Chapitre VII
Un croisement des données
p. 189-224
Texte intégral
La littérature de jeunesse est-elle un support approprié pour des apprenants de langue étrangère au niveau ab initio et stimule-t-elle pour eux les processus de la lecture-écriture ?
1Après l’analyse des deux corpus de travaux d’écriture créative, venons-en aux résultats des questionnaires 1 et 2 remplis par les apprenants en amont et en aval du semestre d’étude1. Nous aurons peut-être aussi des réponses à la question de savoir si la démarche proposée et les tâches d’écriture créative en lien avec la lecture ont conduit à une appropriation linguistique, culturelle et littéraire, et à un engagement de tous les apprenants à tous ou à certains de ces niveaux.
2Pour la méthodologie, disons rapidement que nous avons eu recours à l’analyse de contenu (« content analysis ») selon Michael Quinn Patton (2002, p. 463-464). Cette méthode consiste à identifier ce qu’il y a de commun dans les réponses, à coder, catégoriser, classifier et labelliser les éléments récurrents présents dans les données recueillies afin de faire ressortir et de mettre en valeur ce qui est significatif. Pour les questions posées à la fois avant et après le semestre d’étude, nous avons établi un tableau à double entrée synthétisant les réponses obtenues afin de comparer ces réponses entre elles. Pour les questions n’apparaissant que dans l’un ou l’autre des questionnaires (celles sur l’expérience antérieure de l’apprenant en matière de lecture ou celle sur leurs préférences parmi les œuvres du corpus étudié par exemple), les réponses ont été directement catégorisées. Ces analyses ont permis de faire ressortir des éléments saillants dans les réponses, tels que la tendance pour certains apprenants à faire des lectures buissonnières dans la langue-cible ou encore leur expérience de la lecture en langue-cible lors de séjours en France ou dans les pays francophones.
3Avant de présenter quelques-uns des résultats, nous nous attarderons sur la notion d’hétérogénéité car elle permet de circonscrire les aspects saillants des résultats. Seront ensuite abordés les aspects suivants : attentes et représentations des apprenants afin d’interroger la pertinence des supports et de la démarche proposés. Enfin, nous envisagerons les productions écrites de quatre apprenants d’un point de vue diachronique pour en observer l’évolution puis nous interrogerons les données de quatre autres apprenants pour déterminer si la démarche permet de répondre aux besoins du public hétérogène ayant participé à la recherche.
L’hétérogénéité, un aspect saillant des résultats :
4Le terme « hétérogénéité » rassemble un certain nombre d’aspects présents à la fois dans les données de base (profil de l’apprenant, parcours passé et présent, expérience de la lecture/de l’écriture, attentes et représentations) et dans les résultats de l’analyse des productions et des questionnaires.
Le profil de nos étudiants
5Comme précisé plus tôt, les parcours d’apprentissage du français des apprenants du groupe sont très variés puisque certains ont commencé à apprendre le français dans l’institution l’année précédente et que d’autres y ont consacré jusqu’à six ans, dans le secondaire notamment. En outre, leurs cursus varient puisque certains sont inscrits en droit, finance, économie ou sciences, alors que d’autres ont un profil plus littéraire, voire sont des spécialistes de langues. Certains suivent un double cursus tel que lettres et droit, lettres et économie ou lettres et finance. Enfin, cinq étudiants sur les vingt-six du groupe ont des origines et des traditions éducatives autres qu’australiennes. Trois sont plurilingues et deux sont des étudiants d’origine chinoise dont la langue d’origine est le mandarin.
6L’analyse des deux séries de productions a montré l’hétérogénéité du groupe sur le plan de la maîtrise linguistique. Avec seize copies de niveaux 3, 3-4 et 4 pour la première production et quatorze copies de niveaux 3, 3-4 et 4 pour la seconde production, soit plus de la moitié des textes, on peut considérer que la langue ne pose pas de gros problèmes pour une majorité d’apprenants participant à l’étude. En revanche, on dénombre à chaque fois, une dizaine de productions de niveau faible ou moyen (niveaux 1, 1-2, 2 ou 2-3). L’hétérogénéité est donc une notion qui s’applique également au niveau linguistique des étudiants, et ce bien qu’au regard de l’expérience de l’enseignante-chercheuse dans l’institution il s’agisse plutôt d’un « bon » groupe.
Expérience préalable de lecteur en langue cible
7Dans la majorité des cas, nos étudiants font état de lectures fragmentaires, diverses et éparses (chansons, poèmes, articles de journaux). En aucun cas, il n’est fait référence à la lecture intégrale d’un récit. Seuls quatre étudiants sur les vingt-six participants à l’étude parlent de lectures buissonnières en langue cible. Trois étudiants ont tenté de lire des œuvres littéraires reconnues, comme par exemple Bonjour tristesse ou Le Petit Prince.
8En ce qui concerne l’autoévaluation en matière de lecture en langue cible et les sentiments du lecteur, une majorité d’apprenants (seize sur vingt-six) affirme avoir une expérience extrêmement limitée de la lecture et/ou de la littérature, ce qui peut dans certains cas engendrer une frustration. Six (dont deux étudiants chinois) font état d’une expérience difficile voire douloureuse. Enfin cinq apprenants estiment leur expérience préalable plutôt satisfaisante et encourageante.
9En ce qui concerne les stratégies de lecture et la nature des difficultés rencontrées, on note pour une étudiante chinoise, que la lecture est indissociablement liée à la connaissance de la grammaire, qu’elle nécessite l’analyse de la phrase, les phrases longues constituant de ce fait une difficulté importante. Pour une autre étudiante, le problème principal touche à la nécessité de se remémorer la conjugaison des verbes. Elle éprouve également des difficultés à voir à quoi se réfèrent les particules, et indique que cela ralentit sa vitesse de lecture. Deux autres apprenantes affirment quant à elles, que la connaissance du contexte leur permet d’induire le sens des mots qu’elles ne connaissent pas, et ainsi leur évite de chercher dans le dictionnaire.
10On constate, par ailleurs, chez deux apprenants des représentations déjà bien établies de la littérature de langue française ou de la littérature de jeunesse française. L’un affirme que les histoires semblent toujours beaucoup plus philosophiques et intelligentes lorsqu’elles sont écrites en français2. L’autre affirme quant à elle que Le Petit Prince, qu’elle a lu en année 12 au lycée, était « bien qu’ayant été écrit pour les enfants, pertinent et plaisant pour des personnes de tout âge3 ».
Les attentes des apprenants
11L’analyse met en évidence le fait que la simplicité du texte est l’attente primordiale chez les étudiants concernés. Deux tiers des membres du groupe ont placé celle-ci en tête de leurs réponses. L’accessibilité se traduit par l’idée de ne pas avoir à chercher trop de mots dans le dictionnaire ou encore de ne pas rencontrer trop d’entraves grammaticales. En outre, on trouve parfois présent un indicateur concernant le type d’écrit attendu ou ce qui ne leur paraît pas adéquat, comme les classiques littéraires ou des livres comportant de l’argot ou des mots désuets4.
12Seul un étudiant mentionne son intérêt pour les classiques tout en indiquant en même temps, souhaiter ne pas devoir avoir recours au dictionnaire trop fréquemment. Quatre étudiants enfin mentionnent la littérature pour la jeunesse. L’un indique que cette littérature « correspond davantage à [son] niveau que de la littérature académique plus avancée5 », un autre qu’il ne « connaît pas suffisamment le français pour l’instant pour comprendre de la vraie littérature pour adultes6 ».
13Les autres attentes primordiales sont liées à la stimulation, au « challenge » (treize réponses sur vingt-six) et au contenu culturel (huit étudiants sur vingt-six). Seuls quatre étudiants font référence de manière spécifique au vocabulaire, à la grammaire et à la conjugaison, et seuls trois apprenants mentionnent le développement de compétences particulières. Il s’agit ici de la compréhension et de la prononciation et de la lecture. La notion de plaisir, enfin, n’est présente que dans trois questionnaires.
14Pour la stimulation attendue, on note qu’elle se situe au niveau de la somme de travail requis et aussi dans l’idée d’une certaine progression au sein du corpus proposé. Pour un étudiant, la littérature étudiée sera suffisamment complexe pour inviter l’apprenant à réfléchir et pour donner matière à un apprentissage linguistique7. Enfin, un étudiant mentionne la dimension culturelle : la littérature lue en classe doit permettre de mieux comprendre et de mieux apprécier la littérature française8.
15Si certains sont confiants en ce qui concerne les lectures qu’ils vont faire « je crois que la littérature lue en classe “sera” [futur] très stimulante mais aussi très plaisante9 », trois apprenants, en revanche, expriment leur scepticisme. L’un écrit : « Ce ne sera pas trop intéressant10. » Deux autres s’attendent à ce que les livres soient appropriés à l’âge des étudiants et ne soient pas ennuyeux11, anticipant implicitement un problème à cet égard.
16Pour ce qui est du contenu culturel attendu, on peut noter que c’est souvent plus de « culture française » que de « culture francophone » qu’il s’agit, en particulier pour les deux étudiants chinois du groupe12. L’authenticité est mise en avant par un étudiant, qui se réjouit de lire de la littérature française adressée à la jeunesse plutôt que des passages écrits spécifiquement pour des apprenants de français13. Il est important de noter ici que l’humour est un élément de motivation crucial pour une étudiante internationale d’origine chinoise14.
17En bref, on peut dire que les attentes des apprenants se cristallisent surtout autour des indicateurs d’accessibilité (de simplicité), de stimulation (ou de « challenge ») et de culture. Une réponse nous semble bien synthétiser une majorité de réponses fournies : « Je m’attends à ce que le programme élargisse ma connaissance de la langue et de la culture française et qu’il soit défini à un niveau qui stimulera mes capacités sans pour autant être impossible15. »
Les productions et les traces d’engagement relevées
18Les analyses des deux productions ont montré une grande variété et une grande hétérogénéité dans les types de productions et les choix effectués. Pour ce qui est du Petit Chaperon rouge, certains apprenants ont fait le choix de coller au plus près de la version simplifiée du conte lue en classe. D’autres, en revanche, ont choisi de s’en éloigner et de produire une version où de nombreux épisodes du récit ne sont plus présents. En outre, la longueur des productions était très variable, allant de 150 à 498 mots. En ce qui concerne Pochée, on a observé comment certaines productions développaient de manière minimale les sentiments du personnage pendant que d’autres y accordaient une importance forte, reflétant ainsi dans leur écrit la lecture philosophique qu’ils avaient pu faire du livre. Là encore, la longueur des productions était hétérogène, et les traces d’engagement relevées touchent à des domaines divers : appropriation linguistique, références intertextuelles aux iconotextes lus, réminiscence d’images vues, etc.
