Les démons d’Antoine dans la Vie d’Antoine
p. 95-110
Texte intégral
1« Comme tous les signes archaïques, daimôn regorge de significations », écrit Marcel Détienne1 ; ce « signifiant-flottant », ajoute-t-il, voit à partir de l’époque classique son sens se spécialiser dans la philosophie, la religion et le culte. De fait, la démonologie de la Vita Antonii revêt peu d’aspects anecdotiques mais se situe « à l’intérieur d’une vision du monde, à la fois cosmologique et historique, dont elle constitue une donnée essentielle ».2 Cependant, le thème des démons est présenté dans la Vie d’Antoine avec une intensité qui échappe à la réduction doctrinale. Sans doute révélatrice des craintes concrètes de lecteurs toujours inquiets qu’un démon ne vienne les terrasser ou les projeter par terre (42, 2), cette représentation dramatique des attaques démoniaques, si caractéristique de la Vie d’Antoine, apparaît comme un élément constitutif du projet littéraire d’Athanase. Telle est, du moins, l’optique dans laquelle on tentera ici d’étudier cette œuvre.3
Le grand désert
2Parmi d’autres axes organisateurs, la Vie d’Antoine s’ordonne autour de la progression d’Antoine vers le désert, puis à l’intérieur de celui-ci : Antoine pratique successivement l’ascèse devant sa maison (3, 1), aux abords de son village (3, 4), dans les sépulcres (8, 1), dans un fortin au-delà du fleuve (12, 3), enfin dans le désert intérieur (49, 4). Le récit le montre allant de l’avant sans céder à son désir de retourner vers les siens (3, 5).4 Une telle migration ne se réduit pas à un déplacement dans l’espace mais implique un réagencement de tout l’être5 : Antoine oublie le temps passé (7, 11) et consacre aux Écritures une mémoire qui lui tient lieu de livres (3, 7) ; oubli et souvenir sont fortement mis en parallèle : « lui-même ne se souvenait pas du temps passé » (7, 11) ; « il se souvenait aussi de la parole du prophète Élie » (7, 12). Le dépaysement spatial et le dépaysement mental sont donc intimement liés l’un à l’autre et ils convergent dans l’injonction à « se hâter vers la montagne pour ne pas oublier, en nous attardant, les choses intérieures » (85, 4). Très spiritualisée, l’anachorèse apparaît ici comme une ascèse de la mémoire.6 Or, dans le texte d’Athanase, les démons mettent toute leur énergie à s’opposer aux efforts du moine : chaque progression spatiale dans la vie solitaire d’Antoine est marquée par une de leurs attaques ; un étroit parallélisme unit les trois étapes décisives de l’anachorèse aux trois principaux combats contre les démons7 ; leur intervention constitue moins une action qu’une réaction : ils « font obstacle », « mettent des embûches », « renversent », « font redescendre » et « empêchent de traverser ».8
3S’il est le plus net dans le récit, ce rôle d’opposants n’appartient pas en propre aux démons ; le début du texte présente indifféremment l’assaut contre le moine comme l’œuvre du diable ou comme celle des démons : afin de détourner Antoine de l’ascèse, le diable lui remet en mémoire sa fortune, sa sœur et les plaisirs de la vie (5, 5). Pour séduire ou effrayer l’ascète, il prend la nuit les traits d’une femme (5, 7), revêt des formes nuisibles (9, 4), fait apparaître devant Antoine un grand disque d’argent (11, 2) et lance contre lui des bêtes sauvages (52, 2). En revanche, à partir du grand discours aux moines, soit dans la partie doctrinale du texte, on note une différence hiérarchique entre le diable et les démons : celui-ci est « le premier d’entre eux » (28, 5) ; il est « leur père » (82, 13) ; ils sont « ses » démons (40, 6 ; 42, 1 ; 88, 2). Ainsi, l’œuvre établit progressivement une distinction entre le diable, principe malfaisant, et les démons qu’il lance contre le solitaire. Ceux-ci s’imposent dans la Vie d’Antoine comme les adversaires contre lesquels Antoine mobilise toute son énergie.
