Chapitre 3 : Physiologie de la musique
p. 47-65
Texte intégral
1Le plus grand plaisir de Stendhal fut d’entendre du beau chant1. Et la musique d’opéra est au centre de toutes les recherches qu’il a faites sur les passions, sur la nature humaine. Il a livré en vrac, épars, comme à son habitude, les éléments d’une physiologie de l’expérience artistique qu’on a depuis longtemps essayé de rassembler2.
2S’il croit à la supériorité de l’opéra sur la symphonie, ce n’est pas en premier lieu pour des raisons esthétiques mais plutôt pour des raisons physiques ; seule le touche la voix humaine qui peut exprimer dans un beau chant des nuances de passion que la langue parlée est bien incapable de rendre ; la mélodie est le véritable langage du cœur, car elle suscite chez l’auditeur une rêverie qui l’aide à mieux connaître ses sentiments et le console des avanies de la vie quotidienne.
3Mais il est une autre raison encore : Stendhal a besoin d’un texte, d’un support, qui donne à son imagination un commencement de sens ; de là son goût pour les livrets d’opéra, qu’il trouve pourtant souvent médiocres et irritants, et sa révérence envers Métastase, le poète librettiste auquel il consacre tout un pan de son premier livre. De là aussi qu’il ait tenté d’écrire un texte, Il Forestiere in Italia, s’insérant avec ce scénario dans la lignée nombreuse des écrivains fascinés par une autre rhétorique, un art autre que celui des simples et seuls mots.
La musique et l’Idéologie
4Beyle écrivait, à son ami Louis Crozet, le 30 Septembre 1816 :
La connaissance de l’Homme… si l’on se met à la traiter comme une science exacte, fera de tels progrès qu’on verra aussi net qu’à travers un cristal comment la sculpture, la peinture, la musique touchent le cœur3.
Connaître l’homme, ses passions, ses mœurs, ses comportements, ses façons de penser, voilà ce qui formait le programme de ceux qu’on a appelés, au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, les Idéologues. Aujourd’hui on parlerait de « sciences sociales ». En tout cas, c’est dans cette perspective qu’il faut situer la psychologie et l’esthétique de Stendhal ; notre auteur s’est d’abord soucié de penser juste, d’analyser des idées, des phénomènes. Connaître l’homme ? Oui, pour en tirer les règles de l’action raisonnable mais surtout les recettes du bonheur, peut-être d’abord pour soi-même. Une forme d’intelligence mathématique, la haine de l’hypocrisie, un goût prononcé du détail et des caractéristiques, voilà qui prédisposait Beyle à l’Idéologie. C’est pourquoi il a écrit une idéologie de l’amour et une physiologie de l’art. Dans cette intention, il dresse un catalogue de ses émotions ; il cherche à appréhender le sentiment dans le cadre de définitions variées, en distinguant des phases et des types évolutifs. Toutefois s’il a assez bien réussi pour l’amour, Beyle s’est heurté à des obstacles plus sérieux pour la musique. L’idéologie de la musique restant, chez lui comme chez tant d’autres, à l’état de fragments, comme il le dit : « La musique attend son Lavoisier4».
5Par exemple, dans un domaine voisin, on connaît également ses incessants projets de comédie, ses recherches sur le rire : car s’interroger sur l’essence du comique, c’est entrer de plain-pied dans l’analyse des passions. Stendhal s’est voulu spontanément auteur comique, pourtant il n’a laissé qu’une idéologie du rire. Ainsi il distingue le rire ordinaire provoqué par un sentiment de supériorité, le rire de bonheur où la gaieté est folle et charmante, le rire aux larmes plus instinctif et libérateur, et enfin le buffo. Cette fois, nous voici à l’opéra !
6Si Stendhal aime tant l’opéra-bouffe, c’est qu’il y voit une folie musicale organisée, où l’imagination, ne butant sur aucun obstacle, se laisse porter dans un autre monde, plus pur et plus gai ; dans la comédie, les personnages nous font rire mais attristent aussi la partie tendre de notre âme, ils nous amusent dans la mesure où nous nous sentons non concernés, distincts d’eux ; au contraire, dans le buffo : « c’est la plus étonnante réunion de plaisirs. L’imagination et la tendresse sont actives à côté du rire le plus fou5 ». Cette combinaison des plaisirs, voilà l’idéal que Stendhal se donnait à lui-même :
Dès que j’aurai corrigé mon caractère mélancolique par mauvaise habitude et par engouement de Rousseau, j’en aurai, j’espère, un très aimable : la gaieté du meilleur goût, sur un fond très tendre6.
Pourtant cette gaieté, il ne la définit pas. Il est bien en peine de dire avec précision le comment et surtout le pourquoi des sensations qu’il éprouve en écoutant de la belle musique. L’expérience n’est pas véritablement décrite ; car l’extase musicale anéantit la clairvoyance ; l’exigence de lucidité achoppe en un domaine qui n’est pas de l’ordre du jugement et de la raison mais du sentiment et de la sensation. Chaque fois qu’il tente une définition, Stendhal est arrêté par une marge d’indétermination qui s’augmente encore si on veut l’expliquer : « On gâte des sentiments si tendres à les raconter en détail7. » Le seul remède, pour demeurer cohérent, est alors de sentir selon soi seul, au plus profond de soi-même, sans chercher l’approbation d’autrui.
7Qu’on y prenne garde toutefois : la « pensée musicale » de Stendhal vise, en dépit de son éparpillement, de son apparence fragmentée, à constituer un ensemble logique, conséquent et homogène, qui se développe à partir d’une vérité qu’il ne démontre cependant pas beaucoup ; la musique, et surtout le chant, donnent aux âmes sensibles un plaisir physique, parce qu’ils sont le langage du cœur et qu’en exprimant les passions, ils nous en consolent.