19La notion d’hétérogénéité recouvre donc de multiples facettes, qu’il s’agisse du profil des apprenants impliqués dans la démarche, des documents donnés en lecture, des productions auxquelles la démarche a abouti ou encore des traces d’engagement relevées. En revanche, en ce qui concerne les attentes des apprenants, les réponses tendent à être homogènes comme on l’a vu.
La satisfaction des attentes : quel bilan en fin de parcours ?
20Une première lecture des commentaires de nos étudiants nous invite à remarquer l’enthousiasme de plusieurs d’entre eux. L’une parle d’attentes « satisfaites ou plutôt dépassées », malgré le fait qu’elle se trouvait en dehors de sa zone de confort, deux autres d’attentes satisfaites, et ce, en dépit, d’attentes élevées ou de lectures proposées jugées parfois difficiles à comprendre16. Il convient ici de cerner plus en profondeur ce qui, dans les réponses, a trait à cette satisfaction à l’issue du semestre d’étude proposé. On note en ce qui concerne l’apprentissage linguistique que 96 % des apprenants sont satisfaits (4 % n’ont pas répondu à cette question). En ce qui concerne la confiance en soi, 62 % estiment avoir progressé et 23 % plus ou moins (4 % répondent non, 11 % n’ont pas répondu à la question). Enfin, pour ce qui est de la satisfaction vis-à-vis du contenu proposé, 77 % s’estiment satisfaits, 23 % ne répondant pas.
L’apprentissage linguistique
21En ce qui concerne l’apprentissage linguistique, l’ensemble des étudiants est très satisfait. Nous avons vu que leurs attentes en début de semestre se cristallisaient à la fois sur la simplicité et sur la stimulation (le challenge). Il semble que, de ce point de vue et en matière d’apprentissage linguistique, la démarche et les œuvres étudiées aient donné satisfaction. Pour ce qui est du défi, les apprenants mentionnent l’apprentissage du passé simple ainsi que celui d’expressions idiomatiques. Un autre étudiant indique que le vocabulaire était accessible, mais regrette que l’argot utilisé par les plus de 20 ans ait été absent des livres étudiés. Pour deux autres encore, l’apport en matière de vocabulaire a été important et a même surpassé leurs attentes. Il en va de même pour trois autres. Le tableau présenté en Annexe 5 synthétise l’ensemble des réponses ayant trait à cette question.
La lecture et la compréhension de l’écrit
22L’analyse des productions a mis en avant la lecture précise et minutieuse effectuée par les apprenants ainsi que le développement de « textes du lecteur » réinvestis dans des productions souvent astucieuses. Dans les questionnaires 2, les étudiants mentionnent fréquemment des progrès dans le domaine de la lecture. C’est dans leurs réponses à la question concernant la satisfaction des attentes en matière de compétences langagières, de confiance en soi et de contenu qu’ils ont abordé le domaine de la lecture. La grille proposée en Annexe 6 synthétise ces réponses.
23On note que dix étudiants indiquent avoir progressé en lecture et avoir acquis davantage de confiance en eux-mêmes. L’une affirme se sentir « beaucoup plus confiante dans la lecture de TOUS les textes écrits en français et pas seulement dans la lecture de livres de littérature de jeunesse17 ». Une autre indique avoir développé la capacité à induire un mot à partir du contexte18. Deux étudiantes mettent en avant l’importance de centrer la démarche sur la lecture de documents intégraux ainsi que la satisfaction d’avoir pu terminer un livre. On peut relever que le fait de pouvoir aller jusqu’au bout d’un livre apparaît crucial du point de vue de la confiance en soi et marque un changement capital dans le cheminement de l’apprenant de langue étrangère. Une étudiante chinoise écrit : « Je me suis sentie heureuse de “finir un livre” et j’ai senti que j’étais capable de comprendre des histoires en français19. » Elle ajoute : « Je me sens prête à lire des histoires simples en français. Et maintenant je pense vraiment que la littérature de jeunesse est une bonne manière de commencer à apprendre une langue étrangère et d’apporter de la confiance petit à petit à partir de cela20. » Au sujet du Petit Chaperon rouge, son texte préféré, elle note : « Après avoir fini la version française [du conte], j’avais davantage confiance en moi en français. » Dans la mesure où l’éducation traditionnelle chinoise laisse peu de place à l’autonomie21, gagner en confiance en soi en lecture autonome marque un pas important dans l’apprentissage chez cette jeune étudiante.
L’écriture
24L’analyse des productions écrites a mis en avant la diversité des écrits réalisés par les apprenants et la richesse de ces productions. Il a par ailleurs été montré que les textes produits allaient largement au-delà des critères généralement retenus pour les tâches d’expression écrite au niveau qui est généralement admis comme étant le leur (niveau A2/B1 du CECRL). Ainsi, on a mis en avant le fait que les étudiants pouvaient exprimer des sentiments complexes, faire référence à des événements passés ou hypothétiques dans le passé, manipuler les divers modes et temps et produire des écrits cohérents et cohésifs. Si les apprenants ont exprimé leur satisfaction en ce qui concerne l’apprentissage linguistique et la lecture-compréhension, en revanche, peu nombreux sont ceux qui abordent la question de l’écriture ou parlent de progrès en ce domaine. Il faut noter, et cela fait défaut, que le questionnaire n’était pas orienté sur l’écriture ou sur l’écriture créative en particulier.
25Cependant, une apprenante dont nous avons vu qu’elle rencontrait de grosses difficultés avec la langue, mais dont la richesse des textes était remarquable tant au niveau de la créativité que de la littérarité, estime qu’« écrire créativement permet de façon très large « de faire des essais avec des mots et des phrases qui, sans cela, ne seraient pas utilisés22 ». Une autre relève qu’elle se sent « beaucoup plus capable d’employer certains aspects du langage/du vocabulaire et le passé simple en particulier23 ».
26En revanche, certains étudiants ont le sentiment que la démarche n’a pas permis de progresser suffisamment dans ce domaine. C’est le cas pour certains des apprenants les plus faibles du groupe, comme l’un qui souligne avoir fortement progressé dans la compréhension et la lecture mais pour qui l’écrit est encore insatisfaisant : « Mes compétences en compréhension et en lecture se sont vraiment améliorées, mais mes compétences en expression écrite et la confiance dans ce domaine sont des points qui nécessitent encore beaucoup de travail24. » Une apprenante qui ne se sent pas très à l’aise avec la langue et a produit à deux reprises des variations minimales, observe pour sa part que ses compétences en écriture ne se sont améliorées que de manière marginale par rapport au reste25. Un autre indique qu’il a « légèrement » progressé lorsqu’il veut dire précisément ce qu’il a à dire sur le texte, mais qu’il aurait aimé développer davantage la compétence d’écriture26.
27On a noté dans l’analyse des secondes productions une amélioration, en particulier chez les étudiants de niveau 3. Cela n’est pas surprenant. En effet, la recherche a montré que les apprenants les meilleurs étaient ceux qui tiraient le plus bénéfice de l’apprentissage, en particulier dans le domaine lexical. En d’autres termes, ceux qui étaient déjà riches de vocabulaire le sont devenus encore plus (Pulido, 2009).
28Si certains apprenants témoignent de progrès en expression écrite, tous ne sont pas satisfaits à cet égard. Il est probable que ceux dont les écrits nécessitaient réellement qu’on s’y attarde, pour les remanier, les améliorer, n’ont pas disposé du temps nécessaire. Cela est sans doute imputable à la brièveté du semestre d’étude (douze semaines en tout) et au programme ambitieux (étude de cinq iconotextes, dont un de soixante-deux pages, autour de trois pôles différents dans les douze semaines). On regrette bien sûr que les questionnaires n’aient pas davantage été orientés sur l’écriture et sur les tâches d’écriture créative en particulier. D’autres recherches devront à l’avenir être mises en place afin de compléter les résultats de celle-ci.
La dimension culturelle
29Le corpus proposé a été plébiscité pour son aspect culturel ainsi que pour le plaisir qu’il a apporté aux étudiants (cinq réponses), pour l’apprentissage linguistique qu’il a permis d’engager (deux mentions), pour le challenge qu’il a constitué (deux autres réponses) et enfin pour la variété qu’il a offerte (deux mentions encore).
30Les analyses de productions ont montré l’intérêt des apprenants pour le culturel et ont mis en évidence l’impact des images et de la version de Perrault sur l’écriture. En outre, le culturel était un des éléments phares attendus par les étudiants au côté de l’accessibilité et de la stimulation. Le tableau présenté en Annexe 7 synthétise les réponses se rapportant au culturel.
31Pour ce qui est du contenu de la démarche proposée, 77 % des apprenants se déclarent satisfaits. Les étudiants mettent surtout l’accent sur le culturel, que ce soit en ce qui concerne la littérature francophone et les ouvrages suisses ou québécois étudiés (quatre réponses), ou les aspects historiques de la littérature patrimoniale abordés à travers l’étude de l’histoire du Petit Chaperon rouge (trois mentions). L’intérêt pour la culture et l’histoire populaire, pour la manière dont elles sont traitées, avec subtilité, dans les ouvrages pour la jeunesse sont mises en avant par un étudiant : « La littérature étudiée a été très bien choisie – en particulier des livres comme Le chandail de hockey et John Chatterton, parce qu’ils faisaient référence à la culture populaire et à l’histoire de manière si habile et intelligente27. »
32Si nous avions constaté avant le semestre d’étude que les attentes en matière de contenu culturel étaient essentiellement tournées vers la France, on constate à la lecture des commentaires rédigés en fin de semestre, que les apprenants ont particulièrement apprécié l’étude de livres de jeunesse originaires de Suisse ou du Québec. En outre, la démarche proposée dans le cadre de ce cours, et qui consistait à replacer chaque ouvrage dans son contexte historique, social et culturel est plébiscitée par trois des apprenants.
Les autres compétences ou domaines
33Bien que n’étant pas au cœur des visées du cours, les compétences orales ont tout de même donné lieu à des entraînements (phases de rappel, récit, débat d’élucidation, présentations orales parallèles dans un autre cours, etc.)
34Dans les questionnaires analysés, deux étudiants disent ne pas réellement ressentir d’amélioration dans le domaine de l’expression orale : l’une parce qu’elle a trouvé son groupe trop réfractaire à prendre la parole en classe, l’autre parce qu’elle se sentait souvent intimidée par les compétences des autres apprenants à l’oral. Cette apprenante pointe du doigt la composition des groupes qui mêlent étudiants qui ont fait du français pendant quatre à six ans et d’autres n’ayant fait qu’un an de français à l’université. Ce regroupement est fréquemment qualifié de déstabilisant et considéré comme une source de stress lorsque les apprenants sont confrontés pour la première fois entre eux. Il faut noter ici que cette information figure de manière récurrente dans les questionnaires d’évaluation du cours remplis chaque semestre.