Monachisme et dispersion
4Cette tension constitutive de l’œuvre engage l’idéal monastique dont Antoine a, selon Athanase, la paternité (15, 3). Le terme monachos « moine », et ses dérivés sont employés dans de nombreux textes antérieurs à la Vie d’Antoine9 ; Philon d’Alexandrie insiste sur l’isolement dans lequel vivent les Thérapeutes, communauté d’ermites installée non loin d’Alexandrie : chacun possède dans sa maison une cellule – monastérion – « où ils s’isolent (monouménoi) pour accomplir les mystères de la vie religieuse ».10 L’accent est mis sur la solitude ainsi que sur l’étude : les Thérapeutes, explique Philon, n’apportent aucun aliment dans leur cellule mais seulement ce qui permet à la science et à la piété de s’épanouir. De telles préoccupations sont présentes dans la Vie d’Antoine, mais l’idéal du monachos s’y charge d’une dimension nouvelle ; à travers la solitude Antoine vise à une unité intérieure : il se « ramasse sur lui-même »11 et recommande à ses auditeurs de se « murer » dans leur intériorité12 ; il « concentre » sa pensée13, « rassemble » en lui les qualités découvertes chez les autres.14 Ce travail d’unification trouve son expression dans la métaphore de l’abeille sage qui rapporte son bien dans sa ruche (3, 4). Le choix de la solitude semble dériver de cette aspiration à l’unité intérieure : à ceux qui veulent le retenir parmi eux Antoine répond qu’un séjour prolongé au milieu des hommes a, sur les moines, un effet désintégrateur.15 Empreint d’une forte coloration intellectuelle, l’idéal de simplicité intérieure fait ici songer à l’effort stoïcien de circonscrire en soi le principe directeur, afin de parvenir au stade où l’on « éprouve, comme l’écrit Marc Aurèle, de la fierté à l’égard de son unicité joyeuse ».16
5D’après la Vie d’Antoine, les démons remettent radicalement en cause cette unité construite en lui opposant la force de leur pluralité ; ils apparaissent esentiellement au pluriel ou même comme pluriel essentiel. Certes, la tentation est, au début du texte, l’œuvre du diable17 et même du démon : le terme y est employé deux fois au singulier (7, 2 ; 3). Cependant, à partir du chapitre 8, où Athanase évoque le regroupement d’Antoine sur lui-même et son retrait dans ce lieu de mémoire (mnémé) qu’est le sépulcre (mnéma), on trouve constamment le mot « démon » au pluriel.18 C’est que le démon est présenté ici comme une puissance de fractionnement ; on le remarque dans l’épisode où Antoine voit apparaître un « immense démon » qu’il fait fuir en lui soufflant dessus et en le frappant (40, 1) ; « aussitôt, ajoute le texte, cet être énorme disparut avec tous ses démons » (40, 2). De même, après que le moine eut chassé le monstre mi-homme mi-âne qui avait frappé à sa porte (53, 1), « la bête s’enfuit avec ses démons » (53, 3). En revanche, lorsqu’il se rapporte aux exorcismes que pratique Antoine sur la personne de laïcs, le mot « démon » est employé au singulier, comme il l’est le plus souvent dans le Nouveau Testament.19 Dans celui-ci l’accent n’est pas mis sur le nombre des démons qui assaillent l’individu, même si une même personne est parfois la proie de plusieurs démons.20 Dans la Vie d’Antoine le pluriel constitue un motif d’autant plus caractéristique qu’il ne concerne que les attaques démoniaques contre Antoine et qu’il voisine avec l’emploi du mot au singulier, lorsqu’elles visent tout autre personne. Le texte de la Vie d’Antoine établit donc un contraste très net entre le moine et les démons. Ceux-ci mobilisent contre l’unité fragilement élaborée du solitaire leur « troupe »21, leur « nombre »22 et leur « foule ».23 A cet égard, la foule des disciples devient nuisible au même titre que celle des démons : l’une comme l’autre menacent la solitude de l’ermite. Le texte établit, de façon significative, une relation entre le tourment causé à une jeune fille par un démon et celui que suscite à Antoine la foule de ses visiteurs.24 Le rapprochement entre admirateurs et démons est même explicite, lorsqu’Antoine, en visite à Alexandrie, déclare : « ces gens ne sont pas plus nombreux que les démons avec qui nous luttons dans la montagne » (70, 4). Ainsi, toute forme de multiplicité se trouve disqualifiée et les démons apparaissent dans l’œuvre comme des êtres par nature pluriels. En cela l’œuvre d’Athanase s’inscrit dans la tradition néotestamentaire : « mon nom est Légion, dit à Jésus l’esprit impur, car nous sommes nombreux ».25 Toutefois, dans son opposition à l’unité et à la solitude du moine, le thème de la « légion démoniaque » prend ici un relief nouveau.
Une représentation de la représentation
6Le discours ascétique, qui compose la partie centrale de la Vie d’Antoine (§ 16-43), est composé en un diptyque où la seconde partie, consacrée aux démons, doit être comprise dans le rapport qu’elle entretient avec la première. A la fin de celle-ci Athanase pose que la vertu consiste pour l’âme à maintenir sa faculté intellective (to noéron) dans son état naturel (20, 5-9) ; l’homme doit lutter pour ne pas subir la tyrannie de l’ardeur (ho thumos) et de la convoitise (hè épithumia).26 Ce vocabulaire, présent dès le début de la seconde partie, atteste l’ampleur de l’influence philosophique sur la démonologie de la Vie d’Antoine : la tripartition intellect-ardeur-convoitise est d’inspiration platonicienne ; plus fondamentalement, le discours qu’Athanase prête à Antoine manifeste plusieurs emprunts au stoïcisme : la liste des vertus proposées par Antoine débute par les quatre vertus « principales » du stoïcisme (17, 7)27 ; l’idéal d’ataraxie, l’exigence d’accord avec la nature de même que la représentation du logos comme un pilote en son navire affleurent souvent dans le texte, ainsi en 14, 4 : « quand il avait vu la foule, il n’avait pas été troublé28, et quand tant de gens le saluaient, il ne s’était pas réjoui, mais il était resté parfaitement égal à lui-même, comme quelqu’un que gouverne la raison et qui se trouve dans son état naturel ».29