8Cette vérité beyliste, il faut maintenant l’évoquer un peu plus minutieusement.
Une expérience sensuelle
Il me semble que la musique diffère en cela de la peinture et des autres beaux-arts, que chez elle le plaisir physique, senti par le sens de l’ouïe, est plus dominant et plus de son essence que les jouissances intellectuelles. La base de la musique c’est ce plaisir physique8.
À la base du sentiment musical, il y a donc indubitablement la sensation. En cela, Stendhal se rattache directement aux opinions des philosophes français du XVIIIe siècle. La musique ne parle pas, ne veut pas parler à l’intellect ; elle s’adresse à cette partie sensible de l’âme que Platon appelait le thymos. Or le thymos participe à la fois du corps et de l’esprit : c’est pourquoi la musique, qui donne à l’auditeur un plaisir physique, peut donner en plus à l’âme des jouissances plus rares, d’un autre ordre. Comme disent les Italiens à propos de Mozart : « Qualche cosa di flebile et di soave quivi sospirava », au contraire « ces pièces françaises, remplies de beaux discours, m’endorment régulièrement9 ». La distinction, dans cette remarque du Journal, est nette et claire. Pour Stendhal comme pour ses héros la musique ne manque pas de faire naître des transports, des larmes, des frissons ; la sensation peut devenir si violente qu’elle en fait souffrir : « J’ai tellement senti hier les Nozze di Figaro, que j’en ai mal à la poitrine aujourd’hui10. »
De là vient qu’une sensation violente laisse peu de souvenirs maîtrisés ; plus on sent et moins on pense. L’émotion ne laisse subsister que quelques images fortes et abruptes sans signification rationnelle ; souvenons-nous de la soirée à Ivrée, si déterminante, où Carolina, l’héroïne du Matrimonio, avait une dent en moins sur le devant !
9De là vient aussi que les mouvements profonds de la sensibilité ne renaissent pas comme souvenirs passés, mais comme réalités permanentes : on revit, on re(s)-sent ; car la sensation parfaite ne laisse pas de souvenirs catégorisés, elle inspire seulement des lignes haletantes, à la diable :
Je fais, n’y voyant plus, de la musique avec mes doigts, et ma voix susurrante, sur la table ; je la sens jusqu’au fond du cœur, elle me fait frissonner, je me sens les yeux pleins de larmes11.
Ou encore :
Cela, expliqué en dix pages élégantes, serait compris de tous […]. J’en aurais le talent que je ne le ferais pas. Je ne désire pouvoir être compris que des gens nés pour la musique12.
De là encore d’apparentes contradictions qui s’expliquent par le caractère axiomatique des sensations musicales : « Après quoi joli concert chez Mme L… La musique y était médiocre mais on la sentait avec passion13. » Stendhal s’est d’ailleurs expliqué, dans les pages du Brulard consacrées à Mlle Kubly, sur ces équivalences surprenantes du bonheur passant parfois à travers des détours compliqués :
Un paysage […] où il y avait beaucoup de gomme-gutte fortifiée par du bistre […] que j’avais acheté chez M. Le Roy et que je copiais avec délices, me semblait absolument la même chose que le jeu de cet acteur comique qui me faisait rire de bon cœur quand Mlle Kubly n’était pas en scène ; s’il lui adressait la parole j’en étais attendri, enchanté. De là vient peut-être qu’encore aujourd’hui la même sensation m’est souvent donnée par un tableau ou par un morceau de musique. Que de fois j’ai trouvé cette identité dans le musée Brera à Milan (1814-1821)14 !
En tout cas, une telle expérience de la musique est rare et il y faut une sorte de préparation : par exemple une certaine qualité de l’atmosphère, une disposition spéciale de l’âme. Le demi-jour aussi, car le nerf optique et le nerf auditif ne peuvent vibrer en même temps : « Sauf les jours de fête, la Scala n’est éclairée que par les lumières de la rampe : on y est parfaitement à l’aise dans des loges obscures, qui sont de petits boudoirs15. » L’ombre, en protégeant du regard d’autrui, est propice au bonheur car l’âme se relâche alors, abandonne le masque ; l’obscurité la délivre et la rend à elle-même. C’est pourquoi Stendhal dit souvent qu’à l’opéra il sent son âme : « Dégagés du soin de paraître aimables, n’ayant plus de rôle à jouer, nous pouvons nous laisser aller à la musique16. »
Il faut aussi une certaine modération de la température, sans laquelle l’auditeur est mal dans son corps et ne peut se laisser emporter par la musique : Stendhal aime la fraîcheur des soirées italiennes qui rend heureux tous les êtres vivants ; l’heure où l’on va au spectacle est la plus agréable de la journée. Enfin, il faut de l’isolement ; dans la Vie de Rossini Stendhal fait sienne la théorie de Cotugno, médecin napolitain :
Pour trouver des sensations délicieuses en musique, il faut être isolé de tout autre corps humain… Pour avoir des plaisirs parfaits, il faut être en quelque sorte isolé comme pour les expériences électriques, et qu’il y ait au moins un intervalle d’un pied entre vous et le corps humain le plus voisin. La chaleur animale d’un corps étranger me semble fatale au plaisir musical17.
