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p. 511-554
Texte intégral
1L’Histoire n’est pas une donnée révélée à l’historien mais un « produit » élaboré par celui-ci à partir de faits et de sources. Pour permettre au lecteur d’avoir un contact direct avec des documents d’époque nous en publions quelques-uns.
1. Jules César au Portus Itius (54 avant J.-C.)
Après avoir réglé ces affaires et tenu ses assises, il retourna en Gaule et de là partit pour l’armée. Une fois arrivé, il visita les quartiers d’hiver. Grâce au zèle admirable des soldats, et malgré l’absence de toutes sortes de matériaux, il trouva près de six cents navires du type que nous avons décrit plus haut, et vingt-huit bateaux de guerre, équipés et prêts à prendre la mer sous peu. Après avoir félicité les soldats, et ceux qui les dirigeaient, il expliqua ses intentions et donna l’ordre de rassemblement au Portus Itius, le port d’où il savait que la traversée est la plus facile, la distance entre le continent et la Bretagne n’y étant que de trente milles environ…
César arriva au Portus Itius avec ses légions. Là, il apprit que soixante navires, construits chez les Meldes, n’avaient pu tenir leur route et étaient revenus à leur point de départ ; les autres étaient prêts à prendre le large et parfaitement équipés. Dans le même port se fit le rassemblement des cavaliers fournis par toute la Gaule, soit quatre mille environ, avec leurs chefs de toutes les tribus… Le séjour au Portus Itius dura vingt jours, parce que le vent du Nord-Ouest, qui est habituel dans ces régions en toute saison, empêchait de prendre la mer… Enfin, profitant d’un temps favorable, il donna l’ordre d’embarquer à l’infanterie et aux cavaliers… Il laissa sur le continent Labienus avec trois légions et deux mille cavaliers, pour défendre le port et pourvoir au ravitaillement, se tenir au courant des affaires de Gaule et prendre les décisions nécessaires. Lui-même, avec cinq légions et un nombre égal de cavaliers, leva l’ancre au coucher du soleil et partit, poussé par un léger vent du sud-ouest…
2CÉSAR, La Guerre des Gaules, V, 2 et V, 5-8.
2. Constance fait le siège de Boulogne tenu par les partisans de l’usurpateur Carausius (293 après J.-C.)
« Tu n’as eu qu’à venir, ô César, pour ramener aussitôt les Gaules sous ta loi. En effet, la rapidité avec laquelle tu as devancé toutes les nouvelles et de ton élévation à l’empire et de ton arrivée t’a permis de surprendre et d’écraser dans les murs de Gesoriacum la bande de pirates rebelles qui s’y obstinait dans un misérable aveuglement, et d’enlever à ces hommes, qui mettaient leur confiance en la mer, l’océan qui baignait les portes de la ville. Là se manifesta ta divine prévoyance et le succès répondit pleinement à ton dessein : tout le bassin du port, où flux et reflux alternent régulièrement, tu l’as rendu inaccessible aux navires en plantant des pieux à l’entrée et en immergeant des blocs de rochers ; par ton ingéniosité remarquable, tu as triomphé de la nature même des lieux. Car la mer opérait en vain son reflux et semblait pour ainsi dire se moquer de ceux auxquels la fuite était interdite, n’offrant aux assiégés pas plus de secours que si elle avait cessé de se retirer. Quel camp nous fera-t-il désormais admirer ses retranchements, quand nous avons vu ce retranchement d’un nouveau genre établi dans la mer ?… Ta divine prévoyance, ô César, a usé d’une ruse efficace et n’a pas fait insulte aux éléments ; loin de provoquer la haine de la mer, tu as mérité son obéissance. Comment en effet, interpréter autrement les événements, quand, dès que le siège eut été achevé à cause de la nécessité qui pressait les assiégés et de la confiance qu’ils avaient en ta générosité, la première marée suivante qui heurta ces mêmes barrières y ouvrit une brèche, et toute cette ligne de pieux qui avaient opposé aux flots un invincible obstacle quand il en était besoin, se disloqua comme si le signal en eût été donné et que sa faction était terminée ? Aussi personne ne douta que ce port se soit fermé au pirate pour l’empêcher de secourir ses partisans et se soit ouvert spontanément à toi pour te donner la victoire ».
3Panégyrique de Constance, IV, 6-7, prononcé le 1er mars 297 par un auteur anonyme.
Qui aujourd’hui encore, je ne dis pas se rappelle, mais ne voit pas en quelque façon tout ce que Constance a fait pour accroître et embellir l’Empire ? Appelé au pouvoir, il interdit dès son arrivée l’accès du port à l’océan bouillonnant sous la flotte innombrable des ennemis, il bloqua à la fois par terre et par mer l’armée qui s’était installée sur le littoral de Boulogne, il suspendit le flux et le reflux de la mer en jetant une digue au milieu des eaux, faisant perdre contact avec la mer à ceux dont elle baignait jusqu’alors les portes. Après avoir par sa valeur capturé cette armée et lui avoir conservé la vie par sa clémence, tandis qu’on préparait une flotte pour reconquérir la Bretagne, il purgea de tout ennemi la terre batave jadis occupée par divers groupes de Francs sous la conduite d’un enfant du pays.
4Panégyrique de Constantin, VII, 6, prononcé en 310 par un auteur inconnu.
