Gustav Freytag, le philologue défroqué1
p. 149-155
Texte intégral
1Excellent en latin et en grec, Gustav Freytag (1816-1895) avait entamé, après le baccalauréat, des études de philologie classique à l’Université de Breslau. Sous l’influence du médiéviste et poète Hoffmann von Fallersleben (dont il était le seul étudiant dans son séminaire privatissimum, racontet- il dans ses Souvenirs2), il s’était orienté vers l’étude des « antiquités germaniques » et avait appris à déchiffrer et à éditer les manuscrits du Moyen Âge. À Berlin, il avait suivi les enseignements de Karl Lachmann, dont il évoque, dans ses mémoires, les cours sur Catulle, sur les Nibelungen et sur la littérature du Moyen Âge. Il avait consacré sa thèse de doctorat, sous la direction de Lachmann, aux origines du théâtre allemand, puis il avait obtenu l’Habilitation à Breslau, avec le soutien de Hoffmann von Fallersleben, puis avait enseigné comme Privatdozent à l’Université de Breslau de 1839 à 1844 (en 1844, la Faculté ayant refusé sa proposition d’un cours sur l’histoire culturelle allemande, dont l’intitulé s’écartait de sa venia legendi de langue et littérature allemandes, Freytag avait décidé de se consacrer entièrement à sa carrière littéraire3).
1. Les Journalistes (1852)
2Les républicains et les démocrates de l’époque du Vormärz fondaient les plus grands espoirs sur une presse libérée de la censure qui saurait éclairer et entraîner l’opinion publique. Ils considéraient le rôle de journaliste comme un des plus nobles que puisse jouer l’écrivain. Ce point de vue « idéaliste », au lendemain de la révolution manquée, cédait la place au nouveau « réalisme » des directeurs de journal et de leurs rédacteurs. La pièce Les Journalistes de Gustav Freytag est le symptôme de ce nouvelle ligne de conflit entre la littérature et la presse, entre les institutions de la Bildung et les journaux.
3La première de la comédie satirique de Freytag eut lieu à Breslau le 8 décembre 1852 ; mais c’est surtout la représentation donnée à Karlsruhe le 2 janvier 1853, avec le célèbre acteur éduard Devrient, qui donna le coup d’envoi à la belle carrière de l’œuvre sur les scènes allemandes.4 Gustav Freytag publia Les Journalistes sous forme de livre en 1853.5 Notre résumé fait abstraction des intrigues amoureuse qui retiennent l’attention du lecteur et du spectateur : deux journaux s’affrontent dans une ville allemande qui n’est pas nommée : le Coriolan, gazette conservatrice, soutenue par l’aristocrate von Senden et favorable au candidat conservateur, le colonel à la retraite Berg, s’oppose à l’Union, qui soutient le candidat libéral, son rédacteur le plus prestigieux, le professeur Oldendorf, un personnage à travers lequel Gustav Freytag a fait son autoportrait. Deux types de journalistes sont représentés : les uns, qui dominent la rédaction du Coriolan, sont des intrigants et des affairistes, comme Blumenberg, ou des plumitifs serviles, vénaux et dépourvus de toute conviction, comme Schmock, le journaliste juif du Coriolan qui travaillerait volontiers pour l’Union si celle-ci lui offrait un meilleur salaire. Mais les journalistes de l’Union ne sont pas au-dessus de toute critique : on y rencontre des phraseurs qui se prennent pour des poètes, comme Bellmaus, et des stratèges redoutables, comme Bolz, qui assure le succès de la campagne électorale d’Oldendorf.
