Chapitre 3. Rôle et évolution des combinaisons bimodales au cours de l’acquisition du langage. Données chez l’enfant francophone âgé de 18 à 42 mois
Texte intégral
Gestes, bimodalité et langage verbal chez le jeune enfant
1S’il ne fait aucun doute que les premiers gestes de l’enfant apparaissent avant ses premiers mots et que l’émergence des conduites linguistiques ne signe pas la fin de leur emploi, pour autant, la relation entre productions gestuelles et productions linguistiques et leur évolution demeure encore méconnue sur plusieurs points, en particulier le destin des productions bimodales au-delà de 2 ans. L’objectif de ce chapitre est d’éclairer cette question tout en documentant l’évolution des productions langagières gestuelles, bimodales et linguistiques chez l’enfant francophone âgé de 18 à 42 mois. Que sait-on actuellement ?
2L’apparition du pointage gestuel avant la fin de la première année signe l’entrée de l’enfant dans la communication intentionnelle et référentielle (Bates, Benigni, Bretherton, Camaioni & Volterra, 1979 ; Camaioni, 1993). Indexant la capacité de l’enfant à établir des relations entre le monde et les signes qui le représentent, elle constitue une étape clé du développement humain (Tomasello, Carpenter & Liszkowski, 2007) en même temps que de l’acquisition du langage puisqu’une relation a très vite été établie entre la production du geste déictique (ou de désignation) à un âge donné et les acquisitions lexicales ultérieures (Butterworth, 2003 ; Carpenter, Nagell & Tomasello, 1998 ; Thal & Tobias, 1994). Très tôt, l’enfant apprend à saluer, applaudir, ou refuser de la tête, et ces gestes dits « conventionnels » sont également parmi les premiers constituants du répertoire gestuel qu’il se forge au fil des interactions avec l’entourage (Guidetti, 2003). Mais au cours de la deuxième année, d’autres comportements apparaissent : le jeu de faire semblant ou « jeu symbolique » (Cartron & Winnykamen, 1995 ; Moro & Rodriguez, 2005) au cours duquel l’enfant mime une action ou une séquence d’actions en utilisant les objets à disposition (manger, téléphoner, donner le bain à bébé, etc.) ; le geste représentationnel ou « iconique », exécuté la main vide et qui soit mime une action, soit esquisse les traits d’un objet (les oreilles du lapin, par exemple). Dotés de propriétés iconiques, ces comportements signalent l’émergence de la représentation symbolique chez l’enfant (Piaget, 1949 ; Werner & Kaplan, 1963). Ils ont d’abord été analysés comme des équivalents des premiers mots qui seraient ensuite remplacés par le lexique (Acredolo & Goodwyn, 1988 ; Capone & McGregor, 2004) jusqu’à ce qu’on se rende compte que, à l’instar du geste de pointage, le jeune enfant les produit au cours de ses tentatives de verbalisation.
3L’observation filmée des productions langagières au cours de la deuxième année (période pendant laquelle les verbalisations se limitent longtemps à un seul mot) a en effet montré que, pour se faire comprendre de ses interlocuteurs, l’enfant utilise le geste, le mime et l’expressivité faciale, et se met aussi à les combiner avec un mot ou une vocalisation. Les combinaisons les plus fréquentes à ce stade associent un pointage gestuel à un mot, souvent dans une tentative de dénomination d’un objet. L’élargissement du spectre d’observation à la gestualité et à la bimodalité a, du même coup, permis de constater une coévolution de l’ensemble des ressources. Ainsi, dans une étude de Iverson, Capirci et Caselli (1994) portant sur les productions langagières de 12 jeunes enfants italiens, les auteures ont noté une prévalence de l’utilisation du geste (en particulier déictique) à 16 mois, mais une préférence pour l’utilisation des mots à 20 mois, âge où les premiers énoncés à deux mots sont apparus chez la plupart d’entre eux. L’exploitation du même corpus (Capirci Iverson, Pizzuto & Volterra, 1996) indiquait par ailleurs que parmi les productions comportant deux signes (énoncé à deux mots ou énoncé bimodal composé d’un mot et d’un geste), les plus employées à 20 mois comme à 16 mois étaient les combinaisons <mot + geste>, et ceci en dépit de l’augmentation des énoncés à deux mots et de la diminution de l’emploi du geste seul. Parallèlement, en observant sur plusieurs mois les conduites langagières de 6 enfants américains, Butcher et Goldin-Meadow (2000) ont localisé l’âge des premières productions bimodales synchrones entre 14 et 17 mois (pour 5 d’entre eux) et ont trouvé que l’apparition de ces combinaisons précède toujours celle des premiers énoncés à deux mots. La deuxième année apparaît donc comme une période de transition au cours de laquelle les moyens non verbaux de communication sont de plus en plus intégrés à l’usage croissant des verbalisations, et ce au moins jusqu’au seuil de la troisième année, âge où l’enfant devient plus habile à communiquer ses intentions de manière linguistique.
4Mais l’évolution des conduites langagières bimodales est aussi de nature qualitative. La littérature sur le domaine distingue deux grands types de combinaisons <mot + geste> : premièrement, des combinaisons où l’information gestuelle est dite (selon les auteurs) « redondante » ou « complémentaire » de l’information linguistique, comme lorsque l’enfant désigne du geste un objet tout en le nommant ; deuxièmement, des combinaisons où le geste apporte une information distincte ou « supplémentaire ». En approfondissant leurs premières observations, Goldin-Meadow et Butcher (2003) ont montré que l’apparition des combinaisons redondantes précède parfois de plusieurs mois celle des combinaisons supplémentaires, mais que ce sont ces dernières qui constituent de bons prédicteurs de l’âge d’apparition des premiers énoncés à deux mots, ainsi que cela avait pu être observé chez des enfants italophones (Capirci Iverson, Pizzuto & Volterra, 1996. D’autres études menées aux États-Unis et en Italie sont venues par la suite confirmer la valeur prédictive des combinaisons supplémentaires (Iverson & Goldin-Meadow, 2005 ; Iverson, Capirci, Volterra & Goldin-Meadow, 2008 ; Özçalişkan & Goldin-Meadow, 2005 ; voir Capirci & Volterra, 2008, pour une synthèse). En d’autres termes, au cours de sa deuxième année, l’enfant exerce sa capacité à associer deux signifiés distincts dans un message bimodal <mot + geste> avant de parvenir à verbaliser celui-ci dans un énoncé à deux mots, et l’arrivée des combinaisons supplémentaires dans son répertoire annonce l’émergence de la syntaxe dans ses productions. Le geste sert alors d’étayage et permet à l’enfant d’exprimer une relation prédicative à deux arguments du type [agent-action], [agent-localisation], [agent-possession], [entité-existence], [entité-disparition], etc., à une période où ses habiletés linguistiques sont encore trop limitées pour cela.