3. Boulogne entre les Francs et les Saxons (avant 667) ou saint Omer et le marin malgré lui
Un jour, Omer, l’admirable confesseur du Christ, demeurant dans la ville de Boulogne, se leva après les vigiles nocturnes au petit matin selon son habitude. Il entra dans l’église pour prier et là durant tout un long jour d’été après avoir prêché la parole du Christ aux foules qui l’entouraient et chanté la messe avec le peuple chrétien, imposé les mains aux malades souffrant de maux variés, le vénérable vieillard épuisé se coucha sur son lit pour la sieste. Alors voulant détendre son corps fatigué pendant cette pause, l’un des serviteurs qui l’entouraient, jeune et étourdi, s’approcha de lui, disant : « Maître, donne-moi ton autorisation ; je voudrai me promener maintenant au bord de la mer ». Alors le vieillard dit devant tout le monde au jeune homme qui lui faisait cette demande : « Tu n’as pas, mon fils, la permission de sortir ; je pense qu’il est en effet meilleur pour toi d’attendre un peu jusqu’à ce que tu m’aperçoives sortir reposé de mon sommeil ». En effet, le berger attentif à son troupeau, rempli d’un esprit prophétique avait prévu quel mal pouvait advenir au jeune homme vagabondant. Alors gagné par le sommeil, et fatigué, le vieillard se tut. Mais, le jeune homme méprisant les ordres de son excellent patron, car c’est la coutume des jeunes de mépriser ainsi les ordres des vieux, s’éloigne rapidement à pas précipités vers la mer. Là apercevant une toute petite barque sur la grève que les hommes avaient l’habitude d’utiliser pour traverser le petit fleuve que les habitants appellent dans ces régions la Liane, le jeune garçon oublieux, aveuglé par l’amour du jeu, sans prendre conscience de son acte, y monte seul, désireux de s’amuser sur les rives de ce petit cours d’eau. Mais voici que la violence d’un fort coup de vent l’emporte vers le large. Alors, subitement une sauvage tempête éclate sur la mer, et la barque, secouée sur les ondes gonflées, errant sans gouvernail ni gouverneur, de çi de là, au gré des flots s’avance sur la mer qui sépare la Grande-Bretagne par un grand gouffre de la terre des Francs et nuit si souvent aux courageux qu’elle y coule. Quant au pauvre malheureux, n’apercevant ni sa patrie ni la seconde terre, alors, il commença à se repentir d’avoir méprisé les paroles de son patron et crut qu’il allait mourir. Comme les vents combattaient les flots, ni le bateau, ni le jeune homme ne pouvaient résister à la mer. Alors Dieu par les mérites d’Omer le déposa, tout priant et frémissant, sur la terre des Saxons1. Aussitôt, de nouveau stupéfait, apercevant des champs inconnus, il craignait tout tremblant que des brigands ne le détroussent, s’il tentait de demeurer seul plus longtemps en ces lieux. Là s’avouant enfin se désobéissance, il se répandit en pleurs et implora du secours. Réclamant d’une voix tremblante son patron Omer, se fiant au Seigneur, il revient en courant à la barque. Le Tout-puissant lui accorda un vent favorable, ordonnant à la mer gonflée de se calmer et l’embarcation avança de nouveau sur une mer calme. Il revint une deuxième fois sain et sauf au port bien protégé d’où auparavant un fort vent du sud-est l’avait chassé. Et redevenant marin, il passe de la mer dans le susdit cours d’eau la Liane, reconnaît les champs familiers, laisse sa barque intacte sur le rivage. Il foule d’un pas rapide les algues du littoral tout en rendant grâces de multiples manières au Tout-puissant et revient tout penaud auprès de son patron. Celui-ci encore attardé dans le sommeil où le jeune homme l’avait laissé endormi, se réveilla alors à ce moment rapidement par un effet de l’admirable miséricorde du Dieu tout-puissant. Alors, s’approchant de l’entrée de l’édifice, où le vieillard priait, le malheureux se prosternant à plusieurs reprises rapidement contre terre, avouant sa faute par ses yeux mouillés et ses sanglots, demandait avec instance son pardon en pleurant abondamment. Alors le vieillard le saisissant doucement lui dit : « Mon fils je t’avais dit auparavant ce qui allait t’arriver et qu’il ne convenait pas que tu sortisses aujourd’hui. Pourquoi as-tu osé ensuite mépriser ma parole ? ». Alors le jeune homme répondit tout tremblant à son patron : « C’est ma faute, maître, vraiment c’est ma faute. Ignore moi, malheureux que je suis, toi qui m’a retiré de la mort ». Alors il raconte ses malheurs comme nous l’avons dit, comment, seul parmi les flots tumultueux de l’océan, il endura de nombreux tourments sur une petite barque en pleine mer, en proie aux gouffres tourbillonnant autour de voraces roches. Il crut qu’il n’échapperait pas vivant de la mer, si désespérant du secours humain, Dieu ne l’avait point libéré de la mort lui le pauvre malheureux, grâce au mérite d’Omer. Alors sobrement le vieillard ordonna au jeune homme de se taire, et réprimandant humblement le disciple imprudent : « Ne fais pas sortir de nouveau de ta bouche cette parole et ne dis pas cela de moi à quelqu’un tant que tu me verras jouir encore de cette courte vie afin que le diable ne nous domine pas grâce au péché d’orgueil, ne nous incite pas à rechercher la louange sur la bouche des hommes et que la vaine gloire ne nous fasse pas lever notre cœur vers le haut ». C’est pourquoi le disciple ne raconta tout ce qui s’était passé sur les ondes en un récit détaillé qu’après la mort du saint.
5Vie de saint Omer, c. 8, p. 757-758, cd. B. Krusch, Monumenta Germaniae Historica, t. V, Berlin, 1910. Écrit au IXe siècle et traduit du latin par M. Rouche.
4. Deux extraits des comptes de la ville de 1415-1416
6Quand l’échevinage organise le guet : anthroponymes, lieux, salaires.
À Jacques Roquelin, l’aîné pour ses gages de l’année, pour être allé toutes les nuits visiter le guet quelquefois avant, quelquefois après minuit, au prix dit par Messeigneurs, y compris 20 S pour la chandelle… 17 livres.
À Pierre de Rocourt, portier, pour sa pension de l’année pour la garde de la lanterne de la porte des dunes, et pour ouvrir la nuit et pour fournir à ses frais les chandelles… 60 S.
À Jehan Le Douch, pour ses gages pour avoir convoqué les échevins au guet… 60 S.
À Jehan Gravelle, pour sa pension, pour fermer et ouvrir les tours… et entretenir les serrures sans rien y faire de neuf… 100 Sous, non payé.
À Jehan Raoul, Jehan de Calais, Jehan Gremier, Honoré Sidoul et Jehan Clabaut, ayant chacun un chien avec lui aux haies, et pour chaque chien, ils doivent avoir trois polquins de blé, et pour ce a été payé cette année… 18 livres.
… Autre mise pour la garde de la Tour d’Odre en cette présente année :
… À Jehan Challon, pour 48 livres de chandelle livrée cette année aux guetteurs de la dite tour, depuis le jour de la mairie de l’an dernier, jusqu’au jour de la mairie de cette année, à 10 deniers la livre… 40 S.
À Adam Bertaut, pour sa pension d’avoir été garde de la dite tour, depuis le jour de la mairie l’an dernier jusqu’au 4e jour de mai de cette année, soit 7 mois et 19 jours, au prix de 12 livres par an, payé 7 livres 13 sous 6 deniers… 71.13s.6d.