Stendhal hésite parfois devant ces détails qui pourraient paraître un peu vulgaires. Il arrive qu’on ne goûte pas le bonheur d’entendre un beau chant ; alors on cherche une belle raison métaphysique ; voyons ! C’est tout simplement qu’on étouffait dans la salle, qu’on y était mal à l’aise, que le public était mal disposé. Un bon public peut faire oublier la médiocrité des orchestres et des chœurs ; un mauvais public empêche de goûter une belle musique. Par exemple, à Paris, c’est l’esprit qui approuve ; les applaudissements sont sans chaleur, car on a toujours peur de défendre quelque chose de médiocre ; la vanité empêche le plaisir, et les grands chanteurs italiens, quand ils viennent à Paris, paraissent moins bons qu’à Milan ou à Naples. En Italie, au contraire, c’est l’âme qui ressent un grand plaisir et donne libre cours à la spontanéité : « Les chanteurs que vous trouverez médiocres ici, seront électrisés par un public sensible et capable d’enthousiasme. » Finalement, chanteurs et spectateurs s’excitent mutuellement, ils « s’oublient pour n’être sensibles qu’à la beauté d’un finale de Cimarosa18 ».
10À ceux qui sont tournés naturellement vers les réalités bien concrètes, qui ne songent qu’à leur fortune ou à leurs intérêts, à ceux-là la musique ne dit rien. Car elle ne touche que les âmes sensibles. Or, on naît sensible, on ne le devient pas : « Pour avoir de vifs plaisirs par la musique il faut absolument cette disposition tendre et presque mélancolique19. » Et la vraie manière de goûter un beau chant, c’est de l’entendre et d’en jouir, non de le déchiffrer, ni de l’apprendre comme un automate. Point besoin pour cela d’être grand seigneur ou vrai savant, même les brebis des bords du lac Majeur sont sensibles au son de la flûte. Stendhal ajoute, non sans justesse :
Il y a peut-être plus d’amour pour la musique dans vingt de ces gueux insouciants de Naples, appelés lazzaroni, qui chantent le soir le long de la rive de Chiaja, que dans tout le public élégant qui se réunit le dimanche au Conservatoire de la rue Bergère. Pourquoi s’en fâcher ? Depuis quand est-on orgueilleux des qualités purement physiques20 ?
La belle musique va droit au cœur sans passer par l’esprit ; elle procure une jouissance immédiate, exempte d’affectation ou de vanité. De là ces remarques fréquentes de Stendhal contre les pédants et sa tranquille assurance d’amateur ; le pédant connaît les notes, mais elles ne représentent rien pour lui car il ne les sent pas ; il aime la musique parce qu’elle est bien faite, non pour ce qu’elle exprime. L’amateur au contraire ne connaît rien aux notes, mais la musique lui parle, avec force et clarté.
Expressivité et imagination
Quelle preuve avez-vous que votre goût vaille mieux que celui du président Dupaty ? aucune. Je ne puis certifier qu’une chose, c’est que j’écris ce que je pense. Il se trouve peut-être en Europe huit ou dix personnes pour penser comme moi. J’aime ces personnes sans les connaître. Je sens qu’elles pourraient me donner des plaisirs vifs. Quant aux autres, sous le rapport des arts, j’ai pour elles le mépris le plus senti, je ne désire que de les oublier21.
Les âmes sensibles ne sont autres que ces happy few, cette aristocratie que Stendhal aime sans connaître, qu’il prévoit pourtant et qu’il souhaite, pour qu’elle lise un jour ses œuvres. Ceux-là, la musique les touche car ils y trouvent un reflet des passions qui les agitent : « La bonne musique me fait rêver avec délices à ce qui occupe mon cœur22. » Stendhal insiste souvent sur cette idée : la bonne musique, en favorisant la rêverie, apporte une aide efficace à nos pensées ; l’âme, libérée du monde extérieur, progresse sans efforts et organise ses mouvements selon un ordre propre, qui n’est ni l’ordre du discours, ni l’ordre des raisons. Cet ordre autre est celui de l’imagination : « Si je perdais toute imagination je perdrais peut-être en même temps mon goût pour la musique23. »
La musique ne se propose pas l’expression des idées, elle s’adresse directement à l’imagination, sans passer par l’intermédiaire des facultés représentatives ; elle parle un langage compréhensible pour chacun, sans nécessiter l’intervention de concepts. Mais l’effet qu’elle produit dépend du contenu de notre imagination, c’est-à-dire de notre vie intérieure, variable selon chaque auditeur : « Sur cinquante personnes qui écoutent avec plaisir la même symphonie, il y a à parier que pas deux d’entre elles ne sont émues par la même image24. » Stendhal joue sur les deux sens du mot : il voit dans l’imagination, non seulement la faculté de rêver et de former des images, mais aussi une forme subjective de connaissance, procédant par intuitions et non par concepts : « La musique me plaît-elle comme signe, comme souvenir du bonheur de la jeunesse ou par ellemême25 ? » Si l’âme est passionnée, la belle musique l’invite à songer à la passion qui l’occupe, elle en suscite les images, au premier ou au deuxième degré, au point de devenir la passion elle-même : « Si l’on prononce un mot italien de Don Juan, sur-le-champ le souvenir tendre de la musique me revient et s’empare de moi26. » C’est pourquoi la musique, tout en étant le plus vague des beaux-arts, est néanmoins très fortement et spontanément expressive.
11Peut-être que l’intelligence lucide, raisonneuse n’y trouve pas son compte27, on irait pourtant trop loin en affirmant que la musique est dénuée du moindre pouvoir de suggestion :
J’ai souvent pensé que l’effet des symphonies de Haydn et de Mozart s’augmenterait beaucoup si on les jouait dans l’orchestre d’un théâtre, et si, pendant leur durée, des décorations excellentes et analogues à la pensée principale des différents morceaux se succédaient sur le théâtre […] en Allemagne on est dans l’usage de figurer des tableaux connus28.
