Chapitre VI. Robin des Bois et le frère
p. 217-231
Texte intégral
Introduction
1Robin des Bois et le frère, qui a été publiée avec la pièce Robin des Bois et le potier, est relativement facile à dater et doit sa survie à la décision de William Copland de les publier dans « A Merry Iest of Robin Hood, and of his Life » entre 1548 et 1569. Copland a rassemblé les deux saynètes, que nous choisissons ici de publier comme deux objets différents, et les a présentées comme une seule et unique pièce, probablement identique à celle qu’il a fait entrer dans le Registre des Libraires1 à la date du 30 octobre 1560.
2Quelle que soit la date précise de cette publication, elle se situe durant la deuxième moitié du xvie siècle, soit près d’un siècle avant la ballade Robin des Bois et le frère troussé, dont elle partage bien sûr le scénario mais diverge également sur quelques points. Le dramaturge ayant composé cette pièce avait-il accès à une version plus ancienne de la ballade que celle qui nous est parvenue ? Il semblerait que oui, et c’est pourquoi il n’est pas aisé d’établir une date de composition aussi bien pour Robin des Bois et le frère que pour Robin des Bois et le potier. Le style est, comme le remarquent Dobson et Taylor, assez grossier, et les vers ont été assemblés de façon assez maladroite afin de rimer (1976, p. 209). Copland a vraisemblablement publié ces textes en se basant sur des pièces préexistantes, elles-mêmes inspirées par les poèmes, et ayant été retravaillées en vue d’être éditées. De fait, contrairement à Robin des Bois et le shérif de Nottingham, associé dès le xve siècle à la maison Paston, ces deux pièces représentent un échantillon du genre d’œuvres dramatiques, mettant en scène Robin des Bois, produites sous la dynastie des Tudor lors des fêtes de mai.
3La structure du récit reste identique à celle du Frère troussé : Robin rencontre un joyeux frère, ils se défient, traversent le cours d’eau, se battent ; Robin souffle dans sa corne, le frère siffle et, au final, Robin lui propose de rejoindre le rang de ses joyeux compagnons. L’une des principales différences vient probablement de l’inscription de cette pièce dans la tradition des fêtes de mai, comme le signale non seulement Copland dans son édition (« a new playe for to be played in Maye games very plesaunte and full of pastyme2 »), mais également le dramaturge dans son sous-titre, et, bien sûr, le monologue final de frère Tuck.
4La pièce est également bien plus précise que le poème quant à l’identification du frère. Il est ici très clairement question de frère Tuck, preuve supplémentaire que ce personnage si populaire faisait partie, depuis le Moyen Âge, de la légende de Robin des Bois. De même, l’anticléricalisme de Robin est bien plus marqué que dans le reste de notre corpus et représente parfaitement le rôle de pont entre deux époques joué par ces pièces : la satire du frère mendiant n’est pas sans rappeler la littérature médiévale, en particulier le frère Hubert des Canterbury Tales, que Chaucer nous décrit comme un homme « strong […] as a champioun3 » (General Prologue, v. 239) et grand amateur de femmes ; mais également la satire protestante de la seconde moitié du xvie siècle, où les frères mendiants étaient accablés de tous les vices possibles.
The Play of Robin Hood and the Friar
5Here beginnethe the Playe of Robyn Hoode, verye proper to be played in Maye Games
[Enter Robin Hood and his merry men]
Robyn Hode:
Now stand ye forth my mery men all,
And harke what I shall say;
Of an adventure I shal you tell,
The which befell this other day.
As I went by the hygh way,
With a stoute frere I met,
And a quarter staffe in his hande.
Lyghtely to me he lept,
And styll he bade me stande.
There were strypes two or three,
But I cannot tell who had the worse;
But well I wote the horeson lepte within me,
And fro me he toke my purse.
Is there any of my mery men all
That to that frere wyll go,
And bryng hym to me forth withall,
Whether he wyll or no?
Lytell John:
Yes, mayster, I make God avowe,
To that frere wyll I go,
And bryng him to you,
Whether he wyl or no.