5D’autres études longitudinales sont venues depuis affiner la connaissance des relations entre bimodalité et verbalisation. Ainsi, une étude de Rowe et Goldin-Meadow (2009) menée auprès de 52 enfants américains confirme l’existence d’une relation prédictive entre les combinaisons bimodales (notamment supplémentaires) produites à 18 mois et la complexité syntaxique mesurée à 42 mois à l’aide de l’indice LME (nombre moyen de mots par énoncé, voir la section suivante pour l’explication technique), et découvre aux mêmes âges une autre relation prédictive, cette fois entre les significations exprimées dans les gestes (le « gesture vocabulary ») et le lexique. Une étude de Fasolo et D’Odorico (2012) menée auprès de 24 enfants italiens filmés, à l’âge de 18 mois puis de 24 mois, lors d’une session de jeu libre montre quant à elle que la production des combinaisons redondantes (qu’ils nomment « complementary »), mais aussi des « transitional forms » préverbales (vocalisations, onomatopées, pseudo-mots) permet de prédire le vocabulaire, mais aussi l’allongement des énoncés mesuré à l’aide de la LME (non considérée dans cette étude comme un indice de complexité syntaxique), alors que la production des combinaisons supplémentaires prédit des changements dans la complexité des énoncés, ici mesurée au nombre d’arguments formant la prédication. Dans une autre étude sur les productions bimodales de 40 enfants américains âgés de 14 à 34 mois, il apparaît que toute structure syntaxique supportant un nouveau type de relation prédicative apparaît d’abord dans une combinaison bimodale avant d’être entièrement verbalisée dans un énoncé (Özçalişkan & Goldin-Meadow, 2009). Plus récemment, une étude de Cartmill, Hunsicker et Goldin-Meadow (2014) réinterroge le rôle des combinaisons redondantes, et leurs résultats suggèrent l’existence d’une relation entre le pointage accompagnant un nom isolé et l’apparition ultérieure du groupe nominal avec déterminant.
6De cet ensemble de résultats, il ressort trois observations importantes :
- le geste, employé seul ou comme composant sémiotique d’une combinaison bimodale, sert d’étayage aux habiletés linguistiques qui se mettent en place pendant la deuxième année ;
- son apparition dans le répertoire communicatif de l’enfant, que ce soit comme geste porteur d’une nouvelle signification ou comme combinaison bimodale redondante ou supplémentaire, indexe et annonce l’émergence d’une nouvelle habileté linguistique qui ne sera visible dans les verbalisations de l’enfant qu’ultérieurement ;
- cet effet d’étayage opère à des niveaux distincts et subtils (le lexique, l’énoncé à deux mots, la prédication à n arguments, voire même la morphosyntaxe du groupe nominal), ce qui laisse penser que l’étude des relations entre gestualité-bimodalité et verbalisation au cours du développement précoce du langage réserve encore quelques surprises.
7D’autres travaux menés en Italie, qu’il s’agisse d’études longitudinales (Capirci, Contaldo, Caselli & Volterra, 2005 ; Sansavini & coll., 2010) ou transversales (Caselli, Rinaldi, Stefanini & Volterra, 2012), ont largement confirmé le rôle essentiel du recours à la gestualité dans la mise en place des premières verbalisations. Dans l’hypothèse d’une continuité entre l’action et le langage (Volterra, Capirci, Caselli, Rinaldi & Sparaci, 2017), l’usage du geste constituerait une passerelle entre les deux : l’enfant commence par observer et faire l’expérience de l’action orientée vers des objets et en extrait, avec l’aide de son partenaire dans l’interaction, des significations qu’il va ensuite exprimer de façon iconique par le mime et le geste, puis de façon linguistique. Mais, s’agissant des combinaisons bimodales, force est de constater que les travaux ont essentiellement porté sur la période des énoncés à un mot, exception faite de l’étude de Rowe et Goldin-Meadow précitée où les observations s’étendaient de 18 à 42 mois. Les résultats présentés dans ce chapitre proviennent d’observations qui portent sur le même empan d’âge et apportent de nouvelles informations sur le devenir, le contenu et le rôle des combinaisons bimodales au-delà de 2 ans.
Une étude sur les productions bimodales en contexte francophone
8Si la transition entre la communication gestuelle et la communication linguistique chez le jeune enfant est aujourd’hui bien documentée, il reste qu’on ne dispose pas encore de données très précises sur l’articulation entre gestualité, bimodalité et langage verbal chez l’enfant francophone au cours de la deuxième année et au-delà. Le premier objectif de l’étude dont nous rapportons ici les résultats est donc de combler cette lacune et de confirmer les évolutions observées auprès d’autres populations tout en interrogeant le devenir des productions bimodales dans le répertoire communicatif de l’enfant âgé de plus de 2 ans. Que deviennent-elles ? Si elles ne disparaissent pas, leur contenu sémiotique et informationnel évolue-t-il ? Subsistent-elles sous leur forme princeps (un mot + un geste) ou dans des énoncés bimodaux comportant deux mots ou davantage ? Le second objectif cherche à vérifier si les combinaisons bimodales produites au-delà de la période des énoncés à un mot conservent l’effet d’annonce mis en lumière dans les travaux italiens et américains en vertu duquel l’enfant exprime d’abord de façon bimodale ce qu’il réussira ensuite à exprimer de façon verbale.
9Les données présentées ici sont issues d’une thèse de doctorat portant sur les moyens d’expression du jeune enfant francophone (Batista, 2012). L’objectif initial consistait à éclairer le développement communicatif de l’enfant âgé de 18 à 42 mois, tant au plan gestuel qu’au plan linguistique, en examinant plus particulièrement l’évolution des productions bimodales alliant un geste et un (ou plusieurs) mot(s) et leur relation aux verbalisations. Il fallait pour cela disposer d’un corpus filmé de jeunes enfants engagés dans des situations de communication. À cette fin, le corpus Parler bambin (Zorman & coll., 2011) constitué par Marie-Thérèse Le Normand a été utilisé. Collecté dans des crèches de l’agglomération grenobloise, ce corpus se compose au total de 154 vidéos d’enfants âgés de 18 à 42 mois, la plupart filmés deux fois dans la même situation, à six mois d’intervalle. Ceci a permis de réaliser des observations tout à la fois transversales et longitudinales.