35Bien que les entraînements à la compréhension orale ne fassent pas partie des objectifs principaux du cours, les phases d’expression orale demeurent cependant cruciales, car c’est dans ces moments d’échange que se construisent les significations et que peut aussi s’exprimer la subjectivité lectrice.
36La confrontation des résultats des diverses analyses a mis en évidence des points forts et des points faibles dans la démarche. Il ne fait aucun doute que l’écriture et les phases de remédiation de l’écriture sont un point à améliorer. Néanmoins, de nombreux points positifs sont apparus comme l’appropriation de savoirs et de savoir-faire dans les domaines linguistiques, littéraires et culturels.
37Il convient à présent de se pencher sur les représentations des apprenants en ce qui concerne la littérature de jeunesse et l’album en début et fin de parcours, et de s’intéresser à leur livre préféré et ce, afin de déterminer ce qui dans le choix de tels supports est réellement crucial.
L’objet « littérature de jeunesse », un changement de perception en fin de semestre ?
38On confronte ici les réponses proposées par les apprenants dans les premiers et seconds questionnaires à la question : « Qu’évoque l’expression “Littérature de jeunesse” pour vous28 ? » Pour cette analyse sont mis en regard les indicateurs proposés par les apprenants dans le premier questionnaire et ceux présents par la suite dans le second.
Représentations initiales
39Pour le premier questionnaire les principaux indicateurs relevés dans les réponses sont liés à l’âge présumé des lecteurs de cette littérature (dix-sept réponses sur vingt-six), aux thèmes et formes présents dans les textes, aux pratiques ou expériences vécues et enfin à la simplicité.
40Certaines réponses nous font penser que la littérature de jeunesse n’est pas un champ totalement étranger à nos apprenants. En effet, quatre des participants à l’étude font mention dans le premier questionnaire du phénomène « crossover », ce qui est important puisque c’est un des aspects cruciaux ayant motivé l’approche proposée.
41En ce qui concerne l’âge auquel cette littérature est destinée, selon les apprenants, on trouve une variété de réponses, qui vont « d’œuvres littéraires conçues pour les enfants » à « livres lus principalement par des jeunes d’environ 10-20 ans ».
42Pour ce qui est des pratiques ou expériences individuelles passées, ce sont à la fois des expériences positives et des expériences moins positives qui ressortent. Ainsi, un étudiant parle de « lectures relaxantes et réjouissantes ». Un autre, en revanche, évoque une littérature et des livres imposés par autrui, de l’extérieur, « des livres que les parents et les professeurs m’ont fait lire quand j’étais enfant ou des livres que tout le monde lit comme Harry Potter29 ».
43Si l’on trouve dans certaines réponses les stéréotypes de simplicité, ceux-ci sont parfois associés à l’idée d’ennui ou de superficialité. Une étudiante questionne ces stéréotypes : « Il est évident que la littérature de jeunesse est destinée aux jeunes, mais le mot “littérature” m’indique qu’il y a une quelconque valeur intrinsèque dans l’œuvre (par exemple une valeur morale, l’intégrité textuelle) qui vise à aller au-delà du divertissement30. » Il est intéressant de noter qu’une fois encore le commentaire de l’apprenant rejoint l’une des questions actuellement débattue dans le champ de la littérature, à savoir celle de la valeur légitimée ou non de la littérature de jeunesse, question également d’actualité en Australie.
44Par ailleurs, deux apprenants émettent des a priori positifs sur la littérature de jeunesse. Si pour l’un, elle peut être très ennuyeuse et très stupide, elle peut aussi être « passionnante et profonde mais avoir un langage plus simple et des histoires plus intéressantes que les œuvres classiques31 ». Un autre, quant à lui, écrit que la « youth literature » traite des idées et des thèmes présents dans la vie des jeunes d’aujourd’hui « d’une manière intéressante et engageante32 ».
Un glissement dans les représentations
45Si nous avions noté dans le premier questionnaire la récurrence de termes évoquant la simplicité sans y adjoindre une autre idée, ce n’est plus le cas dans le second questionnaire33. Seule une étudiante, dont nous avons vu qu’elle abordait le semestre d’étude avec scepticisme34, ne semble pas convaincue par la stimulation que peuvent engendrer ces livres. Elle conserve l’idée de simplicité et explique que l’expression évoque pour elle des livres qui ne demandent pas beaucoup d’efforts pour les lire35.
46L’adjectif « simple » ne disparaît pas des réponses proposées en fin de semestre mais est désormais associé à des expressions ayant toutes une connotation positive et, le cas échéant, mettant l’accent sur la complexité. Ainsi on lit : « des histoires simples avec des messages plus profonds36 » ; « des idées simplistes mais souvent porteuses en arrière-plan de significations plus importantes et plus complexes37 ».
47Les lectures que les apprenants ont faites influent sans surprise sur leurs réponses. Ils sont moins nombreux à fournir un indicateur d’âge, et quand ils le font, c’est pour souligner le phénomène de « crossover » (trois réponses). En outre, ils associent désormais cet indicateur à la complexité, au plaisir et à des thèmes particuliers.
48Si une étudiante explique qu’elle associe toujours le terme « youth literature » à des thèmes comme « grandir » ou « les parents », elle ajoute qu’elle pense désormais davantage à des thèmes « complexes » comme « la mort » ou « la solitude », abordés dans Pochée. Un autre mentionne également le deuil comme dans Pochée, mais parle également de culture en se référant au Chandail de hockey ou à Reine. Les apprenants mentionnent également des formes qui n’avaient pas été mentionnées dans le premier questionnaire, telles que les réécritures de vieilles histoires ou de contes.
49Une étudiante illustre bien le glissement qui s’est opéré pour ces apprenants. Si elle indiquait dans le premier questionnaire que, pour elle, il s’agissait de livres faciles plutôt superficiels38, elle parle en revanche, dans le questionnaire 2, d’une littérature qui, à un niveau différent, peut satisfaire un public plus âgé39. Un autre étudiant exprime une idée similaire : « Je comprends que la littérature de jeunesse est plus complexe et plus intéressante que ce que je ne pensais initialement40. »
50Pour un autre encore, cette littérature a fait renaître des sentiments enfouis : « La littérature de jeunesse évoque maintenant tous ces sentiments et toutes ces émotions que j’ai ressenties enfant et me rappelle les souvenirs simples des moments où j’ai ressenti ces émotions41. » Nous le voyons, c’est un « je » qui s’exprime ici, un « je » engagé dans sa lecture et dans son apprentissage. À l’inverse, un autre marque, par le choix du pronom « them » une distance vis-à-vis de ce domaine : « Une littérature qui traite de problèmes et d’histoires qui touchent les jeunes. Suffisamment simple pour qu’ils comprennent, souvent accompagnée d’images, mais avec des thèmes qui les intéresseront42. »
51Sur l’ensemble des vingt-six apprenants, dix-neuf évoquent en fin de parcours la littérature de jeunesse de manière positive en mettant en avant sa complexité, sa qualité intrinsèque ou encore sa qualité comme outil pédagogique ou comme divertissement43. Les sept autres parlent de la littérature de jeunesse en mettant en avant la simplicité ou la forme44. On constate donc dans les réponses du questionnaire 2 un glissement : si la littérature de jeunesse est parfois encore désignée en matière de simplicité, des expressions mettant en valeur une certaine complexité sont désormais présentes. Outre cela, l’aspect pertinent de ces ouvrages pour l’enseignement des langues est mis en avant par certains.
L’album : une évolution des représentations ?
Perceptions initiales : questions de forme, d’âge du lecteur et de contenu
52Pour ce qui est de la présentation (de la forme45), on trouve l’idée que l’image occupe dans ces livres une place plus grande que le texte (quatre réponses), que les dialogues sont présents sous forme de bulles, de texte placé sous l’image. Il faut noter ici que le terme « comics » (bandes dessinées) est présent dans quatre réponses d’apprenants. En outre, un étudiant écrit que les albums sont des livres comportant de nombreuses photographies.
53On observe des réponses relatives à la place et au rôle de l’image et du texte dans ce support. Pour trois étudiants, l’image a un rôle d’illustration et aide à comprendre ce qui est écrit. Pour un autre, l’histoire peut être racontée à partir des images uniquement. Deux autres encore accordent au texte un rôle secondaire, un rôle d’accompagnement de l’image. Un septième, en revanche, parle de manière plus originale du rôle de l’image comme permettant de créer un cadre et une ambiance dans l’esprit du lecteur46. Pour un dernier enfin, les images sont nécessaires « soit parce que le texte est très simple, soit parce qu’il faut mettre l’accent sur les parties les plus imaginatives de l’histoire47 ». À l’exception de ce dernier, les apprenants ont, dans leur ensemble, une conception assez banale de l’album. La majorité d’entre eux ne pense pas que textes et images peuvent se contredire, ou dire des choses radicalement différentes.
54En ce qui concerne l’âge du lecteur visé, certains apprenants désignent le public cible comme étant de très jeunes enfants ou les enfants (six réponses), et l’on trouve des termes comme « childhood », « infancy ». En revanche, trois apprenants font référence au phénomène de « crossover » à propos de l’album. Si nous ajoutons ces trois étudiants aux quatre autres mentionnant ce phénomène au sujet de la littérature de jeunesse, ce sont en tout sept étudiants, soit près d’un tiers du groupe, qui évoquent ledit phénomène de « crossover ». Par ailleurs, cette donnée s’oppose à l’idée qu’en général, la formule ne concerne pas l’album, ainsi que l’affirme Sandra L. Beckett48. Pour nous, et pour notre démarche, le fait qu’un tiers des étudiants soient conscients de la pluralité des publics que touchent la littérature de jeunesse et les albums est important. En effet, il y a donc davantage de chances pour qu’ils acceptent les textes choisis comme objets d’étude en contexte universitaire.
55Pour ce qui est du contenu, on trouve l’idée qu’il y a des leçons de morale (« morals ») (deux réponses). Il est important de constater ici que la valeur patrimoniale ou en matière de culture populaire est quasiment absente des réponses. Seul un étudiant note que ce sont des livres illustrés qui racontent une histoire basique en général pour les jeunes enfants « bien que, souvent, ces histoires soient très anciennes et soient reconnues49 ». Un autre, quant à lui, utilise les termes « contes », « fables » et « allégorie ». L’idée de simplicité est également présente. Selon les apprenants, elle s’applique au lexique (trois réponses), à l’histoire, au support dans sa globalité. Pour une apprenante, la brièveté est également caractéristique de l’album, le texte est écrit en grands caractères, avec des phrases courtes : « any writing large, in short sentences ». Celle-ci précise également, qu’elle s’attend à un maximum de trente phrases dans le livre. Pour ce qui est du contenu, peu de réponses présentent des indicateurs de plaisir ou de qualité. Seule une étudiante écrit : « creativity, colour, fun » (créativité, couleur, plaisir).
