Analyser les rôles du tuteur dans une formation hybride : distinguer les interactions verbales à distance et en présentiel
p. 147-166
Texte intégral
1. Introduction
1Si les études et publications sur le tutorat dans la formation à distance sont relativement nombreuses depuis le début des années 2000 (par exemple Daele et Docq, 2002 ; Denis, 2003 ; Choplin et Hotte, 2004 ; De Lièvre, 2005), celles sur le tutorat dans la formation hybride sont bien plus rares (des exceptions sont par exemple Macdonald, 2008 ; Guillet et Roupié, 2008 ; Nissen, 2009a). Et le tutorat – ou plus largement le rôle de l’enseignant – y est alors envisagé comme une entité, sans que l’on distingue les actions et rôles du tuteur dans chacune des deux modalités, distantielle et présentielle, de la formation hybride. Cette particularité inhérente à la formation hybride, à savoir l’articulation entre des séances présentielles et des moments d’apprentissage à distance, en fait un type de formation « innovant » (Charlier et al., 2006) : son fonctionnement diffère aussi bien des formations tout à distance que des formations présentielles. Afin de mieux comprendre les apports potentiels d’une formation hybride, il est utile de savoir comment les deux modalités présentielle et distantielle se complètent et quel type d’accompagnement est pratiqué dans chacune des deux. Et c’est par conséquent précisément la question de la manière dont le tuteur met à profit cette double modalité qui est au fondement de la présente étude exploratoire.
2Notre étude poursuit ainsi un double objectif :
- D’une part, il s’agira ici de cerner sur quels aspects le comportement du tuteur diffère ou au contraire est équivalent dans les deux modalités. Pour cela, nous utilisons deux types de données : nous allons vérifier les perceptions des étudiants et voir quelles différences de comportement on peut observer dans les interactions verbales d’un même tuteur à distance et en présentiel dans une formation hybride.
- Mais au-delà de l’analyse de cette seule situation de formation, notre étude cherche, d’autre part, à mettre à l’épreuve une méthodologie d’analyse des interactions verbales qui doit pouvoir tenir compte à la fois d’interactions asynchrones et synchrones, écrites et orales. Nous faisons ainsi implicitement le pari qu’il est possible de comparer les données de nature assez diverse, issues d’une même formation, dans l’objectif de cerner la manière dont le tuteur met à profit les deux modalités qui composent la formation hybride.
2. La formation hybride observée
3La formation hybride que nous allons étudier ici est intitulée « Studentenleben in Deutschland » (Vie étudiante en Allemagne) ; il s’agit d’une option en allemand langue pour spécialistes d’autres disciplines (Lansad) à l’université Stendhal à Grenoble. Elle prépare au niveau B1 du Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2001) ; elle dure un an et comporte 36 heures de travail par semestre pour l’étudiant. L’approche est centrée sur la réalisation de tâches dans une perspective co-actionnelle (former un petit groupe de travail, chercher un appartement, interroger le propriétaire de l’appartement retenu par téléphone, préparer la pendaison de crémaillère, etc.). Ces tâches sont réalisées en petits groupes de deux à trois étudiants afin d’augmenter la présence sociale et aussi pour inciter les participants à se concerter, à négocier, à s’aider et à se corriger mutuellement. Parallèlement, les étudiants travaillent individuellement à distance pour s’entraîner en compréhension orale et écrite, ainsi qu’en grammaire, ou encore pour travailler des compétences plus spécifiquement nécessaires à la réalisation de tâches en petit groupe. Un exemple en est le travail sur la compréhension du vocabulaire et des abréviations contenus dans les annonces avant de chercher un logement via Internet. La figure 1 montre la page d’accueil de l’espace en ligne de cette formation hybride.
4La formation se déroule majoritairement à distance : le temps estimé de travail à distance est de 70 % (26 heures par semestre) par rapport à celui en présentiel (5 séances de 2 heures, soit un total de 10 heures par semestre). La présence d’outils de gestion en ligne, sous forme d’un planning de travail, et des espaces de dépôt de documents, appelés collecticiels avec une fonction intégrée pour attacher des commentaires (voir figure 2), sont d’autres indices de la dominance de la modalité distantielle.
5Pour reprendre la grille d’analyse de formations hybrides de Charlier, Deschryver et Peraya (Charlier et al., 2006, p. 483), il s’agit d’un dispositif avec une approche pédagogique dominante aussi bien collaborative qu’individuelle. L’accompagnement humain est conçu par l’enseignant-tuteur (appelé désormais pour plus de brièveté simplement tuteur) comme étant essentiellement cognitif et organisationnel, et s’effectue aussi bien par lui-même que par les pairs1. Il a un style tutoral aussi bien proactif, plutôt « centré sur le processus » de la formation et de l’apprentissage, que réactif, « ciblé sur le produit de l’apprentissage » (Decamps et al., 2009, p. 3).
6Ainsi, à distance : de manière proactive, il annonce et rappelle régulièrement les choses à faire et indique sur la plateforme les moyens pour y arriver ; et de manière réactive, il répond aux questions des étudiants, il corrige les travaux des étudiants et donne des conseils suite aux travaux réalisés. En ce qui concerne ses objectifs, il vise, à distance, à mettre à disposition toutes les ressources et aides utiles, à individualiser la formation en laissant les étudiants libres de choisir telle ressource ou tel sujet en fonction de leurs intérêts et besoins, ou encore d’avoir recours ou non aux aides proposées. À distance, il s’agit également – comme nous l’avons indiqué plus haut – de faire pratiquer la compréhension orale et la grammaire, ainsi que l’expression et l’interaction écrites à travers l’utilisation du courriel et des collecticiels, ainsi que d’un blog.
