De Saïda à Djerablus : Barrès et l’archéologie
p. 63-81
Texte intégral
1Le 7 juin 1914, Maurice Barrès quitte Beyrouth accompagné de l’archéologue Georges Contenau qui à la fin du mois de mai a mis fin à sa première campagne de fouille à Saïda, emplacement de l’antique cité phénicienne de Sidon.
2En prenant le train pour Alep l’objectif des voyageurs est double. Barrès veut rejoindre Konia pour visiter le tombeau de Djâlal od Dîn Roumi et rencontrer les derviches tourneurs. Pour Contenau, c’est l’occasion de visiter les vestiges de l’ancienne Karkemish récemment découverts sur la ligne du chemin de fer de Bagdad en cours de construction. Arrivés à Djerablus où les ingénieurs allemands s’emploient à jeter le pont qui permettra au Bagdadbahn de franchir l’Euphrate, les deux hommes visitent les fouilles voisines explorées par les archéologues anglais. Contenau, passionné par la civilisation des Hittites encore méconnue, parcourt avec enthousiasme — sous les yeux de Barrès amusé et sceptique — l’antique cité néo-hittite. Plus à l’est au niveau de Ras el-Aïn sur le Khabur, toujours sur le tracé du Bagad, une autre mission ressuscitait à Tell Halaf les vestiges de la cité araméenne de Guzana ; celle-ci est allemande1.
3Même si Contenau ne rencontre pas la mission anglaise et s’il ne peut visiter les fouilles de Tell Halaf — site par trop lointain — sa présence sur le chemin de fer de Bagdad en ce début de juin 1914 a quelque-chose d’emblématique : elle concrétise le retour de l’archéologie française, absente depuis presque vingt ans, au côté de l’archéologie étrangère dans l’Empire ottoman. Reste à savoir si Maurice Barrès, qui voyage en Orient à ce moment critique pour les recherches françaises et qui effectue une partie de son périple avec un orientaliste, s’est intéressé à l’archéologie et soucié de son avenir ?
Le contexte du retour de la France à Sidon : 1890-1914
4L’archéologie peut apparaître comme une question mineure, la France possédant dans l’Empire ottoman de nombreux intérêts : économiques, financiers et culturels. Néanmoins à partir du dernier quart du xixe siècle, elle est confrontée à une âpre concurrence exacerbée par la présence récente mais très active de l’Allemagne, spécialement dans le domaine culturel. Après la concession du chemin de fer de Bagdad, cette dernière n’a-t-elle pas affirmé sa volonté d’associer à la construction d’une gare celle d’une école2 ! C’est dans ce contexte qu’elle installe plusieurs missions archéologiques : de l’Asie Mineure à la Palestine, de l’Anatolie à la Mésopotamie en passant par le Nord de la Syrie. Le nombre et l’ampleur de ses travaux provoquent l’inquiétude de la France qui est d’autant plus justifiée que dans le dernier quart du xixe siècle jusqu’à la guerre ses recherches sont presque inexistantes. En 1912 Maurice Pernot, chargé par le Comité des Intérêts français en Orient d’une mission d’étude sur les œuvres françaises, après avoir visité Djerablus et mesuré l’ampleur des travaux à Babylone et Assur, déplorait l’absence des Français aux côtés des Anglais et des Allemands dans le Haut Euphrate et en Mésopotamie3. Or, deux ans plus tard, Maurice Barrès, qui connait le rapport de Pernot et qui grâce à Contenau est probablement sensibilisé aux questions archéologiques, gagne à son tour l’Euphrate4.
5C’est en 1887 que remontent les premières alarmes, au moment où dans le sud mésopotamien la fouille française de Tello est menacée par des archéologues allemands qui débutent des fouilles à Zerghul, un site voisin considéré par les Français comme appartenant à leur zone de recherche5. Dans ce contexte le Comte de Montebello, ambassadeur de France à Constantinople, fait pression sur José-Maria Radowitz, son collègue d’Allemagne, pour que la mission allemande se retire.
6Malgré cette énergique réaction, lorsque Paul Cambon succède à Montebello en octobre 1891 et se penche sur la question, il constate que l’archéologie française dans l’Empire ottoman est inexistante alors que, depuis 1870 avec les fouilles de Heinrich Schliemann à Troie puis celles de Carl Humman à Pergame, les Allemands accumulent les chantiers en Asie Mineure et se dirigent vers l’Euphrate avec la fouille de Sindjirli. Seule, la Mésopotamie leur échappe encore. Dans ce contexte Cambon, qui considère la lutte contre l’influence allemande comme une priorité, n’entend pas négliger l’archéologie et va s’efforcer de mettre sur pied une véritable « politique archéologique » qui fut malgré ses efforts sans lendemain6. Après le départ de Cambon pour Londres, la question est enterrée.
7Toutefois en 1912, diverses dépêches envoyées par les postes consulaires concernant le baron Oppenheim et ses fouilles alertent l’ambassade7. C’est ainsi que Gustave Mendel, un Athénien attaché officiellement au Musée impérial ottoman, est pressenti pour fournir de plus amples informations sur la situation archéologique de la France8.
8Le rapport sur vingt ans rédigé par Mendel, qui met en parallèle pour chaque région de l’Empire l’activité de la France et celle de ses concurrents, concrétise toutes les craintes. La situation serait tout à fait catastrophique si dans le Levant n’existaient pas deux centres de rayonnement de la science française : en Palestine, l’École biblique des Dominicains de Saint-Étienne de Jérusalem et au Liban, l’Université des Jésuites de Saint-Joseph de Beyrouth. Sur la côte d’Asie Mineure, en Anatolie et au Levant, en Mésopotamie et dans le Nord de la Syrie c’est, au mieux, une forte progression de l’archéologie allemande et, au pire, un quasi-monopole comme en Mésopotamie. Si l’Allemagne s’est installée tardivement dans cette région, retenue par ses chantiers d’Asie Mineure auxquels s’ajoutent Sindjirli, Baalbek et plusieurs sites de Palestine, au tournant du siècle elle débute, sous la direction de Koldewey, la grande fouille de Babylone qui, grâce à une équipe nombreuse et entraînée, essaime vers le Nord, à Kalat-Shergat (anc. Assur) et vers le sud à Warka (anc. Uruk)9. S’ajoutent enfin à ces travaux ceux de Friedrich Sarre et d’Ernst Herzfel à Samarra.