Participants
10Pour cette étude, nous avons extrait du corpus initial les données longitudinales, soit les 138 vidéos montrant deux fois le même enfant à six mois d’intervalle. Les observations incluent 69 enfants tous francophones (langue française parlée à la maison) et au développement typique, âgés de 18 à 36 mois lors de la première session d’enregistrement, de 24 à 42 mois lors de la deuxième. Outre leur âge chronologique, le tableau 1 indique l’âge dit de « maturité syntaxique » des enfants à la première et à la seconde session, calculé selon l’indice de la longueur moyenne de l’énoncé (LME) qui prend en compte la totalité des énoncés complets et intelligibles produits par chaque enfant pendant la session de jeu. Ce dernier point nécessite quelques explications.
11La LME correspond à la longueur moyenne des énoncés verbalisés par l’enfant au cours d’une durée d’observation donnée (par exemple, une valeur de 1 signifie que les énoncés de l’enfant ne dépassent pas un mot, une valeur de 2 qu’ils comptent en moyenne deux mots, etc.). Considérée comme un indice du développement syntaxique, la LME peut être calculée soit en mots, soit en morphèmes. Comme un mot du lexique peut comporter plusieurs unités de sens : un lexème (par exemple « maison- » dans le groupe nominal « les maisons » ; « dorm- » dans le verbe « dormir ») et un ou plusieurs morphèmes (« -s », marque du pluriel dans le même groupe nominal ; « -ir », marque de l’infinitif dans le même verbe), la seconde méthode est considérée comme plus précise. Mais en français parlé, beaucoup de terminaisons de mots sont muettes (tel le « s » du pluriel dans l’exemple précédent), et seules certaines marques grammaticales s’entendent à l’oral (tel le morphème de l’infinitif dans l’exemple précédent) et, plus largement, les marques du temps, du mode et de la personne dans les verbes, la forme féminine des noms d’êtres animés (le fermier / la fermière), ou encore, le pluriel dans la liaison entre le pronom et un verbe commençant par une voyelle : « ils ont », « vous allez » (pour plus de détails sur le calcul de la LME en français, voir Le Normand, Parisse & Cohen, 2008 ; Le Normand, Moreno-Torres, Parisse & Dellatolas, 2013). La présence des morphèmes intra-mot étant rare jusque vers la fin de la troisième année, la LME, dans cette étude, a été calculée en mots à partir de la transcription alphabétique des verbalisations de l’enfant. Elle varie de 1 à 4,33, comme indiqué dans le tableau 1 présentant la population.
Tableau 1 – Âge (mois) et indice LME des participants aux deux sessions
Session 1 | Session 2 | |
Nombre de séances filmées | 69 | 69 |
Âge moyen (écart-type) | 25.17 (4.67) | 31.16 (4.70) |
Âge mini/maxi | 18/35 | 23/41 |
LME (écart-type) | 1,56 (0.64) | 2,24 (0.85) |
LME mini/maxi | 1/3,64 | 1/4,33 |
Protocole d’observation
12Pour chacune des deux sessions, le protocole était identique : chaque enfant est accueilli par l’expérimentatrice dans un espace calme alloué à l’expérimentation par les responsables de la crèche, où une séance de jeu libre lui est proposée. Le matériel utilisé est un ensemble standard de vingt-deux jouets représentant une maison avec ses différentes pièces, un escalier, du mobilier, un cheval à bascule, une poussette, deux voitures, une famille de cinq personnages et un chien. Les deux protagonistes sont assis à une table et leur échange est enregistré grâce à une caméra sur pied qui filme l’enfant en plan moyen. L’adulte instaure et veille à maintenir un échange conversationnel avec l’enfant, l’incitant à commenter ses actions avec le matériel et ses verbalisations au cours du jeu. L’intérêt de ce protocole, utilisé préalablement dans d’autres études (Le Normand, Parisse & Cohen, 2008 ; Le Normand, Moreno-Torres, Parisse & Dellatolas, 2013 ; Parisse & Le Normand, 2006) tient au caractère ludique de l’activité proposée à l’enfant et au fait qu’elle génère un contexte de communication référentielle (parler de quelque chose à quelqu’un) permettant de collecter des productions langagières spontanées et de solliciter l’enfant de façon naturelle, en contrôlant certains aspects (le thème des échanges et le lexique, contraint par l’univers de référence du matériel, les scenarii possibles à partir du jeu symbolique).
13Chaque séance étant de durée variable car dépendant de l’intérêt et de l’engagement de l’enfant dans le jeu (de moins d’un quart d’heure pour les plus courtes à plus d’une demi-heure pour les plus longues), le corpus retenu pour les observations a été limité aux onze premières minutes de chaque séance.
Transcription et annotation des productions langagières de l’enfant
14Pour chaque séquence filmée, un fichier d’annotation a été généré sous ELAN, logiciel d’annotation multipiste. L’ensemble des verbalisations de l’enfant et de l’adulte a d’abord été transcrit sur deux pistes, en utilisant une grille de transcription-annotation créée et adaptée aux objectifs poursuivis (Batista, 2012). Outre ses verbalisations, chaque manifestation d’une intention communicative de l’enfant a été annotée, qu’il s’agisse d’un comportement vocal non linguistique ou d’une conduite gestuelle manuelle, faciale, céphalique ou mettant en jeu tout le corps (voir le cliché en annexe pour une illustration de l’interface). Nous présentons plus loin les catégories annotées.
Gestualité
15Parmi le flot des comportements observables chez l’enfant (manipulation des éléments du jeu, scenarii actés à partir de ces éléments, comportements dirigés vers l’expérimentateur), n’ont été retenues que les actions manifestant clairement une intention de communication d’une information, qu’elles soient ou non déclenchées par l’adulte. Trois catégories de gestes ont ainsi pu être identifiées.
- Le geste déictique qui consiste à identifier, localiser ou indexer parmi d’autres un référent (objet, personnage, interlocuteur) présent dans la situation (Colletta, 2017). Dans le corpus, il est réalisé parfois sous la forme d’un pointage (extension de l’index ou de la main dans la direction du référent avec ou sans toucher de la cible), parfois en brandissant un objet dans la direction de l’interlocuteur, parfois encore en le lui tendant, en conformité avec la trilogie « pointing/showing/giving » (« pointant/montrant/donnant ») mise en évidence dans la littérature (Capone & McGregor, 2004). Dans tous les cas, un regard vers ce dernier lui est associé. Exécuté seul (comme acte gestuel, voir l’exemple 1) ou comme composant d’une combinaison <mot + geste>, il apparaît souvent en réponse à une demande de localisation d’un objet ou lorsque l’enfant quête une dénomination de la part de l’adulte.
