Des citoyennes mises à distance de l’espace public : normes, représentations et catégorisations
p. 101-121
Texte intégral
« Critical interventions around race did not destroy the women’s movement; it became stronger… It shows us that no matter how misguided feminist thinkers have been in the past, the will to change, the will to create the context for struggle and liberation, remains stronger than the need to hold on to wrong beliefs and assumptions. »
bell hooks, Feminism is for everybody, Londres, Pluto Press, 2000, p. 19.
1Depuis le début des années 2000 – moment qui marque dans l’histoire les attentats du 11 septembre 2001 et conséquemment les nouvelles interventions militaires entre autres états-uniennes au Moyen-Orient – les discours qui ciblent les « musulmanes » comme étant « différentes » (et donc « inassimilables ») ne cessent de se multiplier en Europe et aux États-Unis1. L’instrumentalisation de la cause des femmes à des fins de domination est la principale critique adressée à ces discours2. Leur rhétorique s’inscrit dans une longue histoire3. Elle prétend que l’égalité des sexes est effective dans les pays « occidentaux » mais qu’il faut se mobiliser pour « sauver » les femmes des « autres » pays, surtout (ex-)colonisés. Il s’agit donc de stigmatiser d’un côté le sexisme des « non-Occidentaux » et d’idéaliser de l’autre les sociétés dites « occidentales », tronquant de part et d’autre des paysages pluriels et complexes.
2Ce processus associe aujourd’hui en France musulmans et immigration4. Ainsi, alors que l’ex-président Nicolas Sarkozy dénonçait dans sa campagne en 2007 « ceux qui veulent soumettre leur femme, ceux qui veulent pratiquer la polygamie, l’excision ou le mariage forcé, ceux qui veulent imposer à leurs sœurs la loi des grands frères, ceux qui ne veulent pas que leur femme s’habille comme elle le souhaite », son programme présidentiel ne faisait aucune référence à l’égalité femmes-hommes, comme le constate Sylvie Tissot5. Composée de catégories de l’imaginaire colonial (« polygamie », « mariage forcé », « voile », etc.)6, cette dénonciation traduit ce qui caractérise le « féminisme d’État » (ibid.) en France : la désignation, sans forcément les nommer, car nul besoin d’être explicite sur la population concernée, des « immigrés » originaires des sociétés ex-colonisées, surtout par la France, et leurs descendant.e.s habitant les quartiers populaires.
3La France connaît dans ce cadre une construction idéologique qui a fait des femmes de l’immigration la cible d’un ensemble d’interventions de personnalités médiatiques ou politiques dans un contexte de plus grande visibilité des migrations féminines vers l’Ouest de l’Europe7. Ces interventions isolent l’habit, le mariage ou la sexualité supposée de femmes altérisées, se réclamant en leur faveur, tout en criminalisant leurs hommes « musulmans8 » ou « étrangers9 ». Aussi, un ensemble d’orientations législatives ont été adoptées simultanément dans les années 2000, particulièrement celles contre « le voile » (dans l’espace scolaire), « le mariage forcé » (en France ou depuis les consulats français à l’étranger), mais aussi « la prostitution » (de rue). Elles ont été accompagnées de diverses mobilisations et de nouveaux engagements d’associations et de pouvoirs publics10. Si ces mobilisations sont de nature différente, elles ont les caractéristiques communes suivantes. Premièrement, elles se réclament toutes pro-femmes, et parfois féministes. Deuxièmement, elles se réfèrent à l’immigration. Troisièmement, elles désignent des figures de « victimes » (jeunes femmes « musulmanes » ou « étrangères » vulnérables) qu’il convient de défendre contre des hommes et contre elles-mêmes. Qu’en est-il du contexte d’émergence de ces mouvements et de leurs conséquences pratiques, et quels outils théoriques et méthodologiques emprunter pour les saisir ?
4Sara Farris11 a élaboré un concept fondamental sur l’usage du féminisme contre les minorités en Europe : le fémonationalisme. En étudiant l’appropriation par les discours nationalistes-xénophobes « occidentaux » des idéaux féministes de liberté et d’égalité, cette sociologue, en poste à Londres, a montré que l’analyse de la dimension idéologique de cette appropriation nécessite une critique de ses fondements politico-économiques. Son analyse permet d’articuler les dimensions idéologique et matérielle. Elle démontre à quel point la figure de travailleuse migrante illustre ce processus. En effet, dans le contexte français, l’usage par l’État, par les leaders politiques, mais aussi par une fraction dominante des mouvements sociaux des discours pro-femmes de l’immigration se heurte à la politique du renforcement des contrôles migratoires et de déni des discriminations, de la violence sociale et des limitations juridiques, surtout contre celles et ceux dont la présence est rendue illégale par les politiques migratoires.
5En quoi le lien entre ces trois « grandes » causes anti-« voile », anti-« mariage forcé » et anti-« prostitution » éclaire-t-il le fémonationalisme12 des années 2000 ? Ce processus d’instrumentalisation du féminisme n’est-il pas lisible dans la progressive victimisation-criminalisation des femmes dont les pratiques sont perçues comme anti-féministes et/ou anti-nationales en France ? Quel est le point de vue des femmes désignées comme des « victimes » ?
6Mon objectif, dans cet article, vise à saisir certains éléments de réponse à partir d’une méthode attachée à travailler avec et à partir des paroles et des stratégies des enquêté.e.s. Cette méthode consiste à avoir parlé « de l’intérieur », c’est-à-dire en dehors des discours médiatiques et hégémoniques, avec certaines de ces femmes. Il s’agit de revisiter mes enquêtes antérieures auprès de migrantes (africaines, asiatiques et européennes) qui se prostituent à Paris13 et celles auprès de Marocaines sans-papiers en France14, qui m’ont permis d’assister à l’émergence précitée des trois causes se revendiquant pro-femmes de l’immigration. Cet objectif est doublé d’une perspective décoloniale, qui n’oublie ni la classe, ni le sexe, ni la « race », mais tente de saisir leur imbrication et d’articuler le local-micro-quotidien et le global-structurel-historique.
