Chapitre 3
Des années soixante à aujourd’hui : Molière, l’homme de théâtre par excellence
p. 57-89
Texte intégral
1Dans les années 1970, au moment où la réflexion critique dans le domaine littéraire est en pleine expansion, la place et la conception de la culture à l’école subissent de profondes mutations, lesquelles font passer l’enseignement de la littérature, des « humanités » aux « méthodes », comme le résume le titre de l’ouvrage de Bernard Veck1. Les raisons de cette évolution ne sont pas sans lien avec la transformation du système éducatif qui se démocratise (en 1975, l’objectif est que tous les élèves du primaire entrent au collège ; en 1985 l’objectif du lycée est que 60 % des élèves parviennent au niveau du baccalauréat) et diversifie ses filières pour faire face à un nombre de plus en plus croissant de nouveaux lycéens, lesquels n’adhérent plus à l’ancien modèle d’une culture désintéressée. On parle alors à nouveau de crise2 de l’enseignement de la littérature. Celle-ci, comme le constate André PetitJean, est avant tout une « crise épistémologique » résultant du fait que les contenus enseignés ne correspondent plus aux savoirs savants de référence. Mais la crise est aussi didactique en raison de l’influence considérable des nouvelles critiques dont les théories sont transposées dans les pratiques enseignantes. Critique thématique, structuraliste, sociologique, psychanalytique, génétique, textuelle…, autant de conceptions de la littérature qui s’inscrivent en rupture avec la critique traditionnelle et modifient en profondeur l’approche de l’étude des textes littéraires.
2Par ailleurs, comme l’ont montré les travaux de Violaine Houdart-Mérot3 et de Nathalie Denizot4, l’importance de la réflexion sur la discipline au sein des mouvements pédagogiques contribue à renforcer la remise en cause de l’idéalisation des grands auteurs et de l’idéologie du génie. La question qui se pose est donc de savoir ce qu’il en est de l’image idéalisée de Molière telle que nous l’avons précédemment identifiée. En effet, toutes ces évolutions témoignent de la crise de l’enseignement de la littérature et de l’adaptation du système scolaire à un nouveau public pour lequel la référence n’est plus une culture patrimoniale commune. En 1981, suivant les directives du ministre Alain Savary, les listes d’auteurs au programme sont supprimées et l’on se contente simplement de donner un exemple des écrivains à connaître. Qu’en est-il donc de Molière ? Auteur patrimonial par excellence, il nous faut nous interroger sur sa place dans les manuels de cette période, car même si la visée de l’enseignement de la littérature demeure humaniste, sa finalité change. Ainsi que le note Violaine Houdart-Mérot, les textes littéraires ne sont plus désignés comme « éveilleurs du goût et de la conscience morale5 » et si la formation du « moi » prime sur la formation d’un patrimoine commun, c’est parce que désormais la culture n’est plus envisagée comme gratuite. Elle se doit d’être utile et de préparer, comme le disent les instructions de 1981, l’avenir en développant chez les adolescents des « savoirs, des savoir-faire, des comportements qui, dans leur existence d’hommes et de travailleurs, de citoyens, leur confèrent autant de pouvoirs6 ». Une culture utile s’entend comme une culture qui s’ouvre aux arts et au monde et qui ne se définit plus par un corpus d’auteurs qu’il s’agit de connaître mais, plutôt par une série de notions théoriques à maîtriser. La question qui se pose est donc aussi de savoir si Molière et son œuvre trouvent leur place dans cette nouvelle visée de l’enseignement de la littérature. Les instructions de seconde de 1987, puis celles de 1988 en première, se situent dans le prolongement des précédentes, même si elles restituent une liste indicative d’auteurs à étudier. Elles énoncent toute une série de notions à connaître, issues de la nouvelle critique, concernant la communication et l’expression, la linguistique, les catégories narratologiques.
3Qu’en est-il donc de l’exploitation de Molière dans les manuels au cours de cette vaste période qui va des années 1960 à aujourd’hui ? Quelles perspectives ont été ouvertes par les nouvelles critiques dans l’étude de Molière à l’école ? Toutes ces évolutions ont-elles changé la manière d’appréhender le dramaturge et son œuvre ?
La place de Molière dans les programmes
4Alors qu’auparavant le théâtre classique était représenté par les trois grands dramaturges, on peut noter un net recul de Corneille et de Racine dans la période qui nous occupe maintenant, tandis que la fortune de Molière demeure toujours constante au point que, comme le disent Danielle Manesse et Isabelle Grellet7, Molière est « le prince des collèges ». De même, si lors des périodes précédentes, nous avions constaté une grande stabilité des œuvres de Molière exploitées, on observe maintenant une réelle ouverture du corpus. La principale nouveauté réside dans l’introduction de l’étude des farces dans les petites classes. À partir de 1977, celles-ci entrent dans les programmes de sixième et de cinquième, avec Le Médecin malgré lui et les Fourberies de Scapin. Par ailleurs, Molière demeure, jusqu’en 1985, le seul représentant du théâtre pour ces deux classes. Cette nouvelle tendance va s’amplifier à la fin des années quatre-vingt-dix avec l’apparition, en classe de cinquième, de l’étude de farces du Moyen Âge. Les programmes de 2008 confirment cette évolution du corpus. Si Les Fourberies de Scapin demeurent toujours à l’étude de la classe de cinquième, en sixième, en revanche, on note l’apparition de nouveaux titres jusqu’alors inexistants. Désormais, sont nommément citées des farces telles que, Le Médecin volant, L’Amour médecin, Le Sicilien ou l’amour peintre.
5Mais les farces ne sont pas les seules œuvres à bouleverser le corpus canonique des œuvres de Molière. Dès 1987, deux nouvelles pièces sont inscrites au programme de la classe de seconde aux côtés du Tartuffe : L’École des femmes et Amphitryon. Dès 1997, la pièce de George Dandin est, pour la première fois, inscrite au programme de la classe de cinquième, aux côtés du Médecin malgré lui et des Fourberies de Scapin. George Dandin se retrouve ensuite en classe de quatrième, dans les programmes de 2008.
6Enfin, en 2001 les documents d’accompagnement pour la classe de première préconisent, pour la première fois, d’étudier une comédie-ballet ou Dom Juan. En ce qui concerne cette dernière pièce, comme nous le verrons, les instructions officielles semblent entériner la pratique des manuels, qui, depuis les années 1980, accordaient une place essentielle à l’étude de Dom Juan en œuvre intégrale.
7L’ouverture du corpus est donc manifeste. Molière, dans les programmes scolaires, n’est plus uniquement l’auteur des sept pièces canoniques que sont Le Tartuffe, Le Misanthrope, Les Précieuses ridicules, Les Femmes savantes, Le Bourgeois gentilhomme, Le Malade imaginaire et L’Avare ; pièces qui, pendant plus de deux siècles, ont été les seules citées dans les instructions officielles.
8Bien entendu, ces pièces-là ne disparaissent pas totalement des programmes. Jusque dans les années 2000, on continue toujours à les étudier à partir de la classe de quatrième. D’un programme à l’autre, Le Bourgeois gentilhomme, L’Avare, Le Malade imaginaire se retrouvent en quatrième ou en troisième jusqu’à la fin des années soixante-dix. Dès les années quatre-vingt et jusqu’aux années 2000, L’Avare et Le Bourgeois gentilhomme deviennent les deux pièces phares de la classe de quatrième, tandis que Le Malade imaginaire reste au programme de la classe de troisième jusqu’au milieu des années quatre-vingt, aux côtés, suivant les années, des Femmes savantes, de L’École des femmes ou des Précieuses ridicules.
9Les programmes de 2008 s’inscrivent cependant, en rupture par rapport à cette longue tradition. La comédie de George Dandin est introduite en classe de quatrième aux côtés de L’Avare et des Précieuses ridicules, tandis que la spécialisation de la classe de troisième dans l’étude de la tragédie voit, pour la première fois depuis plus de deux siècles, disparaître Molière du programme de ce niveau.
10Mais, plus que dans le premier cycle, c’est surtout dans le second cycle que l’évolution du corpus est manifeste dans les années quatre-vingt-dix. Si en 1987, Tartuffe est au programme de la classe de seconde, c’est, jusqu’en 2001, aux côtés de L’École des femmes et d’Amphitryon. À partir de cette dernière date, l’enseignant est libre d’étudier à son choix une pièce du théâtre classique. Molière peut donc disparaître. Quant au Misanthrope, il n’est plus nommément cité, ni en seconde ni en première, dès les années soixante-dix, date à partir de laquelle les instructions officielles se contentent d’indiquer qu’il s’agit d’étudier une pièce du théâtre classique laissée au choix de l’enseignant. En 2001, les programmes d’accompagnement de la classe de première préconisent d’étudier une pièce de Molière, mais il ne s’agit pas du Misanthrope : ce sont Dom Juan ou une comédie-ballet qui sont conseillées. Tartuffe et Le Misanthrope, les deux pièces qui, si l’on se réfère aux programmes scolaires depuis le xixe siècle, ont toujours été considérées comme les deux chefs-d’œuvre de Molière, celles qui ont occupé le devant de la scène pendant plus de deux siècles, s’éclipsent tout doucement.
11Désormais, Molière, dans les petites classes, est réhabilité en tant qu’auteur de farces lesquelles, par leur inscription dans les programmes, à partir des années soixante-dix, acquièrent le statut d’œuvres canoniques : Les Fourberies de Scapin, Le Médecin malgré lui, Le Médecin volant, L’amour médecin, Le Sicilien ou l’amour peintre.
12En 2016, les nouvelles directives institutionnelles du collège se caractérisent par la disparition des listes d’auteurs. Le programme de lecture est ambitieux : il vise à favoriser la constitution d’une culture littéraire et artistique commune par le dialogue entre les œuvres littéraires de notre patrimoine national, les productions contemporaines, mais aussi les littératures francophones, étrangères et régionales, ainsi que les productions artistiques. Dans les cycles 3 et 4, les entrées deviennent thématiques et se déclinent sous la forme de rubriques communes à chaque classe de chacun de ces deux cycles. Pour ce qui est du choix des œuvres à étudier, seules des indications de corpus sont préconisées qui permettent de ménager un équilibre entre les genres et les formes littéraires. C’est dans la dernière année du cycle 3 et dans la première année du cycle 4 que l’étude de Molière trouve manifestement sa place. En classe de sixième, l’entrée « Résister au plus fort : ruses, mensonges et masques », préconise la lecture intégrale d’une pièce de théâtre de l’Antiquité à nos jours ; en classe de cinquième, l’entrée « Vivre en société, participer à la société », préconise l’étude intégrale d’une comédie du xviie siècle.