Complétant les analyses des philosophes des Lumières, Stendhal distingue, dans la lettre XVIII de la Vie de Haydn, plusieurs genres d’imitation : l’imitation physique, celle que l’on trouve au début des Noces de Figaro de Mozart, quand Figaro et Suzanne font « Tin-tin… Don-don » pour rendre le bruit de la sonnette du comte Almaviva ; ou bien dans Don Juan, la peur de Leporello comiquement traduite par des onomatopées imitant le pas lourd du Commandeur « Ta-ta-ta-ta ». Stendhal a peu de goût pour cette imitation-là, trop directe et trop précise, elle ennuie vite l’auditeur, parce que son imagination n’est pas mise en mouvement29. C’est encore l’imitation physique qui inspire à Haydn la tempête des Saisons ou l’accord dissonant initial de La Création représentant le chaos.
12Et puis il y a l’imitation sentimentale. Cette dernière n’est permise qu’au chant. Si Stendhal aime tant la mélodie, c’est qu’elle est l’image de la vie psychologique, un devenir continu qui exprime une conscience frémissante :
Les points d’orgue et autres ornements qu’invente l’âme émue du chanteur, peignent admirablement (ou pour dire vrai, reproduisent dans votre âme) ces petits moments de repos délicieux que l’on rencontre dans les vraies passions. Pendant ces courts instants, l’âme de l’être passionné se détaille les plaisirs ou les peines que vient de lui montrer le pas en avant fait par son esprit30.
De cela il s’ensuit que la mélodie l’emporte sur l’harmonie ; et ce, pour trois raisons : elle est d’abord une forme temporelle, qui peut aisément s’accorder avec cette durée qui est nous-mêmes, au lieu que l’harmonie nous oblige à nous transcender pour rejoindre l’intemporalité de sa forme ; car la mélodie est pure expression, alors que l’harmonie est savoir. La mélodie reste le bien propre et inaliénable de l’individu ou du peuple qui la découvre. Ce sont ces qualités propres de la mélodie qui permettent à Stendhal d’esquisser une géographie de la sensibilité musicale31. En second lieu, comme elle est l’expression immédiate d’une conscience, la mélodie est plus qu’une pensée ; elle ne peut faire l’objet d’aucun enseignement, elle est le jaillissement du génie :
Montrez un beau tableau à un sot, il n’éprouvera rien de très agréable, parce que la jouissance que donne la vue d’un beau tableau vient presque toute de l’esprit… Faites entendre au contraire à votre sot un bel air bien chanté, il donnera peut-être quelques signes de plaisir, tandis qu’un air mal chanté lui fera quelque peine32.
En troisième lieu s’impose la présence de la voix ; dans le chant, la voix humaine conserve à l’émotion une texture charnelle ; elle peut librement la traduire ; une belle voix peut suivre les nuances les moins perceptibles de l’émotion en s’altérant, en se voilant, en changeant soudain de registre :
Quel homme, se séparant d’une maîtresse chérie, ne lui répète souvent : Adieu, adieu ! C’est le même mot dont il se sert ; mais quel est l’être assez malheureux pour ne pas se souvenir qu’à chaque fois ce nom est prononcé d’une manière différente ? C’est que, dans ces instants de peine et de bonheur la situation du cœur change à chaque seconde. Il est tout simple que nos langues vulgaires, qui ne sont qu’une suite de signes convenus pour exprimer des choses généralement connues, n’aient point de signes pour exprimer de tels mouvements que vingt personnes peut-être, sur mille ont éprouvés33.
La musique est donc le langage qui sait exprimer l’infiniment petit, le fugace, la grâce, le trouble des sentiments, surtout à l’état naissant. C’est pour cette raison que Stendhal goûtait particulièrement Les Noces de Figaro : « un chef-d’œuvre de pure tendresse et de mélancolie34 ». Dans l’opéra mozartien, il retient et cite souvent le premier air de Chérubin : « Non so piu cosa son, cosa facio35 », car dans cet air Mozart traduit les soupirs et les troubles de l’éveil à l’amour à l’aide du rythme et des inflexions de la voix humaine qui suit un chromatisme en demi-tons. De même, les petits doutes de l’amour heureux et les moments de délices qui suivent les réconciliations se reconnaissent dans le quartetto de Bianca e Faliero de Rossini36. La musique peut suggérer toutes les formes du désespoir mélancolique ; par exemple il y a la réplique d’Ottavio dans Don Juan (I, 3) : « Lascia o cara! la rimembranza amara37 » ; le désespoir impétueux dans l’air de Cimarosa : « Senti, indegna ! Io ti volea sposar, e ti trovo innamorata38. » La transposition musicale fonctionne même si on ne comprend pas les paroles ; l’auditeur sent que l’air exprime une volonté déterminée, ce qu’indique encore la tonalité du morceau.
13En pareil cas, les paroles sont un peu utiles, car elles servent à indiquer à l’imagination des auditeurs le genre d’images qu’il doit se figurer ; c’est encore une raison qui établit la supériorité de la musique chantée sur la musique instrumentale. Les paroles délimitent le chant et lui donnent son sens général ; sans elles, la musique serait un langage obscur, réservé à la jouissance d’un petit nombre de savants techniciens. La musique traduit les paroles autant que les paroles soutiennent la musique ; il existe entre elles un échange constant, qui permet à la musique d’osciller entre l’expression claire et la suggestion vague. C’est cet échange qui donne à la mélodie son étonnant pouvoir :
L’air « Deh signor ! » de Paolino ne peint pas précisément le malheur de se voir enlever sa maîtresse par un grand seigneur, mais il peint une tristesse profonde et tendre. Les paroles particularisant cette tendresse, dessinent les contours du tableau, et la réunion des paroles et de la musique, à jamais inséparables dans nos cœurs dès que nous les avons entendues une fois, forme la peinture la plus vive qu’il ait été donné à l’homme passionné de tracer de ses sentiments39.
