F. Schlegel : Relation des œuvres poétiques de Jean Boccace (1801)
p. 79-100
Texte intégral
1Si le compte rendu du Wilhelm Meister est « le premier modèle du traitement herméneutique d’une œuvre d’art à partir du concept bien compris de forme » (Dilthey), le travail de Schlegel sur Boccace lui fait pendant au sujet, cette fois, de l’ensemble d’une œuvre littéraire. Schlegel y met en application « le cercle entier de ses concepts herméneutiques », livrant ainsi comme un « miroir résumant » de son herméneutique, pour reprendre les termes de Dilthey, qui rapporte la méthode utilisée ici à celle mise en œuvre avec Schleiermacher dans le projet commun d’une traduction de Platon, que ce dernier dut mener à bien tout seul (voir l’étude de G. Walter, « ‘Le Shakespeare de la prose grecque’. Platon et sa philosophie dans la ‘Critique’ de Friedrich Schlegel », in La naissance du paradigme herméneutique, pp. 185-223).
2Ernst Behler observe dans son introduction à l’édition critique (KA II) que la sagacité critique de Schlegel a peut-être été prise à défaut et que la Fiammetta est ici exagérément surévaluée. Remarquons simplement qu’en 1923 Maxime Gorki ne l’avait pas jugée indigne de figurer dans une collection de nouvelles sur l’amour qu’il dirigeait, entre Premier amour de Tourgeniev, Manon Lescaut, Roméo et Juliette, Zweig et Maupassant... (voir sa lettre du 18.IX.1923 à Stefan Zweig, in Maxim Gorki-Stefan Zweig, Briefwechsel, Leipzig, 1987).
3L’étude génétique, la critique des interprétations, l’analyse interne des œuvres et de leurs rapports, partant la question de leur chronologie, la question du genre, ici la nouvelle et le roman, l’individuation de la tendance, la caractérisation de l’œuvre et la construction de l’histoire littéraire où elle s’insère (voir LN 2116), tous ces aspects originaux de la critique schlegelienne sont ici présents. Le prolongement de la critique des œuvres singulières, comme la Fiammetta, dans l’histoire littéraire permet d’envisager l’articulation (problématique) de la critique à l’histoire, dont le schème est annoncé dans L’entretien sur la poésie, à propos des « époques de la poétique » (AL, pp. 294-311). Cependant, il soustrait désormais Dante à la série qu’il formait alors avec Pétrarque et Boccace, pour introduire l’Arioste comme le représentant de l’art objectif. Boccace, par contraste, apparaît comme l’artiste subjectif, enclin à l’allégorie, à la présentation indirecte à laquelle la nouvelle se prête remarquablement. La théorie de la nouvelle qui s’élabore dans cet essai demeure une des contributions les plus remarquables de Schlegel à la théorie moderne des genres. Il n’est pas étonnant que Boccace, à l’aube de la littérature romane moderne, lui en ait fourni l’argument (voir les travaux de T. Todorov, Grammaire du Décaméron, Mouton, La Haye, 1969 ; « La grammaire du récit : le Décaméron », Poétique de la prose, Seuil, 1971). Friedrich Schlegel a explicitement complété cet essai depuis Paris, où il a eu l’occasion d’élargir son information sur le Philostrate et la Théséide en particulier, dans ses études sur la littérature romane publiées dans Europa (Beiträge zur Geschichte der modernen Poesie und Nachricht von provenzalischen Manuskripten, Europa I, 2, 1803).
4Le texte a été publié pour la première fois dans le volume des Caractéristiques et critiques (A. W. Schlegel und F. Schlegel, Charakteristiken und Kritiken, Nicolovius, Königsberg, 1801, 2 volumes, T. II, pp. 360-400 ; seconde édition dans F. S., Sämtliche Werke, Vienne, 1825, t. IX, pp. 3-36, d’où sont tirées les quelques variantes ; KA, pp. 372-396).
5Quand on lit avec attention le Décaméron, on n’y voit pas seulement un talent décidé, une main experte et sûre dans le détail, mais on perçoit également une intention dans la composition et la mise en ordre de l’ensemble : l’idéal d’une œuvre distinctement pensé, médité par l’intelligence et mené à bien judicieusement. Quand une telle intelligence se montre associée à la puissance instinctive exercée sur le mécanique, que l’on appelle déjà en elle-même, mais à tort, « génie », alors, et seulement alors, peut se produire le phénomène que nous appelons « art », et que nous honorons comme un hôte venu des régions supérieures.
6L’art forme, mais est également formé ; ce n’est pas seulement ce qui est formé, mais celui qui forme lui-même qui est un tout organique, aussi sûre ment qu’il n’est qu’un artiste, et chaque artiste a son histoire : concevoir celle-ci, l’expliquer et la présenter est l’activité suprême de la science qui, sous le nom de critique, a été jusqu’à maintenant plus tentée qu’accomplie. La genèse du formé nous intéresse à bon droit, c’est même l’unique chose intéressante qu’il y ait pour celui qui s’est élevé à la vision de l’ensemble, pour laquelle la vérité est une beauté.
7Si l’activité peut malgré tout apparaître mesquine à beaucoup qui pensent n’avoir à considérer la grandeur qu’en masses, nous savons que nous ne faisons rien d’insignifiant et d’indigne quand nous caractérisons le propre d’un esprit original avec la plus grande minutie, quand nous répétons pour ainsi dire sa vie en imagination, et prenons part à toutes les expansions et les limitations de son être. Nous ne voulons pas non plus nous cacher ses tentatives manquées ; elles ont pour nous de la valeur en tant qu’étapes nécessaires de l’approximation de la seule justesse, où elles importent en désignant l’aboutissement supérieur qui aurait pu être ici, mais qui n’a pas été, car les conditions en manquaient. Le génie d’un poète peut souvent être attesté et présenté aussi bien et même davantage par ses fausses tendances que par ses œuvres les plus réussies1.
8Je croyais percevoir un sens et une intention supérieure dans le contexte, la composition, le traitement, je croyais saisir l’artiste dans l’œuvre de Boccace que l’on lit le plus généralement parmi toutes celles qui sont lues de manière générale ; et j’y portais mon attention.
9J’ai réussi, à l’exception de la seule Théséïde, à me procurer toutes celles que connaît Manni, le commentateur du Décaméron ; bien que plusieurs comptassent parmi les raretés littérairesi. S’il en est encore d’autre peut-être, par exemple dans les bibliothèques italiennes, je n’ai pas eu le moyen de le vérifier, ni l’occasion de confronter plusieurs éditions et de manipuler toutes les collections d’histoire littéraire s’y rapportant. Je dois donc, aussi bien par nécessité, me limiter à ce qui était pour moi le plus proche et le plus intéressant : le caractère de l’œuvre elle-même.
10Comme elles sont nombreuses et que, comme je l’ai déjà dit, bon nombre d’entre elles sont assez rares, il ne sera pas malvenu aux amoureux de la poésie si je vous rendais compte une fois de tout ce que j’ai lu entièrement et soigneusement, par curiosité ou envie de savoir, et les plus importantes maintes fois, de ce que j’ai trouvé, et si je faisais profiter à tous, ainsi, du temps que j’y ai employé.