… À Huguenot Papperoche, maître charpentier de la ville, travaillant… au second étage de la dite tour pour l’entretenir, alors qu’il se détériorait… pour 2 jours à 4 sous par jour… 8 S.
À Perrier, Janin de Latre et Cartiers, charpentiers travaillant avec le dit Huguenot au dit ouvrage… chacun 1 jour, ce sont 3 jours d’un ouvrier à 3 sous par jour sans frais… 9 sous.
… Pour l’achat fait à Tassin Fourrei, charbonnier, pour 3 sacs de charbon livré par lui à la dite tour… 4 s.
… À Jehan Merchant l’aîné, … etc.
7Quand l’échevinage achète, vend et envoie des harengs en cadeaux :
… « Et les VI mil VC » coûtent 60 F qui valent 48 livres dont furent du dit herenc triés, otés pour faire très bon, 1 250, vendus au profit de la ville chaque cent 12 sous, valent 7 livres 10 S., reste dont mise est ici faite 40 L 10 S.
… À Mahieu du Four et Jehan Merose… ont reçu en salaire pour trier et choisir le herenc
…et emballer en 12 balles… 20 S.
À Enllart Zoquelin merchier, pour 26 aunes de kennevas pris à lui pour emballer le herenc, à 20 d. l’aune… 43 S 4 d.
… à Pollet, peintre pour salaire pour avoir armoré les 12 balles par dessus dites des armes de la ville, à lui payé pour 2 années laissées en arrérage… 4 L 12 S.
…À Hanotin le Boullenghier, fils Marc le Boullenghier, pour le transport de 5 250 herencs menés à Paris sur ses quevaux… pour ce payé chaque mille par marché… 28 sous… payé 7 livres 7 S…
8AN KK 280, 65v°, 66 v°, 34 v°. Publ. in MSAB, t. VII, 1er extrait p. 120 et 184 sq. ; 2d extrait p. 96 sq. Français et chiffres modernisés partiellement.
5. L’hommage de Louis XI à Notre-Dame de Boulogne : avril 1478
Louis par la grâce de Dieu roi de France savoir faisons à tous… comme depuis peu nous avons acquis par titre d’échange de notre cher et féal cousin Bertrand de La Tour comte d’Auvergne la Comté de Boulogne… et icelle comté de Boulogne avons jointe et incorporée à notre domaine pour être dorénavant notre propre héritage et celui de nos successeurs… pour en prendre la réelle et actuelle possession sommes présentement venu en notre ville de Boulogne pour la grande et singulière dévotion que nous avons à la glorieuse Vierge Marie… et à son église collégiale fondée en ladite ville de Boulogne en laquelle par l’intercession de ladite Dame se font chacun jour de beaux et grands miracles, considérant aussi les très grandes… grâces que Notre Seigneur nous a faites, le temps passé, à l’intercession de sa dite glorieuse mère… désirant de tout notre cœur en reconnaissance de ce, révérer, élever, augmenter honneurs, prérogatives et dignité de ladite église de Notre-Dame de Boulogne et afin que nous et nosdits successeurs soyons dorénavant participant aux prières et oraisons… qui se font et se feront en ladite église… nous avons donné, cédé, transporté, délaissé, donnons, cédons transportons et délaissons à ladite Dame… le droit et le titre de fief et hommage de ladite Comté de Boulogne qui nous… appartiennent pour raison et à cause de notre comté d’Artois lequel fief et hommage de ladite Comté nous et nosdits successeurs Rois de France et Comtes d’icelle comté serons tenus de faire dorénavant perpétuellement… devant l’image de ladite Dame en ladite église ès mains de l’abbé de ladite église… et de payer les reliefs tiers de chambellage et autres droits seigneuriaux pour ce dus à muance de vassal et outre pour l’honneur et révérence de ladite Dame nous et nosdits successeurs serons tenus… d’offrir notre cœur en espèce et figure de métal d’or fin de 13 marcs d’or qui sera employé au bien et entretien de ladite église. Toutefois nous n’entendons… aucunement déroger ou préjudicier à nos droits de ressort et justice de ladite comté… réservé toutefois les deniers des exploits de justice… à quelque valeur qu’ils puissent monter, avec les amendes de 60 livres par. en quoi les sujets de ladite comté seront condamnés par arrêt de notre cour de parlement pour frivoles appellations… interjetées que nous voulons être pris et perçus par ledit abbé et ses successeurs…
9Ordonnances des rois de France… t. XVIII, 1828, p. 391-398, Français et chiffres modernisés partiellement.
6. Remontrances au sujet des boues, 15612
10Du 2e apvril 1560, avant Pasques, en loy, le procureur du Roy et esleuz présens
Sur la pleinte à nous faicte, par le poeuple et habitans de ceste ville, que plusieurs immondices se trouvent par les rues gectées de nuict par aulcungs desdits habitans, en sorte que l’on ne scait à quy adresser pour les faire tirer hors de la ville, dont passé à deux ans sont advenuz grandz inconvéniens, malladies de peste, au grand interest du bien publicq et grande perte des habitans quy en sont décéddez depuis ledit temps, dont la ville est grandement désaccommodée. Et, après avoir veu et visité, et fait veoir et visiter, par les sergens et aultres officiers de ladite ville les rues d’icelle, lesquelz nous ont rapporté estre les dites rues, principallement celles quy sont fermées, la plus part du temps infectées des dites immondices dont s’en porroit, principallement en temps d’esté et de challeur, sourdre grandes malladyes. Estans en pleine loy, assemblez et mandez les officiers et ceulx estans du Conseil de ladite Ville, en la présence du procureur du roy et de Maître Charles Pieucquet, controlleur pour le roy des deniers communs de ceste ville, pour cest effect avons advisé, pour éviter aus dits inconvéniens, il ny a aultre moien que de tenir continuellement ladite ville necte et, pour ce faire, seroit besoing avoir homme exprés, garny d'un bon bleneau grand et profond et bien cloz et fermé de toutes parts, de bon et suffisant achelin, joinct l’un sy prez de l’autre quy ne puist aucune chose tomber par aucunne entrefens ou ouverture et mesmement sur le derrière dudit bleneau et que la closture soit haulte eslevée aussy d'achelin de pareille haulteur que le devant et costez dudit bleneau que la closture de derrière, et que le personaige, qu’à ce faire sera commis, ira deux jours entiers par chacunne sepmaine assavoir le lundy et vendredy, depuis le mattin jusques au soir sy le cas le requiert, par toutes les rues sans nulle exceptée, qui