Exemple 1. Geste déictique (22-107) |
De l’index de la main droite, l’enfant désigne une voiture jouet placée dans le garage de la maison de jeu tout en regardant l’adulte. |
- Le geste conventionnel, parfois appelé « emblème » (Ekman & Friesen, 1969) ou « quasi linguistique » (Cosnier & Vaysse, 1997), est un geste dont la forme et la signification sont relativement stables au sein d’une culture donnée en raison de sa fréquence d’utilisation et du fait qu’il est aisément reconnaissable en contexte, et qui pour cette raison peut se substituer au message linguistique équivalent (le salut de la main ou de la tête, l’applaudissement, les gestes céphaliques de l’acceptation et du refus). Dans le corpus, ce sont ces derniers (les gestes « performatifs » du « oui » et du « non ») qui apparaissent le plus fréquemment.
- Le geste représentationnel, qui fournit une représentation d’un référent, qu’il s’agisse d’un objet (dessiner dans l’espace sa forme ou sa taille) ou d’une action (mimer l’action de tourner, de conduire, tracer dans l’espace un trajet ou une chute). Ce geste est dit « coverbal » dans l’usage standard, car il n’a de signification claire ou univoque que lorsqu’il accompagne un message linguistique (Kendon, 2004). Mais chez le jeune enfant encore peu habile à mettre en mots ce qu’il veut dire, il est parfois produit seul, sans verbalisation, et c’est le contexte qui permet à l’interlocuteur de lui attribuer une signification, comme dans l’exemple 2.
Exemple 2. Geste représentationnel (24-603) Après avoir fermé la porte du garage de la maison de jeu, l’enfant regarde l’expérimentatrice tout en effectuant un tracé vers le bas avec la main gauche. L’expérimentatrice comprend et commente : « fermé, c’est fermé ». |
Productions voco-verbales
16Chaque production audio-vocale de l’enfant, qu’elle corresponde ou non à un message verbal, a été annotée et transcrite. À un âge où l’enfant peine à enchaîner les mots, il n’est guère possible d’identifier des enchaînements de propositions (au sens syntaxique du terme). On observe des « groupes phoniques » de taille variable et composés d’une ou plusieurs syllabes qui se suivent d’un seul jet pour former un message d’un ou plusieurs mots (sur cette notion, voir Colletta, Pellenq, Hadian-Cefidekhanie & Rousset, 2018). L’unité d’analyse retenue est donc ici l’énoncé, défini comme une vocalisation ou verbalisation séparée d’un autre énoncé du même locuteur par une pause d’une durée d’au moins 300 millisecondes (cette méthode a aussi été appliquée aux productions de l’adulte, transcrites également). Parmi les énoncés de l’enfant, nous avons distingué les catégories suivantes.
- L’énoncé paraverbal : message vocal mono- ou plurisyllabique correspondant à une onomatopée (« ouahouah », « vroum », « poum ») ou exprimant une exclamation (« oh ! », « hop ! »). Il correspond, pour partie seulement, aux « transitional forms » décrites par Fasolo et D’Odorico (2012).
- L’énoncé verbal : message composé au minimum d’un mot, que la prononciation du mot soit conforme à la cible linguistique ou qu’il s’agisse de ce que nous avons appelé un « quasi-mot » (Batista, 2012) : mot dont l’articulation ne correspond pas tout à fait à la cible : « *fien » (chien), « *vatu » (voiture), « *tab » (table), « *enco » (encore), « *fem » (ferme), etc., sans que cela ne rende le mot méconnaissable en contexte.
Énoncés verbaux
17L’analyse des productions linguistiques de l’enfant dans une situation de jeu libre fait immédiatement apparaître une grande variabilité inter- et intra-sujets. L’importance de disposer de mesures précises de la verbalisation (qu’elle soit ou non accompagnée d’un geste) nous a conduits à distinguer les catégories suivantes :
- l’énoncé à un mot <1M>. Outre le mot bien articulé et le quasi-mot (en emplois isolés), ont été considérés comme tels : l’unité lexicale accompagnée d’un filler (« e-bébé », « a-tab ») qui fonctionne comme un quasi-déterminant sans en avoir toutes les propriétés (Bassano, 2000 ; Veneziano & Sinclair, 2000) ; l’holophrase, construction grammaticale figée et réduite à un chunk lexical (Tomasello, 2003) telles « *apu » (réduction de « il n’y en a plus ») ; « *la » (réduction de « il/elle a ») ; « *lè » (réduction de « il/elle est ») ; – la question/réponse monolexicale (« oui », « non », « où ? », « qui ? », « là », « lui ») ; – l’exclamation (« caché ! », « *pati ! », « bébé ! ») ;
- l’énoncé à deux mots <2M>. Outre les cas déjà évoqués, les présentatifs tels « c’est » et « il y a » (abrégé en « *ya ») ont également été considérés comme des chunks lexicaux valant un seul mot. Exemples d’énoncés à deux mots : « bébé *do’ » ; « *lè caché » ; « c’est zoli » ; « c’est bonhomme ? » ;
- l’énoncé long <3M+>, message linguistique comportant au minimum trois mots. En voici quelques exemples pris au hasard : « *ya la maman » (3 mots), « i(l) va là » (3 mots), « faut aller promener » (3 mots). « c’est quoi ça ? » (3 mots), « non i(l) veut pas » (4 mots), « ça, c’est la petite table » (5 mots), « il est où le garçon ? » (5 mots), « maintenant je le mets dans ça » (6 mots), « là je vais faire comme ça avec cette porte » (9 mots).