7C’est l’effet des trois causes précitées particulièrement sur le passage des femmes de l’immigration du statut de « victime », qui a été historiquement assigné à leurs mères, à celui de victime-coupable de transgressions qui m’intéressera ici. Plus encore, c’est la manière dont les structures observées au début des années 2000 se saisissent de ces causes et construisent le soubassement de cette rhétorique victimaire que j’entends mettre en lumière. Une de mes hypothèses principales est d’affirmer que ce processus ouvre la voie à de nouvelles formes de contrôle et de légitimation du racisme. Premièrement, il s’agira de lire le contexte empirique préexistant à l’émergence des trois causes anti-« voile », anti-« prostitution » et anti-« mariage forcé ». Nous verrons qu’elles ne faisaient pas l’objet des préoccupations centrales des femmes concernées ni des associations qui travaillaient avec elles. Deuxièmement, il sera question d’imbriquer ces trois nouvelles causes pour saisir le changement de paradigme des droits à des « faux problèmes », et de « victimes » à « coupables » possiblement punissables.
Avant 2000, contre les effets restrictifs des lois migratoires
Fin des années 1990 : les leçons du terrain
8Les données empiriques de ce travail sont issues de l’observation et d’une série d’entretiens ethnographiques datant du début des années 2000 et réactualisés dans les années 2014-2015. Mes enquêtes auprès de migrantes concernent surtout des femmes parties seules de leur pays d’origine. Elles sont issues de milieux populaires, âgées de 24 à 54 ans et habitent Paris ou sa banlieue proche. Ces enquêtes ont été longues et composées d’observations et d’entretiens recueillis dans des structures féministes, de lutte pour les droits des femmes ou de solidarité avec les immigrés. La population concernée est aussi variée que le type de personnes fréquentant ces structures, allant des usagères aux travailleurs sociaux en passant par les personnes accueillant ces femmes. Ces terrains m’ont permis d’observer les formes d’accueil que des structures associatives réservent aux femmes désignées comme « victimes », ainsi que les formes de réactions de ces femmes. Mon intérêt pour ces problématiques s’est ensuite prolongé au cours des années 2010 par des entretiens avec des femmes devenues d’anciennes sans-papiers et avec leurs filles nées en France et habitant des quartiers populaires à Paris, Lyon ou Montpellier. Enfin, j’ai analysé les écrits produits par un ensemble d’organisations sur la migration, la prostitution, le mariage dit forcé ou les violences envers les femmes.
9Mon travail au sein des structures qui se revendiquent féministes ou de lutte contre les violences envers les femmes a eu lieu dans un contexte d’institutionnalisation et de professionnalisation de ces structures, qui ne seront pas directement nommées dans cet article. Ce processus a créé du « travail social féministe15 ». Il coïncide avec l’importance quantitative des femmes de milieux populaires et d’origine étrangère (ibid.) et de nouvelles formes d’engagement de féministes exilées et hautement qualifiées, surtout des Algériennes (médecins, journalistes, artistes, etc.) arrivées après la décennie sanglante, qui ont parfois été survibilisées en tant que témoins anti-voile, alors qu’elles évoquent aussi les questions d’égalité, de libre circulation et de reconnaissance de leurs diplômes en France16. Leur engagement militant ainsi que leur classe sociale séparent ces exilées des femmes sans-papiers qui travaillent dans les services. Or, les positions des sans-papiers éclairent d’un jour nouveau les effets des limitations légales à l’encontre de l’ensemble des migrantes.
10En effet, de la fin des années 1990 au début des années 2000, mon travail auprès de sans-papiers m’avait permis d’insister, avec d’autres, sur le fait que les migrants sont aussi des migrantes et des travailleuses et cela bien que la science de l’immigration ait initialement oublié les femmes, tout comme les politiques migratoires qui les ont assignées à des secteurs dévalorisés17. Ces politiques sont historiquement sexuées18. Les femmes étrangères n’ont pas été reconnues comme travailleuses, ce qui implique, entre autres, la non-reconnaissance de leur travail comme outil d’accès aux droits en France.
11En effet, alors que la plupart des sans-papiers rencontrées exercent dans les services, notamment domestiques (soins aux personnes âgées, ménage, garde d’enfants), la possession de preuves de travail dans ce domaine ne favorise pas la réception administrative des demandes de régularisation. Aucune sans-papiers n’a pu être régularisée par le travail. Toutes celles qui ont été régularisées ou naturalisées françaises ont pu le faire au titre de conjointe d’un époux français, européen ou en situation de séjour régulier, ou parfois à la suite de l’ancienneté du séjour irrégulier (plus de 10 ans) ou au statut de mère d’un enfant née en France et reconnu par un père français ou en situation régulière. Ce mode d’accès aux droits est présent aussi bien chez des femmes qui se prostituent (et se marient parfois à d’anciens clients), que chez celles qui exercent un travail domestique salarié et irrégulier. Il existe aussi chez des exilées anciennement cadres supérieures en Algérie qui n’ont pas été reconnues comme réfugiées. Toutes ces femmes se sentent parfois forcées de se marier à des hommes ayant un statut juridiquement reconnu pour accéder à des droits en France.
12À ce moment, fin 1990, la thématique de la « traite des femmes » commence à émerger par le biais de nouvelles coalitions entre féministes et abolitionnistes de la prostitution19. Or, elle ne s’est pas encore diffusée au sein des arènes nationales ni dans l’ensemble des composantes institutionnalisées du féminisme. Ce dernier ne s’était par ailleurs pas encore paré de l’opposition au voile20. La recherche spécialisée sur l’immigration – et antérieure aux années 2000 – ne se saisissait pas des catégories de « voile », « mariage forcé » ou « traite des femmes », ou utilisait des mots différents, comme foulard dit islamique, au lieu de « voile ». Les publications des années 1990 se penchaient sur le célibat parmi les descendantes de Maghrébins, par rapport aux descendantes de Français21. Certains précisent que la « justice connaît rarement des cas réels de “mariages forcés”22 ». Parallèlement, le féminisme institutionnel accordait une place marginale à la question migratoire. Celle-ci est au fondement des organisations de solidarités avec les immigré.e.s.