56Pour quatre autres, l’expression « album » évoque des souvenirs d’enfance. Si l’un indique que le terme renvoie pour lui à des éléments plutôt négatifs, comme des histoires puériles et des textes simples, et qu’on oublie facilement, il admet qu’il a des souvenirs « très tendres » des albums de sa jeunesse. Pour un autre, en revanche, les souvenirs sont très positifs puisque ce sont ceux d’un moment important sur le plan cognitif et sur le plan émotionnel, celui où, enfant, il a pu faire le lien entre une image détaillée et colorée et l’histoire qu’on lui racontait50. Pour les deux étudiants internationaux du groupe, de nationalité chinoise, on remarque deux a priori négatifs. Tout d’abord l’un semble hésitant sur ce qu’est un album. Il questionne « bande dessinée ? » avant d’ajouter « je n’aime pas vraiment les albums en anglais ou dans d’autres langues, parce que cela limite mon imagination51 ». L’autre, quant à elle, après avoir commenté le rôle joué par l’expression faciale des personnages pour aider à la compréhension, indique que les images peuvent attirer l’attention des enfants et leur donner envie d’apprendre mais que cela « ne marche pas vraiment pour elle52 ». Un apprenant plus âgé que les autres porte un jugement de valeur. Il estime, en sa qualité de parent, que la qualité des albums est très variable, qu’il en aime certains mais que d’autres sont incroyablement ennuyeux (« unbearably dreary »).
57On peut dire qu’initialement les apprenants semblent avoir une relation distanciée vis-à-vis de l’album et ce, même s’ils ont été en contact avec cette forme dans leur enfance. Le plus souvent, ils attribuent à l’image un rôle d’illustration et considèrent dans la plupart des cas, qu’il s’agit d’un support pour le jeune enfant dont les caractéristiques sont la simplicité et la brièveté.
Un genre perçu comme sophistiqué à l’issue du semestre d’étude
58Dans le questionnaire 2, les apprenants s’écartent généralement des idées toutes faites relevées initialement. Désormais, l’idée de simplicité fait place pour cinq apprenants à l’idée de sophistication, de profondeur, de richesse et de complexité53.
59L’image apparaît comme un élément crucial. Quatorze apprenants insistent sur son rôle dynamique dans la lecture. Pour l’un, les images ont fait une grande différence, et il était intéressant de les découvrir et de comprendre leur signification. Un autre parle d’images riches en idées (« thoughtful pictures »). Un troisième parle d’engagement à partir des indices visuels de l’image (« visual cues of the images »). Pour un quatrième, la manière dont les images peuvent « magnifier l’expérience de lecture » est quelque chose qu’il apprécie et qu’il associe à l’expression « album54 ». Pour un cinquième, les albums sont une forme importante de communication. Pour lui, « ils sont stimulants visuellement et offrent à travers les images une dimension esthétique. Ils permettent à l’imagination de créer des histoires à partir des indices visuels de l’image55 ». Pour un sixième, la notion de plaisir est présente et la couleur, la texture et les détails d’une image peuvent déclencher une série de pensées, de souvenirs ou de nouvelles expériences56. Trois apprenants disent que le semestre d’étude leur a permis de voir que l’image seule ne faisait pas l’album57. Deux autres, pour leur part, insistent sur l’importance de la combinaison texte-image pour faire passer du sens58.
60Certains émettent un avis relatif à l’usage de l’album pour l’apprentissage d’une langue étrangère. Un étudiant affirme que les albums sont un point de départ facile pour commencer à lire et à apprendre une autre langue parce que les thèmes comme la peur, le bonheur et la tristesse sont plus faciles à comprendre, et également parce que les images apportent une aide en créant un contexte59.
61Six étudiants, en revanche, n’ont pas forcément modifié leurs représentations. Pour l’un par exemple, la présence moindre d’images est synonyme de livre plus « sérieux ». Les albums, sont synonymes de livres faciles comme Le chandail de hockey. Des livres comportant moins d’images comme Pochée sont perçus par un autre comme « plus sérieux60 ». Chez deux étudiants, on retrouve l’idée que l’image sert essentiellement à illustrer le texte61. Pour trois autres étudiants en revanche, l’image est un vecteur essentiel pour raconter l’histoire62.
62Comme je l’ai montré précédemment, le contenu culturel des albums est un élément crucial pour les apprenants bien que l’indicateur « image » soit beaucoup plus présent dans leurs réponses à cette question que dans la précédente. Pour trois étudiants, l’album est un livre qui a rapport à la culture d’un écrivain et d’une époque63, et les images permettent de véhiculer des informations culturelles64.
63En ce qui concerne la diversité du lectorat, on passe de trois apprenants la mentionnant en début de semestre à six en fin de semestre.
64La question des critères qui font qu’un album est un album est posée par certains apprenants. Cette question, qui est d’ailleurs au cœur des réflexions des chercheurs du champ eux-mêmes, donne lieu à l’émission d’hypothèses. Pour une apprenante, l’album se compose d’un maximum de trente pages. La même étudiante suggère en fin de parcours qu’il doit y avoir dans l’album autant d’images que de mots. Elle ajoute que Le Petit Chaperon vert était définitivement un album, mais que Pochée n’en était pas vraiment un. Reine, en revanche en était un selon elle. Ainsi, intégrer une réflexion sur cette question dans une démarche autour de l’album semble non seulement pertinent mais important.
65En outre, il faut envisager de renforcer l’aspect interculturel de la démarche pour éviter que certains apprenants ne concluent, comme le fait une des étudiantes, que les albums sont puérils en anglais et plus avancés en français. Pointer l’importance et l’influence d’auteurs comme Lewis Carroll ou Maurice Sendak permet de mieux percevoir le champ. Par ailleurs, si la lecture d’albums continue à être présente dans les établissements secondaires australiens, à l’instar de l’exemple déjà signalé d’Armidale (État de Nouvelle-Galles du Sud, Australie), il y a fort à parier que ce type de commentaire disparaîtra.
66Finalement, les représentations relatives à l’album ont évolué pour la majeure partie des étudiants à l’issue du semestre d’étude. Des éléments tels que la relation texte-image ou l’idée de sophistication apparaissent désormais dans les réponses. Des questions très pertinentes sont posées telles que « qu’est-ce qui fait la différence entre un album et un livre illustré », ou encore « en présence de quels éléments peut-on dire qu’un livre est un album ? » Complexité et implicite apparaissent par ailleurs comme des ingrédients essentiels.
Les livres préférés des apprenants
67Pochée est le livre préféré d’une majorité de participants à l’étude (dix-huit apprenants). Vient ensuite Le chandail de hockey (sept réponses), Reine (deux), Le Petit Chaperon rouge, version simplifiée (deux, ceux d’origine chinoise) et Le Petit Chaperon vert (deux). Six étudiants citent deux titres de manière concomitante, et trois d’entre eux Pochée et Le chandail de hockey.
68Les apprenants ayant cité Pochée justifient leur choix par les éléments suivants : complexité accrue, longueur, plaisir esthétique, relation émotionnelle (ou affective) et dimension éducative.
69Les qualificatifs utilisés pour décrire le livre65 montrent un rapport affectif à celui-ci, puisqu’on a à la fois la présence d’appréciatifs et d’éléments marquant l’affect66. En outre, le fait qu’il s’agit d’un livre complexe et plus long est crucial pour huit apprenants. Une étudiante semble bien résumer l’opinion générale : « J’ai préféré Pochée parce que c’était un livre d’une bonne longueur et parce que la langue n’était pas trop difficile mais qu’il y avait tout de même beaucoup de vocabulaire nouveau67 ». Des commentaires expriment en creux une critique de certains livres pour la jeunesse, un manque de profondeur d’émotion68, trop d’images et pas assez de texte. Pour un apprenant, un album demeure, à la fin du semestre, un livre qui n’est pas très sérieux et mieux vaut, de son point de vue, étudier des livres où domine le texte.
70Six apprenants ont été particulièrement sensibles à la valeur esthétique de Pochée. Ce critère est très important car il recoupe celui de la création d’un rapport intime à l’écriture littéraire observé dans l’analyse des productions. On peut supposer qu’un apprenant ayant été sensible à la qualité esthétique d’un support sera davantage à même de développer un rapport intime à l’écriture littéraire. Pour ces apprenants, la valeur esthétique de Pochée touche soit au texte et aux images à la fois, soit à la qualité du texte ou des images considérés séparément.
71Enfin, les thématiques abordées dans Pochée ont constitué un élément déterminant pour trois des apprenants. L’universalité des questions posées par cet ouvrage est soulignée par un apprenant et le sérieux de ces questions par un autre. Recouvrant plusieurs des catégories citées précédemment, on notera le commentaire d’un étudiant : « Pochée – ce livre explorait des actions et des émotions humaines en ayant recours à des animaux et à la nature. Les illustrations étaient aussi très belles et très raffinées69. »
72D’autres justifications sont également données par les apprenants de manière plus marginale, à savoir qu’il est un livre approprié pour un public d’adultes (deux réponses) ou qu’il possède une valeur pour l’apprentissage d’une langue étrangère (une réponse). Une étudiante a aimé ce livre parce que selon elle « il parle si bien aux adultes », idée reprise par une autre qui estime que c’était « vraiment une bonne histoire », et qu’« elle n’était pas trop à l’eau de rose ou trop puérile70 ».
73La complexité, la valeur esthétique ainsi que « les grandes questions » dont parle Agnès Desarthe (Lortholary, Chérer, Mary, Seyvos & Vaugelade, 2006, p. 5) apparaissent donc comme essentielles pour les apprenants ayant préféré Pochée. Quels sont les éléments mis en avant par ceux ayant eu une autre préférence ?
74Le chandail de hockey a été plébiscité par sept étudiants71. Cet album qui décrit une réalité sociale et culturelle spécifique (la vie d’un jeune garçon dans la municipalité de Sainte Justine au Québec dans les années 1950, et les relations entre les Québécois francophones et les Canadiens anglophones), a touché plusieurs apprenants. L’un d’eux souligne qu’il a aimé découvrir la politique, la culture et l’histoire du Québec72. Le contenu culturel a été crucial pour d’autres ainsi que sa légèreté et sa drôlerie, ou la « base conceptuelle » créée par les images73. Pour d’autres enfin, c’est sa thématique liée au sport, l’admiration qu’on peut porter à une idole sportive et l’identification qu’on peut éprouver par rapport au héros qui a été cruciale. Ainsi, une apprenante écrit que, comme le héros, elle était « têtue » et voulait « être comme les autres ».