4Le personnage de Schmock, à lui seul, a assuré une gloire durable et sulfureuse à la pièce de Gustav Freytag, dont la valeur littéraire est dans l’ensemble fort modeste. Le nom de Schmock a fini par devenir un terme générique désignant l’espèce peu honorable des journalistes sans talent et sans principe qui se vendent au plus offrant et se prêtent à toutes les combines. Un des premiers à faire de Schmock le type du mauvais journaliste fut Fritz Mauthner, nous l’avons vu, dans Schmock ou La carrière littéraire du temps (1888). Un peu plus tard, Karl Kraus, dans ses satires de la grande presse contemporaine qu’il considérait comme mercantile et corrompue, fait de Schmock un nom commun et appelle « un Schmock » le journaliste sans foi ni loi.6
5Schmock, dans Les Journalistes, est un personnage secondaire qui entre en scène à l’acte II, scène 2 : rudoyé et méprisé par son directeur, Blumenberg7, le rédacteur en chef du Coriolan, il fait figure de chien battu, exhalant en a parte sa rancune contre son patron tyrannique. Lorsqu’il gratte à la porte de la rédaction de l’Union, espérant y trouver une meilleure place, il se présente en ces termes : « Chez Blumenberg, j’ai appris à écrire pour toutes les tendances. J’ai appris à écrire tantôt pour la gauche, tantôt pour la droite. Je sais écrire pour tous les partis. » Et Bolz lui fait cette réponse cinglante : « Je vois, je vois. Vous avez du caractère ! » Bellmaus, le phraseur de l’Union, ajoute (au troisième acte) : « Je crois que ce n’est pas un mauvais bougre, mais quelqu’un de bien ? Non, vraiment pas. » Schmock est un caméléon qui prend la couleur de la rédaction la plus offrante, mais il se vante aussi d’exceller dans tous les registres de style (Acte IV, sc. 1) : si on lui demande d’être profond, il fera preuve de profondeur ; si on lui demande d’être brillant et enlevé, il brillera de mille feux, il sera même tout bonnement « génial ». Mais sur un point, Schmock ne changera pas : il parle un allemand nasillard et entaché de « jargon » (Mauscheln) qui trahit sa judéité. La tendance désagréablement antisémite du traitement de ce personnage ne dépasse pas certaines bornes : « En présentant Schmock essentiellement comme une victime, Freytag évite de le noircir exagérément. »8
6Au troisième acte, c’est une femme, Adelheid Runeck, amoureuse de Conrad Bolz, le co-directeur de l’Union, qui tire la leçon des événements : « Tous ces malheurs, c’est le mauvais esprit du journalisme qui les a causés. Tout le monde se plaint de lui, mais tout le monde voudrait l’utiliser à son profit. » Un peu plus loin, elle dit encore : « Messieurs les journalistes sont, je le vois, des gens dangereux dont on a intérêt à conserver la bienveillance ! » Et Bolz s’apitoie sur son triste sort d’âme damnée : « Nous les journalistes, nous gavons notre esprit des nouveautés du jour, nous devons consommer jusqu’à la dernière miette tous les plats que Satan prépare pour l’humanité : voilà pourquoi vous ne devez pas trop nous en vouloir. Cette colère quotidienne sur toutes les vilenies et les turpitudes, ce perpétuel énervement sur tous les sujets possibles, tout cela travaille son homme. Au début, on serre les poings, plus tard on s’accoutume à s’en moquer. » À la fin de la pièce (Acte IV, sc. 2), le professeur Oldendorf, qui incarne la conscience de l’intellectuel libéral et les exigences du bourgeois de culture, apprend que l’Union vient de changer de propriétaire et s’écrie avec inquiétude : « Le changement de propriétaire aura-t-il pour conséquence un changement de la position politique du journal ? » Malgré son happy end rassurant, la pièce de Freytag ne dissipe pas le sentiment que la rédaction de l’Union libérale tout autant que celle du Coriolan conservateur s’est mise au service de la propagande électorale. La seule plume de bon niveau, Oldendorf, va quitter la rédaction de l’Union pour se consacrer à sa carrière politique. Après son départ, on ne trouvera plus dans ce journal que des écrivains manqués et des manipulateurs de l’opinion publique.
7Voilà comment Gustav Freytag, philologue médiéviste, devenu écrivain et co-rédacteur (avec Julian Schmidt) de la revue Die Grenzboten, qui fut dans les années 1850 et 1860, un des porte-voix les plus respectés du réalisme allemand, jugeait la presse allemande de son temps et ses confrères journalistes. Le clivage entre la culture, la littérature authentiques et le tout-venant de la presse ne cessera de s’accentuer durant la deuxième moitié du XIXe siècle, jusqu’à devenir aux yeux de Karl Kraus, la cause majeure de la décadence contemporaine. « À la fin de la comédie de Freytag, c’étaient, malgré tout, les honnêtes gens qui l’emportaient sur les coquins et la littérature sur le journalisme. Quand Kraus entre dans la bataille, il le fait, au contraire, avec le sentiment que la malhonnêteté a triomphé sur toute la ligne et que le journalisme est en train d’engloutir la littérature »9.