[Exit Robin Hood and his merry men. Enter Friar Tuck with three dogs]
Fryer Tucke:
Deus hic! Deus hic! God be here!
Is not this a holy worde for a frere?
God save all this company!
But am not I a jolly fryer?
For I can shote both farre and nere,
And handle the sworde and buckler,
And this quarter staffe also.
If I mete with a gentylman or yeman,
I am not afrayde to loke hym upon,
Nor boldly with him to carpe;
If he speake any wordes to me,
He shall have strypes two or thre,
That shal make his body smarte.
But, mayster[s], to shew you the matter
Wherfore and why I am come hither,
In fayth I wyl not spare.
I am come to seke a good yeman,
In Bernisdale men sai is his habitacion.
His name is Robyn Hode,
And if that he be better man than I,
His servaunt wyll I be, and serve him truely;
But if that I be better man than he,
By my truth my knave shall he be,
And lead these dogges all three.
[Enter Robin Hood: he seizes Friar Tuck by the throat]
Robyn Hode:
Yelde the, fryer, in thy long cote.
Fryer Tucke:
I beshrew thy hart, knave, thou hurtest my throt.
Robyn Hode:
I trowe, fryer, thou beginnest to dote:
Who made the so malapert and so bolde
To come into this forest here
Amonge my falowe dere?
[Friar Tuck shakes off Robin Hood]
Fryer Tucke:
Go louse the, ragged knave.
If thou make mani wordes, I wil geve the on the eare,
Though I be but a pooore fryer.
To seke Robyn Hode I am com here,
And to him my hart to breke.
Robyn Hode:
Thou lousy frer, what wouldest thou with hym?
He never loved fryer nor none of freiers kyn.
Fryer Tucke:
Avaunt, ye ragged knave!
Or ye shall have on the skynne.
Robyn Hode:
Of all the men in the morning thou art the worst,
To mete with the I have no lust;
For he that meteth a frere or a fox in the morning,
To spede ell [ill] that day he standeth in jeoperdy.
Therfore I had lever mete with the devil of hell,
Fryer, I tell the as I thinke,
Then mete with a fryer or a fox
In a mornyng, or I drynke.
Fryer Tucke:
Avaunt, thou ragged knave, this is but a mock!
If you make mani words, you shal have a knock.
Robyn Hode:
Harke, frere, what I say here;
Over this water thou shal me bere;
The brydge is borne away.
Fryer Tucke:
To say naye I wyll not;
To let the of thine oth it were great pitie and sin;
But upon a fryers backe and have even in.
[Robin Hood climbs on Friar Tuck’s back]
Robyn Hode:
Nay, have over.
Fryer Tucke:
Now am I, frere, within, and, thou, Robin, without, To lay the here I have no great doubt.
[Friar Tuck throws Robin Hood in the water]
Now art thou, Robyn, without, and I, frere, within, Lye ther, knave; chose whether thou wilte sinke or swym.
Robyn Hode:
Why, thou lowsy frere, what hast thou doon?
Fryer Tucke:
Mary, set a knave over the shone.
Robyn Hode:
Therfore thou abye.
Fryer Tucke:
Why, wylt thou fyght a plucke?
Robyn Hode:
And God send me good lucke.
Fryer Tucke:
Than have a stroke for Fryer Tucke.
[They fight: Robin is losing]
Robyn Hode:
Holde thy hande, frere, and here me speke.
Fryer Tucke:
Saye on, ragged knave,
Me semeth ye begyn to swete.
Robyn Hode:
In this forest I have a hounde,
I wyl not give him for a hundreth pound:
Geve me leve my horne to blowe,
That my hounde may knowe.
Fryer Tucke:
Blowe on, ragged knave, without any doubte,
Untyll bothe thyne eyes starte out.
[Robin Hood blows his horn: enter his merry men]
Fryer Tucke:
Here be a sorte of ragged knaves come in,
Clothed all in Kendale grene,
And to the they take their way nowe.
Robyn Hode:
Peradventure they do so.
Fryer Tucke:
I gave the leve to blowe at thy wyll;
Now give me leve to whistell my fyll.