Énoncés bimodaux
18Chaque production vocale (avec ou sans verbalisation) couplée à un geste du locuteur a été annotée comme un énoncé bimodal. Les combinaisons relevées dans le corpus variant aussi bien quant à leur contenu gestuel et linguistique qu’à leur contenu informationnel, nous les avons caractérisées au regard de ces trois paramètres. Au regard de leur composante gestuelle, nous avons distingué :
- L’énoncé bimodal avec geste déictique dont voici un exemple :
Exemple 3. Combinaison avec geste déictique (18-411) De l’index de la main droite, l’enfant désigne une figurine du jeu tout en disant « le *dodomme » (le bonhomme) |
- L’énoncé bimodal avec geste conventionnel dont voici un exemple où l’enfant annule (par un geste de négation) la proposition de l’adulte et apporte une précision sur le statut d’une figurine :
Exemple 4. Combinaison avec emblème (23-502) Adulte : « c’est un coquin hein ? » Enfant : « *che papa » (c’est papa) + geste céphalique de négation Adulte : « c’est papa ? » Enfant : « lui papa »+ montre la figurine correspondante |
- L’énoncé bimodal avec geste représentationnel dont voici deux exemples, le premier (exemple 5), exécuté avec l’aide d’un objet et qui correspond à une performance mimée, le second (exemple 6), réalisé la main vide et qui se rapproche de l’usage coverbal du geste iconique standard :
Exemple 5. Combinaison avec geste représentationnel (39-120) Tout en faisant mine de nourrir une figurine, l’enfant commente et dit : « mange *haïcot » (haricot). |
Exemple 6. Combinaison avec geste représentationnel (35-116) En réponse à une question de l’adulte, l’enfant dit « préparer goûter » tout en faisant mine de séparer des petits morceaux de nourriture. |
Au regard de leur contenu linguistique, nous avons appliqué aux énoncés bimodaux la classification adoptée pour les énoncés verbaux en prenant en compte la longueur de la verbalisation. Ceci amène à distinguer :
- l’énoncé bimodal comportant un mot et un geste <1MG> : voir les exemples 8 et 10 ;
- l’énoncé bimodal comportant deux mots et un geste <2MG> : voir les exemples 3 à 6 ;
- l’énoncé bimodal long comportant au minimum trois mots et un geste <3M+G> : on imagine aisément les verbalisations « ça, c’est la petite table » (5 mots), ou « maintenant je le mets dans ça » (6 mots) être accompagnées d’un geste déictique. En voici un autre exemple :
Exemple 7. Énoncé bimodal <3M+G> (29-116) « Le lit de bébé » dit l’enfant, tout en brandissant l’objet correspondant vers l’adulte. |
Quant au contenu informationnel des énoncés bimodaux, nous avons repris la terminologie qui fait consensus tout en distinguant, parmi les combinaisons non redondantes, deux types de combinaisons : celles où le geste permet de préciser le sens d’un message linguistique comportant un déictique verbal et sans lequel ce message serait incomplet (exemple : l’enfant utilise un pronom ou un déictique verbal tel « ça » ou « là » et indique du geste ce dont il parle), et celles où le geste vient ajouter une information au message linguistique (exemple : l’enfant montre une friandise et dit « encore », signifiant par là qu’il veut qu’on lui en donne, ou bien l’enfant pointe vers un personnage dans un livre d’images et dit « dort », exprimant ainsi une prédication complète comportant un thème : le personnage désigné, et un propos : le fait qu’il dorme). Voici des exemples illustrés de ces trois types d’énoncés bimodaux :
- combinaison redondante : l’information linguistique correspond au référent désigné par pointage, et l’enfant nomme ce qu’il montre, comme dans l’exemple 8 :
Exemple 8. Le mot nomme la chose désignée (22-107) L’enfant dit « *voitu » tout en désignant de l’index gauche la voiture qui se trouve dans le garage de la maison de jeu. |
- combinaison complémentaire : l’information linguistique est ambiguë et c’est le référent rendu accessible par le pointage qui permet de comprendre l’énoncé : l’enfant désigne ce dont il parle, comme dans l’exemple 9.
Exemple 9. Geste et parole se complètent (19-410) Tout en désignant de l’index droit un objet du jeu, l’enfant demande « *lé ça ? » (c’est quoi ça) à l’adulte qui va, grâce au geste, interpréter l’énoncé comme une demande de dénomination. |
- combinaison supplémentaire : l’information linguistique ne correspond pas à l’information gestuelle, toutes deux ont une signification propre, et l’enfant propose un commentaire à partir de ce qu’il montre, comme dans l’exemple 10 :
Exemple 10. Geste et parole s’ajoutent (22-503) L’enfant brandit une figurine vers l’adulte tout en disant « dodo », voulant signifier que le personnage en question (non nommé) dort. L’association d’un mot unique avec un geste de pointage permet ici d’exprimer une relation prédicative complète (quelqu’un dort). |
19Dans la section qui suit, nous présentons tout d’abord les données obtenues à partir d’une analyse transversale du corpus complet (154 séances), puis les données issues de l’analyse longitudinale comparant les performances des 69 enfants ayant été filmés deux fois à six mois d’écart, et enfin l’analyse de régression multiple testant les relations entre les énoncés bimodaux et les énoncés verbaux.
Résultats
Résultats de l’étude transversale
20Les résultats suivants ont été obtenus à partir de la mise à plat de la totalité des séances filmées du corpus Parler bambin (154 séances incluant les prestations des enfants présents aux deux sessions) et de l’exploitation transversale des données à partir du regroupement des participants en quatre groupes d’âge : 18 mois à 23 mois, 24 mois à 29 mois, 30 mois à 35 mois, 36 mois à 42 mois (Batista, 2012).
21Ils montrent une remarquable évolution du répertoire langagier au fil de l’âge, avec une quantité d’actes communicationnels qui passe du simple au double quand on compare le groupe des plus jeunes (graphique 1) au groupe suivant (graphique 2), et qui augmente encore par la suite (figure 1, à gauche). Comme on pouvait s’y attendre, cette production plus abondante ne bénéficie qu’aux verbalisations, dont la part passe de 43 à 73 % tandis que les productions vocales et gestuelles diminuent de façon importante (de 26 à 11 % pour les premières, de 15 à 3 % pour les secondes). Seule la part des combinaisons bimodales reste stable et proche de 15 % (figure 1, à droite).
22Cette évolution affecte le contenu sémiotique des productions gestuelles et bimodales. Parmi les actes gestuels relevés dans le corpus, les pointages déictiques représentent la plupart des gestes isolés des enfants âgés de moins de 2 ans, mais leur proportion chute à 40 % chez les enfants les plus âgés. On note la même tendance pour les gestes composant les énoncés bimodaux (figure 2) : les combinaisons avec geste déictique représentent près de 80 % des énoncés bimodaux des plus jeunes (graphique 1), mais diminuent fortement jusqu’à n’en plus représenter que 35 % chez les plus âgés (graphique 4), et ce sont les gestes conventionnels-performatifs (gestes performant l’acquiescement et le refus) et représentationnels qui en profitent, les premiers croissant de 14 % à 41 %, les seconds de 8 % à 24 %. Ces observations rejoignent celles de Vallotton (2010) confirmant le déclin du recours à la deixis gestuelle au profit de la gestualité iconique pendant la deuxième année, et aussi celles de Cochet et Byrne (2016) qui montrent que parmi les meilleurs prédicteurs de la production linguistique au cours de la petite enfance on trouve la production d’emblèmes (hochements de tête et autres).
23À la diversification des ressources gestuelles vient s’ajouter l’évolution de la relation geste-parole, donc du contenu informationnel des énoncés bimodaux (figure 3) : on observe une division par deux de la part des combinaisons redondantes (qui passent de 41 % chez les plus jeunes à 19 % chez les plus âgés) au profit des combinaisons complémentaires (de 25 % à 33 %) et supplémentaires (de 34 % à 49 %).