9Le rapport de Mendel rejoint le constat fait par Pernot lors de son passage en Mésopotamie en avril-juin 1912. À cette date, faute d’archéologue les fouilles de Tello sont en jachère. Quant à la mission de Kish inaugurée en 1912, elle est financièrement si mal dotée et les fouilles sont si mal engagées que son avenir est incertain. En conclusion de son chapitre sur les « Missions archéologiques en Mésopotamie », Pernot constate : « À côté de cet immense chantier allemand, le petit champ de fouilles exploité, d’ailleurs avec succès, par notre compatriote M. de Genouillac, fait une assez médiocre figure10. »
10Certes la France n’est pas seule absente de Mésopotamie. Depuis le début du siècle, l’Amérique s’est retirée et l’Angleterre, très active dans les dernières années du xixe siècle, a disparu de ses chantiers de Babylonie et d’Assyrie. Toutefois à la veille de la guerre, Allemands et Anglais se retrouvent en Haute-Syrie le long du Bagdadbahn.
11Envoyé le 2 octobre 1912, le rapport de Mendel provoque la réaction immédiate de Gabriel Guist’hau, ministre de l’Instruction publique11. L’importance du repli scientifique ne lui a pas échappé mais pour obtenir une aide financière, ce sont des arguments politiques qu’il avance auprès de Raymond Poincaré, président du conseil et ministre des Affaires étrangères, soulignant le fait que :
[…] dans une partie de la Turquie d’Asie où les luttes d’influences prennent le masque de la science et où les initiatives allemandes comme celle du baron Oppenheim préparent, sous le couvert d’explorations archéologiques, la voie à une action politique12.
Reste à choisir les sites et organiser les recherches. À Paris, la Commission consultative des fouilles archéologiques en Asie Mineure est créée et s’occupe du programme. À Constantinople, Mendel négocie les autorisations. Quant à l’École française d’Athènes qui avait délaissé l’Asie Mineure, elle reprend des recherches au sanctuaire d’Apollon Claros à Notion. Finalement, en 1913 sont programmées une mission d’étude à Konia et plusieurs fouilles : Aphrodisias, Phocée et Sidon.
Le retour de la France à Sidon : la mission de Georges Contenau
12Le choix de Sidon est emblématique. La France affirme ainsi sa volonté de renouer avec l’archéologie pionnière incarnée par Renan. De tous les sites explorés par l’orientaliste, c’est à Sidon que les recherches furent conduites le plus longtemps ; même après son départ, grâce au Dr Charles Gaillardot dont Barrès va rencontrer le fils13. Depuis, la France n’a jamais cessé de s’intéresser à ce site comme le montre, entre autres, sa participation à la publication des fouilles de Hamdy Bey14 ; une participation financière et scientifique avec la collaboration de Théodore Reinach. Dans ce climat de reconquête, le 5 août 1913, le ministre de l’Instruction publique charge le Dr Georges Contenau d’une « mission d’exploration archéologique à Saïda ».
13Ce retour à Sidon ne se fit pas sans difficulté. Dans un premier temps, la demande faite par Contenau, soutenue par Edmond Pottier, conservateur du département des Antiquités orientales et René Dussaud, conservateur adjoint, est rejetée par Halil bey, frère et successeur de Hamdi Bey :
Pour des raisons qu’il est pour le moment difficile de préciser, (soit que la susceptibilité d’Halil Bey ait été éveillée par le fait que les travaux de son frère Hamdi n’avaient pas été rappelés dans la demande, soit que le Musée désire conserver pour lui-même un terrain de fouilles que les découvertes de Hamdi ont rendu célèbre) la requête de M. Contenau n’a pas été accueillie favorablement. M. Contenau en a été officiellement avisé par Halil Bey. M. Mendel estime qu’il n’y aurait pas lieu de revenir sur ce refus. […]
Dans ces conditions, et s’il est exacte que Halil Bey ait, soit dans la lettre officielle qu’il a adressée au Docteur Contenau, soit dans une lettre personnelle qu’il écrivit à ce propos à M. Bayet, directeur de l’Enseignement supérieur, laissé entendre qu’il examinerait avec bienveillance une autre demande portant sur un autre emplacement, nous n’avons pas à rechercher les motifs qui ont inspiré la décision défavorable du directeur général des Musées impériaux. Il y aurait au contraire lieu de protester au cas où la demande serait présentée pour un autre champ de fouilles en Syrie soit par M. Contenau, soit par un autre de nos compatriotes, se heurterait à un nouveau refus, contre une exclusion qui contrasterait si vivement avec le traitement si libéral dont bénéficient de nombreuses missions allemandes, anglaises, américaines ; nous ne saurions admettre en effet que seuls les archéologues français ne pussent travailler en Syrie15.
À ce moment de la négociation, il semble que Pottier ait demandé à Dussaud d’intervenir en faveur de Contenau pour des fouilles à Byblos mais, à la fin juillet, Mendel informe confidentiellement l’ambassade qu’Halil Bey a changé d’avis à condition que les travaux soient exécutés avec la collaboration et au nom du Musée impérial, représenté par un de ses fonctionnaires. La participation française serait scientifique et financière et les travaux commenceraient au printemps 1914.
14Fin septembre 1913, Contenau se rend à Constantinople pour rencontrer Halil Bey, puis à Beyrouth où son matériel est réceptionné par Pierre Marteaux, directeur du chemin de fer de Damas-Hama et Prolongements, et remisé gratuitement dans ses entrepôts. Le 22 février 1914, Contenau est de retour à Beyrouth et avec l’assistance de Macridi Bey qui a jadis assisté Hamdi Bey, les travaux débutent le 6 mars. Le 20 mai ils sont clôturés, les crédits étant épuisés.
15Au début de l’été 1914, les responsables des cinq missions créées en 1913 clôturent tour à tour leurs travaux pour rentrer en France et préparer la saison prochaine. C’est donc normalement que Contenau a arrêté ses recherches et s’apprête à recevoir Barrès annoncé par le Louvre : probablement par Dussaud16.