Robyn Hode:
Whystell, frere, evyl mote thou fare!
Untyl bothe thine eyes starte.
[Friar Tuck whistles: two men enter]
Fryer Tucke:
Now Cut and Bause!
Breng forth the clubbes and staves,
And downe with those ragged knaves.
Robyn Hode:
How sayest thou, frere, wylt thou be my man,
To do me the best servyse thou can?
Thou shalt have both golde and fee.
And also here is a lady free:
[Enter a Lady]
I wyll geve her unto the,
And her chapplayn I the make
To serve her for my sake.
Fryer Tucke:
Here is an huckle duckle,
An inch above the buckle.
She is a trul of trust,
To serve a frier at his lust,
A prycker, a prauncer, a terer of sheses,
A wagger of ballockes when other men slepes.
Go home, ye knaves, and lay crabbes in the fyre,
For my lady and I wil daunce in the myre for veri pure joye.
La pièce de Robin des Bois et le frère
6Ici commence la pièce de Robin des Bois, très digne d’être jouée durant les jeux de mai.
[Robin des Bois et ses joyeux compagnons entrent.]
Robin des Bois. – Avancez donc mes joyeux compagnons et écoutez ce que je vais dire.
Je vais vous parler d’une aventure qui m’est survenue l’autre jour : tandis que j’allais sur la grand-route, je rencontrai un robuste frère portant un assommoir4 à la main.
Il se dirigea prestement vers moi et m’intima de ne plus bouger.
Nous échangeâmes deux ou trois volées de coups, et je ne saurais dire qui frappa le plus durement, mais j’eus bien conscience que le bougre sauta près de moi et s’empara de ma bourse.
L’un de mes joyeux compagnons ira-t-il trouver ce frère et le conduira-t-il devant moi, de gré ou de force ?
Petit Jean. – Oui, maître, je jure devant Dieu d’aller trouver ce frère et de le conduire jusqu’à vous, et ce, de gré ou de force.
[Robin des Bois et ses joyeux compagnons sortent. Frère Tuck entre avec trois chiens.]
Frère Tuck. – Deus hic ! Deus hic5 ! Dieu soit ici ! N’est-ce pas là saintes paroles pour un frère ? Dieu sauve toute cette compagnie ! Mais ne suis-je pas un joyeux frère ? Car je peux tirer à l’arc à toutes distances, manier épée et bocle6, ainsi que cet assommoir. Si d’aventure je rencontrais quelque gentilhomme ou yeoman, je n’aurais aucunement peur de le fixer du regard, ni de lui parler bravement. S’il m’adressait la parole, il recevrait deux ou trois coups cinglants qui lui cuiraient bien le corps.
Mais, messires, je vous décrirai comment et pourquoi je suis venu ici et, par ma foi, je ne vous cacherai rien. Je suis venu ici en quête d’un bon yeoman qui, selon les dires des hommes, aurait fait de Barnesdale sa demeure. Son nom est Robin des Bois, et s’il se révèle être meilleur homme que moi, alors je serai son serviteur et je le servirai loyalement. Mais si je me révèle être meilleur que lui, sur mon honneur, il sera mon laquais et mènera ces trois chiens.
[Robin des Bois entre : il saisit frère Tuck à la gorge.]
Robin des Bois. – Rends-toi, frère, dans ta longue robe7 !
Frère Tuck. – Sois maudit, gredin, tu me fais mal à la gorge !
Robin des Bois. – Il me semble, frère, que tu commences à agir sottement : qui t’a rendu si impudent et effronté pour oser venir ici dans cette forêt, parmi mes daims ?
[Frère Tuck repousse Robin des Bois.]
Frère Tuck. – Va donc te faire épouiller, canaille loqueteuse ! Si tu ajoutes encore un mot, je te frapperai sur l’oreille, bien que je ne sois qu’un pauvre frère. Je suis venu ici pour trouver Robin des Bois et lui révéler mes intentions.
Robin des Bois. – Vilain frère, que lui veux-tu donc ? Il n’a jamais aimé les frères, ni même aucun de leurs semblables8.