gectera toutes les immondices qui se y poront trouvés audit bleneau, quy portera aux rampars, au lieu qui sera déclairé. Et aura son cheval, menant ledit bleneau, une clochette affin que chascun en pust avoir advertence, allant le petit pas et advertira aussy ès maisons, à icelle fin que chacun apporte ses immondices pour mectre audit bleneau, et aura le dit commis pour chacun jour 10 sols (oultre pardessus la somme pour laquelle la ferme du widaige des fiens sera baillée au rabais et le tout par manière de provision) qu’il vacquera tant que aultrement en sera ordonné, qui se paieront de deux mois en deux mois et sera deffendu à toutes personnes, à cry publicq, de quelque estat quilz soient de plus gecter aucunes immondices, cendres et aultres choses ès dites rues, à peine de 40 sols, pour chacune fois, quy contreviendront aux dites deffenses, leur ordonnant d’avoir en chacune maison une boine grande mande et une pelle, dedens laquelle ilz tiendront leurs immondices, cendres, lechives et aultres choses semblables dedens leurs tenemens pour les mectre dedens ledit bleneau quand il passera, à peine de pareille amende de 40 sols comme dessus : et est enjoinct à toutes personnes, aians terres et fumiers devant leurs huis et tenement, quy y seroient mis depuis huict jours et plus long temps, de les avoir widé et porté aux rampars, par dedens samedy primes venans, depuis le chasteau jusques à la porte Gaiolle, quy est le lieu le plus nécessaire estre reparé, à peine de cent solz d’amende, et de les faire mener à leur despens. Ordonnant à tous les habitans, aians leurs maisons, tenemens et jardins, à lendroict dudit quartier, de laisser espace de soixante piedz, pour le moingz, lesquelz porront clore leurs derrière de haies ou aultrement allencontre de la place et largeur ordonné estre laissé pour faire ledit rampart, sans donner aucun empeschement à la confection du dit rampart jusques au parachèvement. Et le lendemain du jour que lesdits fumiers, ordures et immondices seront portées, à chacune fois sera ledit commis tenu espardre ou faire espardre ce quil aura porté sur ledit rampart, affin quil se puist mieulx dresser et compasser. Et pareillement est deffendu à toutes personnes et habitans de ceste ville, de tenir pourceaulx en leurs maisons, à peine de perdition d’iceulx quy seront venduz, et seront les deniers donnez aux pauvres et aussy à peine de cent solz d'amende. Faict et délibéré en loy le deuxième apvril 1560, avant Pasques.
11A.M.B., Livre verd. n° 1013, f° 49
7. Règlement pour les bourgeois et habitants en cas de feu et incendie (1560)
12Du 19e de juillet oudit an 1560
Délibéré, pour éviter aux dangiers quy pourroient survenir à raison du feu de meschief, ou d’ailleurs, advenans en la ville, que le poeuple et habitans d’icelle se retiront, assavoir, ledit feu de meschief venant en la rue Sainct Jehan, les bourgeois estans et demeurans sur le marché, vers la porte, et pour chef auront Robert de Parenty, eschevin ; et, oudit cas, les habitans de la rue de Boves se retiront à Gayolle et, pour chef, auront Jaques Caillette ; et se retiront les habitans près la porte des Degretz, vers ladite porte et pour chef auront Galliot boullenger ; Et, pour le regard de ceulx de la grant Rue, se retiront à la porte Flamengue, et auront aussy pour chef Robert Candelier, lesdits dessus nommez chef, tous eschevins, ausquelz ont estes délivrez les rolles des dits habitans ; Et quant à la reste des habitans de ceste ville, le cas advenant dudit feu de meschief et allarmes se retiront en l’eschevinaige pour faire ce qu’il leur sera commandé et aux lieulx où il sera besoing : et est enjoinct à tous lesdits habitans avoir et estre garniz en leurs maisons de bâtons de deffenses, à peine de 100 sols d’amende, et en sera faict visitation et les déffaillans condempnez, pour le payment desquelz ilz seront exécutez reallement et de faict.
13A.M.B., « Livre Verd », n° 1013, f° 47.
8. Boulogne en 1729
Cette ville est double. L’une haute et l’autre basse, à 100 pas de distance l’une à l’autre.
La Haute Ville est scituée sur un tertre environné de tous costés de montagnes plus hautes, à la réserve du costé du sud-ouest, où est la Basse Ville qui donne sur le port et sur la rivière de Liannes ; et pour aborder en cette ville il faut descendre de tous costés et monter pour y entrer.
Cette ville est très ancienne ; on prétend prouver qu’elle estoit déjà considérable du temps des premiers empereurs romains, qu’elle est le Portus Itius et le Gesoriacum dont il est parlé dans les commentaires de Cézar et dans l’histoire romaine…
La ville de Boulogne est le chef-lieu et la capitalle d’un ancien comté qui devint héréditaire sous la seconde race de nos Roys…
La ville de Boulogne rétressie et close, ainsi qu’il vient d’estre dit, estant la plus frontière de la France résista aux incursions de ses ennemis depuis l’an 1477 jusques au 18 juillet 1544.
La figure de la Haute Ville de Boulogne en l’estat où elle se trouve aujourd’huy est un petit quarré long entouré de murs et de remparts qui forment une très belle promenade, plantée d’ormeaux principalement du costé qui donne sur la Basse Ville et sur la rivière de Liannes, où l’on respire un air pur et où il y a une belle veue.
Cette Haute Ville est bien bâtie. Il y a environ 400 maisons de pierres, formant par le moyen du plâtre une manière de brique très épaisse. Elles sont la plus grande partie assez bien et commodément construites, toutes habitées par les chanoines, des gentilshommes (dont il y a environ 30 familles) les officiers de justice, avocats et procureurs et environ 1 000 autres habitans.
Deux compagnies de bourgeois et une de la jeunesse y montent la garde aux deux portes de la ville restées ouvertes qui sont la porte des Dunes vers la Basse Ville et la porte Neuve qui va à Calais.
Le château… est à un des quatre coins de la Haute Ville n’en est séparé que par un fossé à fond de cuve revêtu de murailles et par le rempart… Ce château a besoin de réparation pour empêcher qu’il ne tombe en ruine.
Le Palais episcopal et la maison du gouverneur sont dans la Haute Ville.
