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A.-W. Schlegel : Projet pour un institut critique (1800)

p. 121-130


Texte intégral

1La conscience très accusée que les personnalités gravitant autour du groupe de l’Athenaeum entre Iéna et Berlin avaient de l’importance du rôle des critiques pour l’orientation de la vie culturelle de leur temps, et, plus profondément, des « tendances de l’époque », pouvait les inciter à se doter d’une organe propre. Leurs débuts, en effet, se firent en pays étranger, dans les revues de la Spätaufklärung bien souvent, comme le Berlinisches Archiv der Zeit (Tieck, Schleiermacher, Bernhardt), le Berlinische Monatschrift de Biester (F. Schlegel), Deutschland puis le Lycée de Reichardt (F. Schlegel), ou les Horen de Schiller (A. W. Schlegel, Fichte). Les très classiques gazettes littéraires de Iéna et Göttingen tenaient le haut du pavé. La création de l’Athenaeum fut à ce titre une libération, et sa virulence ne fait que dévoiler la force du refoulement exercée par les autres organes. L’essai schlegelien en forme de bilan, De l’impossibilité de comprendre, posera la question très cruciale des formes concrètes de la transmission des « nouvelles idées », ce divorce entre la « popularité » nécessaire et la non moins nécessaire « terminologie mystique », obscurité où la nouveauté de leur position pouvait seulement se donner à entendre (voir infra, pp. 263-276).

2En 1800, les libraires cessent d’accorder leur confiance aux frères Schlegel, car les maigres tirages de l’Athenaeum ne s’écoulent pas. Naît alors l’idée de fonder un « institut critique », qui donnerait corps, dans le domaine de la science (entendre : de la philosophie), à leur activité. L’idée provient sans doute de Schelling (lequel poursuivra cette idée sur une plus grande envergure dans ses Leçons sur les études académiques (1803), que recensera Schleiermacher en 1804). Fichte l’étendra à l’art. Il écrit ainsi à Reinhold : « Il y a longtemps que Schelling me fait part de l’idée d’une réunion de lettrés les mieux (c’est-à-dire : fondamentalement) disposés à une action commune ; et cette idée s’est précisée en un institut critique » (8.II. 1800). (Voir X. Léon, Fichte et son temps t. II/1, Armand Colin, 1927, p. 230). Il envoie son Esquisse d’un plan concernant un institut critique à établir à A. W. Schlegel le 23 décembre 1799, lequel prévoyait un projet concurrent, qu’on lira ici. L’implication de Fichte dans un tel projet est révélatrice de l’importance qu’avait prise la critique esthétique et philosophique. Il conseille même, dans un projet très systématique et hiérarchique, une rubrique particulière consacrée aux « critiques des critiques », expliquant à Reinhold que « le grand public ne lit pas du tout les livres ; les compte rendus, voilà son livre ; c’est donc ici qu’il faut intervenir ; l’époque n’en est plus à la première, mais à la deuxième puissance » (il reprend l’expression schellingienne, alors très en vogue, au sens non technique d’un « surcroît de réflexivité »).

3Les quelques revues qui tenteront de palier l’échec du projet d’institut, nostalgique de l’Athenaeum, porteront quelques traces de son ambition. Dans le registre de la philosophie, Le Journal pour la physique spéculative de Schelling, puis le Journal critique de philosophie (Schelling et Hegel) ; pour Schlegel, bientôt le projet d’Europa, mais dans un esprit déjà bien différent (voir H. Chélin, F. Schlegels Europa, Peter Lang, Francfort, 1981) ; pour Bernhardt, l’éphémère Kynosarges... tentatives variées pour échapper au classicisme de l’Allgemeine Literaturzeitung d’Iéna ou, pire, au conformisme de la Zeitung für die Elegantische Welt, un peu la Dernière mode des romantiques allemands...

4Le projet d’institut exprime la haute idée de la science et de l’art alors en cours dans les milieux idéalistes : philosophie et poésie sont la quintessence de la culture d’une époque, et la critique doit évaluer son universalité. Chez Fichte, le projet tend à être « monarchique » ; chez A.W. Schlegel, il prend la forme d’une organisation diversifiée et démocratique, réalisant un peu ce « Directoire critique » qui fascinait les frères Schlegel (Voir encore le fragment 86 (inédit) des Limailles). L’opposition sur les directions fondamentales de l’organisation se retrouve à propos des projets portant sur l’organisation universitaire, avec la position dirigiste et hiérarchique de Fichte opposée à la position libérale de Schleiermacher, et toutes deux aux solutions « spéculatives » de Schelling et Hegel. (Ces textes sont réunis et les raisons philosophiques de leurs divergences explicitées dans le volume Philosophies de l’Université, Payot, 1978, édité par L. Ferry, A. Renaut & J.-C. Pesron).

