1 A. Malraux, Discours prononcé lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon le 19 décembre 1964.
2 Quint., Inst., 9, 2, 40, définit ainsi l’hypotypose : « Quant à la figure, dont Cicéron dit qu’elle place la chose sous nos yeux, elle sert généralement, non pas à indiquer un fait qui s’est passé, mais à montrer comment il s’est passé, et cela non pas dans son ensemble, mais dans le détail… D’autres l’appellent l’hypotypose et la définissent comme une représentation des faits proposés en termes si expressifs que l’on croit voir plutôt qu’entendre », trad. J. Cousin.
3 L’extrait du discours de Malraux exploite deux types d’images qui diffèrent par leur nature : celle qui se matérialise dans l’esprit de l’auditeur par le biais de l’hypotypose et l’image tirée du film Nuit et brouillard, qui sert de support à la première et la redouble.
4 La memoria était la quatrième partie de la rhétorique, après l’inuentio, la dispositio, l’elocutio, et avant l’actio : Rhet. Her., 1, 3 ; Quint., Inst., 3, 3, 1-10. Dans les traités tardifs réunis dans les Rhetores Latini minores (datant des iiie et ive siècles) l’accent est mis sur l’invention et une place beaucoup moins importante est accordée à la mémorisation.
5 Rhet. Her., 1, 3 : Memoria est firma animi rerum et uerborum et dispositionis perceptio ; 3, 28 : la mémoire est qualifiée de « trésor qui rassemble toutes les idées fournies par l’invention et qui conserve toutes les parties de la rhétorique », trad. G. Achard ; voir aussi Cic., de Orat., 2, 87 ; Quint., Inst., 9, 2, 1 et 8, sur l’utilité de la mémoire.
6 Baroin 2010, p. 127-152.
7 Rhet. Her., 3, 29-40 ; Cic., de Orat., 2, 86-88 ; Quint., Inst., 9, 2, 11-26. Selon ces traités, l’art mnémonique est d’origine grecque : son invention est attribuée au poète lyrique Simonide de Céos (556-467 av. n. è.) et il fut perfectionné notamment par les philosophes Charmadas et Métrodore de Scepsis ; Antoine, le grand-père du triumvir, avait appris d’eux cet art, et L. Licinius Crassus avait étudié avec le second (tous les deux sont considérés comme des maîtres de l’éloquence latine par Cicéron). Sur la mnémonique dans la rhétorique latine, voir récemment Baroin 2010, p. 202-220.
8 Quint., Inst., 1, 1, 36 ; le rhétoricien Aelius Théon, qui vécut probablement au début de l’époque impériale, recommandait de commencer les progymnasmata par l’étude de la chrie rapportant des paroles et des actions marquantes de personnages célèbres comme Diogène le Cynique.
9 Quint., Inst., 1, 1, 35-36 ; cette préoccupation morale est très sensible chez Aelius Théon, Progymnasmata, voir Patillon 1997, p. xix-xx ; elle est omniprésente chez Plutarque dans Comment écouter les poètes.
10 Rhet. Her., 1, 3.
11 Plut., De l’éducation des enfants, 13, 9 E-F : « Car le souvenir des actions passées devient un exemple (paradeigma) pour décider sagement des actions à venir », trad. J. Sirinelli légèrement modifiée. Remarquons que ce principe de l’imitation était cohérent avec la conception antique d’un temps cyclique. Il était valable à tous les niveaux d’études. Coudry 1998, p. 183-184, a remarqué que chez Suétone, Auguste justifiait ses actes par des lectures publiques ou privées, donnant lui-même l’exemple de la remise en vigueur de l’ordre passé. De manière plus large, ce comportement correspond à celui que la rhétorique attendait d’un homme politique. Voir Dio. Chr., Or., 18, 14-17 : à une date qu’il est difficile de préciser, entre le dernier tiers du ier siècle et le début du iie siècle, le sophiste conseille à un Romain engagé dans la carrière politique, et qui désire parfaire son éducation littéraire, de lire en particulier Xénophon, un homme d’action dont il pourra tirer des exemples utiles.
