Chapitre I. Une geste de Robin des Bois
p. 25-133
Texte intégral
Introduction
1Une geste de Robin des Bois est, sans conteste, la pièce maîtresse de toute la série de textes formant la légende du célèbre hors-la-loi de Sherwood. Elle a été si populaire en son temps que, contrairement aux autres œuvres présentées dans cet ouvrage, elle a été réimprimée à de nombreuses reprises aux cours des xve et xvie siècles.
2Il n’est toutefois guère aisé de situer avec précision la date de composition d’Une geste de Robin des Bois étant donné qu’elle n’apparaît que dans des textes imprimés et sur aucun manuscrit. Certaines formes linguistiques sont héritées du moyen anglais, dans lequel étaient chantés les récits à la base de cette geste, et semblent, de fait, indiquer la première moitié du xve siècle comme probable date de composition. John Mathew Gutch proposait en 1847 que le poème puisse être bien plus ancien pour avoir été en circulation du temps de Chaucer, voire avant (Gutch, 1847, vol. I, p. vii). Or, si cette assertion est vraie pour le Conte de Gamelyn, que Chaucer voulait adapter pour ses Canterbury Tales, elle semble quelque peu aventureuse pour Une geste de Robin des Bois. En effet, attribuer ce texte au xive siècle est problématique dans la mesure où cela implique qu’un récit aussi long et aussi populaire puisse traverser les âges, et donc survivre, sans jamais apparaître sur un seul manuscrit, avant d’être finalement imprimé sans qu’un siècle de circulation n’altère son contenu. Il est donc plus probable que le poème ait été conçu peu de temps avant de commencer à être édité : nous suivons donc la datation de James C. Holt (1995, p. 30) et proposons 1450 comme possible date de composition.
3Notre propre édition repose principalement sur la version proposée par Dobson et Taylor (voir ci-dessus), qui a le mérite de présenter un texte composite, basé sur les plus anciennes éditions du poème, à savoir la Lettersnijder (1510-1515) et celle de Wynkyn de Worde (1492-1534). Les fragments constituant l’édition de Richard Pynson sont très imparfaits et restent ceux offrant le plus de variations, tant en termes de graphie que de sens, vis-à-vis des autres versions du texte. Néanmoins, dans la mesure où la Lettersnijder ne contient que la moitié du récit, mais reste probablement la version la plus ancienne du texte, elle a légitimement été utilisée par les éditeurs pour former la base de leur reconstruction. Les éléments manquants proviennent de l’édition de Wynkyn de Worde, mais également, dans certains cas, des autres fragments. Nous encourageons bien sûr le lecteur désireux d’en savoir plus sur la (re)composition du texte d’en consulter le détail dans Rymes of Robyn Hood (Dobson et Taylor, 1976, p. 73-74).
4Ces subtilités prouvent encore l’importance de cette Geste de Robin des Bois dans notre corpus. Ce poème semble en effet, dès la première lecture, bien différent des autres poèmes, ne serait-ce que par sa taille (456 strophes) et sa complexité narrative. Sa division en plusieurs parties, ou fyttes, en fait après tout une formidable tentative d’unification, au sein d’un même récit, de plusieurs histoires issues de récits différents que le poète a ici tenté d’harmoniser. Cette Geste associe ainsi l’histoire de Robin des Bois et du chevalier (parties I, II et IV) avec celle de la confrontation de Robin et du shérif de Nottingham, incluant le célèbre épisode du concours de tir à l’arc (parties III, V et VI), mais également la rencontre entre Robin et le roi (parties VII et VIII), et s’achève même sur une version de la mort du hors-la-loi. De même, certains autres événements ne sont pas sans rappeler les thématiques abordées par les autres textes proposés dans le présent ouvrage (Petit Jean contre le cuisiner évoque Robin des Bois et le potier, le sauvetage du chevalier par les hors-la-loi l’histoire de Robin des Bois et le moine, etc.).
5Bien évidement, une telle synthèse de la légende de Robin des Bois n’a pu se faire sans quelques anicroches, et l’intégration et l’harmonisation des divers récits ne sont pas toujours heureuses : les vêtements ramenés par les chevaliers « de par-delà les mers » (str. 97) sont, par exemple, mentionnés une fois, sans plus de détails, mais n’ont presque plus aucune importance narrative par la suite ; messire Richard devient en cours de route le chevalier anonyme de la première partie (ce qui pousse certains chercheurs à se demander s’il ne s’agissait pas originellement de deux chevaliers issus de deux histoires différentes) ; la mention du tournoi de lutte (str. 135) semble être superflue et provient sans doute d’une autre histoire (peut-être le Conte de Gamelyn), etc. Mais au final, cette Geste de Robin des Bois demeure un texte fondamental nous permettant de voir le plus célèbre hors-la-loi anglais tel qu’il était sans doute perçu au Moyen Âge.
A Gest of Robyn Hode
The First Fytte
¶ 1 Lythe and listin, gentilmen,
That be of frebore blode;
I shall you tel of a gode yeman,
His name was Robyn Hode.
¶ 2 Robyn was a prude outlaw,
Whyles he walked on grounde;
So curteyse an outlawe as he was one
Was never non founde.
¶ 3 Robyn stode in Bernesdale,
And lenyd hym to a tre;
And bi hym stode Litell Johnn,
A gode yeman was he.
¶ 4 And alsoo dyd good Scarlok,
And Much, the myller’s son;
There was non ynche of his bodi,
But it was worth a grome.
¶ 5 Than bespake Lytell Johnn
All unto Robyn Hode:
‘Maister, and ye wolde dyne betyme
It wolde doo you moche gode.’
¶ 6 Than bespake hym gode Robyn:
‘To dyne have I noo lust,
Till that I have som bolde baron,
Or some unketh gest.
¶ 7 Till that I have som bolde baron,
That may pay for the best,
Or som knyght, or some squyer
That dwelleth here bi west.’
¶ 8 A gode maner than had Robyn;
In londe where that he were,
Euery day or he wold dyne
Thre messis wolde he here:
¶ 9 The one in the worship of the Fader,
And another of the Holy Ghost,
The thirde of Our dere Lady
That he loved allther moste.
¶ 10 Robyn loved Our dere Lady;
For dout of dydly synne
Wolde he never do compani harme
That any woman was in.
¶ 11 ‘Maistar,’ than sayde Lytil Johnn,
‘And we our borde shal sprede,
Tell us wheder that we shal go
And what life that we shall lede;
¶ 12 ‘Where we shall take, where whe shall leve,
Where we shall abide behynde,
Where we shall robbe, where we shal reve,
Where we shal bete and bynde.’
¶ 13 ‘Thereof no force,’ than sayde Robyn;
‘We shall do well inowe;
But loke ye do no husbonde harme
That tylleth with his ploughe.
¶ 14 ‘No more ye shall no gode yeman
That walketh by grene wode shawe;
Ne no knyght ne no squyer
That wol be a gode felawe.
¶ 15 ‘These bisshoppes and these archebishoppes,
Ye shall them bete and bynde;
The hye sheriff of Notyingham,
Hym holde ye in your mynde;’
¶ 16 ‘This worde shalbe holde,’ sayde Lytell Johnn,
‘And this lesson we shall lere;
It is fer days; God sende us a gest,
That we were at oure dynere.’
¶ 17 ‘Take thy gode bowe in thy honde,’ sayde Robyn,
‘Late Much wende with the,
And so shal Willyam Scarloke
And no man abyde with me;
¶ 18 ‘And walke up to the Saylis,
And so to Watlinge Strete
And wayte after some unketh gest;
Up chaunce ye may them mete.
¶ 19 ‘Be he erle, or ani baron,
Abbot, or ani knyght,
Bringhe hym to lodge to me;
His dyner shall be dight.’
¶ 20 They wente up to the Saylis,
These yeman all thre;
They loked est, they loked weest,
They myght no man see.
¶ 21 But as they loked in to Bernysdale,
Bi a derne strete,
Then came a knyght ridinghe;
Full sone they gan hym mete.
¶ 22 All dreri was his semblaunce,
And lytell was his pryde;
His one fote in the styrop stode,
That othere wavyd beside.
¶ 23 His hode hanged in his iyn two;
He rode in symple aray;
A soriar man than he was one
Rode never in somer day.
¶ 24 Litell Johnn was full curteyes,
And sette hym on his kne;
‘Welcom be ye, gentyll knyght,
Welcom ar ye to me.
¶ 25 ‘Welcom be thou to grene wode.
Hende knyght and fre;
My maister hath abiden you fastinge
Syr, al these oures thre.’
¶ 26 ‘Who is thy maister?’ sayde the knyght.
Johnn sayde, ‘Robyn Hode’.
‘He is a gode yoman,’ sayde the knyght,
‘Of hym I have herde moche gode.
¶ 27 ‘I graunte,’ he sayde, ‘with you to wende,
My bretherne, all in fere;
My purpos was to have dyned to day
At Blith or Dancastere.’
¶ 28 Furth than went this gentyl knight,
With a carefull chere;
The teris oute of his iyen ran,
And fell downe by his lere.
¶ 29 They brought hym to the lodge dore;
Whan Robyn hym gan see,
Full curtesly dyd of his hode,
And sette hym on his knee.
¶ 30 ‘Welcome, sir knight,’ than sayde Robyn,
‘Welcome art thou to me;
I have abyden you fastinge, sir,
All these ouris thre.’
¶ 31 Than answered the gentyll knight,
With wordes fayre and fre;
‘God the save, goode Robyn,
And all thy fayre meyne.’
¶ 32 They wasshed togeder and wyped bothe,
And sette to theyr dynere;
Brede and wyne they had right ynough,
And noumbles of the dere.
¶ 33 Swannes and fesauntes they had full gode,
And foules of the ryvere;
There fayled none so litell a birde
That ever was bred on bryre.
¶ 34 ‘Do gladly, sir knight,’ sayde Robyn.
‘Gramarcy, sir,’ sayde he;
‘Suche a dinere had I nat
Of all these wekys thre.
¶ 35 ‘If I come ageyne, Robyn,
Here by thys contre,
As gode a dyner I shall the make
As that thou haest made to me.’
¶ 36 ‘Gramarcy, knyght,’ sayde Robyn;
‘My dyner whan that I it have,
I was never so gredy, bi dere worthy God,
My dyner for to crave.
¶ 37 ‘But pay or ye wende,’ sayde Robyn;
‘Me thynketh it is gode ryght;
It was never the maner, by dere worthi God,
A yoman to pay for a knyhht.’
¶ 38 ‘I have nought in my coffers,’ saide the knyght,
‘That I may profer for shame: ’
‘Lytell Johnn, go loke,’ sayde Robyn,
‘Ne let nat for no blame.
¶ 39 ‘Tel me truth,’ than saide Robyn,
‘So God have parte of the: ’
‘I have no more but ten shelynges,’ sayde the knyght,
‘So God have parte of me.’
¶ 40 ‘If thou hast no more,’ sayde Robyn,
‘I woll nat one peny;
And yf thou have nede of any more,
More shall I lend the.
¶ 41 ‘Go now furth, Litell Johnn,
The truth tell thou me;
If there be no more but ten shelinges,
No peny that I se.’
¶ 42 Lytell Johnn sprede downe hys mantell
Full fayre upon the grounde,
And there he fonde in the knyghtes cofer
But even halfe a pounde.
¶ 43 Litell Johnn let it lye full styll,
And went to hys maysteer full lowe;
‘What tidynges, Johnn?’ sayde Robyn;
‘Sir, the knyght is true inowe.’
¶ 44 ‘Fyll of the best wine,’ sayde Robyn,
‘The knyght shall begynne;
Moche wonder thinketh me
Thy clothynge is so thinne.
¶ 45 ‘Tell me one worde,’ sayde Robyn,
‘And counsel shal it be;
I trowe thou warte made a knyght of force,
Or ellys of yemanry.
¶ 46 ‘Or ellys thou hast bene a sori husbande,
And lyved in stroke and stryfe;
An okerer, or ellis a lechoure,’ sayde Robyn,
‘Wyth wronge hast led thy lyfe.’
¶ 47 ‘I am none of those,’ sayde the knyght,
‘By God that made me;
An hundred winter here before
Myn auncetres knyghtes have be.
¶ 48 ‘But oft it hath befal, Robyn,
A man hath be disgrate;
But God that sitteth in heven above,
May amende his state.
¶ 49 ‘Withyn this two yere, Robyne,’ he sayde,
‘My neghbours well it knowe,
Foure hundred pounde of gode money
Ful well than myght I spende.
¶ 50 ‘Nowe have I no gode,’ saide the knyght,
‘God hath shaped such an ende,
But my chyldren and my wyfe,
Tyll God yt may amende.’
¶ 51 ‘In what manner,’ than sayde Robyn,
‘Hast thou lorne thy rychesse?’
‘For my greate foly,’ he sayde,
‘And for my kyndnesse.
¶ 52 ‘I hade a sone, forsoth, Robyn,
That shulde have ben myn ayre;
Whanne he was twenty wynter olde
In felde wolde iust full fayre.
¶ 53 ‘He slewe a knyght of Lancaster,
And a squyer bolde;
For to save hym in his ryght
My godes both sette and solde.
¶ 54 ‘My londes both sette to wedde, Robyn,
Untyll a certayn day,
To a ryche abbot here besyde
Of Seynt Mari Abbey.’
¶ 55 ‘What is the som?’ sayde Robyn;
‘Trouth than tell thou me;’
‘Sir,’ he sayde, ‘foure hundred pounde;
The abbot told it to me.’
¶ 56 ‘Nowe and thou lese thy lond,’ sayde Robyn,
‘What woll fall of the?’
‘Hastely I wol me buske,’ sayd the knyght,
‘Over the salte see,
¶ 57 ‘And se where Criste was quyke and dede,
On the mount of Calvere;
Fare wel, frende, and have gode day,
It may no better be.’
¶ 58 Teris fell out of hys iyen two;
He wolde have gone hys way:
‘Farewel, frende, and have gode day,
I ne have no more to pay.’
¶ 59 ‘Where by thy frendes?’ sayde Robyn:
‘Syr, never on wol me knowe;
While I was ryche ynowe at home
Great boste than wolde they blowe.
¶ 60 ‘And nowe they renne away fro me,
As bestis on a rowe;
They take no more hede of me
Thanne they had me never sawe.’
¶ 61 For ruthe thanne wept Litell Johnn,
Scarlok and Muche in fere;
‘Fyl of the best wyne,’ sayde Robyn,
‘For here is a simple chere.
¶ 62 ‘Hast thou any frende,’ sayde Robyn,
‘Thy borowe that wolde be?’
‘I have none,’ than sayde the knyght,
‘But God that dyed on tree.’
¶ 63 ‘Do away thy iapis,’ than sayde Robyn,
‘Thereof wol I right none;
Wenest thou I wolde have God to borowe,
Peter, Poule, or Johnn?
¶ 64 ‘Nay, by hym that me made,
And shope both sonne and mone,
Fynde me a better borowe,’ sayde Robyn,
‘Or money getest thou none.’
¶ 65 ‘I have none other,’ sayde the knyght,
‘The sothe for to say,
But yf yt be Our dere Lady;
She fayled me never or thys day.’
¶ 66 ‘By dere worthy God,’ sayde Robyn,
‘To seche all Englonde thorowe,
Yet fonde I never to my pay
A moche better borowe.
¶ 67 ‘Come nowe furth, Litell Johnn,
And go to my tresoure,
And bringe me foure hundered pound,
And loke well tolde it be.’
¶ 68 Furth than went Litell Johnn,
And Scarlok went before;
He tolde oute foure hundred pounde
By eight and twenty score.
¶ 69 ‘Is thys well tolde?’ sayde lytell Much;
Johnn sayde, ‘What greveth the?
It is almus to helpe a gentyll knyght
That is fal in poverte.
¶ 70 ‘Master,’ than sayde Lityll Johnn,
‘His clothinge is full thynne;
Ye must gyve the knight a lyveray
To helpe his body therein.
¶ 71 ‘For ye have scarlet and grene, mayster,
And many a riche aray;
There is no marchaunt in mery Englond
So ryche, I dare well say.’
¶ 72 ‘Take hym thre yerdes of every colour,
And loke well mete that it be.’
Lytell Johnn toke none other mesure
But his bowe tree.
¶ 73 And at every handfull that he met
He leped footes three;
‘What devylles drapar,’ sayid litell Muche,
‘Thynkest thou for to be?’
¶ 74 Scarlok stode full stil and loughe,
And sayd, ‘By God Almyght,
Johnn may gyve hym gode mesure,
For it costeth hym but lyght.’
¶ 75 ‘Mayster,’ than said Litell Johnn
To gentill Robyn Hode,
‘Ye must give the knight a hors
To lede home this gode.’
¶ 76 ‘Take hym a gray coursar,’ sayde Robyn,
‘And a saydle newe;
He is Our Ladye’s messangere;
God graunt that he be true.’
¶ 77 ‘And a gode palfray,’ sayde lytell Much,
‘To mayntene hym in his right;’
‘And a peyre of botes,’ sayde Scarlock,
‘For he is a gentyll knight.’
¶ 78 ‘What shal thou gyve hym, Litell John?’ said Robyn;
‘Sir, a peyre of gilt sporis clere,
To pray for all this company;
God bringe hym oute of tene.’
¶ 79 ‘Whan shal mi day be,’ said the knight,
‘Sir, and your wyll be?’
‘This day twelve moneth,’ saide Robyn,
‘Under this grene wode tre.
¶ 80 ‘It were greate shame,’ sayde Robyn,
‘A knight alone to ryde,
Withoute squyre, yoman, or page,
To walke by his syde.
¶ 81 ‘I shall the lende Litell John, my man,
For he shal be thy knave;
In a yeman’s stede he may the stande,
If thou greate nede have.’
The Second Fytte
¶ 82 Now is the knight gone on his way;
This game hym thought full gode;
Whanne he loked on,
He blessyd Robyn Hode.
¶ 83 And whanne he thought on Bernysdale,
On Scarlok, Much, and Johnn,
He blyssyd them for the best company
That ever he in come.
¶ 84 Then spake that gentyll knyght,
To Lytel Johnn gan he saye,
‘To-morowe I must to Yorke toune
To Saynt Mary abbay.
¶ 85 ‘And to the abbot of that place
Foure hondred pounde I must pay;
And but I be there upon this nyght
My londe is lost for ay.’
¶ 86 The abbot sayd to his covent,
There he stode on grounde,
‘This day twelfe moneth came there a knyght,
And borrowed foure hondred pounde.
¶ 87 ‘He borrowed foure hondred pounde,
Upon all his londe fre;
But he come this ylke day
Dysheryte shall he be.’
¶ 88 ‘It is full erely,’ sayd the pryoure,
‘The daye is not yet ferre gone;
I had lever to pay an hondred pounde,
And lay downe anone.
¶ 89 ‘The knyght is ferre beyonde the see,
In Englonde he is ryght,
And suffreth honger and colde
And many a sory nyght.
¶ 90 ‘It were grete pyte,’ sayde the pryoure,
‘So to have his londe;
And ye be so lyght of your consyence,
Ye do to hym moch wronge.’
¶ 91 ‘Thou arte ever in my berde,’ sayd the abbot,
‘By God and Saynt Rycharde;’
With that cam in a fat heded monke,
The heygh selerer.
¶ 92 ‘He is dede or hanged,’ sayde the monke,
‘By God that bought me dere,
And we shall have to spende in this place
Foure hondred pounde by yere.’
