1 Sur les différentes versions données par les Tragiques de la mort de Palamède, cf. F. Jouan, Euripide. Fragments (Bellérophon, Protésilas), t. VIII, 2e partie, Paris, Les Belles Lettres, « CUF », 2000, p. 490-506 et Euripide et la Légende des Chants cypriens : des origines de la guerre de Troie à l’Iliade, Paris, Les Belles Lettres, 1966, p. 339-363 ; R. Scodel, The Trojan Trilogy of Euripides, Göttingen, Vandenhoeck et Ruprecht, coll. « Hypomnemata », 1980, en particulier p. 45-63. Les trois Tragiques s’accordent à attribuer la responsabilité de sa mort à Ulysse, avec la complicité parfois d’Agamemnon, voire de Diomède ; Palamède est accusé d’avoir trahi les Achéens, séduit par l’or des Troyens.
2 Fr. 10 (édition et traduction de F. Jouan, Euripide. Fragments, t. VIII, 2e partie, op. cit.).
3 F. Jouan, Euripide. Fragments, t. VIII, 2e partie, op. cit., notice, p. 494, n. 23, de même K. Usener, « Palamedes. Bedeuntung und Wandel eines Heldenbildes in der Antiken Literatur », WJA, 20, 1994-1995, p. 49-78, en particulier p. 69 ; en revanche R. Scodel, The Trojan Trilogy of Euripides, op. cit., p. 90 sq., penche plutôt pour une antériorité de la déclamation de Gorgias sur la tragédie d’Euripide, de même N. Worman, « Odysseus panourgos : the Liar’s Style in Tragedy and Oratory », Helios, 26, 1999, p. 35-68, p. 57.
4 Défense de Palamède, 15 (édition Diels-Kranz B 82, traduction empruntée, avec de légers remaniements, à J.-P. Dumont, Les Présocratiques, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1988).
5 Apologie, 26 (traduction de P. Chambry, Xénophon, Apologie, Paris, Garnier, 1932).
6 La chronologie de ces différentes œuvres est discutée ; cependant l’ordre suivant est le plus généralement admis : la tragédie d’Euripide, puis le discours de Gorgias, l’Apologie de Platon et enfin celle de Xénophon. Les traditions poétique et rhétorique sont donc bien connues des deux disciples de Socrate.
7 L’appel au témoignage du passé intervient chez Xénophon après le verdict et ne peut donc convaincre que la postérité (d’où le futur μαρτυρήσεται qui permet d’introduire la fonction du texte de Xénophon), alors que dans le plaidoyer de Gorgias, il est inclus dans le présent fictif de l’argumentation et s’adresse aux juges.
8 Défense de Palamède, 30 : φήσαιμι δ᾽ ἄν, καὶ φήσας οὐκ ἂν ψευσαίμην οὐδ᾽ ἂν ἐλεγχθείην, οὐ μόνον ἀναμάρτητος ἀλλὰ καὶ μέγας εὐεργέτης ὑμῶν καὶ τῶν Ἑλλήνων καὶ τῶν ἁπάντων ἀνθρώπων, οὐ μόνον τῶν νῦν ὄντων ἀλλὰ καὶ τῶν μελλόντων, εἶναι. « Je pourrais affirmer – en l’affirmant, je ne risquerais ni de mentir ni d’être réfuté – que non seulement je suis irréprochable mais encore que je suis votre bienfaiteur, celui des Grecs et de l’humanité entière, non seulement pour le présent, mais aussi pour l’avenir. »
9 Au tribunal de l’Hadès, remarque Socrate, on ne risque pas la mort…
10 Cf. J. Barrett, « Plato’s Apology : Philosophy, Rhetoric and the World of Myth », CW, 95 (1), 2001-2002, p. 3-30.
11 Platon, Apologie, 41b-c (traduction M. Croiset, Paris, Les Belles Lettres, « CUF », 1920).
12 Cf. l’allusion à la comédie d’Aristophane dans Platon, Apologie, 18b.
13 Les relations entre l’Apologie de Platon et la Défense de Palamède de Gorgias ont été très finement analysées par J. A. Coulter, « The Relation of the Apology of Socrates to Gorgias’ Defense of Palamedes and Plato’s Critique of Gorgianic Rhetoric », HSCPh, 68, 1964, p. 269-303, qui voit dans les échos avérés au discours de Gorgias dans l’Apologie une dénonciation de la rhétorique de Gorgias. Dans une telle perspective, Palamède ne peut être pensé par Platon comme un pair de Socrate, mais plutôt comme un contre-modèle, et il est à ranger dans la catégorie des prétendus sophoi que Socrate se propose de confondre dans l’Hadès. Il faudrait toutefois prendre en considération l’ensemble des références à Palamède dans l’œuvre de Platon. Pour Xénophon, voir infra.
