1 « [Life] is a tale / told by an idiot, full of sound and fury, / signifying nothing » (W.. Shakespeare, Macbeth, V, 5, traduction de P. Leyris modifiée, Paris, Aubier-Montaigne, 1977).
2 La date proposée résulte de critères littéraires – parodie des v. 171-173 dans Les Nuées d’Aristophane (v. 1165-1166), jouée au printemps 423 – et métriques – fréquence des « résolutions » des longues de l’iambe et du spondée en brèves.
3 J. Irigoin, « La composition architecturale de l’Hécube d’Euripide », CFC(G), 12, 2002, p. 163-172, p. 163 : « 2 parties égales, comportant 456 trimètres, correspondant à la desis (“nouement”) et à la lusis (“dénouement”) définies par Aristote au chapitre 12 de la Poétique » (et le tableau présentant cette composition se trouve p. 167).
4 Sauf indication contraire, les traductions d’Hécube sont miennes.
5 P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1999, p. 1227 ; cf. aussi V. Fontoynont, Vocabulaire grec commenté et sur textes, Paris, A. et J. Picard, 1977, p. 77 (« intelligence » et « sentiment »).
6 H. Perdicoyianni les lie « au caractère prémonitoire du rêve » (Commentaire sur l’Hécube d’Euripide, Athènes, St. D. Basilopoulos, 1991, p. 33).
7 H. Weil, Sept tragédies d’Euripide, Paris, Hachette, 1868, p. 222.
8 L’hypothèse d’un « geste symbolique » est celle d’H. Weil, ibid., p. 221.
9 N. Guédri voit dans cette insistance d’Hécube sur son malheur le signe de sa démesure et la marque de son égoïsme forcené ; pour elle, le personnage est victime d’une mélancolie de type freudien (« L’Hécube d’Euripide, reine tragique », article publié sur le site Dissonances freudiennes et consulté pour la dernière fois le 05/07/2013 à l’adresse suivante, qui n’existe plus à l’heure de la publication de ce volume : http://dissonancesfreudiennes.fr/Library/Textes/Nadia_Guedri/Hecube.pdf, respectivement p. 8, 12 et 6-7).
10 C’est cette déroute de la raison, à ce moment du drame, qui explique peut-être son « attitude sentencieuse » qui a paru « étrange » à certains commentateurs (comme F. Jouan, Les Tragiques grecs, Euripide, Paris, R. Laffont, coll. « Bouquins », 2001, p. 271, n. 1).
11 Sur la place de la violence et de la dénégation dans la psychologie clinique moderne, cf. M. L. De Souza Campos Paiva et I. C. Gomes, « Violence familiale, transgénérationnel et pacte dénégatif », Le Divan familial, 18, 2007, p. 139-152, www.cairn.info/revue-le-divan-familial-2007-1-page-139.htm.
12 Cf. C. Segal, Euripides and the Poetics of Sorrow : Art, Gender, and Commemoration in Alcestis, Hippolytus, and Hecuba, Durham - Londres, Duke University Press, 1993, p. 164.
13 C. Collard, Euripides, Hecuba, with Introduction, Translation and Commentary, Warminster, Aris and Phillips, 1991, p. 157 (je traduis).
14 Sur ce passage, cf. ibid., p. 136.
15 Sur la symbolique de ces noms, cf. N. Loraux, « L’histoire commence à la prise de Troie », dans l’édition de l’Hécube d’Euripide aux Belles Lettres par L. Méridier, coll. « Classiques en poche », 2002, p. XXXIII-XLI, p. XXXVIII.
16 Selon P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, op. cit., p. 54, ce terme désigne une « une divinité à l’action imprévisible et personnelle » ; mais c’est aussi, d’après C. Collard, Euripides, Hecuba, op. cit., p. 167, « une puissance personnifiée de la vengeance pour le sang répandu ».
17 Sur cet aspect, cf. J. Alaux, Euripide, Hécube, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Classiques en poche », 2002, Introduction, p. XXVI-XXVII.
18 Sur ce verbe, qui inscrit le processus de compréhension dans l’instant, cf. H. Weil, Sept tragédies d’Euripide, op. cit., p. 261.
