Chapitre VII
Texte et contexte en dialogue
p. 107-127
Texte intégral
« Il faut être deux […] pour comprendre un ciel bleu,
pour nommer une aurore. »
Gaston Bachelard,
Préface à Je et Tu.
1Les notions de texte et de contexte relèvent pour une large part du discours familier. D’où leurs fortes polysémie et ambivalence. Elles requièrent donc un effort tout particulier de conceptualisation. Mais toute conceptualisation suppose un ancrage théorique qui l’autorise. Or texte et contexte peuvent se conceptualiser de façons fort différentes. Le texte constitue le concept majeur et l’objet premier de la théorie littéraire et de l’approche sémantique comme narrative. Quant au contexte, il caractérise généralement toute approche pragmatique. D’où une délicate plurivalence conceptuelle. Il importe donc de déterminer ab initio le paradigme et le cadre théorique dans lesquels on situe l’analyse.
2Nous proposons dans ce qui suit d’examiner les relations entre texte et contexte en les faisant « entrer en dialogue ». Il s’agira donc d’aborder les rôles du texte et du contexte au cours du procès dialogique d’échange discursif. Dans un tel cadre théorique, nous serons conduits à distinguer le Discours du Texte, puis, en nous concentrant sur la seule dimension discursive, à définir et articuler texte, cotexte, intexte, contexte, situation et arrière-plan en établissant leur rôle dans le déploiement progressif du sens et de l’intercompréhension dialogique.
0. Le primat du médium
3Avant toute analyse de la dimension contextuelle du dialogue, il convient de prendre en compte les contraintes imposées par le choix du médium de communication.
4Héritier des théoriciens de l’information1, McLuhan a insisté sur le fait premier et trop souvent négligé selon lequel « le message est le médium2 ». En effet, le choix du médium oriente et encadre les possibilités de communication.
5Ainsi l’envoi d’une carte postale n’autorise-t-il généralement qu’un message relativement court manifestant par exemple qu’en vacances on pense aux amis et/ou qu’on leur indique sournoisement que l’on « fait » telle contrée lointaine.
6Le choix d’écrire une lettre laisse plus de latitude et comme elle appelle réponse, la missive inaugure un véritable dialogue simplement différé dans le temps et l’espace.
7Le recours à l’outil informatique fournit désormais d’autres possibilités de communication.
8Le courriel est la forme actuelle de la lettre à la différence près qu’il se transmet instantanément (et exige trop souvent une réponse rapide). Son avantage est qu’il n’impose pas un contact effectif.
9L’usage des prétendus « réseaux sociaux » offerts par la société mercantile3 actuelle satisfait l’individualisme et le narcissisme ambiants et sert de déversoir au tout à l’ego endémique.
10La communication télévisuelle en combinant image et son suscite l’illusion d’une présence qui peut être mise à profit lors de visioconférences professionnelles ou de contacts familiaux. Mais, paradoxalement, cette multimodalité peut annihiler certains effets recherchés. Par exemple l’amant préférera indéniablement téléphoner à sa maîtresse pour instaurer un « contact » plus intime par le truchement de la chaleur de la voix, de l’intonation, du souffle, des silences, la modulation, la « musique », etc.4. Le fait de ne pas faire appel à des stimuli visuels et de faire reposer le message exclusivement sur le canal sonore amplifie et concentre les effets du médium qui prennent le pas sur le contenu même du message.
11Aux déterminations imposées par le médium, il convient d’ajouter la fréquence des échanges ainsi que leur temporalité. Les amants auront plaisir à se téléphoner aussi souvent et aussi tard qu’ils le souhaitent.
1. Discours/Texte
12Considérons maintenant le contenu de la communication dialogique. Sans remonter aux Mégariques ni même aux racines récentes du dialogisme chez Buber, Bakhtine et Jacques5, partons de la leçon bien connue de Benveniste selon laquelle le Discours est dialogue qui fonde le jeu des personnes dans et par l’allocution :
C’est dans et par le langage que l’Homme se constitue comme sujet ; parce que le langage seul fonde en réalité, dans sa réalité qui est celle de l’être, le concept d’« ego ». […] Est « ego » qui dit « ego ». Nous trouvons là le fondement de la « subjectivité », qui se détermine par le statut linguistique de la « personne ». La conscience de soi n’est possible que si elle s’éprouve par contraste. Je n’emploie je qu’en m’adressant à quelqu’un, qui sera dans mon allocution un tu. C’est cette condition de dialogue qui est constitutive de la personne, car elle implique en réciprocité que je deviens tu dans l’allocution de celui qui à son tour se désigne par je6.