7Toutefois, l’influence stoïcienne se manifeste surtout dans la conception de la représentation (fantasia) : le stoïcisme distingue la fantasia, c’est-à-dire la représentation de l’objet extérieur qui retentit dans l’âme comme un coup de tonnerre, de la réflexion (dianoia) qui énonce ce qu’elle éprouve du fait de la fantasia et le formule par un discours intérieur.30 Autant la première est passive et « se jette sur l’homme pour être connue »31, autant la seconde représente une activité de la partie directrice de l’âme. La discipline philosophique consiste, selon la formule d’Épictète, à « s’exercer pour faire face aux représentations »32 et à interroger chacune d’elles en ces termes : « attends, laisse-moi voir qui tu es et d’où tu viens, tout comme les gardes de nuit disent : montre-moi tes papiers »33 ; il s’agit, pour le discours intérieur, de détacher de la représentation tout jugement de valeur qui peut s’y adjoindre et de ne donner son assentiment qu’à une représentation adéquate (fantasia kataléptiké), en ce qu’elle n’ajoute rien de subjectif à la réalité : « tout de suite, écrit Épictète, en présence de chaque représentation pénible, exerce-toi à dire à son sujet : “Tu n’es qu’une représentation subjective et tu n’es pas du tout ce qui est réellement perçu” ».34 Or c’est aussi en les soumettant à un examen vigilant et réfléchi qu’Antoine repousse l’assaut des apparitions démoniaques qui se présentent à lui.35 La Vie d’Antoine montre, à maintes reprises et de façon dramatique, la réflexion assaillie par les représentations mais finalement victorieuse d’elles. Le raisonnement permet de dépasser la crainte qu’elles inspirent et met, au même titre que la foi, l’âme en sécurité.36 Antoine repousse les apparitions qui l’assaillent en les interpellant37 ; il préconise une conduite dont les termes rappellent la maxime d’Épictète citée plus haut : « lorsqu’une apparition se produit, qu’on ne succombe pas à la crainte mais qu’on commence par l’interroger avec courage sur sa nature ; “Qui es-tu ? d’où viens-tu ?”... » En effet, le simple fait de demander : « Qui es-tu, d’où viens-tu ? » est un signe d’imperturbabilité (ataraxia).38 Le texte insiste avec force sur l’idée que, réduites à elles-mêmes, les apparitions disparaissent en fumée39 ; il faut, affirme Antoine, s’affranchir de la peur qui, seule, donne substance à des apparitions qui en sont par elles-mêmes dépourvues.
8Si les termes dans lesquels Athanase parle de l’apparition font songer au traitement stoïcien de la représentation, sa conception s’en écarte sur un point important. Dans le stoïcisme, aussitôt qu’elle est exposée, la représentation est prise dans un discours qui en fixe le sens : « Le fils d’untel est mort. À l’interrogation que nous pose cette représentation réponds : cela ne dépend pas de la volonté, ce n’est pas un mal » – « Le père d’untel l’a déshérité. Que t’en semble ? Réponds : cela ne dépend pas de la volonté, ce n’est pas un mal » – « Il s’en est affligé. Réponds : cela dépend de la volonté, c’est un mal » – « Il l’a vaillamment supporté : cela dépend de la volonté, c’est un bien ».40 Ayant chez Épictète à peine « droit à la parole », la fantasia est d’emblée réduite par le discours rationnel qui produit une critique de la représentation. En revanche, la Vie d’Antoine révèle toute la force suggestive des représentations démoniaques et offre comme une parousie de la fantasia. Loin de la contenir par la puissance de sa réflexion, Antoine consacre presque sa vie à juguler les assauts des apparitions qui l’assaillent : paradoxalement la Vie d’Antoine illustre la vitalité des représentations démoniaques. On ne trouve rien de comparable dans la Lettre 4 d’Antoine, pourtant consacrée à la démonologie et très proche, pour la doctrine, du grand discours de la Vie d’Antoine (§ 16-43)41 ; c’est que l’exposé s’y développe sur un plan plus abstrait ; dans la Lettre 4 Antoine présente les méfaits des démons – « desseins méchants, persécutions sournoises, subtilités malveillantes, activités séductrices, pensées blasphématoires qu’ils nous soufflent, infidélités quotidiennes qu’ils sèment dans nos cœurs... » –, alors qu’il les représente dans la Vie d’Antoine ; la description démonologique y prend la forme d’un récit et en utilise certains ressorts. Ainsi, les rires et les pleurs des démons, seulement mentionnés dans la Lettre 4, donnent lieu dans la Vie d’Antoine à l’évocation expressive du vacarme, des applaudissements et des sifflements qui accompagnent les premiers ainsi que des lamentations de vaincus auxquels font penser les seconds.42 On a là une caractéristique du texte athanasien, tant par rapport à son horizon philosophique qu’à l’égard de l’exposé doctrinal de la Lettre 4 : la Vie d’Antoine propose une instruction active au sujet des démons, mais elle est fondée sur l’expérience d’une épreuve subie par Antoine.43 Le texte présente une remarquable tension entre preuve et épreuve, domination et débordement, doctrine et drame. Un tel équilibre ne se maintient pas dans les textes patristiques ultérieurs où c’est tantôt l’élément doctrinal qui l’emporte (ainsi dans les Gnostica d’Évagre le Pontique), tantôt l’élément anecdotique et merveilleux (comme dans les Vies de Jérôme44).
