Deuxième églogue
p. 64-67
Texte intégral
1Le texte évoque d’abord le départ de Richard Ier Cœur de Lion (1157-1199 ; roi d’Angleterre de 1189 à 1199) pour la troisième croisade (1189), puis la bataille entre croisés et Sarrasins. Chatterton mélange ici le genre épique brillant, la piété filiale et la joie du retour d’un combattant victorieux.
2Esprits des bienheureux, dit Nigel le pieux,
Répandez votre béatitude sur la tête de mon père.
3Richard au cœur de lion au combat est parti,
Sur la vaste mer l’étendard luit ;
Les nations affaiblies sont confondues
De voir si vaste flotte, si belle, si étendue.
La proue des navires fend le flot luisant ;
Lame après lame sur le chêne durci déferlant ;
Les trompettes de l’onde de leur doux son
Rivalisent avec le bruit de l’air et montent jusqu’au ciel.
Esprits des bienheureux, assis sur un trône d’or,
Répandez votre béatitude sur la tête de mon père.
4Les rames peintes de gueule, du noir flot,
Ornées de rares sculptures, se lèvent luisantes ;
Haut levées se montrent dans leur terrible orgueil,
Telles des étoiles peintes rouges de sang sur les cieux assombris du soir ;
Les écus porteurs d’armes, les lances se dressent,
Tels de hauts roseaux sur la berge ;
D’un navire à l’autre court le brillant éclat ;
Une joie de courte durée glisse sur l’onde.
Esprits des bienheureux, et tous les autres saints défunts,
Répandez votre béatitude sur la tête de mon père.
5Le Sarrasin veille : il craint vraiment
Que les furieux fils d’Angleterre ne coupent la route.
Ils courent en tous sens tels des cerfs traqués,
Ne sachant en quel lieu demeurer.
Les bannières luisent au rai du jour ;
On aperçoit la grosse croix de Jérusalem
Dont la vue terrifiante dompte votre courage,
Leur visage s’assombrit de chagrin.
Esprits des bienheureux, et tous les autres saints défunts,
Répandez votre béatitude sur la tête de mon père.
6Les barques et canots, si rapides au combat,
Sur les flancs de chaque nef paraissent ;
Vers son devoir bondit chaque chevalier,
Et aussitôt l’écuyer, avec écu et lance.
Les boucliers rapprochés étincellent et brillent fort,
L’aviron empressé fait entendre un vacarme uniforme.
Les ennemis accourent, hésitant à oser,
Tirent le sombre glaive, cherchent le combat, s’arrêtent.
Esprits des bienheureux, et tous les autres saints défunts,
Répandez votre béatitude sur la tête de mon père.
7Alors s’avancent les belliqueux Sarrasins pour combattre ;
Le roi Richard, tel un lionceau de guerre,
De gueule brillant, semblable aux météores enflammés,
Lève haut la main, vu de loin.
J’ai vu une telle grande étoile
Parmi les petites briller d’un feu vif ;
De tels marais ensoleillés, de rayons d’émail empêchent
La blanche lune ou les étoiles de donner leur lumière.
Esprits des bienheureux, et tous les autres saints défunts,
Répandez votre béatitude sur la tête de mon père.
8Désolation et effroi, aux boucles teintes de sang rouge,
Terreur armée font rage et tonnent,
Mort, enchaînée à l’épouvante vole terrible,
Encourageant chaque champion à guerroyer.
Lance contre lance, épée contre épée s’engagent ;
Armure contre armure résonne, écu contre écu ;
La mort de milliers ne peut apaiser le carnage,
Mais ceux qui tombent en nombre assombrissent le champ.
Esprits des bienheureux, et tous les autres saints défunts,
Répandez votre béatitude sur la tête de mon père.
9Les ennemis tombent alentour ; la croix s’élève et s’agite ;
Souillé de sang se voit le cœur de la guerre ;
Le roi Richard traverse promptement tous les rangs,
Et sur l’herbe jette maints Turcs ;
De sa main, la fleur des hommes d’Asie il occit ;
La lune déclinante pâlit devant son soleil ;
Ses chevaliers il mène à de valeureux hauts faits,
Accomplissant de telles merveilles que s’étonnent les étrangers.
Esprits des bienheureux, et tous les autres saints défunts,
Répandez votre béatitude sur la tête de mon père.
10La bataille est gagnée ; le Roi est le maître ;
La bannière d’Angleterre caresse la brise ;
L’armée connaît certes une joie sans mélange,
Et chacun la porte sur le front ;
Revenez en Angleterre, et soyez adorés ici,
Accueillis dans des bras aimants, et souvent fêtés ;
Ne voyant nul chagrin dans les yeux de tous,
De tout souvenir de peine passée délivrés.
Esprits des bienheureux, et tous les autres saints défunts,
Répandez votre béatitude sur la tête de mon père.
11Ainsi parlait Nigel, quand sur la mer bleue
Dansa la voile enflée devant son regard ;
Aussi vif que le souhait, il vola vers la plage,
Et retrouva son père émergeant de l’onde amère.
Que les hommes qui sont animés par l’esprit d’amour,
Méditent à quel point la rencontre était souhaitée.
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