14 Cf. G. Zografou, « Ulysse et Palamède : les deux héros ingénieux et la violence, deux modèles archaïques », RPhA, 23, 2005, p. 93-123. Voir également, M. Guardini, « Le forme della sapienza in Odisseo e Palamede », L. De Finis, V. Citti et L. Belloni (dir.), Odisseo dal Mediterraneo all’Europa, Amsterdam, Hakkert, 2002, p. 57-66.
15 Fr. 5 (Jouan).
16 L’image du rossignol rattache également Palamède au chant poétique et à l’inspiration divine : selon la Souda (P 44), Palamède avait composé des chants que les descendants d’Agamemnon auraient fait disparaître. L’expression « ami des Muses » suggère aussi le mousikos anèr, c’est-à-dire l’amateur des arts, l’homme cultivé et éduqué, celui qu’on appelle un peu plus tard le pepaideumenos ; elle interroge les rapports entre culture et sophia.
17 Peut-être faut-il y voir une pointe contre l’enseignement payant des sophistes ?
18 Ulysse contre Palamède pour trahison, 4 (édition G. Avezzú, Alcidamante. Orazioni e Frammenti, Rome, « L’Erma » di Bretschneider, 1982 ; traduction M. Patillon dans J.-F. Pradeau (éd.), Les Sophistes, t. 2, Paris, Flammarion, 2009). L’authenticité de ce discours fait depuis longtemps débat mais était admise par les éditeurs et traducteurs récents (Avezzú, Patillon) ; cependant les arguments linguistiques apportés par N. O’Sullivan pour une datation à l’époque impériale (ou au plus tôt au ier siècle av. J.-C.) dans un milieu littéraire atticiste sont convaincants : « The Authenticity of [Alcidamas] Odysseus : two new linguistic considerations », CQ, 58 (2), 2008, p. 638-647. Nous adopterons donc la notation [Alcidamas] pour désigner l’auteur.
19 § 30 : Ulysse met en garde les juges contre la tentation d’absoudre Palamède, en raison de la virtuosité de ses discours (διὰ τὴν δεινότητα τῶν λόγων). Cf. également l’expression δεινὸς λέγειν. L’adjectif peut néanmoins désigner de manière plus générale l’ingéniosité de Palamède.
20 Platon, Apologie de Socrate, 17a6 : « c’est qu’ils vous aient prévenus d’être sur vos gardes et de ne pas vous laisser tromper par moi, en me représentant comme un discoureur habile (μὴ ὑπ᾽ ἐμοῦ ἐξαπατηθῆτε ὡς δεινοῦ ὄντος λέγειν) ».
21 Au ive siècle, le nom philosophia ne revêt pas, par exemple, la même signification chez Isocrate ou chez Platon, et l’emploi du terme philosophos par [Alcidamas] pourrait faire écho à des polémiques contemporaines. Cependant, si le discours est un produit de la seconde sophistique, la rivalité entre philosophie et sophistique est à nouveau d’actualité.
22 § 22, Palamède cherche à tromper les jeunes gens (ἐξαπατῶν), et Socrate, selon ses adversaires, cherche à tromper les juges (cf. supra : ἐξαπατηθῆτε). Il est bien dans le goût des sophistes grecs de l’époque impériale de truffer leurs textes de références intertextuelles, aussi l’allusion à Socrate n’est-elle pas un argument en faveur d’une datation au ive siècle, voir en ce sens N. O’Sullivan, « The Authenticity of [Alcidamas] Odysseus », art. cit., p. 645. Je n’ai pas pu consulter l’étude d’H. Auer, De Alcidamantis declamationes quae inscribitur Ὀδυσσεὺς κατὰ Παλαμήδους προδοσίας, Münster, 1913, qui répertorie de semblables échos entre Palamède et Socrate.