Une relation de double inversé
9Au début du grand discours aux moines, Antoine évoque, sans s’y arrêter, la question de la nature et de la diversité des démons : « il y aurait beaucoup à dire, mais un tel exposé appartient à de plus grands que nous ».45 Selon A. et C. Guillaumont, le caractère épars des éléments que la Vie d’Antoine consacre à la démonologie vient de ce qu’Athanase ne possédait pas, sur le sujet, une véritable théorie.46 En fait, bien des traits de la Vie d’Antoine portent en germe la systématisation spéculative d’Évagre. Aussi la prétérition mentionnée précédemment s’explique-t-elle plutôt par le projet d’Athanase dans la Vie d’Antoine : la perspective y est concrète – il faut connaître, pour les déjouer, les fourberies des démons – et empirique : l’exposé offre à ses destinataires une sorte de viatique pour le désert. Il est composé autour d’oppositions liées aux préoccupations des destinataires, telle la capacité qu’ont les démons d’annoncer les crues du Nil47, de prédire l’avenir dans les visions nocturnes48 et de passer pour des devins.49 De tels pouvoirs, affirme Antoine, ne doivent pas impressionner car ils relèvent de la simple conjecture ou s’expliquent par le fait que les démons se déplacent plus vite que les hommes.50
10Cependant, la Vie d’Antoine met surtout en valeur le contraste entre la faiblesse effective des démons et la force des illusions qu’ils suscitent. Parce qu’ils ont perdu depuis la venue du Christ tout pouvoir réel, ils cherchent une revanche en s’attaquant à l’imagination des hommes.51 La lutte connaît ici une intériorisation et relève, non plus d’une cosmologie – comme c’était le cas chez les apologistes et dans certains textes apocryphes.52 – mais d’une psychologie spirituelle.53 La Vie d’Antoine dépeint une conscience – celle d’Antoine – en proie à une remise en cause radicale de la part des démons. La force de l’œuvre tient au réseau serré de motifs littéraires qui opposent Antoine aux démons : le moine s’enferme à l’intérieur d’un tombeau et se mure dans sa foi, mais les démons traversent les murs.54 ; il veut faire du désert, repère des démons, la cité de l’ascèse ; ils réagissent en envahissant tout lieu où réside le solitaire.55 Fouetté par le bruit et la fureur des apparitions, Antoine chasse lui-même les démons avec le fouet de sa parole56 ; alors qu’il ignore le rire et le chagrin, les démons passent constamment de l’un à l’autre.57 Par opposition à l’idéal d’immobilité du moine ils font preuve d’une agitation perpétuelle.58 Sur bien des points la description de la Vie d’Antoine reprend là des thèmes présents dans d’autres textes chrétiens59 ; mais l’œuvre les constitue en autant de contrastes qui confèrent au texte sa tension. Par ailleurs, elle définit l’antagonisme entre Antoine et les démons comme une relation de double inversé : les démons conforment leurs apparitions à l’état moral dans lequel ils trouvent leur victime60 ; la liste des qualités ascétiques constitue presque la réplique de celle des tentations.61 Ainsi, à côté d’une spécularité idéale par laquelle Antoine travaille à se voir en Élie comme dans un miroir (7, 13) le texte en suggère une autre qui unit et oppose indissociablement Antoine aux démons. La relation qu’ils entretiennent est si constitutive que, après la défaite des démons au § 53, le texte leur suscite, en quelque sorte, un substitut en la personne des Ariens, désignés comme leurs créatures.62 Tels les animaux démoniaques qui peuplent la première partie du texte, les Ariens sont présentés dans la seconde comme des bêtes bondissant en désordre et condamnées à rentrer dans leurs tanières.63 Ainsi, la bestialité figure, à travers toute l’œuvre, le monde démoniaque dans son opposition à celui de l’ermite.
11Plus profondément, les démons opposent à l’effort de distinction intellectuelle, si caractéristique d’Antoine64, leur propension à la confusion : ils mélangent la méchanceté avec la vérité comme le bon grain avec l’ivraie, produisent du trouble chez ceux qui sont « sans mélange » et, à l’instar du diable qui n’a pas gardé son rang, ils dérangent les pensées.65 Cette aptitude à abolir toute identité trouve, sur le plan littéraire, son expression dans la fréquence des verbes au pluriel sans sujet exprimé ; ainsi lit-on à l’initiale des grands développements du discours qu’Antoine adresse aux moines : « ils apparaissent », « ils sont rusés », « ils font semblant de savoir », « ils bavardent », « ils viennent la nuit ».66 Symboles de l’infini dans son opposition à l’unité intérieure du moine, les démons sont également représentés par Athanase comme des figures de l’indéfini.