Stendhal était infiniment sensible à cette espèce de résurrection, d’autant qu’à l’opéra, il n’écoutait souvent que les grands airs, en les appréciant encore plus voluptueusement quand ils étaient mis en scène dans de beaux décors40.
14Enfin, le jeu des acteurs, lorsqu’ils avaient du génie, par exemple chez Madame Pasta, offrait aux spectateurs un moyen supplémentaire d’expression qui soutenait encore mieux le chant41.
15L’opéra comporte donc plusieurs niveaux qui s’interpénètrent, plusieurs langages qui se renforcent mutuellement ; la mélodie seule n’aurait pas toujours suffi à faire approcher Stendhal du bonheur parfait : s’il aimait à entendre chanter des mélodies italiennes par Elena Vigano ou Caroline Ungher, il préférait malgré tout l’opéra, donné selon les usages de la Scala.
La musique comme langage
16La musique est un langage, avec des lois et une grammaire propres, qui ont la particularité d’être à la fois précises et vagues, car ce langage musical rend la nuance, et les mille vibrations qui affectent le cœur à chaque seconde. La musique traduit à merveille les sentiments implicites, au bord de l’aveu. C’est pourquoi elle est si proche, si congénitale de l’amour.
17Autour de ce principe, sur cette base, Stendhal rassemble ses idées sur la syntaxe propre à la musique : « Une composition musicale est un discours qui se fait avec des sons42. » D’abord la musique est incapable de « parler vite », elle peut peindre toutes les passions, même les nuances de passion les plus fugitives, mais ce qu’elle peint, elle ne peut le montrer à moitié. Donc elle a besoin de temps, elle « dure », s’étire et s’insinue. Ensuite, la musique ne peut pas fixer à demi notre imagination sur une nuance de passion ; elle indiquera une ligne générale, un ordre de passion sans pouvoir détailler, même avec la ressource de paroles chantées, les mille et un aspects de la jalousie par exemple. La seule ressource propre à la musique est de démentir, éventuellement, par un accompagnement, le sens littéral d’un texte ou une situation donnée :
Un sot fera un récit pompeux et faux d’un prétendu combat dans lequel il s’est couvert de gloire ; le chant est de bonne foi et nous peint sa valeur, mais l’accompagnement se moque de lui. Cimarosa a fait vingt chefs-d’œuvre sur des données de cette espèce43.
Stendhal perçoit nettement à quel point la musique est maladroite pour rendre les « bonheurs de vanité » qui fournissent les pièces « extrêmement piquantes », l’esprit à la Beaumarchais ; est-ce compatible avec la musique d’un Mozart ? Pas forcément, car le vrai mouvement de la musique est « celui des nocturnes44 », c’est-à-dire la rêverie amoureuse, la mélancolie, la tendresse émerveillée45.
18La musique est bien réellement le langage du cœur. Après la révélation vespérale d’Ivrée, Stendhal pouvait écrire à Pauline : « La musique me plut en exprimant l’amour46. » Suite à cette mémorable soirée, l’opéra en question, notre homme l’aura vu peut-être plus de cent fois, mais dès le début il comprend que la musique a principalement un pouvoir mémoriel, rétrospectif. Ainsi cet ouvrage le fait songer à Victorine Mounier, quand il l’entend à Paris en 1804-1805. Il sent la musique quand il est heureux ou malheureux en amour ; inversement la belle musique l’incite aux plaisirs d’amour, comme par exemple à la soirée du duc de Rovigo, le 27 novembre 1810 : « Mon cœur ému […] boit avec avidité ces sons délicieux47. » Nombreux sont les textes où notre auteur parle de l’amour en musicien et de la musique en amoureux. Si l’amour et la musique vont de pair dans son esprit, c’est que bien plus que les autres arts, ils ont entre eux de troublantes ressemblances. C’est un relativisme sensualiste qui fonde le dilettantisme stendhalien. La musique et l’amour sont deux rêveries, deux chants intérieurs qui s’adressent à l’âme ; les sensations de toute musique sublime nous abreuvent d’un merveilleux élixir aux multiples vertus :
Je viens d’éprouver ce soir que la musique, quand elle est parfaite, met le cœur dans la même situation où il se trouve quand il jouit de la présence de ce qu’il aime ; c’est-à-dire qu’elle donne le bonheur apparemment le plus vif qui existe sur cette terre48.
La raison en est que l’amour et la musique ont le même stimulant : l’imagination. Un beau chant évoque des images, des possibles, tout comme la cristallisation idéalise l’objet aimé. Qu’est-ce que la cristallisation sinon une opération de l’imagination qui attribue à un être toutes les qualités possibles ? Dans une page fort curieuse de la Vie de Haydn, Stendhal paraphrase les Affinités électives de Goethe pour décrire la cristallisation musicale : le musicien accroche et dévide dans l’âme des spectateurs le fil d’or des sentiments ; chaque spectateur possède une bobine de ce fil, plus ou moins pleine selon la richesse de sa vie intérieure :
Il faut que l’enchanteur Mozart accroche par ses sons magiques, le bout de ce fil ; alors le possesseur de la bobine commence à sentir : il sent pendant que se dévide le fil d’or qui est sur sa bobine ; mais aussi il n’a le sentiment que le compositeur veut mettre en lui qu’autant de temps que dure ce fil précieux : dès que le musicien peint un degré d’émotion que le spectateur n’a jamais éprouvé, crac ! Il n’y a plus de fil d’or sur la bobine, et ce spectateur-là s’ennuiera bientôt. Ce sont les souvenirs d’une âme passionnée qui garnissent plus ou moins la bobine. À quoi tout le talent de Mozart lui sert-il, s’il a affaire à des bobines qui ne soient pas garnies49 ?