5La présence de ce projet, qui ne nous épargne ni le problème de l’achat des livres, ni les questions d’honoraire, rappelle les conditions matérielles de l’exercice d’une critique libérée. Le texte est tiré de A.-W. Schlegel, Sämtliche Werke, Böcking, Bd. VIH, pp. 50-57. Xavier Léon développe précisément les circonstances du projet dans son Fichte et son temps t. II/1, 5 : « Le projet d’institut critique », Armand Colin, 1924, pp. 227-269. Il convient de renvoyer également à Johannes Bobeth, Die Zeitschriften der Romantik, H. Haessel Verlag, Leipzig, 1911 ; Oscar Fambach, Ein Jahrhundert deutscher Literaturkritik t. IV : Das grosse Jahrzehnt in der Kritik seiner Zeit, Ak. Verlag, Berlin, 1958. Par ailleurs : E. Behler, Die Zeitschriften der Brüder Schlegel, Darmstadt, 1983.

 

6Les principaux défauts des revues critiques existantes sont : le manque d’impartialité et le mordant inconsidéré de la critique ; une grande inégalité dans le critère du jugement, parce que les collaborateurs ont des talents et des cultures très variés ; une grande capacité à s’appesantir sur le médiocre et le mauvais, et à passer rapidement sur, voire à oublier complètement, l’important et l’excellent ; l’inégalité du jugement dans le temps, en ce que certaines œuvres sont signalées dès leur parution, et d’autres seulement des années après, alors que le rapport de l’œuvre à la production plus récente a changé ; le hasard de la mise en forme, ou plutôt, la fragmentation voulue et l’esquive d’un ordre qui permettrait la moindre vue d’ensemble ; enfin l’uniformité, la sécheresse et l’absence d’esprit dans la forme ou l’absence de forme de l’exposé.

7Sur ce, il y a encore, dans certaines revues savantes aspirant expressément à l’universalité, les défauts suivants : d’abord, elles ne peuvent honorer d’aucune façon cette promesse, parce qu’elles prennent le concept de littérature dans un sens si matériel qu’elles y entendent tout ce qui est imprimé ; elles ne sont (quand elles sont quelque chose) qu’un agrégat absurde d’éléments sans rapport entre eux ; dans leur imperfection actuelle, elles sont fort peu utiles à leurs lecteurs, car elles contiennent une foule d’informations sur des connaissances qui ne servent que des buts spécialement conditionnés, si bien que celui qui ne se consacre pas à cette discipline les saute comme inintéressantes et sans importance pour lui, et que le spécialiste n’y trouve pas satisfaction et se met plus volontiers en quête d’un journal spécialisé.

8On peut tenir pour responsable d’une partie du défaut indiqué plus haut la forme des « revues » savantes, reprise aveuglément et sans raison de celle des revues politiques, parce que les événements dans le monde littéraire ne se produisent pas comme ceux d’une campagne, au jour le jour, et quand ce serait le cas, ils ne peuvent cependant pas être relatés le jour suivant comme des nouveautés. Il faudra donc avant tout abandonner cette forme et en choisir une autre. S’en tenir à une parution mensuelle serait aussi égarant, car les travaux qui exigent souvent d’amples études ne peuvent être accomplis dans des limites temporelles si étroites. Il vaudrait mieux par conséquent éviter le mot de « journal » et faire suivre la parution d’un ou de plusieurs volumes de foire en foire1. Je propose le titre :

Annales de science et d’art pour l’Allemagne

9L’intention d’accompagner durablement l’époque dans ses progrès scientifiques et littéraires sera ainsi indiquée, sans promettre une histoire pragmatique parfaitement structurée, qui ne serait possible qu’après coup, puisque c’est la tâche des annales que de prendre note de toute manifestation remarquable et d’éclairer son rapport aux manifestations précédentes, contemporaines et futures, bref, de travailler aux préliminaires d’une véritable histoire. Les expressions « science et art » délimitent plus précisément le contenu de l’Institut que le terme indéfini de « littérature », tout comme « pour l’Allemagne » indique immédiatement que les œuvres étrangères ne sont pas exclues, mais que seul doit en être apprécié ce qui peut et mérite d’avoir une influence sur le cours de la science et de l’art en Allemagne, où qui permet d’établir des parallèles généraux entre l’état et l’esprit de notre littérature et les littératures étrangères.