¶ 93 The abbot and the hy selerer
Sterte forthe full bolde,
The justyce of Englonde
The abbot there dyde holde.
¶ 94 The hye iustyce and many mo
Had take in to they honde
Holy all the knyghtes det,
To put that knyght to wronge.
¶ 95 They demed the knyght wonder sore,
The abbot and his meyne:
‘But he come this ylke day,
Dysheryte shall he be.’
¶ 96 ‘He wyll not come yet,’ sayde the iustyce,
‘I dare well undertake’.
But in sorowe tyme for them all
The knyght came to the gate.
¶ 97 Than bespake that gentyll knyght
Untyll his meyne:
‘Now put on your symple wedes
That ye brought fro the see.’
¶ 98 They put on their symple wedes
They came to the gates anone;
The Porter was redy hymselfe,
And welcomed them everychone.
¶ 99 ‘Welcome, syr knyght,’ sayd the porter,
‘My lorde to mete is he,
And so is many a gentyll man,
For the love of the.’
¶ 100 The porter swore a full grete othe;
‘By God that made me,
Here be the best coresed hors
That ever yet sawe I me.
¶ 101 ‘Lede them in to the stable,’ he sayd,
‘That eased myght they be’;
‘They shall not come therein’, sayd the knyght,
‘By God that dyed on a tre’.
¶ 102 Lordes were to mete isette
In that abbotes hall;
The knyght went forth and kneled downe
And salued them grete and small.
¶ 103 ‘Do gladly, syr abbot,’ sayd the knyght,
‘I am come to holde my day’.
The fyrst word the abbot spake,
‘Hast thou brought my pay?’
¶ 104 ‘Not one peny’, sayd the knyght,
‘By God that maked me;’
‘Thou art a shrewed dettour,’ sayd the abbot;
‘Syr iustyce, drynke to me.’
¶ 105 ‘What doost thou here,’ sayd the abbot,
‘But thou haddest brought thy pay?’
‘For God,’ than sayd the knyght,
‘To pray of a lenger daye.’
¶ 106 ‘Thy daye is broke,’ sayd the iustyce,
‘Londe getest thou none.’
‘Now, good syr iustyce, be my frende,
And fende me of my fone.’
¶ 107 ‘I am holde with the abbot,’ sayd the iustyce,
‘Both with cloth and fee’:
‘Now, good syr sheryf, be my frende.’
‘Nay, for God,’ sayd he.
¶ 108 ‘Now, good syr abbot, be my frende,
For the curteyse,
And holde my londes in thy honde
Tyll I have made the gree
¶ 109 ‘And I wyll be thy true servaunte
And trewely serve the,
Tyl ye have foure hondred pounde
Of money good and free.’
¶ 110 The abbot sware a full grete othe,
‘By God that dyed on a tree,
Get the londe where thou may,
For thou getest none of me.’
¶ 111 ‘By dere worthy God,’ then sayd the knyght,
‘That all this worlde wrought,
But I have my londe agayne,
Full dere it shall be bought.
¶ 112 ‘God, that was of a mayden borne,
Leve us well to spede.
For it is good to assay a frende
Or that a man have nede.’
¶ 113 The abbot lothely on hym gan loke,
And vylaynesly hym gan call;
‘Out,’ he sayd, ‘thou false knyght,
Spede the out of my hall!’
¶ 114 ‘Thou lyest,’ then sayd the gentyll knyght,
‘Abbot, in thy hal;
False knyght was I never,
By God that made us all.’
¶ 115 Up then stode that gentyll knyght,
To the abbot sayd he,
‘To suffre a knyght to knele so longe,
Thou canst no curteysye.
¶ 116 In ioustes and in tournement
Full ferre than have I be,
And put my selfe as ferre in prees
As ony that ever I se’.
¶ 117 ‘What wyll ye gyve more,’ sayd the iustice,
‘And the knyght shall make a releyse?
And elles I dare safly swere
Ye holde never your londe in pees’.
¶ 118 ‘An hondred pounde,’ sayd the abbot;
The justice sayd, ‘Gyve hym two;
‘Nay, be God,’ sayd the knyght,
‘Yit gete ye it not so.
¶ 119 ‘Though ye wolde gyve a thousand more,
Yet were ye never the nere;
Shall there never be myn heyre
Abbot, iustice, ne frere.’
¶ 120 He stert hym to a borde anone,
Tyll a table rounde,
And there he shoke oute of a bagge
Even four hundred pound.
¶ 121 ‘Have here thi golde, sir abbot,’ saide the knight,
‘Which that thou lentest me;
Had thou ben curtes at my comynge,
Rewarded shuldest thou have be.’
¶ 122 The abbot sat styll, and ete no more,
For all his ryall fare;
He cast his hede on his shulder,
And fast began to stare.
¶ 123 ‘Take me my golde agayne,’ saide the abbot,
‘Sir iustice, that I toke the.’
‘Not a peni,’ said the iustice,
‘Bi God, that dyed on tree.’
¶ 124 ‘Sir abbot, and ye men of lawe,
Now have I holde my daye;
Now shall I have my londe agayne,
For ought that you can saye.’
¶ 125 The knyght stert out of the dore,
Awaye was all his care,
And on he put his good clothynge,
The other he lefte there.
¶ 126 He wente hym forth full mery syngynge,
As men have tolde in tale;
His lady met hym at the gate,
At home in Verysdale.
¶ 127 ‘Welcome, my lorde,’ sayd his lady;
‘Syr, lost is all your good?’
‘Be mery, dame,’ sayd the knyght,
‘And pray for Robyn Hode,
¶ 128 ‘That ever his soule be in blysse:
He holpe me out of tene;
Ne had he his kyndenesse,
Beggers had we bene.
¶ 129 ‘The abbot and I accorded ben,
He is served of his pay;
The god yoman lent it me,
As I cam by the way.’
¶ 130 This knight than dwelled fayre at home,
The sothe for to saye,
Tyll he had gete four hundred pound,
Al redy for to pay.
¶ 131 He purveyed him an hundred bowes,
The strynges well ydyght,
An hundred shefe of arowes gode,
The hedys burneshed full bryght;
¶ 132 And every arowe an elle longe,
With pecok wel idyght,
Worked all with whyte silver;
It was a semely syght.
¶ 133 He purveyed hym an hondreth men,
Well harnessed in that stede,
And hym selfe in that same sete,
And clothed in whyte and rede.
¶ 134 He bare a launsgay in his honde,
And a man ledde his male,
And reden with a lyght songe
Unto Bernysdale.
¶ 135 But as he went at a brydge ther was a wraste-lyng,
And there taryed was he,
And there wall the best yemen
Of all the west countree.
¶ 136 A full fayre game there was up set,
A whyte bulle i up pyght,
A grete courser, with sadle and brydil,
With golde burnyssht full bryght.
¶ 137 A payre of gloves, a rede golde rynge,
A pype of wyne, in fay:
What man that bereth hym best i wys
The pryce shall bere away.
¶ 138 There was yoman in that place,
And best worthy was he,
And for he was ferre and frembde bested,
Slayne he shulde have be.
¶ 139 The knight had ruthe of this yoman,
In place where he stode,
He sayde that yoman shulde have no harme,
For love of Robyn Hode.
¶ 140 The knyght presed in to the place,
An hundreth folowed hym free,
With bowes bent and arowes sharpe,
For to shende that companye.
¶ 141 They shulderd all and made hym rome,
To wete what he wolde say;
He toke the yeman bi the hande,
And gave hym al the play.
¶ 142 He gave hym fyve marke for his wyne,
There it lay on the molde,
And bad it shulde be set a broche,
Drynke who so wolde.
¶ 143 Thus longe taried this gentyll knyght,
Tyll that play was done;
So longe abode Robyn fastinge,
Thre houres after the none.
The Third Fytte
¶ 144 Lyth and lystyn, gentilmen,
All that nowe be here,
Of Litell Johnn, that was the knightes man,
Goode myrth ye shall here.
¶ 145 It was upon a mery day
That yonge men wolde go shete;
Lytell Johnn fet his bowe anone,
And sayde he wolde them mete.
¶ 146 Thre tymes Litell Johnn shet aboute,
And alwey he slet the wande,
The proude sherif of Notingham
By the markes can stande.
¶ 147 The sherif swore a full greate othe,
‘By hym that dyed on a tre,
This man is the best arschere
That ever yet sa we.
¶ 148 ‘Say me nowe, wight yonge man,
What is nowe thy name?
In what countre were thou borne,
And where is thy wonynge wane?’
¶ 149 ‘In Holdernes, sir, I was borne,
I wys al of my dame;
Men cal me Reynolde Grenelef
Whan I am at home.’
¶ 150 ‘Sey me, Reynaud Grenelefe,
Wolde thou dwell with me?
And every yere I woll the gyve
Twenty marke to thy fee.’
¶ 151 ‘I have a maister,’ sayde Litell Johnn,
‘A curteys knight is he;
May ye leve gete of hym,
The better may it be.’
¶ 152 The sherif gate Litell John
Twelve monethes of the knight,
Therefore he gave him right anone
A gode hors and a wight.
¶ 153 Nowe is Litell John the sherifes man,
God lende us well to spede,
But alwey thought Lytell John
To quyte hym wele his mede.
¶ 154 ‘Nowe so God me helpe,’ sayde Litell John,
‘And by my true leutye,
I shall be the worst servaunt to hym
That ever yet had he.’
¶ 155 It fell upon a Wednesday,
The sherif on huntynge was gone,
And Litel John lay in his bed,
And was foriete at home.
¶ 156 Therfore he was fastinge
Til it was past the none.
‘Gode sir stuarde, I pray to the,
Gyve me my dynere,’ saide Litell John.
¶ 157 ‘It is longe for Grenelefe,
Fastinge thus for to be;
Therfor I pray the, sir stuarde,
Mi dyner gif me.’
¶ 158 ‘Shalt thou never ete ne drynke,’ said the stuarde,
‘Tyll my lorde be come to towne.’
‘I make myn avowe to God,’ saide Litell John,
‘I had lever to crake thy crowne.’
¶ 159 The boteler was full uncurteys,
There he stode on flore,
He start to the botery
And shet fast the dore.
¶ 160 Lytell Johnn gave the boteler such a tap
His backe went nere in two;
Tho he lived an hundred ier,
The wors he shuld go.
¶ 161 He sporned the dore with his fote,
It went open wel and fyne,
And therefore he made large lyveray
Bothe of ale and of wyne.
¶ 162 ‘Sith ye wol nat dyne,’ sayde Litell John
‘I shall gyve you to drinke,
And though ye lyve an hundred wynter,
On Lytel Johnn ye shall thinke.’
¶ 163 Litell John ete, and Litel John drank,
The while that he wol be.
The sherife had in his kechyn a coke,
A stoute man and a bolde.
¶ 164 ‘I make myn avowe to God,’ saide the coke,
‘Thou arte a shrewde hynde,
In ani hous for to dwel,
For to aske thus to dyne.’
¶ 165 And there he lent Litell John
Good strokis thre,
‘I make myn avowe to God,’ sayde Lytell John,
‘These strokis lyked well me.
¶ 166 ‘Thou arte a bolde man and hardy,
And so thinketh me;
And or I pas fro this place,
Assayed better shalt thou be.’
¶ 167 Lytell Johnn drew a ful gode sworde,
The coke toke another in hande;
They thought no thynge for to fle,
But stifly for to stande.
¶ 168 There they faught sore togedere
Two myle way and well more,
Myght neyther other harme done,
The mountnaunce of an owre.
¶ 169 ‘I make myn avowe to God,’ sayde Litell Johnn,
‘And by my true lewte,
Thou art one of the best sworde men
That ever yit sa we.
¶ 170 ‘Cowdest thou shote as well in a bowe,
To grene wode thou shuldest with me,
And two times in the yere thy clothinge
Chaunged shulde be;
¶ 171 ‘And every yere of Robyn Hode
Twenty merke to thy fe.’
‘Put up thy swerde,’ saide the coke,
‘And felowes woll we be.’
¶ 172 Thanne he fet to Lytell Johnn
The nowmbles of a do,
Gode brede, and full gode wyne,
They ete and drank theretoo.
¶ 173 And when they had dronkyn well,
Theyre trouthes togeder they plight,
That they wolde be with Robyn
That ylke same nyght.
¶ 174 They dyd them to the tresoure hows,
As fast as they myght gone,
The lokkes, that were of full gode stele
They brake them everichone.
¶ 175 They toke away the silver vessell,
And all that thei might get,
Pecis, masars, ne sponis,
Wolde thei not forget.
¶ 176 Also they toke the gode pens,
Thre hundred pounde and more;
And did them streyte to Robyn Hode,
Under the grene wode hore.
¶ 177 ‘God the save, my dere mayster,
And Criste the save and se!’
And thanne sayde Robyn to Litell Johnn,
‘Welcome myght thou be.
¶ 178 ‘Also be that fayre yeman
Thou bryngest there with the:
What tydynges fro Notyngham?
Lytill Johnn, tell thou me.’
¶ 179 ‘Well the gretith the prounde sheryf,
And sende the here by me
His coke and his silver vessel,
And thre hundred pounde and thre.’
¶ 180 ‘I make myne avowe to God,’ sayde Robyn,
‘And to the Trenyte,
It was never by his gode wyll
This gode is come to me.’
¶ 181 Lytell Johnn there hym bethought
On a shrewde wyle,
Fyve myle in the forest he ran,
Hym happed all his wyll.
¶ 182 Than he met the proude sheref,
Huntynge with houndes and horne,
Lytell Johnn coude of curtesye,
And knelyd hym beforne.
¶ 183 ‘God the save, my dere mayster,
And Criste the save and se!’
‘Raynolde Grenelefe,’ sayde the shryef,
‘Where hast thou nowe be?’
¶ 184 ‘I have be in this forest,
A fayre syght can I se,
It was one of the fayrest syghtes
That ever yet sawe I me.
¶ 185 ‘Yonder I sawe a ryght fayre harte,
His coloure is of grene,
Seven score of dere upon a herde
Be with hym all bydene.
¶ 186 ‘Their tyndes are so sharpe, maister,
Of sexty, and well mo,
That I durst not shote for drede
Lest they wolde me slo.’
¶ 187 ‘I make myn avowe to God,’ sayde the sheryf,
‘That syght wolde I fayne se.’
‘Buske you thyderwarde, mi dere mayster,
Anone, and wende with me.’
¶ 188 The sherif rode, and Litell Johnn
Of fote he was full smerte,
And whane they came before Robyn;
‘Lo, sir, here is the mayster herte! ’
¶ 189 Still stode the proude sherief,
A sory man was he;
‘Wo the worthe, Raynolde Grenelefe,
Thou hast betrayed nowe me.’
¶ 190 ‘I make myn avowe to God,’ sayde Litell Johnn,
‘Mayster, ye be to blame,
I was mysserved of my dynere
Whan I was with you at home.’
¶ 191 Sone he was to souper sette,
And served well with silver white,
And whan the sherif sawe his vessell,
For sorowe he myght nat ete.
¶ 192 ‘Make glad chere,’ sayde Robyn Hode,
‘Sherif, for charite!
And for the love of litill Johnn,
Thy lyfe I graunte to the.’
¶ 193 Whan they had souped well,
The day was al gone;
Robyn commaundyd Litell Johnn
To drawe of his hosen and his shone,
¶ 194 His kirtell, and his cote of pie,
That was fured well and fine,
And toke hym a grene mantel,
To lap his body therein.
¶ 195 Robyn commaundyd his wight yonge men,
Under the grene wood tree,
They shulde lye in that same sute;
That the sherif myght them see.
¶ 196 All nyght lay the proude sherif,
In his breche and in his schert,
No wonder it was, in grene wode,
Though his sydes gan to smerte.
¶ 197 ‘Make glade chere,’ sayde Robyn Hode,
‘Sheref, for charite!
For this is our ordre i wys,
Under the grene wode tree.’
¶ 198 ‘This is harder order,’ sayde the sherief,
‘Than any ankir or frere;
For all the golde in mery Englonde
I wolde nat longe dwell her.’
¶ 199 ‘All this twelve monthes,’ sayde Robin,
‘Thou shalt dwell with me;
I shall the teche, proude sherif,
An outlawe for to be.’
¶ 200 ‘Or I be here another nyght,’ sayde the sherif,
‘Robyn, nowe pray I the,
Smyte of mijn hede rather to-morowe,
And I forgyve it the.
¶ 201 ‘Lat me go,’ than sayde the sherif,
‘For saynte charite!
And I woll be thy best frende
That ever yet had ye.’
¶ 202 ‘Thou shalt swere me an othe,’ sayde Robyn,
‘On my bright bronde,
Shalt thou never awayte me scathe,
By water ne by lande.
¶ 203 ‘And if thou fynde any of my men,
By nyght or day,
Upon thyn othe thou shalt swere,
To helpe them that thou may.’
¶ 204 Nowe hathe the sherif sworne his othe,
And home he began to gone;
He was as full of grene wode
As ever was hepe of stone.
The Fourth Fytte
¶ 205 The sherif dwelled in Notingham;
He was fayne he was agone;
And Robyn and his mery men
Went to wode anone.
¶ 206 ‘Go we to dyner,’ sayde Litell Johnn,
Robyn Hode sayde, ‘Nay;
For I drede Our Lady be wroth with me,
For she sent me nat my pay.
¶ 207 ‘Have no doute, maister,’ sayde Litell Johnn;
‘Yet is nat the sonne at rest;
For I dare say, and savely swere,
The knight is true and truste.’
¶ 208 Take thy bowe in thy hande,’ sayde Robyn,
Late Much wende with the,
And so shal Wyllyam Scarlok,
And no man abyde with me.
¶ 209 ‘And walke up under the Sayles,
And to Watlynge strete,
And wayte after such unketh gest;
Up-chaunce ye may them mete.
¶ 210 Whether he be messengere,
Or a man that myrthes can,
Or yf he be a pore man
Of my good he shall have some.
¶ 211 Forth then stert Lytel Johan,
Half in tray and tene,
And gyrde hym with a full good swerde,
Under a mantel of grene.
¶ 212 They went up to the Sayles,
These yemen all thre;
They loked est, they loked west,
They myght no man se.
¶ 213 But as they loked in Bernysdale,
By the hye waye,
Than were they ware of two blacke monkes,
Eche on a good palferay.
¶ 214 Then bespake Lytell Johan,
To Much he gan say,
‘I dare lay my lyfe to wedde,
That these monkes have brought our pay.
¶ 215 ‘Make glad chere’, sayd Lytell Johan,
‘And frese our bowes of ewe,
And loke your hertes be seker and sad,
Your strynges trusty and trewe.
¶ 216 ‘The monke hath two and fifty men,
And seven somers full stronge;
There rydeth no bysshop in this londe
So ryally, I understond.
¶ 217 ‘Brethern,’ sayd Lytell Johan,
‘Here are no more but we thre;
But we brynge them to dyner,
Our mayster dare we not se.
¶ 218 ‘Bende your bowes,’ sayde Lytell Johan,
‘Make all yon prese to stonde;
The formost monke, his lyfe and his deth
Is closed is in my honde.
¶ 219 ‘Abyde, chorle monke,’ sayd Lytell Johan,
‘No ferther that thou gone;
Yf thou doost, by dere worthy God,
Thy deth is in my honde.
¶ 220 ‘And evyll thryfte on thy hede,’ sayd Lytell Johan,
‘Ryght under thy hattes bonde!