Les droits des femmes au sein des organisations de solidarités avec les immigré.e.s
13De la fin des années 1990 au début des années 2000, les organisations de solidarité avec les immigré.e.s dénoncent avec force les effets des lois migratoires sur les violences envers les femmes. L’accès aux droits en tant que migrantes est au centre des préoccupations des acteurs publiquement engagés dans le soutien aux immigré.e.s, comme des préoccupations des femmes sans-papiers rencontrées dans le cadre de mes travaux.
14Ainsi, les organisations qui incluent une commission femmes, comme la Fédération des associations de solidarité avec les travailleur.euse.s immigré.e.s (FASTI), ont assez tôt (1983-1984) revendiqué l’égalité des droits et critiqué son impact sur le travail23. La prise en compte du genre au sein de la FASTI conduit à poser la question de qui fait quoi dans et par la mobilisation, ce qui permet d’interroger les enjeux de pouvoir au sein des associations de solidarité. À partir de la fin des années 1990, des critiques émergent sur les politiques d’asile. Elles connaissent l’implication de premières initiatives essentiellement féministes (à Paris) et montrent que ces politiques sont en théorie neutres du point de vue du sexe, mais produisent des effets particuliers sur les femmes24. Ces engagements s’inscrivent dans un contexte d’études et de luttes contre les discriminations. Ils annonçaient les débuts des rencontres entre féministes et anti-racistes.
15Parallèlement, l’accès aux droits en tant que migrantes est la principale source de violences du point de vue des femmes sans-papiers, notamment celles qui exercent dans les services domestiques et sexuels. Dans cette dernière situation, la prostitution n’est perçue par les migrantes qui l’exercent ni comme une violence à part ni comme un choix libre en dehors du contexte de vie. Ces femmes ne se définissent pas comme prostituées mais échangent des services sexuels contre compensation25. Ainsi, la sexualité est vue par les migrantes comme une « ressource migratoire » car il existe un « continuum d’échange économico-sexuel » qui « va du mariage avec “n’importe qui pourvu qu’il ait des papiers” à la prostitution », ainsi que le disent Florence Lévy et Marylène Lieber26 à propos de Chinoises en France. Les femmes concernées s’engagent pour acquérir des papiers (français) mais ne se mobilisent pas dans des luttes pour ou contre la prostitution, de même que les « musulmanes » rencontrées ne militent pas pour ou contre la religion. Celles qui sont voilées n’accordent pas forcément une signification religieuse à leur foulard. Elles peuvent privilégier des significations esthétiques, de mode, d’âge ou de contexte. Certaines peuvent parfois utiliser l’idée de soumission par la culture, mais à des fins stratégiques, surtout dans les interactions avec des soutiens (militantes ou travailleurs sociaux) qui l’évoquent27, ou pour éviter des polémiques inutiles. Or, elles soulèvent la question du racisme, qu’elles ne se permettent souvent pas de dénoncer publiquement dans les espaces collectifs qu’elles traversent. Les soutiens intervenant en leur faveur peuvent sous-estimer le racisme mais toutefois sans désigner publiquement les « différences culturelles » comme causes appropriées. Leurs critiques n’isolaient pas une pratique vestimentaire, sexuelle ou matrimoniale de femmes pour expliquer les discriminations à leur égard, mais visaient les effets sexistes des lois migratoires qui incitent les femmes à se prostituer (pour avoir des ressources en tant que sans-papiers et sans droits) ou à entrer ou rester dans la conjugalité pour être régularisée.
16Mais les choses changent à partir notamment de 2002-2003. De nouvelles causes ont été soudainement survisibilisées au détriment des anciennes luttes contre les effets de la législation. Ces causes apparaissent plutôt dans une partie des espaces qui s’affichent essentiellement comme féministes que dans les structures anciennement engagées en faveur des immigré.e.s28. Leur émergence se renforce au fur et à mesure que des (nouvelles) organisations se professionnalisent et isolent des catégories de l’imaginaire social (la « traite de femmes ») ou colonial (le « mariage forcé »).
Les années 2000, le changement de paradigme
17À partir de 2002-2003, le « mariage forcé », le « voile » et la « traite de femmes » sont soudainement devenus des objets de luttes nécessaires du point de vue d’un ensemble d’acteurs rendus visibles par les médias, l’édition puis l’État à travers des lois, des discours d’hommes politiques ou des politiques publiques. La « traite » connaît « une explosion de papier29 » au même moment où les médias jouent un rôle décisif dans la fabrique de l’« islamophobie de plume » et des positions anti-voile30, et récupèrent par ailleurs fréquemment la référence au « mariage forcé31 ». Ces constructions idéologiques se ressemblent et s’assemblent sur de nombreux aspects, surtout celui d’exclure par la référence aux droits des femmes.
De la cause des droits aux « faux problèmes »
18Les causes anti-« voile », anti-« mariage forcé » et anti-« prostitution » s’inscrivent dans différentes dynamiques à la fois locales, nationales, transnationales et internationales. Elles sont diversement situées parfois au sein d’une même organisation et sur un même sujet. Par exemple, le Planning familial ne s’est pas « rallié » à « la cause de l’abolition de la prostitution32 » et a traité le mariage forcé différemment en fonction des départements. Le Collectif national pour les droits de femmes s’est rallié aux approches abolitionnistes de la prostitution33 mais n’a pas soutenu la loi du 15 mars 2004 « encadrant, en application du principe de la laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ». Ce collectif refuse par contre de se mobiliser contre les lois d’interdictions du « voile » et d’élargir sa conception dominante (comme signe religieux, « anti-féministe » et « pro-intégriste34 »).
