l’homme se propulsa vers le ciel. Un long bec lui sortie de sa bouche a la place de son nez et deux ailes flamboyante multicolore lui pouserent dans le dos. Ses deux jambes se rapetissa et se transforma en petites pates et trois lui sortie du derrière rouge écarlate et de grande grife lui sortie des mains a la place des ongle et le phénix est il réalisa que sou cette forme on ne le reconaitré et il s’envola et pour tous les gens qui le regarder s’était un événement et elle réalisa qu’elle ne pouvait pas revoir sa famille ses amie. Louis 3 |
Un jour une danseuse s’allongea au milieu d’un pré elle sentit un vent si fort l’emporter cétait une violante douceur inexplicable, elle se mit à danser virevolter dans l’air son corps se libera, il se vêtit de plume flamboyant mais se sentiment de liberté des idées revinrent a son esprit elle se disait qu’elle ne pouvait plus parler avec sa famille qu’elle tenait au cœur, qu’elle ne pourrait plus caresser son chat et son chien dont elle était inséparable, qu’elle ne pourrait plus jouer des heures et des heures avec ses amis mais en même temps elle avait gagner immortalité, la beauté et la liberté. Puis dans un élans de folie ses bras devinrent des ailes dignes des plus beau Phénix. Elle avait des couleurs flamboyantes de fe au moin nous dirions un arc en ciel. Ses pieds craquèrent et des pattes composées d’écailles soudées prirent leur place. Elle s’envola laissant ses cendres qui resteront gravées dans mon cœur à jamais. Alexia 3 |
29À l’inverse, Alexia confirme un plus haut degré de maîtrise du langage écrit dans le choix qu’elle fait d’insérer dans la description une énumération de conséquences. Certes, l’articulation entre la description et la réflexion sur le gain et la perte est encore fragile syntaxiquement, et la réflexion n’est pas disséminée dans le corps de la description à des endroits stratégiques qui marqueraient nettement le lien entre une transformation physique et sa conséquence positive ou négative. Mais cette gestion se révèle délicate pour un scripteur débutant car cela introduit une série de ruptures dans l’unité du discours descriptif, oblige le narrateur à suspendre un discours descriptif pour permettre l’insertion d’énoncés de nature différente, qu’il convient aussi de gérer convenablement sur le plan énonciatif4.
5. Un passage vers le conte merveilleux : un questionnement des formes littéraires
30Nous avons avancé l’idée que la structuration des enseignements en séquence conduisait souvent à isoler les objets enseignés, à faire prévaloir une conception stable et homogène des identités génériques, irréductibles l’une à l’autre, alors que la théorie littéraire s’emploie souvent à en relativiser la fixité et à valoriser la porosité des frontières. En outre, circuler entre les genres, en percevoir les appartenances partagées, est aussi une manière féconde de se familiariser avec les lieux de la littérature, de mettre en perspective les formes littéraires entre elles, de les aborder sur le mode de la confrontation, d’aborder une catégorie générique sur le mode interrogatif plutôt que déclaratif, en entretenant ainsi un rapport problématique au savoir5.
31Ainsi, en proposant de réfléchir aux conditions de la réalisation scripturale d’une métamorphose dans l’espace fictionnel du conte, on reconnaît à l’invention une capacité à poser des problèmes génériques, à mobiliser différents savoirs expérientiels dans l’examen d’un nouveau problème d’écriture. Le double ancrage littéraire de la métamorphose institue alors les savoirs comme des opérateurs d’invention, compagnons d’une expérience transgénérique. Corollairement, il consolide la stratégie de la variation dans ses fonctions heuristiques. Le projet d’écriture devient une proposition concrète et créative à une question d’ordre littéraire à laquelle les élèves peuvent se frotter en convoquant leurs savoirs élémentaires sur le genre du conte merveilleux, en formulant des hypothèses relatives à une situation-problème telle que la transposition générique. L’avantage de la transposition est de lier la réflexion à un écrit existant, les métamorphoses rédigées par les élèves. L’ouverture de la nouvelle séquence ne prend pas appui sur la lecture du conte comme c’est généralement le cas, elle introduit un problème qui va constituer le cœur du projet scriptural
32La séance de transition qui prépare l’entrée dans l’univers du conte prend la forme d’un échange collectif sur les possibilités narratives autour de la métamorphose qui constitue donc le noyau du récit à venir. La discussion au sein du ou des groupe(s) doit permettre de faire émerger un ensemble de possibles narratifs à partir des interrogations suivantes : « Et si la métamorphose faisait partie d’un conte merveilleux ? » « Que faudrait-il introduire de nouveau pour réaliser en définitive un conte ? » Ces amorces ouvrent la réflexion sur la création d’une fiction en convoquant, non de façon formelle mais motivée, les propriétés du conte telles que les notions de quête, de péripétie, d’obstacle, de résolution.
33Chaque élève peut aussi rédiger une première fiche en répondant à une série de questions sous la forme d’amorces narratives élémentaires :
Des questions pour la genèse du conte :
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34Ces questions engagent l’élève dans un nouveau projet d’écriture. Nouveau sans être isolé : en effet, en instituant l’écriture au cœur des apprentissages de la classe de français, on est aussi conduit à poser la question du support de l’écriture. À ce propos, on peut opter pour un cahier d’écritures dans lequel sont consignés les travaux de genèse des différentes productions de l’année. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un cahier de brouillon mais plutôt d’un carnet réservé aux productions écrites, qui devient la mémoire des campagnes d’écriture, à la manière des carnets d’écrivains. Ce cahier d’écritures contient ainsi les différents états d’une production mais aussi des listes de mots, des citations, des dessins, des collages, tout ce qui peut entrer dans l’invention d’un écrit6.
Notes de bas de page
1 Ovide, Métamorphoses, traduction d’A. Videau, Paris, Hatier, coll. « Classiques Hatier », 2005, p. 62.
2 L’épisode du sort funeste d’Icare est disponible en ligne : http://www.youtube.com/watch?v=yxYrq6VKfBA [consulté le 5 mai 2017].
3 À ce sujet, on pourra consulter la revue Pratiques, n° 155-156, déc. 2012, « Lexique et écriture ».
4 Quelques élèves optent pour une forme de discours direct pour exprimer les pensées du personnage, ce qui constitue une piste intéressante pour réfléchir aux conditions d’insertion de la parole d’un personnage dans un récit, dans le cadre d’une situation-problème.
5 Anne Jorro, dans plusieurs de ses travaux, montre l’intérêt d’une approche des pratiques de classe fondées sur une épistémologie de l’action qui encourage l’enquête, la posture interrogative dans un processus de construction des connaissances. Voir, notamment, son article « D’une épistémologie des savoirs vers une épistémologie de l’action », dans « Enseignement de la littérature : l’approche par compétences a-t-elle un sens ? », en ligne sur le site de l’Institut français de l’éducation : http://litterature.inrp.fr/litterature/discussions/enseignement-de-la-litterature-l2019approche-par-competences-a-t-elle-un-sens [consulté le 8 mai 2017].
6 On rappelle ici l’intérêt de travailler avec le site de la BNF, et notamment avec le remarquable dossier numérique consacré aux brouillons d’écrivains, accessible en ligne : http://expositions.bnf.fr/brouillons/index.htm [consulté le 10 mai 2017].
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