Maurice Barrès et Georges Contenau
16De façon générale si de Beyrouth à Constantinople Barrès passe par de nombreux sites, avant sa rencontre avec Contenau, il dit peu de choses sur les recherches de la France pourtant inaugurées avec éclat en 1860 avec la Mission de Phénicie voulue par Napoléon III et accomplie par Ernest Renan. C’est fortuitement qu’apparaissent les noms de quelques pionniers de l’archéologie française : Félicien de Saulcy, Emmanuel Guillaume-Rey et Melchior de Vogüé. Enfin rares sont les sites auxquels Barrès accorde plus qu’une mention, jugeant toute description inutile : « Je n’essaierai pas une description que le lecteur a déjà entendue de trente-six poètes, sans jamais en retenir une vision nette17. » Aussi, selon les cas, il renvoie à Chateaubriand, Lamartine ou Nerval.
17Malgré sa connaissance de la Mission de Phénicie, parue entre 1864 et 1874, si Barrès donne le nom des principaux chantiers ouverts à partir d’octobre 1860 — Byblos, Saïda, Arwad, Umm el-Amed, Amrit… — ils ne sont que cités et sa visite au fils du docteur Gaillardot n’est pas l’occasion de rendre justice à la contribution scientifique du fidèle collaborateur de Renan notamment à Sidon18. Ce qui intéresse Barrès, c’est d’accomplir « [u]n pèlerinage renanien, une visite aux lieux que le magicien habita et célébra, et d’abord au tombeau de sa sœur Henriette, à Amschit19 ». Aux sites, il préfère souvent les monnaies comme le montre sa visite au chef de gare de Tripoli : « Dans sa petite maison, il étale tout autour de moi ses trésors. Ô bonheur ! ô délices ! j’ai connu pendant une heure chez ce chef de gare, les enivrements du numismate20. »
18À partir du 8 juin, du fait probable de la présence de Contenau, Barrès est plus informatif mais il ne dit rien sur les fouilles de Sidon si importantes pour la France. Malade, il n’a pu visiter le site mais il ne rapporte rien, ni sur les travaux de son compagnon qui a dû évoquer ses recherches, ni sur les circonstances qui ont préludé à la reprise de ces fouilles21. Il faut la passion de Contenau qui « n’en a qu’aux Hittites », pour que Barrès trahisse un intérêt pour les antiques cités de Qadesh — fouillée en 1894 par la France — et de Karkemish, en cours d’exploration par l’Angleterre. Quant à Contenau, si dans son rapport au ministère de l’Instruction publique, il évoque son excursion au Sud de Sidon, à Tyr et Umm el-Amed qu’il a effectuée seul après la fermeture de sa fouille, à propos de son « voyage d’étude dans le Nord, à Hama, Tripoli, Alep, Djérablisse et Antioche », il ne mentionne pas la présence de l’écrivain22.
19Lorsque Barrès rencontre le Dr Georges Contenau, celui-ci, bien qu’âgé de trente-sept ans, est encore nouveau dans la carrière d’orientaliste23. Issu d’une famille de médecins, il avait dû abandonner son projet d’intégrer l’École des chartes et c’est comme « auditeur » qu’il avait suivi les cours de Gaston Paris pendant qu’il obtenait, en 1902, son doctorat de médecine. De cette première passion pour les arts du Moyen-Âge était née une belle collection d’objets d’art au milieu de laquelle il vécut longtemps. Ce n’est qu’après le décès de son père en 1907, qu’il avait abandonné son cabinet de médecin et satisfait son goût pour les études orientales en suivant des cours à l’École des langues orientales vivantes où il apprit le persan, à l’École du Louvre et à l’École pratique des hautes études où il s’initiait à l’assyriologie — dirigé par le Père Scheil — et à l’archéologie orientale. Lors de sa rencontre avec Barrès, si Contenau est encore un archéologue débutant, c’est un voyageur aguerri qui a parcouru l’Amérique, l’Europe jusqu’aux confins de l’Empire russe et le bassin méditerranéen.
20Barrès dit peu de choses sur Contenau qui aurait peut-être inspiré dans Un jardin sur l’Oronte le personnage du « jeune savant, un Irlandais, chargé par le British Museum des fouilles de Djerablous sur l’Euphrate24 » ! Ce qui est certain, c’est que Barrès a apprécié cette compagnie. Ainsi il rapporte à propos de leur périple de Beyrouth à Konia :
[…] ces ennuis deviennent le plus charmant plaisir, si l’on peut les partager avec un compagnon bien choisi. Ainsi je me félicite d’avoir trouvé à Saïda, sur le lieu même des fouilles de M. Renan, qu’il continue, un savant assyriologue, le docteur Contenau, à qui mon itinéraire a convenu et qui m’a dit : « J’en suis25. »
De retour en France, ils restèrent en contact. Dans Une enquête aux Pays du Levant, certaines informations scientifiques et diverses remarques sur les missions britanniques et allemandes en témoignent.
21Du point de vue scientifique, Barrès doit naturellement à son compagnon ses informations sur les Hittites ; ainsi les sceaux de la collection de Gustave Schlumberger qui furent étudiés par Contenau dans La Glyptique syro-hittite26. De même, lorsqu’il évoque les « découvertes de Boghazkeui » en Anatolie centrale où, depuis 1906, la mission allemande dirigée par Hugo Winckler et Theodor Macridy Bey opèrent des fouilles de grande ampleur qui contribuèrent avec la découverte des archives royales, à identifier le site avec Hattusha, la capitale des rois hittites du IIe millénaire. Ainsi, bien que les Français aient initié les recherches sur ce site et que les Anglais se soient signalés par les travaux pionniers d’Archibald H. Sayce, dont Barrès connait le nom, avec les découvertes de Boghazköy, à la veille de la guerre, l’hittitologie devient une science allemande27.
