La danse et la culture « rythmique » comme moyens d’action sur le travailleur autour de 1900
p. 65-78
Texte intégral
1Sur un plan pédagogique, le « mouvement du rythme » tel qu’il s’est développé en Allemagne dans les trois premières décennies du XXe siècle peut être considéré comme un mouvement d’opposition au sport et à son culte de la performance chiffrable1. Tandis que les Jeux Olympiques, ressuscités sous l’impulsion de Pierre de Coubertin (1863-1937) à partir de 1896, marquent entre autres l’avènement du sport-spectacle2 et que le Turnen allemand voit exploser le nombre de ses adeptes, plusieurs systèmes de gymnastique alternatifs, reliés de près ou de loin aux diverses tendances de la Lebensreform3 (végétarisme, nudisme, médecines naturelles, etc.) critiquent la domination d’une culture physique fondée sur la crispation des muscles et la production de records, auxquels ils opposent un idéal de formes corporelles harmonieuses et d’équilibre entre les facultés humaines. Sensiblement à la même époque, le père de l’anthroposophie Rudolf Steiner (1861-1925) fustige les tendances « matérialistes » du sport, qui apprendrait à l’homme à se sentir bien dans son corps physique et bloquerait ainsi tout progrès spirituel4. Les disciples du néo-vitaliste Ludwig Klages (1872-1956) voient quant à eux dans toute activité physique axée sur la volonté un danger pour la cohésion naturelle de toute forme vivante, et dans la surexcitation de la jeunesse un véritable fléau du monde moderne. Pour ces gymnastes, danseurs et pédagogues à la recherche d’une alternative éducative et sociale, le « rythme », quelle que soit la façon dont il est défini, apparaît comme un cri de ralliement susceptible d’être opposé non seulement aux tendances réprouvées à l’intérieur de la culture physique, mais aussi à toutes les évolutions néfastes de la civilisation européenne.
Un mouvement antimatérialiste qui n’a guère su mobiliser la classe ouvrière
2Dans ces discours « antisportifs », tenus essentiellement par des représentants de la « bourgeoisie de culture » (enseignants, pasteurs, journalistes, avocats, fonctionnaires de rang supérieur), on distingue sans peine les traces d’un malaise de la classe cultivée qui, se sentant menacée de déclassement social par le triomphe de la bourgeoisie d’affaires, des ingénieurs et des techniciens, tend désespérément à vouloir combattre le primat du matérialisme et des logiques marchandes et à remettre à l’honneur les valeurs dont les « clercs » (au sens de Gebildete) se sentent les garants, à savoir l’imagination, la créativité, l’harmonie et le développement des forces vives de l’individu5.
3D’après les chiffres donnés par la minutieuse étude de l’historien du sport Bernd Wedemeyer-Kolwe sur le projet de façonner par la culture physique un « homme nouveau », les ouvriers, s’ils sont de plus en plus massivement présents dans les clubs de football, d’athlétisme ou bien de gymnastique traditionnelle, ne semblent guère avoir joué de rôle à l’intérieur du « mouvement du rythme »6. Avant 1914, les cours de gymnastique rythmique sont suivis par un public essentiellement féminin et aisé, ce qui conduit par exemple le publiciste Ferdinand Avenarius (1856-1923) à ironiser ouvertement dans sa revue Kunstwart sur l’influence que sont susceptibles d’avoir des instituts comme l’école Duncan sur l’ensemble de la société allemande7. De même, les cours d’Émile Jaques-Dalcroze (1865-1950) furent essentiellement suivis par des intellectuels favorables aux réformes éducatives ainsi qu’un certain nombre de personnes d’origine noble8. Dans les années 1920, malgré la multiplication spectaculaire du nombre des écoles, plus de 90 % des membres du DGB (Deutscher Gymnastikbund) restent des femmes qui étaient majoritairement employées de bureau, vendeuses, aides-soignantes ou bien femmes au foyer ; en partie en raison du coût de la formation, les ouvriers n’étaient guère représentés9.
4Cependant, si l’on s’intéresse au projet des gymnastes et des danseurs tel qu’ils l’ont exprimé dans leurs nombreux ouvrages théoriques, il apparaît clairement que l’ouvrier avait une place de choix dans leur critique de la civilisation comme dans leurs utopies sociales. Outils par excellence d’éducation des foules et éléments disciplinants et créateurs de cohésion, le rythme et la danse étaient tout particulièrement censés avoir une influence positive sur des prolétaires jugés agressifs et dangereux pour la cohésion du corps social. Pour des raisons de commodité et compte tenu du caractère représentatif de leurs positions, le présent article se concentrera sur les discours de trois illustres représentants de ce mouvement : Émile Jaques-Dalcroze, Rudolf Bode (1881-1970) et Rudolf von Laban (1879-1958) qu’il convient, dans un premier temps, de présenter très brièvement.