75La version simplifiée du Petit Chaperon rouge a été plébiscitée par les deux apprenants de nationalité chinoise. Les aspects cruciaux justifiant ce choix ont été pour l’une : sa familiarité avec le conte (qu’elle connaissait à la fois en anglais et en chinois), l’aspect émotionnel (puisque c’est, écrit-elle, l’une des premières histoires qu’elle a connues dans sa vie), la confiance en elle-même que lui a apportée la lecture de ce texte ainsi que le message porté par le conte74. Pour cette étudiante extrêmement consciencieuse et travailleuse (elle fait partie des apprenants qui ont fourni les réponses les plus détaillées au questionnaire), il est évident que le facteur « confiance en soi » est essentiel. Elle le mentionne d’ailleurs à deux reprises dans ses réponses. L’autre étudiant qui avait initialement mentionné des attentes précises liées au culturel, choisit Le Petit Chaperon rouge « pour ce qu’il signifie historiquement ». Il ajoute même « l’histoire de son évolution est fascinante75 ». Pour lui, lire ce conte en français, s’intéresser à l’imagerie populaire qui l’accompagne, à ses diverses versions, au collectage est crucial. Pour cet apprenant, les documents satellites inclus dans la démarche ont été très importants. Il écrit : « Le Petit Chaperon rouge aurait été ennuyeux si vous n’aviez pas procuré d’autres versions (celle du xvie siècle par exemple) ainsi que des arrière-plans historiques76 ». Ce faisant, il plébiscite ce que Luc Collès et Jean-Louis Dufays (2001) appellent des « démarches anthropologiques et interculturelles qui permettent aux textes littéraires de favoriser une mobilisation des affects et une prise de conscience identitaire et, en même temps, de servir de clés de compréhension des comportements et de la vision du monde d’autrui » (p. 232).
76Reine de Jacqueline Delaunay a été cité par trois apprenants. Pour l’un, cet album est intéressant du point de vue culturel. Un autre affirme le préférer parce qu’il « montrait un aspect très inhabituel de la culture rurale suisse. Les combats de vache ! Y a-t-il là quelque chose qu’on peut ne pas aimer ? Les images étaient merveilleuses77. » Quant à la troisième, elle estime que Reine était « admirablement illustré » et que c’est « un véritable livre d’images78 ». Notons au passage que la présence renforcée de points d’exclamation dans les commentaires de ces deux apprenants marque leur enthousiasme et peut également être interprétée comme une trace d’affect.
77Le Petit Chaperon vert de Grégoire Solotareff et Nadja a été le livre préféré de deux étudiants. Le premier indique avoir particulièrement aimé ce livre, car il est l’adaptation d’une histoire qu’elle connaissait bien pendant son enfance et qu’elle l’a longuement étudié. Par conséquent, c’est un ouvrage qu’elle avait le sentiment de bien maîtriser. On le voit, le facteur affectif joue encore ici un rôle.
78Pour conclure, on peut dire qu’on a donc des entrées différentes dans la lecture et les textes lus qui tiennent sans doute à la personnalité des apprenants, ainsi qu’à leurs représentations des textes à lire en langue étrangère. Si la majorité d’entre eux a retenu Pochée en raison de sa complexité, de sa longueur accrue, de son esthétique et des questions qu’il pose, les autres livres (à l’exception de John Chatterton détective) figurent également en bonne place. On soulignera l’importance d’un lien affectif qui unit l’apprenant au livre, soit parce que celui-ci lui rappelle son enfance, qu’il lui permet de s’identifier au héros ou de satisfaire sa curiosité en lui apportant des informations culturelles sur un pays ou une région qu’il ne connaît pas.
Écriture créative : quelle évolution au cours du semestre ?
79À partir de quelques apprenants représentatifs du groupe on observera si ceux-ci ont progressé au fil du semestre grâce aux supports et à l’approche mise en place. On sera ici plus particulièrement attentif à ce qui témoigne d’une amélioration de leurs compétences écrites, d’un accroissement de leurs connaissances linguistiques ou encore d’un affermissement de leurs compétences de lecteur.
80Afin de mettre en évidence l’évolution pouvant s’être opérée, les productions 1 et 2 ont été comparées. Toutes les productions d’apprenants ont été étudiées. Il se trouve que les sujets A6, A7, A9 et A12 sont représentatifs de l’ensemble de l’échantillon. A9 est un étudiant de faible niveau linguistique qui s’est peu investi pour la première production. A6 est un apprenant ayant débuté son apprentissage du français dans notre institution, alors qu’A7, étudiante issue du lycée franco-australien de Canberra, est au départ sceptique quant à la lecture d’œuvres pour la jeunesse. A12, enfin, a également appris le français dans le secondaire, mais possède un faible niveau de maîtrise de la langue.
Premier cas : un engagement accru
81La copie d’A9 nous était apparue dans l’analyse des premières productions comme étant l’un des travaux où se reflétait le moins l’engagement de l’apprenant, et ce, à cause de sa longueur inférieure aux 200 mots demandés, du manque d’élaboration et d’originalité, et de l’absence d’un développement cohérent. La seconde production de cet apprenant, en revanche, témoigne d’un engagement significatif de sa part car la subjectivité lectrice s’y trouve largement exprimée. Il n’est pas à exclure que la nature de la tâche ou le livre choisi lui aient davantage plu. On peut aussi penser que l’engagement du scripteur tient au plaisir éprouvé lors de l’écriture de cette seconde production. Outre un texte plus long (246 mots contre seulement 150 initialement), on remarque dans cet écrit l’élaboration de certains passages, où l’apprenant-scripteur montre que l’héroïne est habitée par le destinataire de la lettre [1, 2, 3 et 6], évoque l’attitude de Pochée envers Truc et parle a posteriori son propre comportement [4, 5 et 7], évalue le bénéfice de la rencontre avec Pépin [8], fait une place à l’imaginaire [9].
Cher mon ami Oscar,
[1] Quand je te rencontrai, j’ai commencé à parler à toi de ma vie jusqu’à tes parents sont arrivés. [2] Je suis eu un bon impression de toi. J’étais une tortue malchanceuse avec une histoire triste, mais je trouvais toi très sympathique. [3] Donc, je te raconterai l’histoire de ma peigne [peine].
[4] Un jour, il y a eu un frappe sur ma porte. C’était un escargot que besoin du boire et abri. Je ne suis jamais cruelle mais parce que j’étais triste et déprimée, donc [5] j’étais trop brusque avec lui. [6] Je pense tu me comprendre. [7] Maintenant je me rendre compte de ma comportement envers lui étais trop indécent. Je veuillai s’excuser.
Un autre animal j’ai rencontré dans voyage d’ici, un hérisson appelais Pépin. Il était seule dans la forêt car sa famille s’oublait. Il m’invitait chez lui pour nous mangions une tarte de fraise qu’il a fait. C’était délicieux ! Pépin est très gentil et il est devenu un ami.
[8] Il m’aidait devenir un tortue gaie et content et j’ai réalisé après les pluies, les beau temps. »
[9] « Maintenant, je ne veux pas habiter seule. Je transformerai ma grande maison d’un refuge pour tortues triste et sans papier ! Peut-être mes amies m’assisterent ? »
Chaque animal est un jouer uniquement. Truc est un peintre et déserherber, Pépin est un chef extraordinaire ! Petit à petit, l’oiseau fait son nid !
Bisous,
Pochée
82Il paraît évident ici que l’apprenant se prête avec humour au jeu, ce qui marque une forte présence de sa part dans son texte et sa lecture. Du point de vue de l’appropriation linguistique, on note l’intégration (pas toujours aboutie, certes) du lexique du livre : « J’étais une tortue malchanceuse avec une histoire triste » ; « ma comportement envers lui » ; « il m’invitait chez lui pour [que] nous mangions ». On relève aussi l’utilisation de formules idiomatiques plus ou moins justes « après les pluies, les beau temps », « petit à petit, l’oiseau fait son nid ».
83Pour A9, cette seconde production est aussi beaucoup plus satisfaisante que la première. Dans le questionnaire 2, il choisit Pochée comme livre préféré, et affirme que le niveau de difficulté de ce livre est adéquat pour lui [the level of difficulty was perfect for my ability] et qu’il est sensible à sa profondeur émotionnelle [had a certain depth of emotion]. Cette production témoigne de sa sensibilité de lecteur, de sa lecture du texte et, d’une certaine manière, de son empathie pour le personnage.
Deuxième cas : une nette amélioration linguistique
84Pour A6, l’amélioration entre sa première et sa seconde production se situe au niveau linguistique puisque selon l’évaluation proposée ici, il passe de 2 à 3. C’est un étudiant qui a débuté son apprentissage du français dans notre institution universitaire. Par conséquent, le présent semestre constitue seulement son troisième d’apprentissage du français. Alors que sa première production est un texte où le dialogue est prépondérant, la seconde fait une large place au récit. On se penchera ici sur la maîtrise de langue puis sur la qualité de la mise en texte.
Cher Oscar,
Comment vas-tu ? J’adore ma nouvelle maison mais j’aime voyager aussi. Je souhaite que tu puisses rester quelquefois. Malheureusement, votre parents ont arrivé et je n’ai pas pu te parler. Tu m’as parlé de ta vie mais je n’ai pas parlé de ma vie. J’étais triste après mon ami Pouce est mort. Puis un escargot qui s’appelait Truc il a venu chez moi, mais je voulais été seule. J’ai pensé qu’il pouvait me faire heureux mais j’étais plus en colère. Heureusement quand il pleuvait, il est parti. J’ai décidé que je partirai et voyagerai. J’avais beaucoup de peur mais j’avais besoin de changer. Pendant mon voyage, j’ai rencontré une autre tortue qui s’appelait Nestor. Il était très gentile mais je ne voulais pas resté. J’ai continué de traverser le forêt.
85Contrairement à la première production, on constate ici moins d’erreurs relevant du domaine de l’interlangue. À ce sujet, l’apprenant écrit dans le questionnaire 2 qu’avoir appris de nombreux nouveaux verbes et noms lui a facilité la tâche pour « penser en français79 ».
86Or, la recherche (Stern, 1975) a montré que le recours à la traduction d’une langue dans l’autre est le réflexe des débutants et des scripteurs faibles. A6 est donc l’exemple d’un apprenant pour qui le semestre d’étude a marqué un changement radical vis-à-vis de la langue étrangère étudiée.
87On a pu constater, marquant l’implication du scripteur, le réemploi dans son premier texte du passé simple. L’alternance passé simple du récit et présent dans les dialogues fonctionne bien. Plus difficile, en revanche, est l’emploi du couple passé composé/imparfait dans un texte. On peut à la lecture de sa seconde production constater qu’A6 fait montre d’une certaine maîtrise dans ce domaine, et observer, par ailleurs, la présence du présent, du futur ou encore du subjonctif présent dans son texte. On observe qu’il inclut de manière pertinente le subjonctif.