13En tant qu’actualisation effective de la langue dans un échange communicationnel oral, nous définissons le Discours comme une activité conjointe, un processus ouvert et créatif résultant de l’interaction langagière entre au moins deux interlocuteurs7. Bref, il s’agit en termes aristotéliciens d’une praxis possédant sa fin en elle-même. Au Discours ainsi conceptualisé comme échange de paroles vives au cours d’un événement temporel on peut opposer frontalement le Texte comme résultat d’une action poïétique de production d’un écrit clos sur lui-même. Ce Texte s’avère ainsi une œuvre (littéraire si au scripteur est reconnu le statut non d’écrivant mais d’écrivain) achevée au terme de l’action de production et qui au moment même de sa rédaction n’est pas soumise à l’irrémédiable linéarité du flux temporel (« ce qui est dit, est dit »), puisque sont toujours possibles ratures, reprises, ajouts, suppressions, modifications, etc., qui exploitent sa spatialité. Fruit d’un auteur, une telle œuvre s’autonomise et ouvre au lecteur potentiel de multiples interprétations et analyses relevant de la narratologie. Il convient donc de distinguer nettement ce qui relève de la discursivité dialogique (Sprachlichkeit) et ce qui dépend de l’écriture et la textualité (Schriftlichkeit)8 :
Il ne suffit pas de dire que la lecture est un dialogue avec l’auteur à travers son œuvre ; il faut dire que le rapport du lecteur au livre est d’une tout autre nature ; le dialogue est un échange de questions et de réponses ; il n’y a pas d’échange de cette sorte entre l’écrivain et le lecteur ; l’écrivain ne répond pas au lecteur ; le livre sépare plutôt en deux versants l’acte d’écrire et l’acte de lire qui ne communiquent pas ; le lecteur est absent à l’écriture ; l’écrivain est absent à la lecture. […] [le texte] se substitue à la relation de dialogue qui noue immédiatement la voix de l’un à l’ouïe de l’autre9.
2. L’apport du texte
14Adoptant d’emblée une perspective discursive et dialogique, nous n’aurons pas ici affaire au Texte ainsi conceptualisé. Pour autant, nous pourrons parler de texte en un autre sens : comme simple trace écrite, transcription scripturaire, verbatim, recueil brut des paroles échangées au cours du déroulement du discours, c’est-à-dire du dialogue oral, effectif, de face-à-face.
15Considéré comme simple trace écrite de ce qui fut successivement dit, ce texte n’autorise selon nous qu’une analyse sémantique du contenu des énoncés, abstraction faite de toute dimension dialogique. Ainsi dans le texte du fameux dialogue de Molière l’énonciation « Le petit chat est mort10 » n’est interprétée que sémantiquement et au sens propre de l’indication d’un chat (que les deux interlocuteurs connaissent) auquel est attribué le fait d’être petit et désormais mort. Bref, ainsi « pris au pied de la lettre » le texte ne nous fournit qu’une liste d’énoncés dont on décode la signification sémantique. C’est manifestement peu, mais c’est le point de départ obligé de la construction dialogique progressive du sens pragmatique à partir du décodage des signifiants sémantiques11.
3. Le rôle du cotexte
16Au texte il convient d’ajouter le cotexte. Plus exactement, il n’est en rien nécessaire d’ajouter quelque chose au texte dans sa matérialité, mais simplement de prendre en compte cette fois les énonciations au cours du procès dialogique. Il s’agit alors non plus de considérer les énoncés isolés, mais les énonciations en tenant compte de leurs places et rôles dans la succession processuelle. Le cotexte n’est autre que le déploiement du texte au fil du procès dialogique.
3.1 La désambiguïsation
17Une telle prise en considération du cotexte permet d’abord les désambiguïsations.
18Ainsi de la levée des ambiguïtés phonologiques. Le départ entre « Tu la pèles » et « Tu l’appelles » se fait aisément d’après le cotexte.
19De même pour les ambiguïtés sémantiques. Supposons que B dise :
— Ne parle pas trop vite. |
20Si le cotexte indique que B répond à A qui a avancé quelque chose du genre :
— Elle est calme ce matin |
alors, il s’agit de tempérer la portée du jugement proposé.
21Par contre, s’il n’existe aucune relation de sens inférable à partir de ce qu’a dit A, alors l’intervention de B vise le débit du dire de A et non le contenu de son dit. Intervient alors non le cotexte, mais ce que nous allons définir comme l’intexte.
22Autre exemple, la phrase : « Jean nage » peut, selon le cotexte, signifier :
- « Jean est en train de nager » ;
- « Jean sait nager » ;
- « Jean a l’habitude de nager ».
23De même, il est bien connu que le cotexte intervient directement dans le traitement cognitif des ana- et cataphores qui supposent une mise en relation interphrastique rétrospective et prospective. Dans :
— Il est venu. Pourtant Paul était bien fatigué |
le pronom personnel de la première phrase ne peut s’interpréter qu’à la lumière de la seconde.
24Dès lors, le décodage sémantique des énonciations dépend de la temporalité processuelle du dialogue. Et, par exemple, l’interprétation d’une énonciation au début du dialogue peut être modifiée rétroactivement à la lumière de la suite du dialogue :
Au cours d’une conversation quelqu’un me dit hors de propos : « Je te souhaite bonne chance ». Cela m’étonne ; mais plus tard, je m’aperçois que ces mots ont un lien avec ce qu’il pense à mon sujet. Et dorénavant ils ne me paraissent plus dénués de sens12.
3.2 Les fonctions dialogiques
25Outre cet apport sémantique, le cotexte joue un rôle pragmatique crucial en ce qu’il permet d’appréhender le déroulement effectif du dialogue dans sa temporalité intrinsèque. Dès lors, on peut assigner une fonction dialogique propre à chaque énonciation corrélativement à sa place dans le procès dialogique. Par exemple, prennent alors sens pragmatique les procédures de répétition et d’écho.
26Le fait pour un interlocuteur donné de se répéter peut signifier une incompréhension du partenaire et donc une menace pour la poursuite du dialogue. Bien souvent, s’ouvre alors une incidence métadiscursive pour y remédier. C’est par exemple le cas dans le dialogue informatif suivant :
1 — Je voudrais l’adresse d’un taxidermiste.
2 — Que signifie taxidermiste ?