Du solfège corporel à la danse expressionniste
5Compositeur et pédagogue suisse, Émile Jaques-Dalcroze est considéré comme le père de la rythmique, méthode pédagogique visant à transposer (avec précision et sans délai) les rythmes de la partition musicale en mouvements des membres et, par la même, à créer chez l’élève des automatismes et à préparer le corps tout entier au jeu instrumental10. Persuadé que l’« éducation au rythme » est amenée à devenir une « éducation par le rythme », capable d’assouplir les tempéraments et de rendre les individus parfaitement maîtres de leurs capacités11, Dalcroze s’éloignera peu à peu du conservatoire de Genève, où il a commencé sa carrière de pédagogue, pour finalement accepter l’invitation de Wolf Dohrn (1878-1914), à venir installer un institut de rythmique dans la cité-jardin de Dresde-Hellerau, laquelle devenait ainsi porteuse (selon le projet de Dohrn) d’une véritable mission civilisatrice12. Malgré le retentissement international de son travail en Allemagne, Dalcroze devra quitter définitivement Hellerau suite aux attaques suscitées par sa signature d’une lettre ouverte de protestation contre le bombardement de la cathédrale de Reims en 191413. Il conserva néanmoins en Allemagne de nombreux adeptes et fut à l’origine de la carrière de danseurs de rang international. Disciple du pédagogue genevois puis féroce adversaire de son système qu’il a accusé d’aggraver la « mécanisation » des individus14, Rudolf Bode fonde quant à lui sa méthode sur la philosophie du néo-vitaliste Ludwig Klages, pour qui le rythme, principe cosmique de l’éternel renouvellement, est profondément mis à mal par les injonctions répétées de l’esprit et de la volonté15. Bode, qui déclare placer son travail pédagogique non pas au service de l’homme mais de la vie et du rythme supposés être au-dessus de lui16, s’engagera dès les années 20 dans le parti national-socialiste et sera, sous le IIIe Reich, chargé de la mise au pas des écoles de danse avant de tomber, à partir de 1938, dans les disgrâces d’Alfred Rosenberg (1893- 1946) et de Joseph Goebbels (1897-1945)17.
6Enfin, Rudolf von Laban, principal maître à penser de la danse expressionniste allemande, anime entre 1913 et 1919 des cours d’été dans la colonie alternative et végétarienne du Monte Verità à Ascona (Suisse)18, qui furent entre autres suivis par ses compagnes et disciples Mary Wigman (1886-1973) et Suzanne Perrottet (1889-1983), avant de fonder un important réseau d’écoles de danse dans les années 20 ; il est également l’auteur d’un système de notation du mouvement (appelé cinétographie) encore utilisé par de nombreux chorégraphes. Après une période de compromission avec le régime nazi et la préparation du spectacle d’ouverture des Jeux Olympiques de 193619, il fuit à Manchester puis à Londres, où il continuera à être très actif jusqu’à sa mort en 1958.
Entre peur de l’ouvrier et dénonciation des injustices dont il est victime
7Si les trois principaux théoriciens du « mouvement du rythme » n’ont guère eu d’influence sur la classe ouvrière, celle-ci occupe néanmoins une place significative dans leur critique de la civilisation. S’intéressant peu aux revenus et aux conditions de vie matérielles des travailleurs, ils soulignent toutefois régulièrement les mauvais traitements que les propriétaires d’usines leur font subir au nom de l’accroissement de la productivité et de la rentabilité ; et ils formulent des propositions pour améliorer l’ergonomie du travail et modifier la perception que l’ouvrier en a.
8Le travail à la machine est avant tout vu par les gymnastes comme une source de souffrance mais aussi de déshumanisation progressive. Alors que l’outil, simple perfectionnement d’un organe donné, demeure dépendant du rythme naturel des mouvements humains, l’engrenage mécanique introduit, d’après Bode, des forces qui ont perdu toute proportion avec les capacités de l’homme20. Sur le plan qualitatif, les mouvements que le travailleur doit produire, ponctués de points morts et suivant des « voies mortes déterminées à l’avance »21, sont dénués de tout caractère organique. L’homme qui est soumis à un tel régime court, à long terme, le risque de ne plus être capable de se mouvoir de façon rythmique et naturelle, ce qui équivaudrait à un dépérissement de l’âme. La machine, nous dit également Laban, « connaît au moins son rythme, alors que ces travailleurs ont perdu tout sens du rythme. L’homme rythmique, l’homme de mouvement en eux – est mort »22.