19Les injonctions à ces trois mobilisations se lisent et se contredisent dans les trois espaces nationaux, transnationaux et internationaux. Alors que la lutte contre la « traite de femmes » a d’abord été définie par le droit international35, et que celle contre le « mariage forcé » s’inscrit dans l’espace européen et a été traduite par le Conseil de l’Europe36, la lutte contre le « voile » fut portée d’abord par des individus ou groupes politiques restreints, puis des associations et des féministes avant de devenir l’objet de législations, et cela particulièrement en France.
20Ainsi, les idées circulent dans l’espace transnational, mais les trois objets sont abordés par chaque pays à travers ses propres catégories et ses minorités. Toutefois, si la référence à la laïcité ainsi que la création d’une loi sur « les signes religieux » sont des choix peu adoptés en dehors de la France, les arguments des anti-voile obéissent à des logiques changeantes au sein même du contexte français. Aussi, les valeurs revendiquées « contre » ont connu différentes phases avant de relier laïcité et droits des femmes37. Puis, chaque cause a sa population locale et son statut. Tandis que le « mariage forcé » a été assimilé à « la principale violence exercée à l’encontre des jeunes filles issues de l’immigration38 », désignées aussi par le « voile » – qui serait (donc) aussi « la principale violence » du point de vue de ses opposants –, la lutte contre la traite évoque des « étrangères », et non pas des nationales39.
21Globalement, la diversité des points de vue concerne le « voile », le « mariage forcé » et la « prostitution ». Si certaines féministes isolent la prostitution comme un problème d’oppression des femmes, d’autres la situent dans le cadre de l’échange économico-sexuel40 ou d’un éventuel travail pouvant induire des droits, comme le montrent les deux définitions du Dictionnaire critique du féminisme41. La prostitution est « source de conflits entre féministes42 », de même que le voile les « divise » Mais ce sont les positions qui se revendiquent « contre » et fixent la définition (du « voile43 », comme signe religieux, du « mariage forcé », comme « réalité » connue aussi bien en France que dans les sociétés d’émigration (majoritairement musulmanes), et de la prostitution, comme violence relevant de la « traite de femmes » qui ont été entendues sur la scène publique, médiatique et politique, à partir des années 2002-2003.
22Les trois causes se distinguent donc à la fois entre elles et en fonction du contexte. Leurs acteurs ne partagent pas forcément le même diagnostic du « problème » qu’ils veulent combattre, mais ils conviennent du fait qu’il existe un « problème » auquel l’État doit répondre de manière alerte, et que ce « problème » concerne des migrantes ou des descendantes de migrants, surtout originaires de sociétés ex-colonisées et/ou majoritairement musulmanes. Ces diverses femmes se retrouvent, malgré elles, au centre de luttes qui se construisent sans elles, et deviennent contre elles.
De la « femme victime » aux « femmes coupables »
23Les trois causes pro-femmes et anti-« voile », anti-« mariage forcé » et anti-« prostitution » deviennent assez rapidement évidentes dans le contexte des années 2000, alors que ces catégories ne rendent qu’imparfaitement compte du vécu et de l’image de soi des femmes ainsi qualifiées, fort diverses de par leurs pratiques, leurs significations et leurs positions sociales. D’anciennes sans-papiers que je connaissais dans les années 1990 ont été régularisées ou naturalisées, elles se sont parfois voilées pour des raisons personnelles, comme le deuil, ou le désir de cacher les signes de l’âge. D’autres ont eu des filles nées en France qui ont choisi de porter un foulard ou de se marier jeune, et qui ont été alors confrontées au stéréotype d’oppression par la religion ou par le père ou le frère. L’humour ou le silence caractérisent souvent leur réaction face au décalage entre ce qu’elles vivent (et connaissent) et ce qui se dit sur elles.
24En effet, les trois causes précitées partagent un ensemble de caractéristiques qui contredisent le féminisme et l’anti-racisme. D’abord, la négligence des préoccupations des femmes concernées : l’égalité, la lutte contre les discriminations, l’assignation aux métiers dévalorisés, les conditions socio-économiques et juridiques ainsi que la libre circulation. Puis, la représentation des femmes désignées dans les trois cas comme « victimes » nécessairement aliénées, alors que la base du féminisme est l’auto-émancipation des femmes. Ainsi, ce ne sont pas les supposées « prostituées », « voilées » ou « mariées de force » qui ont été à l’origine des causes qui s’opposent à leurs pratiques (réelles ou supposées). Les acteurs de ces causes assument la négligence des significations subjectives que les femmes concernées peuvent accorder à la pratique en question. En l’occurrence, devrait être désignées comme « traite de femmes » des situations que des femmes vivent comme des « parcours migratoires44 », être considérée comme contrainte une pratique vestimentaire que des femmes disent avoir choisie45 et être jugé comme « “forcé” un mariage “arrangé” quand bien même la jeune [majeure] n’a pas le sentiment de vivre un mariage “forcé”46 ».
25Il est également important de souligner que dans les trois cas les discours « pro-femmes » se référent au thème du danger. Celui-ci est globalement posé face à des valeurs définies comme nationales, par opposition à l’étranger. Il se manifeste à travers l’usage de mots comme fléau, épidémie, menaces ou risques. Par exemple, le voile est très souvent présenté comme « menace » contre une « laïcité en danger ». Le « mariage forcé » est « une épidémie » du point de vue des premières organisations qui ont fondé son émergence en France, comme dans les rapports du Planning familial du département de l’Hérault. Enfin, la « traite des êtres humains » aux fins de prostitution est présentée comme un nouveau « fléau » à combattre pour libérer des femmes victimes de « sévices inhumains47 ». La notion de danger suggère l’existence de pratiques particulièrement oppressives pour les femmes et prétendument connues de tous : il suffit de mentionner un territoire global (le Maghreb, l’Afrique, etc.), anciennement colonisé et « exotisé48 », un registre (l’islam) ou un groupe social (« les musulmans », les frères de « musulmanes », etc.) pour s’y référer sans devoir étudier ou citer des études sérieuses sur les territoires ou les groupes concernés.