3 — Pardon !
4 — Que veut dire taxidermiste ?
5 — Vous voulez savoir ce que signifie taxidermiste ?
6 — Oui.
7 — C’est quelqu’un qui empaille les animaux.
8 — Voici une adresse : …13.
27En 2 et 4 le répondant est conduit à répéter à l’identique sa question. Une telle répétition initiale manifeste une incompréhension dont témoigne l’interjection en 3.
28De même l’écho consiste pour un locuteur à reprendre (intégralement ou non) l’énonciation antérieure de son allocutaire. Selon le cotexte, cela peut produire un renforcement pragmatique. Ainsi dans le dialogue précédent, la reprise en écho en 5 de 2 met fin à l’incompréhension précédente et 7 y apporte remède par une définition relevant d’une montée métadiscursive14.
29Mais dans un autre cotexte, le fait de reproduire systématiquement l’écho de l’allocutaire provoque un psittacisme qui peut constituer une forme particulière de refus déguisé du dialogue. Ainsi d’Agnès qui ne prisant guère le commerce d’Arnolphe produit initialement deux répliques en écho.
Arnolphe : | — La promenade est belle, |
Agnès : | — Fort belle, |
Arnolphe : | — Le beau jour ! |
Agnès : | — Fort beau ! |
Arnolphe : | — Quelle nouvelle ? |
Agnès : | — Le petit chat est mort, |
Arnolphe : | — C’est dommage ; mais quoi ? Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi. |
30Plus généralement, seule la considération du cotexte global du dialogue permet d’assigner une fonction dialogique aux interventions. Par exemple, à la suite d’une question posée peuvent succéder un silence, une réponse, une réplique, une mise en cause ou même une mise en question, toutes fonctions qui dépendent de l’impact dialogique de l’énonciation au moment précis du dialogue15. Ainsi, dans le dialogue moliéresque l’énonciation d’Agnès « Le petit chat est mort » peut être interprétée non plus comme une simple réponse à une question fournissant une information, mais bien comme une réplique consistant à fuir le dialogue effectif en relatant un fait anodin ne prêtant pas à discussion16.
31Ainsi, seul le cotexte peut assurer la fonction dialogique des énonciations proférées au cours du dialogue. Bien entendu, interviennent aussi d’autres considérations relevant cette fois du contexte et de la situation, mais c’est bien le cotexte qui fournit les données initiales.
4. L’intérêt de l’intexte
32Les données de surface de tout dialogue oral effectif sont composées des interactions langagières produites. Les interactions verbales se présentent sous forme d’échanges de mots fournis par le code de la langue partagée. Le jeu dialogique s’apparente alors à un échange informationnel. Mais ce n’est là que le plus convenu et non nécessairement le seul et surtout le plus important des échanges. Il convient donc d’entendre « langagier » en un sens bien plus large que verbal qui doit inclure aussi (et surtout dans certains types de dialogues) les signes, signaux et indices que constituent les intonations, le rythme de parole, les pauses, le débit, les hésitations, les silences, l’orientation du regard, les marqueurs faciaux des émotions (yeux, sourcils, lèvres, etc.), les mimiques, les gestes, les postures, les attitudes, les tremblements, le rougissement, la sudation, etc. :
Ce qu’il y a de plus intelligible dans le langage, ce n’est pas le mot lui-même, mais le son, la force, la modulation, le tempo, avec lesquels une suite de paroles est prononcée – bref la musique derrière les paroles, la passion derrière cette musique, la personne derrière cette passion : enfin tout ce qui ne peut pas être écrit17.
33Un tel intexte18 non verbal peut faire l’objet d’analyses précises et circonstanciées19. Notons simplement qu’il suppose non un décodage de signes de la langue, mais une lecture de signaux qui mettent en jeu le corps. C’est par l’intexte que le verbe se fait chair. Certaines données intextuelles ont une fonction quasi automatique, tels les échanges de regards qui commandent les prises de parole successives. Mais d’autres peuvent selon les types de dialogues et leurs objectifs jouer un rôle positif ou négatif. Par exemple, un rougissement marqué après une intervention durant un dialogue technique de conception peut avoir un effet parasite, voire perturbateur (d’où l’éreutophobie). À l’inverse, au cours d’un dialogue de séduction la lecture subliminale de la dilatation pupillaire (mydriase) du/de la partenaire fournit une information subconsciente qui fait avancer positivement le dialogue.
34Pour l’essentiel, les données intextuelles mettent en jeu ce que nous appelons les transactions intersubjectives, c’est-à-dire non plus les informations objectivement échangées, mais les relations vécues et incarnées au cours du dialogue par (au moins) deux partenaires qui se co-constituent comme tels20. On retrouve ici la leçon platonicienne selon laquelle il ne saurait y avoir d’érotétique sans érotique.
35Ainsi l’intexte n’a pas le caractère secondaire du paratexte en théorie de l’écriture : il constitue au contraire la chair même du texte et témoigne du caractère multimodal du dialogue. Mettant face à face deux interlocuteurs, le dialogue ne saurait en rien se limiter à un échange verbal ; il peut même se passer de mots. Ainsi, dans la phase phatique initiale d’ouverture d’un dialogue une salutation, une poignée de main peuvent accompagner et confirmer un « bonjour » ou bien en tenir lieu. Des actions non verbales conventionnalisées peuvent parfaitement valoir comme actes de discours, tel l’exemple austinien de l’action de « lancer une tomate dans une réunion politique21 » qui constitue un authentique geste de discours.