Il y a aussy deux places dans chacune desquelles est une fontaine de belle architecture d’où coulent des eaux vives et pures qui y sont conduites d’une abondante source qui est à un quart de lieue de la ville qui y en fournit à plusieurs endroits…
La maison de ville, où s’assemblent les mayeurs et eschevins pour la police, est aussy dans la Haute Ville. Ces mayeurs et eschevins ont par privilège la justice criminelle de la Haute et Basse Ville et de la banlieue, sauf la connaissance des cas royaux et privilégiés. Au-dessous de la maison de ville sont les prisons royalles et sur le derrière est une haute et grosse tour de maçonnerie nommée le Beffroy qui sert pour le guet. L’on y découvre tous les vaisseaux qui passent en mer et qui sortent des dunes d’Angleterre.
Le Palais de l’Auditoire où se rend la justice est aussy dans la Haute Ville. Au-dessous de ce bâtiment est un grand magasin voûté destiné pour des moulins et chevaux en cas de siège.
L’église cathédrale de Notre-Dame de Boulogne est aussy dans la Haute Ville… Le chapitre de cette église est composé de six dignités, de 21 prébendes et de plusieurs chapelains. Le revenu de chaque prébende est de 12 à 1 300 livres par an à proportion de la cherté des grains et celuy de l’evesché d’environ 16 000 livres…
L’église et la dépendance de [l]’abbaye Saint-Wulmer, avec une partie du revenu ont esté donnés aux Pères de l’Oratoire. Ils y sont neuf qui y tiennent un collège…
La Basse Ville de Boulogne est beaucoup plus grande, plus peuplée et plus marchande que la Haute. La situation est sur la pente de la Haute Ville et dans la vallon qui est en bas vers le midy. Sa figure est un triangle presque équilateral.
La Basse Ville est moderne ; peu de temps avant la prise de Boulogne par les Anglois en 1544, il y avait peu de maisons, avant il y en avait encore moins. Elle est bien bâtie, les rues assez bien percées et longues ; les maisons sont de pierres de la même manière que celles de la Haute Ville. Il y en a environ 1 000 à 1 200 occupées par environ 5 000 personnes de tout sexe, y comprises 10 à 12 familles noblesses et autant d’Anglois. Les autres habitans ont droit de bourgeoise et jouissent des mêmes privilèges que ceux de la Haute Ville. Il y a 9 portes ouvertes qui fermoient anciennement. Cinq compagnies bourgeoises et trois de jeunesse qui montent la garde à leur tour en la Haute Ville. Il n’y a qu’une seule paroisse qui est celle de Saint-Nicolas… Il y a dans la Basse Ville, le séminaire de Saint-Lazare pour les ecclésiastiques du diocèse, assez baty ; l’églize est petite, proprement ornée et décorée ; un couvent de Cordeliers qui est un des plus anciens qu’il y ait en France. Ils sont 13 à 14 religieux qui reconnoissent les mayeur et eschevins pour leurs pères et fondateurs. Un de Minimes qui y est establi depuis environ 80 ans. Ils ne sont que quatre religieux et un de Capucins.
L’hôpital général de Saint-Louis est aussy dans la Basse Ville. Il y a esté estably par lettres patentes de 1692. Le bâtiment est magnifiquement baty par les soins et libéralités de défunt M. le duc d’Aumont… Les garçons y sont employés à faire des filets pour les pescheurs de la ville et les filles, les unes à faire de la dentelle et les autres à tricoter des bas. Son revenu estoit cy-devant d’environ 16 000 livres, mais il a beaucoup diminué. Il consiste à présent, les charges et renvoys acquittés à environ 8 000 livres, ce qui n’est point, à beaucoup près suffisant pour y entretenir les pauvres qui y sont renfermés. Il y en a à présent plus de 200. Il seroit à souhaiter qu’il y eut quelque manufacture establie pour occuper les pauvres et ceux de la ville qui sont en très grand nombre…
Il y a aussy dans la Basse Ville des escolles pour l’instruction de la jeunesse ; six frères de la charité chrestienne y sont establis. Ils n’ont que 650 livres de revenu et enseignent gratuitement.
Six brasseries pour la bière, qui est la boisson ordinaire du pays. Trois blancheries ou rafineries pour le sel. Une seule fontaine d’eau douce et plusieurs pays.
14Extraits d’un mémoire attribué à un certain Sicard. Arch. Marine, Paris C4159, pièce 16.
9. Boulogne-sur-mer : le port, l’économie maritime, la population en 1792
15Mémoire sur le port de Boulogne par Mr de Vergnes, Capitaine-Ingénieur du Génie 1792. Rapport présenté devant le Conseil général de la Commune de Boulogne le 2 mars 1792.
Situation
Le Port de Boulogne est situé d’une manière très avantageuse par rapport au commerce avec l’Angleterre ; le passage de France dans ce royaume est plus facile à Boulogne que dans tout autre endroit des côtes voisines. On sait que dans nos parages, les vents soufflent de la partie de l’Ouest et du Sud-Ouest, au moins les trois quarts de l’année. Par l’inspection des cartes, on voit que ces vents sont très favorables au passage direct de Boulogne à Douvres, le courant de la mer montante aide encore à l’effet du vent, puisqu’il va du Sud-Ouest au Nord-Est dans le milieu du canal, et pourrait même servir par un vent contraire parce qu’il fait deux lieues à l’heure ; mais un avantage inappréciable pour le passage en Angleterre et qui ne se trouve sur aucun autre point de ces côtes, c’est le courant de la marée descendante y est dans le même sens que le courant de la mer montante et porte au Nord comme lui, le long de la côte : ce qui permet de partir à la fin des marées et par conséquent d’entrer dans le port de Douvres de pleine mer…
Commerce
Le principal commerce de Boulogne est le commerce interlope que cette ville fait avec l’Angleterre. Des smoglers viennent chercher des eaux de vie que nous tirons de France, les eaux de vie de grains que nous tirons de Hollande, les thés que nous tirons de l’Orient. Ce commerce est dans la plus grande activité, il occupe annuellement neuf cent quarante bateaux smoglers, dont l’exportation peut être évaluées à deux millions sept cent mille livres. Ce résultat est tiré d’un excellent mémoire fait par le contrôleur des Douanes, envoyé l’année dernière à l’Assemblée Nationale.
Outre ce commerce qui est le plus actif, il entre, année commune dans notre port, quatre-vint-quatorze navires français et quatre-vint-huit hollandais ou danois. Nous avons ici deux raffineries de sucre, dont la fabrication peut être évaluée par an à un million pesant, ce qu’on peut estimer sur l’ancien prix du sucre à un million de livres tournois.