26Parallèlement, il existe dans les trois causes des principales références d’acteurs qui constituent ce que Jean-Michel Chaumont49 nomme dans le cas de la « traite », des pseudo-experts dont les voix ont été sans cesse répétées. Jean-Michel Chaumont s’interroge sur les raisons qui amènent ces pseudo-experts à déformer les données sur lesquelles ils prétendent fonder leur propos sur la « traite des femmes ». L’absurdité que cet historien révèle sur les chiffres des personnes soumises à la « traite » en Europe et sur leur âge (mineur) fait écho à l’absurdité des données avancées par les premiers lanceurs d’alerte sur le « mariage forcé » en France. Leurs estimations sont, elles aussi, largement exagérées, infondées puis reprises simplement (surtout au cours de l’année 2003) de manière circulaire d’un texte à l’autre dans divers journaux et dans des organisations militantes. Cette absurdité paraît flagrante lorsqu’on se réfère à l’estimation « 70 000 cas de mariages forcés en France », qui représente le quart du nombre total de mariage en 2003 en France50. Il s’agit d’une estimation initialement annoncée par la présidente du GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles féminines) qui évoque des raisons stratégiques, afin d’éviter les lenteurs connues autour de la lutte « contre l’excision » et faciliter l’obtention des subventions publiques. Elle est ensuite reprise en 2003 par le Haut Conseil à l’Intégration, et cela lui apporte une légitimation institutionnelle qui favorisera sa diffusion comme donnée chiffrée justifiant le choix d’actions publiques au sein de différentes institutions étatiques51. L’estimation largement diffusée dans les médias a été ensuite alimentée par un nombre important d’écrits et de diffusions audiovisuelles au sein d’associations qui se créent ou se renouvellent en devenant expertes dans la lutte contre le « mariage forcé », et cela alors que cette émergence s’accompagne de nouvelles divisions car, que ce soit sur le nombre de jeunes femmes menacées ou victimes de « mariage forcé » ou leur âge, on se trouve face à des « expertises » complètement irrégulières et imaginaires qui provoquent les résistances de militant.e.s et de femmes concernées au premier degré. Par conséquent, aujourd’hui, des professionnelles se positionnent contre le traitement réservé au « mariage forcé » au sein de leur association. Elles estiment qu’il existe une tendance à augmenter les chiffres de risques de « mariage forcé » (mais aussi d’« excision ») : « Malheureusement, certaines d’entre nous incitent des jeunes à s’inscrire comme victimes afin de favoriser le suivi de leur dossier », nous a indiqué une professionnelle d’une section du Planning familial rencontrée en 201552.
27Enfin, ces trois causes ont été suivies de réponses législatives : la Loi pour la sécurité intérieure (LSI) du 18 mars 2003 qui introduit l’incrimination pour traite des êtres humains dans le Code pénal ; la loi du 15 mars 2004 sur « les signes religieux », qui envisage l’exclusion de l’espace scolaire ; le passage, en 2005, de l’âge minimum légal pour le mariage des jeunes femmes de 15 à 18 ans, afin de « lutter contre les mariages forcés53 ». Il s’agit politiquement de répondre à des problèmes de droits des femmes ou de lutte contre les violences à leur égard. Or, chacune des trois causes a fabriqué « un problème » qui en cache un autre : la légitimité « présentielle » des immigré.e.s (surtout postcoloniaux) et de leurs enfants né.e.s en France54.
28En effet, comme l’écrivait déjà Pierre Bourdieu55 au sujet de la première « affaire des foulards56 » : « En projetant sur cet événement mineur, d’ailleurs aussitôt oublié, le voile des grands principes, liberté, laïcité, libération de la femme, etc., les éternels prétendants au titre de maître à penser ont livré, comme dans un test projectif, leurs prises de position inavouées sur le problème de l’immigration : du fait que la question patente – faut-il ou non accepter à l’école le port du voile dit islamique ? – occulte la question latente – faut-il ou non accepter en France les immigrés d’origine nord-africaine ? –, ils peuvent donner à cette dernière une réponse autrement inavouable. »
29La question latente du « problème de l’immigration » apparaît clairement dans les années 2000. Chaque « problème » (supposé vestimentaire, sexuel ou matrimonial) se réfère à des « grands principes » qui permettent de se prononcer contre la présence de certains groupes (« musulman.e.s », immigré.e.s, prostituées étrangères) quand on ne peut plus le faire contre l’immigration, les « Noirs », les « Maghrébins », ou contre les droits des femmes. Devant les représentants de l’État, les victimes de la « traite » « apparaissent avant tout comme coupables d’infractions de racolage et de séjour irrégulier57 ». Parallèlement, le « mariage forcé » est partout en Europe amalgamé à la catégorie « mariage blanc58. » Certaines initiatrices des actions françaises contre le « mariage forcé » s’étonnent du décalage entre la « bonne » prise en compte de cette lutte par le ministère des Affaires sociales et le ministère délégué à la Parité et à l’Égalité professionnelle et la « logique […] tout autre lorsque, du côté du ministère de l’Intérieur, il s’agit d’examiner les situations liées à la réglementation des étrangers ». L’approche du ministère de l’Intérieur « se concentre sur la notion “d’abus” et de “contournement des lois” ; il est ici question de suspicion et de sanction59 ». Cette suspicion a assez tôt désigné les consulats français à l’étranger, surtout dans les pays majoritairement musulmans qui représentent les principaux territoires de provenance des migrants en France. Il s’agit d’y installer « un dispositif de prévention à travers l’article 74 de la loi qui prévoit qu’en cas de mariage avec un Français, les officiers d’état civil doivent “procéder à l’audition commune des futurs époux”60 ».