5. Du contexte
36Dans son usage relâché la notion de contexte est quasiment synonyme de pragmatique. Les données contextuelles fourniraient de quoi passer de la signification sémantique au sens pragmatique.
37En cette acception, tout ce que nous allons aborder maintenant relèverait du contexte lato sensu22. Toutefois notre approche analytique ne saurait se satisfaire d’un tel usage et nous proposons de définir le concept de contexte de façon précise et plus étroite. Appelons donc contexte stricto sensu le seul ensemble des textes qui recensent les énonciations produites au cours de dialogues antérieurs ayant eu effectivement lieu entre les partenaires du dialogue. C’est donc l’historique des dialogues précédents, le texte des échanges passés qui en même temps pèse sur et éclaire le sens et la finalité du présent dialogue.
38Bien souvent, une telle dimension historique est négligée puisque l’on ne prend en compte que le dialogue en cours. Mais la plupart du temps un dialogue s’instaure entre partenaires qui se connaissent en ce qu’ils ont déjà conversé, échangé. Le dialogue prend alors place dans une série de dialogues qui le contraignent plus ou moins fortement. Ainsi importe-t-il de tenir compte de la répétition des jeux dialogiques. Ce que font Cælen et Xuereb en recourant à la théorie des jeux :
Dans de nombreux cas (presque la plupart du temps), le dialogue s’inscrit dans une pratique générale répétitive : le dialogue devient un jeu répété ; les interlocuteurs ont une réputation, un degré de confiance a priori, des contraintes externes au dialogue et des héritages des parties antérieures. On appliquera la théorie des jeux répétés à horizon infini pour mettre en évidence des jeux de confiance et de pouvoir en œuvre dans ce type de dialogue. Ce sont par exemple les discussions client/fournisseur ou patron/employé, ou encore les discussions à la cafétéria dans une entreprise. De ces dialogues répétés, le gain conjoint est hérité des dialogues précédents, il donne le « climat psychologique » au début du dialogue, puis ce climat sera modifié par le comportement des interlocuteurs au cours du dialogue23.
39Considérons un de leurs exemples :
Vendeur : — Alors la petite dame comment ça va aujourd’hui ? J’ai de belles courgettes aujourd’hui, toutes fraîches Cliente : — Ça va bien et vous ? Combien vos courgettes ? C’est pas trop de saison ça, dites-moi… Vendeur : — C’est pas cher pour vous, je vous fais un prix, vous êtes belle comme tout aujourd’hui Cliente : — Merci, vous êtes gentil [… acte d’achat…]. À demain. |
La semaine précédente, le marchand de légumes a vendu des aubergines à la cliente. Son objectif est de lui vendre maintenant des courgettes, mais surtout de la fidéliser en prévision de prochaines transactions. D’où son ton familier et enjôleur. La cliente, qui n’est pas dupe, prévoit en échange un rabais. La négociation réussit car :
Le vendeur fait une concession sur le prix, il baisse son gain immédiat pour augmenter son gain espéré (sur les ventes futures)24.
40Il est manifeste ici que le dialogue ne prend sens pragmatique et finalité praxéologique que resitué dans une série contextuelle qui lie dialogiquement les deux partenaires.
6. La nécessaire prise en compte de la situation
41Comme le texte et le cotexte, le contexte ainsi conçu relève des interactions langagières entre les partenaires du dialogue. Ces différentes formes de textes fournissent de précieuses informations pour comprendre ce qui se passe lors de l’échange dialogique. Mais celles-ci ne sauraient aucunement suffire pour saisir le sens et la finalité de ce qui se joue dans et par le dialogue. Comme activité conjointe, le dialogue ne saurait se limiter à sa seule dimension interactionnelle. Récusant toute clôture communicationnelle d’ordre idéaliste, il convient de se souvenir de la remarque wittgensteinienne selon laquelle :
Tout jeu de langage (Sprachspiel) est subordonné à une forme de vie (Lebensform)25.
42Dans notre vocabulaire, cela revient à dire que les interactions langagières sont tributaires des transactions intersubjectives et intramondaines qui leur donnent sens, ce que nous schématisons ainsi26 :
43Dans sa dimension pragmatique, le dialogue se présente d’abord comme une interaction langagière (représentée dans la Figure ci-dessus par les arcs) qui instaure une relation communicationnelle entre locuteur et allocutaire et qui leur permet, en négociant des interactes, de construire une image du monde sanctionnant leur accord sur les objets et le micro-monde qu’ils vont partager. On se situe alors dans la dimension représentationnelle d’un échange complexe de signes et de signaux divers fournis par les texte, cotexte, intexte et contexte. Mais dans la mesure où nous considérons que le dialogue constitue un phénomène fondamentalement hétéronome, il convient de compléter l’analyse pragmatique de l’interaction langagière par un examen praxéologique de sa dimension transactionnelle (que, dans le dessin ci-dessus, figure le triangle central).
44Nous convenons d’appeler situation ce contexte spécifiquement praxéologique qui se déploie en ses deux dimensions intersubjectives et intramondaines. Une telle situation est d’abord caractérisée dans sa singularité dialogique par le jeu des déictiques qui en précise les circonstances : allocutaires, lieu, temps, objets délocutés27.