7En présentiel, le tuteur a également un comportement proactif – il explique, pose des questions, anime – et réactif – il corrige et répond aux questions. Les objectifs principaux du présentiel sont de faire pratiquer l’interaction orale en langue étrangère, d’amener les étudiants à se connaître, et de donner les explications initiales sur le déroulement de la formation et sur le dispositif technique.
8Un projet d’interaction via un blog et par visioconférence entre les étudiants français de Grenoble apprenant l’allemand et des étudiants allemands de Hanovre apprenant le français a fait partie intégrante de la formation décrite. Le tuteur a monté ce projet avec un collègue en Allemagne, mais n’est ensuite volontairement pas intervenu sur le blog – en dehors de sa configuration initiale et du dépôt d’un document d’explication technique au départ –, c’est pourquoi le blog ne fera pas partie du corpus analysé ici. Pendant la visioconférence, le tuteur s’est adressé exclusivement aux étudiants en France, dans la salle du présentiel équipée d’ordinateurs ; pour cette raison, ces interventions seront analysées dans le cadre des interactions présentielles.
3. Questions de recherche et méthodologie
3.1. Questions de recherche
9Comme nous l’avons indiqué plus haut (voir 1. Introduction), nous visons à déceler, de façon plus fine qu’une analyse globale de la formation ne permettrait de le faire, comment les rôles du tuteur sont répartis dans une formation hybride. Autrement dit, nous cherchons à appréhender, dans la présente étude exploratoire, la manière dont le tutorat diffère – ou autrement dit se complète – dans les modalités présentielle et distantielle d’une formation hybride. La question que posait Jacquinot en 1993 sur la manière dont la distance dans une formation à distance pouvait être « apprivoisée » et ainsi être mise à profit, est donc posée ici aussi bien pour le distantiel que pour le présentiel dans le cadre de la formation hybride qu’ils composent.
10Au moyen d’un questionnaire, nous avons recueilli l’avis des étudiants sur la formation et son accompagnement, ainsi que sur la différence de comportement du tuteur dans les deux modalités. Afin de ne pas nous arrêter aux avis des étudiants pour comparer les rôles que joue le tuteur, nous allons confronter ces avis à une analyse de l’interaction verbale ayant eu lieu durant les six premières semaines du premier semestre 2008-2009.
11Il s’agit ainsi par la même occasion de mettre en place et à l’épreuve une méthode d’analyse des interactions verbales qui tienne aussi bien compte de l’écrit asynchrone que de l’oral (présentiel) synchrone. Car ce sont là les modalités d’interaction utilisées dans cette formation non construite pour les fins de la présente étude : il s’agit de deux types d’interaction qui composent ensemble les interactions d’une formation hybride. C’est le tuteur-concepteur de la formation qui a choisi ces modes d’interaction (ainsi que les outils utilisés) en vue du type d’échange et des activités qu’il souhaitait y mettre en place. Il ne s’agit pas de comparer deux formations dispensées l’une en distantiel et l’autre en présentiel (comme cela a été pratiqué durant la première phase d’existence des formations à distance synchrone et où l’on a observé essentiellement quel outil s’approchait le mieux du synchrone présentiel, vu implicitement comme idéal qu’il s’agirait d’atteindre [voir, par exemple, Rutter, 1984, 1987 ; Sellen, 1995]). Il s’agit au contraire d’étudier deux modes d’interaction complémentaires d’une même formation. S’il reste évidemment délicat de comparer deux types d’interaction aussi différents (et nous pointerons quelques ajustements nécessaires de la méthodologie en 5.2.), il nous semble que leur présence conjointe et volontaire au sein d’une formation hybride donne toute légitimité au genre d’étude que nous effectuons.
12Pour résumer, les questions auxquelles cherche à répondre la présente étude sont les suivantes :
- Comment le tuteur met-il à profit chacune des deux modalités de la formation hybride (voir 4.) ?
- La perception des étudiants correspond-elle aux résultats de l’analyse des interactions et comment les éventuelles différences peuvent-elles être expliquées (voir 4.) ?
- L’étude valide-t-elle la méthodologie d’analyse appliquée, ou bien les différences entre la perception des apprenants et les résultats de l’analyse des interactions permettent-elles de proposer des ajustements de cette analyse – et si oui lesquelles (voir 5.) ?
3.2. Recueil des données
3.2.1. Questionnaire
13À la fin du premier semestre 2008-2009, huit des treize étudiants ayant suivi la formation « Studentenleben in Deutschland » ont rempli un questionnaire. Ce sont deux rubriques du questionnaire qui vont nous intéresser ici : celle sur le tutorat/encadrement par l’enseignant, ainsi que celle sur la comparaison du présentiel et du distantiel. Dans la première, les étudiants expriment leur accord avec chaque item d’une série de propositions (« Dans cette formation, le tuteur-enseignant vous aide à rythmer votre travail », « … corrige la langue », « … permet d’individualiser le travail/la formation », etc.) au moyen d’une échelle de Likert allant de 0 (« pas du tout ») à 5 (« tout à fait »), mais pour l’ensemble de la formation et donc sans distinguer les deux modalités. Dans la deuxième, ils rencontrent à nouveau la même série de propositions, mais indiquent cette fois si le tuteur-enseignant adopte le comportement exprimé dans chaque proposition davantage pendant les séances présentielles, davantage à distance ou de manière équivalente dans les deux modalités. Des questions ouvertes sur l’appréciation de l’accompagnement complètent chacune des deux rubriques.