Les charbons de terre d’Hardinghen ne s’exportent pas en grande quantité par le port de Boulogne ; mais ces charbons alimentent une verrerie considérable dont l’exportation annuelle va à soixante dix-huit mille livres.
Le passage de France en Angleterre donne encore un grand mouvement à notre port ; on peut compter annuellement quatorze cent soixante-dix passagers de paquebots : comme il sont pour la plupart Anglais, nous ne tiendrons pas compte du bénéfice qui en résulte. Nous pourrions cependant ne pas passer sous silence le numéraire que les passagers nous apportent ; mais la quantité en serait trop difficile à apprécier. Nous ne ferons non plus qu’indiquer une manufacture de grès nouvellement établie dans cette ville, quoiqu’elle aye déjà fait une expédition pour Le Havre et une manufacture de tabac établie depuis le Révolution, mais dont le bénéfice ne peut être encore apprécié.
En temps de guerre le port de Boulogne devient un port de construction pour un assez grand nombre de corsaires. Les bois se tirent en partie des deux forêts voisines, en partie du Nord. Le voisinage de la rade des Dunes où se rassemblent les navires anglais et hollandais pour partir en flotte, offre une croisière très avantageuse ; le courage des habitants de notre district et le grand nombre d’hommes de mer qui l’habitent donnent la facilité de les armer avec célérité et de faire des prises considérables ; mais comme cette espèce de gains n’est qu’accidentelle, nous ne le ferons pas entrer dans l’estimation de notre commerce.
L’objet le plus intéressant pour l’État, ce sont nos pêcheries. Il y a longtemps qu’on a dit, sans pêcheries, point de commerce ; sans commerce, point de matelots, sans matelots, point de marine militaire ; les pêcheries de Boulogne méritent donc toute la protection du gouvernement. Un port sûr et commode est le moyen le plus efficace de les encourager.
Nous avons deux sortes de pêcheries : celle du maquereau, qui se fait au commencement du printemps et qui emploie 60 bateaux ; et celle du hareng qui se fait dans l’automne, et qui en emploie quarante. Le reste de l’année les pêcheurs fournissent du poisson frais au district et à plusieurs villes de l’intérieur du Royaume.
La pêche du maquereau peut être évaluée à cent cinquante mille livres par an. Celle du hareng est la plus considérable ; elle a éprouvé des variations, suivant que le port de Boulogne a été bien ou mal entretenu. Cinquante ans avant la guerre de Succession, ce port fournissait du hareng dans l’intérieur du Royaume jusqu’à Reims et Orléans, et cette pêche était alors un objet de quatre cent mille livres. Après la guerre de Succession elle ne se montait pas au tiers de cette somme. Le peu de travaux qu’on a fait au port depuis cette époque, l’a ramenée au point qu’elle occupe aujourd’hui : quarante bateaux dont le produit est de trois cent mille livres. La pêche du poisson frais est un objet de cent vingt mille livres par an. On voit que nos pêcheries méritent quelque attention, mais la considération qui doit les rendre précieuses au gouvernement, c’est la grande population des matelots qu’elles font vivre.
En résumant les différentes branches de notre commerce, on voit qu’il se monte à une exportation annuelle de quatre millions trois cent quarante huit mille livres.
Population
Les derniers recencements faits des citoyens domiciliés dans Boulogne portent leur nombre à dix mille cinq cents habitants ; il faut y ajouter une garnison habituelle de deux bataillons d’infanterie, estimés à mille hommes en temps de paix, et environ deux mille Anglais qui viennent habiter parmi nous pour jouir de la tempérance de notre climat et réparer les malheurs qu’ils ont éprouvé dans leur patrie ; ce qui fait un total de treize mille cinq cents habitants.
Les matelots composent une grande partie de cette population. Elle est de treize cent dix hommes de service en y comprenant les hommes de mer qui habitent le district et que les expéditions de notre port font subsister.
Ce nombre a éprouvé des variations, selon l’attention que le gouvernement a eu d’entretenir notre port : en 1713, on se plaignait que par sa négligence l’entrée et la sortie en étaient devenues si dangereuses, il se perdait annuellement un si grand nombre de bateaux pêcheurs que les propriétaires ne se souciaient plus de les renouveller. Ces matelots sans occupation et accablés de misère, se retiraient dans d’autres villes ou même passaient en Angleterre, à Ostende, à Niewport, de sorte qu’on ne comptait plus alors que trente pêcheurs de hareng dans le port de Boulogne.
16Extrait du Ms original, B.M.B., Ms n° 618.
10. L’animation de Boulogne au début de l’Empire
17Boulogne le 20 juin 1804
Il me faudrait des pages pour vous entretenir de tout ce qui se fait ici. Notre pays est un pays de féerie. C’est une création continuelle. Nos trois ports vont d’un pas égal. Ceux de Wimereux et d’Ambleteuse reçoivent déjà des vaisseaux. Le nôtre en contient plus de mille. Quel mouvement ! Quelle célérité ! Quelle immense population, et au milieu de tout cela, l’ordre et la discipline la plus sévère, la police la plus surveillante ; elle n’est pas plus active à Paris. Nos camps sont superbes. Ils sont composés de trois lignes parallèles de baraques, toutes uniformes, construites en bonne charpente, couvertes en terre ou en paille, capables de durer plusieurs années sans y toucher. Les baraques des officiers présentent tous les agréments d’une habitation charmante, ornée de lambris, de tentures en papier, de meubles élégants, d’alcoves, distribuées avec art. On en voit beaucoup environnées d’un joli parterre clos avec des palissades. Les baraques des officiers forment la première ou, si vous voulez la dernière ligne. La deuxième est composée des cuisines. Des cheminées solides, un fourneau et un office pour y déposer les viandes, qu’il n’est pas permis de mettre ailleurs. Et voilà la composition de la 3e ligne, c’est celle des soldats. À la paille sur laquelle ils couchaient, on va substituer des lits de sangles, excellente et sage précaution. L’on doit dire à la louange du gouvernement, qu’il veille à la bonne tenue, à la disposition et à la bonne santé de la troupe avec des soins éclairés et vraiment paternels. La position élevée des camps, la bonne nourriture, la bonne eau, tout contribue à entretenir la santé du soldat et il est rare de voir aussi peu de malades avec une armée aussi nombreuse. J’en peux juger comme administrateur de l’hospice civil de cette ville, dans lequel nous avons été engagés à établir 300 lits de militaires. C’est un spectacle frappant de voir une armée nombreuse, tranquille dans ses camps, nos flottilles circuler librement le long de nos côtes, arriver sans obstacles à leur destination et les flottes de l’ennemi se tenir constamment à une distance respectueuse, n’oser se hasarder à avancer et obligées, s’il leur arrive de dépasser la ligne que leur trace l’aspect formidable de nos forces de se