Frère Tuck. – Laisse-moi, vilaine canaille ! Ou bien ta peau va souffrir.
Robin des Bois. – Tu es le pire de tous les hommes pouvant être rencontrés le matin : je n’avais nul désir de te trouver, car qui croise un frère ou un renard le matin voit la fortune de la journée compromise. J’aimerais donc mieux rencontrer dès le matin, avant d’avoir bu, un démon de l’enfer, frère, je te le dis en vérité, plutôt qu’un frère ou un renard.
Frère Tuck. – Laisse-moi, vilaine canaille, cesse de te moquer ! Un mot de plus et tu seras châtié.
Robin des Bois. – Écoute, frère, ce que j’ai à te dire : tu vas me porter par-delà ce cours d’eau, le pont a été emporté.
Frère Tuck. – Je ne dirai pas non. Ce serait un pêché fort dommageable de te laisser sur ce juron ; monte sur le dos d’un frère et sois à son niveau9.
[Robin des Bois monte sur le dos de frère Tuck.]
Robin des Bois. – Non, je suis au-dessus.
Frère Tuck. – Me voilà, frère, dans l’eau, et toi, Robin, au-dessus, et je n’ai nul doute qu’il faille t’y poser10.
[Frère Tuck jette Robin des Bois dans l’eau.]
Te voilà désormais, Robin, [dedans], et moi, frère, [dehors]11 : reste là, coquin, et décide s’il te faut couler ou nager.
Robin des Bois. – Eh bien, vilain frère, qu’as-tu fait ?
Frère Tuck. – Marie, j’ai fait marcher un idiot dans tes chaussures.
Robin des Bois. – Tu en paieras donc les conséquences !
Frère Tuck. – Et bien, lutterons-nous au bâton ?
Robin des Bois. – Et que Dieu m’apporte bonne fortune.
Frère Tuck. – Viens alors tâter de frère Tuck.
[Ils se battent : Robin est sur le point de perdre.]
Robin des Bois. – Retiens ta main, frère, et écoute-moi !
Frère Tuck. – Parle donc, vilaine canaille, il me semble que tu commences à suer.
Robin des Bois. – J’ai, dans cette forêt, un chien de meute dont je ne me séparerais pas pour cent livres : accorde-moi de souffler dans ma corne, qu’il puise me reconnaître.
Frère Tuck. – Souffle, vilaine canaille, n’hésite donc pas, souffle à t’en faire sortir les yeux.
[Robin des Bois souffle dans sa corne : ses joyeux compagnons entrent.]
Frère Tuck. – Voilà venir une troupe de vilains gredins, vêtus de vert de Kendale, et ils semblent faire route vers toi.
Robin des Bois. – C’est, ma foi, fort possible.
Frère Tuck. – Je t’ai accordé le droit de souffler à loisir, laisse-moi désormais siffler autant que je le peux.
Robin desBois. – Siffle donc, frère, puisses-tu faire au pire ! Siffle à t’en faire sortir les yeux.
[Frère Tuck siffle : deux hommes entrent.]
Frère Tuck. – Allons, Cut et Bause ! Apportez les gourdins et les assommoirs, et à bas ces vilains gredins.
Robin des Bois. – Que dis-tu, frère, seras-tu mon homme et me serviras-tu aussi bien que possible ? Tu recevras à la fois or et gage. Et voici également une noble dame12 :
[Une dame entre.]
Je te la confie et fais de toi son aumônier, tu la serviras en mon nom.
Frère Tuck. – Voilà une monture13 m’élevant d’un pouce au-dessus de la ceinture. C’est une catin de confiance, prête à assouvir les désirs d’un frère : une perceuse, une chevaucheuse, une déchireuse de draps, une remueuse de testicules quand d’autres hommes dorment. Rentrez donc chez vous, mes gredins, et mettez des pommes sauvages au feu, car moi et ma dame danserons dans la boue dans la plus pure des joies14.