3.2.2. Données recueillis pour l’analyse de l’interaction verbale
14En ce qui concerne l’interaction verbale, c’est sur les messages du tuteur produits à distance et ses tours de parole en présentiel que se base notre étude. Pour la modalité distantielle, nous analysons la totalité des courriels que le tuteur a envoyés aux étudiants durant les six semaines sur lesquelles porte notre étude, ainsi que la totalité des commentaires et corrections du tuteur dans les espaces de dépôt de travail appelés sur cette plateforme « collecticiels »2. Ces commentaires sont directement déposés sur la plateforme en réaction à un travail d’étudiant (s) déposé, mais peuvent également être pourvus de documents attachés, par exemple des corrections ou commentaires faits avec Word à partir du fichier que l’étudiant avait déposé.
Modalité | Support | Nombre de messages | Durée | Nombre d’unités | Total |
Distantiel | courriel | 106 | 734 | 814 unités (125 messages) | |
messages dans collecticiel | 19 | 80 | |||
Présentiel | enregistrement vidéo transcrit | 6 h | 1486 | 1 486 unités | |
Questionnaire |
15Pour la modalité présentielle, nous avons filmé l’intégralité des séances et nous analysons la transcription de l’enregistrement des trois séances de face-à-face, d’une durée de deux heures chacune. Le tableau 1 montre l’ensemble des données analysées.
3.3. Analyse de l’interaction verbale
16Par extension du procédé de Verburgh et Mulder (2002), s’appliquant quant à lui aux forums de discussion, nous avons découpé les messages et tours de parole en unités, chaque unité étant délimitée :
- par le début ou la fin du message/du tour de parole ;
- ou bien par le début ou la fin d’une unité relevant d’une autre catégorie ;
- ou encore en présentiel, par le changement du destinataire de ce qui a été dit (par exemple lorsque le tuteur ne s’adresse plus à un groupe de personnes restreint mais à l’ensemble des étudiants).
17Vu que nous nous intéressons dans la présente étude aux rôles joués par le tuteur, nous avons analysé exclusivement ses interventions, et non celles des étudiants. Pour chacun des supports, nous avons décompté séparément les unités relevant de chacune des catégories retenues (voir tableau 2). Ces nombres ont ensuite été calculés en pourcentages d’unités relevant de chacune des catégories par rapport au total des messages/tours de parole produits par le tuteur sur ce support, puis, pour la modalité distantielle, également de manière conjointe pour le courriel et les collecticiels.
18Les publications sur la fonction tutorale dans la formation ouverte et à distance (par exemple, Daele et Docq, 2002 ; Bernatchez, 2003 ; De Lièvre, 2005 ; Dumont, 2007 ; Quintin, 2008 ; Nissen, 2009b) distinguent généralement cinq rôles du tuteur. Il s’agit de son rôle organisationnel, socio-affectif, pédagogique, évaluatif et de soutien technique. Il nous a semblé intéressant de recouper cette catégorisation des rôles du tuteur avec une autre, qui concerne cette fois les domaines d’application de l’autonomie pour un apprenant qui suit une formation ouverte et à distance (Albero, 2003), et de reformuler sur cette base une nouvelle catégorisation que nous exposons dans le tableau 2. Cette catégorisation permet en effet de distinguer de manière plus détaillée les rôles et actions nécessaires au cours d’une formation – sachant que là où l’apprenant a besoin d’être autonome, le tuteur peut se donner pour objectif de le soutenir. Ainsi, le rôle « organisationnel » habituellement décrit peut se subdiviser en organisationnel, informationnel et méthodologique ; le rôle « socio-affectif » en social et motivationnel ; le rôle « pédagogique » en cognitif et langagier, et métacognitif ; les rôles évaluatif et de soutien technique persistant par ailleurs. Ces différents rôles correspondent aux catégories de notre analyse des interactions verbales. La colonne de droite du tableau 2 en indique la nature dans le cadre du corpus analysé, ainsi que des exemples.
4. Résultats et discussion
4.1. Comment les étudiants perçoivent-ils les rôles du tuteur dans les deux modalités de la formation hybride ?
19Afin de mieux pouvoir mettre en lien l’avis exprimé par les étudiants au moyen du questionnaire et les interactions qui ont effectivement eu lieu, nous avons indiqué, dans le tableau 3, à quelle catégorie d’analyse correspond chacun des items du questionnaire. Les moyennes des scores (colonne 1 de ce tableau) montrent qu’aux yeux des étudiants, le tuteur joue un rôle important, voire très important dans cette formation : elles vont de 3,7 à 4,9 sur 5 pour l’ensemble des propositions. C’est dans les quatre dernières lignes du tableau que les scores sont les plus élevés, et où en même temps les étudiants ne font quasiment pas de distinction entre le comportement du tuteur dans les deux modalités. Il s’agit ici des aspects relationnels : le tuteur « est disponible », « est convivial et agréable », « est respectueux » et « s’implique personnellement », et cela aussi bien à distance qu’en présentiel. Cela montre que les étudiants perçoivent la relation avec le tuteur plutôt globalement pour l’ensemble de la formation, sans vraiment différencier entre les deux modalités (voir tableau 3). En revanche, lorsqu’il est question des rôles que joue le tuteur, chacun des étudiants estime qu’au moins certains des rôles diffèrent d’une modalité à l’autre (voir tableau 3). Ils perçoivent donc une différence de comportement et de suivi du tuteur à distance et en présentiel.