Notre âme, écoutant de la belle musique, est comme le rameau qui a séjourné dans les mines de sel de Salzbourg, « garni d’une infinité de diamants mobiles et éblouissants50 ». La musique lui donne la force du génie, elle l’enrichit :
La musique est une peinture tendre […]. Comme la tendresse lui est inhérente elle la porte partout, et c’est par cette fausseté que le tableau du monde qu’elle présente ravit les âmes tendres et déplaît tant aux autres51.
Voilà pourquoi la musique est, de tous les arts, celui qui est le plus profond : elle prend sa source à un point d’émotion où elle rencontre le plus sublime des sentiments : l’amour52. Dans tout art authentique, il y a de la musique ; Stendhal compare Raphaël à Mozart, Haydn au Tintoret ; le Corrège, peintre préféré de Beyle, évoque pour lui des airs de Cimarosa ; il l’aime parce qu’il a : « rapproché la peinture de la musique53 ».
19La prétendue fausseté, le « vague » de la musique n’existent que pour la raison des raisonneurs ; pour le cœur, la musique est comme un cristal qui exprime les sentiments avec force et clarté. La musique est donc une peinture privilégiée de l’amour. Elle joue le rôle d’un révélateur, parce qu’elle procure plaisir ou peine et que l’homme ne prend connaissance de lui-même que lorsqu’il vit et souffre. Nous tenons ici la pierre angulaire sur quoi se fonderont quasiment tous les romans stendhaliens :
L’amour italien n’a encore été peint, que je sache, dans aucun roman, et de là vient que cette nation n’a pas de roman. Mais elle a Cimarosa qui, dans le langage du pays, a peint l’amour supérieurement […]. L’amour italien est vif, énergique ; l’amour allemand est au contraire triste et pensif : C’est comme une maîtresse sérieuse et souvent triste, mais qu’on aime davantage, précisément à cause de sa tristesse54.
20À présent nous comprenons mieux les raisons les plus profondes du bonheur d’être à l’opéra :
Mozart est toujours sûr d’emporter avec lui, dans le tourbillon de son génie, les âmes tendres et rêveuses, et de les forcer à s’occuper d’images touchantes et tristes. Quelquefois la force de la musique est telle que l’image présente restant fort indistincte, l’âme se sent tout d’un coup inondée de mélancolie55.
Dans la rêverie les contraires se fondent ; l’âme est emportée sans heurts par un flux de sentiments et d’images qui la rend à elle-même. La rêverie est en quelque sorte un liant, un fluide qui abolit le présent et le passé, les oppositions trop marquées ; l’âme n’est plus écartelée entre ce qu’elle désire et ce qu’elle est. Comme elle est l’union des contraires, cette rêverie permet d’accéder au bonheur parfait, c’est-à-dire quelque chose d’à peine esquissé, balançant entre le doux extrême et la rêverie nostalgique :
Vous serez attendri, vous serez prêt à pleurer sur votre sort ; vous serez regrettant, et ce sont les regrets qui manquent au malheureux… La bonne musique ne se trompe pas, et va droit au fond de l’âme chercher le chagrin qui nous dévore56.
Malheur de l’Idéologie ?
21Au total la musique laisse des impressions bien difficiles à décrire ; le bonheur ne se raconte pas. On se rappelle les derniers mots du Brulard : « On gâte des sentiments si tendres à les raconter en détail57. »
22Notre idéologue revient bien souvent à cette idée, sur les limites de l’Idéologie, quand elle s’attaque à l’expérience musicale. C’est ce qui nous rend notre auteur si attachant, mais sa physiologie de la musique pèche aussi quelque peu par la base. Non seulement le lecteur des Vies et des œuvres intimes est frappé par le nombre finalement réduit d’évocations de ces moments de bonheur à l’Opéra mais, de plus, l’auteur se contente le plus souvent d’allusions discrètes, dont les effets sur la création romanesque seront particulièrement difficiles à investiguer :
C’est une partie de ma conscience intime écrite, et ce qui en vaut le mieux ; ce qui a été senti aux sons de la musique de Mozart, en lisant Le Tasse, en étant réveillé par un orgue des rues, en donnant le bras à ma maîtresse du moment, ne s’y trouve pas. Ainsi, je vous en prie, à deux genoux, ne vous moquez pas de moi58.
L’idéologue déclare forfait ? Quel malheur ! Car si on ne les note pas, comment se souvenir de ces moments de bonheur ? Stendhal préférait user d’épithètes vagues, d’allusions qui laissent le souvenir intact, qui permettent de l’imaginer, et donc de le revivre. Les adjectifs qu’il emploie sont le plus souvent d’une étonnante banalité : des mots comme « charmant », « délicieux », « sublime », « divin » reparaissent sans arrêt ; mais ils n’ont d’autre but que d’indiquer une tonalité du sentiment. Le sentiment luimême reste inentamé, inentamable. Et le vocabulaire est imprécis59. Par exemple, Stendhal oppose le sublime et le tendre mais il attribue ces qualités au Corrège aussi bien qu’à Mozart ! La belle musique « l’enflamme », le « ravit », « l’enlève », cependant la peinture agit de même ! Et les peintres, en dépit qu’ils en aient, n’ont pas de correspondants musicaux exacts : Mozart est tantôt comparé à Raphaël, tantôt au Dominiquin, tantôt au Corrège60. La meilleure approche est donc la manière indirecte, l’angle oblique ; à défaut d’analyse évidente, radicale, Stendhal recourt à la métaphore, à la comparaison d’art. L’Histoire de la peinture en Italie est riche de ces évocations polyvalentes. Il s’agit en principe de qualifier le style de tel ou tel peintre, mais Stendhal n’y parvient qu’en recourant à des exemples musicaux ; réciproquement, le bonheur musical n’a pas de meilleur équivalent que l’effet produit par certains tableaux :
Rappelez-vous le nocturne de Ser Marc Antonio. C’est ce que savaient bien les Hasse, les Vinci, les Faustina et les Mingoti61.