88Il utilise par ailleurs l’imparfait de manière appropriée lorsqu’il s’agit de décrire l’état psychologique du narrateur : « J’avais beaucoup de peur mais j’avais besoin de changer. » La concordance des temps fonctionne par ailleurs assez bien : « J’ai pensé qu’il pouvait me faire heureux » ou encore « j’ai rencontré une autre tortue qui s’appelait Nestor. » Notons également l’usage approprié du futur de l’indicatif à la fin du texte : « J’espère que je te verrai bientôt. »
89En outre, son texte révèle la présence récurrente et adéquate de connecteurs (Mais, malheureusement, puis, heureusement, mais…). Bien que la gamme n’en soit pas très étendue, leur présence concourt à accroître la longueur des phrases, à fluidifier le récit et le rendre plus complexe. Il s’agit là d’une amélioration nette par rapport à la première production, où les phrases étaient seulement juxtaposées les unes à côté des autres.
90Pour cet étudiant, les progrès sont donc surtout visibles au niveau de la qualité linguistique (erreurs moins nombreuses, emploi pertinent des différents temps et maîtrise de l’alternance passé composé/imparfait) et de la qualité de sa mise en texte à travers la présence renforcée de connecteurs.
Troisième cas : moins d’erreurs dans l’emploi des temps
91Malgré un cursus suivi au lycée franco-australien de Canberra, A7 n’a pu intégrer le niveau 3 de l’université en français. C’est une étudiante qui, a priori, a été exposée à la lecture et à l’écriture en français avant de rejoindre le cours. Dans le questionnaire 2, elle définit son expérience antérieure de lectrice du français comme ayant été « exciting » (excitante) et « hard » (difficile). Au point de vue de leur longueur, les deux productions d’A7 sont particulièrement longues, ce qui montre une certaine aisance dans l’écriture malgré de nombreuses erreurs de langue. Pour autant, on constate qu’il y a moins d’erreurs dans l’emploi des temps dans sa seconde production que dans la première. L’imparfait est utilisé de manière appropriée pour la description du personnage de Truc : « Il était toujours curieux de toutes » ; « il avait très soif et très faim ». En outre, cette apprenante réussit à combiner de manière appropriée passé composé et imparfait : « Il a resté avec moi parce que le soleil était chaud et brillant. » D’autres temps ou modes tels que le subjonctif apparaissent dans son texte : « Pour lui s’occuper, je lui a donné des crayons et de papier pour qu’il puisse peindre. » Ou, plus loin, « après que » suivi de l’indicatif : « Après que j’ai écris à mes parents, j’ai invité Pépin chez moi pour manger des crêpes ensemble. » L’impression globale à la lecture de la seconde production d’A7 est celle d’une certaine facilité et d’une plus grande solidité sur le plan linguistique qui se manifeste par un usage pertinent des temps et de nouveaux apports lexicaux.
Quatrième cas : une amélioration au niveau de la mise en texte
92Faisant partie des étudiants les plus faibles du groupe, A12 a débuté son apprentissage du français au lycée. Elle décrit son expérience de la lecture en français comme « scattered » (éparse) ; elle indique qu’elle a lu aussi bien Titeuf que Molière. Malheureusement les deux productions d’A12 sont très faibles sur le plan de la maîtrise de la langue, et l’on ne peut pas conclure à une réelle amélioration dans ce domaine. Néanmoins, il semble qu’il y ait amélioration pour ce qui est de la mise en texte. Le Tableau 13 ci-dessous présente en regard un extrait de chaque production. Ces extraits ont été ici corrigés afin d’en faciliter la lecture et de mieux appréhender l’évolution.
Tableau 13 : Mise en regard des productions 1 et 2 d’A12 (extraits)
A12-PR1 | A12-PR2 |
Il était une fois une petite fille qui s’appelait le Petit Chaperon Rouge. Elle était une belle fille qui était gentille envers tout le monde. Un jour sa mère lui a dit « grand-mère est très faible et très malade, peux-tu prendre cette galette dans un panier et la porter chez elle ». Toujours obéissante, le Petit Chaperon Rouge a dit « oui, maman ». Donc le Petit Chaperon Rouge a commencé son voyage. Dans la forêt elle regardait de belles fleurs. Elle a pris de belles fleurs pour sa grand-mère. Quand elle prenait les fleurs, le loup la regardait. Le loup a dit « qu’est-ce que tu fais dans la forêt, petite fille ? » […] | Cher Oscar, J’ai décidé de t’écrire une lettre parce que notre conversation était écoutée. Je t’ai parlé de Truc, l’escargot qui est venu chez moi. J’étais très triste parce que mon ami Pouce était mort. Je ne voulais pas parler avec Truc mais il avait très froid et il était inquiet. Alors j’ai permis à Truc d’entrer dans ma maison. Peut-être étais-je un peu horrible envers Truc parce qu’il n’était pas Pouce. Truc est resté chez moi jusqu’à ce qu’il pleuve. Quand il a plu, il a pu partir. Mais après qu’il est parti, j’étais triste. Je trouvais qu’avec ou sans amis je suis triste parce que personne ne peut remplacer Pouce. Quand il était chez moi, Truc était gentil de peindre ma maison. C’était très drôle de regarder Truc, il se glissait en douceur tout autour de ma maison. Il était couvert de peinture !!! Il a peint ma maison en blanc pour le printemps ! […] |
93On constate dans la première production que les phrases ne sont pas très longues et qu’elles sont juxtaposées entre elles. Grâce à l’emploi de connecteurs, le second texte est beaucoup plus cohésif. Le fait de se placer sur le plan émotionnel a sans doute eu un impact sur l’écriture. Malgré les difficultés rencontrées dans la maîtrise de la langue cible, l’apprenante réussit tout de même dans sa seconde production à construire un texte riche, en particulier en ce qui concerne la variété lexicale (on trouve des adjectifs comme « triste », « inquiet », « horrible », « drôle ») et en ce qui concerne la créativité et l’humour (conversation qui était écoutée [par les parents], Truc qui a repeint la maison en blanc…). On peut donc dire que dans sa seconde production, A12 s’est davantage éloignée du texte source, et s’est montrée plus créative à la fois au niveau des idées et au niveau linguistique.
94Ainsi, en confrontant les productions 1 et 2 de quatre apprenants représentatifs du groupe, on observe que pour trois des quatre cas examinés, la production 2 est meilleure sur le plan linguistique et témoigne d’une plus grande maîtrise des temps. Pour le quatrième cas, une amélioration est observable en termes de cohésion du texte, de richesse lexicale et d’originalité sur le plan des idées.
La Littérature de jeunesse : support pertinent pour répondre à l’hétérogénéité d’un groupe d’apprenants ?
95Satisfaire un public d’apprenants très hétérogène était l’un des objectifs clés de la recherche. Il s’agit ici de revenir non seulement sur la satisfaction des attentes des étudiants mais également sur ce qui, dans leurs écrits, témoigne de leur engagement dans la lecture des livres pour la jeunesse sélectionnés. On examinera ici quelques cas représentatifs de l’échantillon. On se penchera d’abord sur le cas d’un apprenant ayant débuté le français à l’université, puis sur celui d’un apprenant particulièrement faible du point de vue de la langue, sur celui d’une apprenante sceptique au départ et enfin sur celui d’une apprenante internationale d’origine chinoise.
Un étudiant ayant récemment commencé l’étude du français
96A6 est un étudiant qui prépare un double diplôme « Bachelor of Economics » et « Bachelor of Finance ». Passionné de sport, il lit régulièrement L’Équipe sur internet. Sans surprise, son livre préféré est Le chandail de hockey. Il y retrouve des expressions et des situations qu’il connaît (la passion pour une équipe, le fait de vouloir ressembler à son joueur favori, etc.). Les œuvres étudiées lui ont permis de très bien développer les verbes et les noms, d’améliorer sa confiance en lui-même en lecture, et ce, en particulier, grâce au passé simple. Celles-ci l’ont amené également à apprendre des expressions qui ne se traduisent pas mot à mot en anglais. Sachant maintenant « plus de noms et de verbes », il affirme qu’il lui est plus facile de penser en français que de penser en anglais et de traduire80. On peut donc en déduire que ses attentes, centrées sur l’accessibilité des œuvres et l’apprentissage linguistique ont été satisfaites. En outre, l’analyse a mis en évidence des progrès sur le plan linguistique entre la production 1 (niveau 2 : moyen) et la production 2 (niveau 3 : bien). Son engagement se manifeste pour la première production par la réutilisation pertinente du passé simple, la mémorisation des éléments et formules du conte, et ce, en dépit de négligences dans l’orthographe et la ponctuation, et de l’inférence importante de la langue source vers la langue cible. Dans sa seconde production, on note la référence à des passages supplémentaires du livre, un effort particulier dans la mise en texte, une attention à la langue, avec la présence de phrases plus complexes, et le recours à l’alternance passé composé/imparfait, au futur et au plus-que-parfait. Dans ses deux productions, l’imaginaire est peu présent. Cet étudiant tisse au plus près des textes sources. Il affirme en fin de parcours avoir apprécié la sélection d’œuvres, les histoires simples mais intelligentes ainsi que le fait de débuter par une histoire familière. Il n’a pas aimé l’importance de la somme de travail demandé, tout en reconnaissant avoir apprécié d’être « poussé » et d’avoir pu rapidement développer son vocabulaire en langue cible.
Une étudiante faible sur le plan linguistique
97A3 est une apprenante monolingue ayant commencé le français dans le secondaire. Elle est un peu plus âgée que les autres apprenants ; elle a une trentaine d’années environ et prépare une licence de langues (« Bachelor of Languages »). Le niveau linguistique de ses productions est très faible (évaluée à 1-2).