19 Sur les liens qui rapprochent Hécube de l’histoire récente, notamment des événements racontés par Thucydide dans son livre III, cf. R. Goossens, Euripide et Athènes, Bruxelles, Palais des Académies, 1962, p. 231-244, et la synthèse, plus nuancée, de J. Alaux, Euripide, Hécube, op. cit., p. XIII-XVII ; comme le dit ce dernier, la matière tragique se trouve déjà dans « les mythes troyens [qui], dès Homère, constituaient un modèle dans lequel se lisaient l’horreur du combat, l’indignité des vainqueurs et la poursuite de la guerre au cœur des maisons » (p. XVII).
20 J. Alaux, Euripide, Hécube, op. cit., p. XXVII.
21 La tragédie romaine intègre le δαίμων grec dans le cadre juridique du furor, qui désigne, à l’origine, l’état de folie d’un soldat ; sur cet aspect, cf. F. Dupont, L’Acteur-Roi. Le Théâtre dans la Rome antique, Paris, Les Belles Lettres, 1985, p. 181-189 et F. Dupont et P. Letessier, Le Théâtre romain, Paris, A. Colin, 2011, p. 85-87. On connaît par ailleurs l’influence d’Euripide sur Sénèque qui a « traduit » nombre de ses tragédies.
22 Sur la métamorphose de l’inoubliable (alaston) en inoublieux (alastôr), cf. N. Loraux, La Cité divisée. L’Oubli dans la mémoire d’Athènes, Paris, Payot et Rivages, 1997, p. 163-169 et, sur la force des négations, p. 167-169.
23 Dans l’établissement du texte, L. Méridier met une majuscule à ce terme (Euripide, Hécube, op. cit., p. 64).
24 C. Nancy, au contraire, considère qu’Hécube (comme Médée) ne cherche pas à se venger, mais agit « par l’exigence de la dikè, par la conscience aiguë que le mal est infini et impuni, que ni dieu ni homme ne viendront jamais le sanctionner » (Euripide, Théâtre complet I, sous la direction de M. Trédé, Paris, Flammarion, 2000, notice p. 118-119).
25 Sur l’anthropopoiésis, cf. les analyses de F. Remotti, « Thèses pour une perspective anthropopoiétique », C. Calame et M. Kilani (dir.), La Fabrication de l’humain dans les cultures et en anthropologie, Lausanne, Payot, 1999, p. 15-31 ; F. Remotti (dir.), Forme di umanità. Progetti incompleti e cantieri sempre aperti, Turin, Paravia, 1999 ; F. Affergan, S. Borutti, C. Calame, U. Fabietti, M. Kilani et F. Remotti, Figures de l’humain. Les Représentations de l’anthropologie, Paris, Éditions de l’EHESS, 2003 (concept explicité et mis en pratique).
26 Cf. H. Perdicoyianni, Commentaire sur l’Hécube d’Euripide, op. cit., p. 101.
27 J. Alaux, Euripide, Hécube, op. cit., p. XXVIII, qui souligne la récurrence de la philia dans cet échange (v. 953-1022), thématique révélatrice de la duplicité de Polymestor et de l’ironie d’Hécube.
28 Cf. C. Segal, Euripides and the Poetics of Sorrow, op. cit., p. 229 : « the resulting justice, as is often the case in Greek tragedy, is retributive rather than restorative » ; pour lui, la pièce est « a devastating critique of a world that has lost touch with basic moral values and a language that could articulate them » (p. 210).
29 C’est ce que montre C. Segal, ibid., p. 164-165.
30 C. Nancy, Euripide, Théâtre complet, op. cit., p. 122.
31 J. Alaux, Euripide, Hécube, op. cit., p. XXIX.
32 La date de cette pièce n’est pas connue ; consacrée uniquement au sacrifice de la jeune fille, elle pourrait avoir été jouée avant l’Hécube d’Euripide ; cf. F. Jouan, Les Tragiques Grecs, Euripide, op. cit., p. 253. Le thème de la vierge sacrifiée est commun : cf., par exemple, Iphigénie à Aulis, avec qui Polyxène a de nombreux points communs (« fiancées » d’Achille, défendues par leur mère, menées au sacrifice par Ulysse, ce qui libère les vents pour la flotte) ; cf. aussi les métaphores animales qui entourent Polyxène (v. 142, 205-206, 526 ; cf. v. 260-261) et les remarques de C. Segal, Euripides and the Poetics of Sorrow, op. cit., p. 174-179.