20L’appréciation des aspects relationnels est certainement à mettre en lien avec le rôle motivationnel que joue le tuteur. Car si ses attitudes sont jugées très positivement, et cela dans les deux modalités, elles participent également à motiver les étudiants. Ainsi, les étudiants estiment aussi unanimement que le tuteur « encourage et motive » autant à distance qu’en présentiel. En revanche, en ce qui concerne l’autre aspect motivationnel (il « écoute les étudiants et tient compte de leurs avis »), aucune tendance nette ne peut être décelée : les étudiants jugent pour moitié qu’il le fait plus en présentiel. Il en est de même pour la question s’il « facilite et encourage les échanges entre les étudiants » (catégorie sociale).
Rôle (catégorie) | « Macro-catégorie » | Descriptif / Exemples |
Organisationnel | Aide pour gérer et planifier l’apprentissage. Indication et rappel des consignes de travail, des échéances (ex. : « Wir haben jetzt nur noch ganz wenig Zeit, Sie müssen jetzt wirklich anfangen !3 »). | |
Informationnel | Organisationnel | Aide pour rechercher et trouver l’information pertinente. Indication où trouver une aide (ex. : « hier finden Sie Links zu Online-Wörterbüchern4 »). |
Méthodologique | Indication ou conseil comment (mieux) réaliser une tâche particulière (ex. : « wenn Sie das Audiodokument aufnehmen, sprechen Sie frei und lesen nicht, denn sonst kann man das nicht so gut verstehen5 »). | |
Social | Salutations (« hallo » ; « mit freundlichen Grüßen »6), incitation à communiquer avec les autres ou à travailler en groupe pour apprendre, gestion de la vie du groupe. | |
Motivationnel | Socio-affectif | Encouragements (« viel Spaß bei der Arbeit !7 », smileys, rires), humour, incitation à poser des questions et à réagir (« Schreiben Sie mir eine E-Mail, wenn Sie Fragen haben » ; « haben Sie noch Fragen ? » ; « ok ? »8), rassurement (« das ist nicht schlimm9 »), indication d’un choix (« das ist ganz, wie Sie das möchten10 »), information sur des événements en langue cible hors cours (pièce de théâtre, cinéma, calendrier de l’avent interactif en ligne, etc.). |
Cognitif et langagier | Stimulation de l’apprenant au niveau cognitif. Correction langagière (ex. : « es sind noch 2 Fehler in Ihrem Text : …11 ») et d’une activité de recherche d’informations sur une ville, demande d’explication de vocabulaire (« Wer kann “fr eigiebig” erklären ?12 »), incitation à poser des questions sur la langue, sur le contenu (« Haben Sie verstanden ?13 »). | |
Pédagogique | ||
Métacognitif | Aide dans la conscientisation des démarches. Explications sur le cours (vue d’ensemble sur les thèmes traités, le déroulement, ce qui se passe à distance / en présentiel), explication de règles, analyse de la production et de sa qualité par un étudiant (« Sie haben die E-Mail gut strukturiert. Sie können recht gut schreiben, aber was noch fehlt, ist das Verwenden von kleinen Wörtern wie “darauf antworten”, “immer mehr Studenten” » ; « Sie haben das Meiste richtig korrigiert »14). | |
Évaluatif | Évaluatif | Précision dès le départ des objectifs et des critères d’évaluation et du mode de notation, indication d’une appréciation qualitative ou d’une note (« gut + » ; « Weblog (Teilnahme / Qualität der Beiträge) : 13,8/20 »15) pour les productions cognitives et langagières, pour la participation. |
Soutien technique | Soutien technique | Aide à maîtriser et à utiliser les technologies pour que l’apprenant puisse participer à la formation. Indication du fonctionnement technique de la plateforme, des outils de communication et de dépôt de travail. Indication comment nommer un document, où le déposer. Réponse aux questions et problèmes techniques ponctuels des étudiants. Signalement de l’utilisation d’un mauvais format de fichier. |
Quels rôles est-ce que le tuteur-enseignant joue davantage pendant les séances présentielles, lesquels davantage à distance ? Il / elle… | |||||
catégorie | questions | 1 Scores sur 5 | 2 Plus en présentiel | Plus à distance | Équivalent |
Organisationnelle | … permet d’individualiser le travail / la formation | 3,7 | 0 | 5 | 2 |
Organisationnelle | … vous aide à rythmer votre travail | 3,8 | 1 | 4 | 2 |
Organisationnelle | … donne et rappelle les consignes | 4,8 | 1 | 3 | 4 |
Informationnelle | … aide dans la recherche de ressources et de documents | 3,9 | 1 | 2 | 5 |
Méthodologique | … aide à réfléchir sur votre manière d’apprendre | 3,9 | 2 | 1 | 3 |
Sociale | … facilite et encourage les échanges entre étudiants | 4,6 | 4 | 0 | 4 |
Motivationnelle | … encourage, motive | 4,6 | 0 | 0 | 8 |
Motivationnelle | … écoute les étudiants et tient compte de leur avis | 4,4 | 3 | 0 | 4 |
Cognitive et langagière | … corrige la langue | 3,8 | 1 | 3 | 3 |
Cognitive et langagière / métacognitif | … apporte des aides à l’apprentissage de la langue | 3,9 | 1 | 2 | 4 |
Métacognitive / méthodologique | … recadre, structure et critique votre manière de réaliser une tâche (ex. : un exposé, un résumé, un compte-rendu, un article de presse) | 3,8 | 2 | 2 | 4 |
Évaluative | … vous évalue | 4,5 | 0 | 1 | 7 |
Aide technique | … apporte de l’aide technique | 4,4 | 2 | 1 | 5 |
… est disponible | 4,8 | 1 | 1 | 5 | |
… est convivial et agréable | 4,8 | 2 | 0 | 6 | |
… est respectueux | 4,9 | 0 | 0 | 8 | |
… s’implique personnellement | 4,9 | 2 | 0 | 6 |
21Pour les aspects d’ordre organisationnel (le tuteur « permet d’individualiser le travail/la formation », il « vous aide à rythmer votre travail »), les étudiants ressentent la présence du tuteur davantage à distance. Sauf pour les consignes (il « donne et rappelle les consignes »), pour lesquelles la moitié des étudiants estime que le tuteur est présent de la même manière dans les deux modalités.