98Malgré un niveau de maîtrise de la langue très faible, les productions de cette apprenante sont très riches : textes d’une longueur très supérieure à la moyenne, choix textuels originaux, grande cohérence par rapport aux idées de départ, nombreux détails, associations lexicales originales et pertinentes ainsi que nombreux transferts et traces d’intertextualité. Par ailleurs, elle est une des seules à avoir intégré dans la production deux éléments relevant de l’imaginaire, et à avoir comblé un des blancs du texte dans un jeu plein d’humour et de finesse avec l’hypotexte. Cela est remarquable, d’autant qu’A3 est une apprenante qui déclare, au départ, n’avoir aucune expérience de la lecture de la littérature en français et n’avoir lu que ce qu’elle a vu dans les rues des pays francophones visités ou dans les manuels de langue. En ce qui concerne l’approche proposée, cette étudiante est la seule du groupe à mentionner l’opportunité qu’offre l’écriture créative « de faire, de manière très large, des essais avec des mots et des phrases qui, sans cela, ne seraient pas utilisés81 ». En outre, son rapport à la littérature de jeunesse et à l’album évolue très significativement et très positivement au fil du semestre. Ses représentations de départ sont mitigées : si elles incluent plusieurs éléments positifs82, elles comportent aussi une part d’éléments négatifs (lire la littérature de jeunesse serait simple et ennuyeux, ce ne serait qu’un moyen d’apprendre des mots et des phrases). Dans le second questionnaire en revanche, cette apprenante met en avant la surprise qui a été la sienne en découvrant la qualité des ouvrages, la quantité de choses apprises, et le plaisir tiré de la lecture des histoires. Elle estime que ses attentes de départ en ce qui concerne le cours ont été dépassées et dit sa motivation pour la lecture des livres proposés tout au long du semestre. Elle apprécie à la fois les images et l’album auquel elle n’avait pas auparavant prêté beaucoup d’attention ainsi que la richesse de l’album sur le plan des idées et des sentiments. Elle déclare préférer Pochée : « Un livre si joliment écrit avec des émotions fortes83 » ; « l’histoire d’une vie ordinaire mais décrite de manière si délicieuse qu’elle séduit grandement84 ». Elle conclut son questionnaire en écrivant : « Merci d’avoir ouvert un nouveau monde pour moi. »
99Étudiante curieuse et intéressée, bien que faible linguistiquement, A3 a su tirer parti du semestre d’étude. Elle a été sensible à la subtilité des ouvrages proposés. Il est probable que des textes courts, plus difficiles et non intégraux l’auraient découragée et n’auraient pas suscité de sa part des écrits aussi riches et aussi longs.
Une étudiante initialement réticente
100A4 a débuté son apprentissage du français dans le secondaire et se montre sceptique à l’idée d’étudier des ouvrages pour la jeunesse à l’université. Elle écrit : « Ce ne sera pas trop intéressant » (« It will not be overly interesting »).
101Cette étudiante a un très bon niveau de langue (niveau 4) et ne craint pas de lire en français, même lorsqu’elle ne comprend pas tous les mots ou ne décode pas les temps auxquels sont conjugués les verbes. Elle a un a priori positif sur les histoires en français qui lui paraissent toujours « tellement plus philosophique et plus intelligentes [que les histoires en anglais] ». Son livre préféré est Pochée. Elle le trouve plus « challenging », et estime que ses thèmes sont plus profonds, son histoire plus « compliquée » et par conséquent plus « engageante ». Ses deux productions montrent un niveau d’engagement élevé, avec une réelle élaboration autour de l’idée maîtresse dans la première et un développement remarquable autour du thème de l’amitié dans la seconde. Cette étudiante évalue positivement le semestre en ce qui concerne l’apprentissage linguistique (et en particulier la maîtrise du passé simple), la lecture à voix haute et le contenu (elle apprécie la diversité des textes proposés qui intègrent à la fois des intrigues connues et nouvelles). Cependant son évaluation du gain en matière de confiance en soi est plus ou moins positive, et elle n’est pas vraiment satisfaite en ce qui concerne l’expression orale, estimant que ses camarades du groupe se complaisaient à rester en retrait et à ne rien dire.
102Il est intéressant de noter que les représentations de cette apprenante en ce qui concerne la littérature de jeunesse se sont largement modifiées en fin de semestre. Si elle craignait initialement que les livres ne soient pas très intéressants, elle indique finalement qu’elle les lirait désormais par intérêt et comme stimulation plutôt que par obligation et ce, parce qu’elle reconnaît désormais que l’intrigue dans un album n’est pas nécessairement toujours simpliste et ennuyeuse85. Par ailleurs, elle reconnaît à la littérature de jeunesse un certain nombre de forces telles que la place et le rôle des images qui peuvent être « formidables ». Si elle cantonnait au départ l’image à un rôle d’illustration, elle estime finalement que celle-ci peut enrichir le sens d’un texte86. Elle reconnaît par ailleurs, que la littérature de jeunesse constitue une introduction à du vocabulaire nouveau et aux temps des verbes (en particulier au passé simple) et affirme que celle-ci peut être vraiment intéressante, provoquer l’engagement des apprenants et être drôle. Cependant, et il faut le souligner, l’étudiante signale toujours en fin de semestre un certain nombre de faiblesses ayant trait au champ, sans préciser si celles-ci valent pour certains ouvrages du corpus. Elle note que les œuvres pour la jeunesse peuvent être « basiques », « idiotes ». Elle indique également qu’elle n’aime pas la répétition du vocabulaire, la présence d’intrigues basiques et des situations simples/ennuyeuses ou encore de mauvaises illustrations et note qu’« on peut se sentir un peu idiot à la lecture de ces livres ». Cependant, elle dit apprécier le « challenge » et les significations nouvelles ainsi que les leçons morales qui peuvent dériver de situations ou d’intrigues plutôt simples. Proposer des albums pour la jeunesse à des apprenants issus d’un parcours plus prestigieux et ayant une longue expérience de l’apprentissage du français, peut conduire à des résultats différents du point de vue de la réception. En effet, il semble que les préjugés initiaux soient plus difficiles à estomper, même si d’un point de vue de l’apprentissage, le bilan est positif.
Une étudiante internationale d’origine chinoise
103L’étudiante A23 qui a suivi le cursus ANU prépare un « Bachelor of International Business ». Appliquée et assez anxieuse, elle place la simplicité et l’accessibilité des supports en tête de ses attentes, elle espère aussi que ce qu’elle aura à lire sera intéressant et un peu amusant. Son autre grande attente concerne la culture ; elle souhaite en apprendre davantage sur la France et les Français, sur la manière dont ceux-ci pensent et se comportent. Elle signale aussi des difficultés en ce qui concerne la grammaire française (« assez compliquée »), le temps requis pour analyser une phrase, les difficultés liées aux phrases très longues comportant plusieurs subordonnées, et indique également que les similarités entre le français et l’anglais lui posent un problème.
104Elle s’est engagée de manière forte dans les lectures proposées et dans l’écriture. Elle a d’abord proposé une variation minimale à partir de la version de Perrault, marquée par une forte mémorisation du vocabulaire et des structures nouvelles, ainsi que par l’usage plutôt satisfaisant de l’alternance passé composé/imparfait. Sa seconde production est plus longue que la première (433 mots contre 346) et de meilleure qualité : l’étudiante a fait montre d’une plus grande créativité et d’une plus grande audace.
105Pour cette apprenante qui plaçait le culturel en tête de ses attentes, le livre préféré a été Le Petit Chaperon rouge. Elle justifie son choix ainsi : c’était une histoire familière dès l’enfance, lue à la fois en chinois et en anglais, une histoire à portée éducative, présentant une morale. L’expérience lui a apporté une grande satisfaction, une fois la lecture de la version française terminée.
106Cette étudiante se déclare satisfaite du corpus proposé et souligne à quel point il a été important pour elle d’avoir pu lire une histoire complète. Elle indique que les livres étaient appropriés à son niveau, que la quantité de vocabulaire nouveau était suffisante et que ce vocabulaire était pertinent pour la vie de tous les jours.
107Au fil du semestre, les représentations de cette apprenante ont évolué. Au début du semestre, la littérature de jeunesse présente pour elle des spécificités propres à un lectorat jeune (thèmes, vocabulaire ou argot, manières de penser), c’est aussi une littérature visant à faire comprendre la jeunesse aux plus âgés ou à leur rappeler leur propre jeunesse. Pour ce qui est de l’album, elle pense à l’expression des visages dans les images qui peuvent lui donner une idée de l’histoire, à l’attrait exercé par les images colorées sur le jeune enfant, tout en précisant que cet attrait ne fonctionne pas réellement pour elle. En fin de semestre, elle ajoute aux éléments qu’elle avait mentionnés initialement, le fait que les livres pour la jeunesse sont intéressants et drôles, et que les adultes peuvent, à leur lecture, se remémorer leur propre enfance. Elle explique aussi qu’auparavant elle n’aimait pas ce domaine du littéraire, mais pense désormais que c’est une bonne manière de commencer à apprendre une langue, et gagner en confiance en soi. Cependant, elle estime aussi que ce sont parfois des livres superficiels dont on tire peu d’informations et qu’à leur lecture, on ne se souvient que d’une chose, c’est qu’ils sont drôles.
Bilan et leçons pour la classe de langue
108L’objectif de ce chapitre était de mettre en regard les résultats des diverses analyses (productions 1 et 2 ainsi que questionnaires). On devait mettre en évidence les points communs et les éventuelles contradictions relevées. Les remarques relatives aux forces et faiblesses de la littérature de jeunesse font apparaître, en creux, les qualités que devrait présenter tout livre pour la jeunesse proposé à de jeunes adultes, c’est-à-dire faire une part à l’image et allier complexité et simplicité. En tant que jeune public averti, nos apprenants ont été particulièrement sensibles à la subtilité de certains ouvrages que ce soit dans la manière de faire référence à la culture populaire ou dans la façon dont ils associent textes et image. En outre, ils apprécient l’humour, et aussi l’idée qu’eux aussi font partie du lectorat visé par les auteurs. Lorsqu’on confronte les réponses post-expérimentation aux attentes formulées au départ, on remarque que l’exigence d’accessibilité est satisfaite ainsi que celle d’avoir accès à des œuvres stimulantes. Si certains mettent en avant la manière dont ces œuvres établissent des liens avec la culture populaire ou avec l’art, d’autres questionnent les liens entre cette littérature et le monde contemporain. On pourra proposer des œuvres en prise directe avec le monde moderne, comme par exemple les romans pour la jeunesse où s’inscrit le social, et ce afin de ne pas offrir une image tronquée et inexacte de ce champ si riche et divers.
Notes de bas de page
1 Voir Annexe 4 : Les questions posées aux apprenants.
2 « The stories always seem so much more philosophical and intelligent when they are in French » (A4).
3 « Although it was written for children, it was still relevant and enjoyable for people of all ages » (A10).
4 « No literary classics or literature containing a great deal of either slang or antiquated words » (A5).
5 « Youth literature and I am happy because it is more my level than advanced academic literature » (A22).
6 « I do not know enough French yet to comprehend proper adult literature » (A1).
7 « Not too hard or complex, easy enough that we get the gist of what is written, but also challenging enough to have to think about it and are able to learn new expressions, words, etc. » (A26).
8 « I expect to gain a greater understanding of, and appreciation for French literature through reading, interpreting and learning about various texts » (A18).
9 « I believe that the literature read in class will be very challenging but also enjoyable » (A2).
10 « It will not be overly interesting » (A4).
11 « The books chosen are appropriate for our age and not boring » (A7).
12 « There should be something very “French”, reflecting culture and tradition » (A13). « I want to read some literature which is related to French culture which could tell me more about France and French people, how they think and how they behave » (A23).
13 « [I] like the idea of reading French literature written for French youth, rather than passages written for students of French » (A25).