45Pour ne prendre qu’un exemple, considérons la situation d’un père qui, excédé, crie à son enfant :
— Va voir là-bas si j’y suis ! |
Cette énonciation intime à l’enfant l’ordre d’aller « là-bas ». L’endroit en question ne peut être déterminé que par rapport à la position occupée par le père, le hic, l’« ici » du locuteur. Ainsi tout l’appareil déictique s’origine dans la situation spatio-temporelle du corps du locuteur qui fonctionne comme déictique non verbal relevant de l’intexte28. L’ordre, comme tout directif, suppose une action future de l’allocutaire. Ce futur est à l’aune du nunc, le présent de l’énonciation par le locuteur. Si l’enfant va « là-bas », il ne pourra y voir son père qui, lui, n’ayant pas à obéir à l’ordre n’y sera pas et qui, de toute façon, ne peut29 y être au moment de l’énonciation ! D’où l’inanité pragmatique de l’ordre que l’enfant ressent immédiatement et qui le conduit pertinemment à une seconde interprétation du directif, indirecte cette fois : l’impératif de ne plus l’importuner.
46Ainsi l’appareil formel de l’énonciation détermine pragmatiquement les circonstances. Reste qu’il convient d’aller plus loin pour analyser praxéologiquement la situation.
6.1 Situation intersubjective
47Depuis Martin Buber30 les philosophes du dialogue ont coutume de séparer la personne qui se révèle dans et par le dialogue de son support individuel. Récusant cette scission idéaliste, nous inscrivons au contraire la personne qu’est l’interlocuteur dans sa concrétude individuelle. Le dialogue se déploie dans une situation interindividuelle mettant en relation (au moins) deux interlocuteurs. Au cours de la transaction intersubjective, ils se reconnaissent mutuellement (dimension psychologique [profil], sociologique [faces], institutionnelle [places], économique [statut], idéologique [croyances, religion, etc.], politique [affiliation], etc.). Selon le type de dialogue et ses enjeux intramondains, tel ou tel aspect de cette dimension interindividuelle joue un rôle plus ou moins important.
6.2 Situation intramondaine
48Outre des personnes possédant leur individualité propre, les partenaires du dialogue sont aussi et d’abord des interactants partageant la même situation, identifiant ensemble un problème (Aufgabe) et lui apportant une solution en intervenant dans un micro-monde qu’ils construisent ensemble.
49Même si chacun a ses buts propres, les interactants s’entendent pour résoudre une tâche commune qui surgit de la situation partagée. Ils doivent alors négocier la stratégie à adopter et déterminer mutuellement les voies et moyens pour atteindre la fin acceptée. Ils coopèrent alors pour parvenir à la fin visée. Le dire comme faire interactionnel est tributaire du faire transactionnel. La signification langagière n’est que l’écume d’un sens qui s’avère irrémédiablement transactionnel.
50Pour prendre un premier exemple simple, si dans un échange survient l’énonciation :
— Paul et Marie ont la même voiture. |
et si le cotexte ne lève pas l’ambiguïté, celle-ci l’est par la connaissance mutuelle de la situation :
- Si Paul et Marie vivent ensemble, on peut supposer qu’ils partagent une même voiture (« même » signifie alors l’identité).
- Par contre, si ce sont deux amis qui vivent éloignés l’un de l’autre, il y a fort à parier qu’ils ont des voitures de même type (la relation est alors de simple similitude).
51Considérons un second exemple supposant un couvreur qui dit à son apprenti :
— Il y a quatre tuiles dans le camion. |
Abstraitement, cette énonciation a la forme d’une assertion susceptible d’être vraie ou fausse. Or, dans le camion il reste huit tuiles. L’assertion serait alors fausse. La considération de la situation praxéologique partagée par le couvreur et son apprenti impose plutôt d’interpréter l’énonciation comme un ordre indiquant où sont les tuiles et combien il faut en apporter. L’interacte construit dialogiquement passe de l’assertif apparent au directif effectif.
52Dans le premier exemple, la considération des données situationnelles tranche l’ambivalence sémantique, dans le second elle détermine pragmatiquement la force illocutoire de l’acte de discours.
53L’analyse praxéologique doit donc tenir compte des deux dimensions intersubjective et intramondaine de la situation pour rendre compte du sens et de la finalité du dialogue.
7. L’arrière-plan actionnel
54On pourrait croire que l’on a enfin atteint le terme de l’analyse. Il n’en est rien car la situation intersubjective et intramondaine qui lie les partenaires et co-actants s’avère tributaire d’un arrière-plan actionnel inscrit dans une forme de vie assurant l’accord, plus ou moins institutionnalisé, sur le sens et la finalité actionnels de l’échange langagier.
55Si la situation lie les deux interlocuteurs et co-actants dans leur singularité datée et située, et si elle relève du niveau représentationnel en ce qu’elle peut faire l’objet d’une objectivation et d’une analyse, l’arrière-plan est plus large et résulte de la manière dont dans une société et une « culture » données un groupe humain régit et institutionnalise les rapports des Hommes entre eux et avec la Nature. Cet arrière-plan, de dimension anthropologique, n’est plus représentationnel, mais bien actionnel et il caractérise les certitudes pratiques qui fournissent un réseau de prédispositions gouvernant aussi bien l’échange dialogique que les actions qui en découlent. De lui dépendent tropismes, aptitudes, dispositions, habitudes acquises et routines familières.