For thou hast made our mayster wroth,
He is fastynge so longe.’
¶ 221 ‘Who is your mayster?’ sayd the monke
Lytell Johan sayd, ‘Robyn Hode’,
‘He is a stronge thefe,’ said the monke,
‘Of hym herd I never good.’
¶ 222 ‘Thou lyest,’ than sayd Lytell Johan,
‘And that shall rewe the;
He is a yeman of the forest,
To dyne he hath bode the.’
¶ 223 Much was redy with a bolte,
Redly and anone,
He set the monke to fore the brest,
To the grounde that he can gone.
¶ 224 Of two and fyfty wyght yonge yemen
There abode not one,
Saf a lytell page and a grome,
To lede the somers with Lytel Johan.
¶ 225 They brought the monke to the lodge dore,
Whether he were loth or lefe,
For to speke with Robyn Hode,
Maugre in theyr tethe.
¶ 226 Robyn dyde adowne his hode,
The monke whan that he se;
The monke was not so curteyse,
His hode then let he be.
¶ 227 ‘He is a chorle, mayster, by dere worthy God, ’
Than sayd Lytell Johan,
‘Thereof no force,’ sayd Robyn,
‘For curteyse can he none.
¶ 228 ‘How many men,’ sayd Robyn,
‘Had this monke, Johan?’
‘Fyfty and two whan that we met,
But many of them be gone.’
¶ 229 ‘Let blowe a horne,’ sayd Robyn,
‘That felaushyp may us knowe.’
Seven score of wyght yemen
Came pryckynge on a rowe.
¶ 230 And everych of them a good mantell
Of scarlet and of raye;
All they came to good Robyn,
To wyte what he wolde say.
¶ 231 They made the monke to wasshe and wype,
And syt at his denere,
Robyn Hode and Lytell Johan
They served him both in fere.
¶ 232 ‘Do gladly, monke,’ sayd Robyn,
‘Gramercy, syr,’ sayd he.
‘Where is your abbay, whan ye are at home,
And who is your avowe?
¶ 233 ‘Saynt Mary abbay,’ sayd the monke,
‘Though I be symple here.’
‘In what offyce?’ sayd Robin:
‘Syr, the hye selerer.’
¶ 234 ‘Ye be the more welcome,’ sayd Robyn,
‘So ever mote I the:
Fyll of the best wyne,’ sayd Robyn,
‘This monke shall drynke to me.
¶ 235 ‘But I have grete mervayle,’ sayd Robyn,
‘Of all this longe day;
I drede Our Lady be wroth with me,
She sent me not my pay.’
¶ 236 ‘Have ne doute, mayster,’ sayd Lytell Johan,
‘Ye have no nede, I saye
This monke it hath brought, I dare well swere,
For he is of her abbay.’
¶ 237 ‘And she was a borowe,’ sayd Robyn,
‘Betwene a knyght and me,
Of a lytell money that I hym lent,
Under the grene wode tree.
¶ 238 And yf thou hast that sylver ibrought,
I pray the let me se;
And I shall helpe the eftsones,
Yf thou have nede to me.’
¶ 239 The monke swore a full grete othe,
With a sory chere,
‘Of the borowehode thou spekest to me
Herde I never ere.’
¶ 240 ‘I make myn avowe to God,’ sayd Robyn,
‘Monke, thou art to blame;
For God is holde a ryghtwys man,
And so is his dame.
¶ 241 ‘Thou toldest with thyn owne tonge,
Thou may not say nay,
How thou arte her servaunt,
And servest her every day.
¶ 242 ‘And thou art made her messengere,
My money for to pay;
Therefore I cun the more thanke
Thou art come at thy day.
¶ 243 ‘What is in your cofers?’ sayd Robyn,
‘Trewe than tell thou me.’
‘Syr,’ he sayd, ‘twenty marke,
Al so mote I the.’
¶ 244 ‘Yf there be no more,’ sayd Robyn,
‘I wyll not one peny;
Yf thou hast myster of ony more,
Syr, more I shall lende to the.
¶ 245 ‘And yf I fynde more,’ sayd Robyn,
‘I wys thou shalte it for gone;
For of thy spendynge sylver, monke,
Thereof wyll I ryght none.
¶ 246 ‘Go nowe forthe, Lytell Johan,
And the trouth tell thou me;
If there be no more but twenty marke,
No peny that I se.’
¶ 247 Lytell Johan spred his mantell downe,
As he had done before,
And he tolde out of the monkes male
Eyght hondred pounde and more.
¶ 248 Lytell Johan let it lye full styll,
And went to his mayster in hast;
‘Syr,’ he sayd, ‘the monke is trewe ynowe,
Our Lady hath doubled your cast.
¶ 249 ‘I make myn avowe to God,’ sayd Robyn,
‘Monke, what tolde I the?
Our Lady is the trewest woman
That ever yet founde I me.
¶ 250 ‘By dere worthy God,’ sayd Robyn,
‘To seche all Englond thorowe,
Yet founde I never to my pay
A moche better borowe.
¶ 251 ‘Fyll of the best wyne, and do hym drynke,’ sayd Robyn,
‘And grete well thy lady hende,
And yf she have nede to Robyn Hode,
A frende she shall hym fynde.
¶ 252 ‘And yf she nedeth ony more sylver,
Come thou agayne to me,
And, by this token she hath me sent,
She shall have such thre.’
¶ 253 The monke was goynge to London ward,
There to holde grete mote,
The knyght that rode so hye on hors,
To brynge hym under fote.
¶ 254 ‘Whether be ye away?’ sayd Robyn
‘Syr, to maners in this londe,
Too reken with our reves,
That have done moche wronge.’
¶ 255 ‘Come now forth, Lytell Johan,
And harken to my tale,
A better yemen I knowe none,
To seke a monkes male.’
¶ 256 ‘How much is in yonder other corser?
The soth must we see.’
‘By Our Lady,’ than sayd the monke,
‘That were no curteysye,
¶ 257 ‘To bydde a man to dyner,
And syth hym bete and bynde, ’
‘It is our olde maner,’ sayd Robyn,
‘To leve but lytell behynde.’
¶ 258 The monke toke the hors with spore,
No lenger wolde he abyde;
‘Aske to drynke,’ than sayd Robyn,
‘Or that ye forther ryde.’
¶ 259 Nay, for God,’ than sayd the monke,
‘Me reweth I cam so nere;
For better chepe I myght have dyned
In Blythe or in Dankestere.’
¶ 260 ‘Grete well your abbot,’ sayd Robyn,
‘And your pryour, I you pray,
And byd hym send me such a monke
To dyner every day.’
¶ 261 Now lete we that monke be styll,
And speke we of that knyght:
Yet he came to holde his day,
Whyle that it was lyght.
¶ 262 He dyed him streyt to Bernysdale,
Under the grene wode tre,
And he founde there Robyn Hode,
And all his merry meyne.
¶ 263 The knyght lyght doune of his good palfray;
Robyn whan he gan see,
So curteysly he dyde adoune his hode,
And set hym on his knee.
¶ 264 ‘God the save, Robyn Hode,
And all this company.’
‘Welcome be thou, gentyll knyght,
And ryght welcome to me.’
¶ 265 Than bespake hym Robyn Hode,
To that knyght so fre:
‘What nede dryveth the to grene wode?
I praye the, syr knyght, tell me.
¶ 266 ‘And welcome be thou, gentyll knyght,
Why hast thou be so longe?’
‘For the abbot and the hye iustyce
Wolde have had my londe.’
¶ 267 ‘Hast thou thy londe a gayne?’ sayd Robyn
‘Treuth than tell thou me.’
‘Ye, for God,’ sayd the knyght,
‘And that thanke I God and the.
¶ 268 ‘But take not a grefe,’ sayd the knyght, that I have be so longe
I came by a wrastelynge,
And there I holpe a pore yeman,
With wronge was put behynde.’
¶ 269 ‘Nay, for God,’ sayd Robyn,
‘Syr knyght, that thanke I the;
What man that helpeth a good yeman,
His frende than wyll I be.’
¶ 270 ‘Have here foure hondred pounde,’ than sayd the knyght,
‘The whiche ye lent to me;
And here is also twenty marke
For your curteysy.’
¶ 271 ‘Nay, for God,’ than sayd Robyn,
‘Thou broke it well for ay;
For Our Lady, by her high selerer,
Hath sent to me my pay.
¶ 272 ‘And yf I toke it i twyse,
A shame it were to me;
But trewely, gentyll knyght,
Welcom arte thou to me.’
¶ 273 Whan Robyn had tolde his tale,
He leugh and had good chere;
‘By my trouthe,’ then sayd the knyght,
Your money is redy here.’
¶ 274 ‘Broke it well,’ sayd Robyn,
‘Thou gentyll knyght so fre;
And welcome be thou, gentyll knyght,
Under my trystell tre.
¶ 275 ‘But what shall these bowes do?’ sayd Robyn,
And these arowes fethered fre?’
‘By God,’ than sayd the knyght,
‘A pore present to the.’
¶ 276 ‘Come now forth, Lytell Johan,
And go to my treasure,
And brynge me there foure hondred pounde;
The monke over tolde it me.
¶ 277 ‘Have here foure hondred pounde,
Thou gentyll knyght and trewe,
And bye hors and harnes good,
And gylte thy spores all newe.
¶ 278 ‘And yf thou fayle ony spendynge,
Com to Robyn Hode,
And by my trouth thou shalt none fayle,
The whyles I have any good.
¶ 279 ‘And broke well thy foure hondred pound,
Whiche I lent to the,
And make thy selfe no more so bare,
By the counsell of me.’
¶ 280 Thus than holpe hym good Robyn,
The knyght all of his care:
God, that syt in heven hye,
Graunte us well to fare.
The Fifth Fytte
¶ 281 Now hath the knight his leve i take,
And wente hym on his way;
Robyn Hode and his mery men
Dwelled styll full many a day.
¶ 282 Lyth and lysten, gentil men,
And herken what I shall say,
How the proud sheryfe of Notyngham,
Dyde crye a full fayre play.
¶ 283 That all the best archers of the north
Sholde come upon a day,
And they that shoteth allther best
The game shall bere a way.
¶ 284 He that shoteth allther best,
Furthest fayre and lowe,
At a pair of fynly buttes,
Under the grene wode shawe,
¶ 285 A ryght good arowe he shall have,
The shaft of sylver whyte,
The hede and the feders of ryche rede golde,
In Englond is none lyke.
¶ 286 This than herde good Robyn,
Under his trystell tre:
‘Make you redy, you wyght yonge men
That shotynge wyll I se.
¶ 287 ‘Buske you, my mery yonge men,
Ye shall go with me;
And I wyll wete the shryves fayth,
Trewe and yf he be.’
¶ 288 Whan they had theyr bowes i bent,
Theyr takles fedred fre,
Seven score of wyght yonge men
Stode by Robyns kne.
¶ 289 Whan they came to Notyngham,
The buttes were fayre and longe;
Many was the bold archere
That shoted with bowes stronge.
¶ 290 ‘There shall but syx shote with me;
The other shal kepe my hede,
And stande with good bowes bent,
That I be not desceyved.’
¶ 291 The fourth outlawe his bowe gan bende.
And that was Robyn Hode,
And that behelde the proud sheryfe,
All by the but he stode.
¶ 292 Thryes Robyn shot about,
And alway he slist the wand,
And so dyde good Gylberte
Wyth the whyte hande.
¶ 293 Lytell Johan and good Scatheloke
Were archers good and fre;
Lytell Much and good Reynolde,
The worste wolde they not be.
¶ 294 Whan they had shot aboute,
These archours fayre and good,
Evermore was the best,
For soth, Robyn Hode.
¶ 295 Hym was delyvered the good arowe,
For best worthy was he;
He toke the yeft so curteysly,
To grene wode wolde he.
¶ 296 They cryed out on Robyn Hode
And grete hornes gan they blowe:
‘Wo worth the, treason!’ sayd Robyn,
‘Full evyl thou art to knowe.
¶ 297 ‘And wo be thou, thou proude sheryf,
Thus gladdynge thy gest;
Other wyse thou behote me
In yonder wylde forest.
¶ 298 ‘But had I the in grene wode,
Under my trystell tre,
Thou sholdest leve me a better wedde
Than thy trewe lewte.’
¶ 299 Full many a bowe there was bent,
And arrowes let they glyde;
Many a kyrtell there was rent,
And hurt many a syde.
¶ 300 The outlawes shot was so stronge
That no man myght them dryve,
And the proud sheryfes men
They fled away full blyve.
¶ 301 Robyn sawe the busshement to broke,
In grene wode he wolde have be;
Many an arowe there was shot
Amonge that company.
¶ 302 Lytell Johan was hurte full sore,
With an arowe in his kne,
That he myght neyther go nor ryde
It was full grete pyte.
¶ 303 ‘Mayster,’ then sayd Lytell Johan,
‘If ever thou lovest me,
And for that ylke lordes love,
That dyed upon a tre,
¶ 304 ‘And for the medes of my servyce,
That I have served the,
Lete never the proude sheryf
Alyve now fynde me;
¶ 305 ‘But take out thy browne swerde,
And smyte all of my hede
And gyve me woundes depe and wyde,
No lyfe on me be lefte.’
¶ 306 ‘I wolde not that,’ sayd Robyn,
‘Johan, that thou were slawe,
For all the golde in mery Englonde,
Though it lay now on a rawe.’
¶ 307 ‘God forbede,’ said Lytell Much,
‘That dyed on a tre,
That thou sholdest, Lytell Johan,
Parte our company.’
¶ 308 Up he toke hym on his backe,
And bare hym well a myle
Many a tyme he layd hym downe,
And shot another whyle.
¶ 309 Then was there a fayre castell,
A lytell within the wode;
Double dyched it was about,
And walled, by the rode.
¶ 310 And there dwelled that gentyll knyght,
Syr Rychard at the Lee,
That Robyn had lent his good,
Under the grene wode tree.
¶ 311 In he toke good Robyn,
And all his company:
‘Welcome be thou, Robyn Hode,
Welcome arte thou to me,
¶ 312 ‘And moche I thanke the of thy confort,
And of thy curteysye,
And of thy grete kyndenesse,
Under the grene wode tre;
¶ 313 ‘I love no man in all this worlde
So much as I do the;
For all the proud sheryf of Notyngham,
Ryght here shalt thou be.
¶ 314 ‘Shyt the gates, and drawe the brydge,
And let no man come in,
And arme you well, and make you redy,
And to the walles ye wynne.
¶ 315 ‘For one thynge, Robyn, I the behote,
I swere by Saynt Quyntyne,
These forty dayes thou wonnest with me,
To soupe, ete, and dyne.’
¶ 316 Bordes were layde, and clothes were spredde,
Redely and anone;
Robyn Hode and his merry men
To mete can they gone.
The Sixth Fytte
¶ 317 Lythe and lysten, gentylmen,
And herkyn to your songe;
Howe the proude shyref of Notyngham
And men of armys stronge,
¶ 318 Full fast cam to the hye shyref,
The contre up to route,
And they besette the knyghtes castell,
The walles all aboute.
¶ 319 The proude shyref loude gan crye,
And sayde, ‘Thou traytour knight,
Thou keepest here the kynges enemys,
Agaynst the lawe and ryght.’
¶ 320 ‘Syr, I wyll avowe that I haue done,
The dedys that here be dyght,
Upon all the landes that I have,
As I am a trewe knyght.
¶ 321 ‘Wende furth, sirs, on your way,
And do no more to me
Tyll ye wyt oure kynges wyll,
What he wyll say to the.’
¶ 322 The shyref thus had his answere,
Without any lesynge;
Furth he yede to London towne,
All for to tel our kinge.
¶ 323 Ther he telde him of that knight,
And eke of Robyn Hode,
And also of the bolde archars,
That were soo noble and gode.
¶ 324 ‘He wyll avowe that he hath done,
To mayntene the outlawes stronge,
He wyll be lorde, and set you at nought,
In all the northe londe.’
¶ 325 ‘I wil be at Notyngham,’ saide our kynge,
‘Within this fourteenyght,
And take I wyll Robyn Hode,
And so I wyll that knight.
¶ 326 ‘Go nowe home, shyref,’ sayde our kynge,
‘And do as I byd the,
And ordeyn gode archers ynowe,
Of all the wyde contre.’
¶ 327 The shyref had his leve i take,
And went hym on his way;
And Robyn Hode to grene wode
Upon a certen day.
¶ 328 And Lytel John was hole of the arowe
That shot was in his kne,
And dyd hym streyght to Robyn Hode,
Under the grene wode tree.
¶ 329 Robyn Hode walked in the forest
Under the levys grene;
The proude shyref of Notyngham
Thereof he had grete tene.
¶ 330 The shyref there fayled of Robyn Hode,
He myght not have his pray;
Than he awayted this gentyll knyght,
Bothe by nyght and day.
¶ 331 Ever he wayted the gentyll knyght,
Syr Richarde at the Lee,
As he went on haukynge by the ryver-syde,
And lete his haukes flee.
¶ 332 Toke he there this gentyll knight,
With men of armys stronge,
And led hym to Notyngham warde,
Bounde bothe fote and hande.
¶ 333 The sheref sware a full grete othe,
Bi hym that dyed on rode,
He had lever than an hundred pound
That he had Robyn Hode.
¶ 334 This harde the knyghtes wyfe,
A fayr lady and a free;
She set hir on a gode palfrey,
To grene wode anone rode she.
¶ 335 Whanne she cam in the forest,
Under the grene wode tree,
Founde she there Robyn Hode
And al his fayre mene.
¶ 336 ‘God the save, gode Robyn,
And all thy company;
For Our dere Ladyes sake,
A bone graunte thou me.
¶ 337 ‘Late never my wedded lorde
Shamefully slayne be;
He is fast bowne to Notingham warde,
For the love of the.’
¶ 338 Anone than saide goode Robyn,
To that lady so fre,
‘What man hath your lorde take?’
‘The proude shirife,’ than sayd she.
¶ 339 ‘The proude shirife’, than sayd she,
‘For soth as I the say;
He is not yet thre myles
Passed on his way.’
¶ 340 Up than sterte gode Robyn
As man that had ben wode:
‘Buske you, my mery men,
For hym that dyed on rode.
¶ 341 ‘And he that this sorowe forsaketh,
By hym that dyed on tre,
Shall he never in grene wode
No lenger dwel with me.’
¶ 342 Sone there were gode bowes bent,
Mo than seven score;
Hedge ne dyche spared they none
That was them before.
¶ 343 ‘I make myn avowe to God,’ sayde Robyn,
‘The sherif wolde I fayne see,
And if I may hym take,
I-quyte shall it be.’
¶ 344 And whan they came to Notingham,
They wlaked in the strete;
And with the proude sherif i-wys
Sone can they mete.
¶ 345 ‘Abyde, thou proude sherif,’ he sayde,
‘Abyde, and speke with me;
Of some tidinges of oure kinge
I wolde fayne here of the.
¶ 346 ‘This seven yere, by dere worthy God,
Ne yede I this fast on fote,
I make myn avowe to God, thou proude sherif,
It is nat for thy gode.’
¶ 347 Robyn bent a full goode bowe,
An arrowe he drowe at wyll;
He hit so the proude sherife,
Upon the grounde he lay full still.
¶ 348 And or he myght up aryse,
On his fete to stonde,
He smote of the sherifs hede,
With his bright bronde.