22Surtout, Barrès fait référence à des travaux exécutés après la guerre ; certains connus quelques mois seulement avant la parution d’Une enquête aux pays du Levant. C’est le cas pour l’antique Qadesh que les voyageurs aperçoivent depuis la plateforme du train qui les transporte vers Alep. Lorsque Contenau appelle Barrès pour lui montrer le site : « un Tell, recouvert en partie par un village et par un cimetière, qui rompt la prodigieuse platitude de la plaine », de toute évidence c’est l’imposant Tell Nebi Mend qu’il décrit mais où aucune fouille n’a encore été pratiquée28. En juin 1914, Contenau ne peut décrire que les brefs travaux conduits en 1894 par Joseph-Étienne Gautier. Se fondant sur les bas-reliefs égyptiens qui montraient « Kadesh entouré d’eau », il avait exécuté des recherches à Tell Et-Tin, une « une petite île du lac d’Homs » où « les fouilles n’ont rien donné »29. Ainsi lorsque Barrès précise « qu’il y aurait des choses à faire », c’est évidemment l’opinion de Contenau qu’il exprime au sujet d’éventuels travaux à Tell Nebi Mend comme celui-ci le précise dans son rapport :
La valeur de ce site a déjà été signalée ; j’y insiste cependant ; sans qu’on puisse a priori prétendre rencontrer à Tell-Mindau l’équivalant de Djérablisse, la chose est cependant possible ; il est certain que l’exploration méthodique de cette capitale doit donner des résultats remarquables30.
23Au lendemain de la guerre, avec Sidon et Byblos, Qadesh fit partie des premiers sites fouillés par la France. Lorsque Barrès décrit les découvertes de Maurice Pézard, il fait référence aux travaux exécutés en 1921 et 1922 à Tell Nebi Mend31.
24Arrivés à Alep, Barrès et Contenau visitent à Djerablus les vestiges de la cité néo-hittite de Karkemish explorés pour le compte du British Museum. Depuis mars 1911, la mission était placée sous le magistère de David George Hogarth, conservateur à l’Ashmolean Museum. Sur le terrain, l’équipe dirigée par Reginald Campbell Thompson puis, à partir de 1912, par Charles Leonard Woolley, assistés depuis la première campagne par un jeune chercheur Thomas Edward Lawrence, fouillait chaque année. Après avoir accompli en janvier-février 1914 un voyage d’études archéologiques dans le Sinaï, au début du mois de juin, Woolley et Lawrence viennent de clore une courte mission de printemps32. C’est donc seuls que Contenau et Barrès — l’un étudiant, l’autre rêvant — arpentent le site et découvrent les vestiges de la ville néo-hittite avec ses nombreux panneaux en pierre ornés de bas-reliefs et d’inscriptions33. Cette visite souleva probablement des discussions car les Hittites révélés par les fouilles n’impressionnent pas Barrès qui fait preuve d’une certaine incompréhension après son passage à Qadesh :
— Je reconnais que ces recherches sont très amusantes, pleines d’ingéniosité, excitantes pour l’esprit, mais comment s’intéresser à fond aux Hittites ? Comment les relier à notre humanité. Je ne me vois pas plus de parenté avec eux, dans leurs luttes contre les Égyptiens, qu’avec deux armées de fourmis.
— Parce que nous manquons de lectures ! Mais nous avons déjà beaucoup de textes, que l’on commence à déchiffrer, grâce aux découvertes de Boghazkeui, et quand on saura vraiment les lire, ce sera inouï34.
25À la veille de la guerre un corpus considérable est, en effet, à la disposition des savants. Boghazköi a livré quelque 10 000 tablettes et fragments, écrits en akkadien et en cunéiforme hittite. Or, en 1914 Bedrich Hrozny qui séjourne à Istanbul parvient à lire plusieurs textes, démontrant que le hittite était une langue indo-européenne35.
26Si Barrès est déçu par sa visite de Karkemish : « Pour moi, je vous avouerai que je n’ai pas vu grand’chose, car les Anglais ont collé les bandes de papier sur leurs trouvailles, pour empêcher qu’on les admire et surtout qu’on les photographie36 », la communauté scientifique a, elle, très vite connaissance des découvertes puisque dès 1914 le corpus photographique des bas-reliefs et inscriptions mis au jour était livré au monde savant37. Quant à Contenau, il est à la fois impressionné par les vestiges et par l’ampleur des travaux : « Il est tout émerveillé des 250 000 francs que le British Museum vient de dépenser là en quatre années ; une grosse somme pour un budget d’archéologie, mais dont il juge que les résultats sont très beaux38. » En effet depuis 1911 la mission anglaise effectue deux campagnes par an, au printemps et en automne, et embauche jusqu’à deux-cents ouvriers. Avec un crédit de 16 000 francs, Contenau a travaillé soixante-trois jours avec une moyenne de quatre-vingt-neuf ouvriers. Toutefois le financement de la mission anglaise ne se fait pas sans difficulté car les Trustees du British Museum ne soutiennent que partiellement les travaux. Mais à l’instar des missions allemandes, Karkemish a le soutien d’un donateur anonyme ; une pratique inconnue en France, ce qui limite la fouille de grande ampleur comme le regrettait Mendel en 1905 :
Pour la tenter avec toutes les chances de succès, il y faudrait l’appui d’un Mécène généreux, et persévérant dans sa générosité, et le public français, témoigne, pour les entreprises de ce genre, d’une indifférence qui contraste singulièrement avec l’intérêt passionné qu’elles excitent de l’autre côté du Rhin39.
27Cet intérêt, David Hogarth venait de le susciter une fois encore. Tandis qu’il chargeait Woolley d’écrire dans le Times, lui-même faisait une présentation détaillée des travaux dans l’Illustred London News. Quand la mission quitte Karkemish au mois de juin, une nouvelle donation lui permettrait de travailler encore cinq ans40.
28Karkemish avait enthousiasmé Contenau, en revanche Antioche était, selon Barrès, moins prometteur :
Que donneraient des fouilles ? Contenau distingue mal sur quels points il les tenterait. Les repères font défaut, les débris du passé ayant été indéfiniment repris dans de nouvelles constructions, elles-mêmes démolies, puis relevées, vingt fois41.