22En ce qui concerne la correction langagière fournie par le tuteur, les étudiants indiquent majoritairement qu’elle est plus importante à distance qu’en présentiel (N = 3), soit qu’elle se fait de manière équivalente dans les deux modalités (N = 3). Pour l’autre question portant sur l’aspect cognitif et langagier (l’apport d’« aides à l’apprentissage de la langue »), les personnes interrogées estiment également que le tuteur se comporte de manière équivalente en présentiel et à distance.
23Si donc quelques tendances claires se dessinent à travers les réponses des étudiants au questionnaire pour les aspects motivationnel, social, organisationnel, et un des aspects cognitifs et langagiers, il est difficile d’établir une distinction nette pour les autres aspects. Soit les étudiants ne voient majoritairement pas de différence dans la manière dont le tuteur accomplit ses rôles en présentiel et à distance – cela vaut pour les aspects d’ordre informationnel, métacognitif, évaluatif et d’aide technique –, soit les avis des étudiants sont trop hétérogènes pour qu’une majorité d’avis en faveur de l’une ou de l’autre des deux modalités se dessine – c’est le cas des rôles méthodologique et métacognitif.
Pourcentage des unités tuteur par courriel et dans le collecticiel | ||
courriel semaine 1-6 | collecticiel semaine 1-6 | |
organisationnel | 19,6 + | 12,9 |
informationnel | 1,5 | 0,9 |
méthodologique | 3 | 0 |
social | 28,7 + | 3,8 |
motivationnel | 16,3 | 15,9 |
cognitif & langagier | 15,4 | 32,8 + |
méta-cognitif | 8,9 | 15,7 + |
évaluatif | 0,1 | 18 + |
technique | 6,5 + | 0 |
autre | 0,1 | 0 |
24C’est généralement pour les rôles que le tuteur joue globalement le moins et pour lesquels ses interventions verbales sont donc moins fréquentes que les avis sur les modalités dans lesquelles le tuteur joue plus tel ou tel rôle sont les plus disparates (même si les scores d’appréciation sont ici toujours compris entre 3,7 et 3,9 sur 5). Cette disparité peut évidemment dépendre aussi du vécu individuel de la formation par chacun des étudiants. Néanmoins, même cette disparité témoigne du fait que les étudiants perçoivent certaines différences de comportement du tuteur à distance et en présentiel dans une même formation hybride.
4.2. Usages du courriel et du collecticiel par le tuteur
25En ce qui concerne l’analyse des interactions verbales, les résultats permettent de faire un premier constat concernant l’usage des outils de communication à distance. En effet, comme on pouvait s’y attendre et comme le montre le tableau 4, le tuteur se sert du courriel et du collecticiel à des fins et pour des raisons relativement différentes. Le signe « + » dans le tableau 4 indique que l’aspect en question est plus fortement présent pour cet outil de communication que pour l’autre.
26Dans le courriel, l’interaction sociale a une place très importante. Mais la majorité des unités relevant de cette catégorie sociale sont en réalité l’expression des salutations (« bonjour à tous », « bien cordialement », etc.) habituelles pour cet outil de communication. On peut voir par ailleurs que l’aspect organisationnel est plus présent dans les courriels que dans les collecticiels, ce qui est lié au fait que les courriels arrivent directement dans la messagerie des étudiants où ils sont susceptibles de les lire rapidement ; les courriels peuvent ainsi participer à structurer la formation et à rappeler les consignes et les échéances. Pour les mêmes raisons, le courriel sert également à répondre aux questions d’ordre technique posées par les étudiants, ce qui n’est pas le cas du collecticiel.
27Quant aux collecticiels, ils servent essentiellement aux corrections cognitives et langagières. Le tuteur y corrige la langue et les contenus, ce qui est lié à une fonctionnalité inhérente du collecticiel : une intervention du tuteur s’y fait toujours suite au dépôt d’un travail réalisé par un ou plusieurs étudiants. L’aspect métacognitif est également assez présent, car à distance c’est essentiellement ici que le tuteur analyse et commente les productions des étudiants et qu’il explique les règles langagières. Les collecticiels servent aussi beaucoup à l’évaluation, ce qui n’est pas le cas du courriel dans la présente étude ; la ligne « appréciation » prévue dans la fenêtre des commentaires du collecticiel (voir figure 2) contribue très certainement à cette forte occurrence évaluative, car elle amène le tuteur à écrire, à défaut de notes utilisées à cet endroit, des appréciations telles que « assez bien » ou « super :))) ».