Un théâtre démoniaque
12Si la première partie de la Vie d’Antoine est tout entière rythmée par les attaques que subit Antoine, celles-ci connaissent une évolution au cours du récit67 : l’anachorète est d’abord sollicité par des « pensées », des « suggestions » (logismoi) qui, sous des apparences de bon sens, visent à le détourner de l’ascèse. Ainsi, le diable lui rappelle ses devoirs envers sa sœur de même que les prestiges du monde.68 Puis, Antoine est assailli par des « pensées impures » (logismoi ruparoi) qui recourent aux « armes situées près du nombril » : le diable prend la nuit l’allure (schématizesthai) d’une femme qu’il imite parfaitement »69 ; il apparaît sous la forme d’un enfant noir incarnant l’esprit de fornication.70 Comme Antoine sort vainqueur de ces tentations, le diable l’éprouve d’une façon nouvelle : accompagné d’une « troupe de démons », il le roue de coups.71 Ces trois épreuves subies par l’ermite sont évoquées au début de la Vie d’Antoine mais ne sont plus mentionnées dans la suite de l’œuvre, que ce soit dans le récit ou dans le discours aux moines.72 En effet, dès le paragraphe 9, elles laissent la place aux apparitions (fantasiai) qui viennent terroriser Antoine et qui occupent, dès lors, une position centrale dans l’œuvre en représentant, d’après Athanase, l’épreuve par excellence à laquelle est soumis l’ermite. Or, par opposition aux attaques précédentes, suscitées par le diable – qu’il soit accompagné ou non des démons –, les apparitions sont le plus souvent attribuées à l’action des démons.73 En somme, la composition du texte fait ressortir les apparitions parmi le reste des épreuves ainsi que l’action des démons par rapport à celle du diable. Dans la Vie d’Antoine le lien entre les démons et les fantasiai prend un relief tout particulier et contribue à donner à l’œuvre sa force. En effet, aussi bien les premiers que les secondes remettent radicalement en cause le contrôle que l’ascète exerce sur lui-même : dans le cas du daimôn le moi est comme envahi par le non-moi74 ; dans celui de la fantasia l’activité logique cède la place à la passivité.75 L’emploi par les démons de la fantasia comme arme privilégiée contre l’ermite montre que la véritable lutte se situe, dans l’œuvre, sur le plan de la maîtrise de soi.
13Les apparitions démoniaques possèdent le plus souvent un aspect fortement théâtral. Même si le comportement des démons fait dans certains cas songer au kômos de l’époque classique ou au charivari médiéval – les démons « battent des mains, sifflent et dansent »76, ils causent du trouble, font du vacarme77 –, le texte suggère surtout un rapprochement entre leur action et le jeu de l’acteur : tel le comédien et le danseur qui, selon Aristote, expriment des sentiments par la figuration gestuelle (schemata), les démons savent camper l’être représenté – homme ou animal – en adoptant son schéma, c’est-à-dire son allure, sa manière d’être78 ; les bêtes qui se présentent à Antoine au cours d’une apparition se meuvent chacune selon l’attitude qui lui est spécifique.79 De façon plus significative encore, les démons peuvent changer d’attitude (métaschématizesthai) et passer d’une identité à une autre : les chiens du diable prennent l’allure de fauves, les démons celle de femmes, de serpents, de géants ou d’une multitude de soldats.80 Dans la Vie d’Antoine les démons se caractérisent à la fois par leur apparitions (fantasiai) et par leur aptitude à se muer sur le plan gestuel (métaschématizesthai) dans la peau de quiconque81 : le texte insiste sur leur talent de « pantomimes » et sur le plaisir que leur procure cette activité : « les démons, au contraire, bien qu’ils n’aient aucun pouvoir, jouent comme sur une scène à changer de formes82 et à effrayer les enfants en faisant apparaître des foules et en se livrant à des figurations gestuelles (tois schématismois) ».83 Certes, le jeu théâtral est ici présenté comme un palliatif à l’action et, à ce titre, comme une marque de faiblesse ; toutefois, les démons y excellent et y évoluent comme dans leur élément naturel.
14En d’autres lieux le texte dote les démons d’initiatives qui les rendent comparables à des artistes : comme le poète ils « créent » (poiein) ou « façonnent » (anaplattein) des apparitions.84 « Ils se modèlent eux-mêmes pour prendre l’allure de moines »85 ; le verbe apotupein implique l’idée d’un processus où l’on quitte ce que l’on est pour se modeler sur une identité nouvelle ; ici les démons saisissent l’essence – le type – du comportement (schémata) des moines et l’adoptent pour parler comme eux et tromper leurs interlocuteurs. Une telle identification fait songer à ce qu’Aristote dit du poète dans la Poétique : il doit, « dans la mesure du possible élaborer une forme achevée en recourant aux gestes (schemata) »86 ; comme le notent Roseline Dupont-Roc et Jean Lallot dans leur commentaire de cette phrase, « le poète est invité à éveiller en lui-même, autant que faire se peut (hosa dunaton), par des gestes et des techniques corporelles, les émotions et les passions (pathe) de ses personnages ».87 En outre, les démons savent se modeler sur la personne à qui ils apparaissent et lui offrir d’elle-même comme une image en creux : « car quand ils viennent, tels ils nous trouvent, tels ils se font eux-mêmes avec nous, et ils adaptent leurs illusions aux dispositions qu’ils trouvent en nous »88 ; ainsi, face à une âme lâche, ils prennent la forme de brigands ou d’êtres épouvantables ; en revanche, face à un croyant déterminé, ils deviennent impuissants et honteux.89
15En somme, les démons proposent aux hommes le spectacle de leur double inversé et apparaissent, dans la Vie d’Antoine, comme des créateurs ironiques. S’il est vrai qu’Antoine prive les démons de leur lieu – le désert –, la Vie d’Antoine, véritable art poétique des démons, montre comment ils en investissent un autre – celui de l’art – où leur fortune ne se démentira pas. Par la tension qu’il crée entre Antoine et les démons, la réflexion et l’imagination, l’élaboration morale et l’esprit de parodie, Athanase procure à son œuvre la netteté d’un archétype littéraire : comme les démons, il va à l’essentiel, au « schématique », si l’on donne ici à schéma son sens, non plus théâtral, mais rhétorique.90
Notes de bas de page
1 La notion de DAIMON dans le pythagorisme ancien, Paris, Les Belles Lettres, 1963, p. 31.
2 J. Daniélou, « Les démons de l’air dans la Vie d’Antoine », Antonius Magnus Eremita, éd. B. Steidle, Studia Anselmiana, Rome, 1956, p. 136.