10Nous ne pouvons pas viser à l’exhaustivité du fait du nombre des livres imprimés et des catalogues de foire. Nous considérons ce qui est mauvais et sans importance comme inexistant, et ne nous attaquons au faux ou à ce qui répugne au goût que dans les écrits qui, par d’autres qualités, peuvent aveugler, ou qui jouissent d’une certaine considération et d’un certain succès.

11De même, l’universalité à laquelle nous aspirons consiste dans la saisie d’un centre commun, c’est-à-dire de ce qui intéresse l’homme en tant qu’homme et fait partie intégrante de l’ensemble de la culture spirituelle supérieure. Sont par là exclus tous les livres qui ne font que rassembler des données empiriques ou des propositions positives sans rapport à un système ou sans déduction à partir d’un principe, toutes les connaissances purement techniques qui n’ont de valeur qu’en fonction de leur utilisation en vue d’une fin déterminée.

 

12Nos objets seront donc les suivants :

131. La philosophie au sens le plus vaste.

142. La science de la nature. Puisque toute observation de la nature digne de ce nom aspire à des lois universelles, et que la spéculation sur la nature veut être en mesure de confirmer ses propositions jusque dans l’expérience la plus particulière, la critique devra s’étendre aussi bien à la physique empirique que spéculative, et l’on ne risque pas de faire trop en ce domaine, puisque l’intérêt de l’époque y porte principalement.

15Pour les mathématiques, il sera question soit de leur validité réelle et leur méthode sous un aspect philosophique, soit leur application à la physique, et de ce qui pourra être rangé dans l’une de ces deux catégories.

163. En histoire, ce qui, par son contenu ou sa forme a une valeur et un intérêt immédiat, et non par quelque utilité extérieure ; donc tout ce qui ressortit à l’histoire de l’humanité, puis les œuvres d’art historiques.

174. En philologie : la grammaire philosophique et l’étude des langues individuelles d’après leur principe, la critique philologique et l’art de l’interprétation.

18L’étude de l’Antiquité classique appartient aux deux rubriques précédentes, dont la définition indique la matière. Elle fait partie de la discipline historique dans la mesure où son contenu constitue une partie de l’histoire de la culture ; sa méthode, ses auxiliaires etc. font partie de la discipline philologique ou grammaticale.

195. Les Beaux-arts et leur théorie.

20La poésie au sens large, l’éloquence selon sa définition la plus exacte comme belle composition en prose, et en général tout ce que l’on peut comprendre par les belles lettres, constitue l’article principal de cette rubrique. Le but de la critique d’une œuvre d’art ne peut être atteint si le lecteur n’est pas en mesure de confronter l’œuvre à la critique. Et puisque dans le cas des œuvres plastiques qui ne se trouvent qu’en un seul lieu (les gravures n’appartenant que rarement au domaine des Beaux-arts), comme dans celui de la production momentanée des arts du spectacle, il n’en va pas ainsi pour la plupart des gens, leur critique devrait être abandonnée et il ne resterait à peu près que la musique.

21Mais afin de conserver une perspective sur le cercle complet des Beaux-arts, on devra s’occuper au moins des écrits qui traitent de leur théorie et de leur histoire. Mais pour ceux-ci, il convient de nouveau de faire une distinction. La théorie des arts est ou bien philosophique et commune à tous, ou bien technique, particulière. Pour la théorie, la seconde est tout à fait de notre ressort, parce qu’on doit la déduire philologiquement ou bien à partir des principes de la grammaire au sens supérieur. Pour les autres arts, il y a une ample connaissance du mécanisme qui n’intéresse que la pratique de l’artiste. La théorie de la technique ne sera à sa place ici que dans la mesure où elle peut être ramenée à des lois naturelles, comme par exemple la théorie des couleurs en peinture, la théorie de l’harmonie en musique etc.

22Pour les sciences liées aux facultés, comme il va de soi après ce qui a été dit plus haut, nous traiterons :

  1. De la théologie : la théorie philosophique de la religion ; la critique et l’exégèse des Écritures Saintes, en tant qu’on les considère comme des documents de l’histoire humaine.