¶ 349 ‘Lye thou there, thou proude sherife,
Evyll mote thou cheve:
There myght no man to the truste
The whyles thou were a lyve.’
¶ 350 His men drewe out theyr bryght swerdes,
That were so sharpe and kene,
And layde on the sheryves men,
And dryved them downe bydene.
¶ 351 Robyn stert to that knyght,
And cut a two his hoode,
And toke hym in his hand a bowe,
And bad hym by hym stonde.
¶ 352 ‘Leve thy hors the behynde,
And lerne for to renne;
Thou shalt with me to grene wode,
Through myre, mosse, and fenne.
¶ 353 ‘Thou shalt with me to grene wode,
Without ony leasynge,
Tyll that I have gete us grace
Of Edwarde, our comly kynge.’
The Seventh Fytte
¶ 354 The kynge came to Notynghame,
With knyghtes in grete araye,
For to take that gentyll knyght
And Robin Hode, and yf he may.
¶ 355 He asked men of that countre
After Robyn Hode,
And after that gentyll knyght,
That was so bolde and stout.
¶ 356 When they had tolde hym the case
Our kynge understonde ther tale,
And seased in his honde
The knyghtes londes all.
¶ 357 All the passe of Lancasshyre
He went both ferre and nere,
Tyll he came to Plomton Parke,
He faylyd many of his dere.
¶ 358 There our kynge was wont to se
Herdes many one,
He coud unneth fynde one dere,
That bare ony good horne.
¶ 359 The kynge was wonder wroth withall,
And swore by the Trynyte,
‘I wolde I had Robyn Hode,
With eyen I myght hym se.
¶ 360 ‘And he that wolde smyte of the knyghtes hede,
And brynge it to me,
He shall have the knyghtes londes,
Syr Richarde at the Le.
¶ 361 ‘I gryve it hym with my charter,
And sele it with my honde,
To have and holde for ever more,
In all mery Englonde.’
¶ 362 Than bespake a fayre olde knyght
That was treue in his fay:
‘A, my leege lorde the kynge,
One worde I shall you say.
¶ 363 ‘There is no man in this countre
May have the knyghtes londes,
Whyle Robyn Hode may ryde or gone,
And bere a bowe in his hondes,
¶ 364 ‘That he ne shall lese his hede,
That is the best ball in his hode,
Give it no man, my lorde the kynge,
That ye wyll any good.’
¶ 365 Half a yere dwelled our comly kynge
In Notyngham, and well more;
Coude he not here of Robyn Hode,
In what countre that he were.
¶ 366 But alway went good Robyn
By halke and eke by hyll,
And alway slewe the kynges dere,
And welt them at his wyll.
¶ 367 Than bespake a proude fostere,
That stode by our kynges kne:
‘Yf ye wyll se good Robyn,
Ye must do after me.
¶ 368 ‘Take fyve of the best knyghtes
That be in your lede,
And walke downe by yon abbay,
And gete you monkes wede.
¶ 369 ‘And I wyll be your ledes-man,
And lede you the way,
And or ye come to Notyngham,
Myn hede then dare I lay,
¶ 370 ‘That ye shall mete with good Robyn,
On lyve yf that he be;
Or ye come to Notyngham
With eyen ye shall hym se.’
¶ 371 Full hastly our kynge was dyght,
So were his knyghtes fyve,
Everych of them in monkes wede,
And hasted them thyder blyve.
¶ 372 Our kynge was grete aboue his cole,
A brode hat on his crowne,
Ryght as he were abbot-lyke,
They rode up into the towne.
¶ 373 Styf botes our kynge had on,
Forsoth as I you say;
He rode syngynge to grene wode,
The covent was clothed in graye.
¶ 374 His male hors and his grete somers
Folowed our kynge behynde,
Tyll they came to grene wode,
A myle under the lynde.
¶ 375 There they met with good Robyn,
Stondynge on the waye,
And so dyde many a bolde archere,
For soth as I you say.
¶ 376 Robyn toke the kynges hors,
Hastely in that stede,
And sayd, ‘Syr abbot, by your leve,
A whyle ye must abyde.
¶ 377 ‘We be yemen of this foreste,
Under the grene wode tre;
We lyve by our kynges dere,
Other shyft have not we,
¶ 378 ‘And ye have chyrches and rentes both,
And gold full grete plente,
Gyve us some of your spendynge,
For saynt charyte.’
¶ 379 Than bespake our cumly kynge,
Anone than sayd he,
‘I brought no more to grene wode
But forty pounde with me.
¶ 380 ‘I have layne at Notyngham
This fourtynyght with our kynge,
And spent I have full moche good
On many a grete lordynge.
¶ 381 ‘And I have but forty pounde,
No more than have I me:
But yf I had an hondred pounde,
I wolde vouch it safe on the.’
¶ 382 Robyn toke the forty pounde,
And departed it in two partye;
Halfendell he gave his mery men,
And bad them mery to be.
¶ 383 Full curteysly Robyn gan say,
‘Syr, have this for your spendyng:
We shall mete another day.’
‘Gramercy,’ than sayd our kynge.
¶ 384 ‘But well the greteth Edwarde, our kynge,
And sent to the his seale,
And byddeth the com to Notyngham,
Both to mete and mele.’
¶ 385 He toke out the brode targe,
And sone he lete hym se;
Robyn coud his courteysy,
And set hym on his kne.
¶ 386 ‘I love no man in all the worlde
So well as I do my kynge;
Welcome is my lordes seale;
And, monke, for thy tydynge.
¶ 387 ‘Syr abbot, for thy tydynges,
To day thou shalt dyne with me,
For the love of my kynge,
Under my trystell tre.’
¶ 388 Forth he lad our comly kynge
Full fayre by the honde;
Many a dere there was slayne,
And full fast dyghtande.
¶ 389 Robyn toke a full grete horne,
And loude he gan blowe;
Seven score of wyght yonge men
Came redy on a rowe.
¶ 390 All they kneled on theyr kne,
Full fayre before Robyn;
The kynge sayd hym selfe untyll,
And swore by Saynt Austyn,
¶ 391 ‘Here is a wonder semely syght
Me thynketh, by Goddes pyne,
His men are more at his byddynge
Then my men be at myn.’
¶ 392 Full hastly was theyr dyner idyght,
And thereto gan they gone;
They served our kynge with al theyr myght,
Both Robyn and Lytell Johan.
¶ 393 Anone before our kynge was set
The fatte venyson,
The good whyte brede, the good rede wyne,
And thereto the fyne ale and browne.
¶ 394 ‘Make good chere,’ sayd Robyn,
‘Abbot, for charyte,
And for this ylke tydynge,
Blyssed mote thou be.
¶ 395 ‘Now shalte thou se what lyfe we lede,
Or thou hens wende;
Than thou may enfourme our kynge,
Whan ye togyder lende.’
¶ 396 Up they sterte all in hast,
Theyr bowes were smartly bent;
Our kynge was never so sore agast,
He wende to have be shent.
¶ 397 Two yerdes there were up set,
Thereto gan they gange;
By fyfty pase, our kynge sayd,
The merkes were to longe.
¶ 398 On every syde a rose garlonde,
They shot under the lyne:
‘Who so fayleth of the rose garlonde,’ sayd Robyn,
‘His takyll he shall tyne,
¶ 399 ‘And yelde it to his mayster,
Be it never so fyne;
For no man wyll I spare,
So drynke I ale or wyne,
¶ 400 ‘And bere a buffet on his hede
I wys ryght all bare’;
And all that fell in Robyns lote
He smote them wonder sare.
¶ 401 Twyse Robyn shot aboute,
And ever he cleved the wande,
And so dyde good Gylberte
With the good Whyte Hande.
¶ 402 Lytell Johan and good Scathelocke,
For nothynge wolde they spare;
When they fayled of the garlonde
Robyn smote them full sore.
¶ 403 At the last shot that Robyn shot,
For all his frendes fare,
Yet he fayled of the garlonde
Thre fyngers and mare.
¶ 404 Then bespake good Gylberte,
And thus he gan say:
‘Mayster’, he sayd, ‘your takyll is lost,
Stande forth and take your pay.’
¶ 405 ‘If it be so’, sayd Robyn,
‘That may no better be,
Syr abbot, I delyver the myn arowe,
I pray the, syr, serve thou me.’
¶ 406 ‘It falleth not for myn ordre,’ sayd our kynge,
‘Robyn, by thy leve,
For to smyte no good yeman,
For doute I sholde hym greve.’
¶ 407 ‘Smyte on boldely,’ sayd Robyn,
‘I give the large leve.’
Anone our kynge, with that worde
He folde up his sleve,
¶ 408 And sych a buffet he gave Robyn,
To grounde he yede full nere:
‘I make myn avowe to God,’ sayd Robyn,
‘Thou arte a stalworthe frere.
¶ 409 ‘There is pith in thyn arme,’ sayd Robyn,
‘I trowe thou canst well shete.’
Thus our kynge and Robyn Hode
Togeder gan they met.
¶ 410 Robyn behelde our comly kynge
Wystly in the face,
So dyde Syr Rycharde at the Le,
And kneled downe in that place.
¶ 411 And so dyde all the wylde outlawes,
Whan they se them knele:
‘My lorde the kynge of Englonde,
Now I knowe you well.’
¶ 412 ‘Mercy then, Robyn’, sayd our kynge,
‘Under your trystyll tre,
Of thy goodnesse and thy grace,
For my men and me!’
¶ 413 ‘Yes, for God,’ sayd Robyn,
‘And also God me save,
I aske mercy, my lorde the kynge,
And for my men I crave.’
¶ 414 ‘Yes, for God,’ than sayd our kynge,
‘And thereto sent I me,
With that thou leve the grene wode,
And all thy company;
¶ 415 ‘And come home, syr, to my courte,
And there dwell with me.’
‘I make myn avowe to God,’ sayd Robyn,
‘And ryght so shall it be.
¶ 416 ‘I wyll come to your courte,
Your servyse for to se,
And brynge with me of my men
Seven score and thre.
¶ 417 ‘But me lyke well your servyse,
I wyll come agayne full soone,
And shote at the donne dere,
As I am wonte to done.’
The Eighth Fytte
¶ 418 ‘Haste thou ony grene cloth,’ sayd our kynge,
‘That thou wylte sell nowe to me?’
‘Ye, for God,’ sayd Robyn,
‘Thyrty yerdes and thre.’
¶ 419 ‘Robyn,’ sayd our kynge,
‘Now pray I the,
Sell me some of that cloth,
To me and my meyne.’
¶ 420 ‘Yes, for God,’ then sayd Robyn,
‘Or elles I were a fole;
Another day ye wyll me clothe,
I trowe, ayenst the Yole.’
¶ 421 The kynge kest of his cole then,
A grene garment he dyde on,
And every knyght had so i wys.
Another had full sone.
¶ 422 Whan they were clothed in Lyncolne grene,
They keste away theyr graye,
‘Now we shall to Notyngham, ’
All thus our kynge gan say.
¶ 423 Their bowes bente and forth they went,
Shotynge all in fere,
Towarde the towne of Notyngham,
Outlawes as they were.
¶ 424 Our kynge and Robyn rode togyder
For soth as I you say,
And they shote plucke buffet,
As they went by the way.
¶ 425 And many a buffet our kynge wan,
Of Robyn Hode that day:
And nothynge spared good Robyn
Our kynge in his pay.
¶ 426 ‘So God me helpe,’ sayd our kynge,
‘Thy game is nought to lere,
I sholde not get a shote of the,
Though I shote all this yere.’
¶ 427 All the people of Notyngham
They stode and behelde,
They sawe nothynge but mantels of grene
That covered all the felde.
¶ 428 Than every man to other gan say,
‘I drede our kynge be slone;
Come Robyn Hode to the towne, i wys,
On lyve he lefte never one.’
¶ 429 Full hastly they began to fle,
Both yemen and knaves,
And olde wyves that myght evyll goo,
They hypped on theyr staves.
¶ 430 The kynge loughe full fast,
And commaunded theym agayne;
When they so our comly kynge,
I wys they were full fayne.
¶ 431 They ete and dranke, and made them glad,
And sange with notes hye,
Than bespake our comly kynge
To Syr Rycharde at the Lee.
¶ 432 He gave hym there his londe agayne,
A good man he bad hym be.
Robyn thanked our comly kynge,
And set hym on his kne.
¶ 433 Had Robyn dwelled in the kynges courte
But twelve monethes and thre,
That he had spent an hondred pounde,
And all his mennes fe.
¶ 434 In every place where Robyn came
Ever more he layde downe,
Both for knyghtes and for squyres,
To gete hym grete renowne.
¶ 435 By than the yere was all agone
He had no man but twayne,
Lytell Johan and good Scathelocke
With hym all for to gone.
¶ 436 Robyn sawe yonge men shote
Full fayre upon a day;
‘Alas!’ than sayd good Robyn,
‘My welthe is went away.
¶ 437 ‘Somtyme I was an archere good,
A styffe and eke a stronge;
I was compted the best archere
That was in mery Englonde.
¶ 438 ‘Alas!’ then sayd good Robyn,
‘Alas and well a woo.
Yf I dwele lenger with the kynge,
Sorowe wyll me sloo.’
¶ 439 Forth than went Robyn Hode
Tyll he came to our kynge:
‘My lorde the kynge of Englonde,
Graunte me myn askynge.
¶ 440 ‘I made a chapell in Bernysdale,
That semely is to se,
It is of Mary Magdaleyne,
And thereto wolde I be.
¶ 441 ‘I myght never in this seven nyght
No tyme to slepe ne wynke,
Nother all these seven dayes
Nother ete ne drynke.
¶ 442 ‘Me longeth sore to Bernysdale,
I may not be therfro;
Barefote and wolwarde I have hyght
Thyder for to go.’
¶ 443 ‘Yf it be so,’ than sayd our kynge,
‘It may no better be,
Seven nyght I gyve the leve,
No lengre, to dwell fro me.’
¶ 444 ‘Grammercy, lorde,’ then sayd Robyn,
And set hym on his kne:
He toke his leve full courteysly,
To grene wode then went he.
¶ 445 Whan he came to grene wode,
In a mery mornynge,
There he herde the notes small
Of byrdes mery syngynge.
¶ 446 ‘It is ferre gone,’ sayd Robyn,
‘That I was last here;
Me lyste a lytell for to shote
At the donne dere.’
¶ 447 Robyn slewe a full grete harte;
His horne than gan he blow,
That all the outlawes of that forest
That horne coud they knowe,
¶ 448 And gadred them togyder,
In a lytell throwe.
Seven score of wyght yonge men
Came redy on a rowe,
¶ 449 And fayre dyde of theyr hodes,
And set them on theyr kne:
‘Welcome,’ they sayd, ‘our mayster,
Under this grene wode tre.’
¶ 450 Robyn dwelled in grene wode
Twenty yere and two;
For all drede of Edwarde our kynge,
Agayne wolde he not goo.
¶ 451 Yet he was begyled, i wys,
Through a wycked woman,
The pryoresse of Kyrkesly,
That nye was of hys kynne,
¶ 452 For the love of a knyght,
Syr Roger of Donkesly,
That was her owne speciall:
Full evyll mote they the!
¶ 453 They toke togyder theyr counsell
Robyn Hode for to sle,
And how they myght best do that dede,
His banis for to be.
¶ 454 Than bespake good Robyn,
In place where as he stode,
‘To-morow I muste to Kyrkesly,
Craftely to be leten blode.’
¶ 455 Syr Roger of Donkestere,
By the pryoresse he lay,
And there they betrayed good Robyn Hode,
Through theyr false playe.
¶ 456 Cryst have mercy on his soule,
That dyed on the rode!
For he was a good outlawe,
And dyde pore men moch god.
Une geste1 de Robin des Bois
Première partie
¶ 1 Écoutez-moi bien, gentilshommes, vous qui avez du sang d’hommes libres. Je vais vous parler d’un bon yeoman, son nom était Robin des Bois.
¶ 2 Robin était un fier hors-la-loi, tandis qu’il marchait parmi nous. Nul ne trouva jamais nulle part un hors-la-loi si courtois.
¶ 3 Robin se tenait à Barnesdale2, appuyé contre un arbre. À ses côtés se trouvait Petit Jean : c’était un bon yeoman.
¶ 4 Il y avait aussi ce bon Écarlate3 et Much, le fils du meunier : il n’était pas plus grand qu’un pouce mais il valait bien un homme.
¶ 5 Alors Petit Jean, s’adressant à Robin des Bois, dit : « Maître, vous devriez manger tôt, cela vous ferait grand bien. »
¶ 6 Puis le bon Robin lui répondit ainsi : « Je n’ai pas envie de manger, pas tant que je n’aurai reçu quelque audacieux baron ou un hôte inconnu4.
¶ 7 Pas tant que je n’aurai reçu quelque audacieux baron, pouvant s’offrir le meilleur, ou quelque chevalier, ou bien écuyer, demeurant ici dans l’Ouest. »
¶ 8 Robin avait alors une bonne habitude. Quel que soit le lieu où il se trouvait, chaque jour avant de dîner il écoutait trois messes :
¶ 9 Une première louant le Père, une autre pour le Saint-Esprit, la troisième pour Notre chère Dame, qu’il aimait plus que tout.
¶ 10 Robin aimait Notre chère Dame. Par crainte de péché mortel, il ne ferait jamais de mal à une compagnie dans laquelle se trouverait une femme.
¶ 11 « Maître, dit alors Petit Jean, si notre table doit grandir, dites-nous dans quelle direction aller et quelle vie nous devons mener ;
¶ 12 Dites-nous où nous prendrons, où nous laisserons, où nous demeurerons ; dites-nous où nous volerons, où nous détrousserons, où nous frapperons et attacherons.
¶ 13 – Nul besoin de cela, dit alors Robin. Nous y arriverons assez bien ; mais veillez à ne jamais nuire à un petit paysan, qui laboure la terre avec sa charrue.
¶ 14 Vous ne toucherez pas non plus au bon yeoman, marchant dans les fourrés des vertes forêts, ni au chevalier ou à l’écuyer qui se montrera bon compagnon.
¶ 15 Vous frapperez et ligoterez ces évêques et ces archevêques, et gardez bien en mémoire le grand shérif de Nottingham.
¶ 16 – Nous retiendrons ces mots, répondit Petit Jean, et nous apprendrons cette leçon. La journée est fort avancée : Dieu, envoie-nous un invité pour que nous puissions dîner !
¶ 17 – Prends ton bon arc en main, dit Robin, et que Much t’accompagne, tout comme William l’Écarlate, et que nul homme ne me tienne compagnie.
¶ 18 Montez jusqu’au Sayles5, et donc à Watlinge Street, et attendez-y un hôte inconnu ; par chance, vous le rencontrerez.
¶ 19 Qu’il soit comte ou bien baron, abbé ou chevalier quelconque, amenez-le afin qu’il loge avec moi : son dîner lui sera servi. »
¶ 20 Les trois yeomen montèrent jusqu’au Sayles : ils regardèrent vers l’est, ils regardèrent vers l’ouest et ne virent aucun homme.
¶ 21 Mais alors qu’ils regardaient vers Barnesdale, arriva à cheval, par une route secrète, un chevalier ; ils allèrent aussitôt à sa rencontre.
¶ 22 Son apparence était bien triste, et sa fierté bien faible ; un de ses pieds était à l’étrier, l’autre pendait à côté.