13Cette volonté manifeste des instructions officielles de rompre avec une longue tradition scolaire qui avait occulté tout un pan de la production moliéresque a-t-elle entraîné à sa suite la disparition de la légende de Molière ? Est-il toujours considéré comme notre plus grand auteur comique patrimonial ? Est-il toujours l’incarnation par excellence des valeurs républicaines ? Est-il toujours source d’admiration, un être de chair et de sang qui provoque l’empathie du jeune lecteur ?
Métamorphose de l’image de Molière : un homme de théâtre complet
14Jusque dans les années 1980, comme l’ont montré les travaux d’Alain Vaillant8, l’histoire littéraire était au cœur de l’enseignement de la littérature par l’étude monographique des grands auteurs patrimoniaux comme Molière, lesquels représentaient la quintessence de leur époque, Le Lagarde et Michard en est l’illustration la plus parfaite en tant que témoin d’une époque qui se devait d’offrir aux élèves un discours encyclopédique sur les auteurs. Martine Jey9 a montré que l’histoire littéraire positiviste et érudite doit pourtant, avant même les années 1950, faire face à des contestations. La montée des sciences humaines commence à bouleverser le contexte idéologique et institutionnel de la France tout en remettant en cause le culte national dont jouissent les humanités et la littérature. L’annonce de « la mort de l’auteur » par Roland Barthes10, au lendemain des évènements de mai 1968, comme un véritable coup de tonnerre, sonne alors le glas de l’histoire littéraire traditionnelle. Très vite, la formule s’est répandue comme une trainée de poudre, devenant, comme le remarque Alain Vaillant11, « une sorte de slogan auquel se sont ralliés la plupart des rénovateurs des études littéraires ». La tradition de l’histoire littéraire dans les programmes scolaires va s’en trouver ébranlée. Il ne s’agit plus de proposer à l’élève de longues monographies sur les plus grands écrivains français, mais plutôt de resituer la notion d’auteur dans des contextes socioculturels précis, dont il faut faire l’histoire. C’est toute la configuration d’ensemble de l’enseignement de la littérature qui est remise en cause, laquelle depuis la fin du xixe siècle, reposait sur la sacralisation des auteurs. Les instructions officielles de 1987, pour la classe de seconde indiquent ainsi, que, outre « les repères historiques précis, il convient d’évoquer l’environnement humain et culturel, voire la vie quotidienne, autant que les circonstances économiques et politiques12 ». Qu’en est-il donc de l’image scolaire de Molière ? Nous avons vu lors des chapitres précédents que c’est par l’histoire littéraire que les manuels ont contribué à fabriquer une représentation scolaire du dramaturge. À partir des années 1970, les longues monographies disparaissant, on peut donc s’attendre à constater la déconstruction de la légende moliéresque. Est-ce bien le cas ? Et si non, comment le mythe de Molière a-t-elle évolué ?
15La déclaration de la « mort de l’auteur » n’a pas fait disparaître, dans les manuels, la légende de Molière. Celle-ci reste toujours très présente, profondément ancrée dans le discours des ouvrages scolaires. Mais, ce n’est plus tout à fait la même image.
16Contre toute attente, la légende construite autour des épisodes de la vie de Molière n’a pas complètement disparu et si l’on ne s’extasie plus sur sa morale ou sa philosophie, on le considère toujours comme le plus grand comique français, lequel ne cesse d’être admiré et loué en tant qu’incarnant à lui seul la comédie du xviie siècle. Sur les fondations de l’ancienne légende, une nouvelle image de Molière va se greffer, plus en accord avec l’évolution d’une histoire littéraire différente, celle qui désormais s’intéresse à la vie quotidienne des hommes et à leurs pratiques culturelles. Molière devient ainsi le parangon de l’artiste complet : homme de théâtre par excellence, à la fois comédien, écrivain et metteur en scène.
17Tous les ouvrages scolaires continuent à faire de Molière le plus grand comique français. Nous retrouvons, quasiment à l’identique, dans tous les ouvrages scolaires l’expression « Molière, le plus célèbre écrivain comique du théâtre français13 ». Même dans les manuels des années 2000, alors que le corpus théâtral s’ouvre, conformément aux instructions officielles, à un répertoire plus étendu allant jusqu’à la comédie contemporaine, Molière demeure « le génie de la comédie14 » et l’idée perdure qu’il est le premier dramaturge français. Au xxie siècle, on ne fait que confirmer cette consolidation de cette primauté de Molière. En 2011, par exemple, Fil d’Ariane, pour la classe de quatrième, propose une rubrique intitulée « L’illustre Molière15 » dont l’objectif est d’insister sur le statut particulier du dramaturge français, dont la renommée, dit-on, dépasse amplement nos frontières. On tient toujours aussi peu compte des autres dramaturges comiques du siècle classique. « Molière qu’on ne présente plus16 » nous disent en 1996 les auteurs du Précis de littérature par genre et par siècle, incarne à lui seul « toute la vitalité et la diversité de la comédie de cette époque ». Au contraire même, la suppression des longues pages consacrées auparavant à l’histoire littéraire a quasiment entraîné la disparition de la référence aux proches successeurs de Molière, telle qu’on la trouvait encore lors de la période précédente. Ainsi, même si les manuels du second cycle retracent souvent l’évolution de la comédie, les auteurs qui partent sur les pas du maître, lesquels sont toujours désignés comme étant les « héritiers de Molière », ne sont plus ses proches contemporains. Désormais, ces derniers ne sont plus dignes d’intérêt et ne sont en général même plus cités. Ce sont les grands dramaturges du xviiie au xxe siècle qui prennent leur relève. Le manuel de Seconde Hatier de 201117 consacre ainsi une page complète à l’évolution de la comédie dans laquelle Marivaux, Beaumarchais, Musset, mais aussi Labiche, Feydeau, Beckett, Ionesco et Jules Romain, sont présentés comme étant les continuateurs de l’œuvre de Molière. En passant sous silence les noms aujourd’hui quasiment oubliés de Dufresny, Regnard, Dancourt ou Le Sage, au profit d’auteurs plus récents et éminemment plus connus, le manuel conforte encore plus, si besoin était, l’image du « génie supérieur18 » de Molière.
18En lien avec la réhabilitation de la farce dans les programmes scolaires des années 1970, ce sont, en revanche, les précurseurs de Molière qui sont amplement évoqués dans les manuels à partir du dernier quart du xxe siècle, alors qu’ils étaient quasiment ignorés lors des périodes précédentes. Comme le disent Xavier Darcos et Bernard Tartayre, « le fondateur de l’Illustre-Théâtre va recueillir l’héritage de la commedia dell’arte et de la farce19 ». Désormais, tous les manuels parlent des farces jouées sur les tréteaux ou à l’Hôtel de Bourgogne, évoquent « le talent de grands acteurs, mimes et acrobates, comme Tabarin ou Jodelet qui inspireront Molière20 ».
19Qu’en est-il maintenant de la vie de Molière ? Si l’image de Molière plus célèbre comique français perdure, on pourrait, en revanche, s’attendre, à partir du dernier quart du xxe siècle, avec la fin des longues monographies, à voir disparaître des manuels la légende de Molière. Certes, la vie de Molière n’est plus décrite dans tous ses détails. Des monographies, il ne reste en général au maximum qu’une quinzaine de lignes. De ses déboires conjugaux, seule demeure parfois la référence à son mariage avec Armande. Celle-ci est encore évoquée et nous avons souvent noté l’allusion au fait que Molière « fit scandale en épousant la jeune sœur de madeleine Béjart (qui passe pour être sa fille et le fait souffrir de jalousie)21 ». Elle se retrouve toujours dans les éditions les plus récentes des Classiques consacrés à l’étude des comédies du dramaturge. Par exemple, en 2011, pour l’étude des Précieuses ridicules, on peut lire dans la présentation de l’auteur que « les ennuis se multiplient encore lorsqu’il épouse la jeune sœur de Madeleine Béjart, Armande, redoutable coquette22. » En revanche, on ne retrouve quasiment plus l’image du contemplateur ou celle de l’homme mélancolique, laquelle le définissait auparavant. Pourtant, dix lignes suffisent à continuer à préserver la légende de Molière. Si certains aspects de l’ancienne mythographie sont écartés, c’est pour réduire cette dernière à trois traits constitutifs, lesquels tout en simplifiant la légende la rendent encore plus vivace. Tout d’abord, « la vocation précoce23 » de Molière. Tous les manuels y font référence. On parle de son « irrésistible attrait des planches24 », ou de son « invincible penchant25 » ou encore de son « rêve d’enfant26 » et l’on n’hésite pas à continuer à exploiter l’ancienne anecdote du grand-père Louis Cressé, lequel « l’aurait fréquemment amené à la Comédie lorsqu’il était enfant27 ». Si cette représentation de Molière perdure dans les manuels les plus récents, c’est certainement parce qu’on estime que cette anecdote peut intéresser ou interpeller les jeunes élèves, lesquels risquent d’être sensibles au caractère très visuel de l’image. On continue donc à romancer la jeunesse de Molière tout comme on le faisait au début du siècle passé, sans établir de distinction entre ce qui est du ressort des connaissances historiques sur l’auteur et de la petite histoire. L’exploitation de la légende du grand-père Cressé initiant Molière au théâtre est d’autant plus intéressante à noter que c’est une anecdote qui perdure dans l’ensemble des manuels, et ce, en dépit du fait que les dernières recherches universitaires ont établi de façon certaine qu’on sait peu de choses précises de la jeunesse de Molière, si ce n’est qu’elle a dû être semblable à celles de ses petits camarades habitant le même quartier. Nous reviendrons aussi sur cet élément.
20Quant aux années d’errance et de formation en province, elles constituent toujours la seconde étape de la légende de Molière telle qu’on la retrouve dans les manuels jusqu’à aujourd’hui. Ces années d’apprentissage sont constamment citées, et si l’on n’accorde plus que quelques lignes à la biographie de Molière, on peut constater que les ouvrages scolaires jugent encore utile de donner la durée précise de ses pérégrinations, laquelle n’est pas toujours identique comme le montrent les deux exemples suivants : « pendant treize ans, Molière apprendra toutes les facettes du métier28 ». Le second exemple est extrait d’un récent Biblio Collège consacré à l’étude du Malade imaginaire : « La troupe entreprend, pour douze ans, une tournée de représentations en province29 ». Si l’on juge nécessaire de conserver cette précision, c’est pour insister sur l’importance et la longueur de ce temps d’apprentissage. Peut-être s’agit-il de montrer aux jeunes élèves que le génie de Molière ne s’est pas fait sans travail et qu’il n’est pas naît du jour au lendemain ?