56Considérons d’abord le rôle de l’arrière-plan dans la détermination de la signification. Ainsi l’énoncé austinien « Le chat est sur le paillasson » acquiert une signification sémantique quand on connaît le français, mais son sens requiert absolument son inscription dans un arrière-plan situé et daté. Comme le rappelle Searle, reprenant Wittgenstein31, la référence au chat et au fait selon lequel il est sur le paillasson ne va pas de soi et engage des connaissances d’arrière-plan communes aux interlocuteurs et fournies non plus par l’énonciation elle-même, mais par la forme de vie partagée par les interlocuteurs :
Supposons maintenant que le chat et le paillasson […] flottent tous les deux dans l’espace intersidéral, voire dans une autre galaxie que la Voie lactée. Dans cette nouvelle situation, la scène serait aussi bien représentée si on regardait le dessin de biais ou à l’envers, puisqu’il n’existe pas de champ de gravitation relativement auquel l’un soit au-dessus de l’autre. Le chat est-il encore sur le paillasson ? Et le champ de gravitation terrestre faisait-il partie des choses représentées sur notre dessin ? […] La notion de sens littéral de la phrase « Le chat est sur le paillasson » n’a une application claire que si l’on fait quelques assomptions supplémentaires, dans le cas où chats et paillassons flottent librement dans l’espace intersidéral32.
57On comprend alors aisément en quoi le dialogue effectif, dans ses deux dimensions inter- et transactionnelle, s’avère in fine tributaire d’une forme de vie, contingente et historiquement déterminée33 qui fournit le cadre praxéologique ultime du sens des dires et de la finalité des actions34. Pour ne prendre qu’un exemple, considérons l’intentionnalité des agents. Une telle intentionnalité est attribuée à chaque agent qui devient moralement et juridiquement responsable de ses actes. Mais comment en rendre compte philosophiquement ? Une approche phénoménologique consiste à l’assigner en propre au sujet transcendantal. C’est ce que fait encore Searle en adoptant une conception du sujet héritée de Descartes revue par Brentano35. Il importe au contraire de récuser cette interprétation idéaliste pour affirmer le primat d’une intentionnalité qui trouve son origine non dans un sujet autonome, mais bien dans les potentialités d’action fournies par l’arrière-plan socio-historique :
L’intention est inhérente à la situation, aux coutumes et aux institutions humaines. S’il n’y avait une technique du jeu d’échecs, je ne pourrais avoir l’intention de jouer une partie d’échecs36.
58Ce même arrière-plan, où s’enracine l’intentionnalité individuelle, est en même temps source de la compréhension mutuelle37 ainsi que la possibilité d’entente aussi bien dialogique qu’actionnelle en ce qu’aux potentialités offertes au locuteur-agent répondent réciproquement les attentes de l’allocutaire co-agent.
59Pour tenir compte du rôle de l’arrière-plan inscrit dans une forme de vie, il convient donc de compléter notre schéma ainsi :
60L’image du monde co-construite relève alors d’une dimension proprement actionnelle et non plus seulement représentationnelle :
Le terme, ce n’est pas que certaines propositions nous apparaissent à l’évidence comme vraies immédiatement, donc ce n’est pas, de notre part, une sorte de voir ; le terme, c’est notre action qui se trouve à la base du jeu de langage38.
8. Du perlocutoire
61La considération du contexte lato sensu tel que nous venons de le découper joue un rôle non seulement dans le choix de l’interprétation sémantique et de la détermination pragmatique de la force illocutoire des énonciations, mais surtout elle fournit des informations permettant d’en appréhender la dimension perlocutoire. On sait que pour Austin le perlocutoire porte sur les objectifs attendus de la part du locuteur et réciproquement sur les effets produits sur l’auditeur39. Toutefois, ce niveau n’est manifestement pas conventionnel et donc non prévisible a priori. Il est pourtant celui où se jouent les finalités praxéologiques du dialogue. Or, la prise en compte fine de la situation et de l’arrière-plan permet, sinon de prévoir, du moins d’expliquer les effets perlocutoires produits. Ce sujet important demanderait de longs développements. Considérons un simple exemple. Soit au cours d’un dialogue l’énonciation :
— T’as d’beaux yeux, tu sais ! |
62Abstraitement, il s’agit d’un expressif qui énonce un jugement favorable à propos des yeux de l’allocutaire. Le problème est que (malheureusement !) son effet perlocutoire n’est pas automatique. Mais il n’est pas pour autant aléatoire et arbitraire en ce que l’on peut soupçonner quelques conditions de sa réussite. Sans développer l’analyse, examinons certaines d’entre elles :
- L’adresse initiale « T’as » instaure une relation de familiarité avec l’allocutaire (tutoiement plus allitération). Est en jeu alors la transaction intersubjective entre allocutaires. Si le contexte dialogique (stricto sensu) n’a pas instauré une telle relation, l’énonciation a de fortes chances d’être reçue comme une provocation et d’engendrer une violente réaction de rejet.
- Le thème « d’beaux yeux » doit être pertinent, c’est-à-dire adapté à un trait saillant de l’allocutaire. Supposez que celui-ci n’ait pas de beaux yeux (ou du moins des yeux que l’on ne peut tenir pour beaux), l’effet sera catastrophique, le compliment virera à la dérision.
- « Tu sais » est une demande de partage de l’éloge qui a d’autant plus de chances de réussir que l’allocutaire est aussi convaincu de la justesse du jugement louangeur.
- Ce que nous transcrivons dans le texte du dialogue par un point d’exclamation ( !) traduit ici l’intonation, la posture, la mimique, et surtout le regard, etc., signaux qui tous manifestent clairement l’expression du désir. Cette expression peut d’autant plus être bien reçue qu’elle demeure plus ou moins voilée, décente. Elle se veut une pro-position acceptable.