9Rudolf Laban entretient pour sa part la nostalgie d’une époque où le travail était non pas un sacrifice mais quelque chose de sacré. Autrefois, le travailleur était intimement lié à son œuvre, dont la réalisation exigeait un échange vivant entre son corps, son esprit et son âme. Il puisait dans l’organisation rythmique du travail de la joie, qu’il exprimait le plus souvent en chantant ; et l’objet qu’il avait fabriqué, et dans lequel il pouvait se reconnaître, était pour lui source de satisfaction. Le résultat du travail à la machine est, quant à lui, une série de produits impersonnels, identiques les uns aux autres, qui ne portent plus la marque individuelle du travailleur et dont celui-ci n’a donc plus lieu d’être fier. Jadis unis, l’art et la technique suivent désormais des chemins différents : tandis que le premier tend à perdre tout lien avec la réalité23, la seconde se met entièrement au service de la productivité et donc du profit matériel d’une classe privilégiée. Ainsi dévalorisé, le travail ne laisse plus de place à l’expression de l’individualité ni à la joie ; il est devenu, selon l’expression de Karl Bücher (1847-1930), économiste ayant beaucoup influencé Wolf Dohrn, mais également Dalcroze et Laban, « un sérieux devoir et souvent une douloureuse abnégation »24. Face à cette triste réalité, Laban va jusqu’à contester l’emploi du terme de « travail » dans un tel contexte : « Tourner un levier ou une vis d’un air morne, sans vie, sans joie, empli d’aversion, sans connaître la finalité de cette tâche, pour le danseur, ce n’est pas du travail. Ce type d’activité est une corvée, c’est de l’esclavage, car tout mouvement, tout combat et toute vie en sont partis »25.
10Il s’ensuit une accusation des classes dirigeantes : les « prêtres » et les « gens au pouvoir », qui savent que la machine est le garant d’un ordre injuste qui les maintient en position de force, ne font selon Laban que mentir au peuple lorsqu’ils prétendent que toute peine, quelle qu’elle soit, est source de plénitude. La réduction du temps de travail qu’ils présentent aux ouvriers comme un des bienfaits de l’automatisation, n’est qu’un leurre pour leur faire accepter leur esclavage ; car, en réalité, seule la joie procurée par le « vrai » travail est capable de rendre celui-ci plus court. Et en ce sens, le danseur invite également à se détourner des objets ainsi fabriqués, car ils sont eux-mêmes vecteurs de souffrance et de déshumanisation26.
11Soucieux de montrer le revers de la productivité accrue, Bode explique de surcroît que, lorsqu’un élève de Frederick Winslow Taylor (1856-1915) reçut pour mission de rationaliser le travail des dames chargées de contrôler des boules d’acier produites, les résultats furent certes impressionnants, mais on se rendit aussi compte de l’injustice que l’application de tels principes pouvait engendrer : « Taylor dit lui-même que de nombreuses jeunes filles parmi les plus intelligentes, les plus sérieuses et les plus honnêtes furent renvoyées parce qu’elles n’avaient pas une faculté de perception assez rapide et tardaient à prendre des décisions. Nous avons ici une machinerie dans laquelle ce ne sont même pas des êtres humains entiers qui servent d’éléments constitutifs, mais uniquement certaines qualités. Seule l’aptitude à être utilisé à une fin précise sert de principe de sélection, peu importe si l’individu concerné est par ailleurs un instable et un bon à rien ou si c’est quelqu’un de sérieux et travailleur »27.
12Sachant qu’un ouvrier créatif et scrupuleux aura plus de difficultés à s’intégrer à un tel système qu’un individu médiocre et superficiel, et qu’il risquera d’être renvoyé s’il ne s’adapte pas très vite à ces nouvelles exigences, le gymnaste voit se profiler dans cette évolution la menace d’une sélection par la médiocrité, qui pourrait s’étendre à d’autres domaines de la vie sociale et dont les conséquences à long terme seraient catastrophiques.
13Par-delà le triomphe du quantitatif et l’évaluation des individus selon des critères purement utilitaires, Bode dénonce l’avènement d’un autre principe cruellement opposé à la vie et dont l’ouvrier est à la fois la victime et le principal représentant : l’atomisation. Si, à notre époque, les hommes admirent la machine parce que, souveraine, celle-ci semble fonctionner sans lien avec ce qui l’entoure, c’est uniquement parce qu’ils oublient qu’en cela précisément, elle s’oppose aux lois du vivant. Alors que tout organisme végétal ou animal est lié à la totalité de la nature, l’esprit (le Geist de Klages, force fondamentalement improductive, parasitaire et même destructrice28), qui trouve dans la machine son expression la plus parfaite, cherche à rompre cet ensemble et ne laisse derrière lui que des atomes inertes. L’ouvrier, réduit dans le domaine professionnel à une facette infime de sa personnalité et, au bout du compte, déshumanisé par les conditions de travail qu’on lui impose, pourrait, si l’on n’y prend garde, devenir un vecteur d’atomisation et menacer de faire exploser le corps social.
14La meilleure preuve de la dangerosité des travailleurs soumis à ces mauvais traitements serait, d’après Bode, la revendication d’égalité du prolétaire social-démocrate, résultat de l’influence néfaste de la machine, car seule celle-ci est à même de produire des éléments parfaitement égaux et identiques. Le communisme, phénomène menaçant conçu comme une « doctrine du nivellement », n’est pour Bode, de même que le capitalisme, rien d’autre qu’un pur produit de l’intellect, qui partout remplace « la cohérence rythmique de la nature » par « la juxtaposition de parties égales, vidées de leur individualité et détachées du tout »29. Tout comme la criminalité, la destruction de la nature et le désir de profit, la revendication d’égalité procède aux yeux du gymnaste du déracinement général qui est en train de conduire la civilisation occidentale à la déroute.