Toutefois dans son rapport, Contenau n’est pas aussi catégorique :
J’ai constaté que toute la région limitée par Homs au Sud, Alep au Nord, Tripoli et Antioche à l’Ouest, l’Euphrate à l’Est, est parsemée de tells plus ou moins importants, sièges de petites places fortes aujourd’hui disparues. Si certains de ces tells semblent de peu d’intérêt, et peuvent être attribués aux Romains, les autres au contraire ont été occupés par les Hittites, si l’on en juge par les quelques trouvailles qui ont été faites. C’est ainsi que j’ai vu, à Antioche, un bas-relief et des statuettes ou fragments Hittites venant des tells, qui parsèment la plaine marécageuse voisine d’Antioche, qu’on appelle El-Amouq42.
29Les recherches effectuées dans cette plaine pendant la période de l’entre-deux-guerres confirmèrent ce jugement ; notamment les prospections de l’Oriental Institute of Chicago et à partir de 1936, les fouilles de Woolley à Tell Atchana (anc. Alalakh) sur l’Oronte à l’est d’Antioche.
L’archéologie en Syrie jusqu’en 1923
30La guerre mit naturellement un terme aux opérations de terrain. Seule la mission de Babylone resta en activité jusqu’en 1917, date à laquelle elle se repliait devant l’avancée anglaise en Mésopotamie. Alors que Contenau reprenait des fonctions à l’hôpital, l’équipe de Karkemish était enrôlée sur le front d’Orient :
Puis vint l’interruption de la guerre, lorsque les connaissances de l’Orient possédées par ces messieurs furent mises à la disposition des Services de renseignement des forces britanniques opérant en Égypte, Arabie, Palestine et Mésopotamie. Ils devenaient alors sur d’autres terrains que celui de l’archéologie les « Lieut.-Commander D. G. Hogarth, C.M.G., Lieut.-Colonel T. E. Lawrence, C.B., D.S.O., Major C. L. Woolley, and Captain R. C. Thompson43. »
31Quant à Oppenheim, dont les travaux à Tell Halaf avaient été arrêtés en 1913, ses vingt années de pérégrinations à travers l’Orient le désignaient pour diriger au ministère des Affaires étrangères la « cellule d’information de l’Orient44 ». De son côté, Barrès oubliait pour un temps son voyage au Levant. Néanmoins après la guerre, la poursuite de ses relations avec Contenau et ses contacts avec Dussaud contribuèrent probablement à le rendre plus attentif aux questions archéologiques.
32Si la guerre a prématurément arrêté le redressement archéologique entamé par la France, au lendemain du conflit les motivations qui l’avaient inspiré sont intactes. Aussi c’est avec hâte que la France s’implique dans la question archéologique d’autant que la situation créée sur le terrain par la victoire des troupes du général Allenby n’est pas sans conséquence45. La Syrie, que les savants français considèrent de par leurs explorations passées comme le terrain réservé à leurs recherches futures et dont le destin a été théoriquement scellé en mai 1916 par les accords Sykes-Picot, relève jusqu’en octobre 1919 du général Allenby, commandant en chef des troupes anglaises. Aussi malgré les efforts du consul général François Georges-Picot, Haut-Commissaire en Palestine-Syrie, jusqu’à l’arrivée du général Gouraud, nommé le 8 octobre 1919 Haut-Commissaire en Syrie-Cilicie, l’Angleterre semble vouloir mettre à profit dans le domaine archéologique la suprématie obtenue par ses armes. Les craintes sont alimentées par la présence dans les rangs de son armée d’archéologues de renom, Woolley notamment, principal conseiller en la matière auprès du général Allenby. La période allant de l’armistice de Moudros (30 octobre 1918) à la Conférence de San Remo (25 avril 1920) qui attribue à la France le mandat sur la Syrie, est donc une période d’effervescence et d’inquiétude pour les scientifiques sur l’avenir de l’archéologie dans les territoires qui devaient relever de l’autorité de la France. Ainsi s’explique leur empressement à prendre part au Congrès français de la Syrie, réuni à Marseille du 3 au 6 janvier 1919 à l’instigation des Chambres de Marseille et de Lyon, afin de profiter de cette tribune pour défendre les intérêts de la science française dans la zone qui lui sera attribuée46.
33Sur le terrain, dès le début de l’occupation, le Commandement des armées alliées se préoccupa des antiquités. D’un commun accord, Anglais et Français s’interdirent les recherches dans les territoires occupés par eux jusqu’à la signature de la paix et l’approbation définitive du statut qui doit les régir. Seuls les travaux commencés avant-guerre, accordés par le gouvernement ottoman, purent néanmoins reprendre. En septembre 1920, Contenau retourne à Sidon pour une ultime campagne47. Quant à la mission de Karkemish représentée par Woolley, il n’est pas question de l’évincer, même si le retour des archéologues anglais provoque l’inquiétude des Français alertés par Georges-Picot qui craint un exode des antiquités des territoires occupés vers le British Museum. Pour Contenau s’il n’est pas question d’évincer la mission de Karkemish, il faut une « réciprocité ».
Prenons un exemple concret. Le règlement des questions territoriales en Asie Occidentale a mis sous notre mandat le centre de Djérabis, l’ancienne capitale hittite de Karkémish, où les Anglais font des fouilles extrêmement importantes depuis plusieurs années. La reconnaissance de leurs droits et l’autorisation de poursuivre les travaux s’imposent, mais elles doivent être compensées par la concession d’un ou de plusieurs champs de fouille d’importance totale égale, car la valeur probable des sites concédés doit entrer en ligne de compte48.
34Finalement, Woolley qui avait écarté toute crainte en s’engageant jusqu’aux décisions définitives de la Conférence de la Paix à tenir ses découvertes à la disposition du futur gouvernement, reprenait les travaux de Karkemish au printemps 1920. Ceux-ci devaient être vite interrompus car dès l’automne 1920, le site tombe entre les mains des troupes kémalistes. La frontière nord, fixée le 10 août 1920 par le traité de Sèvres sur une ligne ouest-est, Marash-le Tigre en passant au nord d’Urfa et de Mardin, à la suite du conflit franco-turc en Cilicie, est ramenée plus au sud à l’automne 1921 (accord d’Angora dit Franklin-Bouillon) sur une ligne passant en dessous de Payas et suivant grosso modo la ligne du Bagdadbahn. Si Tell Halaf, au sud de la ligne, reste sous le contrôle français, en revanche Karkemish devient inaccessible. Éclairé par son voyage et peut-être par Contenau, Barrès souligne les conséquences néfastes de cet accord :
[…] me sera-t-il permis de regretter que nos derniers accords avec la Turquie qui fixent la frontière à la voie ferrée et ainsi nous attribuent la gare et le village de Djérablous, laissent en dehors de notre zone et de la pioche de Contenau, à 500 mètres au Nord, le Tell des Hittites qui, je crois, n’intéresse que très peu les Turcs49 ?