11Vous pouvez considérer ma vision de l’esprit et de l’art de Boccace comme une prime. Au reste, ce sera pour certains un préjugé favorable en faveur des œuvres les moins connues de notre poète que se trouve aussi parmi les drames négligés de Cervantes une Numance, et que parmi les œuvres de jeunesse de Shakespeare, qui sont non seulement négligées, mais expressément rejetées, il ait dû y avoir tant de choses sûrement trop raffinées pour beaucoup qui n’auraient jamais dû se mêler de parler du poète. Mais si l’on ne voulait pas se laisser prendre à cette analogie, on montrerait facilement que les circonstances contingentes qui confèrent à l’œuvre d’un écrivain productif un privilège d’estime sur les autres, par lequel celles-ci, si seulement quelques siècles passent, tombent immanquablement dans un oubli total ; que ces circonstances, dis-je, ne puissent en aucun cas faire passer pour excellent ce qui n’en a que la vraisemblance, combien moins encore alors l’autorité des faux critiques qui, sans esprit historique, souvent aussi sans le moindre sens, décident et condamnent rudement.
12Cette engeance répète à l’envie et sans changements une vision faussée pendant des siècles, souvent dans les mêmes termes. Ainsi, par exemple, le vieux dicton : le bon orateur n’est d’ordinaire pas un bon poète. Comme Boccace est unanimement tenu par les Italiens pour un grand, et même pour le plus grand prosateur, on peut facilement penser que ce profond principe lui est aussi appliqué.
13Que cela fût absolument exact, je ne pouvais le croire, alors même que je ne connaissais que le Décaméron ; car celui qui peut si facilement et gracieusement écrire des chansons naïves, comme celles dont Boccace a orné la composition de son œuvre opulente, on ne peut lui refuser tout talent pour la poésie. Ce qu’il y a de vrai et de faux dans cette assertion, nous le verrons plus bas.
14Avant même que je ne parcoure la série des compositions, je dois mentionner les circonstances de sa vie en raison des nombreux rapports qu’elles entretiennent avec l’œuvre.
15Il vécut à l’époque où la littérature italienne commençait de nouveau à revivre, alors que la poésie italienne était dans son plus grand et magnifique épanouissement, et quand les poèmes et les récits des Français et des Provençaux, en version originale ou en traductions et imitations, étaient la lecture favorite des couches supérieures dans toute l’Europe. Il naquit en 1313, huit ans avant la mort de Dante et neuf ans après la naissance de Pétrarque, et mourut la même année que lui, en 1374. Il vécut pour son art, et dès sa première jeunesse, il transgressait toutes les limitations auxquelles on voulait le restreindre en l’attirant vers un bonheur bourgeois. Ses conditions de vie étaient changeantes, souvent défavorables ; les Florentins l’utilisèrent pourtant plusieurs fois pour des missions importantes. Il ne fut pas honoré par tous les grands et les princes de son temps autant que Pétrarque. En amour aussi, son originalité s’oppose à la douceur sentimentale du grand faiseur de sonnets ; on peut pourtant dire de lui avec le même droit qu’il ne vivait que pour l’amour. Il était extrêmement cultivé et beau, ce qu’il rappelle plusieurs fois avec satisfaction, non par une vanité peu virile, mais, semble-t-il, en souvenir de tout le bien et l’agrément qu’il en obtint. Une forte sensualité était liée chez lui avec un jugement sûr de l’intention, la nature et la valeur de l’aimée. Mais sa réceptivité multiple ne l’empêchèrent pas d’en élever une au-dessus de toutes, qu’il a nommée Fiammetta, et qui, au moins par la hardiesse de feu qu’évoque son nom, correspondait à la sienne, par laquelle il obtint d’abord ses faveurs. Son véritable nom était Maria, elle était la fille naturelle du roi Robert de Naples, épouse d’un grand de ce lieu, sœur et amie de la reine Jeanne dont elle partagea le sort malheureux.
16Boccace fit sa connaissance à Naples, et l’influence qu’eurent, sur son esprit juvénile, les attraits de la luxuriante province, transfigurés encore par l’éclat de l’amour le plus ardent, l’a visiblement poussé vers la poésie. Tous ses poèmes de la première époque sont consacrés à l’unique amour, et même écrits à son occasion ; devenu homme et séparé d’elle depuis longtemps, il lui fit un magnifique monument.
17Parmi les premières œuvres, je commence par la Théséide et le Philostrate, et je rappelle ici une fois pour toutes que, pour la chronologie des œuvres de notre poète, on trouve suffisamment de témoignages historiques et d’indications déterminées en elles-mêmes ou dans leurs relations mutuelles, qui décident entièrement de l’antériorité ou de la postérité ; et lorsque pour l’une ou l’autre œuvre, afin de déterminer sa place, on doit recourir au style, celui-ci est si nettement et clairement différent dans les essais de jeunesse et dans les œuvres tardives, qu’il ne peut venir aucun doute quand il s’agit de la ranger dans l’une des deux périodes.
18Dans le Philostrate, un poème épico-romantique en ottave rime, l’histoire d’amour très décente du bon Troïlus et de la vertueuse Criseida est racontée ainsi que l’amitié secourable du noble Pandarus, d’après lequel, selon Shakespeare, celui qui offre ses services consentants pour favoriser le rapport des deux sexes est nommé a Pandar, en sorte que le nom du bon Troyen est devenu un concept2. Shakespeare, dans le drame connu de même contenu, a, comme on l’imagine, autrement développé celui-ci ; pourtant, le caractère de la fable chez Boccace est tout à fait le même, au moins dans la première partie. Ce caractère, c’est une certaine fadaise charmante et une légère ambiguïté tout du long. Il ne se passe à peu près rien, et c’est pourtant une histoire ; on fait beaucoup de préparatifs, mais rien ne change de place ; on tient de longs discours pleins de noblesse dans une langue charmante, mais en cela, on ne dit précisément rien. Et cependant, ce grotesque nous divertit, c’est même cette absence ironique de signification qui en fait le charme propre, comme la raillerie intérieure dans le ton décent des discours nobles jusqu’à en être pompeux. Favorisé par la configuration de la langue italienne et de cette forme, ce grotesque charmant ressort même davantage chez Boccace ; mais le fantastique étrange de la catastrophe tragique subite n’est vraiment compris que dans Shakespeare, et paraît dans Boccace sans justification.
