Chapitre 6. Pourquoi l’impact du microcrédit sur la réduction de la pauvreté en Afrique subsaharienne est-il limité ?
p. 177-202
Résumés
La contribution analyse dix conditions aux niveaux micro-économique, méso-économique et macro-économique, qui apparaissent nécessaires pour que le microcrédit ait un effet positif direct et rapide sur les taux de pauvreté et l’applique au cas de l’Afrique subsaharienne.
1. il faut que les clients des institutions offrant ces services appartiennent aux catégories de la population dite « pauvre ».
2. il faut que le prêt soit effectivement employé par les emprunteurs à accroître leurs capacités productives. Or, l’efficacité de microprêts destinés à l’essor des activités économiques des plus pauvres apparaît limitée, notamment parce que ces crédits sont le plus souvent à la consommation, sont à court terme et parce que la rentabilité du capital de ces unités de production est restreinte.
3. si un investissement est réalisé, il faut qu’il le soit dans une activité pour laquelle il existe des débouchés.
4. il faut que le coût du prêt, à travers le taux d’intérêt acquitté, soit inférieur au rendement de l’activité pour laquelle se fait l’investissement.
5. celui ou celle qui mène l’activité doit avoir les capacités managériales et techniques pour le faire.
6. il faut qu’il ou elle ait la capacité à s’exposer à un niveau supérieur de risques.
7. Le bénéfice pour celui ou celle qui reçoit le microcredit ne doit pas se faire au détriment d’autres microentrepreneurs.
8. il faut que le rendement des micro-activités soit supérieur à celui d’activités plus capitalistiques.
9. il faut que la dépense effectuée grâce aux micro-prêts se traduise par une dépense endogène et ne provoque pas une importation de biens.
10. les intérêts acquittés par les emprunteurs ne doivent pas entraîner un drainage des ressources au seul bénéfice de prêteurs, notamment extérieurs.
Ces conditions sont exceptionnellement remplies, en Afrique subsaharienne comme dans l’ensemble des pays en développement et émergents, et ceci explique pourquoi l’impact du microcrédit en matière de réduction de la pauvreté apparaît restreint.
Ten conditions seem necessary for microcredit at micro, meso and macro levels to have a direct and quick positive effect on the income of the poorest.
1. The customers of organisations offering these services have to belong to the categories of the population “poor man/woman”.
2. The loan has to be effectively used by the borrowers to increase their productive capital. But the efficiency of microcredits for the development of the economic activities of the poorest seems limited, in particular because these credits are short-term and because the return on capital of these production units is limited.
3. If an investment is carried out, it has to be in an activity with existing demand.
4. The cost of the loan, through the interest rate, has to be lower than the return on the investment.
5. Whoever manages the activity must have the managerial and technical capacities to do so.
6. She/he needs to have the capacity to expose her/himself to a higher level of risk.
7. The earnings of those who receive the microcredit must not be detrimental to the interests of other micro-entrepreneurs.
8. The output of these micro-activities has to be higher than that of more capital-intensive activities.
9. The investment carried out using this microcredit should lead to endogenous spending and not to the importing of goods or services.
10. The interests paid by the borrowers should not drain local resources to the benefit of the lenders alone.
It is not often that these conditions are all completely met. So, the impact of the microcredit is generally low with regards to the alleviation of poverty. The problems to achieve them are linked to the specificities of the clients and of the prevailing institutions in various sub-Sahara African countries.
Remerciements
Je remercie tout particulièrement pour leurs suggestions que je n’ai pas pu toutes suivre ici : Edoé Agbodjan (université d’Ottawa), Eveline Baumann (IRD Paris), Nathanael Ojong, Yves Somé et Théophile Sossa (anciens doctorants d’IHEID Genève) ; ainsi que les chercheurs du projet de recherche sur les crises du microcrédit soutenu par la Banque européenne d’investissement [http://www.microfinance-in-crisis.org/] et les organisateurs de et participants à la session Managing other people’s money: financial services in sub-Saharan Africa after structural adjustment de la 5th European Conference on African Studies à Lisbonne le 27 juin 2013 ; ainsi que deux lecteurs référés anonymes.
Extrait
« The Vice came in always at the Door of Necessity, not at the Door of Inclination. » Daniel Defoe, [1722], Moll Flanders, Penguin Books, 1989, p. 182.
1En Afrique comme ailleurs, la croyance aux succès du microcrédit s’est surtout propagée avec la technique de communication du story telling. Elle a consisté dans la diffusion d’histoires d’emprunteurs (en général d’emprunteuses) qui augmenteraient leur bien-être grâce à de petits prêts. Non seulement ils, et surtout elles, accroîtraient leurs revenus de façon notoire, réaliseraient de petits investissements productifs additionnels, mais aussi amélioreraient leur habitat, leur accès à l’eau et à l’énergie, scolariseraient davantage leurs enfants, pourraient mieux se soigner, s’opposeraient avec succès par exemple à l’alcoolisme et à la violence (des hommes), gagneraient une autonomie d’action et de déplacement, etc. Les succès financiers de certaines organisations, souvent appuyés par l’idée que les femmes remboursent mieux que
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