Une culture rythmique pour guérir l’ouvrier et recréer la cohésion sociale
15Une fois mis en perspective par rapport à cette position ambiguë à l’égard de l’ouvrier et à la peur de la révolution prolétarienne, caractéristiques d’une part importante de la bourgeoisie cultivée autour de 1900, les « laboratoires rythmologiques » que sont l’institut de Dresde-Hellerau, l’école Bode de Munich et la colonie d’Ascona apparaissent comme des tentatives d’expérimenter à plus ou moins grande échelle une culture susceptible de régénérer l’ouvrier, de réduire son agressivité tout en garantissant une joyeuse cohésion sociale à l’intérieur de laquelle chacun resterait à sa place.
16Concernant Hellerau, deux éléments constitutifs du projet permettent d’étayer cette suspicion : la fascination de Wolf Dohrn pour la théorie de l’économiste Karl Bücher sur les bienfaits du travail rythmique dans les sociétés primitives30 et le discours de Dalcroze et de son partenaire à Hellerau le metteur en scène Adolphe Appia (1862-1928) sur la reprise du projet d’œuvre d’art totale de Wagner (1813-1883). Sous l’influence de la lecture de Bücher, Dohrn voit le rythme comme une force mystérieuse capable de rassembler les efforts des hommes et de leur enseigner le « travail joyeux31 ». Ce principe remis à l’honneur par la rythmique Jaques-Dalcroze est en même temps vu comme un moyen efficace de discipliner les groupes, d’empêcher leur dispersion et de leur redonner au moment voulu « du cœur à l’ouvrage ». Une fois réactivé, il améliore naturellement les conditions de travail ainsi que son rendement, mais surtout la perception que le travailleur en a ; ce dernier s’en retrouverait ainsi apaisé et donc moins enclin à se révolter contre sa condition. À cet égard, l’allusion faite par Dohrn au moment de l’inauguration de l’Institut de rythmique à son utilisation dans le cadre de méthodes militaires semble pouvoir confirmer cette interprétation. « Seuls les militaires, en bons psychologues des masses, n’ont jamais oublié quel pouvoir vivifiant et disciplinant le rythme exerce : quand toutes les forces semblent s’amoindrir, quand la dissolution est imminente, alors la musique retentit et la troupe retrouve vie et fermeté »32.
17De même, l’éloge fait de l’artisanat dans cette cité construite autour de la manufacture de meubles des Ateliers allemands [Deutsche Werkstätte] dirigés par Karl Schmidt (1873-1948), qui est pratiquement une constante du discours de la bourgeoisie cultivée à cette époque, s’explique de façon analogue : par opposition au prolétaire dégénéré voire arythmique, fondamentalement matérialiste, rendu agressif par l’injuste traitement que lui inflige la bourgeoisie d’argent, et représentant donc un danger pour la société, l’artisan équilibré et enraciné dans une tradition apparaît comme un agent de réconciliation sociale.33 Heinrich Tessenow (1876-1950), l’architecte de l’institut, souligne d’ailleurs son aptitude à « comprendre et assembler non seulement les contraires matériels mais aussi humains et notamment sociaux »34, tandis que Wolf Dohrn perçoit la cause de cette attitude profondément pacifique dans la rythmicité de son labeur quotidien : « c’est cet ordre extérieur qui [est] la condition de son équilibre intérieur. »35 En créant les conditions matérielles et culturelles d’un « embourgeoisement » de l’ouvrier (au sens positif du terme), en le faisant revenir à des conditions de travail proches de l’artisanat, et en le soumettant à une éducation rythmique lui inculquant la discipline, le goût de l’effort collectif et la nécessité de s’intégrer dans un ensemble humain, les élites de Hellerau tentent de réduire sa nocivité, tout en maintenant une forme de hiérarchie « naturelle » fondée sur les valeurs de l’instruction et de la culture.
18Par ailleurs, la tentative de souder entre eux les habitants de la cité tout en assurant l’hégémonie des clercs supposée « légitime » s’exprime par la reprise du projet wagnérien d’une « œuvre d’art totale », conçue à la fois comme un aboutissement de l’art, un retour à ses origines, et comme le meilleur des remèdes à la fragmentation du corps social. Persuadés qu’il n’avait manqué à Richard Wagner que le rythme pour aboutir à une synthèse satisfaisante, Émile Jaques-Dalcroze et Adolphe Appia visent à étendre aux groupes humains les bienfaits de la rythmique sur les individus et à transformer ainsi la communauté de Hellerau elle-même en une « œuvre d’art totale »36, c’est-à-dire une construction harmonieuse, vivante, cohérente, structurée, joyeuse et fraternelle, qui s’imposera naturellement comme le modèle d’une « troisième voie » entre capitalisme et communisme. Les corps mus rythmiquement et réunis sous la forme d’un chœur parfaitement coordonné deviennent à la fois la métaphore de la société nouvelle que l’on cherche à bâtir et le lieu de la réalisation de cet idéal37.