Qu’est-ce qu’être artiste, se demande Stendhal en songeant à Giorgione, à Raphaël, aux deux Corrège ? Il répond : c’est avoir l’âme de Mozart62, mais quelle est donc l’âme de Mozart ? Les romans nous le feront sentir, pas les fragments de cette Idéologie visant trop haut. Il se trouve que Beyle ajoute encore : être artiste consiste à imiter tel trait de comportement de Sacchini… On s’y perd. Ou bien encore, notre psychologue s’interroge : Qu’est-ce que plaire ? Cette fois la réponse est carrément sibylline, même dans son élégance élitiste : dans la peinture, au théâtre, plaire consiste à « rappeler l’idée de cette neige piétinée, aux hommes qui en ont une vue confuse63 ». N’affirme-t-il pas encore : « La musique est une peinture tendre64 » ? Déconcertante Idéologie, qui avoue ses propres apories. Systématiquement un art renvoie à un autre ; plus exactement, tout grand peintre, comme tout grand musicien, ne nous émeut que par le rapport le plus fin qu’il puisse nouer avec l’amour, avec la tendresse et la mélancolie. Le goût des arts, la sensibilité reposent sur ce postulat nommé par Stendhal la règle de « l’intérêt et [de] la sympathie65 ».
23Le vrai mérite de la physiologie artistique et musicale de Stendhal réside dans ces « correspondances » perpétuellement remarquées entre les beaux-arts. Il sent, le premier peut-être, l’analogie des sons et des couleurs : la flûte le fait penser au bleu outremer des draperies dans les tableaux de Carlo Dolci66. Cette espèce de manie des parallèles entre peintres et musiciens était, certes, un trait d’époque. Mais Beyle l’emploie de façon primesautière, d’autant plus excitante, peut-être. Il est difficile de démontrer que Haydn est le Tintoret de la musique ; il est bien vrai que Mozart a des « qualités tendres », des « perfections modestes » à la Raphaël67 ; inversement une Vierge du peintre d’Urbino évoque avec justesse la céleste pureté du duetto « la ci darem la mano » ; pareillement Cimarosa a la divinité et la douceur du Corrège68. On a tenté de chercher l’origine de ces parallèles et la source des références choisies. On les trouve déjà dans Burney, qui estimait, par exemple, que Gluck était le Michel-Ange de la musique. On les trouve dans la lettre LXI de l’Oberman de Senancour. Et ils sont un des couplets obligés des divers cours de belles-lettres de l’époque69. Stendhal avait donc des souvenirs mais surtout l’avantage de savoir les reprendre en frappant quelques bonnes formules, comme celle-ci : « Il n’y a pas de chant, par conséquent pas de plaisir pour l’oreille, par conséquent pas de musique70. »
En fait, il faut considérer le problème de plus haut, de plus loin : par suite d’expériences éminemment personnelles, vécues dans les théâtres d’une bonne partie de l’Europe, Beyle a cru reconnaître une mélodie dans les peintures du Corrège et, inversement, dans la musique de Mozart « une maîtresse sérieuse et souvent triste71 ». Mais c’est très vite qu’il a compris les limites du processus. Et aussi le côté très subjectif de ses émotions musicales :
Il paraît que l’homme est moins sensible aux plaisirs donnés par une belle réunion de couleurs, qu’à ceux qui proviennent d’une suite d’accents sonores et brillants. Sans cela la peinture serait un art bien autrement puissant72.
C’est donc à juste titre que, finalement, Stendhal se refuse à raconter ses émotions musicales, qu’il utilise des termes vagues, des digressions, des comparaisons, en particulier picturales, pour fixer ses souvenirs. En définitive, l’Idéologie prétendue s’est révèlée incapable de fixer l’idée de la musique clairement et distinctement ; la physiologie demeure lacunaire et non rigoureuse. Mais si ces moyens purement conceptuels sont incertains, ne vont-ils pas aider malgré tout le romancier en son métier poétique plus tardif ? Et ne vont-ils pas à présent faire basculer notre homme vers le journalisme et la critique ?
Notes de bas de page
1 Sur la spécificité psychologique de Stendhal révélée par la musique, voir Les Arts et les dieux, ouvr. cité, p. 786-799.
2 Voir H. Delacroix, La Psychologie de Stendhal, Paris, Alcan, 1918, Albin ; E. Beau, Das Verhälthis Stendhals zur Musik, Diss.Hamburg, 1930 (BNU, Strasbourg, CD.173.492) ; Wolfgang Drost , « Des principes de la critique d’art du romancier Stendhal » (dans L’Année Stendhalienne 5/2006) et Explorations stendhaliennes, ouvr. cité.
3 Correspondance, ouvr. cité, I, p. 824.
4 Vies de Haydn, Mozart et Métastase, ouvr. cité, p. 46, note 1.
5 Histoire de la peinture, O.C., II, ouvr. cité, p. 172.
6 Journal, O.I., I, ouvr. cité, p. 315.
7 Vie de Henry Brulard, t II, O.I., ouvr. cité, p. 959.
8 Vies de Haydn, Mozart et Métastase, ouvr. cité, p. 86.
9 Journal, O.I., I, ouvr. cité, p. 589.
10 Ibid., 9 octobre 1810, p. 634.
11 Ibid., 21 mars 1805, p. 283.
12 Promenades dans Rome, ouvr. cité, p. 633.
13 Ibid.
14 Vie de Henry Brulard, t II, O.I., ouvr. cité, chap. XXIV, p. 763.
15 Vies de Haydn, Mozart et Métastase, ouvr. cité, p. 244.
16 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 109.
