Conclusion
p. 161-162
Texte intégral
1Usage dynamique de la citation et de la métaphore, appropriation et transformation des sources dans une confrontation des esthétiques musicale, picturale et littéraire, jeux de miroir, de voilement/dévoilement, rencontre saugrenue d’objets, fragments assemblés dans une vision kaléidoscopique de la vie, d’un theatrum mundi intégrant la mort, libération dionysiaque de la sensualité, de l’imagination et du mouvement… autant d’éléments qui font de Béatrice Poncelet une artiste baroque et de ses ouvrages un lieu de vie. Dans la perspective des concepts de dialogisme et de polyphonie fondés sur l’idée que la conscience humaine est traversée par l’altérité, les albums de Béatrice Poncelet apparaissent donc comme un lieu de mise en scène de l’altérité mais aussi du partage, du « dialogue intergénérationnel ». La réflexion sur le temps et l’héritage, l’appropriation, la question du double lectorat et du partage intergénérationnel sont nettement inscrites dans le projet d’écriture de notre auteure. Elle questionne de ce fait la catégorisation spécifique d’auteur pour enfant dans la mesure où, bien qu’éditée dans le secteur jeunesse, elle s’adresse à tout lecteur et que la complexité de son travail ouvre à des niveaux de lecture multiples en fonction de la maturité existentielle et culturelle de chaque lecteur.
2Dans ses albums se joue également un rapport à l’histoire : histoire littéraire, histoire personnelle, histoire de l’enfance, et c’est peut-être ce qui la distingue d’une littérature fondée sur la distance spatiale. Le lecteur, qu’il soit adulte ou enfant, y est à la fois « lecteur de soi-même » et de l’histoire de l’humanité. Alors se pose pour lui la question de sa propre inscription dans cette histoire. Rien ne dit que ces textes, ces tableaux entrevus, ces airs fredonnés vont à coup sûr inciter l’enfant à aller voir les œuvres, attention d’ailleurs à la tentation pédagogique qui prendrait les albums comme des tremplins, des prétextes. Il s’agit plutôt là d’inviter les lecteurs adultes et enfants à butiner, reconnaître au détour d’une page du déjà-vu, du déjà-entendu ; à eux de s’en emparer pour évoquer leurs propres souvenirs, les mettre en partage. Les albums de Béatrice Poncelet fonctionnent donc comme des incitations au partage culturel et intergénérationnel.
3Il s’agira pour moi à présent de voir comment par la mise en place d’expériences de lectures passer de la transmission dans l’œuvre à la transmission par l’œuvre. Quel lecteur l’école a-t-elle l’ambition de former, à partir de quel corpus et de quelles pratiques ? Notre lecture transversale de l’œuvre de Béatrice Poncelet en a montré la complexité. La question sera alors de voir si et comment un lecteur enfant, voire même un enfant en difficulté, disqualifié par l’école dans ses compétences lexiques peut, paradoxalement, y entrer. Dans la perspective didactique d’en faire un lecteur sur le chemin de l’expertise, dont j’ai en quelque sorte esquissé l’idéal lectoral, mais surtout afin de montrer comment c’est précisément l’ouverture de l’œuvre qui va susciter l’activité collaborative du lecteur, il convient à présent d’interroger les médiations possibles, et donc les médiateurs, avant d’en venir à proposer des dispositifs qui me semblent facilitateurs. Parce que l’école est un des lieux privilégiés de la transmission culturelle et parce que l’enfant a peu de chance de rencontrer les albums de Béatrice Poncelet en dehors de la médiation de l’adulte, je m’interrogerai donc sur les représentations que s’en forgent les enseignants, en quoi ils reconnaissent ou contestent là une œuvre d’auteur (à destination ou non de la jeunesse). Je confronterai ensuite ces représentations à la construction par les élèves de l’image d’un auteur que les enfants avec lesquels j’ai travaillé disent « à part ».
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