28Cette comparaison nous a permis de mettre en évidence la différence d’usage de ces deux outils, qui se complètent ainsi bien dans l’accompagnement tutoral. Or, dans la suite de notre étude, nous allons regrouper les unités relevant de chacun de ces deux supports, afin de pouvoir comparer l’ensemble des unités produites en situation distantielle à l’ensemble des unités relevant du présentiel. Les unités du collecticiel étant moins nombreuses (80, par rapport à 734 pour le courriel), elles vont alors avoir un poids assez réduit dans l’analyse.
4.3. Comportement du tuteur en distantiel et en présentiel
29La tableau 5 fait apparaître des différences dans les rôles que joue le tuteur dans les deux modalités (à distance et en présentiel) de la formation hybride. Nous allons commenter les différentes catégories dans l’ordre de notre tableau (du haut vers le bas).
Pourcentage des unités tuteur à distance et en présentiel | ||
distantiel semaine 1-6 | présentiel semaine 1-6 | |
organisationnel | 19 | 22,6 |
informationnel | 1,5 | 1,7 |
méthodologique | 2,7 | 4,2 |
social | 26,1 + | 4,7 |
motivationnel | 16,4 | 22,1 + |
cognitif & langagier | 17,0 | 23,7 + |
méta-cognitif | 9,5 | 7,7 |
évaluatif | 2,0 | 1,0 |
technique | 5,7 | 12,2 + |
autre | 0,1 | 0,1 |
30La proportion des unités organisationnelles produites par le tuteur est à peu près équivalente dans les deux modalités (22,6 % en présentiel et 19 % à distance) : en présentiel, le tuteur donne le rythme et les activités à faire. À distance, le tuteur rappelle les activités à venir et les échéances, qui ont auparavant été annoncées dans le planning de travail et par les consignes et explications très précises figurant sur la plateforme. Ce sont probablement ces deux aspects – c’est-à-dire la présence des consignes et des explications sur la plateforme – qui ont amené les étudiants à dire que le tuteur « donne et rappelle les consignes » plus en distantiel qu’en présentiel. Or, ce qui est ainsi affiché sur la plateforme, mais n’est pas exprimé au moyen des outils de communication, n’apparaît pas dans le cadre des interactions verbales que nous analysons ici.
31Les étudiants avaient également considéré que le tuteur les aide davantage à distance qu’en présentiel à « rythmer le travail » et permet « d’individualiser le travail/la formation ». La proportion des unités organisationnelles ne confirme pas cette vision des étudiants. Par contre, elle se confirme par l’un des objectifs du tuteur pour le mode distantiel – c’est-à-dire une certaine individualisation de la formation –, ainsi que par le nombre de courriels et de messages dans les collecticiels qui s’adressent individuellement aux étudiants et qui est beaucoup plus élevé que celui adressé à un petit groupe ou à l’ensemble des étudiants. Le pourcentage des unités produites à destination d’un seul étudiant est également bien supérieur à distance qu’au au sein des tours de parole du présentiel.
Modalité | T s’adresse à un individu | T s’adresse à plusieurs personnes | T s’adresse à l’ensemble des étudiants |
Distantiel | 80 % (651 unités/104 messages) | 9,6 % (78 unités/11 messages) | 10,4 % (85 unités/10 messages) |
Présentiel | 41 % (613 unités) | 14 % (201 unités) | 45 % (668 unités) |
32Les aspects informationnel et méthodologique sont très peu abordés par le tuteur dans les interactions, comme le montre le tableau 5. Des aides informationnelles et méthodologiques se trouvent cependant en grand nombre sur la plateforme, sous forme de fiches explicatives, de vocabulaire et exercices pour la méthodologie de la compréhension orale et écrite, pour la recherche d’informations sur Internet, pour savoir téléphoner à quelqu’un, pour rédiger un courriel, etc., ce dont notre mode d’analyse ne permet pas de rendre compte.
33En ce qui concerne le rôle social, on voit que la proportion d’unités de ce type est nettement plus élevée à distance qu’en présentiel. Nous avons déjà noté que la présence des salutations dans les courriels contribue grandement à ce phénomène. En présentiel, les unités sociales correspondent surtout à l’incitation des étudiants à communiquer entre eux et à travailler en petit groupe. Cela se fait cependant souvent avec peu de mots, en initiant tout simplement du travail en petits groupes par exemple. Mais c’est bien à cela que se sont sans doute référés les étudiants qui ont majoritairement indiqué que c’est surtout en présentiel que le tuteur « facilite et encourage l’échange entre étudiants », car si ce mode de travail collectif en groupe restreint est bien préconisé également à distance à côté du travail individuel, il est en présentiel pratiqué de manière quasi exclusive, lorsque le tuteur ne donne pas des explications au grand groupe. Un autre facteur à prendre en compte est donc la modalité de travail comprise dans le scénario de communication. Le scénario de communication, ou scénario communicatif (voir Tricot, 2004 ; Mangenot, 2005a ; Nissen, 2006) correspond à l’indication des possibilités d’interaction et de soutien qu’a l’étudiant à sa disposition.
34Le tableau 5 fait apparaître que l’aspect motivationnel est plus présent en présentiel qu’à distance. Le tuteur rit en effet fréquemment en présentiel (plus souvent qu’il n’utilise de smileys par écrit et à distance) et fait de l’humour, ce qui ne lui arrive presque jamais à distance. Il cherche beaucoup lors du présentiel à avoir un retour par les étudiants et s’assure qu’ils aient compris (en posant par exemple des questions telles que « ok ? » ou « avez-vous compris ? ») et leur demande s’ils ont des questions, etc. Nous supposons que c’est pour cette raison que trois des étudiants ont répondu à la question si le tuteur « les écoute et tient compte de leur avis » qu’il le faisait plus en présentiel qu’à distance.