21Enfin, le troisième volet de cette mythographie moliéresque concerne la mort du dramaturge. Lors de la période précédente, nous avions vu que les manuels n’hésitaient pas à dramatiser cette étape ultime, laquelle faisait de la vie de Molière un long parcours de luttes, de souffrances et de désillusions. À partir de la fin du xxe siècle, si l’on continue à insister sur sa mort, ce n’est plus uniquement pour en faire l’aboutissement de toute une vie d’âpres combats mais aussi pour la consacrer comme l’apothéose d’une vie d’acteur ; c’est pour célébrer l’homme qui demeure « fidèle jusqu’à la mort à son métier de comédien30 ». Il est intéressant de remarquer le glissement qui s’effectue à cette époque. Jusque-là, nous avions toujours constaté que les manuels dramatisaient cette mort sous la forme d’un récit qui relatait les dernières heures de Molière en présence des deux religieuses demeurant dans sa maison, sans que celui-ci ait pu signer l’acte de renonciation au métier de comédien et par conséquent recevoir les derniers sacrements. Ce qui était évoqué, c’était donc le malaise du dramaturge en jouant Le Malade Imaginaire et sa mort quelques heures après. Désormais, Molière meurt littéralement sur scène. Presque tous les ouvrages scolaires qui parlent de sa mort transfigurent la fin du dramaturge pour en faire un véritable drame dans lequel on occulte le fait que Molière est décédé une fois de retour chez lui. Ainsi, en 2000 le manuel Nathan pour la classe de seconde intitule le petit paragraphe qu’il consacre à la fin du dramaturge, « La mort en scène31 ». Plus récemment, on retrouve des expressions du même type dans les manuels du xxie siècle : « Épuisé, il meurt en scène32 ; il meurt le 21 février 1673 en jouant Le Malade imaginaire33 ». Ainsi, si, littéralement, Molière « s’effondre sur la scène 34 », si on le fait désormais mourir sur scène, c’est parce que ce petit mensonge contribue à construire une nouvelle facette de la mythographie de l’auteur. Et si, en particulier, on retient toujours l’anecdote de la vocation du jeune Jean-Baptiste, de même que si l’on insiste tant sur son long périple en province, c’est aussi parce que ces deux éléments participent de la nouvelle image de Molière.
22Tout ce que nous venons de relever concourent à transformer l’ancienne image de Molière, laquelle se métamorphose à nouveau, sur les bases de l’ancienne mythographie. Les manuels ne consacrent plus uniquement le dramaturge, comme c’était le cas au début du xxe siècle, en tant que figure identitaire de la France républicaine, ou en tant que personnage admirable, comme nous l’avions vu lors de la période précédente. À partir du dernier quart du xxe siècle, Molière devient aussi l’incarnation de l’écrivain qui représente, plus que tout autre, l’image de l’homme de théâtre par excellence. Il est avant tout « un homme de théâtre complet35 ». Tous les manuels vantent ses talents de comédien mais aussi de dramaturge. Dès la fin des années 1960, il est défini comme « l’un des plus grands metteurs en scène que le théâtre ait connus36 ». Ainsi, bien avant que les instructions officielles ne parlent de lier l’étude du théâtre à celle de la mise en scène, bien avant que la dimension théâtrale ne soit considérée comme faisant partie intégrante de l’approche de l’œuvre théâtrale, les manuels font de Molière l’archétype de l’artiste. À travers lui, c’est l’image du comédien qu’on réhabilite : « Molière fut avant tout un comédien37 », dont on ne cesse de louer « l’immense talent38 ». Molière est donc avant tout reconnu en tant que comédien, et plus précisément, en tant que « génial farceur39 ». C’est « l’acteur populaire40 » qu’on célèbre, lequel, dit-on, « reste comédien jusqu’au bout41 ». Dès la fin du xxe siècle, l’intitulé des chapitres consacrés au dramaturge témoigne de cette évolution de l’image de Molière. Ainsi, en 1994, le manuel des éditions Magnard, destiné à des élèves de sixième, propose un dossier « Molière comédien42 », lequel institue le dramaturge en tant que l’inventeur de la mise en scène qu’il « créa véritablement », nous dit-on. Jamais auparavant, nous n’avions trouvé de telles remarques. Depuis la fin du xxe siècle, les manuels font de Molière « l’inventeur passionné43 » de la mise en scène et du jeu d’acteur. Les dénominations sont diverses et hésitantes mais elles témoignent de cette évolution de l’image du dramaturge : « directeur de troupe, metteur en scène, directeur d’acteurs », ou même, « régisseur de théâtre44 ». Il y a donc bien toujours une légende de Molière. Depuis les dernières décennies du xxe siècle, il s’agit de sacraliser l’auteur-acteur comme un praticien du théâtre, lequel conçoit son travail dans un incessant aller-retour entre l’écriture textuelle et la scène, l’une se nourrissant de l’autre. En louant son immense talent de comédien, en l’intronisant comme « le premier farceur de France45 » les manuels réhabilitent toute une partie de la personnalité de Molière volontairement occultée lors des périodes précédentes.
23La vie de Molière elle-même se place alors sous le thème du rire farcesque. Dès 1987, les auteurs du Manuel Hachette destiné aux classes de lycée intitulent une rubrique sur Molière « le carnaval de la vie ». Ils font le portrait d’un Molière bon vivant, homme de cour et amateur de plaisirs : « Molière accepte la vie telle qu’elle est, avec ses insuffisances, ses trahisons, ses mystifications, et prend le parti d’en rire46 ». Cette nouvelle image n’a plus rien à voir avec celle du Molière triste et mélancolique, chère à l’époque romantique. Dans les manuels, depuis la fin du xxe siècle, nous pouvons dire que Molière devient « l’homme qui rit », le courtisan qui a su séduire Louis XIV. Au cours des dernières décennies du xxe siècle, on assiste donc à une véritable métamorphose de l’image du dramaturge, laquelle modifie la représentation de Molière, en particulier dans les manuels du collège d’aujourd’hui. Par exemple, dans Fil d’Ariane destiné aux élèves de la classe de cinquième, la biographie de l’auteur est réalisée dans une rubrique intitulée : « Et si les auteurs nous parlaient47 ? » Elle se présente sous la forme de quatre questions fictives posées à Molière, dont deux insistent sur ses talents de comédien et sur les liens établis avec Louis XIV : « Pourquoi le roi Louis XIV vous a-t-il fait venir à Paris ? Est-il vrai que vous avez dansé aux côtés du Roi-Soleil ? » Ainsi, l’image de Molière est-elle toujours soumise à un prisme déformant. Cette nouvelle consécration de l’artiste complet, d’un Molière inventeur de la mise en scène, « devenu farcesque de la tête aux pieds48 », semble plus en phase avec notre société que celle des périodes précédentes. Comme le note tout récemment Catherine Ailloud-Nicolas, dans un article consacré au jeu dramatique dans les manuels d’aujourd’hui à l’usage des élèves de la classe de cinquième, à travers les exercices de jeu, se développent dans les manuels, « outre une image de l’acteur, une conception de la relation entre texte et scène et, au-delà, une représentation de la mise en scène49 ». Et si, comme elle le dit, le travail du comédien devient « support d’étude, de réflexion tout autant que de modèle à imiter50 », qui mieux que Molière pouvait être susceptible de l’incarner ?
La lecture de l’œuvre de Molière : du texte au plateau
24À la fin des années 1960, deux représentations différentes de la littérature et de son enseignement se côtoient dans les manuels du collège. D’un côté, il s’agit de faire accéder les élèves au sens dont est porteur le texte ; d’un autre, il est question de leur faire comprendre que ceux-ci ne sont pas sans lien avec la vie. Comme le dit Sylviane Ahr :
On perçoit dans ces deux tendances le statut ambigu de la littérature : elle constitue un bien national sacré, digne de vénération, […] ; elle est l’objet qu’il faut s’approprier car elle donne à voir une représentation du monde et aide tout sujet qui s’en nourrit à se construire, à trouver sa place dans la société51.
25La lecture et l’analyse des textes proposés vont donc osciller entre ces deux tendances suivant que les auteurs des manuels se rattachent plutôt à l’une ou à l’autre de ces deux représentations. Les titres des ouvrages de cette époque reflètent ainsi cette ambivalence. En 1965, par exemple, Georges Delaisement intitule son ouvrage destiné à des classes de sixième La Lecture et la Vie52. Suivant les manuels, le texte littéraire va donc continuer à être considéré comme un objet sacré, toujours digne de vénération, ou alors comme un outil qui permet d’ouvrir sur la vie et de faire en sorte que, grâce à lui, l’élève puisse apprendre des méthodes, et en particulier, puisse apprendre à écrire. Bernard Veck résume cette évolution dans son ouvrage intitulé Des Humanités aux méthodes53.
26Au lycée, la naissance de la lecture « méthodique » dans les années 1980 est le fruit de cette nouvelle approche des textes littéraires, laquelle sera celle préconisée par l’institution jusqu’en 1996, date à laquelle elle sera détrônée au profit de la lecture « analytique ».
La lecture méthodique du texte de Molière : une ouverture vers le jeu théâtral
27Les années quatre-vingt voient donc la naissance de la lecture méthodique dans les classes de lycée. Celle-ci se définit comme une lecture réfléchie qui permet aux élèves d’élucider, de confirmer ou de corriger leurs premières impressions de lecteurs. Comme le disent les instructions officielles, elle se présente comme une méthode rigoureuse qui rejette la paraphrase, ne mime pas passivement le développement linéaire du texte, n’attribue pas à priori à l’auteur une intention, ne suppose pas que le contenu et la forme puissent être dissociés et enfin, ne s’enferme pas dans des préjugés esthétiques. Elle est « donc une explication de texte consciente de ses démarches et de ses choix54 ». Les textes officiels précisent aussi que, dans cette démarche, il ne s’agit pas de tomber dans le formalisme mais de se garder cependant de toute imprécision. Cette nouvelle approche de la littérature met donc en place une autre façon d’expliquer les textes, laquelle se caractérise par sa démarche réfléchie et rigoureuse et par son exigence de lucidité. Cette transformation de l’exercice d’explication de texte a-t-elle modifié dans les manuels la lecture de Molière ?
28L’étude de quatre manuels du lycée représentatifs de cette période nous montre que l’évolution est nette. L’approche des textes est plus diversifiée. Elle varie suivant les différents ouvrages sans qu’elle soit cependant toujours novatrice.