¶ 23 Sa capuche recouvrait ses deux yeux, il chevauchait vêtu simplement : un homme plus triste que celui-là ne chevaucha jamais un jour d’été.
¶ 24 Petit Jean fut très courtois et se mit à genoux : « Bienvenue à vous, gentil chevalier, vous êtes pour moi le bienvenu.
¶ 25 Vous êtes le bienvenu dans la verte forêt. Noble et gracieux chevalier, mon maître vous a attendu, jeûnant, Seigneur, ces trois dernières heures.
¶ 26 – Qui est ton maître ? demanda le chevalier.
– Robin des Bois, répondit Jean.
– C’est un bon yeoman, dit le chevalier, dont j’ai entendu grand bien.
¶ 27 J’accepte, dit-il, d’aller avec vous, mes frères, tous ensemble. Mon but était de dîner aujourd’hui à Blythe ou à Doncaster. »
¶ 28 Ce noble chevalier avança alors, la mine toujours bien triste : les larmes coulaient de ses yeux et tombaient sur son visage.
¶ 29 Ils le menèrent jusqu’à la porte de leur abri ; quand Robin le vit, il ôta courtoisement sa capuche et se mit à genoux.
¶ 30 « Bienvenue, messire chevalier, dit alors Robin. Je vous souhaite la bienvenue, je vous ai attendu, jeûnant, ces trois dernières heures. »
¶ 31 Le gentil chevalier répondit alors par de nobles et beaux mots : « Dieu vous garde, bon Robin, ainsi que votre belle compagnie. »
¶ 32 Ils se lavèrent ensemble les mains et les séchèrent, puis s’assirent pour dîner : le pain et le vin étaient abondants, tout comme les tripes de cerf.
¶ 33 Ils savourèrent cygnes et faisans et oiseaux de la rivière ; il ne manqua pas le moindre oiseau qui grandit sur une branche.
¶ 34 « Profitez du repas, messire chevalier, dit Robin.
– Un grand merci, messire, dit-il. Je n’avais pas eu pareil dîner ces trois dernières semaines.
¶ 35 Si je reviens, Robin, ici dans cette contrée, je vous ferai un dîner aussi bon que celui que vous m’avez servi.
¶ 36 – Merci beaucoup, chevalier, dit Robin. Je prendrai ce repas, lorsqu’il me sera offert ; je n’ai jamais été assez glouton, par Dieu digne et grand, pour languir de mon dîner.
¶ 37 Mais payez avant de partir, dit Robin. Cela me paraît juste : il n’a jamais été de coutume, par Dieu digne et grand, qu’un yeoman paie pour un chevalier.
¶ 38 – Je n’ai rien dans mes coffres, dit le chevalier, que je puisse, hélas, vous offrir.
– Petit Jean, va vérifier, dit Robin, et ne t’attarde pas.
¶ 39 Dites-moi la vérité, dit alors Robin, que Dieu vous en soit témoin.
– Je n’ai guère plus de dix shillings, dit le chevalier. Que Dieu m’en soit témoin.
¶ 40 – Si vous n’avez pas plus, dit Robin, je ne vous prendrai pas un penny ; et si vous êtes dans le besoin, je vous en prêterai plus encore.
¶ 41 Va donc, Petit Jean, et dis-moi la vérité ; s’il n’y a guère plus de dix shillings, je ne verrai la couleur d’un penny. »
¶ 42 Petit Jean étala son manteau au sol, et là ne trouva dans le coffre du chevalier que la moitié d’une livre6.
¶ 43 Petit Jean ne toucha plus à l’argent et alla vers son maître en s’inclinant. « Quelles nouvelles, Jean ? demanda Robin.
– Messire, le chevalier dit vrai.
¶ 44 – Remplis une coupe du meilleur des vins, dit Robin. Le chevalier va commencer à parler : il est étonnant, je pense, que votre tenue soit si usée.
¶ 45 Dites-moi un mot, dit Robin, et ceci restera entre nous. Je devine que vous avez été fait chevalier de force7, ou bien par conscription8.
¶ 46 Ou bien vous avez été un piètre époux, vivant de luttes et conflits, un usurier, ou bien un rufian, dit Robin, ayant bien mal vécu sa vie.
¶ 47 – Je ne suis rien de tout cela, dit le chevalier. Par Dieu qui me créa, il y a cent hivers mes ancêtres étaient déjà chevaliers.
¶ 48 Mais il est souvent arrivé, Robin, qu’un homme soit déshonoré. Mais Dieu qui siège dans les cieux peut amender son statut.
¶ 49 Ces deux dernières années, Robin, dit-il, et mes voisins le savent bien, je pouvais dépenser aisément quatre cents livres de bon argent.
¶ 50 Dieu a œuvré de façon à ce que je ne possède désormais plus rien, dit le chevalier, hormis mes enfants et ma femme, jusqu’à ce que Dieu me vienne en aide.
¶ 51 – De quelle façon, demanda alors Robin, avez-vous perdu vos richesses ?
– Par ma grande folie, dit-il, et par ma gentillesse.
¶ 52 J’avais un fils, en vérité, Robin, qui aurait dû être mon héritier. Lorsqu’il n’avait que vingt hivers, il voulut jouter galamment en lice.
¶ 53 Il tua un chevalier de Lancaster et un brave écuyer ; afin de le sauver, je mis en gage et vendis tous mes biens.
¶ 54 Mes terres, Robin, sont mises en gage jusqu’à un jour fixé chez un riche abbé, ici, non loin de l’abbaye de Sainte-Marie.
¶ 55 – Quelle est la somme ? dit Robin. Dites-moi la vérité.
– Messire, dit-il, quatre cents livres, c’est ce que m’a dit l’abbé.
¶ 56 – Si vous deviez désormais perdre vos terres, dit Robin, que vous arriverait-il ?
– Je partirais en hâte, dit le chevalier, par-delà la mer salée,
¶ 57 Pour voir où le Christ vécut et périt sur le mont du Calvaire. Adieu, ami, et bonne journée, cela ne pourrait être mieux. »
¶ 58 Des larmes coulèrent de ses deux yeux, il aurait continué sa route : « Adieu, ami, et bonne journée ; je n’ai pas de quoi payer.
¶ 59 – Où sont vos amis ? demanda Robin.
– Messire, nul ne veut me reconnaître. Quand j’avais assez de richesses, ils se répandaient chez moi en flatteries.
¶ 60 Et désormais ils me fuient comme des bêtes affolées ; ils me prêtent autant d’attention que s’ils ne m’avaient jamais vu. »
¶ 61 Petit Jean pleura de pitié avec l’Écarlate et Much. « Servez-vous du meilleur vin, dit Robin, car c’est là simple consolation.
¶ 62 Avez-vous quelques amis, dit Robin, vous servant de garantie ?
– Je n’en ai guère, répondit le chevalier, à part Dieu mort sur la croix.
¶ 63 – Épargnez-moi vos ruses, dit Robin, de cela je n’ai cure. Pensez-vous que j’accepterais Dieu comme garant, ou Pierre ou Paul et Jean ?
¶ 64 Non, par Celui qui me créa et fit le soleil et la lune, trouvez-moi un autre garant, dit Robin, ou vous n’aurez pas d’argent.
¶ 65 – Je n’en ai pas d’autres, dit le chevalier, et c’est la vérité, à part Notre chère Dame : à ce jour, elle ne m’a jamais abandonné.
¶ 66 – Par Dieu grand et digne, dit Robin, j’ai cherché dans toute l’Angleterre et je n’ai jamais trouvé, pour mon bon plaisir, un bien meilleur garant.
¶ 67 Avance donc, Petit Jean, et va dans mon trésor. Rapporte-moi quatre cents livres, et veille à ce qu’elles soient bien comptées. »
¶ 68 Petit Jean s’avança alors, et l’Écarlate passa devant lui. Il compta quatre cents livres en vingt fois vingt shillings.
¶ 69 « Est-ce bien compté ? demanda le petit Much.
– Qu’est-ce qui te chagrine donc ? Il est charitable d’aider un gentil chevalier tombé dans la pauvreté, dit Jean.
¶ 70 Maître, dit alors Petit Jean, sa tenue est bien mince. Il vous faut donner au chevalier une livrée pour couvrir son corps.
¶ 71 Car vous avez de l’écarlate et du vert, maître, et de nombreuses et riches tenues ; il n’existe aucun marchand aussi riche dans l’heureuse Angleterre, j’ose le dire.
¶ 72 – Donne-lui trois verges9 de chaque couleur, et veille à ce qu’elles soient bien mesurées. » Petit Jean ne prit rien d’autre comme outil que le bois de son arc.
¶ 73 Et à chaque mesure réalisée, il ajoutait trois pieds. « Pour quel diable de drapier, dit le petit Much, te prends-tu ? »
¶ 74 L’Écarlate ne bougea pas et se mit à rire, puis dit : « Par Dieu tout-puissant, Jean peut bien lui donner une bonne mesure, cela ne lui coûte pas grand-chose.
¶ 75 – Maître, dit alors Petit Jean au noble Robin des Bois, il vous faut donner une monture au chevalier pour ramener tous ces biens.
¶ 76 – Apporte-lui un coursier gris, dit Robin, et une selle neuve. Il est le messager de Notre Dame : Dieu fasse qu’il soit vrai.
¶ 77 – Et un bon palefroi10, dit le petit Much, pour le maintenir dans son droit.
– Et une paire de bottes, dit l’Écarlate, car c’est un gentil chevalier.
¶ 78 – Que lui donneras-tu, Petit Jean ? demanda Robin.
– Messire, une paire d’éperons brillants, qu’il prie pour cette compagnie. Que Dieu le guide hors du chagrin !
¶ 79 – Quand devrai-je payer, dit le chevalier, messire, quelle est votre volonté ?
– Dans douze mois à compter de ce jour, répondit Robin, sous cet arbre de bois vert.
¶ 80 Ce serait une grande honte, dit Robin, qu’un chevalier voyage seul, sans écuyer, yeoman ou page, marchant à ses côtés.
¶ 81 Je mets à votre disposition Petit Jean, mon homme, il sera votre serviteur ; il pourra être yeoman pour vous, si vous en avez grand besoin. »
Deuxième partie
¶ 82 Le chevalier est maintenant en route, et trouva cet accord fort bon. En regardant vers Barnesdale, il bénit Robin des Bois.
¶ 83 Et lorsqu’il pensa à Barnesdale, à l’Écarlate, Much et Jean, il les bénit tous comme la meilleure compagnie qu’il ne fréquenta jamais.
¶ 84 Le gentil chevalier dit alors à Petit Jean : « Demain, je dois aller dans la ville de York, à l’abbaye de Sainte-Marie.
¶ 85 Et je dois payer à l’abbé de ce lieu la somme de quatre cents livres. Si je n’y arrive pas dès cette nuit, mes terres seront perdues à jamais. »
¶ 86 L’abbé dit à son couvent, là même où il se tenait : « Il y a douze mois aujourd’hui vint un chevalier et nous emprunta quatre cents livres.
¶ 87 Il emprunta quatre cents livres et mit ses terres en gage. S’il ne vient pas aujourd’hui même, il sera déshérité.
¶ 88 – Il est encore tôt, dit le prieur, la journée commence à peine. J’aimerais mieux payer les centaines de livres et en avoir fini.
¶ 89 Le chevalier est loin par-delà la mer. Il est dans son droit en Angleterre, il souffre pourtant la faim et le froid et de nombreuses tristes nuits.
¶ 90 Ce serait une grande honte, dit le prieur, d’obtenir ses terres ainsi. En ayant la conscience si légère, vous lui causez du tort.
¶ 91 – Vous êtes toujours à me chercher des poux, dit l’abbé, par Dieu et saint Richard ! » Sur ce entra un moine avec une grosse tête : c’était le grand cellérier11.
¶ 92 « Il est mort ou pendu, dit le moine, par Dieu qui me sauva à grands frais, et nous devrons dépenser à sa place quatre cents livres par an. »
¶ 93 L’abbé et le grand cellérier se levèrent tout à coup : le justicier12 d’Angleterre se tenait face à l’abbé.
¶ 94 Le justicier et bien d’autres avaient pris le soin de prendre en main la dette du chevalier afin de l’humilier encore.
¶ 95 L’abbé et ses suivants jugèrent le chevalier bien sévèrement : « S’il ne vient pas aujourd’hui même, il sera déshérité.
¶ 96 – Il ne viendra pas, dit le justicier, je suis prêt à le jurer. » Hélas pour eux, à cet instant, le chevalier atteignit la porte.
¶ 97 Le gentil chevalier dit alors à ses hommes : « Enfilez donc les simples habits ramenées de par-delà les mers. »
¶ 98 Ils se vêtirent de simples tenues et s’approchèrent des portes. Le portier se tenait prêt et les accueillit tous.
¶ 99 « Bienvenue, messire chevalier, dit le portier. Mon seigneur est à son dîner en compagnie de maints gentilshommes, par amour de vous. »
¶ 100 Le portier jura alors bien haut : « Par Dieu qui me fit, je n’avais jamais vu de chevaux aussi bien bâtis.
¶ 101 Menez-les à l’écurie, dit-il, qu’ils puissent se reposer.
– Ils n’iront pas là, dit le chevalier, par Dieu mort sur la croix. »
¶ 102 Les seigneurs étaient attablés dans la demeure de l’abbé. Le chevalier entra, se mit à genoux et les salua, grands et petits.
¶ 103 « Soyez heureux, messire l’abbé, dit le chevalier, je suis venu honorer ma journée. »
Les premiers mots que dit l’abbé furent : « Avez-vous mon argent ?
¶ 104 – Pas un penny, dit le chevalier, par Dieu qui me créa.
– Vous êtes un fieffé débiteur, dit l’abbé. Messire justicier, buvez pour moi.
¶ 105 Que faites-vous ici, demanda l’abbé, si vous n’êtes venu me payer ?
– Par Dieu, dit alors le chevalier, je viens prier pour une plus longue journée.
¶ 106 – Votre journée est finie, dit le justicier, vous n’aurez pas vos terres.
– Allons, messire le justicier, soyez mon ami et défendez-moi contre mes ennemis.
¶ 107 – Je suis du parti de l’abbé, dit le justicier, par gains et par cape13.
– Allons, messire shérif, soyez mon ami.
– Non, par Dieu, dit-il.
¶ 108 – Allons, messire le bon abbé, soyez mon ami. Soyez courtois et conservez mes terres entre vos mains jusqu’à ce que je puisse vous satisfaire.
¶ 109 Et je serai votre dévoué serviteur et vous servirai fidèlement jusqu’à ce que vous ayez quatre cents livres de bel et bon argent. »
¶ 110 L’abbé jura très haut : « Par Dieu mort sur la croix !
Trouvez-vous des terres comme vous le pourrez car vous n’aurez rien de moi !
¶ 111 – Par Dieu digne et grand, dit alors le chevalier, qui créa ce monde, si je ne récupère pas mes terres, vous me le paierez cher.
¶ 112 Que Dieu, qui vit le jour de naissance virginale, m’accorde le succès. Car il est bon de tester un ami avant qu’un homme n’en ait besoin. »
¶ 113 L’abbé le regarda avec haine et l’interpella vilement : « Sortez, dit-il, faux chevalier, quittez prestement ma demeure !
¶ 114 – Abbé, vous mentez, dit le gentil chevalier, dans vos propres salles. Je ne fus jamais faux chevalier, par Dieu qui nous créa tous. »
¶ 115 Ce gentil chevalier se leva alors et dit à l’abbé : « Vous n’avez aucune courtoisie pour souffrir qu’un chevalier s’agenouille si longuement.
¶ 116 Je me suis illustré dans les joutes et tournois, et me suis confronté à plus de dangers que n’importe quel homme.
¶ 117 – Qu’offririez-vous, demanda le justicier, pour que le chevalier renonce à ses droits ? Autrement, j’en suis convaincu, vous ne détiendrez jamais ces terres en paix.
¶ 118 – Cent livres, dit l’abbé.
– Donnez-lui-en deux, dit le justicier.
– Non, par Dieu, dit le chevalier, vous ne les aurez pas ainsi.
¶ 119 Même si vous m’en donniez mille de plus, vous n’arriveriez pas à vos fins. Jamais je ne ferai de mon héritier un abbé, un justicier ou un frère. »
¶ 120 Il se rua alors sur une table, sur une table ronde, et là fit tomber de son sac exactement quatre cents livres.
¶ 121 « Prenez donc votre or, messire l’abbé, dit le chevalier, celui que vous m’aviez prêté. Si vous aviez fait preuve de courtoisie à mon arrivée, je vous aurais récompensé. »
¶ 122 L’abbé se redressa et ne mangea plus de son repas royal. Il enfonça sa tête entre ses épaules et se mit à le fixer.
¶ 123 « Rendez-moi l’or, dit l’abbé, que je vous ai versé messire justicier14.
– Pas un penny, dit le justicier, par Dieu mort sur la croix.
¶ 124 – Messire l’abbé, et vous autres hommes de loi, j’ai respecté mon délai. Je vais donc récupérer mes terres, sans que vous ne puissiez rien ajouter. »
¶ 125 Le chevalier passa la porte, libéré de ses peines, il enfila ses beaux habits et laissa là les autres.
¶ 126 Il avança chantant de joie, comme le veut la légende. Sa dame le joignit à la porte, chez eux à Verysdale.
¶ 127 « Bienvenue, mon seigneur, dit sa dame. Messire, avez-vous tout perdu ?
– Réjouissez-vous, ma dame, dit le chevalier. Et priez pour Robin des Bois,
¶ 128 Que son âme ne connaisse que la joie : il m’aida à résoudre mes problèmes ; n’eût été sa gentillesse, nous aurions été mendiants.
¶ 129 L’abbé et moi nous sommes accordés, il a reçu son argent. Le bon yeoman me le prêta alors que j’étais en chemin. »
¶ 130 Le chevalier vécut fort bien chez lui, à dire la vérité, jusqu’à ce qu’il ait quatre cents livres prêtes à être payées.
¶ 131 Il s’équipa de cent arcs aux cordes bien ajustées, de cent faisceaux de bonnes flèches aux pointes fort brillantes.
¶ 132 Et chaque flèche, longue d’une aune, était parée de plumes de paon aux crêtes couvertes d’argent ; c’était un beau spectacle.
¶ 133 Il s’entoura en ce lieu de cent hommes bien équipés, et lui-même prit place parmi eux, vêtu de blanc et rouge.
¶ 134 Il portait une lance à la main, et un homme conduisait sa malle, tous chevauchaient vers Barnesdale en chantant joyeusement.
¶ 135 Mais en arrivant à Wentbridge15, il vit un tournoi de lutte et s’y attarda : il y avait là les meilleurs yeomen de toute la contrée de l’Ouest.
¶ 136 Un bien beau tournoi était organisé : un taureau blanc était exposé, ainsi qu’un grand coursier, avec selle et brides d’or lustrées.
¶ 137 Une paire de gants, un anneau d’or rouge, un fût de vin : en vérité, l’homme luttant le mieux emporterait le prix.
¶ 138 Il y avait en ce lieu un yeoman qui était fort méritant, et comme il était étranger et bien loin de chez lui, il risquait fort d’être tué.
¶ 139 Le chevalier eut pitié de ce yeoman, de là où il se tenait, et dit qu’il ne devait pas être blessé, par amour de Robin des Bois.
¶ 140 Le chevalier s’avança en ce lieu, suivi librement par cent hommes à l’arc bandé et la flèche acérée, pour mater cette compagnie.