Bibliographie
Source
Copland William (éd.), c. 1560, « A mery geste of Robyn Hoode and of hys lyfe, wyth a new playe for to be played in Maye games very plesaunte and full of pastyme », Londres, Three Cranes Wharf, sigs. H 2v - H 4v, British Library, C.21. C.63.
Autres éditions
Child James Francis (éd.), 1882-1898, English and Scottish Popular Ballads, 5 vol., Boston, Houghton Mifflin & Company, vol. III, p. 127-128.
Dobson Richard Barrie et Taylor John (éd.), 1976, Rymes of Robin Hoode: An Introduction to the English Outlaw, Londres, William Heinemann, p. 208-214.
Greg Walter Wilson (éd.), 1908, « A Play of Robin Hood for May-games from the Edition by William Copland, c. 1560 », dans Collections, vol. I, t. II, Oxford, Malone Society Publications, p. 127-132.
Gutch John Mathew (éd.), 1847, A Lytell Geste of Robin Hode, with other Ancient and Modern Ballads and Songs, 2 vol., Londres, Longman, Brown, Green & Longmans, vol. II, p. 52-57.
Knight Stephen et Ohlgren Thomas H. (éd.), 1997, Robin Hood and Other Outlaw Tales, Kalamazoo (MI), Medieval Institute Publications, en ligne : http://d.lib.rochester.edu/teams/text/robin-hood-and-the-friar-and-robin-hood-and-the-potter [consulté le 12 avril 2017].
Manly John Matthews (éd.), 1897, Specimens of the Pre-Shakespearean Drama, 2 vol., Boston et Londres, Ginn & Company, vol. I, p. 281-285.
Ritson Joseph (éd.), 1795, Robin Hood: A Collection of all the Ancient Poems, Songs, and Ballads, now Extant, Relative to that Celebrated English Outlaw, 2 vol., Londres, T. Egerton, Whitehall, & J. Johnson, St. Pauls-Church-Yard, vol. II, p. 192-198.
White Edward (éd.), c. 1590, « A Merry Iest of Robin Hood, and of his life, With a newe play to be plaied in May-games. Very pleasant and full of pastime », Londres [Oxford, Bodleian Library, Z.3. Art. Seld].
Notes de bas de page
1 Voir, ci-dessus, dans l’introduction, la note 13.
2 « une nouvelle pièce à jouer durant les jeux de mai, très plaisante et pleine de divertissement ».
3 « fort […] comme un champion ».
4 Le texte original utilise le terme « quarter staffe », dont on ne trouve aucune référence en anglais avant 1540-1550. Il désigne un bâton court (environ deux mètres) servant au combat et pouvant être renforcé à une extrémité par un embout en métal, que nous traduisons ici par « assommoir ». Dobson et Taylor remarquent que l’assommoir a ici un intérêt dramatique puisqu’il aide le public à identifier frère Tuck dès son entrée sur scène.
5 Il est intéressant de noter que Chaucer fait dire exactement la même chose à son frère dans The Summoner’s Tale (« “Deus hic!”, quod he, “O Thomas, freend, good day!” », v. 1770). Quelle que soit l’origine de cette expression (il pourrait s’agir d’une corruption d’Ezéchiel, 47, 13, rappelant la maîtrise plus que douteuse du frère, tant chez Chaucer que dans cette pièce), elle accentue sans doute la satire des ordres religieux, populaire aussi bien au Moyen Âge qu’à l’époque élisabéthaine (où la satire était anti-catholique). Mary Blackstone suggère par exemple que le « hic » de frère Tuck pourrait être accompagné d’un hoquet (1981, p. 28).
6 Le bocle est un petit bouclier rond.
7 Il faut voir ici une allusion au froc raccourci porté par frère Tuck. Voir, à ce sujet, la note 1 dans Robin des Bois et le frère troussé.
8 Voilà une nouvelle preuve de l’aversion de Robin des Bois pour les représentants du clergé. Bien que sa foi soit inattaquable, il n’a aucun amour pour les ecclésiastiques : il ordonne par exemple à Petit Jean de frapper et ligoter « ces évêques et ces archevêques » dans Une geste de Robin des Bois (str. 15).