35Les interventions d’ordre cognitif et langagier du tuteur sont dans le tableau 5 proportionnellement plus fréquentes en présentiel qu’à distance. Un élément explicatif pour ce phénomène est le faible poids des collecticiels (où se fait la plupart des corrections) dans l’analyse, ainsi que le fait qu’à distance et par écrit, la correction d’un texte entier compte avec le mode d’analyse utilisé ici comme une seule unité. Autant donc qu’à l’oral l’indication d’une seule aide de vocabulaire dans un tour de parole. Les étudiants ont cependant presque pour moitié indiqué dans le questionnaire que selon eux, le tuteur corrigeait plus la langue à distance qu’en présentiel.
36Pour le rôle métacognitif du tuteur, en revanche, les étudiants ne voyaient majoritairement pas de différence entre les deux modalités. Et c’est exactement ce que suggère aussi le résultat de notre analyse d’interaction verbale (voir tableau 5).
37Le rôle évaluatif n’est quasiment pas visible dans les interactions verbales. Les indications sur la notation présentes sur la plateforme confirment cependant l’impression des étudiants d’être évalués de manière équivalente en présentiel et à distance.
38En ce qui concerne le soutien technique qu’apporte le tuteur, il semble d’après les résultats de notre analyse être plus important en présentiel qu’à distance. Cela est probablement lié au contenu des séances présentielles observées. Pendant la première séance, le tuteur a surtout donné des explications sur le fonctionnement de la formation et de la plateforme, puis a fait faire des jeux destinés à faire connaissance. Lors de la deuxième séance, il a donné des explications sur le projet avec Hanovre et l’utilisation du blog et a demandé aux étudiants d’enregistrer un document audio pour le blog. La troisième séance était d’abord consacrée à la visioconférence (pour laquelle il a fallu fournir beaucoup d’aides techniques au départ), avant de passer à des activités de pratique orale en présentiel. Il faudra donc encore analyser la suite du semestre, c’est-à-dire la quatrième et la cinquième séance de présentiel, qui se situent en dehors de la période étudiée ici, pour savoir si le fait que le tuteur joue un rôle de soutien technique davantage en présentiel qu’à distance se confirme ou bien si cela évolue au cours de la formation.
5. Conclusions
5.1. Remarques sur le style du tuteur
39Résumons d’abord les deux plus grandes différences dont le tuteur met à profit les deux modalités de la formation hybride :
- Il se sert du distantiel pour individualiser la formation : si certains éléments de personnalisation de la formation sont présents sur la plateforme (à savoir le choix de certaines thématiques, le choix des documents parmi ceux proposés pour le travail individuel, les indications d’exercices structuraux), l’interaction verbale à distance a également cette fonction. Le tuteur y pratique un accompagnement essentiellement individuel, alors qu’en présentiel, ses interventions sont destinées aussi souvent au groupe entier qu’aux individus.
- En revanche, en présentiel, le tuteur profite de la co-présence de tous les acteurs en même temps et dans le même lieu pour chercher un retour de la part des étudiants et pour les inciter à poser des questions – car c’est souvent ici que les étudiants ont le moins d’inhibitions ou de difficultés à poser des questions : ils n’ont pas besoin de les formuler par écrit et la réponse est immédiate. C’est à cause de ce phénomène que le rôle motivationnel du tuteur est plus prononcé en présentiel qu’à distance.
40Après avoir cherché avant tout, dans ce texte, à mettre en lumière les différences entre le mode tutoral dans les deux modalités de la formation hybride, quelques remarques sur le style tutoral dans son ensemble s’imposent. Ainsi, conformément à sa propre conception (voir 2.), le tuteur pratique effectivement un accompagnement dans lequel les aspects organisationnel ainsi que cognitif et langagier, occupent une place importante. Mais l’aspect motivationnel, que le tuteur n’avait pas mis en avant parmi les objectifs visés, fait également partie des principes essentiels de son accompagnement ; et cela dans les deux modalités (même si proportionnellement, cet aspect est encore plus marqué en présentiel qu’à distance). Cela montre que même un tuteur qui pratique le tutorat dans des formations ouvertes et à distance depuis une dizaine d’années et qui a une démarche réflexive par rapport à sa pratique n’est pas toujours pleinement conscient de sa manière d’agir.
41Le soutien technique occupe également une place non négligeable, mais garde toutefois des proportions raisonnables (5,7 % des unités à distance et 12,2 % des unités en présentiel). Et cela malgré le nombre important d’outils différents introduits, dont il a fallu expliquer le fonctionnement et pour lesquels des aides d’utilisation ont été fournies au cours de la formation : la plateforme de formation avec son mode de fonctionnement et de navigation, les outils de communication qui y sont intégrés et l’espace de dépôt de documents, le blog extérieur à la plateforme, le logiciel Skype utilisé ou la visioconférence ainsi que l’utilisation du logiciel Audacity pour l’enregistrement audio.
5.2. Retour sur la méthodologie d’analyse des interactions
42En ce qui concerne la méthodologie d’analyse que nous avons mise à l’épreuve, notre étude a montré qu’elle permet de comparer des interactions synchrones et asynchrones, orales et écrites – jusqu’à un certain point. En effet, nous avons constaté certaines limites d’une telle analyse des interactions verbales. Ce qui est affiché sur la plateforme – la présence de consignes ou d’aides informationnelles et méthodologiques – n’apparaît pas dans notre analyse, alors que les réponses des étudiants au questionnaire montrent la forte influence qu’ont ces éléments sur leur vision de la formation. Par ailleurs, l’incitation à travailler ensemble n’apparaît pas vraiment dans l’analyse, alors qu’au moins la moitié de la formation, aussi bien en présentiel qu’en distantiel, se fait en petits groupes.