17 Vie de Rossini, ouvr. cité, p. 364.
18 Vies de Haydn, Mozart et Métastase, ouvr. cité, p. 236.
19 Journal, O.I., I, ouvr. cité, p. 654.
20 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 63.
21 Journal, O.I., I, ouvr. cité, p. 789.
22 Vie de Henry Brulard, t II, O.I., ouvr. cité, chap. XXXVII, p. 891.
23 Journal, O.I., I, ouvr. cité, 31.VIII.1811, p. 724.
24 Vies de Haydn, Mozart et Métastase, ouvr. cité, p. 74.
25 Vie de Henry Brulard, t I, O.I., ouvr. cité, p. 890.
26 Ibid.
27 Promenades dans Rome, ouvr. cité, p. 23 : « Depuis Mozart et Haydn, tandis que le chant peint une passion, des traits de l’orchestre peignent d’autres nuances de sentiment […]. Mais, jusqu’ici, malgré cette découverte, la musique ne peut peindre l’esprit. »
28 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 74-75.
29 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 74 : « Encore moins la musique peut-elle peindre tous les objets de la nature ; les instruments ont la rapidité du mouvement ; mais aussi, n’ayant point de paroles, ils ne peuvent rien préciser. »
30 Promenades dans Rome, ouvr. cité, p. 633.
31 Ibid., p. 645.
32 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 86.
33 Lettres sur Métastase, lettre I, Esquier (éd.), p. 218.
34 Vie de Mozart, ouvr. cité, p. 199.
35 Ibid., p. 198.
36 Vie de Henry Brulard, O.I., ouvr. cité, p. 386.
37 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 73.
38 Ibid.
39 Ibid., p. 119.
40 Voir Vie de Rossini, ouvr. cité, fin du chap. XLIV.
41 Voir Vie de Rossini, ouvr. cité, chap. XXXV, « Madame Pasta ».
42 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 72.
43 Vie de Rossini, ouvr. cité, p. 520.
44 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 74.
45 Ibid., p. 121.
46 Correspondance, ouvr. cité, I, p. 515.
47 Journal, O.I., I, ouvr. cité, p. 636.
48 Stendhal, De l’Amour, Martineau (éd.), Paris, Garnier, 1959, chap. XVI, p. 39.
49 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 120-121.
50 De l’Amour, ouvr. cité, chap. II, p. 9.
51 Promenades dans Rome, ouvr. cité, p. 127.
52 Voir Béatrice Didier , « Une peinture tendre : la musique d’après l’Histoire de la peinture », dans Henri Beyle, un écrivain méconnu (1797-1814), M. Arrous, F. Claudon, M. Crouzet (éds.), Paris, Kimé, 2007, p. 19 et suiv.
53 Histoire de la peinture, O.C., II, ouvr. cité, p. 364.
54 Vie de Rossini, ouvr. cité, p. 375.
55 Ibid., p. 376.
56 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 109.
57 Vie de Henry Brulard, t I, II, O.I., ouvr. cité, p. 959.
58 Journal, O.I., I, ouvr. cité, 9 mai 1810, p. 579.
59 Voir Michel Crouzet, Stendhal : la politique, l’éros, l’esthétique, Mont-de-Marsan, Eurédit, 2003), p. 418 : « Stendhal si respectueux des limites entre les arts (et les genres aussi) a néanmoins pratiqué une analogie musique-roman. »
60 Mozart comparé à Corneille : dans Voyages en Italie p. 296 ; Cimarosa au Corrège : ibid., p. 390 ; Mozart et Raphaël : ibid., p. 607, 635, 633 ; Mozart et Corrège : ibid. p. 885 ; Haydn comparé successivement au Tintoret : Vie de Haydn, ouvr. cité, lettre XX, p. 142, puis à Michel-Ange : Histoire de la peinture I, O.C. ouvr. cité, vol. 26, p. 352 ; la Vie de Haydn établit même (p. 142) un tableau de correspondances entre les peintres et les musiciens.
61 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 74.
62 Voir Histoire de la peinture, O.C., I, ouvr. cité, tout le chap. XXXIV.
63 Ibid., II, p. 51. Le contexte est exactement le suivant : le peintre et le poète dramatique, pour représenter les passions, doivent les trouver dans leur propre cœur : « Tout homme qui n’a pas éprouvé les folies de l’amour n’a pas plus d’idée des anxiétés mortelles qui brisent le cœur », qu’on n’aurait par une simple description la sensation exacte « de cette neige piétinée par un animal dont les pieds seraient ronds ».
64 Ibid., II, chap. CII : « L’intérêt et la sympathie », p. 172, note 1.
65 Ibid.
66 Vie de Rossini, ouvr. cité, p. 392.
67 Ibid., p. 377.
68 Ibid., p. 378.
69 Les éditrices des Journaux et papiers introduisant au Cours de Belles-Lettres de Dubois-Fontanelle annoté par Beyle parlent, fort justement, de « glose paraphrastique » (ouvr. cité, p. 471). Ce Cours de Dubois-Fontanelle évoque, bien sûr, l’opéra, ses plaisirs, ses contraintes (« De l’Opéra », éd. citée p. 548 et suiv.) mais pas différemment de ce que l’on trouve déjà chez Voltaire ou l’abbé Dubos. Stendhal bouleversera tout cela.
70 Vie de Haydn, ouvr. cité, p. 122.
71 Vie de Rossini, ouvr. cité, p. 376.
72 Écoles italiennes de peinture II, Le Divan, Martineau (éd.), p. 8 et 10.
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