3 On se référera à la récente édition du texte établie par G.J.M. Bartelink ainsi qu’à sa traduction : Vie d’Antoine, Paris, Cerf (Sources chrétiennes), 1994.
4 Le thème de la progression d’Antoine est particulièrement présent au début de l’œuvre : il « s’avance » (προέρχεσθαι, 3, 4 ; 11, 1), « s’élance » (ὁρμᾶν, 11, 2 ; 12, 3), « s’éloigne du monde » (άπέρχεσθαι, 12, 1).
5 Voir A. Guillaumont, « Le dépaysement comme forme d’ascèse dans le monachisme ancien », repris dans le recueil d’articles publiés par cet auteur : Aux origines du monachisme chrétien, Bellefontaine, Spiritualité orientale, 1979, p. 93.
6 Sur le « schéma d’intériorisation » montagne extérieure / montagne intérieure, voir M. Alexandre, « A propos du récit de la mort d’Antoine (Athanase, Vie d’Antoine. PG 26, 968-974, § 89-93). L’heure de la mort dans la littérature monastique », Le Temps chrétien de la fin de l’Antiquité au Moyen Âge – IIIe-XIIIe siècle, Paris, 1984, éd. J.M. Leroux, p. 273, note 5.
7 Voir A. et C. Guillaumont, article « Démons », § III « Dans la plus ancienne littérature monastique », Dictionnaire de spiritualité, t. III, Paris, 1957, p. 190.
8 Ἐμποδίζειν (22.2, 25.4), σκάνδαλα (23.1), ἀνατρεπτικά (26.1), κατάγєιν (53.3), κωλῡσαι ὣστε μὴ διαβῆναι (65.3).
9 Sur la multiplication des formations lexicales sur μόνος dans la langue des premiers siècles de l’ère chrétienne voir A.J. Festugière, La Révélation d’Hermès Trismégiste, t. 1, Paris, J. Gabalda, 1944, p. 45 ainsi que A. Guillaumont, « Monachisme et éthique judéo-chrétienne », op. cit., note 5, p. 51-54.
10 De vita contemplativa, § 25, trad, et commentaires par F. Daumas, P. Miquel, Les Œuvres de Philon d’Alexandrie, t. 29, Paris, 1963, p. 95.
11 Συσфίγξας έαυτόν (8, 1).
12 Ἐαντòν πєριфράττη (23, 4).
13 Συνάγων ἑαυτoῡ τὴν διάνοιαν (2, 2).
14 Tὰ πap’ έκάστου συνάγων (4, 2).
15 Oἱ μοναχοἱ βραδύνοντєς μεθ’ ὑμών καὶ ; παρ’ ὑμίν ένδιατρίβοντες έκλύονται (85, 3).·Voir Α. Guillaumont : « C’est parce que le moine est, par définition, un être voué à l’unité qu’il doit vivre seul. La solitude, que ce soit celle du célibat ou celle du désert, est, dans l’idéal monastique, chose seconde par rapport à l’exigence, première, de l’unité », « Monachisme et éthique judéo-chrétienne », op. cit., note 5, p. 56.
16 Pensées XII, 3, 1.
17 5, 1, 5, 7. Autres expressions : l’ennemi (5, 3 ; 6), le dragon (6, 1), le Noir (6, 5).
18 8, 2 ; 9, 2, 5 ; 10, 2 ; 13, 3, 4 ; 14, 3, 5 ; 21, 2 ; 22, 1 ; 24, 5 ; 26, 2 ; 27, 1 ; 28, 2, 9, 10 ; 32, 4 ; 33, 1, 5 ; 34, 2 ; 37. 1, 4 ; 38, 1, 3 ; 39, 1 ; 40, 2, 6 ; 42, 1, 8 ; 51, 2, 5 ; 52, 3 ; 53, 3 ; 62, 1 ; 70, 2, 4 ; 72, 5 ; 78, 4 ; 80, 2 ; 82, 13 ; 88, 2 ; 91, 3 ; 94, 2. A noter deux emplois du nom au singulier dans un contexte distinct : 42, 2, 7 ; Antoine y évoque la crainte concrète qu’ont les hommes de voir un démon les terrasser.
19 Guérison de la fille d’un officier (48, 1, 3), du jeune homme dans le bateau (63, 3), d’un autre jeune homme (64, 1, 3, 4), d’une jeune fille (71, 1, 2), de tout possédé qui se présente à Antoine (87, 5).
20 Ainsi les sept démons sortis de Marie-Madeleine (Luc 8, 2) ; en outre, Béelzéboul est désigné comme le « prince des démons » (Matthieu 12, 24).
21 ὄχλος (13, 1 ; 21, 4 ; 28.8, 9, 10).
22 πολύς (21, 4).
23 πλήθος (8, 2 ; 9, 9).
24 ἐνoχλουμέπην (48, 1) / ὀχλούμєνoν (49, 1).
25 λεγίων ὄνοµά μοι ὃτι πολλοί έσμεν (Marc 5, 9).
26 21, 1.
27 J. von Arnim, Stoicorum Veterum Fragmenta, vol. III, Leipzig, 1903, p. 65-72, § 262-294.
28 οὔτε γὰρ έωρακὼς τòν δχλον ἐταράχθη.