24Ces évolutions sont concomitantes avec l’allongement des énoncés verbaux (figure 4, à gauche) : un résultat sans surprise et qui va de pair avec l’accroissement du vocabulaire, l’émergence de la syntaxe et l’apparition des morphèmes dans les productions de l’enfant. Résultat plus intéressant : cet allongement concerne également le message linguistique des énoncés bimodaux (figure 4, droite), lesquels se maintiennent avec l’âge. De plus, les deux formes semblent partager un destin commun puisque leur évolution est similaire (figure 4) : la part des énoncés verbaux et bimodaux à un mot (1M et 1MG) diminue dès le second groupe d’âge, celle des énoncés à deux mots (2M et 2MG) augmente significativement entre le premier et le second groupe d’âge avant de diminuer à son tour, quant à la part des énoncés longs (3M+ et 3M+G), elle continue à croître au fil de l’âge.
25En rapprochant ce pattern de l’évolution de la relation geste-parole, il apparaît que les combinaisons bimodales ont, au plan informationnel, presque toujours une longueur d’avance sur les verbalisations sans geste : chez les plus jeunes où les combinaisons pouvant exprimer deux informations distinctes (complémentaires ou supplémentaires) sont déjà en majorité, les énoncés <1M> sont les plus fréquents ; dans le groupe suivant, alors que la part des <2MG> et <3M+G> permettant d’exprimer au moins trois informations distinctes a augmenté de façon significative, la plupart des énoncés verbaux ne contiennent encore qu’un seul ou deux mots, et ainsi de suite. On peut donc faire l’hypothèse que même au-delà de 2 ans, l’enfant continue à combiner mot(s) et geste pour exprimer des intentions de communication qu’il ne parviendra à verbaliser qu’un peu plus tard. Si tel est le cas, cette hypothèse devrait se vérifier à partir de l’étude longitudinale des performances des 69 enfants ayant été testés deux fois à six mois d’écart.
Résultats de l’analyse longitudinale
26L’analyse des 138 séquences filmées a permis d’identifier 9 768 actes communicationnels produits par les enfants, dont 3 895 lors de la session 1 et 5 873 lors de la session 2. Chacun a été annoté soit comme un acte gestuel, soit comme un énoncé bimodal, soit comme un énoncé verbal (la présente analyse inclut l’énoncé paraverbal dans cette catégorie). Les énoncés verbaux sont produits de façon majoritaire aux deux sessions (figure 5), mais leur part augmente de 10 % aux dépens des productions gestuelles et bimodales, lesquelles représentent encore un tiers des productions à la session 2.
27L’examen du contenu linguistique des énoncés fait apparaître un allongement du message entre les deux sessions (résultat conforme à l’accroissement de la LME reporté dans le tableau 1) et confirme les résultats de l’analyse transversale : l’allongement vaut aussi bien pour les énoncés bimodaux que pour les énoncés verbaux, se manifeste par la diminution de la part des <1M> et <1MG> au profit de celle des <3M+> et <3M+G> (figure 6), et traduit une évolution similaire des deux emplois (avec ou sans geste) de la verbalisation, à ceci près que, comme nous l’avons signalé dans la section précédente, la combinaison bimodale est toujours potentiellement plus riche en informations que la verbalisation sans geste.
28L’examen de la relation geste-parole au sein des énoncés bimodaux vient confirmer et préciser le dernier point : alors que les <1MG> et <2MG> du corpus sont composés d’environ 40 % de combinaisons redondantes, tous les énoncés longs <3M+G> comportent un geste apportant une information complémentaire ou supplémentaire à la parole (figure 7). Comme pour la session 2, les <3M+G> représentent quatre combinaisons sur dix (figure 6, à droite), on peut en déduire que la plupart des combinaisons produites à 30 mois sont plus riches en informations que les énoncés sans gestes de longueur équivalente.
29Comme pour la session 2, les <3M+G> représentent quatre combinaisons sur dix (figure 6, à droite), on peut en déduire que la plupart des combinaisons produites à 30 mois sont plus riches en informations que les énoncés sans gestes de longueur équivalente.
30Au final, l’analyse du corpus aboutit à constater : la part grandissante des verbalisations dans le répertoire communicatif du jeune enfant ; un allongement du message linguistique, y compris dans les productions bimodales ; une évolution qualitative de ces dernières qui se chargent en informations (le geste est de moins en moins redondant par rapport au contenu linguistique) et en contenu sémiotique (le geste déictique cède peu à peu la place aux gestes conventionnels et représentationnels) ; une coévolution de la forme linguistique des énoncés bimodaux et des énoncés verbaux, les premiers surpassant les seconds en termes de contenu informationnel eu égard à l’adjonction d’un geste. L’effet d’annonce révélant un étayage de la production linguistique à partir de l’expressivité bimodale se manifeste-t-il dans cette étude incluant des conduites langagières d’enfants âgés de plus de 2 ans ? C’est l’hypothèse que nous testons de façon statistique dans la section suivante.
Résultats de l’analyse de régression
31Pour cette analyse, nous avons tout d’abord étudié l’ensemble des corrélations entre les verbalisations longues <3M+> d’une part et, d’autre part, les combinaisons <2MG> et <3M+G>. En l’absence de fortes corrélations avec les <3M+G>, cette variable a été fusionnée avec la variable <2MG> pour former une nouvelle catégorie, celle des combinaisons comportant deux mots et davantage : <2M+G>. Nous avons alors établi l’ensemble des corrélations entre les verbalisations longues et les énoncés bimodaux <2MG> et <2M+G>, auxquels ont été ajoutées deux sous-catégories qui semblent jouer un rôle clé dans les acquisitions linguistiques : les combinaisons non redondantes : <2MG>NR et <2M+G>NR, et les combinaisons avec geste conventionnel ou représentationnel, donc sans geste déictique : <2MG>nd et <2M+G>nd. Le tableau 2 propose la synthèse de cette analyse.
32L’analyse fait apparaître aux deux sessions de fortes corrélations entre les verbalisations longues et les combinaisons longues <2M+G>NR (r=0.786, r=0.494), <2M+G> considérés en totalité (r=0.335, r=0.392), et <2M+G>nd (r=0.549, r=0.280, avec une significativité moindre à la deuxième session). D’autres corrélations fortes apparaissent à la session 1 entre les verbalisations longues et les combinaisons à deux mots <2MG>NR (r=0.618) et <2MG> considérés en totalité (r=0.610), mais avec une perte de significativité à la session 2.