33 Sur ce verbe qui évoque l’épiclèse de Zeus Δειματίας et le Δεῖμος homérique et hésiodique, « toujours personnifié comme démon », cf. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, op. cit., p. 256. Sur la symbolique du nom de Polyxène, qui, par euphémisme, désigne Hadès, ce qui la voue à la mort, cf. J. Alaux, Euripide, Hécube, op. cit., p. XXXVIII.
34 D. Arnould, Le Rire et les Larmes dans la littérature grecque, d’Homère à Platon, Paris, Les Belles Lettres, 1990, p. 243-249.
35 Cf. N. Loraux, La Voix endeuillée. Essai sur la tragédie grecque, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 1999.
36 N. Loraux, Les Mères en deuil, Paris, Seuil, 1990, p. 88.
37 N. Loraux rappelle qu’une « mère n’a jamais recours à ce mythe » (comment en effet « adopterait-elle un paradigme qui glisse du meurtre sous son deuil ? »), « alors que les vierges manifestent une étrange prédilection à s’y référer » (ibid., respectivement p. 90 et 95).
38 Il s’agirait là d’un fait unique, selon M. Mazoyer, J. Perez Rey, F. Malbran-Labat et R. Lebrun, L’Oiseau, entre ciel et terre, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 186.
39 « Vivre sans honneur est une grande épreuve » ; ce vers, cité par Stobée dans son Florilège (vie siècle), a été condamné par Nauck ; cf., à ce sujet, l’analyse d’ensemble de J. de Romilly, « Les réflexions générales d’Euripide : analyse littéraire et critique textuelle », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 127 (2), 1983, p. 405-418, p. 414-417.
40 Sur ces vers, cf. le commentaire de D. Lanza, Le Tyran et son Public, Paris, Belin, 1997, p. 91-92.
41 Sur cet aspect, cf. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, op. cit., p. 1088 et P. Pucci, Ulysse polutropos. Lectures intertextuelles de l’Iliade et de l’Odyssée, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 1995, p. 73-82. L’expression fait écho à l’oxymore par lequel Talthybios, à la fin de son récit, fait d’Hécube « la mère la plus favorisée » et « de toutes les femmes la plus infortunée » (v. 581-582).
42 N. Loraux, Façons tragiques de tuer une femme, Paris, Hachette, 1985, p. 91-97, surtout p. 94 et n. 167, p. 124.
43 Sur cet aspect, cf. les analyses de N. Loraux, ibid., passim.
44 C’est une des thématiques essentielles de la pièce ; cf. J. Alaux, Euripide, Hécube, op. cit., p. XXVII-XXVIII.
45 Elle figure dans plusieurs cycles épiques disparus (la Petite Iliade, le Sac de Troie, les Chants Cypriens) et dans des poèmes célèbres de Stésichore et d’Ibycos (avec des variantes) ; la mort de Polyxène est représentée sur des vases grecs dès le vie siècle avant J.-C. ; cf. http://www.mediterranees.net/mythes/troie/troyennes/polyxene.html (texte et traduction des auteurs les plus importants).
46 Le drame satyrique du Cyclope était peut-être celui qui accompagnait la trilogie ; sur le lien avec Polyphème, cf. C. Segal, Euripides and the Poetics of Sorrow, op. cit., p. 162-163 et N. Loraux, « L’histoire commence à la prise de Troie », art. cit., p. XXXV-XXXVI.
47 Cf. J. de Romilly, L’Évolution du pathétique d’Eschyle à Euripide, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Études anciennes », 1980 (1961), p. 80-81 et 84-86.
48 N. Loraux, La Voix endeuillée, op. cit., p. 62-63.
49 Sur un sanctuaire de Dionysos en Thrace, cf. Hérodote, Histoires, VII, 111 ; sur le don de prophétie du dieu, cf. Euripide, Les Bacchantes, 298-299.