¶ 141 Ils les écartèrent de l’épaule et lui firent de l’espace pour voir ce qu’il dirait ; il prit le yeoman par la main et lui remit le prix.
¶ 142 Il lui donna cinq marks16 pour son vin, posé sur le sol, et ordonna qu’il soit percé pour que tous y puissent boire.
¶ 143 Le noble chevalier s’attarda longuement, jusqu’à la fin du jeu. Robin attendit si longtemps qu’il jeûna trois heures après midi.
Troisième partie
¶ 144 Écoutez-moi bien, gentilshommes, qui êtes assemblés ici, vous allez entendre de quoi bien rire de Petit Jean, servant le chevalier.
¶ 145 Ce fut lors d’une belle journée que des jeunes gens décidèrent d’aller tirer ; Petit Jean s’empara alors de son arc et dit qu’il les rejoindrait.
¶ 146 Par trois fois Petit Jean tira et à chaque fois fendit le bois. Le fier shérif de Nottingham se tenait près des cibles.
¶ 147 Le shérif jura bien haut : « Par Celui qui est mort sur la croix, voilà bien le meilleur archer que j’aie jamais vu.
¶ 148 Dis-moi, brave jeune homme, quel est donc ton nom ? Dans quelle région es-tu né et où est ta demeure ?
¶ 149 – Je suis né, messire, à Holderness, je le sais par ma mère, et l’on m’appelle Reynold Vertefeuille lorsque je suis chez moi.
¶ 150 – Dis-moi, Reynold Vertefeuille, voudrais-tu vivre chez moi ? Et chaque année je te verserais un cachet de vingt marks.
¶ 151 – J’ai un maître, dit Petit Jean, un chevalier courtois. Il serait mieux que vous obteniez auparavant sa permission. »
¶ 152 Le shérif obtint Petit Jean du chevalier pour une période de douze mois. Il lui donna donc aussitôt un bon cheval robuste.
¶ 153 Petit Jean est désormais au service du shérif, que Dieu nous accorde le succès ! Mais Petit Jean ne cessait de penser à lui rendre la monnaie de sa pièce.
¶ 154 « Que Dieu me vienne en aide, dit Petit Jean, et par ma vraie loyauté, je serai le pire serviteur qu’il ait jamais eu. »
¶ 155 Il advint un mercredi que le shérif partit chasser, et Petit Jean, encore au lit, fut alors oublié.
¶ 156 Il fut laissé sans nourriture jusqu’à midi passé. « Mon bon intendant, je t’en prie, dit Petit Jean, sers-moi donc à dîner.
¶ 157 C’est bien trop dur pour Vertefeuille de ne pas manger ; je t’en prie donc, monsieur l’intendant, sers-moi mon dîner.
¶ 158 – Tu n’auras ni à boire ni à manger, dit l’intendant, jusqu’au retour de mon seigneur.
– Je le jure devant Dieu, dit Petit Jean, j’aime mieux te briser le crâne. »
¶ 159 L’échanson n’était guère courtois, de là où il se tenait il se précipita vers le cellier et ferma vite la porte.
¶ 160 Petit Jean frappa l’échanson si fort qu’il faillit lui briser le dos. Même s’il devait vivre cent ans, il ne s’en remettrait jamais.
¶ 161 Il enfonça la porte du pied, elle s’ouvrit sans encombre, et il se servit alors généreusement en bière et en vin.
¶ 162 « Si tu ne veux pas dîner, dit Petit Jean, je te donnerai à boire, et si tu vis cent hivers, tu te souviendras de Petit Jean. »
¶ 163 Petit Jean mangea et Petit Jean but autant qu’il lui plut. Le shérif avait en cuisine un cuisinier gros et fort.
¶ 164 « Je le jure devant Dieu, dit le cuisinier, tu es un vil serviteur pour quémander ainsi à dîner dans la demeure où tu loges. »
¶ 165 Et il donna alors à Petit Jean trois coups puissants. « Je le jure devant Dieu, dit Petit Jean, ces coups-là m’ont bien plu.
¶ 166 Tu es un homme robuste et fort, il me semble. Avant que je ne quitte cet endroit, tu seras mis à l’épreuve. »
¶ 167 Petit Jean tira une grande épée, le cuisinier en prit une autre en main : ils ne pensèrent nullement à fuir mais à se tenir tête.
¶ 168 Là ils luttèrent ardemment sur deux milles et même plus, sans qu’aucun ne puisse blesser l’autre, et ce, durant toute une heure.
¶ 169 « Je le jure devant Dieu, dit Petit Jean, et par ma vraie loyauté, tu es une des plus fines lames que j’aie jamais vue.
¶ 170 Si tu étais aussi doué à l’arc, tu viendrais avec moi dans le bois vert et tu recevrais une nouvelle tenue deux fois par an,
¶ 171 Et chaque année, Robin des Bois te verserait un cachet de vingt marks.
– Range ton épée, dit le cuisinier, et nous serons amis. »
¶ 172 Puis il ramena à Petit Jean les abats d’une biche, du bon pain et un excellent vin qu’ils mangèrent et burent ensemble.
¶ 173 Et après avoir bien bu, ils se jurèrent l’un l’autre de rejoindre Robin cette nuit même.
¶ 174 Ils se rendirent alors à la trésorerie aussi vite qu’ils le purent et brisèrent chacune des serrures faites de bon acier.
¶ 175 Ils emportèrent la vaisselle d’argent et tout ce qu’ils purent trouver : ils n’oublièrent pas les assiettes, les coupes ou les cuillères.
¶ 176 Ils prirent aussi la bonne monnaie, trois cents livres et plus, et les portèrent droit à Robin des Bois, dans l’antique verte forêt.
¶ 177 « Dieu vous sauve, mon cher maître, et que le Christ vous protège ! » Et Robin dit alors à Petit Jean : « Sois le bienvenu.
¶ 178 Il en va de même pour ce bon yeoman venu avec toi : quelles nouvelles de Nottingham ? Raconte-moi tout, Petit Jean.
¶ 179 – Le fier shérif vous salue bien bas et vous envoie son cuisinier et sa vaisselle d’argent, et trois cent trois livres.
¶ 180 – Je le jure devant Dieu, dit Robin, et devant la Trinité, ces biens ne me sont guère parvenus par sa bonne volonté. »
¶ 181 Petit Jean pensa alors à une astucieuse fourberie. Il courut cinq milles à travers la forêt et sa volonté fut faite.
¶ 182 Il rencontra à ce moment le fier shérif, chassant avec corne et chiens de meute. Petit Jean savait tout de la courtoisie et s’agenouilla devant lui.
¶ 183 « Dieu vous sauve, mon cher maître, et que le Christ vous protège !
– Reynold Vertefeuille, dit le shérif, où étais-tu donc passé ?
¶ 184 – J’étais dans cette forêt et j’y vis un spectacle, l’un des plus beaux que j’aie eu la chance de voir.
¶ 185 En ce lieu, je vis un beau cerf, au pelage vert, accompagné d’une harde de sept fois vingt biches.
¶ 186 Les bois de soixante et plus sont si acérés, maître, que je n’osai tirer par peur d’être tué.
¶ 187 – Je le jure devant Dieu, dit le shérif, il me faut voir pareil spectacle.
– Hâtez-vous, mon cher maître, venez vite avec moi. »
¶ 188 Le shérif chevaucha et Petit Jean le guida bien vite à pied, et en arrivant devant Robin, il dit : « Voyez, messire, voilà le maître cerf ! »
¶ 189 Le fier shérif se figea, c’était un triste sire : « La peste t’emporte, Reynold Vertefeuille, tu m’as ici trahi.
¶ 190 – Je le jure devant Dieu, dit Petit Jean, maître, vous êtes à blâmer : on me servit fort mal mon dîner lorsque j’étais chez vous. »
¶ 191 Il fut bientôt assis pour souper et bien servi avec de l’argenterie, et lorsque le shérif vit sa vaisselle, le chagrin lui coupa l’appétit.
¶ 192 « Réjouissez-vous, dit Robin des Bois, shérif, par charité ! Et par amour de Petit Jean, je vous accorde la vie. »
¶ 193 Après ce bon souper, la journée toucha à sa fin. Robin ordonna à Petit Jean d’ôter ses chausses et ses bottes,
¶ 194 Sa tunique et sa veste, qui était bien fourrée, et lui donna un manteau vert pour se couvrir.
¶ 195 Robin ordonna à ses braves jeunes gens, sous l’arbre de bois vert, de se coucher dans cette même tenue, pour que le shérif puisse les voir.
¶ 196 Le fier shérif resta étendu toute la nuit dans la verte forêt en haut-de-chausse et chemise ; sans surprise, ses côtes commencèrent à le faire souffrir.
¶ 197 « Réjouissez-vous, dit Robin, shérif, par charité ! Car c’est là notre vie, je vous le dis, sous l’arbre de bois vert.
¶ 198 – C’est là vie plus rude, dit le shérif, que celle d’un frère ou d’un anachorète, et pour tout l’or de l’heureuse Angleterre, je ne voudrais demeurer ici plus longtemps.
¶ 199 – Durant ces douze mois, dit Robin, vous logerez ici avec moi. Je vous enseignerai, fier shérif, la vie de hors-la-loi.
¶ 200 – Avant de passer une nuit de plus ici, dit le shérif, je vous prie plutôt, Robin, de me trancher la tête dès demain et je vous pardonnerai.
¶ 201 Laissez-moi partir, dit alors le shérif, par la sainte charité ! Et je serai le meilleur ami que vous ayez eu.
¶ 202 – Vous allez prêter serment, dit Robin, sur ma brillante épée, de ne jamais conspirer contre moi, sur la terre ou la mer.
¶ 203 Et s’il advenait que vous trouviez de mes hommes, de jour comme de nuit, vous jurerez sur votre serment de leur venir en aide autant que vous le pourrez. »
¶ 204 Dès lors le shérif prêta serment et commença à rentrer chez lui ; il était aussi las du bois vert que l’aubépine de ses baies.
Quatrième partie
¶ 205 Le shérif demeurait à Nottingham, fort content de s’en être allé, tandis que Robin et ses joyeux compagnons se rendaient dans la forêt.
¶ 206 « Allons dîner, dit Petit Jean. Robin des Bois répondit :
– Non, car je crains d’avoir courroucé Notre Dame : elle ne m’a guère envoyé mon argent.
¶ 207 – N’ayez crainte, maître, dit Petit Jean, le soleil n’est pas encore couché, et j’ose dire et jurer sans risque que le chevalier est honnête et digne de confiance.
¶ 208 – Prends ton arc en main, dit Robin, et que Much t’accompagne, tout comme William l’Écarlate, et que nul homme ne me tienne compagnie.
¶ 209 Montez jusqu’au Sayles et à Watlinge Street et attendez-y un hôte inconnu ; par chance, vous le rencontrerez.
¶ 210 Qu’il soit messager, ou bien quelque ménestrel, ou s’il est pauvre, il aura de mes biens. »
¶ 211 Petit Jean partit donc, à moitié courroucé et contrarié, et s’équipa d’une fort bonne épée, cachée sous une cape verte.
¶ 212 Les trois yeomen montèrent jusqu’au Sayles : ils regardèrent vers l’est, ils regardèrent vers l’ouest et ne virent aucun homme.
¶ 213 Mais alors qu’ils regardaient vers Barnesdale, sur la grande route, ils aperçurent deux moines bénédictins, chacun sur un bon palefroi.
¶ 214 Petit Jean parla alors et dit à Much : « Je veux bien parier sur ma vie que ces moines apportent notre argent.
¶ 215 Réjouissez-vous, dit Petit Jean, et préparez vos arcs d’if, et assurez-vous que vos cœurs soient fermes et sûrs, et vos cordes fiables et justes.
¶ 216 Le moine17 a cinquante-deux hommes et sept bons chevaux de somme. Je crois qu’aucun évêque ne chevauche si royalement sur cette terre.
¶ 217 Compagnons, dit Petit Jean, nous ne sommes ici que trois, mais à moins de les inviter à dîner, nous n’oserons revoir notre maître.
¶ 218 Bandez vos arcs, dit Petit Jean, occupez-vous d’arrêter cette troupe, la vie ou la mort de ce moine dépendra de ma main.
¶ 219 Halte-là, rustre de moine, dit Petit Jean, tu n’iras pas plus loin. Si tu avances, par Dieu grand et digne, ta mort viendra de ma main.
¶ 220 Et mauvaise fortune sur ta tête, dit Petit Jean, juste sous le ruban de ton chapeau ! Car tu as courroucé notre maître en le faisant jeûner si longtemps.
¶ 221 – Qui est votre maître ? demanda le moine.
– Robin des Bois, dit Petit Jean.
– C’est un grand voleur, dit le moine, je n’ai jamais entendu du bien de lui.
¶ 222 – Tu mens, dit alors Petit Jean, et tu le regretteras. C’est un yeoman de la forêt et il t’intime de venir dîner. »
¶ 223 Much se tenait prêt avec une flèche : il visa alors soudainement le moine à la poitrine pour le faire descendre de cheval.
¶ 224 Des cinquante-deux braves jeunes gens présents, il ne resta personne, si ce n’était un petit page et un palefrenier pour mener les chevaux de somme avec Petit Jean.
¶ 225 Ils conduisirent le moine à la porte de leur abri, qu’il le voulut ou non, pour parler à Robin des Bois, et ce, contre son gré.
¶ 226 Robin ôta sa capuche dès qu’il vit le moine ; le moine ne fut pas si courtois et conserva la sienne.
¶ 227 « C’est un rustre, maître, par Dieu grand et digne, dit Petit Jean.
– Cela importe peu, dit Robin, car il ne connaît pas la courtoisie.
¶ 228 Combien d’hommes avait ce moine, Jean ? demanda Robin.
– Cinquante-deux à notre rencontre, mais beaucoup sont partis.
¶ 229 – Fais sonner un cor, dit Robin, que la compagnie nous connaisse. » Sept fois vingt hommes braves arrivèrent, chevauchant en ligne.
¶ 230 Et chacun d’eux avait un bon manteau écarlate et rayé : ils vinrent tous vers le bon Robin pour voir ce qu’il dirait.
¶ 231 Ils forcèrent le moine à se laver et se sécher les mains, et l’assirent pour dîner ; Robin des Bois et Petit Jean le servirent ensemble.
¶ 232 « Mangez avec plaisir, moine, dit Robin.
– Un grand merci, messire, dit-il.
– Où est votre abbaye, lorsque vous êtes chez vous, et qui est votre patron ?
¶ 233 – L’abbaye de Sainte-Marie, dit le moine, bien que mon rôle y soit humble.
– Quel est votre office ? demanda Robin.
– Messire, je suis grand cellérier.
¶ 234 – Vous êtes d’autant plus le bienvenu, dit Robin, que je puisse toujours prospérer ! Remplissez sa coupe du meilleur vin, dit Robin, le moine va boire à mon nom.
¶ 235 Mais je m’émerveille grandement, dit Robin, car toute la journée j’ai craint d’avoir courroucé Notre Dame, qui ne m’a pas envoyé ma paie.
¶ 236 – N’ayez crainte, maître, dit Petit Jean, vous n’avez guère à vous inquiéter, je vous le dis, ce moine vous l’apporte, j’ose le jurer, car il vient de son abbaye.
¶ 237 – Et elle était garante, dit Robin, entre un chevalier et moi, du prêt d’un peu d’argent sous l’arbre de bois vert.
¶ 238 Et si vous avez apporté cet argent, je vous prie de me le laisser voir, et je vous aiderai en retour si vous avez besoin de moi. »
¶ 239 Le moine jura bien haut, la mine fort triste : « Je n’ai jamais entendu parler du prêt dont vous me parlez.
¶ 240 – Je le jure devant Dieu, dit Robin, moine, vous êtes à blâmer car Dieu est tenu comme étant vertueux, et il en va de même de sa mère.
¶ 241 Vous me l’avez dit avec votre propre langue, et vous ne pouvez plus le nier, que vous êtes son serviteur et la servez tous les jours.
¶ 242 Et elle a fait de vous son messager, venu me rendre mon argent. Je vous remercie donc grandement, vous arrivez durant votre journée.
¶ 243 Qu’y a-t-il dans vos coffres ? demanda Robin, dites-moi la vérité.
– Messire, dit-il, vingt marks, pour que je puisse prospérer.
¶ 244 – S’il n’y a guère plus, dit Robin, je ne prendrai pas un penny. Si vous êtes dans le besoin, je vous en prêterai plus encore.
¶ 245 Et si je trouve plus, dit Robin, j’annonce que vous y renoncerez, car, moine, je ne veux pas de votre bourse de voyage.
¶ 246 Va donc, Petit Jean, et dis-moi la vérité ; s’il n’y a guère plus de vingt marks, je ne verrai la couleur d’un penny. »
¶ 247 Petit Jean étala son manteau au sol, comme il le fit plus tôt, et là trouva dans le coffre du moine plus de huit cents livres.
¶ 248 Petit Jean n’y toucha pas, et se hâta de trouver son maître : « Messire, dit-il, le moine dit vrai, Notre Dame a doublé votre prêt.
¶ 249 – Je le jure devant Dieu, dit Robin, moine, que vous avais-je dit ? Notre Dame est la femme la plus fidèle que j’aie jamais trouvée.
¶ 250 Par Dieu grand et digne, dit Robin, si je cherchais dans toute l’Angleterre, je ne trouverais jamais de meilleur garant pour un prêt.
¶ 251 Remplissez une coupe du meilleur vin et donnez lui, dit Robin, et saluez bien votre gracieuse dame, si elle a un jour besoin de Robin des Bois, elle trouvera en lui un ami.
¶ 252 Et s’il lui faut davantage d’argent, venez à nouveau me trouver, et par ce signe qu’elle m’a envoyé, elle recevra trois fois plus.
¶ 253 Le moine se rendait dans un secteur de Londres pour y tenir une grande assemblée, et mettre à genoux le chevalier allant si fièrement sur son cheval18.
¶ 254 « Où vous dirigez-vous ? demanda Robin.
– Messire, dans les manoirs de cette terre pour m’occuper de nos régisseurs s’étant mal comportés.
¶ 255 – Avance-toi, Petit Jean, et écoute mon récit ; je ne connais aucun meilleur yeoman pour fouiller le coffre d’un moine.
¶ 256 Combien y a-t-il sur l’autre monture ? Il nous faut la vérité.
– Par Notre Dame, dit alors le moine, ce ne serait guère courtois,
¶ 257 D’inviter un homme à dîner, avant de le frapper et de le ligoter.
– C’est là notre façon de faire, dit Robin, nous ne laissons rien traîner. »
¶ 258 Le moine éperonna son cheval, il ne voulait plus rester. « Venez boire, dit Robin, avant de chevaucher.
¶ 259 – Non, par Dieu, dit alors le moine, je regrette de m’être approché. Car j’aurais pu dîner pour moins cher à Blyth ou Doncaster.
¶ 260 – Saluez bien votre abbé, dit Robin, et votre prieur, je vous prie, et demandez-lui de m’envoyer pareil moine pour dîner chaque jour. »
¶ 261 Laissons désormais le moine tranquille, et parlons du chevalier : il arrivait pour tenir ses délais, tandis qu’il faisait encore jour.
¶ 262 Il se rendit droit à Barnesdale, sous l’arbre de bois vert, et là trouva Robin des Bois et tous ses joyeux compagnons.