35Il est probable que la reprise de Karkemish sans « Mr Lawrence dont les services étaient requis ailleurs » comme l’écrivait Kenyon50, facilita le retour des Anglais. Quant au retour de l’Allemagne, il ne se posa réellement qu’à partir de 1927 lorsque le baron Oppenheim souhaita faire valoir ses droits non seulement sur Tell Halaf, mais aussi sur Tell Fekheriyé, également à la frontière turco-syrienne51. C’est avec circonspection que les Français, en premier René Dussaud, accueillirent cette demande faite en vertu d’un firman concédé, avant la guerre, par les autorités ottomanes ! Contenau, bien avant le retour des archéologues allemands en Syrie, avait souhaité une réduction de la durée de validité des concessions archéologiques afin de limiter d’éventuels inconvénients :
La seconde condition devrait être que les autorisations soient accordées pour un certain nombre d’années, déterminé à partir de la concession et non du commencement des travaux. Il ne faut pas oublier qu’une entreprise de fouilles est toujours un petit foyer d’influences, dont on peut apercevoir l’inconvénient au bout d’un temps plus ou moins long ; il faut donc réserver l’avenir52.
Les « inconvénients » envisagés par Contenau semblent avoir eu un visage bien précis pour Barrès :
Détail qui me frappe aujourd’hui : ces fouilles de Karkémish étaient dirigées en second par le colonel Lawrence, qui, dans la suite, devait déployer tant d’acharnement contre la France, et susciter contre nous la triste aventure de Fayçal. Pour les Anglais, comme pour les Allemands, à Karkémish comme à Baalbeck, les chantiers de fouilles sont, autant que des centres de science, des centres d’information. Et le colonel Lawrence me semble faire le pendant du professeur Oppenheim53.
36En 1923, lorsque parait Une enquête aux Pays du Levant, l’archéologie française en Syrie et au Liban est en pleine organisation. Dès la fin 1919, le général Gouraud, haut-commissaire de la France (1919-1923), avait chargé Joseph Chamonard (1919-1920) de créer un Service des antiquités54, une première mesure qui devait être complétée après l’attribution du mandat sur la Syrie et le Liban qui impliquait, entre autres, la rédaction d’une loi pour protéger les antiquités et pour ouvrir le pays à la recherche archéologique (article 14 du mandat pour la Syrie et le Liban, 1922). Si après sa seconde campagne à Sidon Contenau s’éloigne des chantiers syriens pour l’Iran, la grande expérience scientifique de Dussaud au Levant le désigne aux yeux des autorités françaises comme le plus qualifié pour organiser et coordonner les efforts. En 1914, au moment du voyage de Maurice Barrès, la France explorait modestement Sidon, dix ans plus tard, s’ouvrait un âge d’or de l’archéologie française en Syrie dont René Dussaud devenait le maître.
Notes de bas de page
1 C’est à Tell Halaf qu’était prévue la jonction entre la ligne venant de Bagdad et celle d’Alep. À Djerablus le pont sur l’Euphrate devait atteindre une longueur d’environ un kilomètre. Maurice Pernot, Rapport sur un voyage d’étude à Constantinople en Égypte et en Turquie d’Asie (janvier-août 1912), Comité de défense des intérêts français en Orient, Paris, Firmin-Didot et Cie, 1912, p. 168-172.
2 Jacques Thobie, Ali et les 40 voleurs, impérialismes et Moyen-Orient de 1914 à nos jours, Paris, Messidor, 1985, p. 29-31.
3 Maurice Pernot, Rapport sur un voyage d’étude à Constantinople en Égypte et en Turquie d’Asie (janvier-août 1912), op. cit., p. 166.
4 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, Paris, Plon, 1923, t. I, p. 17.
5 Les fouilles de Tello, conduites depuis 1877 par Ernest de Sarzec alors consul à Bassorah, révélèrent la civilisation sumérienne. Tello et Zerghul (anc. Girsu et Nigin) faisaient partie de l’État de Lagash. Robert Koldewey, futur responsable des fouilles de Babylone, travailla à Zerghul aux côtés de Bruno Moritz.
6 Le recul de l’archéologie française face à l’archéologie germanique est analysé dans Nicole Chevalier, La Recherche archéologique française au Moyen-Orient (1842-1947), Paris, Éditions Recherche sur les Civilisations, 2002, p. 66-112.
7 Diplomate et archéologue, le baron Max Freiherr von Oppenheim est chargé en 1899 par la Deutsche Bank de définir le tracé du chemin de fer devant rallier Bagdad. À cette occasion, il découvre Tell Halaf. Très surveillé par l’ambassade, il est considéré comme le principal agent des intrigues panislamiques menées par l’Allemagne, en Asie Mineure, en Égypte et au Soudan. Gabriele Teichmann, « Max Freiherr von Oppenheim — Archäologue, Diplomat, Freund des Orients », dans Das Große Spiel. Archäologie und Politik zur Zeit des Kolonialismus, éd. Charlotte Trümpler, Essen, Dumont, 2008, p. 238-247.
8 En 1903, Hamdi Bey, directeur du Musée impérial ottoman et des antiquités, avait appelé Mendel auprès de lui.
9 En 1898, la visite de Guillaume II à Baalbek eut pour conséquence les travaux entrepris, en son nom et à ses frais, par Otto Puchstein de 1900 à 1904. Les fouilles de Babylone bénéficient d’un financement drainé par la Deutsche Orient-Gesellschaft (DOG) créée à Berlin en 1898 sous le patronage de Guillaume II.
10 Maurice Pernot, Rapport sur un voyage d’étude à Constantinople en Égypte et en Turquie d’Asie (janvier-août 1912), op. cit., p. 167.