19La langue est facile, comme la métrique, pas très artistique, mais claire dans la construction des périodes, extrêmement coulante et très agréable à lire. Il n’est pas besoin d’être Italien pour sentir très nettement à quel point non seulement les stances du Tasse sont incomparablement plus artistiques, mais aussi celles de l’Arioste, même quand il semble le plus négligé. Mais fallait-il que la grâce insurpassable de l’un et l’effort classique de l’autre aient épuisé le caractère de cette forme métrique dans son ensemble ? Ne pouvait-il pas se trouver des cas où le poète, possédant entièrement en son pouvoir sa culture suprême, revienne intentionnellement à la négligence naïve des premières tentatives, afin d’exprimer et de reformer l’intériorité du tout également dans cette extériorité, comme dans un jeu de parodie ? – Qui a lu à la bonne heure cette petite œuvre réjouissante ne pourra certainement pas, même de ce côté, la souhaiter autrement. Et l’on peut attribuer ici au vers, indépendamment même de sa destination pour l’œuvre, un mérite pour le développement du genre : car que Boiardo ait appris essentiellement de Boccace les beautés des stances qu’il ne trouvait pas chez Pulci, et par lesquelles il s’approche déjà de l’Arioste, cela paraît être plus qu’une conjecture ; celui-ci reste au moins le premier maître de la stance, et ne peut passer pour son inventeur, comme on l’a voulu, qu’avec d’importantes restrictions. Il faut entendre ceci de l’Italie, car il y avait déjà des stances provençales plus anciennes ; mais pour l’Italie aussi, on peut simplement le rapporter à l’excellence et à l’effet décisif de sa tentative avant toutes les autres tentatives contemporaines, sans que par-là celle-ci soit tout à fait exclue ou que soit déterminé celui qui a été chronologiquement le premier, avec l’année et le jour.
20L’art des vers ne doit donc pas être entièrement refusé à notre poète ; si l’on voulait s’y prendre avec rigueur, au point de n’accorder aucune valeur aux siens, on en viendrait facilement au résultat que, dans la métrique syllabique, il n’y eut jusqu’à nos jours qu’un seul artiste du vers en général : Pétrarque. Certes, quelques poèmes dans Cervantès sont construits et formés avec tout autant d’intention profonde, mais seulement quelques-uns. La métrique tant prisée du Tasse et de l’Arioste ne devrait même plus mériter le nom d’art d’après ce critère, et se réduirait à une pure maîtrise mécanique. Nous devrions alors supposer que la stance n’est pas du tout achevée : et l’on manque alors d’un critère pour la juste appréciation du mérite de Boccace dans ce domaine, mais provisoirement, celui du premier développement demeure très grand.
21Si, réalisé avec charme, c’est souvent un jeu de l’imagination plein de sens que de transposer des conceptions et des mœurs modernes, avec une forme et une frivolité moderne, dans l’Antiquité héroïque, et de composer à partir des noms glorieux des héros, les fables, où l’essentiel de l’histoire est lui-même inventé, et inventé dans un esprit moderne, devraient alors être pour cette raison les plus réussies, ou même les seules à l’être. La parodie est donnée ici dès le cadre, en sorte qu’elle peut être très limitée dans le détail, ce qui conduit le poète lui-même à la délicatesse et le préserve de tomber dans le travestissement.
22Tout cela laisse présager beaucoup de bien de la Théséide, également un poème épico-romantique en ottave rime, où sont racontées l’histoire de deux Thébains, Palémon et Arcite, à l’époque de Thésée, et leur commerce amoureux avec leur sœur Emilie. Je n’en ai malheureusement vu qu’un misérable extrait en prose rédigé par Granucci vers la fin du XVIe siècle3. Dans ces extraits, le caractère de la fable n’est presque jamais reconnaissable avec certitude. Avec Chaucer, c’est un peu mieux. Celui-ci semble s’être particulièrement donné pour but une ironie honnête, sourde, mais nette, sur la naïveté avec laquelle l’héroïne à la fin, alors que le chevalier meurt, après qu’elle l’eut pleuré dûment, prend aussitôt l’autre. En général, c’est la simplicité, semble-t-il, et une simplicité quasiment colossale, qui est le caractère de cette fable ; il nous est parvenu maintes histoires simples de ce bon vieux temps, mais on n’en trouvera pas facilement de plus simple que celle-ci. Au reste, l’allure et les circonstances sont chez Chaucer les mêmes que chez Granucci ; chez ce dernier, seulement, de nombreux personnages sont mentionnés brièvement, qu’ils soient mythique et anciens ou inventés, qui n’apparaissent plus du tout chez Chaucer ; – preuve du riche développement de la Théséide de Boccace. Granucci mentionne également, parmi ce qu’il croit devoir éliminer dans sa folie, de nombreuses fictions poétiques et des histoires thébaines prises de Stace. Une circonstance qui signale une remarquable différence entre la Théséïde et le Philostrate, avec qui on pouvait la supposer, au vu du reste, très similaire. On a dû priser cette œuvre encore longtemps après son auteur, car, comme le Pasteur fidèle de Guarini et l’histoire de Floire et Blancheflor, elle a été traduite en grec. Boccace lui-même se rapporte à cette œuvre dans le Décaméron, quand il dit de Dioné et de Fiammetta, lors d’une transition, qu’ils chantent l’histoire de Palémon et d’Arcite.
23Le Philopon, un roman volumineux, tout en prose, repris d’une des histoires les plus aimées du Moyen Âge, qui a été traduite en espagnol et également en allemand, vient maintenant à sa place. Déjà, en lisant Ameto, dont on parlera plus directement, on croirait qu’il s’agit de la première œuvre en prose du poète, tant elle trahit le caractère forcé, balourd, incertain et exagéré d’une première tentative. Mais en comparant les épisodes allégoriques dans le Philopon avec les relations individuelles d’Ameto, il est clair que celui-ci est plus tardif. La prose a dans le Philopon un caractère semblable, et pas seulement celle-ci, mais aussi les discours entremêlés et toute l’exposition est imitée avec beaucoup de force et de contention des classiques romains, par exemple de Tite-Live. Il le fait ressortir, de manière souvent assez étrange, par la simplicité enfantine du conte romantique. Mais, par un autre aspect également, se montre ici un penchant à réunir des choses ayant un mouvement contraire. Ainsi, le poète cherche à exprimer au début de l’ouvrage comme dans Ameto les conceptions catholiques dans la langue de la mythologie antique. Junon est pour lui Marie, Pluton Satan etc. Mais comme il en vient, dans la conclusion du roman écrite plusieurs années après, au point où Floire devient un chrétien après l’histoire, il le fait renier festivement les dieux païens et nommément grecs. En général, la totalité ne doit être regardée que comme une tendance, non comme une œuvre réussie. On pourrait la caractériser brièvement : ce serait une tentative pour élever le roman et la prose à la hauteur du poème héroïque. Une digne fin, vers laquelle le poète, autant que je sache, n’a trouvé aucun compagnon de route, hormis l’unique Persiles4, qui est d’une conception plus ambitieuse et d’une réalisation plus heureuse.
24C’est ainsi que je considère ce livre. Certes, la fable originelle y est très déformée, et je peux même dire, décidément pervertie.