¶ 263 Le chevalier descendit de son bon palefroi : lorsqu’il vit Robin, il ôta sa capuche très courtoisement et se mit à genoux.
¶ 264 « Dieu vous sauve, Robin des Bois, et toute votre compagnie.
– Soyez le bienvenu, gentil chevalier, je vous souhaite la bienvenue. »
¶ 265 Robin des Bois parla alors à ce noble chevalier : « Quel besoin vous conduit dans la verte forêt ? Je vous prie, sire chevalier, dites-moi tout.
¶ 266 Et soyez le bienvenu, gentil chevalier, pourquoi avoir tant tardé ?
– Car l’abbé et le justicier voulaient posséder mes terres.
¶ 267 – Avez-vous récupéré vos terres ? dit Robin. Dites-moi la vérité.
– Oui, par Dieu, dit le chevalier, et pour cela je remercie Dieu et vous.
¶ 268 Mais ne vous offensez pas, dit le chevalier, si j’ai tant tardé car je suis passé devant un tournoi de lutte et j’y aidai un pauvre yeoman injustement assailli.
¶ 269 – Non, par Dieu, dit Robin, sire chevalier, pour cela je vous remercie. Tout homme aidant un bon yeoman sera mon ami.
¶ 270 – Voici vos quatre cents livres, dit alors le chevalier, que vous m’aviez prêtées, et voici en plus vingt marks, pour votre courtoisie.
¶ 271 – Non, par Dieu, dit alors Robin, jouissez-en pour toujours, car Notre Dame, par son grand cellérier, m’a envoyé ma paie.
¶ 272 Et si je la prenais par deux fois, j’en serais honteux ; mais vraiment, gentil chevalier, je vous souhaite la bienvenue. »
¶ 273 Quand Robin eut fini son récit, il rit et se réjouit. « Sur mon honneur, dit alors le chevalier, votre argent est ici prêt.
¶ 274 – Jouissez-en, dit Robin, ô gentil chevalier si noble, et soyez le bienvenu, gentil chevalier, sous mon arbre des rencontres.
¶ 275 Mais que font donc ces archers ? demanda Robin. Et toutes ces flèches finement empennées ?
– Par Dieu, dit alors le chevalier, cet humble présent est pour vous.
¶ 276 – Approche-toi donc, Petit Jean, et va dans ma trésorerie, et apporte-moi ici quatre cents livres, que le moine paya en plus.
¶ 277 Prenez ici quatre cents livres, ô gentil et honnête chevalier, et offrez-vous un bon cheval ainsi qu’un bon harnais et faites dorer à nouveau vos éperons.
¶ 278 Et s’il vous manque quelques pécunes, venez à Robin des Bois, et sur mon honneur, vous ne souffrirez du besoin tant qu’il me restera des biens.
¶ 279 Et jouissez bien des quatre cents livres que je vous ai prêtées, et suivez mon conseil, n’apparaissez plus si démuni. »
¶ 280 Ainsi le bon Robin libéra le chevalier de ses ennuis : que Dieu, qui siège haut dans les cieux, nous accorde de prospérer.
Cinquième partie
¶ 281 Le chevalier a désormais pris congé et repris son chemin. Robin des Bois et ses joyeux compagnons demeurèrent au calme bien des jours.
¶ 282 Écoutez-moi bien, gentilshommes, prêtez l’oreille à ce que je vais dire : comment le fier shérif de Nottingham annonça un noble tournoi.
¶ 283 Tous les meilleurs archers du Nord devraient se réunir un certain jour, et ceux tirant le mieux remporteraient le prix.
¶ 284 Quiconque se montrera le meilleur de tous, ayant fait mouche de la plus grande distance sur une paire de bonnes cibles, sous les fourrés de la verte forêt,
¶ 285 Recevra une excellente flèche à la hampe d’argent blanc, à la pointe et aux plumes de riche or rouge : il n’en est nulle autre pareille en Angleterre.
¶ 286 Robin eut vent de ceci sous son arbre des rencontres : « Préparez-vous, braves jeunes gens, il me faut voir ce tournoi.
¶ 287 Hâtez-vous, mes joyeux jeunes gens, vous viendrez avec moi et je testerai la foi du shérif, s’il est fidèle ou non. »
¶ 288 Une fois leurs arcs bandés, et leurs flèches finement empennées, sept fois vingt hommes jeunes et braves se tinrent à genoux devant Robin.
¶ 289 Lorsqu’ils arrivèrent à Nottingham, les champs étaient beaux et longs ; nombreux étaient les intrépides archers, tirant avec de puissants arcs.
¶ 290 « Seulement six tireront avec moi, les autres resteront vigilants et se tiendront prêts avec leurs bons arcs bandés, pour que je ne sois trompé. »
¶ 291 Le quatrième hors-la-loi commença à bander son arc. C’était Robin des Bois, et le fier shérif, qui se tenait près de la cible, l’observait.
¶ 292 Robin tira à trois reprises et fendit à chaque fois le bois, et Gilbert à la Main Blanche en fit autant19.
¶ 293 Petit Jean et le bon Écarlate étaient de braves et nobles archers ; le Petit Much et le bon Reynold20 ne voulurent être les plus mauvais.
¶ 294 Après que ces bons et beaux archers eurent bien tiré, en vérité, le meilleur resta toujours Robin des Bois.
¶ 295 On lui remit la belle flèche, car il en était le plus digne : il prit la récompense avec courtoisie et voulut retourner dans la verte forêt.
¶ 296 Une clameur s’éleva contre Robin des Bois et de grands cors résonnèrent : « La misère vous emporte, trahison ! dit Robin. Vous êtes le mal incarné.
¶ 297 Et malheur sur vous, fier shérif, de traiter ainsi votre hôte : vous me promîtes bien autre chose dans la forêt sauvage.
¶ 298 Si je vous tenais dans la verte forêt, sous mon arbre des rencontres, vous me feriez un tout autre serment, différent de votre vraie loyauté. »
¶ 299 De nombreux arcs furent bandés et firent siffler leurs flèches : bien des tuniques furent alors déchirées, et nombreux furent les blessés.
¶ 300 Le tir de barrage des hors-la-loi fut si fourni que nul homme ne put les repousser, si bien que les hommes du fier shérif prirent rapidement la fuite.
¶ 301 Robin vit que l’embuscade était brisée et voulut s’en retourner dans la verte forêt. De nombreuses flèches avaient été tirées au sein de cette compagnie.
¶ 302 Petit Jean fut gravement blessé par une flèche dans le genou : il ne pouvait ni courir ni chevaucher, c’était fort regrettable.
¶ 303 « Maître, dit alors Petit Jean, si vous m’avez jamais aimé, et pour l’amour de ce même Seigneur, mort sur la croix,
¶ 304 Et en récompense des services que je vous ai rendus, ne laissez pas le fier shérif me trouver en vie.
¶ 305 Prenez plutôt votre brillante épée et tranchez-moi la tête et infligez-moi des blessures si profondes qu’elles me privent de la vie.
¶ 306 – Jean, je ne voudrais pas, dit Robin, que tu sois tué pour tout l’or de l’heureuse Angleterre, fût-il aligné ici même.
¶ 307 – Que Dieu qui est mort sur la croix nous évite, dit le petit Much, que tu doives quitter notre compagnie, Petit Jean. »
¶ 308 Il le prit sur son dos et le porta un bon mille : il dut le poser à plusieurs reprises pour tirer un moment.
¶ 309 Il y eut alors un beau château, un peu plus loin dans le bois, entouré d’un double fossé et fortifié, par la Croix.
¶ 310 C’était là la demeure du noble chevalier, messire Richard de Lee, à qui Robin avait prêté ses biens, sous l’arbre de bois vert.
¶ 311 Il accueillit le bon Robin et toute sa compagnie : « Soyez le bienvenu, Robin des Bois, je vous souhaite la bienvenue,
¶ 312 Et je vous remercie beaucoup pour votre aide, et votre courtoisie, et pour votre grande gentillesse sous l’arbre de bois vert.
¶ 313 Je n’aime aucun homme dans tout ce monde, autant que je vous aime vous. Vous serez ici à l’abri du fier shérif de Nottingham.
¶ 314 Fermez les portes, levez le pont, et que nul autre homme n’entre. Armez-vous bien, et préparez-vous, et gagnez tous les murs.
¶ 315 Je ne requerrai qu’une seule chose, Robin, je le jure par saint Quentin, c’est que durant quarante jours vous demeuriez avec moi pour souper, manger et dîner. »
¶ 316 Les tables furent mises, les nappes étalées, rapidement et sans plus attendre : Robin des Bois et ses joyeux compagnons purent aller manger.
Sixième partie
¶ 317 Écoutez-moi bien, gentilshommes, et prêtez l’oreille à votre chanson : comment le fier shérif de Nottingham et des hommes bien armés,
¶ 318 Venus en hâte près du grand shérif, soulevèrent la contrée et assiégèrent de tous les côtés le château du chevalier.
¶ 319 Le fier shérif commença à crier bien haut et dit : « Traître de chevalier, tu abrites ici l’ennemi du roi, contre la loi et le droit.
¶ 320 – Messire, sur ma parole de chevalier, je reconnais ouvertement avoir accompli les faits ici reprochés, avec toutes les terres que je possède.
¶ 321 Partez, messieurs, reprenez votre chemin et ne m’importunez pas avant de connaître la volonté de notre roi et ce qu’il vous dira. »
¶ 322 Le shérif eut donc sa réponse, sans aucune tromperie : il se rendit droit à la ville de Londres pour tout dire à notre roi.
¶ 323 Là il lui parla de ce chevalier et aussi de Robin des Bois et des braves archers, qui étaient si bons et nobles.
¶ 324 « Il avouera ce qu’il a fait pour protéger les hors-la-loi, il sera seigneur et vous ne serez plus rien, dans toute la terre du Nord.
¶ 325 – J’irai à Nottingham, dit notre roi, dans les deux semaines à venir, et je me saisirai de Robin des Bois et aussi de ce chevalier.
¶ 326 Rentre chez toi, shérif, dit notre roi, et fais ce que je t’ordonne, et rassemble maints bons archers dans toute la contrée. »
¶ 327 Le shérif prit congé et reprit sa route, et Robin des Bois regagna la verte forêt durant une de ces journées.
¶ 328 Et Petit Jean était guéri de la flèche reçue dans le genou, et il se rendit tout droit chez Robin des Bois, sous l’arbre de bois vert.
¶ 329 Robin des Bois marchait dans la forêt, sous les vertes feuilles. Le fier shérif de Nottingham en fut grandement vexé.
¶ 330 Le shérif manqua Robin des Bois, il risquait de ne pas avoir sa proie ; il guetta alors le gentil chevalier de jour comme de nuit.
¶ 331 Il attendit longtemps le gentil chevalier, messire Richard de Lee, alors qu’il s’adonnait à la fauconnerie au bord de la rivière et laissait voler ses faucons.
¶ 332 Il s’empara du gentil chevalier avec des hommes fortement armés, et le mena vers Nottingham pieds et poings liés.
¶ 333 Le shérif jura haut et fort, par Celui mort sur la croix, qu’il préférerait avoir Robin des Bois plutôt que cent livres.
¶ 334 La femme du chevalier, une dame belle et noble, entendit cela : elle monta sur un bon palefroi et chevaucha vers la verte forêt.
¶ 335 En arrivant dans la forêt, elle trouva Robin des Bois et sa belle compagnie sous l’arbre de bois vert.
¶ 336 « Dieu vous sauve, mon bon Robin, et toute votre compagnie. Au nom de Notre Dame, je viens vous demander une faveur.
¶ 337 Ne laissez pas mon époux et seigneur être honteusement tué : il est emmené vers Nottingham pour l’amour qu’il vous porte. »
¶ 338 Le bon Robin dit ainsi aussitôt à cette noble dame :
« Quel homme a pris votre seigneur ?
– Le fier shérif, dit-elle alors.
¶ 339 Le fier shérif, dit-elle alors. Je vous dis la vérité, il n’a pas encore parcouru trois milles. »
¶ 340 Le bon Robin se leva soudain comme un homme pris de folie : « Préparez-vous, mes joyeux compagnons, pour Celui qui est mort sur la croix !
¶ 341 Et, par Celui qui est mort sur la croix, quiconque ignorera cette triste affaire ne demeurera plus jamais avec moi dans la verte forêt ! »
¶ 342 Bientôt, plus de sept fois vingt bons arcs furent bandés ; ils n’épargnèrent ni buissons ni fossés se trouvant sur leur route.
¶ 343 « Je jure devant Dieu, dit Robin, je verrai le shérif, et si je parviens à le capturer, je serai vengé. »
¶ 344 Lorsqu’ils entrèrent dans Nottingham, ils marchèrent dans la rue et ne tardèrent pas à rencontrer le fier shérif.
¶ 345 « Halte-là, fier shérif, dit-il, arrêtez et parlez-moi ! Je veux entendre de votre bouche des nouvelles de notre roi.
¶ 346 Par Dieu grand et digne, cela fait sept ans que je n’ai pas marché aussi vite : je jure devant Dieu, fier shérif, que ce n’est pas pour votre bien. »
¶ 347 Robin banda un excellent arc et tira à volonté : il toucha si bien le fier shérif qu’il tomba au sol et ne bougea plus.
¶ 348 Et avant qu’il ne puisse se lever, et tenir sur ses pieds, il trancha la tête du shérif de sa brillante épée.
¶ 349 « Restez donc là, fier shérif, que votre fin soit mauvaise : aucun homme ne pouvait vous faire confiance de votre vivant. »
¶ 350 Ses hommes tirèrent leurs brillantes épées, si avides et tranchantes, et attaquèrent les hommes du shérif et les fauchèrent aussitôt.
¶ 351 Robin s’avança vers ce chevalier et coupa en deux ses liens, il lui mit un arc entre les mains et lui demanda de se tenir à ses côtés.
¶ 352 « Laissez votre cheval derrière vous, et apprenez à courir ; vous viendrez avec moi dans la verte forêt, à travers bourbier, mousse et marais.
¶ 353 Vous viendrez avec moi dans la verte forêt, sans mentir, jusqu’à ce que je vous obtienne un pardon d’Édouard, notre beau roi. »
Septième partie
¶ 354 Le roi se rendit à Nottingham en force avec des chevaliers afin de prendre ce gentil chevalier et Robin des Bois, s’il le pouvait.
¶ 355 Il interrogea les hommes de cette contrée sur Robin des Bois et sur ce gentil chevalier, qui était si brave et fort.
¶ 356 Lorsqu’ils lui racontèrent toute l’histoire, notre roi comprit leur récit et s’empara de toutes les terres du chevalier.
¶ 357 Il traversa en long et en large tout le Lancashire, jusqu’à ce qu’il arriva à Plumpton Park21, il ne put toucher un seul cerf.
¶ 358 Là, notre roi avait coutume de voir de nombreuses hardes mais il ne trouva pas même un cerf portant de bons bois.
¶ 359 Le roi en fut grandement courroucé, et jura sur la Trinité : « Je voudrais avoir Robin des Bois, le voir de mes propres yeux !
¶ 360 Et quiconque tranchera la tête du chevalier et me l’apportera se verra attribuer les terres de sire Richard de Lee !
¶ 361 Je les lui octroierai par une charte que je scellerai de ma main, afin qu’il en dispose à tout jamais dans toute l’heureuse Angleterre. »
¶ 362 Un vieux et noble chevalier, fidèle à sa foi, parla alors : « Ah, mon seigneur suzerain, je vous dirai un mot.
¶ 363 Aucun homme dans cette contrée ne pourra posséder les terres du chevalier tant que Robin des Bois chevauche et marche et porte un arc dans ses mains :
¶ 364 Pour qu’il ne perde pas sa tête, la meilleure balle de sa capuche22, ne les donnez à aucun homme, mon seigneur et roi, à qui vous souhaitez du bien. »
¶ 365 Notre beau roi demeura à Nottingham la moitié d’une année et plus, sans avoir vent de la région où se trouvait Robin des Bois.
¶ 366 Mais le bon Robin allait toujours, de cachette en collines, tuant les cerfs du roi et en en usant selon son bon plaisir.
¶ 367 Un fier forestier parla alors, se tenant à genoux près de notre roi : « Si vous voulez voir le bon Robin, il vous faudra me suivre.
¶ 368 Prenez cinq des meilleurs chevaliers de votre compagnie, et marchez vers cette abbaye pour y prendre des habits de moine.
¶ 369 Et je serai votre guide et vous montrerai la route, et avant d’arriver à Nottingham, je suis prêt à parier ma tête,
¶ 370 Que vous rencontrerez le bon Robin, s’il est encore en vie. Avant d’atteindre Nottingham, vous le verrez de vos propres yeux. »
¶ 371 Notre roi fut rapidement vêtu, tout comme ses cinq chevaliers, chacun d’entre eux en robe de moine, et ils se hâtèrent sur la route.
¶ 372 Notre roi était bien grand dans son capuchon et portait un large chapeau sur la tête, lui donnant l’air d’un abbé, et ils chevauchèrent en ville.
¶ 373 Je vous le dis, en vérité, notre roi portait de bonnes bottes : il chevaucha en chantant vers la verte forêt, le couvent tout vêtu de gris.
¶ 374 Son cheval de bât et ses chevaux de somme suivaient derrière notre roi, jusqu’à ce qu’ils parvinrent dans la verte forêt, un mille sous les arbres.
¶ 375 Là ils rencontrèrent le bon Robin, qui leur barrait la route, ainsi que maints braves archers, je vous le dis, en vérité.
¶ 376 Robin saisit rapidement le cheval du roi, là où il était, et dit : « Messire l’abbé, avec votre permission, arrêtez-vous un instant.
¶ 377 Nous sommes des yeomen de la forêt, sous l’arbre de bois vert, nous vivons grâce aux cerfs de notre roi, nous n’avons guère d’autres moyens,
¶ 378 Alors que vous avez églises, rentes et de l’or en abondance. Donnez-nous une partie de votre bourse, par la sainte charité. »
¶ 379 Notre beau roi parla alors et dit sans plus tarder : « Je n’ai emmené dans la verte forêt que quarante livres.
¶ 380 J’ai séjourné à Nottingham avec notre roi ces deux dernières semaines, et j’ai dépensé beaucoup d’argent pour de nombreux grands seigneurs.
¶ 381 Et je n’ai plus que quarante livres, je n’ai guère plus sur moi : mais si j’avais cent livres, elles seraient en sécurité entre vos mains. »
¶ 382 Robin prit les quarante livres et les divisa en deux : il en donna une moitié à ses joyeux compagnons, leur demandant de se réjouir.
¶ 383 Très courtoisement, Robin dit ainsi : « Messire, voici pour votre voyage : nous nous rencontrerons un autre jour.
– Un grand merci, dit alors notre roi.
¶ 384 Mais Édouard, notre roi, vous salue bien bas et vous envoie son sceau, et vous invite à Nottingham en toute hospitalité. »
¶ 385 Il sortit le large sceau pour qu’il puisse le voir ; Robin connaissait les règles de courtoisie et se mit à genoux.
¶ 386 « Je n’aime nul homme dans tout le monde autant que notre roi. Le sceau de mon seigneur est le bienvenu, tout comme vous l’êtes, moine, pour cette nouvelle.
¶ 387 Messire l’abbé, pour ces nouvelles, vous dînerez aujourd’hui avec moi sous mon arbre des rencontres, pour l’amour de mon roi. »
¶ 388 Il guida notre beau roi noblement par la main. De nombreux cerfs étaient tués et furent rapidement préparés.