19À la fois élève et adversaire de Dalcroze, Bode partageait avec lui une certaine volonté d’agir sur le corps social et d’avoir une influence apaisante sur l’ouvrier. Mais contrairement aux chœurs rythmiques des fêtes scolaires de Hellerau, les élèves qui s’adonnent à la gymnastique Bode sont supposés ne pas être entraînés à une coordination quasi mécanique de leurs mouvements guidés par le rythme de la musique. Cette dernière, en stimulant le rythme vital de chaque individu, doit selon Bode réunir les masses à un niveau subliminal et quasi métaphysique, tout en préservant la liberté individuelle de chacun. En effet, la masse qui vibre de façon unitaire au gré du rythme résiste d’après lui collectivement aux injonctions métriques venant de l’extérieur ; les forces vitales engourdissent la conscience, l’irrationnel prend le dessus, et chacun se sent emporté avec les autres par la danse du cosmos. « [E]n définitive, tout rythme est un événement de masse. Plus il y a de masse à vibrer dans le rythme, plus la surface de contact avec le rythme cosmique de la vie est grande, et moins il est possible de forcer cet élan de masse à se mettre au service de l’intellect métrique, c’est-à-dire de l’intellect qui mesure (…). »38.
20Contrairement à ce que l’on a l’habitude d’appeler le « phénomène de masse », ce n’est pas l’uniformisation qui triomphe à l’intérieur d’une telle foule. Plus le nombre de participants est grand, plus il sera, au contraire, facile à chacun de retrouver son propre rythme. Forts de la résistance collective aux forces rationnelles, les élèves bénéficient d’une mystérieuse interaction entre chaque individu et la totalité organique qu’ils forment ensemble ; chacun reçoit de cette osmose son individualité propre, de la même façon que les vagues de la mer sont façonnées une à une par la totalité de l’océan. Telle serait d’ailleurs, selon le gymnaste, l’explication de l’importance du chœur dans la tragédie grecque : le nombre impressionnant des choristes lui permettait d’être à la fois « structuré de façon métrique » et « mû par le rythme »39 ; le frémissement à la fois individuel et collectif des âmes et le réveil des forces irrationnelles en faisait une magnifique expérience de communion et d’intégration à une totalité organique de rang supérieur. Fort de cette expérience fusionnelle, l’ouvrier qui réclame la liberté et l’égalité abandonnera tout naturellement ces revendications jugées contre-nature par le gymnaste, pour s’intégrer de son plein gré dans la communauté reconstituée.
21Enfin, le projet, élaboré par Rudolf Laban, d’une communauté de travail et de fête40 témoigne également de la volonté d’agir sur la cohésion sociale et en particulier de réduire l’agressivité des ouvriers par la pratique de la danse et les bienfaits du rythme. Pour redonner aux prolétaires la volonté de travailler, le danseur suggère en quelque sorte d’inverser le mécanisme décrit par Karl Bücher dans son ouvrage Travail et rythme. Selon l’économiste, le rythme provenait de l’organisation du travail primitif : en libérant l’esprit et l’imagination par l’automatisation des mouvements, celui-ci avait donné naissance, par l’intermédiaire du chant de travail, aux différentes formes de création artistique qui ont progressivement acquis leur indépendance. Laban propose quant à lui de refaire cette évolution mais à rebours, c’est-à-dire d’éduquer l’homme moderne à la danse et au rythme, afin que celui-ci réintègre le quotidien, et en particulier le travail, et que toute la vie de la communauté redevienne pour lui « une fête ». « [D]ans la fête, l’individu, le groupe et l’ensemble [de la communauté sont] initiés au rythme fondamental et structurant de la vie culturelle, et ils sont incités et motivés à s’enthousiasmer pour cet ordre. Sous la forme du « sens du danseur », la vibration de la force rythmique et structurante de la fête se transpose sur le rythme quotidien et y provoque la réalisation de l’idéal culturel en tant que discernement, joie de vivre et de travailler »41.
22Face à l’échec dénoncé des classes dirigeantes, qui, dans le seul souci de leur propre intérêt, ont mis à mal la cohésion du corps social et laissé se dégrader les conditions de vie et de travail des ouvriers, Rudolf Laban présente le danseur comme le seul capable de secourir la société, d’éduquer la classe ouvrière et d’apaiser les conflits de classe. Doué d’un sens remarquable de la mesure et de la synthèse, celui-ci saura éduquer les individus et réorganiser la vie communautaire, de façon à réveiller chez l’homme les forces qui remettront de la structure et de la joie dans son existence et l’aideront à dépasser ses conflits. Il rétablira le lien qui unissait autrefois la fête et le travail, de sorte que ce dernier s’accomplira à nouveau dans la solidarité et procurera à tous plaisir et épanouissement.