63Dès lors, le sens et la finalité praxéologiques de cette énonciation relèvent d’un jeu de séduction qui s’ancre dans un arrière-plan partagé.
64Nous venons ainsi de dégager quelques conditions praxéologiques de félicité de l’effet perlocutoire. Mais cette réussite ne peut être assurée que si d’autres conditions sont requises qui portent à la fois sur les niveaux intersubjectif et intramondain de la transaction poursuivie entre les interlocuteurs : sont-ils sentimentalement libres ?, ont-ils des raisons de s’apprécier mutuellement ?, l’expression du désir du locuteur est-elle susceptible de susciter le même désir chez l’allocutaire, etc. ? Dans le meilleur des cas, on pourra avoir le dialogue suivant :
— T’as d’beaux yeux, tu sais [ton tendre] ! [Communion des regards] — Embrassez-moi ! [Baiser] — Nelly ! — Embrasse-moi encore40 ! |
9. Le renversement praxéologique
65Adoptant une perspective actionnelle et dialogique nous avons procédé à une analyse conceptuelle conduisant à distinguer progressivement texte, cotexte, intexte, contexte stricto sensu, situation et arrière-plan. Chacun de ces éléments fournit les informations indispensables pour assigner signification, sens et finalité à l’échange dialogique. Méthodologiquement, cela témoigne d’une approche stratifiée qui successivement considère les aspects sémantique, pragmatique et praxéologique de tout dialogue effectif. Pareille démarche suppose deux engagements philosophiques cruciaux en matière d’étude des phénomènes langagiers :
- Le premier réside dans le refus résolu de la clôture logocentrique trop souvent admise par les philosophes du langage et les théoriciens de la communication. L’idée est fort simple : le dialogue, la communication n’ont pas leur fin en eux-mêmes. Sauf exception pathologique, on ne parle pas pour parler, mais pour agir ensemble et résoudre un problème en commun. En résulte qu’il convient d’articuler analyse pragmatique et déterminations praxéologiques. On ne saurait donc vouloir séparer agir communicationnel et agir stratégique41, distinguer la personne comme interlocuteur purement rationnel de son substrat individuel mû par des besoins, intérêts, etc., tenus pour perturbateurs, ou pire, comme le fait Searle, exclure de l’approche théorique le niveau perlocutoire des actes de discours au prétexte qu’il n’est pas conventionnalisable42.
- Le second engagement consiste à ne pas confondre ordre d’exposition et ordre théorique. La succession sémantique, pragmatique, praxéologique reste purement pédagogique en ce que ces divers niveaux s’interpénètrent en fait et surtout en ce qu’ils doivent être inversés. L’approche idéaliste habituelle de la communication consiste sinon à récuser le niveau praxéologique, du moins à en minimiser autant que possible le rôle. Il convient au contraire, comme nous allons le voir, d’opérer un renversement praxéologique qui situe la source du sens et de la finalité du dialogue dans son enracinement actionnel.
66Reste un dernier point que nous ne pouvons qu’évoquer ici, à savoir que par leur complexité spécifique les phénomènes dialogiques et communicationnels requièrent un traitement résolument indisciplinaire43 faisant appel pour tels et tels aspects à la philosophie du langage (ordinaire ou non), la linguistique, la sémiotique, la logique, l’informatique, la psychologie populaire, la sociologie, l’ethnométhodologie et l’anthropologie.
Notes de bas de page
1 Claude Shannon & Warren Weaver, « A Mathematical Theory of Communication ».
2 Marshall McLuhan, Pour comprendre les médias, p. 37-38.
3 Pour l’année 2018, le bénéfice net de Facebook augmente de 39 % à 22,1 milliards de dollars et le chiffre d’affaires est de 55,83 milliards, (+ 37 %). En 2021, Facebook va créer sa propre monnaie !
4 Ce qui, nous allons le voir, relève de l’intexte, voir infra, § 4.
5 Voir notre Introduction à la philosophie contemporaine du langage, § 6, p. 129-133.
6 Problèmes de linguistique générale, I, chap. XXI : « De la subjectivité dans le langage », p. 260.
7 Voir Du Discours à l’action, chap. V, p. 87-106.
8 Le fait qu’un texte donné prenne forme dialogale, tel un « dialogue » de Platon, les Discorsi de Galilée, le Dialogue de Leibniz, etc., ne change en rien son caractère non dialogique : c’est un Texte, artefact résultant du procès d’écriture.
9 Paul Ricœur, Du texte à l’action, II, 1 : « Qu’est-ce qu’un texte », p. 155. Si le texte est clôt pour le scripteur, il reste ouvert pour le lecteur, voir L’Œuvre ouverte d’Umberto Eco. Voir aussi Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception.
10 L’École des femmes, acte 2, scène 5.
11 Greimas rappelait qu’il ne fallait pas revaloriser de façon excessive « le contexte au dépend du texte, l’usage au lieu de la grammaire qui ne cesse pourtant pas d’exister pour autant », « Pragmatique et sémiotique », p. 6.
12 Wittgenstein, De la Certitude, § 469.
13 Daniel Luzzati, Recherches sur le dialogue homme-machine, p. 377.
14 Pour une analyse plus précise, voir Du discours à l’action, chap. VI, p. 112-125.
15 Voir supra, chap. v, § 2.3.
16 Comme nous avons en fait affaire à un Texte de théâtre, une autre interprétation est toujours possible qui ferait d’Agnès une simple ingénue !