¶ 389 Robin prit un grand cor et souffla fortement : sept fois vingt hommes jeunes et braves arrivèrent en ligne.
¶ 390 Ils s’agenouillèrent tous dignement devant Robin. Le roi le remarqua et se dit, en jurant par saint Augustin :
¶ 391 « Quel merveilleux et digne spectacle : il me semble, par les peines de Dieu, que ses hommes sont plus dévoués à son service, que mes hommes le sont au mien ! »
¶ 392 Le dîner fut rapidement préparé et ils se mirent à table ; Robin et Petit Jean servirent ensemble notre roi du mieux qu’ils le pouvaient.
¶ 393 La bonne venaison fut aussitôt servie devant notre roi, tout comme le bon pain blanc, le bon vin rouge, la fine bière et la brune.
¶ 394 « Faites bonne chère, abbé, dit Robin, par charité, et pour cette même nouvelle, puissiez-vous être béni.
¶ 395 Vous allez maintenant voir la vie que nous menons, avant de partir, afin que vous puissiez en informer notre roi lorsque vous le verrez. »
¶ 396 Ils se levèrent promptement, leurs arcs habilement bandés : notre roi ne fut jamais si horrifié, il pensait qu’il serait tué.
¶ 397 Deux baguettes furent dressées et ils s’en approchèrent : à cinquante pas, dit notre roi, les cibles seraient trop loin.
¶ 398 Ils mirent une guirlande sur les baguettes et ils tirèrent au centre23 : « Quiconque manquera la guirlande, dit Robin, renoncera à son attirail,
¶ 399 Aussi excellent soit-il, et le donnera au vainqueur : je n’exempterai aucun homme, aussi vrai que je bois de la bière et du vin,
¶ 400 Et il recevra un soufflet que je veux à tête découverte. » Et cette tâche incomba à Robin qui châtiait fort durement.
¶ 401 Par deux fois Robin tira et par deux fois il fendit le bois, tout comme le bon Gilbert à la Main Blanche.
¶ 402 Petit Jean et le bon Écarlate ne furent guère épargnés ; lorsqu’ils manquèrent la guirlande, Robin les frappa durement.
¶ 403 Lors de son dernier tir, Robin, tira au succès de ses amis, pourtant il manqua la guirlande de plus de trois doigts.
¶ 404 Le bon Gilbert parla alors et dit ceci : « Maître, dit-il, vous avez perdu votre attirail, avancez et recevez votre paie.
¶ 405 – S’il en est ainsi, dit Robin, cela ne peut être mieux : messire l’abbé, je vous remets ma flèche, je vous prie, messire, servez-moi donc.
¶ 406 – Ce n’est guère la mission de mon ordre, dit notre roi, Robin, je vous prie, de frapper un bon yeoman, cela m’attristerait vraiment.
¶ 407 – Frappez avec vigueur, dit Robin, vous avez plus que ma permission. » Sur ce, notre roi remonta aussitôt sa manche,
¶ 408 Et infligea à Robin un tel soufflet qu’il manqua de tomber au sol : « Je le jure devant Dieu, dit Robin, voilà un frère puissant.
¶ 409 Il y a de la force dans votre bras, dit Robin, je suis certain que vous tirez fort bien. » C’est ainsi que notre roi et Robin des Bois se rencontrèrent.
¶ 410 Robin contempla attentivement le visage de notre beau roi, tout comme le fit messire Richard de Lee, et tous deux s’agenouillèrent là même où ils se tenaient.
¶ 411 Tous les sauvages hors-la-loi en firent autant lorsqu’ils les virent à genoux : « Mon seigneur roi d’Angleterre, désormais je vous reconnais.
¶ 412 – Pitié, alors, Robin, dit notre roi, sous votre arbre des rencontres je demande bonté et grâce pour mes hommes et moi !
¶ 413 – Oui, par Dieu, dit Robin, et que Dieu me sauve aussi : je demande votre pardon, mon seigneur roi, et l’implore pour mes hommes.
¶ 414 – Oui, par Dieu, dit alors notre roi, et à ceci je consens à condition de quitter la verte forêt et toute votre compagnie,
¶ 415 Et que vous veniez, messire, chez moi à la cour et que vous y demeuriez avec moi.
– Je le jure devant Dieu, dit Robin, il en sera ainsi.
¶ 416 Je viendrai à votre cour pour y voir votre service et j’emmènerai avec moi sept fois vingt et trois de mes hommes.
¶ 417 Si votre service me déplaît, je reviendrai bien vite et tirerai les cerfs bruns comme j’ai coutume de le faire. »
Huitième partie
¶ 418 « Possédez-vous quelque tissu vert, dit notre roi, que vous puissiez me vendre ?
– Oui, par Dieu, dit Robin, trente-trois verges.
¶ 419 – Robin, dit notre roi, je te prie donc de me vendre de ce tissu pour moi et ma compagnie.
¶ 420 – Oui, par Dieu, dit alors Robin, ou je serais bien sot ; un jour vous me fournirez une livrée, je le crois, pour Noël. »
¶ 421 Le roi ôta alors sa robe et enfila une tunique verte24, et chacun de ses chevaliers fit certainement de même. Ils eurent une nouvelle tenue bien vite.
¶ 422 Une fois tous vêtus en vert de Lincoln, ils abandonnèrent leur gris : « Allons désormais à Nottingham », dit ainsi notre roi.
¶ 423 Leurs arcs bandés, ils marchèrent, tirant tous ensemble, vers la ville de Nottingham comme des hors-la-loi.
¶ 424 Notre roi et Robin chevauchaient ensemble, je vous le dis en vérité, et ils jouèrent à tire-soufflet25 tout au long du voyage.
¶ 425 Et notre roi reçut bien des soufflets ce jour-là de la part de Robin des Bois, et Robin ne se retenait pas pour payer notre roi.
¶ 426 « Que Dieu me vienne en aide, dit notre roi, votre jeu est facile à apprendre. Je ne remporterais pas un seul tir face à vous-même en tirant toute une année ! »
¶ 427 Tous les habitants de Nottingham se figèrent et contemplèrent l’horizon : ils ne voyaient que des manteaux verts recouvrant tout le champ.
¶ 428 Chaque homme dit alors à son prochain : « Notre roi est tué, je le crains. Robin des Bois arrive en ville, je crois, il n’a épargné personne ! »
¶ 429 Yeomen et manants se hâtèrent de prendre la fuite, et les vieilles femmes ne pouvant guère marcher clopinaient sur leurs béquilles.
¶ 430 Le roi rit bien fort et leur donna des ordres ; en voyant notre beau roi, je vous le dis, ils furent bien heureux.
¶ 431 Ils mangèrent et burent et se réjouirent et chantèrent de hautes notes. Notre beau roi parla alors à messire Richard de Lee.
¶ 432 Il lui rendit ses terres, lui demandant d’être un homme bon. Robin remercia notre beau roi et se mit à genoux.
¶ 433 Alors que Robin n’eût vécu à la cour du roi que quinze mois, il avait déjà dépensé cent livres et la solde de ses hommes.
¶ 434 De partout où Robin se rendait, il payait toujours plus, aux chevaliers et écuyers, pour asseoir sa renommée.
¶ 435 Mais une fois l’année écoulée, il n’eut plus que deux hommes ; seuls, Petit Jean et le bon Écarlate demeuraient avec lui.
¶ 436 Robin vit un jour de jeunes gens tirer vaillamment : « Hélas ! dit alors le bon Robin, ma fortune est épuisée.
¶ 437 J’étais autrefois un bon archer, fort et robuste, j’étais reconnu comme le meilleur archer de toute l’heureuse Angleterre.
¶ 438 Hélas ! dit alors le bon Robin, hélas et malédiction ! Si je demeure plus longtemps avec le roi, le chagrin me tuera. »
¶ 439 Robin des Bois s’avança alors jusqu’à rejoindre notre roi : « Mon seigneur le roi d’Angleterre, accordez-moi ma demande.
¶ 440 J’ai bâti à Barnesdale une chapelle fort belle à voir, dédiée à Marie-Madeleine, et je voudrais tant y être.
¶ 441 Je ne pourrais fermer les yeux et dormir durant sept nuits, ni même manger ou boire durant sept journées.
¶ 442 Je me languis de Barnesdale, je ne peux en être éloigné ; j’ai fait le vœu de m’y rendre pieds nus et vêtu d’une tunique de laine26.
¶ 443 – S’il en est ainsi, dit alors notre roi, cela ne peut être mieux : je vous donne congé pour sept nuits, vous ne serez pas absent une nuit de plus.
¶ 444 – Merci beaucoup, seigneur », dit alors Robin, et il se mit à genoux. Il prit congé fort courtoisement et retourna dans la verte forêt.
¶ 445 En arrivant dans la verte forêt, une joyeuse matinée, il entendit les notes délicates du chant heureux des oiseaux.
¶ 446 « Il y a trop longtemps, dit Robin, que je ne suis venu ici. Il me plaît de chasser un peu le cerf brun. »
¶ 447 Robin tua un bien grand cerf. Il souffla alors dans son cor pour que les hors-la-loi de la forêt puissent le reconnaître,
¶ 448 Et se rassembler tous ensemble en peu de temps. Sept fois vingt hommes jeunes et braves se tinrent prêts en ligne,
¶ 449 Et ils ôtèrent gracieusement leurs capuches et se mirent à genoux : « Bienvenue, dirent-il, notre maître, sous cet arbre de bois vert. »
¶ 450 Robin demeura dans la verte forêt vingt-deux années. Il ne voulait plus s’en éloigner, par crainte d’Édouard, notre roi.
¶ 451 Pourtant, voyez-vous, il fut trompé par une mauvaise femme, la prieure de Kirklees, qui était de ses proches parents.
¶ 452 Pour l’amour d’un chevalier, messire Roger de Doncaster, qui était son favori : qu’ils soient tous deux maudits !
¶ 453 Ils conspirèrent ensemble pour occire Robin des Bois, et pensèrent au meilleur moyen d’accomplir ce méfait et d’être ses meurtriers.
¶ 454 Le bon Robin parla alors, là même où il se trouvait : « Demain j’irai à Kirklees pour y être adroitement saigné. »
¶ 455 Sire Roger de Doncaster se tenait près de la prieure, et là ils trahirent le bon Robin des Bois grâce à leurs fourberies.
¶ 456 Que le Christ ait pitié de son âme, Lui qui est mort sur la croix ! Car c’était un bon hors-la-loi, qui fit grand bien aux pauvres.
Bibliographie
Sources
A Gest of Robyn Hode, « Lettersnijder edition / Chepman and Myllar prints », 1510-1515, Anvers, Jan Van Doesborch, National Library of Edinburgh, OCLC 2233816.
A Lyttel Geste, of Robyn Hode and his Meyne, and of the Proude Sheryfe of Notyngham, 1492-1534, Londres, Wynkyn de Worde, Cambridge University Library, MS Sel. 5.18.
Une édition de la Gest imprimée vers 1530 par Richard Pynson existe en plusieurs fragments :
– Cambridge, University Library, Inc. 4.J.3.6 (pour les v. 220-227 et 319-327) ;
– « Fragment Penrose », Washington, Folger Shakespeare Library, PR 1400 13688 (pour les v. 327-335, 243-250, 312-319 et 227-235 ;
– « Fragment Douce », Oxford, Bodleian Library, f. 51 (pour les v. 435-443 et 443-451).
Autres éditions
Beattie William (éd.), 1950, The Chepman and Myllar Prints: Nine Tracts from the First Scottish Press, Edinburgh, 1508. Followed by the Two Other Tracts in the Same Volume in the National Library of Scotland, Édimbourg, The Edinburgh Bibliographical Society, p. 197-220.
Child James Francis (éd.), 1882-1898, English and Scottish Popular Ballads, 5 vol., Boston, Houghton Mifflin & Company, vol. III, p. 39-89.
Dobson Richard Barrie et Taylor John (éd.), 1976, Rymes of Robin Hoode: An Introduction to the English Outlaw, Londres, William Heinemann, p. 71-112.
Gutch john Mathew (éd.), 1847, A Lytell Geste of Robin Hode, with other Ancient and Modern Ballads and Songs, 2 vol., Londres, Longman, Brown, Green & Longmans, vol. I, p. 145-219.
Knight Stephen et Ohlgren Thomas H. (éd.), 1997, Robin Hood and Other Outlaw Tales, Kalamazoo (MI), Medieval Institute Publications, en ligne : http://d.lib.rochester.edu/teams/text/gest-of-robyn-hode [consulté le 6 avril 2017].
Quiller-Couch Arthur, 1910, The Oxford Book of Ballads, Oxford, Clarendon, p. 497-574.
Ritson Joseph (éd.), 1795, Robin Hood: A Collection of all the Ancient Poems, Songs, and Ballads, now Extant, Relative to that Celebrated English Outlaw, 2 vol., Londres, T. Egerton, Whitehall, & J. Johnson, St. Pauls-Church-Yard, vol. I, p. 1-80.
Stevenson george (éd.), 1918, Pieces from the Makculloch and the Gray MSS. Together with the Chepman and Myllar Prints, Édimbourg et Londres, The Scottish Text Society, p. 267-290.
Notes de bas de page
1 Le titre original utilise le mot gest, qui signifie dans le contexte de ce poème aussi bien une chanson de geste qu’un invité.
2 Barnesdale est un des lieux principaux associés à la légende de Robin des Bois, avec la forêt de Sherwood et Nottingham. Barnesdale se situerait soit dans le Yorkshire, soit, comme le suggère Stephen Knight, dans le comté de Rutland (voir 1994, p. 29-32). Toutefois, la Geste semble plutôt associer Barnesdale au Yorkshire, comme le prouve la strophe 18.
3 Il s’agit ici de William l’Écarlate, aussi appelé Will Scarlet dans certains textes anglais. Les textes médiévaux font référence à lui sous différents noms : Scarlok, Scadlock, Scalok, Scatheloke.
4 Motif rappelant le début des romans arthuriens. À table, un jour de fête, le roi Arthur refuse de manger tant qu’un événement merveilleux ou un personnage inhabituel ne sera pas venu à sa cour (voir, notamment, le début de Sire Gauvain et le Chevalier Vert).
5 Le Sayles a été identifié comme un terrain situé dans le Yorkshire au nord de Barnesdale et surplombant l’ancienne voie romaine d’Ermine Street (ici nommée « Watlinge Street »). Cette route reliait – et relie encore en partie – York avec Londres. De par sa position, le Sayles était un lieu idéal pour des bandits de grand chemin.
6 Une livre d’argent était constituée de 20 shillings, chaque shilling valant lui-même 12 pence.
7 Être fait chevalier n’avait pas forcément que des avantages. La position entraînait tant de frais et de responsabilités que de nombreux hommes commencèrent à refuser l’adoubement. Le problème était devenu si sérieux au xiie siècle que Henri III (1216-1272) ordonna l’adoubement de chaque personne disposant d’un revenu de 20 livres par an. Cette procédure réapparut ensuite sous le règne d’Édouard Ier (1272-1307).
8 Le terme anglais yeomanry fait référence à l’obligation qu’avaient les yeomen disposant d’un revenu de moins d’une livre par an de servir dans l’armée royale.
9 La verge est une unité de mesure équivalente au yard anglais et valant environ 90 centimètres.
10 Le palefroi était un cheval de parade coûteux fait pour être monté, et non pour combattre. Il était, de fait, le cheval de prédilection des dames pratiquant l’équitation comme loisir. Or, le chevalier réussit ici à obtenir son prêt parce qu’il invoque la Vierge Marie comme garante : en lui offrant un palefroi, censé le « maintenir dans son droit », Much tenterait-il également de rappeler au chevalier de ne pas manquer à ses engagements envers Robin et la Vierge Marie ?
11 Dans un monastère, une abbaye ou un prieuré, le cellérier est un religieux en charge de l’approvisionnement du cellier en nourriture et alcool.
12 Ce « justicier », appelé justice dans le texte anglais, était un avocat servant les puissants, qu’ils soient religieux ou nobles, à travers tout le pays et faisant donc partie intégrante du système judiciaire de l’Angleterre médiévale. Il pouvait faire office d’avocat, d’huissier, de notaire et même représenter le pouvoir royal en œuvrant notamment comme shérif.
13 Le justicier laisse comprendre ici qu’il a été embauché par l’abbé.
14 L’abbé avait visiblement engagé le justicier afin de faciliter sa transaction et lui permettre de conserver les terres du chevalier. Surpris par la capacité de son débiteur à rembourser son prêt, il tente donc de minimiser ses pertes en demandant au justicier de lui rendre la provision qu’il lui avait versée.
15 Certaines versions du texte en moyen anglais donnent ici « as he went at a brydge », ce qui pourrait être soit un jeu de mots rappelant le nom Wentbridge (dans la partie nord de Barnesdale), ou bien l’erreur d’un copiste ne connaissant pas ce lieu, mentionné ici pour la toute première fois. Nous avons ici choisi de traduire « as he went at a brydge » par « en arrivant à Wentbridge », ce qui semble plus logique : Wentbridge est sur la route menant au repaire de Robin, et il est peu probable qu’un tournoi de lutte avec de telles récompenses soit organisé en pleine nature, à côté d’un pont.
16 Un mark valait deux tiers d’une livre. Cinq marks représentent donc 3 livres, 6 shillings et 8 pence.
17 Les deux moines ont disparu et ont laissé place à un seul moine bénédictin.
18 L’abbé a déclenché une procédure légale visant à annuler la récupération de ses terres par le chevalier.
19 Gilbert à la Main Blanche semble être le seul à pouvoir rivaliser avec Robin des Bois lors du tournoi. Ils fendent le bois à chaque tir, ce qui peut être à l’origine de la célèbre scène dans l’Ivanhoé de sir Walter Scott où Robin de Locksley fend une flèche en deux (scène devenue, depuis, partie intégrante de la légende de Robin des Bois).
20 Reynold était dans la troisième partie de la geste le nom utilisé par Petit Jean chez le shérif, or il s’agit ici d’un personnage différent. Plusieurs poèmes médiévaux attestent de l’existence d’un Reynold Vertefeuille – Greenleaf en anglais – (voir Knight, 1994, p. 264-268) parmi les joyeux compagnons, mais s’il est connu, pourquoi cette confusion ? S’agit-il d’une simple erreur ? Ou bien Petit Jean, qui aime jouer des tours, s’est-il volontairement fait passer pour Reynold ?
21 Il s’agit de Plumpton Park, non loin de Knaresborough, dans le Yorkshire, à ne pas confondre avec le Plumpton Park Zoo, situé dans le Maryland, aux États-Unis.
22 Ce jeu de mots macabre du chevalier fait référence à la tête humaine qui a, par le passé, pu être utilisée comme une balle.
23 Cette guirlande était un anneau de petites branches attaché sur chaque piquet. Les tireurs devaient toucher la cible qu’était le piquet à travers la guirlande.
24 Édouard rejette ici les couleurs de l’Église et embrasse, en apparence, celles de la forêt.
25 Le tire-soufflet, ou plucke buffet dans le texte anglais, est une compétition de tir à l’arc dans laquelle l’archer manquant la cible reçoit un soufflet de la part de son adversaire.
26 Robin fait donc comprendre au roi qu’il désire accomplir un pèlerinage : il souhaite quitter le luxe de la cour en pénitent.
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