23Dans leur réalisation, les projets du « mouvement du rythme » qui viennent d’être abordés ne peuvent guère être comptés parmi les manifestations d’une culture ouvrière, dans la mesure où ses inspirateurs comme ses adeptes étaient majoritairement issus de milieux aisés. Ils n’en ont pas moins constitué une tentative d’agir en douceur sur l’ouvrier par des projets de type culturel qui devaient permettre de réintégrer des prolétaires jugés dangereux et agressifs dans une communauté plus solidaire et plus fraternelle, dont le « chœur rythmique » à la fois joyeux et ordonné était le modèle. En se faisant les avocats des travailleurs face aux propriétaires d’usines et en proposant des solutions pour inculquer à nouveau le goût du travail aux ouvriers et rétablir la cohésion de la nation, danseurs et gymnastes, issus d’une bourgeoisie de culture qui se sent menacée de décrochage, tentent avant tout de se profiler comme médecins naturels du corps social et comme leaders d’un nouvel ordre qui mettrait définitivement fin à toute menace révolutionnaire. Illusoires mais pas anodins, ces projets laissaient transparaître la frustration mais aussi l’ambition de personnages qui, pour certains, n’hésiteront pas à s’allier dans les années 30 au régime national-socialiste, dont les plans n’apparaîtront pas nécessairement comme incompatibles avec leurs rêves de troisième voie42.
Notes de bas de page
1 Pour une présentation succincte de l’histoire de ce mouvement, lire : Helmut Günther, « Historische Grundlinien der deutschen Rhythmusbewegung », in Gertrud Bünner et al., Grundlagen und Methoden rhythmischer Erziehung, Stuttgart, Klett, 1971, p. 33-73. Pour une présentation plus détaillée, voir : Olivier Hanse, À l’école du rythme…, Saint-Étienne, PUSE, 2010.
2 Cf. Jacques Dugast, La vie culturelle en Europe au tournant des XIXe et XXe siècles, Paris, PUF, 2001, p. 101-104.
3 Wolfgang R. Krabbe propose une typologie tout à fait éclairante des ramifications de ce mouvement dans idem, « Die Lebensreformbewegung », in Kai Buchholz et al., Die Lebensreform. Entwürfe zur Neugestaltung von Leben und Kunst um 1900, vol. 1, Darmstadt, Häusser, 2001, p. 25-29.
4 Cf. Rudolf Steiner, « Von der Wiederkunft des Menschen – Turnen, Tanz und Sport » (Dornach, 30/5/1923), in idem, Rhythmen im Kosmos und im Menschenwesen, Dornach, Rudolf Steiner Nachlaßverwaltung, 1992, p. 27-33.
5 Cf. Klaus Vondung, « Zur Lage der Gebildeten der wilhelminischen Zeit », in idem et al., Das wilhelminische Bildungsbürgertum. Zur Sozialgeschichte seiner Ideen, Göttingen, Vandenhoek & Ruprecht, 1976, p. 20-33.
6 Cf. Bernd Wedemeyer-Kolwe, « Der neue Mensch. Körperkultur im Kaiserreich und in der Weimarer Republik », Würzburg, Königshausen & Neumann, 2004, p. 33 sq.
7 Cf. ibid., p. 41 sq. L’école fondée par la danseuse Isadora Duncan (1877-1927) et sa sœur Elizabeth (1871-1948) a régulièrement déménagé : Berlin Grunewald, Darmstadt, Salzburg et enfin Munich. Sur l’histoire de cette école, lire : Hedwig Müller, « Unser Tanz besteht wirklich nur aus der Schönheit der herrlichen Natur… Anna Duncans Werdegang in der Duncan-Schule 1905-1914 », in Frank-Manuel Peter (éd.), Isadora & Elizabeth Duncan in Deutschland, Köln, Wienand, 2000, p. 89-121.
8 Cf. Bernd Wedemeyer-Kolwe, op. cit., p. 42.
9 Cf. ibid., p. 58.
10 Sur la question des bienfaits de l’automatisme, lire : Émile Jaques-Dalcroze, « La rythmique, le solfège et l’improvisation » (1914), in idem, Le rythme, la musique et l’éducation, Lausanne, Foetisch, 1965, p. 58-60.
11 Cf. Émile Jaques-Dalcroze, « L’école, la musique et la joie » (1915), in ibid., p. 88 sq.
12 Sur l’invitation de Dohrn, lire : Alfred Berchtold, Émile Jaques-Dalcroze et son temps, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2000, p. 104-110.
13 Cf. ibid., p. 141-146.
14 Au sujet de la contestation du système de Dalcroze par Bode, lire : Rudolf Bode, Der Rhythmus und seine Bedeutung für die Erziehung, Jena, Diederichs, 1920, p. 3-5.
15 Cf. Ludwig Klages, La nature du rythme [Traduction et présentation de Olivier Hanse], Paris, L’Harmattan, 2004.
16 Cf. Rudolf Bode, Der Rhythmus und seine Bedeutung für die Erziehung, op. cit., p. 27.
17 Sur la carrière nazie de Rudolf Bode, lire : Laure Guilbert, Danser avec le IIIe Reich. Les danseurs modernes sous le nazisme, Bruxelles, Éditions Complexe, 2000, p. 145-154.