29 ὡς ὑπò τοὺ λόγου κυβερνώμενος καὶ έν τῶ κατὰ Φύσιν έστώς.
30 Voir P. Hadot, La Citadelle intérieure. Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, Paris, 1992, p. 120.
31 Aulu-Gelle, Les Nuits attiques, XIX 1, 15, cité par P. Hadot, op. cit., p. 120.
32 Entretiens III, 8, 1.
33 Entretiens, III, 12, 15.
34 Manuel, I, 5 selon la traduction proposée par P. Hadot, op. cit., p. 129.
35 C’est par sa vigilance – νήΦων δὲ Tᾑ διανοίᾳ (9, 8) – qu’Antoine résiste aux meutes qui l’assaillent en imagination.
36 28, 2, 8 ; 23, 6.
37 6, 2 ; 9, 9-10 ; 39, 2 ; 52, 3.
38 43, 2. Évagre le Pontique systématisera ce thème dans l’Antirrhéticos, ouvrage consacré à ce qu’il faut répondre aux démons.
39 40, 4 ; 42, 8. Le texte rapproche souvent « apparition » (фαντασία) et « disparition » (ἀфανίζεσθαι) : 23, 3-4 ; 24, 9 ; 40, 1-2.
40 Epictète, Entretiens, III, 8, 1.
41 Saint-Antoine, Lettres, traduction par les moines du Mont des Cats, Bellefontaine, Spiritualité orientale, 1976.
42 Lettre 4, op. cit., p. 69. Vie d’Antoine 26, 6.
43 Le caractère passif de cette expérience est souligné en 22, 4.
44 Vivre au désert. Vies de Paul, Malchus, Hilarion, Grenoble, J. Millon, 1992. Voir A. de Vogüé : « alors que la démonologie exubérante d’Athanase sera élaguée par les hagiographes suivants, ceux-ci développeront au contraire son merveilleux relativement sobre » (Histoire littéraire du mouvement monastique dans l’antiquité, t. 1, Paris, Cerf, 1991, p. 66).
45 21, 5.
46 Op. cit., note 7, col. 196.
47 39, 2.
48 35, 1.
49 23, 5.
50 31, 2-5 ; 33, 2.
51 « Mais puisqu’ils ne peuvent rien faire, ils ne font rien d’autre que menacer. Car s’ils pouvaient, ils n’attendraient pas mais exécuteraient aussitôt le mal, leur volonté y étant toujours prête, surtout contre nous » (28, 6).
52 Importante chez Justin, Tatien et Athénagore, la doctrine d’une révolte des anges chargés de veiller sur les hommes n’est que rapidement mentionnée par Athanase (22, 1-2). La démonologie de la Vie d’Antoine n’est pas mise en relation avec la lutte entre le prince des ténèbres et l’ange de lumières, telle qu’elle est exposée dans le Manuel de discipline ou même dans les Homélies pseudo-clémentines.
53 Cette intériorisation apparaît dans des formulations comme celle-ci : « Tel fut le premier combat remporté par Antoine contre le diable. Mais ce fut plutôt, dans Antoine (ἐν’ Αντωνίῳ), le succès du Sauveur... » (7, 1). A cet égard, la doctrine de la Vie d’Antoine paraît tributaire de textes comme le Pasteur d’Hermas ou de la réflexion origénienne sur les démons.
54 9, 1, 5. 10 ; 28, 4-5.
55 « Tout l’endroit [la petite maison de l’ermite] était rempli d’apparitions de lions », καὶ ἠν ὁ τόπος єὐθὺς πєπληρωμένος фαντασίας λєώντων (9. 6) / ἡ ἕρημος πεπλήρωται μοναχών (41, 4). Voir aussi 8, 2 ; 13, 1-3.
56 9, 8 ; 52, 3.
57 14, 4 ; 26, 6 ; 39, 5.
58 Antoine s’astreint à « se tenir fermement dans sa nature » (34, 2), à « rester immobile en son esprit » (39, 6). Il définit les bonnes pensées par l’absence d’agitation (ἀτάραχοι καὶ ἀκύμαντοι) qu’elles suscitent (35, 5) ; au contraire, les apparitions démoniaques introduisent le trouble (36, 1) et ébranlent tout l’ermitage (39, 5).
59 Ainsi chez Théodote pour l’assimilation des démons à des brigands, voir Clément d’Alexandrie, Extraits de Théodote, 72. 1-2, trad, par F. Sagnard, S.C. 23, Paris, 1948, p. 194-195 ; Tatien, Le Discours aux Grecs, 18, trad, par A. Puech, Paris, 1903, p. 132. Selon Clément d’Alexandrie, les gnostiques identifient les passions à des images animales présentes dans l’esprit, voir Stromate II, 20, 112, trad. par P. Th. Camelot et Cl. Mondésert, S.C. 38, Paris, 1954, p. 119. Pour ce thème voir surtout Origène, Contre Celse, IV, 92, trad. par M. Borret, S.C. 136, Paris, 1968, p. 415 ; outre le rapprochement entre les démons et les animaux sauvages, ce texte d’Origène comporte de remarquables analogies avec la Vie d’Antoine : de même que dans celle-ci (22, 2), les démons sont décrits comme des titans ou des géants qui, tombés du ciel, rôdent sur terre (ἐπὶ γἠς καλινδούμενοι).
60 42, 5.