29Le manuel de Claude Puzin propose ainsi une rubrique intitulée « Au-delà du texte » laquelle a pour vocation de mettre l’extrait étudié en perspective avec ses sources tout en le situant dans son intertextualité. Par exemple, à la suite de la lecture méthodique de la scène 3 de l’acte I d’Amphitryon, on propose aux élèves de comparer l’Amphitryon de Molière avec celui de Plaute, ou celui de Giraudoux55. Des liens sont aussi établis avec les autres arts, ce qui est novateur. L’auteur renvoie à des œuvres cinématographiques et invite l’élève à approfondir l’analyse, en référence à plusieurs mises en scène théâtrales des comédies moliéresques. De même, différentes approches critiques universitaires sont évoquées. Par exemple, l’étude de la scène 2 de l’acte III du Tartuffe se prolonge en incitant les élèves à exploiter l’ouvrage de Jean-Pierre Collinet, Lectures de Molière56 pour y découvrir « les interprétations diverses et opposées, données par des critiques littéraires, des metteurs en scène, des acteurs57 ».
30Dans le manuel de Robert Horville, les extraits proposés sont suivis d’un bref questionnaire destiné à préparer l’étude du texte. Les questions sont surtout centrées sur l’étude des personnages. Par exemple, pour la scène 12 de l’acte III du Bourgeois gentilhomme58, on demande aux élèves d’analyser les arguments développés par Madame Jourdain, puis de regarder le comportement de Monsieur Jourdain et enfin de noter les qualités de Cléonte. Dans ces dernières rubriques, les questions sont plus riches et témoignent d’une diversité des approches. On observe la communication théâtrale entre les personnages puis leur psychologie. On s’intéresse ensuite à des problématiques liées à la dramaturgie.
31Dans l’ouvrage de Xavier Darcos et Bernard Tartayre, xviie siècle, on retrouve cette même volonté d’une richesse dans la diversité des approches. L’étude des extraits proposés s’effectue par un bref questionnement, lequel vise systématiquement à envisager la scène donnée à lire dans son niveau dramatique ainsi que dans la dimension psychologique des personnages. Le manuel propose aussi d’approfondir l’analyse des textes à l’aide de l’éclairage fourni par de nombreux documents critiques dans lesquels on retrouve, par exemple, des extraits d’ouvrages universitaires sur la littérature du xviie siècle, comme L’Histoire de la littérature française au xviie siècle d’Antoine Adam59, ou Morales du Grand Siècle de Paul Bénichou60 ; mais aussi, la référence aux recherches les plus importantes des moliéristes de la seconde moitié du xxe siècle, en particulier René Bray61.
32Le manuel de Seconde d’Hélène Sabbah, Littérature, Textes et Méthodes62, propose quant à lui, des lectures méthodiques sous la forme d’une série de questions qui invitent toujours l’élève à s’appuyer sur un relevé systématique des différents indices textuels : champs lexicaux, système de l’énonciation, registres. La lecture méthodique semble avoir ici trouvé sa ligne de conduite, laquelle privilégie l’étude des signifiants du texte sous la forme de relevés qui permettent de mettre en œuvre, comme le disent les instructions officielles « l’observation précise des formes ». On peut prendre en exemple la lecture de la scène 2 de l’acte I de Tartuffe. Elle est construite à partir de l’analyse précise du jeu des pronoms personnels, des oppositions, des répétitions, des rapprochements inattendus, puis de l’observation de la tonalité des répliques de Dorine63. Cependant, on s’attache peu à construire le sens du texte et une seule entrée est privilégiée, celle de l’analyse du comique de la scène. C’est plutôt dans la proposition des « parcours culturels » qui suivent les lectures que se situe l’intérêt de cet ouvrage. On invite l’élève à feuilleter le manuel pour mettre en parallèle les extraits de Molière avec d’autres textes qui présentent la même thématique. On demande aussi à l’élève de comparer le valet Scapin et le valet Dubois dans Les Fausses confidences de Marivaux64. On l’incite, à partir de « certains textes donnés dans cet ouvrage », à constituer lui-même un groupement de textes autour du thème de la critique de l’hypocrisie65.
33Manifestement, la lecture méthodique a donc apporté une diversification dans les approches du texte moliéresque, lesquelles deviennent beaucoup plus riches et s’ouvrent en particulier à des questions concernant la mise en scène et la dramaturgie. Dans ces manuels de la fin du xxe siècle, on invite toujours aussi peu l’élève à construire par lui-même le sens des textes de Molière. On l’enferme dans un questionnaire qui le prive de la recherche des hypothèses de lectures et qui ne l’invite jamais à interpréter le texte, lequel continue à être suggéré par la formulation des questions.
34Si le sens des textes de Molière est toujours donné à l’élève, le problème reste alors de savoir s’il s’agit encore d’un discours moralisateur qui passe par une pensée de la mimésis et propose des valeurs dites « bourgeoises ». Si évolution il y a dans ce domaine, elle n’est cependant que relative. En effet, l’analyse des œuvres du dramaturge est, avant tout, manifestement psychologisante et morale dans deux des quatre manuels concernés. Dans le xviie siècle de Robert Horville, on continue à expliquer les pièces de Molière en fonction de l’intention morale du dramaturge. Ainsi, l’auteur de cet ouvrage prend appui sur un long extrait du Molière de René Jasinski66, seul critique cité dans le manuel, pour mettre en évidence la pensée de Molière définie comme « les solutions du juste milieu ». On y retrouve la même analyse que lors de la période précédente : le rire est mis au service de la critique sociale ou morale ; c’est le fameux et traditionnel castigat ridendo mores. On le constate aussi dans le manuel de Claude Puzin, lequel ouvre son chapitre consacré à Molière par une page de garde sur laquelle est inscrite la célèbre citation extraite du Premier placet au Roi sur Tartuffe : « Le devoir de la Comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j’ai cru que, dans l’emploi où je me trouve, je n’avais rien de mieux à faire que d’attaquer par des peintures ridicules les vices de la société67 ». À l’intérieur du chapitre, la présentation des morceaux choisis s’attache à illustrer ces propos de Molière. Ces deux manuels modifient donc peu la lecture de l’œuvre de Molière et ils présentent la même approche de son système dramatique que lors de la période précédente. C’est dans le manuel de Xavier Darcos et Bernard Tartayre68 que nous trouvons les signes manifestes d’un renouveau de la lecture scolaire de Molière. Ce manuel, nous l’avons dit, fait appel aux analyses d’Antoine Adam, de René Bray et de Paul Bénichou. Ces références témoignent d’une évolution manifeste dans la façon d’aborder la comédie moliéresque. Il n’est plus question ici de s’interroger sur la moralité du dramaturge ou sur ses pensées religieuses ou philosophiques, mais plutôt de montrer que son intention est purement artistique. Ainsi, les auteurs insistent sur l’idée, toute nouvelle dans les manuels de cette période, que le théâtre de Molière n’a pas pour vocation de représenter la vie : « Tout au long de sa carrière, Molière a donné la vie à des créations imaginaires69 ». Et, à l’appui de cette remarque, les deux auteurs citent un extrait de l’ouvrage de René Bray70. Ce manuel est donc de très loin le plus novateur quant à la lecture de Molière. Manifestement, les deux auteurs accordent peu d’importance à la fameuse question « Molière pense-t-il ? ». À aucun moment, il ne s’agit de se demander si l’œuvre du dramaturge exprime une pensée morale, philosophique ou religieuse. De même, le principe esthétique du castigat ridendo mores est écarté. Quant aux personnages, ils ne sont pas envisagés comme c’est le cas dans les autres manuels, en tant que porte-parole de l’auteur. La référence explicite aux analyses de René Bray crédite une nouvelle approche des personnages, laquelle récuse l’idée jusque-là communément répandue dans les manuels, que Molière les aurait créés en fonction de préoccupations d’enseignement moral71. L’analyse du Misanthrope est ainsi l’occasion de citer un extrait de l’œuvre que Pierre Voltz, a consacré à la comédie72, pour insister sur l’idée qu’il ne sert à rien de tenter de chercher à savoir si Molière prend parti pour l’un ou pour l’autre de ses personnages. De même, peu importe de savoir si Molière condamne Alceste et si Philinte représente ses propres idées. La référence au critique introduit ici un point de vue idéologique différent, lequel permet de renouveler la lecture du personnage moliéresque. Molière est envisagé en tant que personne qui, nous disent les auteurs, toujours en référence aux analyses de Pierre Voltz, n’accable aucun de ses personnages et ne veut pas moraliser car la pièce reste avant tout une comédie73. Nous sommes là dans une analyse qui, pour la première fois, renouvelle la lecture scolaire du Misanthrope. C’est d’autant plus intéressant à noter que les autres manuels de la même époque continuent, de façon tout à fait traditionnelle, à faire réfléchir les élèves sur ce qui, dans Alceste, renvoie directement à Molière lui-même. On constate, contre toute attente, que Littérature, Textes et Méthodes, l’ouvrage d’Hélène Sabbah paru presque dix ans plus tard (1996), n’exploite pas les apports de ces nouvelles approches de l’œuvre moliéresque. Le dramaturge y est défini de façon très traditionnelle comme « le plus célèbre écrivain comique du théâtre français74 ».
35Si l’on analyse donc ce que cette transformation de l’exercice d’explication de texte a apporté à l’interprétation de l’œuvre de Molière, le bilan est mitigé. L’évolution considérable de la critique universitaire semble avoir eu peu d’impact dans les manuels sur la lecture scolaire du dramaturge qui, dans l’ensemble, reste très traditionnelle. Le mythe de la comédie moliéresque miroir de la société perdure. Molière demeure avant tout le grand observateur des mœurs de son temps. On retrouve ainsi, par exemple, dans le manuel de Robert Horville le discours moralisateur qui passe par une pensée de la mimésis. Ainsi, l’auteur intitule sa synthèse sur la comédie moliéresque « La mise en scène des problèmes fondamentaux de la société ». Les éléments développés sont similaires à ceux que nous avions identifiés lors de la période précédente et c’est toujours l’ancienne image de Molière législateur des mœurs qui perdure75. C’est donc plus dans l’ouverture vers l’approche de la mise en scène et vers le jeu des acteurs que la lecture méthodique a été le moteur d’un changement dans l’analyse de l’œuvre de Molière. Tous les manuels y font en effet référence, même si, comme nous venons de le voir, seul l’ouvrage de Xavier Darcos et Bernard Tartayre apporte un regard neuf sur l’interprétation de l’œuvre du dramaturge. Pour le reste, peu de changements sont proposés dans l’interprétation du théâtre moliéresque.