18 Sur le travail de Rudolf Laban à Ascona, voir la biographie : Evelyn Dörr, Rudolf Laban. Ein Portrait, Norderstedt, Books on Demand, 2005, p. 62-94.
19 Cf. Hedwig Müller / Patricia Stöckemann, « … jeder Mensch ist ein Tänzer ». Ausdruckstanz in Deutschland zwischen 1900 und 1945, Gießen, Anabas, 1993, p. 163-170.
20 Cf. Rudolf Bode, « Gymnastik und Jugenderziehung », Bausteine zur neuen Schule 4, 1920, p. 12.
21 « tote vorgezeichnete Bahnen. » Idem.
22 « Arbeitende, die so am Werk schaffen, sind lebloser wie die Maschinen, die sie bedienen. Die Maschine kennt wenigstens ihren Rhythmus, aber diese Arbeitenden haben jeden Sinn für Rhythmus verloren. Der rhythmische Mensch, der Bewegungsmensch in ihnen – ist tot. » Rudolf von Laban, Die Welt des Tänzers, Stuttgart, Walter Seifert, 1920, p. 127.
23 Les attaques formulées par une partie de la bourgeoisie cultivée contre l’art moderne peuvent être conçues comme une réaction face à leur décrochage ressenti et à la perte de leur monopole de définition des normes artistiques. Voir l’analyse de ce discours dans : Georg Bollenbeck, Tradition, Avantgarde, Reaktion. Deutsche Kontroversen um die kulturelle Moderne 1880-1945, Frankfurt am Main, Fischer, 1999, en particulier p. 159-193.
24 « (...) ernste Pflicht und oft schmerzliche Entsagung », Karl Bücher, Arbeit und Rhythmus, Leipzig / Berlin, Teubner, 1909, p. 440.
25 « Totes, stumpfes, unlustiges und feindseliges Drehen eines Hebels, einer Schraube, das nicht weiß, wozu dieses Drehen dient, ist dem Tänzer nicht Arbeit. Diese Art von Tätigkeit ist Fron, ist Sklaverei, denn jede Bewegung, jeder Kampf, jedes Leben ist aus ihr gewichen. » Rudolf von Laban, Die Welt des Tänzers, op. cit., p. 127 sq.
26 Ibid., p. 129 sq.
27 « Taylor sagt selbst, dass viele der klügsten, fleißigsten und ehrlichsten Mädchen entlassen wurden, weil ihnen schnelle Wahrnehmung und Entschlussfähigkeit fehlten. Hier haben wir eine Maschinerie, in der nicht einmal ganze Menschen, sondern nur bestimmte Eigenschaften als zusammensetzende Teile dienen. Nur die Brauchbarkeit für einen bestimmten Zweck gibt das Prinzip der Auslese ab, gleichgültig, ob der Betreffende im Übrigen ein fahriger Windhund oder ein ernster und tüchtiger Mensch ist. » Rudolf Bode, Das Lebendige in der Leibeserziehung, München, C.H. Beck’sche Verlagsbuchhandlung, 1925, p. 54.
28 Lire le chapitre « Die Entwicklung des Gegensatzes von Geist und Seele » in : Reinhard Falter, Ludwig Klages. Lebensphilosophie als Zivilisationskritik, München, Telesma, 2003, p. 31-36. Pour une présentation synthétique de la pensée philosophique de Klages, voir : Thomas Rohkrämer, Eine andere Moderne ? Zivilisationskritik, Natur und Technik in Deutschland 1880-1933, Paderborn, Schöningh, 1999, p. 162-211.
29 « Durch den Intellekt tritt an die Stelle des rhythmischen Naturzusammenhanges das Nebeneinander gleicher, ihrer Individualität beraubter, aus dem Zusammenhang herausgerissener Teile (...). » Rudolf Bode, « Der Rhythmus als Weltanschauung », in idem, Rhythmus und Körpererziehung, Jena, Eugen Diederichs, 1925, p. 70.
30 Inextricablement lié au travail des primitifs, le chant (Arbeitslied) aurait, d’après Karl Bücher, été jadis apte à transformer toute corvée en un acte jouissif. Contrairement à l’interprétation de certains observateurs occidentaux, le rythme, qui en constitue l’essence première n’en est, pour l’économiste, pas pour autant une drogue destinée à vaincre la paresse des « sauvages », mais la conséquence de lois physiologiques ainsi que le résultat d’une éducation auto-administrée ayant longtemps permis aux hommes d’accomplir avec entrain les pires besognes. Bücher oppose donc à la conception selon laquelle le travail répétitif est nécessairement ennuyeux et abêtissant l’image d’un travail enjoué, convivial et « hautement spiritualisé ». Étant donné qu’il concentre toutes les opérations psychiques au début de la tâche, le primitif n’est plus obligé de réfléchir en permanence à ses gestes ; il automatise ses mouvements, son esprit est plus libre, et il peut ainsi développer sa créativité. À l’origine conçus pour soutenir le rythme du mouvement, les chants de travail doivent donc être considérés comme le point de départ d’une évolution conduisant aux formes actuelles de la poésie et de la musique. Historiquement, le rythme aurait donc favorisé l’émergence de la culture. Cf. Karl Bücher, op. cit.