2. Doit et avoir (Soll und Haben), 1855
8Le « réalisme poétique » de Gustav Freytag exalte la valeur culturelle et formatrice (Bildungswert) du travail. Paradoxalement, le travail est représenté dans Doit et avoir sous des traits archaïques : le commerce à la manière de la maison Schröter refuse les procédés du nouveau capitalisme, le commerce de titres et d’obligations appelé « spéculatif »10. Le travail industriel est accepté quand il va dans le sens des vertus traditionnelles, mais non lorsqu’il devient un ferment de décadence culturelle et sociale (entre les mains d’Ehrenthal, mauvais génie de Rohtsattel). De même, les séjours d’Anton Wohlfart en Pologne lui permettent de réfléchir sur la distinction entre la bonne agriculture qui apporte les bienfaits du travail allemand chez les Polonais et la mauvaise exploitation du sol. Gustav Freytag, parallèlement à sa défense et illustration des classes moyennes (Mittelstand), fait l’apologie du « paysan des classes moyennes » (Mittelbauer), contre les Junker et leurs latifundia. Une suite parodique et critique de Soll und Haben, le roman Anton in Amerika. Seitenstück zu Freytags « Soll und Haben », de Reinhold Solger, met en lumière l’antimodernisme qui gouverne les points de vue de G. Freytag : Sabine Wohlfart a mis au monde un fils, qui part pour les États-Unis, « à l’école du capitalisme » ; cette expérience est aussi désastreuse que celle de Fink dans Doit et avoir, le commerçant allemand se sent terriblement démuni au pays du « capitalisme sauvage ».
9Dans Soll und Haben, nous n’apprenons pas grand-chose sur les années de formation d’Anton. On nous dit en quelques phrases rapides qu’il a fait de bonnes études secondaires au et qu’il a brillé dans plusieurs matières classiques ou artistiques. Mais ce n’est pas au lycée classique qu’il a découvert sa vocation : celle-ci lui est apparue au contact de la firme Schröter. Anton lit Walter Scott et Fenimore Cooper, il a appris l’anglais : sa culture est celle d’un honnête commerçant, sinon celle d’un honnête homme dans la tradition classique. Dès 1857, une critique acerbe publiée dans le journal Abendblatt der Neuen Münchener Zeitung ne voyait là « rien d’autre que l’apothéose du matérialisme le plus cru »11. Franz Mehring parlera de la « sauce morale » avec laquelle le bourgeois veut assaisonner son profit12.
10L’union de la Bildung, du travail productif (Arbeit) et de la propriété, qui fonde la culture bourgeoise et la norme du Mittelstand, triomphe dans le roman de Gustav Freytag.13 Mais ce triomphe n’est assuré que dans la fiction. La réalité sociale et économique permettra-t-elle la réalisation de ce programme du libéralisme réaliste au sens de Rochau ? Paradoxalement, le roman de Freytag est plus un roman utopique qu’un roman réaliste.
3. Le manuscrit perdu (1864)
11Le roman Le Manuscrit perdu (Die verlorene Handschrift), publié en 1864, raconte l’histoire du professeur Félix Werner, un philologue encore jeune qui, par le hasard d’une lecture, a été mis sur la piste du manuscrit d’un fragment perdu de Tacite, dont l’intérêt, souligne-t-il, n’est pas seulement évident pour les spécialistes de littérature latine et d’histoire romaine, mais aussi pour les germanistes, puisque Tacite fut le premier historien des Germains. Cette piste le conduit jusqu’à un château situé au milieu d’une exploitation agricole, où il ne trouve pas le manuscrit, mais fait la connaissance d’Ilse, la fille du paysan propriétaire des lieux, qui devient sa femme. Le prince régnant d’un petit État allemand attire le professeur Werner à sa cour en lui promettant de l’aider dans sa recherche du manuscrit perdu : en fait, ce petit monarque despotique et corrompu cherche à séduire Ilse. Werner, absorbé par ses travaux, n’est pas conscient de cette menace et, malgré les supplications d’Ilse, ne veut pas quitter la résidence du prince. Ce dernier, avec l’aide de Jacob Knips, l’assistant de Félix Werner, égare le professeur sur une piste trompeuse, qui le conduit à un manuscrit qui n’est qu’un faux. Pendant ce temps, Ilse est enlevée et ne doit d’échapper aux griffes du prince qu’à l’intervention de Hummel, le propriétaire de l’immeuble où loge le professeur Werner au début du roman. Werner retrouve Ilse dans la grotte où elle s’est cachée et, au même endroit, la reliure du manuscrit recherché – mais le texte a disparu.