25Elle est encore présente, la fable originelle de Floire et de Blancheflor, dans la version allemande ; par quelqu’un qui est nommé dans un autre poème – Seigneur Flecke le bon Konrad-, d’après le poème français de Robert d’Orléansii, voir le second volume de la collection Myller. Deux beaux enfants nés le même jour, instruits ensemble de toute gentillesse et poésie, qui s’aimaient déjà enfants, sans savoir, comme il leur arrive, tenant soudain l’un à l’autre avec une juvénile dévotion et un cœur sans faute. Le vieux roi, qui ne peut tolérer ceci, envoie le fils à Mantoue, et comme cela ne suffit pas, vend l’aimée à des étrangers, qui l’apportent par de-là les mers au sultan de Babylone, où elle est naturellement fort bien gardée dans une tour puissante par des gardiens cruels, comme une des beautés les plus rares. On dit alors à Floire, qui certes revient maintenant trop tard, qu’elle est morte : il s’avance en se lamentant vers la tombe somptueuse élevée par le vieux roi pour confirmer sa tromperie, apprend de sa mère finalement la vérité, rejoint vite l’aiméeiii, retrouve heureusement bientôt sa Blancheflor, parvient jusqu’à elle et vit chez elle caché, en jouissant de toutes les joies de l’amour que permet la décence. Comme Blancheflor s’endormant une fois dans ses bras, ils sont trouvés, cruellement attachés et conduits au lieu de supplice. Comme le sultan, à la fin, se laisse attendrir par leur amour qui dépasse tout, et, dans un excès de générosité, leur fait don de la vie, devient même leur ami et leur prépare des noces somptueuses, où apparaissent des envoyés qu’on n’attendait pas, et qui rappellent d’urgence Floire dans sa patrie, pour qu’il s’empare du trône du roi défunt. Comme il devint alors un chrétien, vécut toujours heureux avec sa Blancheflor, engendra dans sa trente-cinquième année parmi d’autres une fille du nom de Berthe, qui devint après avec Pépin la mère de Charlemagne, le meilleur roi de tous les temps ; et comme enfin tous deux à l’âge de cent ans furent ensemble couchés au tombeau. A cela s’ajoutent de nombreux traits de détail charmants : comment Floire est tiré du sérail, caché dans une corbeille pleine de roses ; comment le cruel gardien de la tour est amadoué et gagné avec astuce par son faible pour le jeu d’échec etc. C’est une innocente histoire de cœur d’une simplicité et d’une beauté touchante, qui ne peut être racontée qu’avec de douces grâces, sans chercher à l’adapter ni à la décorer. Et maintenant, ce style classique de Boccace, cette foule de personnes et d’événements inventés et ajoutés, la profusion qui en résulte, et finalement, les épisodes allégoriques !
26Le plus développé d’entre eux est excellent en lui-même, et intéressant de surcroît parce que l’on y voit pour ainsi dire le Décameron en germe. C’est une société qui s’occupe, dans l’ancienne mode romantique, de Questions d’amour5, où la question et la réponse sont le plus souvent reliées à une nouvelle très significative. On rencontre ici également, comme on peut le penser, Fiammetta. Les descriptions des personnages féminins et des vêtements sont chez Boccace presque toujours extrêmement belles. Cette fois, il magnifie particulièrement le feu de ses yeux étincelants et l’impression qu’ils ont fait sur lui.
27Qu’une œuvre soit réussie ou non, le poète n’en n’a pas toujours, si elle est ratée, un sentiment sûr, et il peut arriver que précisément, quand elle est décidément ratée, il ne s’en rende pas compte. Mais il pourra pourtant être conscient de manière tout à fait déterminée et claire de la tendance, de la grandeur de sa visée, et apprécier d’après cela la valeur de ce qu’il a produit, qui est juste, à proprement parler, mais d’après une prémisse injuste. On peut comprendre ainsi la tradition et trouver crédible que Boccace lui-même ait attribué une très grande valeur au Philopon et l’ait préféré au Décaméron. Il y a incontestablement plus de travail dans celui-là que dans celui-ci.
28Ce qui ne s’annonce dans le Philopon que comme un épisode est dans Ameto le contenu de l’ensemble. C’est un roman de par en par allégorique, où l’on narre des représentations pastorales en costume ordinaire, comment un berger grossier est ennobli et civilisé par l’amour. Mais la façon dont il se civilise ainsi n’est précisément pas développée. Ce sont sept femmes qui occupent la plus grande place du livre : leurs vêtements et leur allure sont exhaustivement décrits, et chacune raconte son origine, son destin et en particulier l’histoire de son premier amour, et conclut chaque fois son récit par un hymne en tercets à une déesse de l’Antiquité. Ameto n’y est que spectateur et auditeur ; le livre commence et se conclut par des considérations générales sur l’amour, et il n’y a pas à chercher davantage de liaison d’ensemble ou d’histoire. Mais dans l’histoire des femmes, on sent la vérité individuelle, et l’on n’a pas même besoin de deviner que des amies du poète sont visées ; pourtant, toutes les sept se fondent finalement en allégorie et signifient les quatre vertus mondaines et les trois vertus spirituelles. Les histoires sont toutes racontées en costume mythologique, et même des aspects catholiques sont traduits dans cette langue, comme au début du Philopon ; un fort accent est mis sur la descendance, et celle des individus est toujours, quand c’est possible, reliée à celle des nations, et en général, le récit et la langue conviennent à la plus digne des histoires. Les vers entremêlés ne sont pas même la partie la plus brillante du tout, dont, d’après ces traits, l’étrangeté paraît déjà. Dans ces vers, la construction des périodes est confuse, ils n’ont pas la grâce naïve de ses stances et de ses canzonette, et, bien qu’ils ne traitent que des objets de l’antiquité classique en costume antique, ils sont pourtant fort éloignés de la force et de la dignité antique ; ils n’ont même, en général, aucun caractère net, aucune construction définie. En revanche, il y a beaucoup à louer dans la prose, et certaines choses sont incomparablement belles. Les histoires peuvent souvent, pour le style, ne pas craindre la comparaison avec ce qu’il y a de plus grand dans le Décaméron. Parmi les amants caractérisés dans ces histoires, il y a la figure de Dioné, inoubliable pour tout lecteur du Décaméron, dessinée déjà avec un amour et une insolence particulières. Mais c’est dans la description de la figure et des vêtements conformes au sens allégorique des sept femmes que Boccace s’est surpassé. Des descriptions de vêtements si artistiques, si prenantes et noblement pensées, on n’en trouvera pas facilement chez un autre poète, à l’exception de Cervantes.
29On peut penser que Fiammetta ne manque pas dans cette sélection de nobles et belles dames. Elle signifie l’espoir, et apparaît en habit vert, avec la flèche et le voile, les boucles ornées d’un bijou d’or et de perles, entourée d’une couronne de roses rouges et blanches. Elle raconte la témérité par laquelle son amant a conquis ses faveur : comment il l’a souvent vue, elle qui était par son rang et sa naissance fort au-dessus de lui, lui a souvent parlé, mais jamais seul à seul ni de sorte qu’il ait pu lui découvrir son amour ; jusqu’à ce qu’une fois, en l’absence de l’époux, il ait trouvé moyen de se cacher dans sa couche, avec son seul poignard et sa témérité ; comment il s’est découvert à elle, lui a dépeint son amour, raconté la naissance de celui-ci, et comme il était fermement décidé à se tuer si elle ne l’écoutait pas. Ce qu’ils se disent tous deux, la surprise de Fiammetta et son penchant secret, son sérieux, ses prières déchirantes, tout cela est présenté avec la vérité et l’éloquence la plus vivante et la plus ardente, et l’on trouve facilement compréhensible que le feu ait vaincu toutes les raisons opposées.
30Boccace a eu l’occasion de présenter une fois encore cet événement en détail, et il le fait dans des circonstances légèrement modifiées. Plusieurs fois, il s’y rapporte, et toujours avec un manifeste amour.