Tableau 2 – Synthèse de l’analyse des corrélations aux deux sessions
Variable dépendante | Prédicteurs | r, session 1 | r, session 2 |
<3M+> | <2M+G> total | 0.335** | 0.392*** |
<3M+> | <2M+G> NR | 0.786*** | 0.494*** |
<3M+> | <2M+G> nd | 0.549*** | 0.280 * |
<3M+> | <2MG> NR | 0.618*** | 0.282* |
<3M+> | <2MG> nd | 0.291* | 0.150 |
<3M+> | <2MG> total | 0.610*** | 0.255* |
33Suite à l’étude des corrélations, une analyse de régression multiple a été réalisée pour estimer le pourcentage de variance expliquée des verbalisations longues parmi ces différents prédicteurs. Les résultats montrent que les combinaisons longues non redondantes <2M+G>NR se révèlent être le meilleur prédicteur : t=10.41, p<.001 à la session 1 ; t=4.64, p<.001 à la session 2 (modèle 1 dans le tableau 3).
Tableau 3 – Résumé de l’analyse de régression à la session 12
Variable dépendante | Prédicteurs | Modèle | R2 | β | ES (β) | t | corr r2 |
<3M+> | <2M+G> NR | 1 | .61 | 3.84 | .036 | 10.41*** | .786*** |
<3M+> | <2M+G> total | 2 | .63 | .47 | .033 | 1.403 | .171 |
<2M+G> NR | 3.49 | .051 | 6.81*** | .646*** | |||
<2M+G> nd | .82 | 1.44 | 0.569 | .70 | |||
34Si l’on ajoute à l’analyse de régression (modèle 2) les autres combinaisons longues : <2M+G> total et <2M+G>nd, le pourcentage de variance R2 expliquée n’augmente que de 61 % à 63 % à la session 1 et passe de 24 % à 34 % à la session 2 (tableau 4).
35Ce résultat confirme que les combinaisons longues non redondantes restent le meilleur prédicteur des verbalisations longues : t=6.81, p<.001 à la session 1 ; t=3.50, p<.001 à la session 2. On peut toutefois noter que les combinaisons longues considérées en totalité s’avèrent être aussi un bon prédicteur des verbalisations longues à la session 2 (t=2.85, p<.001).
Tableau 4 – Résumé de l’analyse de régression à la session 23
Variable dépendante | Prédicteurs | Modèle | R2 | β | ES (β) | t | corr r2 |
<3M+> | <2M+G> NR | 1 | .24 | 1.33 | .028 | 4.64*** | .494*** |
<3M+> | <2M+G> total | 2 | .34 | 1.63 | .057 | 2.85** | .333** |
<2M+G> NR | 1.06 | .030 | 3.50*** | .399*** | |||
<2M+G> nd | 0.96 | 1.27 | 0.75 | .94 | |||
Discussion
36Les résultats présentés dans ce chapitre confirment, chez l’enfant francophone, l’ampleur des évolutions qui affectent les productions gestuelles, bimodales et verbales avant l’âge de 2 ans, montrent que les usages bimodaux se maintiennent par la suite et coévoluent avec la production verbale, et suggèrent que les combinaisons <mot + geste> continuent à étayer le développement du langage en production.
37Concernant les ressources gestuelles, le recours massif au geste de pointage avant 2 ans confirme ce qui fait la spécificité de la période préverbale : avec ses premiers mots, l’enfant quête et s’essaie à la dénomination des choses et des événements (pratique mise en relation avec l’expansion rapide du lexique et l’apparition des énoncés à deux mots dans la littérature). Pour que l’acte de dénomination soit complet, il faut l’accompagner d’un pointage, mais passée la période des énoncés à un mot, on peut se demander à quoi sert la diversification des ressources gestuelles. L’évolution des relations entre geste et parole permet de le comprendre : alors que le geste déictique cède la place aux gestes conventionnel et représentationnel, la part des combinaisons bimodales redondantes diminue de moitié au profit des combinaisons supplémentaires. Comment expliquer ces évolutions distinctes ?
38Si les combinaisons redondantes ne disparaissent pas complètement avec l’abandon de l’usage systématique de la dénomination, c’est parce qu’elles évoluent : l’enfant se met à utiliser les gestes du « oui » et du « non » tout en verbalisant l’assentiment et le refus (Guidetti, 2002, 2005). La relative stabilité des combinaisons complémentaires tient quant à elle à la nécessité permanente, dans les usages du langage en situation, du recours à la référence indexicale, quel que soit l’âge des interlocuteurs. Quant aux combinaisons supplémentaires, si les plus précoces mettent en jeu le pointage et permettent à l’enfant d’exprimer ses premières relations prédicatives (exemple 10), les productions bimodales ultérieures intègrent le geste conventionnel et le geste représentationnel, lesquels viennent ajouter des informations non codées au plan linguistique, que ce soit en termes de visée pragmatique de l’acte communicationnel (exemple 4 : la verbalisation sert à justifier le geste de négation) ou en termes de contenu référentiel (l’information gestuelle vient préciser l’information verbalisée en la contextualisant : exemple 5, ou en l’illustrant : exemple 6). D’après nos données, une combinaison sur deux à l’âge de 3 ans comporte un geste conventionnel ou représentationnel. Conjugué au fait qu’à cet âge une combinaison sur deux comporte un message linguistique long (3M+G) où le geste apporte une information distincte de la parole, l’ensemble suggère que dès 3 ans les conduites langagières de l’enfant tendent à se rapprocher, dans leur forme, des conduites bimodales observées chez l’adulte et décrites dans la littérature sur la gestualité coverbale (Calbris, 2011 ; Kendon, 2004).
39L’allongement du message linguistique des énoncés bimodaux constitue un résultat particulièrement important car non encore mis en lumière jusque-là. Il renforce l’idée que les combinaisons bimodales jouent encore un rôle important au-delà de la période des énoncés à un mot : non seulement elles subsistent à hauteur de 15 % dans les productions de l’enfant, mais leur poids informationnel s’accroît avec une information gestuelle de moins en moins redondante à un message linguistique de plus en plus consistant. Tout aussi important est le constat de la coévolution du contenu linguistique des énoncés bimodaux et des énoncés verbaux, avec la conséquence qu’à tout âge, les productions bimodales continuent à surpasser les verbalisations sans geste en termes de contenu informationnel. L’hypothèse qui en découle est que l’enfant âgé de 2 ans et plus continue à combiner geste et mot(s) pour exprimer des intentions de communication qu’il ne parviendra à verbaliser qu’un peu plus tard.