31 Cf. Olivier Hanse, « À la recherche du ʽtravail joyeuxʼ : la théorie de Karl Bücher et son influence sur le mouvement du rythme », Le Texte et l’idée 24, 2010, p. 69-89.
32 « Nur die Militärs, diese guten Psychologen der Masse, haben nie vergessen, welche belebende und disziplinierende Gewalt der Rhythmus ausübt : wenn alle Kräfte zu schwinden drohen, wenn alles der Auflösung nahe ist, dann erklingt Musik und der Truppenkörper wird wieder lebendig und straff. » Wolf Dohrn, « Die Aufgabe der Bildungsanstalt Jaques-Dalcroze », in Der Rhythmus. Ein Jahrbuch, vol. 1, 1911, p. 10.
33 Cf. Marc Cluet, « Cité-jardin et idées ʽréactionnaires-progressistes’ », in Barbara Koehn et al., La Révolution conservatrice et les élites intellectuelles, Rennes, PUR, 2003, p. 192-195.
34 « Er [der Handwerker] versteht und verbindet am besten nicht nur die materiellen, sondern auch die menschlichen, etwa die menschlich-gesellschaftlichen Gegensätze. » Heinrich Tessenow, Kleinstadt und Handwerk, Berlin, Cassirer, 1919. Cité d’après : Marc Cluet, art. cit., p. 193.
35 « (...) diese äußere Ordnung [ist] die Voraussetzung eines inneren Gleichgewichts. » Wolf Dohrn, « Die Aufgabe der Bildungsanstalt Jaques-Dalcroze », art. cit., p. 9.
36 Appia a vu dans Dalcroze « l’homme de la synthèse », la clé de la réussite de l’entreprise wagnérienne. « Le pouvoir de synthèse de Dalcroze provient de son irrésistible besoin de réunir l’ensemble des moyens d’expression et de les mettre au service d’une œuvre d’art vivante. Chez Dalcroze, tout est vie, toute vie est synthétique, et chaque élément ne vaut que dans la mesure où il participe au concert de cette vie. Toute l’activité de cet homme on ne peut plus actif concourt à vouloir hiérarchiser les moyens d’expression en les subordonnant les uns aux autres, en vue d’atteindre un but élevé. » Adolphe Appia, „ Über Ursprung und Anfang der rhythmischen Gymnastik“, Der Rhythmus 1, 1911, p. 21. Sur la démarche thérapeutique de Wagner (médecin de la société autoproclamé, guérisseur de la fragmentation sociale) et la reprise de cet idéal au XXe siècle, lire : Timothée Picard, L’art total. Grandeur et misère d’une utopie (autour de Wagner), Rennes, PUR, 2006.
37 Cette entreprise de régénération du corps social va de pair avec une sacralisation du collectif et un besoin de régression vers des formes de fusion communautaire antérieures. Ces questions ont été étudiées en détail par Inge Baxmann. Lire en particulier le chapitre « Regeneration des nationalen Körpers » in Inge Baxmann, Mythos : Gemeinschaft. Körper- und Tanzkulturen in der Moderne, München, Fink, 2000, p. 193-207.
38 « [A]ller Rhythmus ist letztlich ein Massenerlebnis. Je mehr Masse im Rhythmus schwingt, umso größer die Berührungsfläche mit dem kosmischen Lebensrhythmus, umso geringer die Möglichkeit, diesen Massenschwung in den Dienst des metrischen, d.h. messenden Intellekts zu zwingen. » Rudolf Bode, Der Rhythmus und seine Bedeutung für die Erziehung, op. cit., p. 31.
39 Cf. Rudolf Bode, Ausdrucksgymnastik, München, Beck, 1922, p. 26 sq.
40 Le projet est exposé en détail dans Rudolf von Laban, « Kultische Bildung im Feste », Die Tat, opuscule 3, 1920 (12e année), p. 161-168.
41 « [I]m Fest [wird] der Einzelne, die Gruppe und die Gesamtheit über den ordnenden Grundrhythmus kulturellen Lebens belehrt und zur Begeisterung für diese Ordnung erregt und bewegt. Die rhythmisch ordnende Kraft des Festes schwingt als tänzerischer Sinn in den Alltagsrhythmus hinüber und erweckt dort als Einsicht, Lebens- und Arbeitsfreude die Erfüllung des Kulturideals. » Rudolf Laban, Die Welt des Tänzers, op. cit., p. 128 sq.
42 L’intégration dans le national-socialisme n’est évidemment pas la seule postérité de ce mouvement. Cf. Inge Baxmann et al., Arbeit und Rhythmus. Lebensformen im Wandel, München, Wilhelm Fink, 2009.
Auteur
Saint-Étienne
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