Avertissement au lecteur
p. 7-9
Texte intégral
1Ce livre vise à faire connaître à un large public les événements extraordinaires qui se sont produits en ces provinces entre 1565 et 1569 et leur genèse. Ils ont été qualifiés de « Merveilles » par quelques-uns, tant ils paraissaient étonnants : une « divine » surprise. Mais leur issue tragique a rapidement rejeté dans l’ombre cette appellation. Ces « troubles » considérables sont paradoxalement peu connus des habitants de l’actuel nord de la France. Deux raisons principales peuvent l’expliquer. La première est qu’ils interviennent à une époque où ces provinces, à l’exception du Boulonnais et de Calais récemment reprise (1558), n’étaient pas françaises. Or, pendant longtemps, on a enseigné à l’école et au collège essentiellement l’Histoire de France, celle de l’unité nationale sans faire la part des diversités régionales. D’autre part, les Églises préféraient et préfèrent conserver le silence, et même occulter une histoire qui les gêne. Les protestants, même s’ils célèbrent à juste titre leurs martyrs, ne revendiquaient pas particulièrement un iconoclasme qui est vite devenu impopulaire et a conduit à leur éradication de ces provinces. Quant aux catholiques ils ne tenaient pas à rappeler le comportement brutal et sanglant qu’ils ont eu vis-à-vis d’autres chrétiens, soit par le moyen de l’inquisition, soit via le pouvoir.
2Cependant, la révolte des Gueux est un grand moment de notre histoire, commune avec celle de la Belgique et des Pays-Bas dont les habitants la connaissent beaucoup mieux. C’est un grand mouvement de rejet par une importante partie de la population d’un type de gouvernement imposé par le roi d’Espagne, Philippe II, à des habitants accoutumés depuis l’époque bourguignonne à être associés au pouvoir par le biais des États provinciaux et des États généraux. Le respect des « privilèges » des provinces et des villes, conçus comme des libertés que les princes juraient de respecter lors de leur joyeuse entrée, paraît fondamental.
3Sur ce problème se greffe le grand conflit religieux qui oppose les Réformés aux Catholiques. Le Roi Catholique ne tolère en aucun cas l’hérésie en son royaume : une Inquisition sévère traque et détruit les hérétiques en Espagne. Or en Flandre, en Hainaut, et à un moindre degré en Artois, « la nouvelle religion » fait de plus en plus d’adeptes malgré l’implacable répression qui s’abat sur eux. Des nobles ayant passé « une sainte et légitime alliance » entre eux appelée « Le compromis des nobles » présentent à la gouvernante générale, Marguerite de Parme, le 5 avril 1566 à Bruxelles, une requête réclamant notamment une modération des textes et des poursuites contre les protestants. Traités de « Gueux » par un conseiller, ils s’emparent du terme qu’ils revendiquent fièrement. « Vive les Gueux » devient le cri de ralliement des opposants à la politique de Philippe II. En 1566, les sectaires, comme on les appelle couramment dans les textes, s’estiment assez forts pour aller casser dans les églises et les chapelles tous les symboles du « papisme » : statues, tableaux, tabernacles, objets et vêtements liturgiques, etc. C’est la grande iconoclastie du mois d’août. Mais ces « bris d’images » dressent les catholiques contre les casseurs. Philippe II jette le poids de la puissance espagnole dans la bataille. Il envoie les « tercios », les troupes d’élite et le duc d’Albe, pour châtier les « Flamencos », rebelles contre leur Dieu et leur Roi. S’ensuit une impitoyable et sanglante répression dont la décapitation du comte d’Egmont, seigneur d’Armentières, gouverneur de Flandre et d’Artois et général prestigieux, est le symbole. Goethe, en 1 787, compose un drame que Beethoven met en musique pour célébrer ce « héros de la liberté ». Pour les réformés qui le peuvent, il ne reste qu’à fuir en perdant leurs biens, ou à se soumettre « en contrefaisant le catholique ».
4Les faits, personnes, lieux cités dans ce livre sont réels, sauf erreur involontaire. Ils reposent sur des documents d’archives, des imprimés d’époque ou des recueils de documents constitués postérieurement, des travaux universitaires connus ou inédits, cités pour la plupart à la fin de cet ouvrage.
5L’histoire mouvementée de ces troubles est, comme je l’ai dit, commune aux « 17 provinces belgiques », donc à la Flandre et au Hainaut belges, au Brabant, à la Hollande et à la Zélande, etc. Ce livre ne s’attache directement qu’aux événements intervenus dans les territoires actuellement français, ce qui est déjà beaucoup. Nous n’avons pas voulu, en effet, écrire une histoire générale mais suivre au plus près les faits, gestes et paroles d’hommes et de femmes dans leur cadre de vie. Pour les faits similaires ou spécifiques survenus simultanément dans les provinces actuellement belges et néerlandaises, nous renvoyons aux livres et articles des historiens de ces pays.
6Nous avons tenté de rendre ce livre accessible à un large public. Pour le rendre lisible par le plus grand nombre, nous avons pris les partis suivants :
Il n’y a pas de notes en bas de pages, car elles alourdissent l’exposé et rebutent beaucoup de lecteurs. Nous renvoyons aux sources et à la bibliographie.
Nous avons privilégié le récit des faits, et donné le plus possible la parole aux acteurs ou aux témoins des événements en restituant leurs paroles et leurs mots. Nous avons simplement modernisé la langue et l’orthographe pour rendre les citations compréhensibles à tous les lecteurs.
Celles et ceux qui souhaitent approfondir certaines thématiques peuvent se reporter à l’ouvrage que nous avons publié avec Solange Deyon en 1979 chez Hachette, intitulé « Les casseurs de l’été 1566 », et réédité aux PUL en 1986, éditions épuisées toutes deux, et plus récemment en 2014 aux Presses universitaires du Septentrion.
7Enfin, pour éviter des développements sur les institutions qui auraient cassé le récit, nous faisons précéder le texte d’une sommaire présentation des principaux personnages et de quelques institutions ou termes souvent cités.
8Il nous reste l’agréable tâche de remercier les personnels des archives départementales du Nord et du Pas-de-Calais, des archives municipales de Lille, des bibliothèques municipales d’Arras et de Lille, des bibliothèques universitaires de Lille III et des Facultés catholiques. Ma reconnaissance va également à Jean-Marie Duvosquel qui m’a libéralement autorisé à puiser dans les albums de Croÿ.
9J’exprime toute ma gratitude à l’équipe rédactionnelle des Échos du Pas-de-Calais, et en tout premier lieu à Géraldine Falek, rédactrice en chef-adjointe et directrice de collection, ainsi qu’à Jérôme Pouille, photographe, auteur de nombreux clichés figurant dans ce livre, et à Élisabeth Colle, qui a beaucoup œuvré pour sa diffusion. Les Échos ont mis fin à leur activité d’éditeur de livres, ce que nous regrettons tous. Ils ont eu l’élégance de faciliter la réédition rapide, par les Presses universitaires du Septentrion, de ce livre qui était épuisé et j’en remercie notamment leur président Jean-Paul Devos. J’adresse aussi tous mes remerciements à Marie-Laure Legay, directrice des Presses universitaires du Septentrion et à Nicolas Delargillière, directeur administratif, financier et commercial de celle-ci, de m’avoir proposé d’ajouter ce titre à leur catalogue, aux côtés des Casseurs de l’été 1566, dont il est complémentaire, dans leur collection Histoire.
Auteur
Professeur émérite des universités
Président honoraire des Universités de Lille III puis d’Artois.
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