40En cherchant à la tester à partir des données longitudinales, nous avons d’abord constaté l’existence dans la session 1 de fortes corrélations entre les verbalisations longues et les combinaisons <2MG> et <2M+G>, en particulier lorsqu’il s’agit de combinaisons non redondantes ou de combinaisons avec geste non déictique. Mais dans la session 2, seules les corrélations avec les combinaisons longues <2M+G>NR et <2M+G> total conservent leur force. Comment expliquer ce phénomène ? Dans la session 1, la moyenne d’âge est de 25 mois et la LME est de 1,56 : pour certains participants la combinaison à deux mots permettant d’exprimer trois informations distinctes peut encore constituer un véritable tremplin vers la verbalisation d’énoncés longs. Six mois plus tard, la LME a gagné près d’un point (2,24) et les <2M+G> représentent désormais 60 % des énoncés bimodaux : la combinaison bimodale à deux mots ne constitue plus autant une ressource efficace pour l’apprenti locuteur.
41Dans le prolongement de l’étude des corrélations, l’analyse de régression a identifié le meilleur prédicteur de la production des verbalisations longues parmi les combinaisons longues : il s’agit des combinaisons non redondantes. Ce résultat est très intéressant, car non seulement il confirme l’importance des productions bimodales qui ajoutent une signification au sémantisme de l’énoncé dans l’évolution des habiletés linguistiques, mais il étend cette observation aux productions de l’enfant âgé de 2 ans et plus. Le modèle mis en évidence dans les études précédentes à propos de la période des énoncés à un mot peut être résumé comme suit : une expression bimodale du type <1 mot + geste NR> apparaît dans le répertoire de l’enfant avant la verbalisation <1 mot + 1 mot>. Ce que suggère la présente étude, c’est l’existence d’un schéma développemental générique où une expression bimodale du type <n mot(s) + geste NR> apparaît dans le répertoire de l’enfant avant la verbalisation correspondante <n + 1 mot>.
42Pour autant, le rôle joué par la bimodalité au cours de la période des énoncés à un mot reste-t-il inchangé par la suite ? Les productions bimodales de l’enfant âgé de moins de 2 ans lui sont nécessaires pour acquérir et fixer son premier lexique et exprimer des prédications simples qu’il ne parvient pas encore à verbaliser. Mais, au seuil de la troisième année, l’enfant dispose d’un lexique déjà conséquent lui permettant d’exprimer divers types de prédications, et le focus acquisitionnel se déplace vers d’autres dimensions de la langue. Nous en évoquerons deux.
43Il y a d’abord l’acquisition de la morphosyntaxe du nom et du verbe. En français, langue riche au plan de la morphologie nominale et verbale, l’émergence des formats syntaxiques du type déterminant + nom ou pronom + verbe est précoce (Bassano, 2000 ; Le Normand, Parisse & Cohen, 2008, Le Normand, Moreno-Torres, Parisse & Dellatolas, 2013 ; Veneziano & Sinclair, 2000, Veneziano & Parisse, 2018) et une étude de Le Normand (2018) auprès d’enfants âgés de 2 à 4 ans montre que les prépositions, les auxiliaires et les déterminants constituent des indices clés de leur apparition. On pourrait imaginer que les ressources bimodales jouent un rôle en la matière.
44Mais au cours de la troisième année, à la faveur du jeu symbolique, on voit aussi apparaître les premières tentatives d’enchaînement de deux (ou plus) prédications. Ainsi, dans la situation de jeu que nous avons observée (Batista, 2012), on voit les enfants plus âgés engager des scenarii ludiques en se servant des objets à disposition (par exemple sortir la voiture du garage, puis la rentrer ; faire manger le bébé, puis le mettre dans la poussette pour aller le promener) tout en verbalisant l’enchaînement des actions, ce qui aboutit à un chaînage des prédications. Les acquisitions en cours relèvent ici du niveau supra-syntaxique et l’enfant s’essaie à verbaliser des scripts (enchaînements d’actions prototypiques extraits de la vie courante) qui deviennent ensuite, par extension, l’antichambre de la narration (François, 1993). Il n’est pas impensable que les ressources bimodales puissent jouer un rôle dans la mise en place des habiletés (pré)narratives.
45Pour vérifier si la bimodalité sert l’une ou l’autre de ces acquisitions (ou les deux), il conviendra de mettre en relation le contenu linguistique et gestuel des énoncés bimodaux avec les caractéristiques des verbalisations longues, et aller au-delà de la prise en compte du seul indice de la longueur du message linguistique. C’est à cette condition que l’extension de l’hypothèse de la bimodalité comme tremplin et annonciatrice de futures acquisitions linguistiques pourra être validée chez l’enfant plus âgé.
46Pour terminer, ce chapitre comporte un présupposé en vertu duquel l’acquisition du langage en production se résoudrait à l’acquisition des moyens linguistiques (lexique, syntaxe) nécessaires à la communication correcte et complète des intentions communicatives telle qu’on peut l’observer chez le locuteur adulte. Cette vision fait fi des aspects multimodaux de la performance langagière en contexte et diffuse une conception très étroite de la gestualité où le geste ne serait qu’une ressource transitoire, utile pour les acquisitions linguistiques, et destinée à disparaître. Ce n’est en rien notre conception du développement du langage et l’on voit chez l’enfant, dès la troisième année, des usages pragmatiques de la bimodalité (avec utilisation des emblèmes) qui sont confondants dans leur ressemblance avec les usages des adultes. La question demeure de la transition entre une gestualité exprimant tout ou partie de l’intention communicative d’un locuteur encore peu habile à mettre des mots sur ses expériences à une gestualité qui, chez l’enfant plus âgé et l’adulte, vient structurer le discours, illustrer et enrichir le contenu propositionnel, préciser la valeur illocutoire de l’énoncé et, parfois, compenser les difficultés de l’énonciation, le tout en venant faire corps (au double sens du terme) avec le message linguistique. Bien d’autres observations seront nécessaires pour borner cette période transitoire même si, comme cela est illustré par notre exemple 6, l’usage coverbal standard de la gestualité représentationnelle s’observe dès 3 ans.
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Annexe
Notes de bas de page
1 Les données pour cette étude ont été collectées à la faveur du programme Parler Bambin (Zorman, Duyme, Kern, Le Normand, Lequette & Pouget, 2011), et l’équipe remercie les professionnels et les familles des crèches grenobloises associées à l’opération.
2 β : corrélation de l’analyse de régression ; ES erreur standard, corr r2 : corrélation partielle représentant le pourcentage de variance unique des verbalisations longues.
3 β : corrélation de l’analyse de régression ; ES erreur standard, corr r2 : corrélation partielle représentant le pourcentage de variance unique des verbalisations longues.
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Multimodalité du langage dans les interactions et l’acquisition
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Multimodalité du langage dans les interactions et l’acquisition
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