17 Nietzsche, Cours de Bâle (1872-1876), voir Angèle Kremer-Marietti, Nietzsche et la rhétorique, p. 182.
18 Nous utilisons ce terme pour ne pas autoriser de confusions avec les concepts de para-, péri-, épitexte relevant de la théorie de l’écriture et non de la dialogicité. En imprimerie, le in texte vient illustrer le texte en s’incrustant dedans.
19 Pour une présentation générale, voir Jacques Cosnier, « Les gestes du dialogue ».
20 La proxémique étudie la variation des espaces personnels selon les cultures, voir E.T. Hall, La Dimension cachée.
21 Quand dire, c’est faire, 1970, neuvième conférence, p. 120, note** et dixième conférence, p. 129. Voir aussi le geste napolitain de mépris opposé par Piero Sraffa à la conception logiciste du langage du premier Wittgenstein, voir Ray Monk, Wittgenstein, le devoir de génie, p. 258. Ces gestes à fonction communicationnelle sont des quasi-linguistiques, voir G. Dahan & J. Cosnier, « Sémiologie des quasi-linguistiques français ».
22 En ce sens large, le contexte est définissable comme l’entour [l’ancien envirum] de l’élément faisant l’objet d’une analyse d’un certain type. Pour l’analyse sémantique, le contexte du mot est la phrase dans et par laquelle il acquiert signification. Voir le Principe du contexte de Gottlob Frege : « On doit rechercher ce que les mots veulent dire non pas isolément mais pris dans leur contexte phrastique » (traduction complétée : nach der Bedeutung der Wörter muß im Satzszusammenhange, nicht in ihrer Vereinzelung gefragt werden), Les Fondements de l’arithmétique, p. 122. À noter que le vocable allemand présente le mérite de ne pas évoquer la textualité et d’insister sur le caractère relationnel (zusammen) de l’analyse contextuelle.
23 « L’altérité dans le dialogue », § 6.
24 Pour une analyse formelle, voir Cælen & Xuereb, « Dialogue et théorie des jeux », § VIII.
25 Investigations philosophiques, § 23.
26 Pour le détail de l’analyse, voir Du Discours à l’action, chap. V.
27 Benveniste, Problèmes de linguistique générale, II, chap. V, p. 79-88.
28 Ce qu’avait bien vu Hegel : « L’ici est, par exemple, l’arbre. Je me retourne. […] l’ici n’est pas un arbre, mais plutôt une maison », La Phénoménologie de l’Esprit, § 1, p. 84.
29 Ce qui requiert la croyance d’arrière-plan selon laquelle le père n’est pas doué d’ubiquité.
30 Je et Tu, p. 99 : « La personne contemple son soi, l’individu s’occupe de ce qui est sien ; il dit : mon espèce, ma race, mon activité, mon génie. L’individu ne participe à aucune réalité et n’en conquiert aucune ». Voir aussi notre Introduction à la philosophie contemporaine du langage, § 6.2, p. 131.
31 Le concept d’arrière-plan (background) est d’origine wittgensteinienne : « Nous jugeons une action d’après son arrière-plan dans la vie humaine […]. L’arrière-plan est le train de la vie », Remarques sur la philosophie et la psychologie, 1998, §§ 624-625.
32 Sens et expression, 1982, chap. 5 : « le sens littéral », p. 172. C’est la première thématisation searlienne du concept d’arrière-plan. Par la suite il lui accordera de plus en plus de place.
33 On peut envisager une Urlebensform qui fournirait les déterminants praxéologiques universels, mais ceux-ci ne seraient qu’abstractions par rapport à leur devenir historique et contingent. Reste que « La manière d’agir commune aux hommes est le système de référence au moyen duquel nous interprétons une langue qui nous est étrangère », Wittgenstein, Investigations philosophiques, § 206, p. 203.
34 Cet arrière-plan est proche de ce que, dans une perspective sémiotique et interprétative, Eco appelle « encyclopédie », voir Sémiotique et philosophie du langage, 1988, chap. 2. Il est aussi thématisé en ethnométhodologie sous le terme de common sense, voir Garfinkel, Studies in Ethnomethodology, Essay 2.
35 L’Intentionalité, 1997. Chez Searle existe une tension irrésolue entre sa définition « phénoménologique » du sujet et son adoption du concept wittgensteinien d’un arrière-plan actionnel. Pour une approche plus pertinente de l’agent, voir Ricœur, Soi-même comme un autre.
36 Wittgenstein, Investigations philosophiques, § 337.
37 Pour une analyse des modes de compréhension de l’action, voir Rémi Clot-Goudard, L’Explication ordinaire des actions humaines, 2015.
38 Wittgenstein, De la Certitude, § 204.
39 Quand dire, c’est faire, neuvième conférence : « Les actes perlocutoires [sont] les actes que nous provoquons ou accomplissons par le fait de dire une chose », p. 119.
40 Le Quai des brumes, 1938, film de Marcel Carné, dialogue entre Jean Gabin et Michelle Morgan écrit par Jacques Prévert. L’analyse de tout le dialogue du film confirmerait aisément que toutes les conditions praxéologiques de félicité sont remplies !
41 Ce que fait pourtant Habermas à des fins fondationnelles, voir infra, chap. xii.
42 Voir supra, chap. ii.
43 Voir notre article « La dialectique indisciplinaire en sciences humaines ».
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