31Le livre, d’après une date dans l’histoire de l’Emilie, est écrit après 1340, et devrait donc être placé parmi les derniers essais de jeunesse.
32Par sa position dans l’ensemble, Lya est le personnage principal parmi les sept ; on la connaît déjà par Dante comme le symbole de la contemplation, et elle signifie ici la foi.
33En général, le modèle de Dante a agi si fortement sur son esprit qu’il voulut, comme Pétrarque, le faire sortir une fois de sa sphère propre. Nous devons considérer la Vision amoureuse comme le fruit malheureux de l’influence de la surpuissance d’une grandeur spirituelle étrangère, un poème en terzine, le tout une simple allégorie du bonheur et de l’amour etc., où sont entremêlées presque toutes les fables érotiques de l’Antiquité les plus fameuses ; mais, par ce nouveau traitement, elles ne sont pas devenues nouvelles, ce qui pourrait sembler justifier les jugements défavorables portés sur la poésie de l’auteur. Si déjà les Triomphes de Pétrarque ne nous paraissent pas être une imitation réussie, que dirons nous à présent de cette Vision qui se tient si nettement en-dessous ? C’est l’unique œuvre de lui qui m’ait coûté un effort sur moi-même pour la lire jusqu’au bout. Du reste, tous les personnages allégoriques d’Amelo apparaissent ici également, comme étant déjà connus. Je dois encore mentionner une étrange sorte de jeu ; les premières lettres de chaque terzine forment à travers tout le poème une sorte de préface pour celui-ci qui consiste en deux sonnets à Fiammetta et en une canzone au lecteur.
34Parmi les productions de la maturité, il faut placer tant par son caractère interne que par sa date le Décaméron, que je suppose connu : en effet, le premier ensemble en parut en 1353, alors que Boccace avait quarante ans. Il faut y rapporter l’Urbano, un roman où toutes sortes de vicissitudes se résolvent à la fin, après une longue attente, par la reconnaissance et autres épisodes du même genre, dans le bonheur général. Le traitement est entièrement le même, comme dans les grandes et sérieuses nouvelles du Décaméron, un peu plus détaillées seulement, en quoi l’Urbano gagnerait plutôt à la comparaison qu’il n’y perdrait. Est-ce que le poète, avant qu’il ait traité les nouvelles en ensembles, a essayé de le faire avec une seule, ou bien après, avec l’intention de la développer davantage ? En ce cas, cette intention devrait se remarquer, et la différence être plus grande. C’est pourquoi je suppose la première solution. Comme tentative pour traiter en revanche une unique nouvelle comme une œuvre autonome et, tout autrement qu’il était arrivé, poétique et dans le costume mythique si bien aimé, je voudrais prendre la Nymphée de Fiesole, d’autant plus que l’histoire qui y est racontée d’Africo et de Mensola d’après Manni doit avoir un fondement véritable. Un poème très plaisant, vivant et plein de force ; en tant que nouvelle versifiée, que poème épico-romantique d’un si petit volume, l’unique en son genre. Ainsi, Boccace lui-même confirme par son exemple ce que Cervantes et Shakespeare ont suffisamment démontré, à savoir que la nouvelle, même prise à part et pour elle-même, doit pouvoir intéresser, qu’il n’est pas précisément nécessaire d’en broder toute une flore dans un banquet romantique, comme cela se passe si magnifiquement dans le Décaméron, au point que cela puisse paraître, trop exclusivement, une règle universelle. – La stance a encore ici la vieille grâce naïve, mais en même temps plus d’élan avec la langue. On pourrait par endroit trouver une ressemblance avec la manière de Politien dans les célèbres Stances, où l’Arioste a tant appris pour sa métrique, mais dont le style est pourtant resté sans successeur dans la poésie italienne dans son élan ailé et sa force antique.
35De la même époque environ que le Décaméron, il y a, d’après une indication chronologique donnée par l’œuvre elle-même, le Labyrinthe d’amour ou le Corbeau ; très lu dans les temps plus anciens, et traduit dans de nombreuses langues. Le style en est aussi excellent que l’invention spirituelle ; l’œuvre doit pourtant sans doute la prédilection dont elle jouit en partie à la circonstance qu’elle se laisse ranger si nettement comme une véritable satire contre le sexe féminin. Dans cette rubrique, je le trouve comme un livre extrêmement connu, introduit entre autres dans un vieux poème du Canzonero espagnol. Boccace raconte en première personne comment il a été très malheureux par amour, puisqu’il fut dédaigné et moqué, au point de vouloir se tuer. Son combat intérieur, ses monologues, sont présentés en détail, et comme à la fin il se calme au point de se décider à retourner parmi les hommes et à se complaire à la société de quelques amis. Cela l’apaise déjà, et, alors qu’il s’assoupit, plus calme, il a une vision, comme on peut facilement le penser, à laquelle le titre Labyrinthe d’amour fait précisément allusion. Il rencontre alors un vieil homme, lequel n’est pas un personnage mythique, mais l’époux défunt de la dame orgueilleuse en personne. Le vieillard n’a pas vraiment une vision idéale de la femme, mais lui fait une description tellement exhaustive et menée avec une précision si ponctuelle de tous les crimes spirituels et corporels, sans en omettre un seul, qui accablaient cette femme, que l’amant en revient entièrement à la raison. Des envolées générales contre le sexe féminin font partie ici de la rhétorique obligée du livre : mais il semble qu’un peu de vengeance personnelle, ce dont Boccace en de telles occasions était fort bien capable, eut une grande part à leur genèse.
36La Vie de Dante se recommande, outre les informations intéressantes sur ce grand poète, par sa mâle éloquence. Il n’y a pas à la juger comme une biographie ou une caractéristique, mais comme une apologie, un discours aux Florentins ; et qu’elle ait, à ce titre, produit son effet, c’est ce que montre de la meilleure manière le fait que Boccace fut après employé par la République pour tenir des conférences sur l’œuvre divineiv.
37Dans cet écrit, la vision générale de la poésie est également remarquable. Il la tient pour une enveloppe terrestre et un vêtement corporel des choses invisibles et des forces divines, il la nomme une sorte de théologie, qui est simplement plus générale et plus compréhensible que celle qu’on nomme proprement telle. Bien sûr, le concept d’allégorie n’a pas toujours chez lui le sens élevé que l’on devrait supposer, dans la mesure où il a déjà connu les anciens et eu Dante avant lui ; mais il atteste aussi par ce nom l’exposé sensible de doctrines morales : il demeure pourtant une vision fructueuse et habile, infiniment plus réelle que les concepts vides qui nous sont venus d’étrangers peu cultivés et à l’esprit éventé, et qui ont été estampillés par la soi-disant philosophie critique en une science appelée esthétique ; je veux dire les concepts entièrement vides de présentation, où aucun concept de nature n’est encore présent, et de beauté, où tout paraît comme perdu de la divinité.