12Gustav Freytag célèbre à nouveau, dans ce roman, les vertus bourgeoises incarnées par Werner, le philologue représentant du Bildungsbürgertum, mais Le Manuscrit perdu est une œuvre bien moins « réaliste » que Doit et avoir. Le héros, Félix Werner, est un idéaliste qui croit fermement en sa science des textes anciens et explique à ses interlocuteurs, parfois dubitatifs, comme le bourgeois Hummel14 ou le riche paysan père d’Ilse15, que la philologie classique est un pilier de la culture contemporaine, répétant sans aucune ironie le credo néo-humaniste qui donne sa légitimité au programme éducatif du Gymnasium. La petite société provinciale qui l’entoure fait songer à E. T. A. Hoffmann, dans Le Chat Murr, plus qu’aux romans de société anglais ou français contemporains : une petite ville universitaire, un bourgeois fabricant de chapeaux de paille (Hummel), ennemi de son concurrent fabricant de chapeaux de feutre (Hahn), une campagne idyllique, une résidence princière où se fomentent des intrigues redoutables, autour d’une altesse princière autoritaire et fourbe ; un universitaire enfin, absorbé par sa passion philologique, placé au centre du roman sur le modèle du Künstlerroman, du roman d’artiste, victime de la fourberie de son assistant, l’arriviste Knips, dont le romancier explique qu’il est issu d’une famille pauvre et cherche par tous les moyens à faire carrière. Mais l’artiste qui, chez E. T. A. Hoffmann, s’affirmait contre le bourgeois « philistin », est devenu chez Gustav Freytag un professeur d’université persuadé de jouer un rôle de premier plan dans la « culture bourgeoise » (comme le personnage du professeur Oldendorf, dans la pièce Les Journalistes, il représente l’idéalisme de la Bildung classique). Si Doit et avoir peut être considéré comme un condensé du nouvel état d’esprit réaliste des classes moyennes allemandes au lendemain de 1848-1849, Le Manuscrit perdu, qui remporta un succès plus limité, est plutôt placé sous le signe de la tradition culturelle et littéraire formée dans le monde allemand à l’époque de Goethe, plus proche du Biedermeier des années 1815-1830 que du Vormärz et du réalisme de la deuxième moitié du XIXe siècle.
Notes de bas de page
1 Pour une analyse des œuvres et du rôle politique de Gustav Freytag, cf. Jacques Le Rider, L’Allemagne au temps du réalisme. De l’espoir au désenchantement (1848-1890), Paris, Albin Michel, 2008.
2 Gustav Freytag, Erinnerungen aus meinem Leben, Leipzig, Hirzel, 1887, p. 115-116 (chap. 6).
3 Loc. cit., p. 190 (chap. 8). Freytag reprit son projet d’une histoire culturelle de l’Allemagne (entendue comme l’histoire des « mutations des moeurs, des coutumes et des conditions de vie de la nation », Erinnerungen aus meinem Leben, op. cit., p. 276) dans Bilder aus der deutschen Vergangenheit, dont il publia les premiers volumes en 1859.
4 Dans le roman de Theodor Fontane Mathilde Möhring, écrit en 1891 et 1895/96, publié en 1906, on trouve un écho de cette remarquable notoriété de la pièce de Gustav Freytag. Hugo Grossmann, un des personnages du roman de Fontane, énumère une série de rôles célèbres de femmes : « Amalie et Adelheid von Runeck, Milford et éboli » (chapitre IV), mettant sur le même plan Amalia von Edelreich (dans Les Brigands de Schiller), Adelheid von Runeck (dans Les Journalistes de Freytag), Lady Milford (dans Intrigue et amour de Schiller) et la princesse d’éboli (dans Don Carlos de Schiller).