14 « I want to read something which is a little bit interesting and a little bit funny, because I think the books which are relatively simple and funny could be easily accepted by me and encourage me to follow the story » (A23).
15 « That it will expand and extend my knowledge of French language and French culture, and that it will be aimed at a level that will challenge my abilities but not be impossible » (A15).
16 « More than met my expectations – exceeded. Initially I was hesitant, it is way out of my normal field of comfort, but I really enjoyed it and I was motivated to read, look up words etc » (A3). « The course met my expectations and I was very pleased with the content, but I recognise I need to put more than the minimal requirements in to get the results I want. Ie : just doing the weekly homework isn’t enough » (A22). « My expectations were high and were all met » (A1). « My expectations had been met and sometimes too much as some of the readings were hard to understand » (A11).
17 « I feel much more confident about reading ALL French texts not just YL » (A5).
18 « I know now that it’s not necessary to know all the vocabulary and grammar to read a French book, as you can just pick up while you’re reading the story » (A21).
19 « I felt happy to “finish a book” and felt I have ability to understand stories in French » (A23).
20 « I’m confident to read in French about some simple stories. And now I really think YL is a good way to start a language and build confidence gradually from this. » (A23).
21 Pour plus de détails à ce sujet, voir Xing (2000).
22 « Writing creatively gives great scope to try out words and phrases that wouldn’t normally be used » (A3).
23 « I feel much more able to use some parts of the language-vocabulary and simple past tense in particular » (A5).
24 « My understanding and reading skills have definitely improved, but my confidence and my ability to express myself still need much work » (A9).
25 « My language skills have improved but I find that my writing has only improved marginally. I find it easier to read French texts and my vocabulary has increased. » (A14).
26 « I progressed slightly with my confidence in expressing exactly what I wanted to say about the text. I would have like [sic] to develop this area a bit more. » (A19).
27 « The literature was all chosen very well-especially books like Chandail de hockey and John Chatterton because they were so clever in how they alluded to popular culture and history » (A21).
28 Il est essentiel de noter ici que nous avons utilisé dans le questionnaire l’expression « youth literature » [littérature de jeunesse]. Or, comme nous l’avons précisé au début du présent ouvrage, la « littérature de jeunesse » se compose pour les anglophones de deux parties distinctes « children’s literature » [littérature pour les enfants] et « youth literature » [littérature de jeunesse]. Cette dernière désigne la littérature pour adolescents. L’usage de l’expression « children’s literature » [littérature pour les enfants] aurait donc été plus approprié dans notre contexte, compte tenu du fait que les ouvrages de notre corpus entrent dans cette catégorie. Par ailleurs, l’ensemble des réponses fournies est disponible dans Maizonniaux (2013), Annexe 13.
29 « Books that parents and teachers made me read when I was a child or books that everyone read like Harry Potter » (A11).
30 « Obviously [youth literature] is aimed at young people, but “literature” would indicate to me that there is some value (e.g. moral value, textual integrity) etc. intrinsic in the work, that is aimed at going beyond just entertainment » (A20).
31 « Inspiring and profound but in simpler language and more interesting narratives than classical works » (A13).
32 « Youth literature » would deal with ideas and themes present in the lives of youth today in an interesting and engaging manner » (A15).
33 Voir Annexe 10 : Synthèse des points forts de la littérature de jeunesse identifiés par les apprenants.
34 « It will not be overly interesting » (A4).
35 « Story books. Books that don’t take a lot of effort to read » (A4).
36 « Simple stories with deeper messages » (A6).
37 « Simplistic ideas but often with greater more complex meaning behind such ideas » (A24).
38 « Generally an easy read that doesn’t go too deep » (A26).
39 « Literature aimed at young people, but not necessarily exclusively young people. Also able to be enjoyed, sometimes on a different level, by older people » (A26).
40 « I understand that youth literature is more complex and interesting that [than] I first thought » (A10).
41 « Youth literature now evokes all the feelings and emotions that I had felt as a child, and brings back simple memories of when I had felt these emotions » (A11).
42 « Literature that deals with issues and stories youth can relate to. Simple enough for them to understand, often with pictures, but with a subject matter that will interest them. » (A21).
43 Citons par exemple : « well written short stories rather complex and with morals » (« des histoires courtes, bien écrites plutôt complexes et porteuses de morales ») (A1) ; « depth and quality » (« profondeur et qualité ») (A3), « entertaining and educational » (« divertissants et éducatifs ») (A9) ; « accessible level and interesting format » (« niveau accessible et format intéressant ») (A17) ; « fantastic entertainment and educational tool for a range of people » (« formidable divertissement et outil éducatif pour divers publics ») (A18) ; « an interesting and helpful (i.e illustrations) way to continue improve my reading skills » (« une manière intéressante et utile (cf. les images) de continuer à améliorer mes compétences en lecture ») (A22).
44 Citons par exemple « Storybooks. Books that don’t take a lot of effort to read » (A4), « picturebooks, elementary novels » (A8).
45 Voir Annexe 8 : L’album, représentations initiales.
46 « Pictures in children’s books help to create a setting and mood for the story in the reader’s mind. » (A18).
47 « A text where the pictures are necessary for the story either because the text is very simple or to highlight the more imaginative parts of the story » (A20).
48 Cette dernière écrit en effet que les albums ne sont pas généralement considérés comme faisant partie du phénomène de « crossover », et ce, alors même que la tendance des albums pour tous a précédé la série des Harry Potter : « Picturebooks have not generally been seen as part of the crossover phenomenon, even though the trend of picturebooks for all ages pre-dated the landmark Harry Potter series » (Beckett, 2011, p. 1).
49 « However often the stories are age old and valued » (A12).
50 « The expression evokes the memory of a sense of excitement when I could relate a colourful detailed picture to the story I was being told » (A18).
51 « Don’t really like “Picturebooks” in English or other languages I’m fluent in, coz that limits my imagination! » (A13).
52 « Picture book for me can be helpful sometimes and can give me some feelings about the story from the expression of the face if they have the expression. Then for some easy “picture book” such as those for little child I think those “Pictures” can attract their (children) attention and make them want to learn because of colourful pictures. But it does not really work for me. » (A23).
53 Voir Annexe 9 : Représentations en fin de semestre.
54 « The way pictures can genuinely enhance the reading experience is something I appreciate and associate with the expression “picture book” » (A2).
55 « For me, picture books are an important form of communication. They are inherently more visually stimulating and have more artistry in the pictures. They allow the imagination to create narratives to engage with the visual cues of the image. » (A9).
56 « The expression evokes for me both the words entertainment and imagination. A picture, as they say is worth 1000 words – and I think that this is certainly true. The colour, texture and detail of a picture can spark a range of thoughts, memories or new experiences. » (A18).
57 « I now realise that pictures do not make a picture book » (A4).
58 « Pictures and text together give deeper meaning » (A10). « A book with meaning conveyed jointly through pictures and text aimed at children » (A15).
59 « Also the pictures help when creating a context or when it is hard to understand » (A11).
60 « Easy books like Le chandail de hockey, Reine and John Chatterton to more serious books like Pochée with fewer pictures » (A8).
61 « Books with pictures to illustrate the narrative » (A13). « A book with pictures which help to tell the story » (A16).
62 « A story told by its illustrations, accompanied by words where necessary » (A22). « A book told in pictures, with the aid of some language » (A25). « Books for children with mostly illustrations and few words. Telling a story through pictures. » (A26).
63 « Books relevant to the culture of a writer and times » (A12). « I see picture books now more as a reflection of culture » (A19).
64 « A book aimed (usually) at young people, that uses illustrations to highlight an important moment in the narrative to provide a setting for the action, to inform about a specific place/people/culture (as in Reine) and to help the reader imagine the events taking place. » (A20).
65 « A beautifully written book » (A3), « a cute story » (A10), « a sweet book » (A12), « a sweet story » (A14), « adorable characters » (A19), « a lovely and touching story » (A20), « a really good story » (A26).
66 On note à cet égard le commentaire de A19 qui écrit : « Equally I liked Pochée which was full of adorable characters, but was quite a sad theme. » (« J’ai aimé Pochée de manière égale. C’était un livre plein de personnages adorables, mais c’est un thème plutôt triste. »)
67 « I preferred Pochée because it was of good length and the language wasn’t too hard but there was still lots of new vocab. I thought it was a sweet story » (A14).
68 « I felt the level of difficulty was perfect for my ability, and the story had a certain depth of emotion to it that is missing from many YL books » (A9).
69 « Pochée – It explored humanistic emotions and actions through the use of animals and nature. The illustrations were also nice and delicate. » (A24).
70 « It was a really good story and not too corny/childish » (A26).
71 A3, A6, A7, A8, A10, A11 et A21.
72 « I really enjoyed Le chandail de hockey, firstly because it’s such a great book but also because it gave us a chance to learn about the politics, culture and history of Quebec, which I found really interesting » (A21).
73 « I preferred Le chandail de hockey the best because not [sic] only the insight into French Canadian culture, the pictures helped me understand the story a bit better, creating a conceptual base to work with » (A11).
74 « I prefer Le Petit Chaperon rouge. Firstly because I know this story both in Chinese and in English, it’s one of the first stories I have known in my life, and I always felt familiar to the story. So after I finished the French version, my confidence has increased. And also the story tells you something about “don’t believe the words of [the] wolf”, so has an educational purpose. » (A23).
75 « Le Petit Chaperon rouge for its historical significance. The history of its evolvment [sic] is fascinating. » (A13).
76 « Le Petit Chaperon rouge would be boring, if you had not provided other versions (from 16th century etc.) and historical backgrounds » (A13).
77 « Reine, as it showed a very unusual aspect of rural Swiss culture. Cow fighting! What’s not to love? The pictures were lovely. » (A17).
78 « The Swiss book was beautifully illustrated. A true picture book! » (A22).
79 « Learning lots of new verbs and nouns makes it easier to “think in French” rather than thinking in English and then translating » (A6).
80 Ce point a été mis en avant par la recherche comme étant caractéristique des réflexes du bon apprenant (Stern, 1975).
81 « Writing creatively gives great scope to try out words and phrases that wouldn’t normally be used » (A3, Q2, q. 2).
82 Elle parle d’« imagination, aventure, découverte, émotions, morale » (Q1, q. 2) ou comme « créativité, couleur, plaisir » (Q1, q. 4).
83 « It was such a beautifully written book with rich strong emotions » (A3, Q2, q. 4).
84 « It is a story about an ordinary life, but it is described in such delightful ways that it appeals greatly » (A3, Q2, q. 4).
85 « I would now read them for interest and as a challenge rather than out of obligation or novelty. This is because I now recognise that the storyline in a picturebook is not necessarily always simplistic and boring. » (A4).
86 « They can expand on and add to the meaning of the text » (A4).
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