12 Coudry & David 1998. Sur le fonctionnement des exempla dans le discours judiciaire et historique, voir aussi David 1980 ; David & Dondin 1980.
13 Demoen 1997.
14 Voir les considérations pédagogiques d’Aelius Théon, Progymnasmata, 59-72, sur l’utilité de ces exercices.
15 Pol., 6, 52, 11-54, 3, trad. R. Weil.
16 Crawford 1941 a rassemblé les témoignages concernant l’éloge funéraire romain ; voir aussi Kierdorf 1980.
17 Chioffi 1988. Voir Suet., Aug., 31 : « Il fit ériger, sous les deux portiques de son forum, des statues qui les représentaient tous avec leurs insignes de triomphateurs, en déclarant même, dans un édit, qu’il avait imaginé cela pour que lui-même, tant qu’il vivrait, et les princes ses successeurs, fussent tenus, devant leurs concitoyens, de se modeler, pour ainsi dire, [sur l’image] de ces grands hommes », trad. H. Ailloud.
18 CIL, VI, 1285 : Cornelius Lucius Scipio Barbatus, Gnaeo patre / prognatus, fortis uir sapiensque, / cuius forma uirtuti parissima fuit / consul, censor, aedilis, qui fuit apud uos ; / Taurasiam, Cisaunam, Samnium cepit, / subigit omnem Lucaniam, obsidesque abducit. Sur les elogia des Scipions, voir récemment Massaro 2008. Voir Rhet. Her., 6, 10 ; Quint., Inst., 3, 7, 10-18 : ex animo et corpore et extra positis. Cette tripartition des biens est présente dans la rhétorique latine (dans la Rhétorique à Hérennius, chez Cicéron et chez Quintilien), mais non chez Aristote, Rh., 1, 1362 a 13-14, pour lequel l’éloge véritable porte sur la vertu ; elle apparaît aussi dans la Rhétorique à Alexandre, 35, 4 ; voir Pernot 1993, p. 136-151. Sur le problème des rapports entre éloge funèbre et rhétorique, voir Kierdorf 1980, 49-93 ; contra Durry 1942.
19 Coudry 1998, p. 184-191 avec d’autres exemples concernant la nouvelle image du Sénat au début du Principat.
20 En août 403 av. n. è. ; Arist., Ath., 39.
21 En 493 av. n. è. ; Hdt., 6, 21.
22 En 316 av. n. è. ; Diod., 19, 53-54.
23 En mars 370 av. n. è. : Diod., 15, 57, 3-58 ; Dion. H., 7, 66, 5 ; Isoc., Philippe, 52.
24 En 324 / 323 av. n. è. ; Plut., Dem., 25, 7-8.
25 Plut., Préceptes politiques, 814 A-814 C, trad. J.-Cl. Carrière. Voir Quet 1978, p. 59-62 ; Schmidt 2009.
26 Plut., Préceptes politiques, 813 C ; 825 C-D.
27 Luc., Rh. Pr., 18 : « Il est aussi de bon ton de parler de Marathon et du Cynégire, car, sans leur mention, ça ne serait pas convenable. S’il le faut, navigue sur le mont Athos et marche sur les flots de l’Hellespont ; le soleil doit être voilé par les flèches des Perses ; Xerxès prend la fuite, Léonidas brosse à gros traits son immortelle gloire ; signale en passant la soif de sang d’Othryade ; fais résonner la clameur de Salamine, d’Artémision, de Platées ; frappe sur cette enclume, bref, mets le paquet ! Jette à toutes volées ces jolis petits mots et qu’ils se dressent au plus clair de tes discours, qu’ils fleurissent ! », trad. Ph. Renault. Voir Men. Rh., 1, 364, 29-30 ; 364, 32, et 365, 7 pour l’exemple des Thermopyles. Voir aussi Pernot 1993, p. 741-744.
28 Voir Pernot 2005 ; sur l’image prestigieuse dont bénéficiait Sparte, en particulier auprès des Romains, voir Cartledge & Spawforth 1989, p. 190-211 ; sur Marathon et Platées chez les rhéteurs grecs d’époque impériale, Jung 2006, part. p. 205-224 et 360-377 ; et en dernier lieu Gómez 2013.