11 Dans ce contexte tendu, Mendel s’informe discrètement car l’archéologie n’est qu’un volet d’une étude plus importante sur « L’action allemande en Orient » qui comprend un rapport sur la « Domination de l’Allemagne » et une « Note sur un projet qui semble propre à fortifier et à étendre l’action économique, intellectuelle et morale de la France dans le Levant ».
12 Archives des Affaires étrangères. Turquie, NS 396. Ministère de l’Instruction-Publique au ministère des Affaires étrangères, le 20 novembre 1912.
13 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. I, p. 41-42.
14 Osman Hamdy bey et Théodore Reinach, Une nécropole royale à Sidon, Paris, Leroux, 1892.
15 Archives nationales (AN), F17 17243 dos. 1 Saïda. Ambassade à Constantinople au ministre des Affaires étrangères, le 28 juin 1913.
16 AN, F17 17243 dos. 1 Saïda. Rapport de Contenau au ministre de l’Instruction publique, 3 juillet 1914 ; Georges Contenau, « Mission archéologique à Sidon (1914) », Syria. vol. 1, 1920, p. 16-17. Ida-Marie Frandon, L’Orient de Maurice Barrès. Étude de genèse, Genève/ Lille, Droz/ Giard, 1952, p. 272. Maurice Barrès, Mes cahiers, juin 1914 – décembre 1918, éd. Philippe Barrès, vol. XI, Plon, 1938, p. 52 note 1. Marteaux serait à l’origine de leur rencontre.
17 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. I, p. 131.
18 Gaillardot, Joseph Arnould Charles (1814-1883), médecin de la Quarantaine de la Porte à Saïda, cartographe et médecin. Ernest Renan, Mission de Phénicie, Paris, Imprimerie nationale, vol. I, 1864-1874, p. 2.
19 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. I, p. 41.
20 Ibid., p. 295-296.
21 Maurice Barrès, Mes cahiers, op. cit., p. 24.
22 AN, F17 17243 dos. 1 Saïda. Contenau, rapport, 3 juillet 1914.
23 Georges Contenau né à Laon le 9 avril 1877 ; décédé à Paris le 22 mars 1964. Attaché bénévole au musée du Louvre juste avant la Première Guerre, il devient conservateur adjoint en novembre 1927. Dix ans plus tard, il succède à René Dussaud à la tête du département des Antiquités orientales. André Grabar, « Éloge funèbre de M. Georges Contenau, correspondant de l’Académie », Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1964, p. 197-199 ; Marguerite Rutten, « Nécrologie du Dr. Georges Contenau (1877-1964) », Iranica Antiqua, vol. IV, 1964, p. 170-174. AN, Légion d’honneur, dos. 19800035/586/66454.
24 Maurice Barrès, Un jardin sur l’Oronte, Paris, Plon, 1922, p. 2 ; Jean Lefranc, « Les sources d’Un jardin sur l’Oronte », Le Temps, 19, avril, 1922, p. 2 ; Ida-Marie Frandon, L’Orient de Maurice Barrès, op. cit., p. 312. Étrangement, le personnage dépeint par Barrès évoque Thomas Edward Lawrence, l’assistant de Leonard Woolley aux fouilles de Djerablus. De père Irlandais, soutenu par les conservateurs de l’Ashmolean Museum d’Oxford, en 1909, à vingt ans seulement, il sillonnait déjà la Syrie, souvent à pied, apprenant l’arabe et examinant une cinquantaine de châteaux forts pour son doctorat sur L’Influence des croisades sur l’architecture militaire européenne. Collaborateur de la première heure aux fouilles de Karkemish, il restait pratiquement à l’année en Orient, parcourant les sites et visitant les antiquaires afin de procurer des antiquités, notamment des sceaux, au British Museum et à l’Ashmolean Museum.
25 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. II, p. 1.
26 Ibid., p. 56. La première étude avait été faite en 1882 par Georges Perrot, « Sceaux hittites en terre cuite appartenant à M. Schlumberger », Revue archéologique, 1882, p. 333-341. En 1922, Contenau publiait chez Geuthner : La Glyptique syro-hittite et Éléments de bibliographie hittite, sujets de son doctorat ès-Lettres.
27 Site découvert par Charles Texier (1834), étudié par Georges Perrot (1861) et rapidement fouillé par Ernest Chantre (1893 et 1894). Quant à Archibald Sayce, dès 1888 paraît son ouvrage pionnier. Archibald Henry Sayce, The Hittites. The story of a Forgotten Empire, London, Religious Tract Society, 1888. Éric Jean, Boğazköy’den Karatepe’ye, Hititbilim ve Hitit Dünyasinin Keşfi [From Boğazköy to Karatepe: Hittitology and the Discovery of the Hittite World], Istanbul, Yapi Kredi Yaincilik, 2001.
28 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. II, p. 6-7. Qadesh était localisé par les sources égyptiennes : le poème de Pentaour et les bas-reliefs de différents temples, notamment Louxor et Abou-Simbel, évoquaient la confrontation des armées de Ramsès II et de Muttawali. Jusqu’à la Première Guerre, on hésita entre deux tells voisins : Tell Et-tin, sur une petite île du lac d’Homs et l’impressionnant Tell Nebi Mend où Dussaud et les R. P. de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Lammens et surtout Ronzevalle, situaient la place forte hittite.
29 Joseph-Étienne Gautier fouilla Tell Et-Tin, plus accessible et paraissant plus en conformité avec les sources égyptiennes. Joseph-Étienne Gautier, « Note sur les fouilles entreprises dans la haute vallée de l’Oronte pour retrouver l’emplacement de l’ancienne ville de Kadech », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1895, p. 441-443.
30 AN F17 17243 dos. 1 Saïda. Contenau, rapport, 3 juillet 1914.
31 Maurice Pézard, ancien élève de l’École du Louvre, était soutenu par Pottier. Il avait fouillé en Perse avant la guerre. Sa mort, en 1923, arrêta les travaux à Tell Nebi Mend. Maurice Pézard, « Mission archéologique à Tell Nebi Mend (1921). Rapport sommaire », Syria, vol. 3, 1922, p. 89-115 et Qadesh. Mission archéologique à Tell Nebi Mend, 1921-1922, Paris, Geuthner, coll. « Bibliothèque Archéologique et Historique », vol. 15, 1931.