23 § 12 : « Remarquez-vous, hommes de Grèce, que ces agissements sont imputables à la réflexion du sophiste et à son intelligence (τοῦ σοφιστοῦ τῆς διανοίας καὶ τοῦ φρονήματος αὐτοῦ), lui qui cultive le savoir (ὃς τυγχάνει φιλοσοφῶν, qu’on pourrait aussi traduire, en s’écartant légèrement de la traduction de M. Patillon pour garder la polysémie du verbe, par « lui qui médite contre ») pour nuire à ceux envers qui il devait le moins agir ainsi (ἐφ᾽ οἷς ἥκιστα ἐχρῆν αὐτὸν ταῦτα πράττειν) ? » De même, au § 21, Ulysse exhorte les juges à condamner à mort le sophiste qui a fomenté de telles infamies contre ses amis.
24 Ainsi Sophocle, Philoctète, 440. Chez Philostrate (Héroikos, XXXIV, 1), Ulysse est qualifié de ῥητορικώτατος καὶ δεινός.
25 N. Worman, « Odysseus Panourgos », art. cit., p. 4 : « a tactic I call character exchange […] that is the attribution to the opponent of one’s own famous traits ».
26 L’Héroikos est un dialogue fictif entre un vigneron et un marchand phénicien composé par Philostrate (début du iiie s. ap. J-C.) dont une grande partie est consacrée aux histoires troyennes, sur lesquelles le vigneron apporte les informations inédites du héros Protésilas. La version de Protésilas corrige l’Iliade et notamment son omission de la geste de Palamède.
27 Héroikos, XXXIII, 25 (édition L. de Lannoy, Leipzig, Teubner, 1977 ; traduction personnelle).
28 Sachant que Philostrate est lui-même un sophiste et un biographe des sophistes de l’époque impériale, on appréciera tous les échos que l’emploi d’un tel terme pouvait susciter.
29 À l’inverse, l’emploi du terme ambigu de μηχαναί pour qualifier les inventions poliorcétiques de Palamède semble une projection d’un terme qui vient qualifier ailleurs les ruses d’Ulysse (cf. XXXIII, 31). Cf. P. Grossardt, Einführung, Übersetzung und Kommentar zum Heroikos von Flavius Philostrat, Bâle, Schwabe, coll. « Schweizerische Beiträge zur Altertumwissenschaft », 2006, t. 2, p. 592.
30 Héroikos, XXXIII, 19.
31 Défense de Palamède, 25.
32 Ibid., 30 : Palamède, au moment d’énumérer ses inventions, se présente comme celui qui a fait sortir la vie humaine du dénuement complet qui était le sien (τίς γὰρ ἄλλος ἐποίησε τὸν ἀνθρώπινον βίον πόριμον ἐξ ἀπόρου).
33 Ibid., 25 : « Car la folie, c’est de se lancer dans des entreprises impossibles (ἀδυνάτοις) et désastreuses (ἀσυμφόροις), infamantes (αἰσχροῖς), qui nuisent aux amis et servent les ennemis et qui rendent notre propre vie honteuse (ἐπονείδιστον) et incertaine. » Si les deux premières conséquences de la folie se rapportent très matériellement au succès et au profit, les adjectifs αἰσχροῖς et ἐπονείδιστον soulignent les répercussions morales tandis que l’inversion des relations amis/ennemis traduit le renversement de la règle communément admise qui définit la justice (faire du bien à ses amis, du mal à ses ennemis). Voir aussi § 18 et, pour comparaison, Xénophon, Mémorables, II, 6, 35 et IV, 2, 12-17 avec les notes afférentes de L.-A. Dorion. Dans le discours d’[Alcidamas], § 28, Ulysse accuse à l’inverse Palamède d’aider ses ennemis et de causer du tort à ses amis, ce qui est le contraire de la conduite d’un homme de bien (agathos anèr).
34 Ibid., 26. Palamède pose en principe que le sophos est un homme réfléchi (φρόνιμος), contrairement à l’insensé, si bien qu’il ne peut commettre d’erreur de jugement (ἁμαρτία) et donc choisir délibérément les maux à la place des biens présents. Sur l’opposition courante entre sophia et mania, cf. Second Alcibiade, 138c et Mémorables, III, 9, 6-8.