50 J. Alaux, Euripide, Hécube, op. cit., p. XXXI.
51 C’est ce qu’a montré l’analyse de J. Jouanna, « Rêve et théâtralité du rêve : le rêve dans l’Hécube d’Euripide », Ktèma, 7, 1982, p. 43-52.
52 N. Loraux, « L’histoire commence à la prise de Troie », art. cit., p. XLI.
53 Thesmophories, v. 1050.
54 Sur la symbolique de cet astre, mentionné par Homère pour caractériser la fureur guerrière d’Achille (Iliade, XXII, 26-36), cf. M. Detienne, Les Jardins d’Adonis. La Mythologie des aromates en Grèce, Paris, NRF, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 1989 (1972), p. 25-27, et C. Kossaifi, « Opora. L’automne entre mort et renaissance », A. Montandon (dir.), L’Automne, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, coll. « Littératures », 2007, p. 19-39. Sur l’usage qu’en fit Apollonios de Rhodes, cf. C. Kossaifi, « L’incandescente beauté de Seirios. Jason vu par Médée dans les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes (III, 954-972) », Gaia, 15, 2012, p. 163-181.
55 Sur le lien de ce catastérisme avec la sorcière horatienne Canidie, cf. C. Kossaifi, « Quand le poète convoque la sorcière. À propos de la Satire I, 8 et des Épodes 5 et 17 », Camenae, 12, 2012 (http://www.paris-sorbonne.fr/IMG/pdf/3-_C-_Kossaifi.pdf), p. 12-13.
56 Telle est la symbolique traditionnelle du chien : cf. Homère, par exemple, Il. IX 372-373, XVIII 396 ; Od. VIII 319, XI 424, etc., Aristophane, Cavaliers, 289 ; Euripide, Héraclès furieux, v. 418-420 ; Ésope, Fables 329 et 342 (fidélité du chien mais aussi sottise et avidité).
57 Il s’agit sans doute de celui que mentionne Thucydide, au sud de la Chersonèse de Thrace (La Guerre du Péloponnèse, VIII, 104, 5).
58 Cf. G. Nagy, Le Meilleur des Achéens. La Fabrique du héros dans la poésie grecque archaïque, Paris, Seuil, 1994, p. 389-392.
59 Cf. C. Segal, Euripides and the Poetics of Sorrow, op. cit., p. 158-159.
60 Sur cette notion, cf. F. Zeitlin, « The Motif of the Corrupted Sacrifice in Aeschylus’ Oresteia », TAPhA, 96, 1965, p. 463-508.
61 Sur cet aspect, cf. N. Loraux, « L’histoire commence à la prise de Troie », art. cit., p. XXXV-XXXVI et, sur les stéréotypes qui caractérisent le monde barbare, S. Saïd, « Grecs et Barbares dans les tragédies d’Euripide. La fin des différences », Ktèma, 9, 1984, p. 27-53 et E. Hall, Inventing the Barbarian. Greek Self-Definition through Tragedy, Oxford, Clarendon Press, 1989. Sur le fait que les valeurs grecques ne sont pas toujours du côté attendu, J. de Romilly, « Les Barbares dans la pensée de la Grèce classique », Phoenix, 47, 1993, p. 283-292.
62 De nombreux thèmes homériques se retrouvent dans la pièce d’Euripide : la logique du don et contre-don, dans le discours d’Hécube à Ulysse, l’aristeia qui fonde le nécessaire respect de la requête posthume d’Achille et assure la cohérence psychologique du personnage d’Ulysse, la conception de la mort (lien avec le sang, v. 536-537, apparition de l’ombre de Polydore), le recours à la supplication.
63 Cf. les v. 629-656, qui se terminent symboliquement sur le terme σπαραγμοῖς, et C. Collard, Euripides, Hecuba, op. cit, p. 23 : le chœur « attribue tout à Pâris ».
64 Cf. M. Graver, « Dog-Helen and Homeric Insult », ClAnt, 14, 1995, p. 41-61, p. 41.
65 Cf. les remarques de N. Loraux, « L’histoire commence à la prise de Troie », art. cit., p. XXXVI, qui, à propos du parallèle souvent fait entre le conflit troyen et la guerre du Péloponnèse, suggère qu’Euripide « pourrait [lui avoir] surtout donné le nom de théâtre ».