30On assiste donc à la construction d’une articulation entre les positions de victimes et de coupables. La « contradiction inhérente au statut de « victime-coupable » est bien visible dans la Loi pour la sécurité intérieure (LSI) du 18 mars 2003 qui […] restaure le délit de racolage passif, puni de 3 500 euros d’amende et de deux mois d’emprisonnement61 ». Cette articulation contradictoire entre « victime » et « coupable » définit les mesures sur le « voile » qui excluent (de l’espace scolaire) tout en se référant aux « grands principes » déjà cités par Bourdieu62. La référence à ces principes rend légitime le rejet de (jeunes) femmes au nom des droits des femmes. Par conséquent, si différentes femmes ont été initialement et ordinairement décrites comme des « victimes » vulnérables, elles apparaissent surtout comme coupables de transgressions de valeurs ou de frontières nationales. Les politiques publiques de lutte contre la « traite des femmes » ont en effet favorisé l’expulsion de sans-papiers qui se prostituent en Europe, alors qu’elles ont affiché l’objectif de protéger ces femmes63. « Qu’elles restent chez elles ! » a par ailleurs été la réponse d’une conférencière qui recommandait au gouvernement de renforcer le contrôle du « mariage forcé » depuis les consulats français, alors que je soulevais le risque de durcir le contrôle des migrations internationales des femmes à situation de classe et de « race » dominées, en rappelant que « le lot classique des femmes est de voir leur mobilité sur-déterminée par l’institution du mariage », comme le précise Jules Falquet64.
31En somme, sous couvert de droits des femmes, un ensemble de pratiques répressives visent l’immigration, en utilisant la croyance en l’aliénation des femmes concernées, ce qui justifie la disqualification de leur parole et leur transformation en objets parlés, qu’il convient de libérer sans elles et malgré elles. Cette croyance se nourrit des positions radicales contre le « voile », le « mariage forcé » et la « prostitution ». Ces positions soulèvent de nombreux paradoxes qui ont fixé les significations de chaque objet. Ainsi, la signification religieuse du « voile » est aujourd’hui reconnue par la loi française qui procède à une fixation du sens religieux musulman, puisque l’histoire des sociétés majoritairement musulmanes n’a jamais élucidé ce point, que ce soit dans la théologie ou dans les pratiques65. Les femmes qualifiées de « victimes » dans les trois cas sont dorénavant assimilées à des « problèmes », qu’il importerait d’éloigner de certains espaces. En se proclamant pro-femmes, il devient possible de punir, exclure ou expulser ces femmes-problèmes, comme le montre l’ancien ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui justifie ainsi l’expulsion de femmes sans-papiers : « Que l’on ne vienne pas m’expliquer que je fais une mauvaise action en raccompagnant chez elle une personne qui se trouve dans un pays qu’elle ne connaît pas, où elle est exploitée par des proxénètes sous la contrainte de la violence ! » (Sénat, 14 novembre 2002)66.
32Si, dans les années 1990, la référence à la « polygamie » comme menace et « problème d’immigration » se limitait à quelques acteurs politiques67, la nouveauté du fémonationalisme anti-« voile », anti-« mariage forcé » et anti-« prostitution » des années 2000 réside dans le fait que les trois objets aient réussi à créer des consensus et à se diffuser auprès de nombreux acteurs féministes, artistes, intellectuels, etc., dans différentes organisations et par des lois et des dispositifs institutionnels. Concluant cette fabrique idéologique et législative, par l’exaltation de l’identité nationale et l’adoption du « Contrat d’accueil et d’intégration » devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2007, le gouvernement de l’époque prétend contrôler le respect par les migrant.e.s de l’égalité des sexes. Peut-être l’une des grandes victoires de cette construction est de parvenir à faire passer certaines femmes de « victimes » à victimes-coupables de transgression des frontières et des valeurs dites nationales.
33Le fémonationalisme contemporain prend particulièrement pour cible un groupe de femmes qu’il délimite en tant que migrantes, descendantes de l’immigration populaire, « musulmanes », ex-colonisées ou originaires des sociétés non européennes de l’Ouest. Sa fixation sur ce groupe de femmes montre probablement son importance politique et économique. Or, elle a servi à criminaliser leurs proches masculins et à rendre le « racisme respectable68 ». Il importe donc de ne pas se restreindre au seul axe du sexe. Le racisme respectable mobilise les droits des femmes mais participe à renouveler les logiques de classe, de « race » et de sexe. Ses liens avec le fémonationalisme nécessitent donc de nouvelles analyses afin de mieux saisir ses enjeux dans le cadre de la mondialisation néolibérale69.
34Ces analyses n’échappent pas à de nombreuses femmes concernées qui choisissent différentes résistances, dont le retrait des mobilisations collectives70. D’autres s’engagent dans la critique de la manière dont de nombreuses actions « contre les discriminations » participent, en réalité, « à reproduire le système discriminatoire71 ». C’est peut-être ce qui causera la courte vie des actions étudiées dans ce texte, due à l’éloignement de leurs premières « victimes », les femmes populaires et racisées elles-mêmes.
Notes de bas de page
1 Voir L. Abu-Lughod, « Do Muslim Women Need Saving? », American Anthropologist, vol. 104, no 3, 2002.
2 Voir C. Delphy, « Une guerre pour les femmes afghanes ? », Nouvelles questions féministes, vol. 21, no 1, 2002, p. 98-109 ; J. Falquet, De gré ou de force. Les femmes dans la mondialisation. Paris, Éditions La Dispute, 2008.
3 Voir G. Spivak, « Can the Subaltern Speak ? », dans C. Nelson et L. Crossberg (dir.), Marxism and the Interpretation of Culture, Champaign, University of Illinois Press, 1988, p. 271-316.
4 Voir N. Guénif-Souilamas (dir.), La République mise à nu par son immigration, Paris, La Fabrique, 2006, 220 p. ; A. Hajjat et M. Mohammed, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », Paris, La Découverte, 2013.