retirer à la hâte, pour échapper au feu d’une artillerie immense et savamment combinée. Aussi, depuis longtemps, il ne s’est passé aucune action sur nos côtes, et, de part et d’autre on économise la poudre. Quand le débarquement aura-t-il lieu ? Nous n’en savons rien. Les préparatifs paraissent immenses. Il y a trois mois, ils n’étaient rien en comparaison de ce qu’ils sont aujourd’hui. Les arrivages de tous genres ne discontinuent. Il semble que notre pays est au reste de la France, comme le cœur est au corps ; nous sommes le point central de la circulation. Nous savons que l’Empereur veut faire de notre ville une ville de premier rang. Avant dix ans, notre ville dans laquelle on veut enclaver un très grand territoire, contiendra plus de 40 000 âmes ; aussi on s’occupe déjà de l’embellir. Nous venons d’arrêter au conseil général de la commune convoqué en présence du Préfet que la porte dite des Dunes qui communique de la haute à la basse ville serait démolie, ainsi que 7 ou 8 maisons qui obstruent le passage. L’on construira dans la direction de la place de la haute ville et à quelques toises de la porte que l’on va détruire un superbe monument en forme d’arc de triomphe qui sera érigé à la mémoire de Napoléon le Grand, sous le nom de Porte Impériale. Ce projet est déjà soumis à la sanction du Gouvernement. Mais je pense qu’il ne pourra s’exécuter qu’après la retraite de l’armée, à cause de la foule continuelle qui circule sur ce point, ce qui rendrait le travail impraticable pour le moment. Nous attendons l’Empereur de jour en jour. Il fera son entrée dans notre ville par le faubourg de Bréquerecque et la rue dite Impériale. On travaille depuis quinze jours à élever des trophées de tous genres sur le lieu de son passage. Une très belle architecture recouverte de feuillages représentera le Pont de Lodi. Quand Sa Majesté passera avec sa suite sous les trois arcades de ce pont, un chœur de jeunes filles placées au dessus des arcades fera pleuvoir des fleurs et des couronnes de laurier. Une belle avenue conduira à ce pont. Différents arcs de triomphe emblématiques garniront la rue Impériale de distance en distance. Au milieu de la rue de l’Écu s’élèvera le Temple de l’Immortalité avec des emblèmes relatifs à la descente en Angleterre. Toutes les rues seront tendues de draps blancs avec des festons et des guirlandes de fleurs et de laurier. Une ville dont l’octroi rapporte 30 à 40 000 L. par mois peut avoir des moyens pour témoigner à son illustre fondateur tous les sentiments de reconnaissance…
18Lettre de Charles-Joseph Gros à un de ses parents à Dijon. — Collection particulière.
11. Le commissaire est bon enfant
19Boulogne le 17 juillet 1804
J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser pour m’inviter à arrêter la fille publique dite Aimée. Je n’ai pu exécuter directement cet ordre attendu que cette fille demeurait hors notre territoire, savoir à Mont-Lambert. J’ai prié en conséquence Monsieur Hacot, lieutenant de gendarmerie de résidence, de la faire arrêter et elle vient de l’être. Elle a été déposée dans la prison civile, en attendant votre décision. Pour la donner vous voulez mon rapport et mon avis sur son compte. Je vous dirai donc que cette personne, âgée de 19 ans, de taille et de figure assez belles, est arrivée ici du Havre il y a environ dix-huit mois et a vécu maritalement avec Lefranc, marin. Elle a eu quelques chagrins avec lui et a enfin déclaré qu’il n’étoit pas son mari. Elle a vécu depuis avec Chapigeot, caporal au 36e, et quelques autres. Elle a même séjourné trois mois chez le général Bisson à Malbrouck. Elle a fait depuis deux ou trois logemens à Boulogne et a été bannie par la gendarmerie. Elle s’est en conséquence retirée avec Chapigeot chez Duval, maçon à Mont-Lambert et y a vécu assez tranquillement depuis deux ou trois mois… Elle proteste qu’elle n’a excité aucun duel et je ne la crois pas méchante au fond. Elle ne peut qu’être la cause innocente des vices dont vous me parlez. Si cependant vous pensez qu’elle ne peut rester dans le pays, je vous proposerai de la faire conduire de brigade en brigade jusqu’au Havre. M. Hacot nous rendra volontiers ce service. Si au contraire en raison de sa beauté et tranquillité, notamment de son éloignement de la ville, vous pensez qu’elle puisse rendre service à quelques soldats affamés de plaisirs charnels, je lui intimerai l’ordre de ne pas venir en ville et tout sera terminé. Vous pouvez au reste la faire comparoitre devant vous et l’interroger pour connoitre sa personne et ses intentions. Je ferai ensuite tout ce que vous prescrirez.
20Rapport du commissaire de police Lambert au commissaire général de police. — Collection particulière.
12. Grande distribution des décorations de la Légion d’Honneur du 16 août 1804
21Boulogne, 18 août 1804
Nous repartons aujourd’hui d’ici, ma bien bonne amie, pour retourner à notre camp. Le jour de mon arrivée j’eus assez de peine pour me loger ; mais enfin je rencontrai un de mes camarades qui me logea chez lui et j’ai été assez bien. Le lendemain était le jour de la cérémonie. Le temps était assez favorable excepté un vent assez fort qui nous incommodait un peu et nous jetait du sable dans les yeux. Le terrain semblait fait exprès pour cette cérémonie. Le trône était placé sur une petite élévation et tout autour étaient rangés quarante mille hommes en amphithéâtre, ce qui présentait un coup d’œil magnifique. À midi précis, l’Empereur est arrivé habillé en colonel de sa garde comme tu l’as vu plusieurs fois ayant un chapeau tout à fait uni, sans cocarde. On avait fait apporter de Paris le fauteuil du roi Dagobert qui existait à la Bibliothèque, et qui est en bronze massif, fait dans le genre d’un tabouret sans dossier, ayant seulement deux espèces de bras pour poser les coudes. C’est là que s’est placé l’Empereur au-dessous d’une immense couronne de lauriers en feuilles d’or. Autour de lui étaient les maréchaux, les ministres, les grands officiers du Palais, assis sur de modestes bancs de bois sans couverture. Après un court discours du Grand Chancelier nous avons prêté en masse le serment de la légion, et nous avons été prendre chacun notre décoration de la main de l’Empereur qui nous la donnait de très bonne grâce. Il n’a parlé qu’à quelques personnes principalement aux tambours qui étaient légionnaires. Après quoi toute l’armée a défilé devant lui, ce qui a demandé encore plus de trois heures, de manière qu’à six heures du soir tout était terminé. Tous les légionnaires ont été dîner en sortant de là. On avait préparé cinq tables de quatre cents couverts chacune pour les traiter, ce qui n’a pas été la chose la plus gaie. À neuf heures on devait tirer un feu d’artifice, mais le grand vent ne l’a pas permis, et on ne l’a tiré qu’hier soir. Cette cérémonie a été vraiment aussi majestueuse qu’on puisse se l’imaginer. Le bruit de deux ou trois cents pièces de canon qui se mêlait à tout cela la rendait extrêment auguste.