38Nous retrouvons la même vision de la poésie dans l’œuvre latine sur la mythologie antique, qui demeure du reste hors de notre cercle, comme tout ce qui serait à raconter de Boccace dans l’histoire de la philologie et la réhabilitation de la littérature antique6. Je voudrais simplement mentionner ceci : pour la rédaction de ses écrits latins, ceux de Pétrarque, pour lesquels il exprime une grande admiration, et leur exemple semblent ne pas être restés sans influencev.
39Je dois encore parler de la Fiammetta, le magnifique monument que Boccace, comme je l’ai dit plus haut, au sommet de sa force spirituelle, a placé à la gloire éternelle de l’aimée. C’est, partagé en plusieurs livres, dois-je dire un discours ou un récit, dans lequel Fiammetta elle-même parle, dépeint son bref bonheur en des couleurs flamboyantes, et raconte comme il fut détruit par une séparation soudaine. Cela n’est pourtant que le commencement : sa douleur de cette séparation occupe la plus grande partie du livre, son désir est présenté avec amour et avec toutes les folies auxquelles il conduit ; comment, déchirée par la jalousie, elle reprend pourtant espoir, et comme celui-ci s’accroît, et la trompe finalement sur le but ; comme à présent sa douleur la mine toujours plus profondément, puisqu’elle n’entend plus parler de son aimé, jusqu’à ce qu’elle se donne paisiblement à la douleur éternellement égale. Cela n’est comparable à aucune autre histoire, ou à aucune autre caractéristique et individualité ; tout y est grand et universel, ce n’est que l’amour, rien que l’amour. Tout est pénétré de nostalgie, de plainte et de lueur profondément cachée. L’attrait lui-même, qui peut naître de l’imitation des manières féminines dans l’écriture, est dédaigné comme étant sous la dignité de cette élégie qui mériterait de prendre place sur l’autel de l’amour entre les meilleures de l’Antiquité et les chansons de Pétrarque.
40Comme je ne peux pas présupposer que tous ceux qui croient avoir un jugement puissent être d’accord avec moi sur l’aspect divinvi de la composition simple d’une œuvre tellement subjective par son contenu, je veux parler de ce que ceux qui le liront avec quelque jugement devront reconnaître aussitôt comme le principal et le plus grand mérite de son auteur : son style. Il va d’un seul ton durant tout le livre, et dédaigne l’attrait qui pourrait naître du jeu des sonorités et des couleurs dans la langue ; et si Cervantes, par la plasticité de sa prose, par le riche emploi qu’il s’entend à faire de ce jeu, puisque les sonorités et les couleurs lui obéissent, par la grandeur du style à laquelle il peut s’élever aussi souvent qu’il lui plaît, nous charme plus que Boccace ne le peut habituellement, dans le Décaméron par exemple, je peux dire sans exagération que l’on ne trouve dans Cervantes, le plus grand et peut être, hormis Boccace, l’unique artiste en prose, aucun ensemble de celle-ci de même hauteur, finition interne et perfection ; et sans exagération, que ce qu’il y a de plus excellent et de plus grand dans ce que peut offrir le Décaméron, n’est qu’une approximation ou un écho en face de cette dignité et de cette beauté. O si le divin ne pouvait pas toujours être méconnu et oublié, il ne serait pas besoin d’une relation littéraire sur cette réalisation de l’art poétique le plus simple et en même temps le plus haut !
41Ce n’est que des années après Amelo que Boccace pouvait atteindre cette hauteur dans la culture du style. Mais rien ne va d’ailleurs contre le fait que l’œuvre ait été composée dès avant le Décaméron, et aucune notice extérieure ne vient nous aider à le déterminer. Mais qu’on le situe chronologiquement avant ou après le Décaméron, il est certain que c’est seulement d’après cette œuvre, où tout est original et entier, qu’il convient de juger le poète qu’il était et ce que pouvait son style.
42Donner une description du Décaméron serait superflu. Le montage de l’œuvre doit, après ce que j’ai rapporté des autres, paraître incomparablement plus intelligible déjà à ceux qui ne connaissaient jusque là que cette œuvre de Boccace, puisque nous pouvions retrouver la genèse progressive de cette forme originale favorite de Boccace : entremêler d’une couronne d’histoires adorables une présentation fondamentalement exacte, en ordre presque géométrique, de sa compagnie. La caractéristique des nouvelles devrait se prolonger dans le détail, puisque chaque nouvelle a son caractère spécifiquement différent, sa propre signaturevii ; d’autre part, comme beaucoup des maîtres importants sont repris et transformés, il faudrait comparer l’imitation avec le traitement qu’en fait Boccace, et celui-ci avec ses sources que très souvent, nous ne trouvons pas ou que nous ne pouvons avoir. Dans l’ensemble, les renouveler, cela paraît être la meilleure méthode pour caractériser des nouvelles, en quoi la caractéristique porte avec elle à la fois la preuve de sa justesse ou de son inadéquation. Il serait profitable à la théorie de parcourir l’histoire d’une unique nouvelle d’une profondeur particulière, ayant subi bien des reprises et des transformations, à travers toutes celles-ci, pour l’exemple ; ce qui ne peut avoir lieu ici, où notre visée se borne à un seul maître. 11 pourrait être moins superflu de dire quelques mots pour caractériser le genre dans son ensemble, en quoi nous parviendrons peut-être à susciter quelque réflexion à ce sujet.
43Je choisis pour cela une voie qui pourra paraître étrange. Je vais d’abord rechercher la tendance du poète, que l’on considère avec raison comme le père et le fondateur de la nouvelle, la résumer en une idée et me demander si celle-ci n’apporte pas une lumière sur la propriété plus profonde du genre.
44On ne peut jamais atteindre le caractère d’un poète en totalité avec quelque justesse tant que l’on n’a pas trouvé le cercle de l’histoire de l’art auquel il appartient, la totalité plus grande dont lui-même n’est qu’un membre. Avec de telles constructions, qui sont l’unique fondement de toute histoire de l’art réelle, il faut faire des essais jusqu’à ce que l’on puisse s’assurer finalement par diverses confirmations que l’on a trouvé juste. Du moment que l’on a en général une définition de l’esprit de l’art dont on cherche à faire l’histoire, et si l’on n’a manqué en cette occasion ni de sérieux, ni d’étude, on ne devra pas se plaindre d’un résultat médiocre en cherchant à comprendre la genèse de l’ensemble effectivement formé et l’organisation interne de cette genèse et formation. Je ne rappelle ceci que pour évoquer la sorte d’accord que je puis attendre pour ce qui suit.
45S’il est évident que Dante, prophète et prêtre de la nature et de la foi catholique, s’est élevé bien au-dessus du reste de la poésie italienne, et demeure tout à fait incommensurable avec les autres grands poètes de cette nation, nous devons, si nous voulons considérer la poésie de ceux-ci comme un tout – ce que je ne fais ici que postuler, parce que la preuve de la nécessité de cette approche irait chercher trop loin et prendrait trop d’ampleur –, nous devons, dis-je, ne pas inclure ce grand-là dans la construction de la poésie italienne.