5 S. Tissot, « Bilan d’un féminisme d’État. De Ni putes ni soumises aux lois anti-voile » [en ligne], Plein Droit, 2007. Disponible sur <www.gisti.org/spip.php?article1072>.
6 Les guillemets seront utilisés dans ce texte pour ne pas accréditer l’idée que ces mots sont neutres, connus ou prédéfinis par les groupes désignés.
7 Il s’agit d’une période où les immigrés sont « en majorité des femmes » (Populations et Sociétés, no 502, Les immigrés en France : en majorité des femmes, 2013, p. 1-4).
8 Voir N. Guénif-Souilamas (dir.), La République mise à nu par son immigration, ouvr. cité.
9 Par exemple, Philippe de Villiers sur « le mariage forcé » lors d’une émission de télévision sur TF1, le 12 février 2007, ou dans F. Guillemaut, Stratégies des femmes en migration : pratiques et pensées minoritaires, repenser les marges au centre, thèse de doctorat en sociologie et sciences sociales, Toulouse, Université Toulouse II, 2007.
10 Parmi les structures mobilisées autour du « mariage forcé », certaines sections du Mouvement français du Planning familial, Ni putes ni soumises et le GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles). Le conseil général de la Seine-Saint-Denis et l’Éducation nationale font partie des acteurs publics mobilisés sur le même sujet. Ces acteurs ont aussi fortement participé à la mise en avant du voile comme problème social.
11 Voir S. Farris, « Les fondements politico-économiques du fémonationalisme ». Contretemps, 2013. Traduction de « Femonationalism and the “Reserve” Army of Labor Called Migrant Women », History of the Present, vol. 2, no 2, 2012, p. 184-199.
12 Ibid.
13 Voir N. Moujoud et M. Texeira, « Migration et trafic de femmes », dans M.-É. Handman et J. Mossuz-Lavau, La prostitution à Paris, Paris, La Martinière, 2005, p. 377-395.
14 Voir N. Moujoud, Migrantes, seules et sans droits, au Maroc et en France : dominations imbriquées et résistances individuelles, thèse de doctorat en anthropologie sociale et ethnologie, École des hautes études en sciences sociales, M.-É. Handman (dir.), Paris, 2007.
15 Voir E. Herman, « Idéal féministe et injonction à l’autonomie économique. Le travail social des associations luttant contre les violences conjugales », Pensée plurielle, vol. 26, no 1, 2011, p. 81-92.
16 Voir N. Moujoud, « Métiers domestiques, voile et féminisme. Nouveaux objets, nouvelles ruptures », Hommes & Migrations, vol. 1300, no 6, 2012, p. 84-94.
17 Voir N. Moujoud, Migrantes, seules et sans droits, au Maroc et en France. Dominations imbriquées et résistances individuelles, thèse citée.
18 Voir N. Moujoud et J. Falquet, « Cent ans de sollicitude en France. Domesticité, reproduction sociale, migration et histoire coloniale », Agone, no 43, 2010, p. 169-195.
19 Voir L. Mathieu, « Genèse et logiques des politiques de prostitution en France », Actes de la recherche en sciences sociales, no 198, 2013, p. 4-21.
20 Il faudra attendre 2003-2004 pour que s’impose la supposée évidente relation entre interdiction du voile et défense des droits des femmes (voir D. Pelletier, « L’école, l’Europe, les corps : la laïcité et le voile », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 87, 2005, p. 159-176).
21 Voir H. Flanquart, Croyances et valeurs chez les jeunes Maghrébins, Éditions Complexe, Bruxelles, 2003, p. 16.
22 Voir J. B. Philippe, « Le mariage des Maghrébins ou des personnes d’origine maghrébine », dans H. Fulchiron (dir.), L’étranger en France face et au regard du droit, Paris, La Documentation française, ministère de la Justice, mission de recherche « Droit et Justice », 1999.
23 Voir L. Chevallier, « Quelques éléments d’un parcours historique et politique de la prise en compte du genre au sein de la FASTI », Migrance, 2013, no 42, p. 51.
24 Voir J. Freedman, « Introduire le genre dans le débat sur l’asile politique », Les cahiers du CEDREF, no 12, 2004, p. 61-80.
25 Voir N. Moujoud et M. Texeira, « Migration et trafic de femmes », dans M.-É. Handman et J. Mossuz-Lavau (dir.), La prostitution à Paris, ouvr. cité, p. 377-395.
26 F. Lévy et M. Lieber, 2009, « La sexualité comme ressource migratoire. Les Chinoises du Nord à Paris », Revue française de sociologie, vol. 50, no 4, p. 719-746.
27 Voir F. Ait ben lmadani, « Dynamiques du mépris et tactiques des “faibles” », Sociétés contemporaines, no 70, 2008, p. 71-93.
28 Les organisations de luttes de l’immigration continuent à privilégier les questions du droit des immigré.e.s et de luttes contre les discriminations.
29 L. Mathieu, « Genèse et logiques des politiques de prostitution en France », art. cité, p. 10.
30 A. Hajjat et M. Mohammed, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », ouvr. cité, p. 12.
31 L’émergence du « mariage forcé » comme problème social a surpris d’anciens chercheurs sur la conjugalité en migration, qui ne le rencontraient pas « alors que les média et les associations semblent constater sa recrudescence. » (B. Collet, C. Philippe et E. Santelli, « Émergence de la question du “mariage forcé” dans l’espace public en France » [en ligne], Asylon(s), no 5, septembre 2008, Palestiniens en/hors camps. Disponible sur <www.reseau-terra.eu/article809.html>.)
32 Voir L. Mathieu, « Genèse et logiques des politiques de prostitution en France », art. cité, p. 11.
33 Ibid.
34 Voir A. Hajjat et M. Mohammed, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », ouvr. cité, p. 243.
35 La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (signée à Palerme en 2000) définissent la « traite » comme tout acte de recrutement, de transport, de transfert ou d’hébergement des personnes sous la contrainte et à des fins d’exploitation. » (M. Jaksic, « Figures de la victime de la traite des êtres humains : de la victime idéale à la victime coupable », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 124, 2008, p. 127-146.)