La lecture analytique du texte de Molière : du texte vers la mise en scène
36Les instructions du lycée de 1999, lesquelles remplacent celles de 1987, ne parlent plus de lecture méthodique. Désormais, on lui préfère comme au collège, la lecture analytique, laquelle apparaît pour la première fois dans les instructions officielles de la classe de sixième en 1996. Trop centrée sur des outils empruntés à la narratologie, la poétique ou la linguistique, on reproche à la lecture méthodique d’avoir empêché l’implication du lecteur dans le sens du texte et de l’avoir détourné de la construction de sa signification. Cette nouvelle démarche est donc conçue en réaction contre ces dérives. Elle se définit comme une lecture attentive et réfléchie, laquelle cherche avant tout à éclairer le sens des textes et à construire chez l’élève des compétences d’analyse et d’interprétation. Les programmes de 2008 du collège précisent qu’elle permet de « s’appuyer sur une approche intuitive, sur les réactions spontanées de la classe, pour aller vers une interprétation raisonnée76 ». En 2010, les nouvelles instructions du lycée ajoutent qu’elle vise « la construction progressive et précise de la signification d’un texte, quelle qu’en soit l’ampleur ; elle consiste donc en un travail d’interprétation que le professeur conduit avec ses élèves à partir de leurs réactions et de leurs propositions77 ». Lire, c’est donc faire passer l’élève d’une lecture naïve à une lecture plus distanciée, plus experte. C’est dans les années 2000 que commence à émerger la théorie du sujet lecteur. En 2003, un premier colloque international lui est consacré à Rennes. Depuis, on ne cessera d’insister sur l’idée qu’il faut partir de l’effet que l’œuvre produit sur le lecteur78. Il faut interroger l’élève sur ce qu’il ressent : ce qui l’émeut, ce qui le trouble, ce qui renvoie à sa vie affective et sociale ; ce qui lui parle de lui et du monde. Il s’agit surtout de donner le plaisir de lire, et non plus uniquement d’acquérir des méthodes ou des techniques, lesquelles ne doivent être que des outils susceptibles d’être utilisés pour accéder à la construction des sens possibles du texte. En 2013, la mise en ligne des consignes d’Anne Vibert sur le site du ministère officialise la théorie du sujet lecteur79.
37Jusqu’à la fin du siècle précédent, dans la plupart des manuels, on a perpétué la vénération du texte moliéresque en tant que texte sacré dont il s’agit de découvrir le sens unique, tout en instrumentalisant le dramaturge en vue de la formation morale des élèves. À l’inverse, il s’agirait donc maintenant de se demander en quoi les textes de Molière peuvent faire écho aux préoccupations des adolescents d’aujourd’hui ; en quoi peuvent-ils les toucher, les faire rire et leur parler d’eux-mêmes. Cette nouvelle approche des textes littéraires devrait modifier en profondeur la lecture de Molière dans les manuels du début du xxie siècle. Est-ce bien le cas ?
38Si l’époque de la lecture méthodique avait amorcé une modification de l’axe d’analyse de l’œuvre de Molière, du théâtre vers la scène, on peut tout d’abord constater que depuis le début du xxie siècle, l’importance accordée dans les instructions officielles au texte théâtral et à sa représentation ne pouvait qu’amplifier cette évolution. L’analyse de l’image mais aussi l’histoire des arts incitent, en effet, les manuels à envisager l’étude du texte dramatique sous l’angle du jeu théâtral et de la mise en scène comme étant en lien étroit avec celle de l’explication de texte. Désormais, on ne peut parler de Molière sans évoquer le travail du comédien et c’est cette entrée qui oriente avant tout la lecture de l’œuvre du dramaturge dans les ouvrages scolaires du collège. On s’attendrait donc à ce qu’on incite l’élève à faire état de son ressenti, afin de lui permettre de s’exprimer sur ce qui, dans le texte de Molière, peut entrer en résonnance avec ses préoccupations d’adolescent du xxie siècle. Or, on constate que c’est rarement le cas. On fait réfléchir l’élève sur « l’effet comique de la scène80 », on lui fait relever des groupes nominaux, des champs lexicaux, des types de phrases… mais on ne lui demande que très rarement quelles sont ses impressions et ses réactions à la découverte du texte81. Même lorsqu’on lui propose de réfléchir à la réception du texte de Molière par le public, comme c’est le cas, à l’occasion de la lecture de la scène 5 de l’acte III du Malade imaginaire, dans laquelle Monsieur Purgon rend visite à Argan qui n’a pas respecté son ordonnance, la question ne concerne que l’accueil de la scène au temps de Molière. On aurait pu réfléchir à l’effet produit par le décalage temporel : cette scène choque-t-elle encore les lecteurs d’aujourd’hui ? De même, il semblerait que cette nouvelle orientation qui envisage l’étude du texte dramatique sous l’angle du jeu théâtral ne pouvait qu’enrichir la lecture de l’œuvre de Molière. Pourtant, au bout du compte, on constate qu’en dehors de l’ouverture vers le travail du comédien, l’approche du texte n’est guère approfondie. Elle se contente souvent d’être structurée autour des différents types de comique. Contrairement à ce qu’on pouvait penser, depuis la fin du xxe siècle, la lecture analytique semble avoir opéré une étonnante modélisation de l’approche de la comédie moliéresque. Quels que soient les manuels, qu’ils soient destinés au collège ou au lycée, on constate des invariants, lesquels tendent avant tout à instrumentaliser l’œuvre de Molière au profit de l’analyse des différentes formes du comique. Au collège, en particulier, cela contamine la lecture analytique du texte au point qu’elle se réduit bien souvent à ce seul objectif comme en attestent les « bilans » ou « leçons » proposés en fin d’analyse. Ainsi, il est quasiment impossible de trouver un manuel dans lequel ces résumés ne consistent pas uniquement à définir les différents types de comique. Or, comme le dit Anne Vibert dans son article consacré à la place du sujet lecteur dans la classe, il n’est pas certain que Molière puisse encore faire rire ou même sourire les adolescents d’aujourd’hui, « pour bien des raisons dont certaines tiennent à la distance temporelle marquée aussi bien par la langue que par le fait qu’on ne rit pas des mêmes choses à toutes les époques ». Il faudrait donc, nous dit-elle, partir de la réception réelle du texte par les élèves, « peut-être ratée du point de vue de l’effet comique, mais qui ne fait pas semblant de croire à cet effet pour rentrer dans les cadres de la lecture académique ». Et, ajoute-t-elle, « c’est à ce prix qu’on pourra alors faire découvrir, par d’autres voies, la vis comica de l’œuvre82 ». Or, aujourd’hui comme hier, les manuels n’ont pas pour objectif que l’élève ressente le comique d’une scène de Molière. On ne lui demande que très rarement si le texte le fait rire. Pour les auteurs des ouvrages scolaires, une scène de Molière « doit » provoquer le rire. Il ne peut en être autrement et, d’entrée de jeu, on pose cela comme une évidence. Il y a toujours implicitement l’idée que le texte est comique et que son comique doit apparaître à tout lecteur. On ne tient compte ni des changements d’époque et de culture, ni du statut de la jeunesse. Au cours de la lecture analytique, on demande donc à l’élève d’analyser les différents types de comique.
39Une nouvelle constatation s’impose : l’importance accordée dans les manuels, depuis la fin du xxe siècle, à la relation entre le texte et la mise en scène entraîne une lecture de l’œuvre de Molière qui, outre l’identification des types de comique, s’oriente vers la spécificité du texte théâtral. Ceci est problématique, car le texte devient prétexte à construire des savoirs sur l’énoncé théâtral et non pas sur l’œuvre de Molière. C’est le cas, par exemple, en 2003, dans le manuel de troisième, À travers les mots, pour l’étude de la scène 5 de l’acte II du Malade imaginaire83, scène dans laquelle Thomas Diafoirus tente de séduire Angélique. La première partie de l’explication du texte comprend des questions qui visent plus la représentation et le travail du comédien que l’analyse du texte. On invite l’élève à faire sur une feuille de brouillon un schéma du placement des personnages sur la scène tel qu’il peut l’imaginer à partir des didascalies et de ce que disent les personnages. On lui demande ensuite d’observer la dramaturgie de la scène et de voir quel en est l’effet sur les spectateurs qui se trouvent dans la salle. Une telle approche n’est pas sans intérêt dans la mesure où elle suppose une implication personnelle de l’élève dans la lecture du texte. Pour le reste, à travers l’analyse des personnages, c’est le comique de la scène que l’on fait observer aux élèves, en faisant l’économie de les faire réfléchir par eux-mêmes. En affirmant le lien établi entre la pratique du jeu théâtral et l’explication de texte, les manuels en viennent donc à faire de l’œuvre de Molière un outil favorisant un travail sur la mise en scène. Aussi, si l’on s’intéresse aux personnages et en particulier aux sentiments qu’ils expriment, les questions posées pour « lire le texte », selon l’expression retenue par Les couleurs du français, se limitent à une simple lecture de construction du sens littéral, laquelle débouche invariablement sur des exercices de jeu théâtral. Par exemple, pour la scène 5 de l’acte III du Malade imaginaire84, celle dans laquelle Toinette tente de détourner Argan de l’influence de Monsieur Purgon, on demande aux élèves de repérer qui sont les personnages, d’identifier « qui est en colère et pourquoi », et de déterminer ensuite « l’état dans lequel se trouve Argan d’après les répliques de Toinette ». La dernière question concerne enfin la pratique du jeu théâtral : « Quel ton et quels mouvements pouvez-vous proposer pour accentuer dans la mise en scène le comique de cet extrait ? ». L’intérêt de cette démarche est que la réflexion sur le sens du texte passe par un travail sur la mise en scène et sur le jeu théâtral. On s’intéresse donc surtout à la dimension hybride du texte théâtral dont on interroge les caractéristiques. Mais, on n’en étudie pas pour autant les spécificités de l’écriture moliéresque. Comme le note Marie Bernanoce, on a l’impression que « l’étude du texte de théâtre se limite à la psychologie des personnages, l’éternité des sentiments humains, les différents types de comique et la fable, avec ou sans son schéma actanciel, mais pas le matériau textuel85 ».
40Aujourd’hui, la comédie moliéresque continue donc à être fossilisée dans la sacro-sainte approche bipolaire : peindre et faire rire et l’on n’évoque jamais sa forme propre. Quel que soit le niveau de classe visé, il s’agit toujours uniquement de connaître la définition de la comédie classique, comme le montrent les synthèses qui clôturent les lectures des extraits choisis. On peut citer en exemple, « l’essentiel » à retenir pour l’étude d’une scène du Malade imaginaire dans Fil d’Ariane, cinquième86 : la comédie nous dit-on, « caricature les défauts des hommes ou le comportement de certains groupes sociaux pour faire réfléchir les spectateurs. Elle remplit ainsi une double fonction : une fonction comique en faisant rire le public, et une fonction morale en corrigeant les mœurs ». De même, on continue aussi à expliquer l’intérêt que Molière portait à la médecine en référence à des éléments biographiques. S’il a ouvertement critiqué les médecins c’est, nous dit-on, parce qu’« il était de santé fragile, et mal soigné87 ». Rares sont les manuels qui présentent l’étude du Malade imaginaire sans procéder à cet amalgame. Terres littéraires propose même aux élèves de seconde, « pour aller plus loin » dans l’étude de la pièce, d’effectuer des recherches dans une biographie du dramaturge pour voir si cette « critique des médecins trouve un écho dans la vie de Molière88 ».