61 17, 7 ; 30, 2 pour les premières, 5, 2 pour les secondes. La liste des qualités qui effraient les démons s’oppose aussi à la classification des démons que propose Évagre le Pontique dans l’Antirrhéticos (voir A. et C. Guillaumont, op. cit., note 7, col. 200-201).
62 82, 13.
63 82, 7, 10, 12. En 52, 2 il est aussi question des tanières d’où sortent les bêtes sauvages lancées par le diable. La représentation des Ariens en mulets (82, 7, 10) rappelle l’onocentaure de 53, 2.
64 Celui-ci parle d’indice (γνώρισμα, 9, 9 ; 37, 1), de discernement (διάκρισις, 38, 5), de preuve (τєκμήριον 43, 1), de sceau (σфραγίς 9, 10). L’idéal est ici celui d’une pensée « réglée » (voir τὴν διάνοιαν ἐστάθμιζєν, 3, 5).
65 26, 3, 4, 6 ; 36, 2 (τάραχος καὶ ἀταξία λογισμών). Comme le note Α. de Vogué, une expression presque identique caractérise dans le De mysteriis Aegyptiorum (II, 3) du païen Jamblique la manifestation des démons, op. cit., note 31, p. 64.
66 24, 1 ; 25, 1 ; 31, 1 ; 32, 1 ; 35, 1. Dans sa traduction du texte G.J.M. Bartelink infléchit quelque peu le sens du texte en explicitant les sujets (9, 5 ; 23, 1 ; 24, 3).
67 Voir A. et C. Guillaumont, op. cit., note 7, col. 191-194.
68 5, 1-2.
69 5, 3, 5.
70 τῇ фαντασία... фαίνεται, 6, 1-5.
71 8 ; 9, 2.
72 On trouve en 40, 5 une allusion aux coups fréquents que les démons assènent à Antoine.
73 Pourtant, dans certains cas, l’appartion est le fait du diable : 11, 2 ; 12, 1 ; 24, 4, 7 ; 40, 3-4.
74 L. Gernet a montré que le δαίμων apparaît comme un principe à la fois extérieur et intérieur à l’individu : Recherches sur le développement de la pensée juridique et morale en Grèce, Paris, 1917, p. 318-320. M. Détienne parle d’« un être à la fois intérieur et extérieur », op. cit., note 1, p. 89.
75 On notera, dans les lignes suivantes, le jeu sur les modes verbaux : « Antoine, fouetté et aiguillonné (μαστιζόμενος καὶ κεντούμενος) par eux, sentait dans son corps des douleurs plus terribles encore. Mais, sans trembler (ἀτρέμας) ou plutôt l’âme en éveil (τῇ ψυχη γρήγορων), il restait étendu, [...] l’esprit vigilant (νήφων δὲ τῇ διανοίᾳ) il disait... » (9, 8).
76 39, 6.
77 θopuβєῖν : 13, 1 ; 26, 6 ; κτυπєῖν, κτύπους πoιєῖν : 13, 1 ; 26, 6 ; 28, 10 ; 36, 1, 5.
78 Aristote (Poétique, 62 a 3) tient l’épopée pour supérieure à la tragédie en ce que le texte n’y est pas souligné par les σχήματα de l’acteur. On emprunte la traduction par « figuration gestuelle » à R. Dupont-Roc et J. Lallot, La Poétique, Paris, 1980, ad loc.
79 καὶ ἕκαστον μὲν τούτων ἐκινεῖτο κατὰ τò ἴδιον σχήμα (9, 6).
80 9, 5 ; 23, 3 ; 28, 8.
81 A quatre reprises les mots φαντασία et μєτασχηματίζєσθαι ou σχηματισμός sont rapprochés entre eux : 9, 5 ; 23, 3 ; 28, 8 ; 28, 9.
82 παίζουσιν, ὡς ἐπὶ σκηνῆς, ἀλλάττοντєς τὰς μορфάς.
83 28, 9 (trad. différente chez G.J.M. Bartelink).
84 13, 4 ; 23, 3.
85 Ἒστι δὲ ὅτє καὶ ἀποτυπουντєς ἑαυτοὺς єὶς σχήματα μοναχών (25, 3).
86 55 a 29.
87 Op. cit., note 76, p. 282. Point de vue présent aussi chez Longin : « le poète lui-même (Euripide) a vu les Érynies » (Du Sublime, XV. 2) ; « non seulement Oreste est halluciné, écrit J. Pigeaud dans son commentaire de ce passage, mais le poète a eu les hallucinations d’Oreste. Il est nécessaire qu’il ait vu pour faire voir » (Du Sublime, trad., présentation et notes par J. Pigeaud, Paris, Rivages, 1991), p. 139.
88 Ἐλθόντєς γὰρ, ὁποίους ἄv єὕρωσιν ήμᾶς, τοιούτοι καὶ αὐτoὶ γίνονται πρòς ήμᾶς, καὶ πρòς ἄv єὑρίσκουσιν ὲν ἡμῖν ὲννοίας, οὕτω καὶ αύτοὶ τὰς фαντασίας ἀфομοιοῦσιν (42, 5).
89 42, 6 ; 37. 2.
90 Sur la cohérence de l’acception théâtrale par rapport à l’acception rhétorique du mot voir les explications très fines de R. Dupont-Roc et de J. Lallot, op. cit., p. 282-284.
Auteur
Université Stendhal, Grenoble
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