36 Le « mariage forcé » est ici défini comme étant « l’union de deux personnes dont l’une au moins n’a pas donné son libre et plein consentement au mariage. » (R. Mahieu, La dimension de genre dans la politique belge et européenne d’asile et de migration, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, Belgique, 2010.)
37 Voir D. Pelletier, « L’école, l’Europe, les corps : la laïcité et le voile », art. cité, p. 169.
38 Cette formule est tirée du rapport Le MFPF et les mariages forcés, du Planning familial, département de l’Hérault, 2005.
39 Voir F. Guillemaut, Stratégies des femmes en migration : pratiques et pensées minoritaires, repenser les marges au centre, thèse citée.
40 Voir P. Tabet, La grande arnaque. Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’Harmattan, coll. « Bibliothèque du féminisme », 2004.
41 H. Hirata, D. Senotier, F. Laborie et H. Le Doaré (coord.), Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, coll. « Politique d’aujourd’hui », 2000.
42 Voir F. Guillemaut, Stratégies des femmes en migration : pratiques et pensées minoritaires, repenser les marges au centre, thèse citée, p. 147.
43 Voir F. Gaspard, « Le foulard de la dispute », dans D. Fougeyrollas-Schwebel et E. Varikas (dir.), Cahiers du Genre, numéro hors-série, Féminisme(s). Recompositions et mutations, 2006, p. 75-93.
44 Voir F. Guillemaut, Stratégies des femmes en migration : pratiques et pensées minoritaires, repenser les marges au centre, thèse citée.
45 Z. Ali, Féminismes islamiques, Paris, La Fabrique, 2012.
46 Voir S. Durand, « Politique migratoire et instrumentalisation de la question du genre en contexte post-colonial. Le cas des “mariages forcés” » [en ligne], Asylon(s), no 4, Institutionnalisation de la xénophobie en France, 2008, p. 4. Disponible sur <http://www.reseau-terra.eu/article737.html>.
47 Voir F. Guillemaut, Stratégies des femmes en migration : pratiques et pensées minoritaires, repenser les marges au centre, thèse citée.
48 Je remercie Sophie Louargant pour ses remarques sur ces dernières analyses.
49 J.-M. Chaumont, « Le militant, l’idéologue et le chercheur », Le Débat, vol. 172, no 5, 2012, p. 120-130.
50 S. Durand, « Politique migratoire et instrumentalisation de la question du genre en contexte post-colonial. Le cas des “mariages forcés” », art. cité.
51 Voir B. Collet, C. Philippe et E. Santelli, « Émergence de la question du “mariage forcé” dans l’espace public en France », art. cité.
52 L’échange avec cette professionnelle et avec deux habitantes concernées par les actions de sa structure m’a permis de constater l’apparition de nouveaux conflits entre professionnelles et habitantes du département, qui critiquent l’intérêt pour le « mariage forcé » au détriment des « vraies » préoccupations des habitant.e.s.
53 Il s’agit d’une réforme déjà adoptée par différents pays d’Europe et par le Maroc en 2004.
54 Voir A. Sayad, « “Coûts” et “profits” de l’immigration », Actes de la recherche en sciences sociales, no 61, 1986, p. 79-82.
55 P. Bourdieu, « Un problème peut en cacher un autre », dans Interventions 1961-2001 : science sociale et action politique, Éditions Agone, Marseille, 2002, p. 305.
56 Collègue de Creil, 1989.
57 Voir M. Jaksic, « Devenir victime de la traite. L’épreuve des regards institutionnels », Actes de la recherche en sciences sociales, dossier « La prostituée mise à nue par les institutions », no 198, 2013, p. 37.
58 Voir R. Mahieu, La dimension de genre dans la politique belge et européenne d’asile et de migration, ouvr. cité.
59 Voir G. Petek, « Mariages forcés : de la réglementation à la réalité », Hommes et migrations, no 1248, 2004, p. 32-38.
60 Ibid.
61 Voir M. Jaksic, « Devenir victime de la traite. L’épreuve des regards institutionnels », art. cité, p. 37.
62 P. Bourdieu, « Un problème peut en cacher un autre », art. cité.
63 Voir F. Guillemaut, « Sexe, juju et migrations. Regard anthropologique sur les processus migratoires de femmes africaines en France », Recherches sociologiques et anthropologiques, vol. 39, no 1, 2008, p. 11-26.
64 Cet échange a eu lieu à Paris en novembre 2003 ; voir également J. Falquet, « Lesbiennes migrantes, entre hétéro-circulation et recompositions néolibérales du nationalisme », dans C. Cossée, A. Miranda, N. Ouali et D. Séhili (dir.), Le genre au cœur des migrations, Paris, Petra, coll. « Intersections », 2012, p. 129.
65 Voir B. N. Aboudrar, Comment le voile est devenu musulman, Paris, Flammarion, 2014.
66 <http://www.senat.fr/seances/s200211/s20021114/sc20021114046.html>.
67 Voir D. Lochak, « Polygamie : ne pas se tromper de combat ! », Plein droit, 1997, no 36-37.
68 Voir S. Bouamama, « Les fondements historiques et idéologiques du racisme “respectable” de la “gauche” française », Que faire avril-mai 2012, 2004.
69 Voir J. Falquet, De gré ou de force. Les femmes dans la mondialisation, ouvr. cité.
70 Voir N. Moujoud, « Femmes sans-papiers et exilées dans des mobilisations féministes. Les limites de la solidarité formelle », dans C. Cossée, A. Miranda, N. Ouali et D. Séhili (dir.), Le genre au cœur des migrations, ouvr. cité.
71 Voir F. Ouassak, Discriminations classe, genre, race. Repères pour comprendre et agir contre les discriminations que subissent les femmes issues de l’immigration post-coloniale, Villeneuve-d’Ascq, IFAR, 2015.
Auteur
Université Grenoble Alpes
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