41Finalement, l’ouverture vers la théâtralité n’a pas modifié la lecture du texte moliéresque. Les manuels d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, ne font que ressasser l’éternel identique discours. Molière demeure le génie de la comédie classique. On continue d’évoquer l’influence du dramaturge sur les siècles suivants, mais on ne montre toujours pas que c’est dans la forme qu’il a donnée à ses comédies, que se situe toute son inventivité. Le discours n’a donc pas changé et aucun des manuels que nous avons consultés ne s’en écarte. Or, ne serait-il pas intéressant pour former des lecteurs autonomes et cultivés d’enrichir la lecture scolaire actuelle des textes de Molière par la prise en compte de la spécificité de son écriture théâtrale ? Ne serait-il pas utile d’intégrer dans les pages des manuels consacrées au comique moliéresque des éléments permettant de comprendre le fonctionnement propre de ce comique ? Ce n’est que lorsque ces pistes seront exploitées par les auteurs des ouvrages scolaires que la lecture de Molière pourra enfin évoluer.
Les sujets de devoirs
42Au cours de la période qui va des années 1963 à aujourd’hui, les exercices écrits proposés à partir de Molière et de son œuvre se multiplient dans les manuels. Il s’agit de voir maintenant si nous pouvons constater une évolution dans les sujets par rapport aux périodes précédentes.
Les écrits d’invention
43L’écrit d’invention devient, sous la forme de la narration, l’exercice privilégié au collège. Au lycée, il est en lien avec l’introduction du sujet d’invention à l’écrit des épreuves anticipées de français. L’analyse des sujets permet de constater la même évolution dans les deux cycles. C’est la spécificité du texte théâtral et du comique moliéresque qui devient l’élément fédérateur de la narration. Par ailleurs, les récits, les portraits et les descriptions sont désormais pratiquement inexistants. Il n’est pas étonnant de noter la quasi-disparition de ces derniers exercices, lesquels semblent peu en phase avec l’évolution de l’approche du texte théâtral telle que nous l’avons identifiée depuis la fin du xxe siècle. Lorsque les manuels y ont recours, c’est en général, pour les mettre en lien avec le travail du texte théâtral ou l’histoire des arts. On peut citer en exemple ce sujet extrait des Couleurs du français, lequel demande à des élèves de cinquième de « décrire la danse » que l’on voit sur une photographie et « d’inventer un rapport entre cette danse et une scène du Bourgeois gentilhomme89 ». Désormais, la grande majorité des écrits d’invention concerne l’écriture d’une scène théâtrale. En collège, il s’agit souvent de réutiliser en situation de production des procédés acquis lors de l’analyse des textes de Molière. C’est l’interaction lecture-écriture qui semble être l’orientation majeure prise par les manuels depuis la fin du xxe siècle. L’étude des différentes formes de comique étant, comme nous l’avons vu, l’entrée privilégiée de la lecture des œuvres moliéresques, on constate donc, dès les années soixante-dix, un nombre important de sujets demandant à l’élève d’écrire une scène comique. Ainsi, de cet exercice adressé à des élèves de la classe de quatrième, lequel prend pour support l’étude d’extraits de L’Avare : « Imaginez un quiproquo qui donne lieu à une scène comique entre deux ou plusieurs personnages90 ». On retrouve de tels sujets dans les manuels actuels, comme le montre cet exemple proposé dans l’ouvrage Les couleurs du français, en référence à la lecture d’un extrait du Malade imaginaire qui demande aux élèves d’écrire une scène comprenant un quiproquo et « dans laquelle un personnage est ironique91 ». Le texte de Molière s’efface donc au profit d’un apprentissage formel. Il est surtout question d’apprendre à écrire une scène comique, ou une scène d’exposition, ou un monologue. Pour cela, la scène étudiée en lecture analytique sert de référent, voire de modèle, dans la mise en œuvre de techniques d’écritures préalablement identifiées : « Géronte vient d’exposer à Octave les projets de mariage qu’il a pour lui. Rédigez leur dialogue sur le modèle de la scène d’exposition92 ». On constate que l’élève est peu amené à exprimer son sentiment personnel sur le texte ou l’œuvre étudiée. Au collège, les narrations proposées à l’issue de la lecture des textes moliéresques sont donc, pour la plupart, centrées sur l’apprentissage des techniques de l’écriture théâtrale. Au lycée, on retrouve encore ce type d’exercices, que certains manuels utilisent à l’identique de ceux que nous avons notés dans le premier cycle, comme en atteste cet exemple qui fait suite, dans un ouvrage pour la classe de première, à la lecture analytique de la scène 5 de l’acte III de L’École des femmes : « Imaginez une situation comique qui serait elle aussi, fondée sur un quiproquo93 ». Ce type d’exercice est cependant bien moins fréquent qu’au collège, sans doute parce qu’on estime que l’acquisition de ces techniques a été réalisée lors du cycle précédent. On pourrait alors s’attendre à ce que les auteurs des manuels du lycée proposent plutôt des sujets faisant appel au sens critique des élèves et à ce qu’ils les incitent à exprimer un jugement esthétique face aux textes de Molière. Mais il n’en est rien. Nous n’avons pas trouvé de proposition de devoirs invitant l’élève à s’interroger, à partir d’un sujet d’invention, sur la réception de l’œuvre du dramaturge pour des adolescents d’aujourd’hui. Pratiquement tous les exercices écrits relevés concernent la transposition scénique ou le travail des comédiens. On demande, par exemple, fréquemment de rédiger un projet de mise en scène à partir de l’extrait étudié. Le manuel de seconde, Terres Littéraires, à la suite de la lecture analytique de la première scène de l’acte III de Dom Juan, donne ainsi le sujet suivant : « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle… “Faites des propositions argumentées concernant les décors, les costumes, les gestes, les déplacements, le ton des acteurs”94 ». Le travail du comédien, donne lieu, lui aussi, à de nombreuses propositions d’écrits d’invention, comme l’illustre cet exercice qui fait suite à l’étude de la première scène d’Amphitryon ; on demande à l’élève d’exposer à l’intention d’un comédien qui doit interpréter le rôle de Sosie, « ce qui se passe dans la tirade » et de réfléchir à « comment doit faire le personnage pour jouer les rôles95 ».
44Ainsi, il y a donc bien une évolution des sujets proposés. On abandonne le portrait au profit d’exercices centrés sur la spécificité du texte théâtral. Mais, surtout, ce qui est commun à tous ces devoirs depuis la fin du xxe siècle, c’est qu’ils ne proposent jamais de s’interroger sur le texte de Molière. Celui-ci ne sert que de support, soit pour transférer des savoirs concernant des techniques d’écriture théâtrale, soit pour inviter l’élève, à travers des devoirs ayant trait à la scénographie, à s’entraîner à l’argumentation. Ainsi, ces exercices illustrent les propos d’Anne Vibert96, qui, en 2008, constate en analysant les sujets d’invention à l’épreuve anticipée de français du baccalauréat, que la majorité d’entre eux demandent de produire un écrit de type argumentatif.
Les commentaires
45À partir du dernier quart du xxe siècle, conformément à l’évolution des exercices proposés à l’épreuve anticipée de français, le commentaire devient spécifiquement littéraire et il est réservé aux classes de lycée. De façon générale, on le trouve à la suite de l’explication de texte d’une scène de Molière. Jusqu’en 1995, le libellé donne des orientations lesquelles, à partir de 1981, obligent l’élève à traiter simultanément le fond et la forme. Comme le note Violaine Houdart-Mérot, l’évolution des instructions officielles, depuis 1983, influencées, par les théories du texte littéraire et de la réception a entraîné un déplacement dans la manière d’appréhender le texte à commenter : « L’élève ne doit plus attribuer à priori à l’auteur une intention, mais partir de ses hypothèses de lecture pour construire un sens97 ».
46Dans les manuels des dernières décennies du xxe siècle, les propositions de plans de commentaire montrent cependant une modélisation de l’approche littéraire du texte moliéresque. On commence à développer le comique de la scène, puis, on s’intéresse soit à la peinture des caractères, soit à la mise en évidence des caractéristiques qui rattachent la scène à l’esthétique du théâtre classique, comme on peut le voir, par exemple dans le manuel de Robert Horville, pour le commentaire de la fameuse scène 7 de l’acte II des Fourberies de Scapin. On demande aux élèves de faire une première partie sur le comique de situation lors de laquelle ils doivent d’abord montrer ce qu’il y a de comique dans le personnage de Géronte « partagé entre son avarice et son désir de sauver son fils98 ». La seconde partie repose sur le comique de répétition : « Géronte ne cesse de regretter que son fils soit allé dans la galère turque. Il le répète comme un leitmotiv ». La dernière, est consacrée à l’analyse des personnages : « un valet rusé et habile, un père partagé entre son avarice et son affection pour son fils : vous soulignerez comment, sous les effets comiques, apparaît une fine analyse des comportements humains ». On peut remarquer que ces pistes de correction ne permettent pas à l’élève d’exprimer ses impressions à la lecture du texte. Celui-ci est réduit aux invariants de l’approche de l’œuvre de Molière : un auteur comique passé maître dans l’art de peindre les comportements humains.
47Ainsi, dans les manuels de la fin du xxe siècle, commenter un texte de Molière revient toujours à sacraliser le dramaturge en tant que plus grand comique classique et éminent observateur de la nature humaine.