46Mais Guarini, lui aussi, est plus détaché de la nationalité que n’importe quel autre poète italien. Sa tendance s’écarte nettement de la leur ; il va en premier et en dernier lieu à la beauté idéale, à l’enthousiasme pour elle et à la plénitude de l’harmonie, et non à une présentation insurpassable dans sa profondeur ou sa légèreté ni à une virtuosité en celle-ci. D’où la dignité classique et la grâce, la culture harmonieuse de sa langue et de sa forme, à laquelle Le Tasse ne pouvait qu’aspirer. Ce que l’on peut dire également pour l’opposé : il a été sans précurseur et est demeuré sans successeur, il se tient là unique et seul dans la poésie italienneviii.
47Il n’en va pas ainsi avec l’Arioste, Pétrarque et Boccace. Ils portent tous, par des traits qu’on ne peut méconnaître, la marque la plus profonde de ce caractère national décidé. Leur formes, même leurs manières sont devenues propres à la poésie italienne et le sont restées. La plus grande partie de cette littérature est remplie par le troupeau innombrable des suiveurs qui l’ont trouvée, et dont certains pourtant ne sont pas sans importance, bien que moins importants que leurs précurseurs, dont l’Arioste, et même Pétrarque. Chez ces précurseurs et leurs meilleurs successeurs, la tendance est plus ou moins la même, comme la manière chez le maître ; seul le niveau de l’art est différent.
48Ma conception est donc celle-ci. Dante, bien qu’il soit extrêmement italien, se tient tout à fait hors des frontières de leur poésie nationale. Même Guarini est un épisode en elle, dont Pétrarque, Boccace et l’Arioste dessinent le contour et le contenu.
49Pourquoi n’accordé-je aucune place au Tasse dans cette construction ? Je préfère en laisser deviner la raison par le silence, ici où je ne veux pas polémiquer, plutôt que la produire et la démontrer.
50Ce qui est le plus fortement saisissant dans la présentation de Pétrarque considérée du point de vue de l’art, c’est le degré admirable et étonnant d’objectivité qu’il atteint pour un contenu si entièrement subjectif. Comme la beauté repose sur l’harmonie de la forme et de la matière, la présentation, par laquelle la tendance commune de ce maître italien est de posséder et de faire montre du plus grand art, paraît reposer sur le rapport de l’objectif et du subjectif. Chez Pétrarque, ils sont réunis jusqu’à l’identité. L’Arioste penche décidément du côté de l’objectivité. La constitution ou le rapport subjectif de presque toutes les œuvres de Boccace saute aux yeux. Supposons maintenant que cela ne soit pas un défaut en soi, mais que c’était plutôt la tendance propre, et donc juste, de son art, que de porter à la lumière le subjectif avec la vérité et l’intériorité la plus profonde, ou de l’évoquer furtivement par des symboles transparents, il devient alors compréhensible qu’il atteint précisément dans Fiammetta son éclat le plus brillant ; et si nous parvenons à mettre le concept de la tendance de l’artiste en relation avec le caractère de la nouvelle, nous aurons trouvé un point médian et une perspective commune pour toutes ses œuvres, que l’on considérerait, à juste titre, comme de simples approches et préparations de la Fiammetta ou de la nouvelle, ou comme des essais de liaison spontanés et des moyens termes oscillant et flottant entre eux.
51Je soutiens que la nouvelle est très appropriée pour présenter une atmosphère et une vision subjective, et, pour ce qui est de la plus originale et de la plus profonde, de manière indirecte et pour ainsi dire symbolique. Je pourrais en appeler à des exemples et demander : Pourquoi donc, parmi les nouvelles de Cervantes, bien que toutes soient belles, en est-il pourtant de décidément plus belles ? Par quelle magie suscitent-elles notre intérêt et s’en emparent-elles avec une beauté divine, sinon par celle qui fait que, partout, le sentiment du poète, la profondeur la plus intime de son originalité la plus propre, transparaît visible et invisible, ou parce que, comme dans le Curieux impertinent, il y a exprimé des points-de-vue qui, en raison précisément de leur originalité et de leur profondeur, ne peuvent pas être exprimés, ou ne peuvent l’être qu’ainsi ? Pourquoi Roméoix se tient-il à un niveau plus élevé que les autres nouvelles du même poète mises en drames, sinon pour la raison que débordant d’un enthousiasme juvénile, il trouva en lui plus qu’en tout autre <nouvelle> un beau réceptacle pour le contenir, et qu’ainsi il put être tout rempli et pénétré de lui ? – Il n’est pas non plus besoin de mise au point pour montrer que cette présentation indirecte du subjectif peut être dans bien des cas plus appropriée et adroite que la présentation immédiatement lyrique, et même, que c’est précisément ce qu’il y a d’indirect et de caché dans ce mode de communication qui est susceptible de lui conférer un attrait supérieur. De la même façon, la nouvelle elle-même est peut-être particulièrement adaptée à cette subjectivité indirecte et cachée parce qu’elle tend par ailleurs beaucoup à l’objectif, et bien qu’elle détermine volontiers précisément l’aspect local et le costume, elle s’en tient pourtant facilement au général, conformément aux lois et aux dispositions de la fine société où elle a son origine et sa patrie ; c’est pourquoi on la voit remarquablement s’épanouir dans ce siècle où la chevalerie, le religion et les mœurs unissaient la plus noble partie de l’Europe.
52Mais cette propriété de la nouvelle peut se déduire immédiatement de son caractère originaire. La nouvelle est une anecdote, une histoire encore inconnue, racontée comme on la raconterait en société, une histoire qui doit pouvoir déjà être intéressante en elle-même, sans regarder en aucune façon au contexte des nations, ou des époques, ou également au progrès de l’humanité et au rapport à sa culture. Une histoire, donc, qui, prise strictement, n’appartient pas à l’histoire, et qui apporte déjà au monde un sujet d’ironie dès l’heure de la naissance. Puisqu’elle doit intéresser, il faut qu’elle contienne dans sa forme quelque chose qui promette à beaucoup d’être remarquable ou aimable. L’art du récit ne peut guère se déployer, ainsi, le narrateur cherchera à montrer, avec un agréable petit rien, une anecdote qui, prise à la rigueur, ne serait pas même une anecdote, qu’il sait nous divertir en nous fascinant, et qu’avec ce qui n’est en soi-même qu’un rien, il sait pourtant si richement l’orner que nous y croyons volontiers, et que nous y prenons même sérieusement de l’intérêt. Bien des nouvelles du Décaméron, qui ne sont que des divertissements et des traits d’esprit, surtout dans la dernière partie provinciale florentine du livre, appartiennent à ce genre, dont le plus riche et le plus ingénieux pourrait être le Licenciado Vidriera de Cervantes. Mais comme, même dans la meilleure et la plus fine société, on n’y regarde d’ordinaire pas tant avec ce qui est raconté, du moment que la manière est honnête, fine et significative, le germe de cette excroissance est déjà dans l’origine de la nouvelle. Mais elle ne peut pas véritablement devenir un genre universel, tout charmant qu’elle puisse être comme humour propre à l’artiste, car mise en forme et répétée souvent, elle perdrait du même coup son charme originel. L’autre voie qui se montre à l’artiste narrateur, voie dont on aura peut-être déjà anticipé les premiers épanouissements, est celle où il semble métamorphoser en nouvelles de vieilles histoires connues, et cela par la façon dont il les raconte et peut-être les transforme. Une masse importante <de telles histoires> s’offrira à lui, qui auront quelque chose d’objectivement remarquable et de plus ou moins universellement intéressant. Qu’est ce qui doit déterminer le choix dans cette masse sinon l’appropriation subjective qui se fondera chaque fois sur une expression plus ou moins accomplie d’une vision ou d’un sentiment propre ? Et quel narrateur d’histoires singulières sans connexion interne, ni historique ni mythique, entendrions-nous longtemps avec intérêt, si nous ne nous commencions à nous intéresser à lui-même ? Si l’on isole cette propriété naturelle de la nouvelle, si on lui donne la plus grande force et le plus grand développement, il en naîtra alors cette manière évoquée plus haut, que j’aimerais nommer allégorique, et qui se maintiendra toujours, qu’on la désigne ainsi ou autrement, comme la cime et la fleur par excellence du genre dans sa totalité.