35 Ainsi, Palamède ne peut avoir agi par cupidité car il ne manque pas d’argent et gouverne ses désirs (§ 15). Commettre le crime que lui impute Ulysse eût été « abolir tous les efforts endurés au cours de sa vie passée en vue de la vertu » (τοὺς ἐν τῷ παροιχομένῳ βίῳ πόνους ἐπ᾽ ἀρετῇ πεπονημένους ἀπορρίψαντα, § 20).
36 Pour une analyse de la réfutation qu’apporterait l’Apologie de Platon aux concepts philosophiques qui sous-tendent la rhétorique de Gorgias dans la Défense de Palamède, cf. J. A. Coulter, « The Relation of the Apology of Socrates to Gorgias’ Defense of Palamedes and Plato’s Critique of Gorgianic Rhetoric », art. cit.
37 Cf. la belle étude d’O. Hodkinson, « Sophists in disguise : Rival Traditions and Conflict of Intellectual Authority in Philostratus’ Heroicus », Lampeter Working Papers in Classics, 30, 2007, p. 1-51, p. 32-47.
38 Voir aussi XXXIII, 41. Le verbe σοφίζεσθαι, péjoratif dans la bouche d’Ulysse (cf. les reproches faits à Socrate dans les Nuées ; cf. O. Hodkinson, ibid., p. 7 et 32-34), est employé de manière neutre voire positive en XXXIII, 17. À l’image des sophistes de Philostrate – cf. E. Bowie, « Portrait of the Sophist as a young man », B. C. Mc Ging et J. S. Mossman (dir.), The Limits of Ancient Biography, Swansea, Classical Press of Wales, 2006, p. 141-153 –, Palamède possède l’art de la repartie spirituelle ; cf. XXXIII, 44-46.
39 La saleté (αὐχμός) est une caractéristique du philosophe (notamment cynique) ; cf. le portrait du personnage de Dialogue dans Lucien, La Double Accusation ou les Jugements, 34.
40 Un tel adjectif oppose en théorie le philosophe et le sophiste, que caractérise le soin de l’apparence et l’urbanité ; cf. Philostrate, Vies des sophistes, 528-529 et C. Castelli, « Ritratti di sofisti. Fisiognomica ed ethos nelle Vitæ Sophistarum di Filostrato », E. Amato et J. Schamp (dir.), ‘Hθοποιία. La Représentation des caractères entre fiction scolaire et réalité vivante à l’époque impériale et tardive, Salerne, Helios, 2005, p. 1-10.
41 Le compagnonnage héroïque entre Palamède et Achille n’est pas sans rappeler celui entre Socrate et Alcibiade (Banquet, 220e) : tout comme Socrate, Palamède accompagne Achille dans une expédition militaire où il s’illustre par son courage et sa pugnacité, tout en attribuant avec beaucoup de modestie, à son retour, la gloire des exploits à Achille et non à lui-même. Pour un même rapprochement, cf. L. Romero Mariscal, « La paideia héroïque : Palamède et l’éducation des héros dans l’Héroïque de Philostrate », Humanitas, 60, 2008, p. 139-156, en particulier p. 151. Philostrate prête à Apollonios de Tyane (Vie d’Apollonios, VI, 21) une évocation commune de Palamède et Socrate, comme deux figures similaires de justes injustement condamnés.
42 Philostrate, Héroikos, XXXI, 6.
43 Euripide, Palamède, fr. 3 (Jouan).
44 Xénophon, Mémorables, IV, 2, 1 et note 4 de L.-A. Dorion à son édition et traduction aux Belles Lettres, « CUF », 2011, p. 66-67.
45 Xénophon, Mémorables IV, 2, 33 (texte et traduction L.-A. Dorion).
46 Dans la tradition, Dédale s’était exilé auprès de Minos pour échapper à la condamnation des Athéniens, suite au meurtre de son disciple dont il jalousait l’inventivité qui menaçait de dépasser la sienne (cf. Diodore de Sicile, IV, 76-77). Xénophon aurait très bien pu reprendre cette version pour illustrer la « jalousie » que suscite la sophia (comme dans le cas de Palamède), mais il privilégie le parallèle entre deux héros inventeurs persécutés pour leur savoir technique.