  2. Du droit : le droit naturel et la théorie de la législation.

  3. De la médecine : le fondement de son système sur les principes de la science de la nature.

 

23Remarque. Il ne faut pas prendre trop à la lettre cette division, sinon en rapport à ce qui demeure exclu du plan de l’ensemble. Elle n’a aucune valeur de principe, en sorte qu’un collaborateur choisirait une discipline déterminée ou en serait chargé. Au contraire, chacun est invité à adresser au rédacteur un dessin des sujets sur lesquels il pense travailler, selon ses propres rubriques et son bon plaisir, mais de façon aussi déterminée et conditionnée que possible.

 

24La constitution de l’Institut pourra être très simple. On présupposera que les collaborateurs sont tous des penseurs autonomes, animés du même zèle pour les progrès de la science et de l’art, et agissant dans le même secteur de l’esprit humain. De tels hommes ne peuvent s’entendre sur une activité commune qu’en suivant le principe de l’égalité. Le rédacteur ne sera que le char gé d’affaire commun et l’organe de communication de l’Institut. Les collaborateurs surveilleront l’ensemble du plan, ils n’attendront donc pas pour la répartition du travail les propositions du rédacteur, mais, à la parution de chaque catalogue de foire, feront une offre de ce qui, dans les matières où ils travaillent, devrait selon eux être critiqué, ou dont ils veulent se charger eux-mêmes. Ces informations devront être rectifiées et complétées après la foire, aussi bien pour les oublis du catalogue et pour ce qu’il contenait en trop que pour les parutions remarquables que l’on ne peut identifier à partir des seuls titres. Les membres travaillant dans la même discipline s’accorderont d’autant plus facilement sur le partage des travaux qu’il ne faut en aucun cas s’imposer de ne parler d’un livre qu’une seule fois, car ce qui est abordé d’une certaine façon peut être repris dans une autre perspective. Dans la mesure où les foires de livres sont les époques extérieures de notre histoire littéraire, il faudrait si possible se déplacer avec elles, pour que les volumes paraissant à chaque foire contiennent aussi complètement que possible la relation des précédents selon le principe énoncé plus haut, et chaque collaborateur doit livrer dans les délais les articles dont il s’est chargé.

25Si les différents collaborateurs dans un domaine devaient se trouver tous peu enclins à juger un écrit tout en reconnaissant qu’il ne peut être ignoré, la majorité des autres décidera alors lequel d’entre eux y sera appelé, et devra donc s’en charger en vue de l’achèvement de l’ensemble. En outre, en cas de conflit entre le rédacteur et un collaborateur, tous deux pourraient trouver une conciliation, choisir un tiers pour arbitre, ou présenter le cas à tous, et la majorité déciderait.

26L’essentiel de la rédaction serait ainsi proprement répartie entre tous les collaborateurs.

 

27Remarque. Ceci ne vaut en premier lieu et sans restriction que pour les membres à qui cette esquisse sera communiquée, et qui forment le fondement de l’Institut, à savoir : Bernhardt, Schelling, A.-W. Schlegel, Fr. Schlegel, Schleiermacher, Tiecki. Une fois que l’ensemble sera réalisé, le rédacteur invitera avec l’accord de la majorité pour telle ou telle branche annexe des savants chez lesquels il rencontre ses propres visées.

 

28Pour ce qui regarde la forme de l’exposé, chaque collaborateur sera absolument libre de lui donner sa propre marque ; il peut à l’occasion déguiser son jugement sous forme de lettres ou de dialogue, ou bien le proposer aussi très brièvement en aphorismes et y semer autant de plaisanteries qu’il lui plaira. Seuls les noms de « recenseur » et de « recension », plus encore que la chose, c’est-à-dire la plaisanterie de chaire, la raideur, l’absence de forme et la fabrique envahissante et inutile d’extraits et le recopiage des livres à critiquer devront être soigneusement évités.

29On pourra critiquer pour eux-mêmes des poèmes singuliers etc. et non seulement des livres particuliers ; d’un autre côté, on pourra résumer et réunir dans la même critique plusieurs écrits, même s’ils appartiennent à des disciplines différentes, si l’on trouve entre eux des points communs. Afin de ne pas limiter les combinaisons des collaborateurs, le rédacteur devra choisir pour les critiques isolées un ordre perceptible et manifeste, sans les classer anxieusemement en rubriques.