48Les commentaires littéraires présents dans les manuels de lycée du xxie siècle ont tendance à reproduire cette lecture de l’œuvre de Molière. Même si, manifestement, l’étude des procédés comiques n’est plus l’élément fédérateur, pour les auteurs des manuels, il est difficile d’analyser une scène de Molière sans en passer par là. On constate aussi qu’on continue à tirer le texte vers une illustration de ce que Molière aurait voulu critiquer de la société de son temps et vers la peinture des caractères. Ainsi, en 2004, Soleils d’encre, manuel pour la classe de seconde, propose un corrigé du commentaire de la scène 1 du premier acte du Misanthrope99. Dans la première partie, il s’agit de travailler sur l’exposition de la comédie en montrant que la conversation semble avoir commencé avant le lever de rideau et que nous sommes en présence d’une « pièce de théâtre fondée sur le rire ». Dans la seconde partie, on retrouve l’idée reçue faisant de Molière le « peintre du théâtre du monde » qui représente ici les relations à la Cour qu’il aurait observées « d’après nature ». On peut constater que les auteurs du manuel commentent le texte en lien avec la vie de son auteur : « Molière a observé la vie mondaine, et l’a d’ailleurs subie lui-même ». Enfin, la dernière partie, fait du texte une illustration du Molière peintre de la nature humaine, ici, d’un « type humain universel dans sa fragilité ». Le corrigé proposé pour cet exercice, mêle l’analyse des procédés stylistiques du texte à des remarques sur la société du Grand Siècle. « La frivolité apparente » de Philinte est opposée au « caractère bourru » d’Alceste, illustration, selon les auteurs, des mœurs de l’époque : « C’est bien l’un des reproches que l’ancienne génération fait à la jeunesse : les courtisans, dont les grands-parents étaient encore grands seigneurs, avaient le sens de l’honneur, savaient se battre en duel, à la pointe de l’épée. La jeune génération, faite de vils courtisans, n’exerce que son art de la pointe verbale ». Là encore, Molière est toujours pris comme prétexte à illustrer le mythe du grand comique classique, peintre de la nature humaine et des travers de la société de son époque. On ne construit donc pas un sens à partir d’hypothèses de lecture, on se contente encore de plaquer sur le texte une image stéréotypée de ce que seraient les intentions de l’auteur. Seule la fin du commentaire permet de tenir compte des effets du texte sur le lecteur d’aujourd’hui : « Alceste pose un problème qui nous touche tous, l’adéquation entre l’attitude et le sentiment, l’être et le paraître. Sa soif d’absolu reste très adolescente : il confond la mode, les usages, le jeu social et le cœur, et se livre trop vite ». Les manuels des années 2010 semblent, toutefois, prendre quelque peu leur distance par rapport à cette vision figée de l’œuvre du dramaturge. Ainsi, en 2011, Terres Littéraires100 propose un plan de commentaire pour l’étude de la tirade d’Alceste en demandant aux élèves d’insister sur « la notion de blâme et l’absence de nuance dans les propos du personnage ». Il est cependant trop tôt pour en déduire une évolution manifeste de la lecture de Molière d’autant plus que nous continuons à retrouver des plans de commentaires qui, quelle que soit la scène étudiée dans l’œuvre du dramaturge, réduisent toujours le texte à la même analyse.
Les dissertations
49À partir du dernier quart du xxe siècle, comme le remarque Violaine Houdart-Mérot101, la dissertation, alors dénommée « essai littéraire », porte en grande partie sur des questions touchant à la finalité de la littérature. C’est aussi à cette époque que les libellés des sujets invitent les candidats à donner leur avis personnel ainsi qu’à utiliser leur propre culture, celle-ci incluant les autres arts. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, les exercices sont souvent les mêmes que ceux que nous avions notés lors de la période précédente. On continue à prendre le texte de Molière comme support à une réflexion axée sur l’édification morale de l’élève. Ainsi, perdurent des sujets dont l’objectif est de faire réfléchir les candidats aux thèmes qui étaient déjà ceux que nous avions identifiés dans le passé. Dans les dissertations sur le Misanthrope, par exemple, on retrouve encore des interrogations centrées sur la place du mensonge dans la société. Il en est ainsi de ce sujet, proposé en 2005, dans le manuel de la classe de première des éditions Magnard, à la suite de l’étude de la scène 2 de l’acte I : « Le mensonge est-il répréhensible, nécessaire, inévitable dans les relations sociales ? Vous défendrez votre point de vue de manière argumentée en puisant vos exemples dans la littérature, le cinéma ou la vie courante102 ».
50Lorsque les sujets présentent une orientation littéraire, on ne peut que constater que, là encore, il n’y a guère d’évolution dans les questions posées aux élèves. Il s’agit toujours de réduire la lecture des œuvres moliéresques à l’illustration du fameux castigat ridendo mores. Les exemples sont multiples et quasiment semblables d’un manuel à l’autre : « La comédie a-t-elle pour fonction essentielle de faire rire ? Vous vous demanderez enfin s’il est possible de dissocier le rire de la vocation traditionnelle de la comédie103 ». On retrouve de tels sujets dans les ouvrages récents, comme en témoigne cet exemple d’entraînement à la dissertation, extrait d’un manuel pour les élèves de la classe de première, publié en 2011 : « proposez trois arguments justifiés par des exemples précis à partir de l’axe suivant : le rire sert à critiquer et à dénoncer les travers de la société104 ». Tous ces sujets, outre leur originalité limitée et leur caractère très classique, n’envisagent jamais de faire réfléchir à la spécificité du texte moliéresque, ce qui d’ailleurs nous étonne peu puisqu’ils sont conformes à ce que nous avons auparavant noté à propos de la lecture des textes du dramaturge. Pour trouver une ouverture, là encore c’est vers la mise en scène et le jeu du comédien qu’il faut se tourner. Dès les années 2000, les manuels proposent plusieurs sujets dans ce sens, à la suite de l’étude d’une scène ou d’un œuvre de Molière. On demande aux élèves de mobiliser leurs connaissances acquises dans le cadre scolaire et d’exploiter leur culture personnelle pour les mettre au service d’une réflexion qui prend pour support différentes représentations théâtrales. On peut citer en exemple ce sujet qui fait suite à l’étude de la scène 6 de l’acte IV de Dom Juan, (dernier face à face entre Don Juan et Elvire), et qui prend pour support des « textes échos » présentant le point de vue de Louis Jouvet, de Jacques Lassalle et de Jean-Loup Rivière sur la scène : « À partir de leurs commentaires et d’autres exemples de pièces que vous avez vues, expliquez ce que la mise en scène et le jeu des comédiens apportent à l’interprétation d’un texte de théâtre105 ».
51L’analyse des sujets de dissertation présents dans les manuels, depuis la fin du xxe siècle jusqu’à aujourd’hui, est donc cohérente avec ce que nous avons pu remarquer pour les autres exercices écrits. En dehors de l’ouverture vers le travail du scénographe et du comédien, peu de choses ont changé depuis la période précédente. Molière demeure le grand observateur de la nature humaine et la seule étude du rire moliéresque continue à se limiter à l’illustration du principe du castigat ridendo mores.
Conclusion
52Au cours de la période qui couvre des années 1963 jusqu’à aujourd’hui, le corpus officiel des œuvres moliéresques s’est donc amplement étendu. Désormais, dans les programmes scolaires, le répertoire du dramaturge comprend en plus des huit pièces canoniques auparavant inscrites (Le Tartuffe, Le Misanthrope, Les Précieuses ridicules, Les Femmes savantes, L’École des femmes, Le Bourgeois gentilhomme, Le Malade imaginaire, L’Avare) de nouvelles comédies telles qu’Amphitryon ou George Dandin. Mais, la grande nouveauté réside dans l’introduction des farces dans les petites classes du collège à partir des années 1970. Ainsi, Les Fourberies de Scapin et Le Médecin malgré lui acquièrent le statut d’œuvres canoniques ainsi que, en 2008, Le Médecin volant, L’Amour médecin et Le Sicilien ou l’amour peintre. Enfin, même si Dom Juan n’a jamais été officiellement au programme, en 2001, les documents d’accompagnement pour la classe de première préconisent, pour la première fois, son étude.
53Par ailleurs, « la mort de l’auteur », n’a pas fait disparaître la construction d’une image scolaire de Molière. Aujourd’hui comme hier, dans les manuels, il demeure le plus grand comique français, le maître de la comédie, incarnant à lui seul le rire du xviie siècle. Sur les fondations de l’ancienne représentation, s’est cependant greffée une nouvelle image, plus en accord avec l’évolution d’une histoire littéraire différente, laquelle s’intéresse à la vie quotidienne des hommes et à leurs pratiques culturelles. Désormais, Molière n’est plus le mélancolique, le contemplateur cher à l’époque romantique. La légende de Molière s’est totalement inversée. À travers la référence à sa vocation précoce, à ses années d’errance et à sa mort « en scène », ce qu’on admire avant tout, c’est le praticien du théâtre. Figure identitaire de la France, Molière l’est toujours, mais depuis la fin du xxe siècle, ce qu’on célèbre en lui, c’est l’écrivain qui représente l’homme de théâtre par excellence ; c’est l’acteur populaire, le génial farceur qui a su séduire le Roi-Soleil. À travers lui, c’est l’image du comédien qui est réhabilitée. Molière est devenu l’incarnation de l’homme de théâtre complet, lequel conçoit son travail dans un incessant aller-retour entre l’écriture textuelle et la scène. C’est en tant que tel qu’il est sacralisé dans les manuels d’aujourd’hui, sa vie même, étant placée sous le signe du rire farcesque. En lien avec cette nouvelle image, l’analyse des textes moliéresques s’est ouverte vers l’approche de la mise en scène et vers le jeu des acteurs. Pour le reste, Molière demeure toujours, avant tout, le génie de la comédie classique et l’on continue à se servir de son théâtre pour en construire la définition. De même, les sujets d’écriture sur son œuvre témoignent d’une continuité très grande avec la période précédente. Ils restent très classiques, en dépit de l’apparition, dans les années 2000, de l’écriture d’invention. La seule ouverture réside, là encore, dans la mise en scène et le travail du comédien. Dans les ouvrages scolaires de cette période, c’est donc entre classicisme et modernité que se situe l’étude de Molière. Comme auparavant, la lecture de ses comédies est l’illustration du castigat ridendo mores et l’on continue à prendre son œuvre comme support à une réflexion axée sur l’édification morale de l’élève. Ce qui a changé se trouve dans l’image de l’auteur véhiculée par les manuels. La lecture de l’œuvre de Molière a peu évolué mais, celle de l’homme, celle de l’artiste qu’il était, a profondément changé. Réhabilité en tant que comédien, génie du rire, depuis la fin du xxe siècle, l’image de Molière dans les manuels fait du grand dramaturge du xviie siècle, un être quasiment atemporel, exemple parfait de l’artiste complet.
Notes de bas de page
1 Veck Bernard, La culture littéraire au lycée, des humanités aux méthodes, ouvr. cit.
2 PetitJean André, « Valeurs, savoirs et textes dans les instructions officielles du lycée », Pratiques, n° 101/102, mai 1999, p. 125.