5 Gustav Freytag, Die Journalisten, Leipzig, S. Hirzel, 1853 (nous avons utilisé l’édition Stuttgart, Reclam Universal-Bibliothek, n° 6003, 1977).
6 L’édition de 1993 du dictionnaire Duden de la langue allemande mentionne « le Schmock », substantif (« d’après Les Journalistes de Freytag ») ayant le sens de « journaliste sans conviction ». Karl Kraus utilise plusieurs dérivés du nom de Schmock (Schmockerei, Schmocktum, schmockisch, verschmockt, Verschmocktheit, etc.). Cf. Les Journalistes de Schnitzler. Satire de la presse et des journalistes dans le théâtre allemand et autrichien contemporain, éd. par Jacques Le Rider et Renée Wentzig, Tusson (Charente), Du Lérot, 1995. Ce collectif, publié à l’occasion de la mise en scène par Jorge Lavelli de la pièce d’Arthur Schnitzler Fink und Fliederbusch au Théâtre de la Colline, en 1994, sous le titre « Les Journalistes », étudie l’évolution de la satire du journalisme dans le théâtre de langue allemande, de Gustav Freytag à Karl Kraus et Arthur Schnitzler.
7 Blumenberg est aussi un « nom juif ».
8 Jacques Bouveresse, Schmock ou le triomphe du journalisme. La grande bataille de Karl Kraus, Paris, Seuil (collection Liber), 2001, p. 31.
9 Op. cit., p. 31sq.
10 Cf. Gustav Freytag, « Die neuen Geldinstitute in Deutschland », Grenzboten, 3, 1856, p. 55-63.
11 Recension anonyme intitulée « Drei deutschche Romane : Soll und Haben » von Gustav Freytag, Der grüne Heinrich von Gottfried Keller, Die Vagabunden von C. von Holtei, 1857, n° 105, p. 417sq.
12 Franz Mehring, « Gustav Freytag. 1. Mai 1895 », Gesammelte Schriften , éd. par Thomas Höhle et al., vol. 11, Berlin 1961, p. 63-68.
13 Ludwig Stockck inger, « Realpolitik, Realismus und das Ende des bürgerlichch en Wahrheitsanspruchs. Überlegungen zur Funktion des programmatischen Realismus am Beispiel von Gustav Freytags Soll und Haben », dans : Bürgerlicher Realismus. Grundlagen und Interpretationen, éd. par Klaus-Detlef Müller, Königstein/Ts., Athenäum, 1981, p. 174-202.
14 Hummel déclare à Gabriel, le domestique du professeur Werner, qui s’émerveille de l’érudition et de l’ardeur au travail de son maître de maison : « Les Romains sont un peuple mort. Et lorsque leur fin est venue, les Allemands sont arrivés. Un Romain n’arriverait à rien chez nous. La seule chose qui puisse nous rendre service, c’est la Hanse. Voilà une institution ! Une puissance maritime ! Les villes doivent faire preuve d’esprit d’entreprise, s’allier, élargir leur capital, car le commerce marche, le crédit est là, et l’on ne manque pas d’hommes. Construisons des bateaux ! Hissons pavillon ! » (Gustav Freytag, Die verlorene Handschrift, fin chapitre 1). C’est Hummel qui parle au nom du réalisme commerçant de la bourgeoisie allemande, dans une époque de croissance économique et ses propos laissent percer de l’incompréhension et de la commisération pour le brillant philologue qui consacre toutes ses forces et toute son intelligence à l’étude des textes classiques.
15 Au chapitre 4 du Manuscrit perdu, arrivé au château où habitent le paysan, sa famille et tout son personnel, Félix Werner explique la raison d’être de son métier de philologue : « Ce qui exalte et renforce un honnête savant, dans ses recherches les plus ardues, auxquelles il consacre sa vie, c’est la conviction inébranlable que son travail est un bienfait pour toute l’humanité ; il n’aide pas à inventer de nouvelles machines ni à découvrir de nouvelles plantes pour l’agriculture, mais il joue un rôle déterminant pour tous, même quand il enseigne ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est beau et ce qui est laid, ce qui est bon et ce qui est mauvais. En ce sens, son travail rend des millions de gens plus libres et donc meilleurs. »
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