47 Dans son édition des Mémorables (op. cit.), p. 102, n. 6, L.-A. Dorion considère que Xénophon voit en Palamède, comme en Dédale, un homme réputé pour son savoir technique et non pour sa sophia morale. Par ailleurs, Xénophon n’accorde pas la même valeur que Platon à la sophia dans son système axiologique et le terme sophia ne correspond quasi jamais, chez Xénophon, selon L.-A. Dorion, à la connaissance du bien mais à une compétence (cf. L.-A. Dorion, « La nature et le statut de la sophia dans les Mémorables », Elenchos, 29, 2008, p. 253-277). Cependant, voir Mémorables III, 9, 5 et IV, 2, 20 pour un lien entre sophia et connaissance morale, et D. M. Johnson, « Xenophon at his Most Socratic (Memorabilia 4.2) », OSAPh, 29, 2005, p. 39-73. Pour une autre interprétation de la figure de Palamède chez Xénophon, voir V. Azoulay, Xénophon et les Grâces du pouvoir. De la charis au charisme, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 264-267.
48 Selon L.-A. Dorion dans son édition des Mémorables (op. cit.), p. 66-67, n. 4, pour Xénophon, seul l’enseignement d’un maître (et non la fréquentation des livres) peut permettre de progresser dans la connaissance de soi, préalable nécessaire à l’acquisition des autres compétences.
49 Dion de Pruse, Discours, 13, 19 : « Voilà ce que vous savez mieux que les autres, et vous croyez que ces savoirs feront de vous des hommes de bien, capables de gérer correctement les affaires tant publiques que personnelles. » (traduction personnelle)
50 Ibid., 13, 20 (édition A. Verrengia, Dione di Prusa, In Atene, sull’esilio (or. XIII), Naples, Guida, 2000 ; traduction personnelle).
51 Dans la bouche de Socrate (qui, tant chez Platon que Xénophon, est sans cesse préoccupé de rendre ses concitoyens meilleurs), ces paroles adressées aux Athéniens pourraient évoquer indirectement le sort futur de ce dernier, surtout pour un lecteur qui connaît le parallèle entre la mort de Socrate et de Palamède dans l’Apologie de Platon ou de Xénophon. Mais Dion se refuse à faire de Palamède un philosophos, il le cantonne à son identité d’inventeur d’une technè et lui ajoute celle d’enseignant.
52 L’évocation de Palamède intervient à la suite d’un développement sur la tragédie ; de fait, Dion a sans doute à l’esprit le traitement du mythe dans la tragédie attique et notamment l’utilisation de la lettre contre l’inventeur des lettres. Mais la critique du Socrate de Dion, si on la replace dans le contexte (fictif) de la fin du ve siècle, s’inscrit dans le débat très virulent sur le modèle éducatif qui parcourt la société athénienne et divise sophistes, philosophes et tenants d’un modèle traditionnel ; elle peut aussi viser les sophistes, dont l’enseignement intellectuel était jugé parfois subversif ou amoral.
53 Même si d’autres capitales de la sophistique émergent à la même période, en Asie Mineure, notamment, comme la cité de Smyrne, à laquelle Dion fait sans doute allusion au § 17.
54 La parenté entre Palamède et le personnage de Thot, le dieu égyptien inventeur de l’écriture dans le Phèdre (274c5-275b3), a été notée (cf. A. W. Nightingale, Genres in Dialogue. Plato and the Construct of Philosophy, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 149-154). Platon paraît d’ailleurs corriger l’expression du Palamède d’Euripide (fr. 3 Jouan) présentant les lettres comme des « remèdes à l’oubli » (Τὰ τῆς γε λήθης φάρμακα) en jouant sur l’ambiguïté de φάρμακον : Thot prétend avoir inventé des « remèdes pour la mémoire » (μνήμης τε γὰρ σοφίας φάρμακον εὑρέθη), à quoi Thamous réplique qu’il a, au contraire, « introduit l’oubli (τῶν μαθόντων λήθην μὲν ἐν ψυχαῖς παρέξει) chez ceux qui apprennent ».
55 Philostrate, Héroikos, XXXIII, 2 et O. Hodkinson, « Sophists in disguise », art. cit., p. 37-38.