9 Le texte anglais oppose « have even in » (frère Tuck) à « have over » (Robin), ce qui peut signifier plusieurs choses. Le mot even peut signifier « paradis » (heaven), ce qui donnerait à cette phrase le sens de « laisse le paradis entrer en toi » ; mais il peut également faire allusion, dans ce contexte, à l’idée de plan, de niveau et d’horizontalité. En disant à Robin, « have even in », frère Tuck l’encourage à se mettre à son niveau, au sens propre (monter sur son dos), comme au figuré (élévation spirituelle lui permettant de laisser le paradis entrer en lui). La réponse de Robin, « have over », peut, quant à elle, être comprise comme l’ordre de traverser le cours d’eau, mais indique également une notion de hauteur. Robin semble refuser l’allusion du frère et pourrait bien lui répondre qu’il n’est pas à son niveau mais qu’il est, encore une fois au sens propre, comme au figuré, au-dessus de lui.
10 Ce baptême est récurent dans les légendes de Robin des Bois : outre l’épisode avec frère Tuck, Petit Jean jette également Robin à l’eau lors de leur affrontement sur le pont, et Robin baptise ensuite Petit Jean au sein de sa compagnie.
11 Le texte anglais n’alterne pas les termes « within » et « withou » dans cette nouvelle réplique, or, comme le soulignent Dobson et Taylor (1976, p. 212), à moins d’alterner les deux mots, la situation ne change pas : Robin resterait hors de l’eau, et le frère les pieds dedans. Nous modifions donc ici le texte (comme l’indiquent les crochets) mais nous conservons l’ordre original des mots dans le texte anglais.
12 Cette dame est sans doute la Belle Marianne des danses Morris des fêtes de mai, durant lesquelles elle apparaissait toujours en compagnie de frère Tuck.
13 L’expression « huckle duckle » n’a pas de signification exacte et pourrait avoir été conçue pour rimer avec « buckle ». « Huckle » peut néanmoins être soit un os de la hanche, soit une protubérance quelconque, et induit au final un sous-entendu sexuel évident.
14 Dans son édition, J. F. Child choisit d’omettre les dix derniers vers prononcés par frère Tuck sous prétexte qu’ils n’auraient aucun lien avec la tradition liant Robin des Bois et le frère (1882-1898, vol. III, p. 128). Pourtant, l’aspect folklorique et carnavalesque de ce monologue n’est pas si surprenant que cela si l’on s’en tient à la culture médiévale, et surtout si l’on prend en compte que cette pièce était jouée durant les fêtes de mai. Frère Tuck conclut d’ailleurs cette pièce, dont l’auteur nous dit qu’elle est « très digne d’être jouée durant » ces festivités, par une invitation à danser « dans la boue dans la plus pure des joies ». La pièce se terminait ainsi probablement sur une danse Morris, interprétée par tous les personnages.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Arthur, Gauvain et Mériadoc
Récits arthuriens latins du xiiie siècle
Philippe Walter (dir.) Jean-Charles Berthet, Martine Furno, Claudine Marc et al. (trad.)
2007
La Quête du Saint Graal et la mort d'Arthur
Version castillane
Juan Vivas Vincent Serverat et Philippe Walter (trad.)
2006
Histoire d'Arthur et de Merlin
Roman moyen-anglais du xive siècle
Anne Berthelot (éd.) Anne Berthelot (trad.)
2013
La pourpre et la glèbe
Rhétorique des états de la société dans l'Espagne médiévale
Vincent Serverat
1997
Le devin maudit
Merlin, Lailoken, Suibhne — Textes et études
Philippe Walter (dir.) Jean-Charles Berthet, Nathalie Stalmans, Philippe Walter et al. (trad.)
1999
La Chanson de Walther
Waltharii poesis
Sophie Albert, Silvère Menegaldo et Francine Mora (dir.)
2009
Wigalois, le chevalier à la roue
Roman allemand du xiiie siècle de Wirnt de Grafenberg
Wirnt de Grafenberg Claude Lecouteux et Véronique Lévy (trad.)
2001