1 Le présent travail est donc issu en grande partie des discussions qui ont eu lieu en séminaire. Ce dernier a associé, pour la lecture du chapitre 14, Anna Miriam Biga, Fabienne Blaise, Catherine Dubois, Daria Francobandiera, Robin Glinatsis, Sarah Lagrou, Alain Lernould, Philippe Rousseau, Ruth Webb et moi-même.

2 Sur cette notion, qui n’a pas été au cœur de notre réflexion ici, voir infra, n. 7.

3 G. F. Else, Aristotle’s Poetics : the Argument, Cambridge, Harvard University Press, 1967² (1957), p. 356.

4 R. Dupont-Roc et J. Lallot, Aristote, La Poétique, Paris, Seuil, 1980, p. 234.

5 Le terme revient au début du chapitre 14, 1453 b 18 (κατ’ αὐτὸ τὸ πάθος, « dans le pathétique lui-même ») : il est difficile de déterminer s’il désigne l’action subie ou accomplie, dans un passage complexe où la pitié (donc une émotion tragique) semble cependant potentiellement le fait de celui qui est acteur, qui accomplit des actes. Dans les lignes suivantes, b 19-22, le terme paraît bien désigner l’action accomplie. Cette approche, pourtant, doit être nuancée par les remarques qui précèdent ce passage, 1453 b 13-14, où, avec l’emploi de δεινὰ, « terribles », et οἰκτρά, « lamentables », dont le sens évoque les émotions de crainte et de pitié, Aristote paraît faire allusion, cette fois, à des affects ressentis par les personnages à la suite des événements. En somme, il semble qu’il y ait des glissements possibles dans ses différents emplois du terme πάθος.

6 Une hiérarchie est alors posée, dans ce chapitre, selon les types éthiques mis en jeu dans l’intrigue : ainsi, Aristote pose que l’homme bon qui passe du bonheur au malheur n’entraînera pas la crainte et la pitié, qui sont donc les émotions tragiques, mais le μιαρόν (52 b 37), une notion qui apparaît alors pour la première fois dans la Poétique, et qui sera reprise dans notre passage, comme nous le verrons par la suite.

7 Il ne s’agira pas ici de discuter de manière approfondie de cette notion de φιλία, « alliance », qui n’a pas d’impact sur la compréhension de notre section. Une majorité de commentateurs reconnaît, à l’appui d’autres emplois du terme chez Aristote (en particulier dans les Éthiques à Nicomaque et à Eudème), que le mot désigne une relation d’alliance sociale objective, dépassant les seuls liens de sang, ou les relations subjectives ou psychologiques. Voir à ce sujet D. Lanza, Poetica. Aristotele. Introduzione, traduzione e note, Milan, Rizzoli, 2008, p. 163, G. F. Else, Aristotle’s Poetics : the Argument, op. cit., p. 349, R. Dupont-Roc et J. Lallot, Aristote, La Poétique, op. cit., p. 254 sq., et D. Guastini, Poetica. Aristotele. Introduzione, traduzione e commento, Rome, Carocci, 2010, p. 263 sq. D. Lanza souligne notamment le lien entre la φιλία et la πρᾶξις, l’action, tel qu’il est établi dans les Éthiques. Cette relation sociale ayant également une valeur sacrée, commettre du mal envers un φίλος, un allié, revient donc, dans notre texte, à commettre une erreur tragique.

8 Je reprends ici l’édition et la traduction de J. Hardy.

9 Sur l’Alcméon d’Astydamas, l’Ulysse blessé, Cresphonte et Hellè, toutes pièces sur lesquelles nous avons peu de sources, sinon aucune, je renvoie à l’édition et aux notes de J. Hardy.

10 Poetica. Aristotele, op. cit., p. 51 sq.

11 Ici encore, je reprends la traduction de J. Hardy, bien que nos analyses appellent à la nuancer.

a Les chiffres entre parenthèses, dans ce classement comme dans le suivant, sont des renvois à la liste présentée dans la première ligne du tableau.

12 Je reprends là encore, pour la cohérence d’ensemble, la traduction de J. Hardy, même si nos observations appellent à l’utiliser avec prudence.

13 Je m’appuie ici principalement sur G. F. Else, Aristotle’s Poetics : the Argument, op. cit., p. 424 sq., et renvoie à ses références. Rappelons qu’au chapitre 13, le terme était déjà utilisé pour qualifier le cas de l’homme bon tombant dans le malheur : un cas opposé à celui du méchant connaissant le bonheur, qualifié lui-même, entre autres, d’οὔτε […] φιλάνθρωπον, « ne suscitant pas de sympathie » (1452 b 39).

14 Voir G. F. Else, Aristotle’s Poetics : the Argument, op. cit., p. 424 sq.

15 R. Dupont-Roc, J. Lallot, Aristote, La Poétique, op. cit., p. 259.

16 G. F. Else, Aristotle’s Poetics : the Argument, op. cit., p. 451 (Else reprend ici Vahlen).

17 1453 b 1-4 : Ἔστιν μὲν οὖν τὸ φοβερὸν καὶ ἐλεεινὸν ἐκ τῆς ὄψεως γίγνεσθαι͵ ἔστιν δὲ καὶ ἐξ αὐτῆς τῆς συστάσεως τῶν πραγμάτων͵ ὅπερ ἐστὶ πρότερον καὶ ποιητοῦ ἀμείνονος, « il est possible que la crainte et la pitié naissent du spectacle, mais elles peuvent aussi naître de l’assemblage des faits, ce qui doit passer en premier, et est d’un meilleur poète » (je traduis).

18 Anna Miriam Biga a ainsi remarqué, au cours de nos discussions, que ce troisième cas s’intégrait bien dans les deux combinatoires si l’on prenait en compte le fait que le πάθος peut également, comme le μιαρόν, résider dans l’intention – et qu’il désigne une action en puissance comme réalisée. Je la remercie ici pour cette remarque judicieuse.

19 Et peut-être, si l’on admet qu’il y a correspondance, dès 1453 b 34-36.

20 1453 a 12-15 : ἀνάγκη ἄρα τὸν καλῶς ἔχοντα μῦθον ἁπλοῦν εἶναι μᾶλλον ἢ διπλοῦν͵ ὥσπερ τινές φασι͵ καὶ μεταβάλλειν οὐκ εἰς εὐτυχίαν ἐκ δυστυχίας ἀλλὰ τοὐναντίον ἐξ εὐτυχίας εἰς δυστυχίαν, « la bonne intrigue doit donc être simple plutôt que double, comme certains le prétendent, et le changement ne doit pas se faire du malheur au bonheur, mais au contraire du bonheur au malheur » (je traduis).

21 1454 a 9-10 : διὰ γὰρ τοῦτο͵ ὅπερ πάλαι εἴρηται͵ οὐ περὶ πολλὰ γένη αἱ τραγῳδίαι εἰσίν, « c’est pour cela, comme il a été dit auparavant, que les tragédies ne portent pas sur un grand nombre de familles » (je traduis).