43Il apparaît ainsi utile de compléter l’analyse des interactions verbales par l’analyse d’autres éléments : les contenus de la plateforme, ainsi que le scénario communicatif, c’est-à-dire l’indication donnée par le tuteur d’interagir avec lui ou avec d’autres étudiants dans la réalisation d’une tâche, par exemple. De même, il pourra être utile, dans d’autres contextes, d’inclure dans l’analyse les documents distribués lors des séances présentielles (mais dans notre cas, ces documents étaient les documents les plus importants présents également sur la plateforme, distribués dans le souci de les rendre immédiatement accessibles aux étudiants et pour leur éviter de devoir les imprimer par leurs propres moyens).
44Par ailleurs, nous avons constaté que les caractéristiques techniques ou d’usage des outils de communication influencent en partie la nature des messages : la présence de la ligne « appréciation » dans le collecticiel incite le tuteur à formuler une évaluation (même s’il pourrait décider de ne pas renseigner ce champ), tandis que l’usage du courriel veut qu’on commence et qu’on termine un message généralement par une salutation, ce qui entraîne un fort pourcentage de la catégorie sociale pour cet outil. Le choix d’utiliser ces outils, plutôt que le forum, le chat ou le blog, par exemple, émane cependant du tuteur de la formation observée, parce qu’ils lui conviennent, ainsi qu’au mode de tutorat qu’il souhaite pratiquer. C’est lui également qui a décidé d’utiliser davantage le courriel que le collecticiel (ce qui fait que les unités d’interaction provenant des collecticiels sont moins nombreuses que celles des courriels et qu’elles ont donc un poids moindre dans l’analyse des interactions). En revanche, ce qui n’incombe pas au tuteur mais au mode d’analyse pratiqué, est le fait que dans le décomptage des unités interactionnelles, la correction d’un texte entier peut compter comme une seule unité de correction (cognitive et langagière). Il serait possible par exemple de comptabiliser comme unités le nombre de points qui ont fait l’objet d’un retour par le tuteur dans le collecticiel au lieu de compter une seule unité pour la correction d’un texte.
5.3. Poursuite de l’étude
45Nous allons continuer l’analyse sur la fin du semestre concerné, en découpant les interactions en plusieurs périodes (de deux semaines chacune), afin de voir l’évolution du comportement du tuteur entre le début et la suite, voire la « fin » de la formation (en effet, une grande partie du public ainsi que la thématique de cette formation changent au second semestre, si bien que le premier semestre peut être considéré comme une entité). Nous allons alors isoler les salutations des courriels par rapport aux autres unités de type social, afin de voir dans quelle mesure cela modifie les résultats. En outre, la prise en compte de l’influence des interventions des apprenants sur le comportement du tuteur apportera un éclairage supplémentaire à l’analyse (par exemple, quel type de questions les étudiants posent-ils davantage à distance/en présentiel, et les interventions du tuteur relevant des différentes catégories sont-elles provoquées prioritairement par ces questionnements ou non ?)
46Comme dans l’étude d’une seule formation il est difficile de savoir si certains comportements relèvent des caractéristiques individuelles du tuteur (il est ici probable, par exemple, que cela soit le cas de l’humour pratiqué en présentiel mais non à distance) ou de la spécificité du distantiel ou du présentiel, il sera également utile de vérifier les résultats de cette étude en les confrontant à l’analyse d’un autre tuteur dans la même formation, voire d’autres tuteurs dans d’autres formations hybrides.
Notes de bas de page
1 Dans la présente étude exploratoire, le tuteur a encore deux autres fonctions : il (elle) est également concepteur du dispositif et auteur de ce texte. Il ne s’agit pas d’un tuteur novice : il a tutoré dans le cadre de diverses formations en langues et en ingénierie de formation multimédia au cours des dix dernières années.
2 En raison de la présence du blog et pour ne pas multiplier les outils et lieux d’échange à outrance, le tuteur n’a utilisé le forum que de façon très exceptionnelle pendant la période analysée, ce pourquoi nous limitons notre étude du distantiel aux courriels et aux collecticiels.
3 « Il ne nous reste que très peu de temps, vous devez vraiment commencer ! »
4 « ici vous trouvez des liens vers des dictionnaires en ligne ».
5 « lorsque vous enregistrez le document audio, parlez librement et sans lire, car autrement on vous comprendra moins bien ».
6 « salut » ; « bien cordialement ».
7 « Bon et agréable travail ! »
8 « Écrivez-moi un courriel si vous avez des questions » ; « avez-vous encore des questions ? » ; « ok ? ».
9 « ce n’est pas grave ».
10 « c’est vraiment comme vous voulez ».
11 « il reste encore deux fautes dans votre texte : … ».
12 « Qui peut expliquer “généreux” ? »
13 « Avez-vous compris ? »
14 « Vous avez bien structuré votre courriel. Vous savez assez bien écrire, mais ce qui manque encore, c’est l’utilisation de petits mots comme « y répondre », « toujours plus d’étudiants » ; « Vous avez bien corrigé la plupart des choses ».
15 « bien+ », « blog (participation / qualité des commentaires) : 13,8/20 ».
Auteur
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