3 Houdart-Mérot Violaine, La culture littéraire au lycée depuis 1880, ouvr. cit.
4 Denizot Nathalie, La scolarisation des genres littéraires à l’école 1802-2010, Bruxelles, Peter Lang, 2013.
5 Houdart-Mérot Violaine, La culture littéraire au lycée depuis 1880, ouvr. cit., p. 168.
6 B.O.E.N., Arrêté du 26 janvier 1981, annexe 1, publiée dans le B.O.E.N. n° spécial 1 du 5 mars 1981, p. 33-34.
7 Manesse Danièle, Grellet Isabelle, La littérature au collège, Paris, INRP, 1994, p. 47.
8 Vaillant Alain, L’histoire littéraire, Paris, A. Colin, 2010.
9 Jey Martine, La littérature au lycée, invention d’une discipline, 1880-1925, ouvr. cit.
10 Barthes Roland, « La mort de l’auteur », [1968], dans Œuvres complètes, t. iii, Paris, le Seuil, 2002, p. 40.
11 Vaillant Alain, L’histoire littéraire, ouvr. cit., p. 171.
12 Bulletin Officiel spécial n° 1 du 5 février 1987, fixant les programmes de la classe de Seconde, p. 18.
13 Sabbah Hélène, Littérature, textes et méthodes au lycée, Paris, Hatier, 1996, p. 158.
14 Aviérinos Maryse, Français, Seconde, Paris, Bordas, 2000, p. 220.
15 Marais Odile (dir.), Fil d’Ariane 4e, Paris, Didier, 2011, p. 229.
16 Calais Étienne & Doucet René, Précis de littérature par genre et par siècle, ouvr. cit., p. 47.
17 Damas Xavier (dir.), Terres littéraires, Seconde, Paris, Hatier, 2011, p. 65.
18 Jaeglé Marianne & Marin Daniel, Manuel de littérature française, lycée, Paris Bréal, 2004, p. 234.
19 Darcos Xavier & Tartayre Bernard, Le xviie siècle en littérature, coll. « Perspectives et confrontations », Paris, Hachette, 1987, p. 223.
20 Aviérinos Maryse, Français, Seconde, Paris, Bordas, 2000, p. 220.
21 Lancray-Javal Romain, Littérature, Seconde, coll. « Des textes à l’œuvre », Paris, Hachette, 2004, p. 164.
22 Serres Laetitia, Molière, Les Précieuse ridicules, Paris, Magnard, coll. « Classiques & Patrimoine », 2011, p. 5.
23 Aviérinos Maryse, Français, Seconde, ouvr. cit., p. 223.
24 Sabbah Hélène, Littérature textes et méthodes, Seconde, ouvr. cit., p. 158
25 Puzin Claude, Littératures textes et documents, xviie siècle, coll. « Mitterrand », Paris, Nathan, 1987, p. 282.
26 Sabbah Hélène, Littérature et méthodes, Cinquième, Paris, Hatier, 1991, p. 12.
27 Ibid.
28 Lagache Françoise, L’œil et la plume, Cinquième, Paris, Belin, 2010, p. 190.
29 Landat Jean Claude, Molière, Le Malade imaginaire, Paris, Hachette, coll. « Biblio Collège », 2017, p. 170.
30 Aviérinos Maryse, Français Seconde, ouvr. cit., p. 223.
31 Rincé Dominique, Textes, analyse littéraire et expression, Seconde, coll. « Lectures, écritures », Paris, Nathan, 2000, p. 392.
32 Lancray-Javal Romain, Littérature, Seconde, ouvr. cit., p. 165.
33 Sabbah Hélène, Littérature, Seconde, ouvr. cit., p. 254.
34 Pagès Alain (dir.), À mots ouverts, Quatrième, Paris, Magnard, 2002, p. 121 ; Ballanfat Evelyne (dir.), Mots et émotions, Sixième, Paris, Magnard, 2009, p. 152.
35 Jordy Jean (dir.), Français Première, Paris, Bertrand-Lacoste, 2007, p. 540.
36 Kish (de) Esther & Cohen-Bacri Henri, Les textes et la vie, Quatrième, coll. « Albert Praud », Paris, Masson et compagnie, p. 142.
37 Ibid.
38 Puzin Claude, Littératures, textes et documents, xviie siècle, Paris, Nathan, 1987, p. 282.
39 Sabbah Hélène, Littérature, textes et méthodes, classe de seconde, ouvr. cit., p. 158.
40 Jaegli Marianne & Marin Daniel, Manuel de littérature française, lycée, ouvr. cit., p. 201.
41 Damas Xavier (dir.), Terres littéraires, Seconde, Paris, Hatier, 2011, p. 549.
42 Béguin Patrick, En lisant en écrivant, Sixième, Paris, Magnard, 1994, p. 92.
43 Ballanfat Evelyne (dir.), Le jardin des lettres, sixième, Paris, Magnard, 2009, p. 152.
44 Maris Odile (dir.), Fil d’Ariane 4e, Paris, Didier, 2011, p. 218.
45 Puzin Claude, Littératures, textes et documents, xviie siècle, ouvr. cit. p. 282.
46 Darcos Xavier & Tartayre Bernard, xviie siècle, Paris, Hachette, 1987, p. 250.
47 Marais Odile (dir.), Fil d’Ariane 5e, Paris, Didier, 2010, p. 226.
48 Puzin Claude, Littératures, textes et documents, xviie siècle, ouvr. cit., p. 282.
49 Ailloud-Nicolas Catherine, « Le jeu dramatique en classe de cinquième : pour un renouvellement de l’enseignement du théâtre ? », Le Français aujourd’hui, n° 180 (Pour l’enseignement du théâtre), mai 2013, p. 41 à 53.
50 Ibid., p. 46.
51 Ahr Sylviane, L’enseignement de la littérature au collège, ouvr. cit., p. 52.
52 Delaisement Georges, La Lecture et la Vie, Sixième, Paris, Didier, 1965.
53 Veck Bernard, Des Humanités aux méthodes, ouvr. cit.
54 Bulletin officiel Spécial n° 1 du 5 février 1987, Programmes de Seconde, p. 34.
55 Puzin Claude, xviie siècle, ouvr. cit., p. 296.
56 Collinet Jean-Pierre, Lectures de Molière, Paris, A. Colin, 1974.
57 Puzin Claude, xviie siècle, ouvr. cit., p. 328.
58 Horville Robert, xviie siècle, ouvr. cit., p.85.
59 Adam Antoine, Histoire de la littérature française au xviie siècle, Paris, Domat, 1952.
60 Bénichou Paul, Morales du Grand Siècle, Paris, Gallimard, 1948.
61 Bray René, Molière Homme de théâtre, Paris, Mercure de France, 1954.
62 Sabbah Hélène, Littérature, Textes et Méthodes, Seconde, Paris, Hatier, 1996.
63 Ibid., p. 166.
64 Ibid., p. 173.
65 Ibid., p. 163.
66 Jasinski René, Molière, ouvr. cit.
67 Puzin Claude, xviie siècle, ouvr. cit., p. 281.
68 Darcos Xavier & Tartayre Bernard, xviie siècle, ouvr. cit.
69 Ibid., p. 253.
70 Ibid.
71 Ibid., p. 253.
72 Voltz Pierre, La Comédie, Paris, A. Colin, 1964.
73 Ibid.
74 Sabbah Hélène, Littérature, Textes et méthodes, ouvr. cit., p. 158
75 Ibid., p. 210.
76 Bulletin officiel n° 6 du 28 août 2008.
77 Bulletin officiel n° 9 du 30 septembre 2010.
78 Fourtanier Marie-José, Gérard Langlade & Catherine Mazauric, « Le texte du lecteur », colloque de Toulouse, 2009 ; Massol Jean-François & Rannou Nathalie, « Le sujet lecteur-scripteur de l’école à l’université : postures et outils pour des lecteurs divers et singuliers », colloque de Grenoble, 2012.
79 Vibert Anne, Faire place au sujet lecteur en classe : quelles voies pour renouveler les approches de la lecture analytique au collège et au lycée ?, 2013, disponible en ligne sur le site d’Éduscol, Ressources pour le collège et le lycée : <https://eduscol.education.fr/lettres/im_pdflettres/intervention-anne-vibert-lecture-vf-20-11-13.pdf> [consulté le 6 décembre 2019].
80 Ballanfat Evelyne (dir.), Mots et émotions, Cinquième, ouvr. cit., p. 223.
81 Ibid., p. 231.
82 Vibert Anne, Faire place au sujet lecteur en classe : quelles voies pour renouveler les approches de la lecture analytique au collège et au lycée ?, ouvr. cit.
83 Carmigniani Françoise, À travers les mots, Troisième, Paris, Bordas, 2003, p. 237.
84 Himy Olivier (dir.), Les couleurs du Français, 5e, ouvr. cit., p. 209.
85 Bernanoce Marie, « L’écriture théâtrale à la charnière de la littérature et de la scène », dans Quelles littératures de l’école au lycée ?, coordonné par Annick Brillant-Annequin & Jean-François Massol, Actes des journées d’études organisées à l’Université Stendhal et à l’IUFM de Grenoble les 18 et 19 mars 2002, Grenoble, CRDP de l’académie de Grenoble, 2005, p. 100.
86 Marais Odile (dir.) Fil d’Ariane 5e, ouvr. cit., p. 235.
87 Ballanfat Evelyne, Mots et émotions 5 e, ouvr. cit., p. 230.
88 Damas Xavier, Terres littéraires, ouvr. cit., p. 61.
89 Himy Olivier (dir.), Les couleurs du Français, 5e, ouvr. cit., p. 221.
90 Kish Ester (de) & Cohen-Bacri Henri, Les textes et la vie, Quatrième, ouvr. cit., p. 161.
91 Himy Olivier, Les couleurs du français, 5 e, ouvr. cit., p. 225.
92 Marais Odile, Fils d’Ariane 5 e, ouvr. cit., p. 229.
93 Bigeard Jean-Marie, Français Première, livre unique, Paris, Magnard, 2007, p. 262.
94 Damas Xavier, Terres littéraires, Seconde, ouvr. cit., p. 53.
95 Sabbah Hélène, Littérature, Seconde, Des textes aux séquences, ouvr. cit., p. 265.
96 Vibert Anne, « Écriture d’invention et argumentation », Recherches & Travaux, n° 73, 2008, p. 35-87. Disponible en ligne : <https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ recherchestravaux/170> [consulté le 11 février 2020].
97 Houdart-Mérot Violaine, La culture littéraire au lycée depuis 1880, ouvr. cit., p. 209.
98 Horville Robert, Itinéraires littéraires, ouvr. cit., p. 177.
99 Carpentier Line, Blondeau Marie-Thérèse & Nourry-Namur Sylvie, Lettres et langue, Seconde, coll. « Soleils d’encre », ouvr. cit., p. 268-269.
100 Damas Xavier (dir.), Terres littéraires, Seconde, ouvr. cit., p. 39.
101 Houdart-Mérot Violaine, La culture littéraire au lycée depuis 1880, ouvr. cit., p. 212.
102 Randanne Florence, Empreintes littéraires, Première, Paris, Magnard, 2005, p. 57.
103 Sabbah Hélène, Des textes aux séquences, Seconde, ouvr. cit., p. 278.
104 Damas Xavier, Terres littéraires, Première, ouvr. cit., p. 43.
105 Rincé Dominique (dir.), Français Première, coll. « Textes et méthodes », ouvr. cit., p. 125.
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