 

30L’organisation extérieure sera à peu près la suivante :

311. « Essais » critiques développés ; ils concerneront particulièrement des œuvres importantes ou les œuvres complètes d’un auteur célèbre, ou présenteront des panoramas.

322. Des critiques plus brèves, de formes variées, qui pourraient peut-être porter plus adéquatement le nom de « notices ».

333. Des « annonces par les auteurs eux-mêmes ». Puisqu’en effet on ne manquera pas de représenter l’ensemble des collaborateurs comme une faction ayant juré de se louer mutuellement, et comme il devra de toute façon être quand même question des œuvres des collaborateurs, car eux seuls ont pour mission d’intervenir expressément dans le cours de la science et de l’art, on conseillera à chaque collaborateur, lors de la première édition d’une œuvre, de développer lui-même à cette occasion son plan et ses intentions. Libre à un autre collaborateur, cependant, d’en faire mention dans un panorama, parallèle ou toute autre combinaison, que ce soit pour le louer ou le blâmer. De telles notices avec motivation seraient aussi très souhaitables de la part de quelques écrivains remarquables, sur lesquels le point de vue des collaborateurs est depuis longtemps connu, et qui peut-être ne pourraient être conduits à aucune autre participation ; je nomme ici Goethe et Fichte. Cependant, la même règle que plus haut vaut dans le cas d’une seconde mention de ces écrits par d’autres.

34Les annonces par les auteurs auraient l’avantage d’apporter plus de variété dans l’ensemble, puisque l’auteur de l’œuvre peut avoir sur celle-ci encore un autre point de vue que n’importe quel critique.

354. Critique de la critique, ou « révision des revues critiques ». Un Institut critique comme celui-ci se trouvera de fait en conflit constant avec les autorités qui n’ont plus cours, avec la tradition, la paresse d’esprit et l’obscurantisme scientifique ; il ne devra pas non plus craindre la polémique dans la forme ni l’accent méchant qu’on y met ordinairement. On ne prétendra pas à la perfection dans ces matières. Chaque collaborateur décrira avec une brièveté laconique les écarts les plus frappants qui surviennent dans sa discipline, et le rédacteur les assemblera. Plaisanteries, jaillissements d’idées ou parodies servant à mettre en lumière la bêtise et la perversion seront alors tout à fait bienvenus.

36Les noms des collaborateurs seront nommés dans l’introduction (où il conviendra de développer davantage l’aspect exotérique du plan ci-dessus), ou désignés d’après des écrits antérieurs, mais non donnés avec chaque critique, parce que cela pourrait être quelquefois contraignant. Le nom de l’éditeur figurerait de toute manière en page de titre.

Propositions pour l’impression et les conditions de l’éditeur

37Impression allemande, format moyen 8e, le volume de 24 à 30 cahiers. La taille ne peut en être davantage déterminée, parce que les essais ne doivent pas être interrompus. Le nombre des volumes dépend bien sûr des matériaux présents.

38L’impression devrait se faire en un lieu ou le rédacteur ou un autre collaborateur qui voudra bien s’en charger pourrait s’occuper de la surveillance et de la correction.

39Honoraires : 3 Lsd. par cahier. En outre : pour le rédacteur, une certaine somme en dédommagement des dépenses pour la correspondance etc., à pourvoir richement, si rien de particulier n’est prévu pour sa peine et son temps.

40Acheter à la foire les livres à critiquer et les envoyer depuis là ne constituerait guère une économie, en partie à cause du port, en partie parce qu’il faudrait en acquérir une quantité qui serait après inutilisable, dans la mesure où l’on voit souvent au premier coup d’œil jeté sur un livre que l’on n’a rien à en dire. Chaque collaborateur achète donc les livres où il se trouve, quand il ne peut se les procurer gratuitement ou qu’il ne les possède pas déjà ; s’il ne veut pas les conserver, l’éditeur en établit le prix.

Notes de bas de page

1 La vie littéraire allemande se règle au rythmes des deux grandes foires aux livres (Buchmesse) de Francfort sur le Main et de Leipzig à Pâques et à la Saint-Michel, qui ont toujours cours.

Notes de fin

i Fichte n’est pas nommé ici, car il s’était, au moins provisoirement, retenu d’entrer dans la société en proposant lui-même un plan semblable, comme l’on savait et comme il y est fait allusion encore plus bas. Steffens fut également invité, et déclara qu’il voulait bien en faire partie.

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