29 Philostr., VS, 519-520, 541 ; voir Bowie 1970, p. 7-8. Sur Polémon, voir Quet 2003.
30 Spawforth 1994, p. 244-246.
31 Pernot 2005, p. 102-103.
32 L’imitation était conçue comme l’appropriation des meilleures qualités d’un modèle, qui devaient être modifiées de manière personnelle : Dion. H., Sur l’imitation, Epitomè du livre 2, 1.
33 Luc., Hist. Conscr., 18 et 23. Flavius Josèphe, BJ, 1, 13, critique les historiens grecs de la fin du ier siècle qui s’obstinaient à réécrire l’histoire des Assyriens et des Mèdes en négligeant leur histoire contemporaine.
34 Voir notamment Webb 1997a, 1997b, 2009.
35 Sur la validité de la statue du Zeus olympien, voir Dio. Chr., Discours olympique (Or. 12). Sur le problème que pose le remploi dans le système des honneurs civiques, voir Dio. Chr., Discours rhodien (Or. 31) ; Favorin., Discours aux Corinthiens ; voir chez Dio Cass., 52, 35, 3, les conseils de Mécène concernant l’usage des statues pour honorer le prince. Voir aussi Plin., Nat., 34, 9-19, sur les statues cultuelles et honorifiques en bronze. Pour Plutarque, voir Mossman 1991.
36 Quint., Inst., 2.1.20.
37 Stewart 2003, p. 301.
38 À l’échelle de la Gaule, l’étude d’E. Rosso confirme ce constat à propos des statues des empereurs depuis le début du Principat jusqu’au ive siècle. L’auteur souligne une normalisation des formes d’hommage et des portraits, dans leur gestuelle et dans leurs vêtements, en même temps que se constitue, notamment avec les Antonins, la figure du prince et de ses vertus ; elle propose un intéressant parallèle entre le discours d’éloge et la statuaire à propos des qualités impériales (Rosso 2006, p. 118-119).
39 Rosso 2006, p. 184.
40 Rosso 2006, cat. 142-143 (= AE 1992, 1184-1185).
41 Rosso 2006, cat. 144-146 (= AE 1992, 1186-1188).
42 Rosso 2006, p. 67-68.
43 Rosso 2006, cat. 142 (= AE 1992, 1184) : Imp(eratori) Caes(ari) M(arco) Aurelio / Antonino Aug(usto) Armi/niaco pontif(ici) max(imo) / trib(unicia) potest(ate) XX imp(eratori) III / co(n)suli III diui Antonini f(ilio) / diui Hadriani nepoti, diui Traiani Parthic(i) / pronepoti diui / Neruae abnepoti ; cat. 143 (= AE 1992, 1185) : Imp(eratori) Caes(ari) L(ucio) Aurelio / Vero Aug(usto) Arminiac(o) / Parthico Maximo / trib(unicia) potest(ate) VI imp(eratori) III / co(n)s(uli) II diui Antonini f(ilio) / diui Hadriani nepoti / diui Traiani Parthic(i) / pronepoti diui / Neruae abnepoti.
44 Voir notamment Stemmer 1978 et Picard 1983.
45 Plin., Nat., 34, 10. Dans la Rome du ier siècle de notre ère, on connaissait une statue célèbre de César désignée par Pline, Ep., 8, 6, 13, comme la statua loricata diui Iulii : sur les débats portant sur l’identification de cette statue avec celle de Pline l’Ancien, ou encore avec le monument équestre de Lysippe qui rapprochait César d’Alexandre le Grand, voir la synthèse de Corbier 1997.
46 Chez Ménandre le rhéteur, 2, l’andreia représente dans le basilikos logos et dans les éloges du gouverneur le courage militaire, ce qui ne va pas de soi auparavant : voir par exemple Muson., 8, p. 35 l. 9-18 éd. Hense, et M. Ant., 1, 16, 23 et 31, où l’andreia est le courage moral de supporter les épreuves.