32 Cette région appelée le « désert de Sin » était sous contrôle turc. Sous la bannière scientifique du Palestine Exploration Fund, la prospection s’intègre dans le cadre d’une expédition voulue par Lord Kitchener et dirigée par le capitaine S. F. Newcombe. C. L. Woolley T. E. Lawrence, Le Désert de Sin, Payot, Paris, 1937. Comme l’écrit John Curtis qui dirigea le département des Antiquités orientales au British Museum : « En réalité il s’agissait d’une ruse afin de réaliser une carte militaire de la région. » John Curtis, « Woolley et le British Museum », Pionniers et protagonistes de l’archéologie syrienne 1860-1960. D’Ernest Renan à Sélim Abdulhak, éd. Michel Al-Maqdissi, Damas, Direction générale des Antiquités et des Musées, 2008, p. 94.
33 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. II, p. 20-23.
34 Ibid., t. II, p. 7.
35 Notamment : Bedrich Hrozny, Die Sprache der Hethiter, ihr Bau und ihre Zugehörigkeit zum indogermanischen Sprachstamm, Leipzig, Hinrichs, 1917 et Hethitische Keilschrifttexte aus Boghazköi, in Umschrift, mit Übersetzung und Kommentar, Leipzig, Hinrichs, 1919.
36 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. II, p. 7.
37 David G. Hogarth, Carchemish report on the excavations at Djerabis on behalf of the British Museum, Part I, Introductory, London, the Trustees of the British Museum, 1914.
38 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. II, p. 23.
39 Gustave Mendel, « Les grands champs de fouilles de l’Orient grec en 1904 », La Revue de l’art, t. XVIII, 1905, p. 381.
40 David G. Hogarth, « Revealing the civilisation of Hittites of Syria : Excavations at Carchemish », The Illustrated London News, 24 January 1914. En 1911, un donateur anonyme (Walter Morrison) faisait une première donation de 5 000 £ puis une seconde en 1914, de 10 000 £. Jeremy Wilson, T. E Lawrence, London, National Portrait Gallery, 1988, p. 41-42, no 69-70.
41 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. II, p. 36.
42 AN, F17 17243 dos. 1 Saïda, Contenau, rapport, 3 juillet 1914.
43 Préface de Frederic G. Kenyon, directeur du British Museum. C. Leonard Woolley, Carchemish report on the excavations at Djerablus on behalf of the British Museum, Part. II, London, The Trustees of the British Museum, 1921, p. V.
44 R. L. Melka, « Max Freiherr von Oppenheim : Sixty Years of Scholarship and Political Intrigue in the Middle East », Middle Eastern Studies, 9, 1973, p. 81 et Lionel Gossman, The passion of Max Von Oppenheim. Archaeology and intrigue in the Middle East from Wilhelm II to Hitler, Cambridge, Open Book Publishers, 2013, p. 79–85.
45 Nicole Chevalier, La Recherche archéologique française au Moyen-Orient (1842-1947), op. cit., p. 225-235.
46 Faisaient partie du comité d’honneur de nombreux orientalistes : Ernest Babelon, Charles Clermont-Ganneau, le R. P. Marie-Joseph Lagrange. François Thureau-Dangin et René Dussaud, conservateurs au département des Antiquités orientales, les pères Louis Jalabert et Louis-Hugues Vincent, professeurs à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et à l’École biblique de Jérusalem participèrent au congrès. Congrès français de la Syrie, du 3 au 5 janvier 1919, fasc. II, Section d'archéologie, Histoire, Géographie et Ethnographie, Paris, Champion/ Marseille, Chambre de commerce, 1919.
47 Georges Contenau, « Deuxième mission archéologique à Sidon (1920) », Syria, vol. 4, 1923, p. 123-134, p. 261-281.
48 Georges Contenau, « L’avenir archéologique de la Syrie », Mercure de France, no 546, t. CXLVI, 15 mars 1921, p. 395.
49 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. II, p. 24. Karkemish resta longtemps un regret pour les archéologues français : « Le site passait d’ailleurs peu après dans la zone turque […], alors que l’agglomération de Djerablus, à quelques mètres, demeurait en territoire syrien, sous mandat français. Notre négociateur à Ankara ne semble pas avoir soupçonné l’existence de l’archéologie. » André Parrot, Archéologie mésopotamienne, t. I, Les Étapes, Paris, Albin Michel, 1946, p. 244.
50 C. Leonard Woolley, Carchemish report on the excavations at Djerablus on behalf of the British Museum, Part II, London, The Trustees of the British Museum, 1921, p. V.
51 Nicole Chevalier, La Recherche archéologique française au Moyen-Orient (1842-1947), op. cit, p. 314-319.
52 Georges Contenau, « L’avenir archéologique de la Syrie », art. cit, p. 395.
53 Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, éd. cit., t. II, p. 23. Le jugement de Barrès n’est pas sans évoquer celui d’André Parrot — élève de Dussaud et successeur de Contenau au Louvre — qui écrivit vingt ans plus tard : « Cependant que l’expédition Andrae poursuivait l’exploration d’Assur, deux autres chantiers s’ouvraient presque en même temps, plus à l’ouest, l’un à Tell Halaf, aux sources du Khabour, l’autre à Karkemish au bord de l’Euphrate. Il n’est pas indifférent de signaler que les préoccupations politiques n’avaient sans doute pas été étrangères au choix des deux sites, tous deux au bord du Bagdadbahn, alors en construction, l’Allemagne et l’Angleterre apportant un intérêt tout particulier à l’établissement de cette voie moderne de grande pénétration, en direction du golfe Persique et des Indes. On ne sera donc pas étonné de retrouver en ces emplacements véritablement stratégiques, Max Freiheer von Oppenheim et T.-E. Lawrence ».
54 Joseph Chamonard, « À propos du Service des Antiquités de Syrie », Syria, vol. 1, 1920, p. 81-98.
Auteur
Ancien membre du département des Antiquités orientales du Musée du Louvre
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