53Si l’on demande à présent : « dans quelle nouvelle Boccace a-t-il exprimé son individualité le plus parfaitement ? », je nommerais l’histoire d’Africo et de Mensola, le Nymphée de Fiesole. L’ennoblissement de la force virile de la jeunesse par l’amour, une sensualité brûlante et forte et un cœur intimement naïf dans la jouissance, vite interrompue par une brusque séparation, par laquelle les amants déchirés s’abandonnent violemment jusqu’à la mort aux douleurs d’une telle séparation : ce sont là partout les traits principaux de l’amour de Boccace et de la conception qu’il s’en faisait.
54Mais bien d’autres nouvelles encore dans le Décaméron seront plus significatives et compréhensibles à celui qui peut en cette occasion se souvenir de Fiammetta ou aussi encore du Corbeau.
55Comme, au début, la poésie a crû nécessairement de façon sauvage, parce que sa source première et la plus naturelle, à savoir la nature et l’enthousiasme pour son idée donnée dans l’intuition de l’activité divine, était ou bien violemment tarie, ou bien ne s’écoulait plus que parcimonieusement : ainsi, conformément aux divisions des états et de la vie, à côté des romances, des histoires de guerre et de héros pour tous, et de la légende, qui chantait ou racontait des histoires de saints pour le peuple, la nouvelle devait de même naître nécessairement dans la poésie moderne, avec la société fine des états les plus nobles, et pour celle-ci.
56Puisque la nouvelle est à l’origine une histoire, sans être pourtant une histoire politique ou culturelle, et si elle ne l’est pas, cela doit être regardé simplement comme une exception permise, peut-être nécessaire, mais toujours seulement unique ; son traitement historique en prose dans le style d’un Boccace est ainsi le premier. Cela ne doit pas aller du tout contre la dramatisation possible de toutes les nouvellesx ; mais cela peut pourtant venger la gloire de celui qui était l’objet de cet essai de valoir comme le père et le maître du genrexi.
Notes de bas de page
1 A rapprocher des fragments suivants (LN 2054-2055) : « Gongora appartient tout particulièrement à la poésie négative ; et Marin peut-être en raison de sa fausse mièvrerie. – Chez Cervantes, la tendance vers un système d’œuvres est très visible ; chez Boccace, absolument que des fausses tendances – plus de profondeur et d’art dans le plus petit poème de Pétrarque. – <Dante-Cervantes-Shakespeare-Boccace, Guarini, Pétrarque.> Pulci, L’Arioste : de simples tendances ; de même pour le théâtre espagnol ». (LN 2054) ; « Fiammetta est bien l’œuvre la plus originale de Boccace. Le Décaméron n’est pas exempt de fausses tendances [...] » (LN 2055).
2 D’après le traducteur de la pièce de Shakespeare, Pierre Leyris, cette caractérisation se trouve déjà chez Chaucer, Troïlus et Criseyde, lui-même inspiré de Boccace, et qu’évoque Schlegel plus loin ; Shakespeare, Troïle et Cresside, III, 2, Pauvert, Paris, 1961, N. 17, p. 158.
3 Schlegel a pu lire les textes de Boccace à Paris, et il a rectifié dans un texte paru dans Europa les analyses faites ici à partir des extraits.
4 Il s’agit de l’œuvre de Cervantes, Les travaux de Persiles et Sigismonde.
5 En français.
6 Schlegel pense à la Genealogia Deorum, 1363.
Notes de fin
i Je sais gré de la connaissance de deux des plus rares, l’Urbano et l’Amorosa visione, à M. le bibliothécaire Dassdorf de Dresde, si actif pour chaque littérature et si versé dans l’italienne.
ii De nombreuses notices intéressantes à son sujet se trouvent dans les Monuments de l’art poétique vieil allemand de Eschenburg.
iii Chez Boccace, il prend, en liaison avec les difficultés auxquelles il se dérobe avec tant de conviction et qui, s’accordant avec son sentiment intérieur, lui sont même bienvenues, le nom de Philopon, d’après lequel le livre tire son nom. Comme il est difficile de tenir pour inauthentique le passage qui le cite, le conflit portant sur le nom du livre est du même coup résolu. Contre l’explication qui assure que Philocole, comme le livre est aussi appelé ailleurs, est corrompu ou formé par mécompréhension à partir de kalos, milite encore le fait circonstanciel que survient déjà dans Philopon un nom allégorique dérivé du grec kalos, à savoir Caleon. C’est ainsi que s’appelle l’amant de Fiammetta dans les premiers poèmes de l’auteur, et Pamphyle dans les derniers.
iv 1825 : l’œuvre du grand poète.
v Suite du passage, dans l’édition de 1825 : Il est aussi remarquable et surprenant que dans ses écrits érudits, son aspiration principale se fût dirigée sur la restauration de la mythologie antique et sur son annonce dans une vie et une lumière nouvelle. Car c’est cette même idée qui est au fondement de sa poésie ; cela se montre en partie dans une application pas toujours tout à fait réussie des fables et des symboles divins, et plus encore dans l’aspiration, qu’il partageait avec plusieurs poètes de cette ancienne école, de former, sur la voie de l’allégorie, à partir du matériau romantique de son époque, une nouvelle mythologie d’une espèce originale. Une aspiration devant laquelle ont failli beaucoup des grands talents poétiques de la poésie la plus récente.
vi 1825 : la grande beauté.
vii 1825 : et son propre cachet.
viii Suite en 1825 : La beauté classique de la langue poétique du Tasse a un autre caractère et est tout à fait mêlée à l’élément de la grâce et de l’amour romantique. Même l’imitation de l’idylle antique prend chez lui cette tonalité ; l’aspiration antique n’est en général pas autant dominante en lui que chez Guarini, et son beau style est pur de toutes les manières de la singularité naturelle.
ix 1825 : de Shakespeare. [Voir l’Entretien sur la poésie : « Parmi les premières nouvelles traitées sous forme de drames, nous nous bornerons à citer Roméo et Love’s labour’s lost comme les foyers les plus lumineux de sa [= Shakespeare] jeune fantaisie, les plus proches d’Adonis et des sonnets » (AL, p. 304-305)].
x 1825 : qui comportent une matière appropriée.
xi 1825 : assurer à celui qui était l’objet de cette tentative la gloire de valoir comme l’inventeur et le maître du genre.
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