22Lettre du Gal Marchand, cdt. la 2e brigade de la 1re division du camp de Montreuil, à sa femme. Arch.-nat., 275 A.P.2
13. La grande revue du 4 août 1805
23Au camp de Boulogne-sur-mer ce 8 août 1805
L’Empereur est arrivé à Boulogne le 15 [thermidor]3 au matin. C’étoit précisément le jour où nous avions retenu nos places à la diligence. Nous allâmes sur le champ contremander notre départ et le reculer jusqu’au 20. Le lendemain 16, Sa Majesté a passé une revue générale des armées d’Ambleteuse, Wimereux et Boulogne. Dès 8 heures du matin 60 régiments d’infanterie composant 120 000 hommes étoient rangés en bataille sur les bords de la mer et occupoient une ligne de plus de 3 lieues depuis Boulogne, jusqu’au delà d’Ambleteuse. Nous nous rendimes de bonne heure en avant du camp [de Droite] sur les hauteurs qui dominent la Manche. Là nous jouîmes à l’aise du plus beau spectacle que nous ayons jamais eu. La mer étoit calme, le temps clair et fort beau. Nous voyions distinctement à l’horizon les côtes d’Angleterre blanches et sablonneuses à l’ouest de Douvres et qui réfléchissoient les rayons du soleil levant. Douze vaisseaux anglais restoient à l’ancre à 2 lieues de nous au nord, et hors de la portée des batteries françaises. Leurs équipages ont pu entendre la musique ou voir le spectacle que Bonaparte leur donnoit alors.
Du point où nous étions placés notre vue plongeoit sur l’armée rangée en bataille… À 10 heures l’Empereur, suivi d’une escorte nombreuse, a parcouru au galop le front des bataillons. Nous le vîmes passer à nos pieds. Parvenu à l’extrémité de l’aile droite, il ordonna un feu général de bataillon sur toute la ligne de l’armée, ce qui fit (à raison de 60 régiments) 120 décharges successives, chacune de 900 coups de fusil. Ces feux de bataillon furent remplacés par des feux de files qui parcoururent deux fois le front de la ligne. Nous eûmes alors une image sensible de la guerre, c’étoit réellement un spectacle sublime. Chacun ne formoit qu’un voeu, celui de voir une aussi formidable armée rangée en bataille de l’autre côté de la mer. À 4 heures l’Empereur donna l’ordre de retraite, parce que la marée montoit alors, et plus tard auroit rendu le retour difficile.
Cette revue est une des plus belles qui ait eu lieu depuis longtemps. La plupart des militaires n’en ont point vu d’aussi nombreuse ni d’aussi brillante. En effet elle se composait de 120 bataillons d’infanterie de 900 hommes chaque, de sept maréchaux d’Empire, 12 généraux de division, 24 généraux de brigade, 60 colonels et 12 adjudants généraux sans y comprendre les officiers supérieurs de la marine et les ministres. La cavalerie et l’artillerie n’en faisoient point partie.
En revenant au camp [de Droite] vers la baraque de ton frère [le colonel], ton frère aîné s’occupoit à botaniser et moi à regarder la grande mer lorsque nous aperçûmes de loin l’escorte de l’Empereur qui remontoit de la falaise sur les dunes. Nous courûmes à sa rencontre et nous arrivâmes assez à temps pour nous trouver sur son passage à 4 pas de distance. Bonaparte précédoit son escorte tantôt au trot, tantôt au galop. Rien de plus simple que son costume, chapeau tricorne sans bordure, habit, veste ou culotte de colonel, bottes à l’écuyère. Il montoit un cheval arabe de la plus grande beauté, il portoit l’Aigle d’Or de Prusse et celui de la Légion d’Honneur.
Le même jour, à cinq heure du soir, nous vîmes encore l’Empereur lorsqu’il partit en voiture du camp pour se rendre à son quartier général de Pont-de-Brique à une lieue de Boulogne.
Hier matin Bonaparte a visité la flotille de Boulogne. Il est resté dans le port pendant 4 heures et a parcouru en détail toutes les chaloupes canonières et autres bâtiments de guerre. Une foule immense se pressoit sur son passage et obstruoit les quais. Nous courions, comme les enfants, après lui et nous l’avons vu très à notre aise.
24Lettre de Lepron, beau-frère du colonel Ledru des Essarts, à sa femme. – Collection particulière.
14. Déclaration de candidature d’Auguste Gros, légitimiste rallié à la République de 1848. Candidat en 1848, il n’est pas élu mais le sera en 1849 à la Législative.
ÉLECTEURS DU PAS-DE-CALAIS
Je viens me présenter à vos suffrages pour la députation à l’Assemblée Nationale qui va se réunir, et vous faire en même temps la déclaration franche et loyale des principes qui me guideront dans l’exécution de l’honorable et pénible mandat dont j’ose appeler sur moi le fardeau.
La Révolution qui vient de s’accomplir impose à tous les citoyens, non pas un devoir nouveau, mais une nouvelle manière de comprendre un devoir qui, au milieu de toutes les vicissitudes qu’éprouve la patrie, demeure toujours le même, celui d’un ardent amour pour elle, et d’un dévouement sans bornes à ses intérêts.
La première preuve qu’elle nous demande aujourd’hui de ce dévouement est l’oubli de nos dissensions, et le sacrifice de nos opinions personnelles pour adhérer sincèrement à un ordre de choses que l’impérieuse loi du salut public fait un devoir à tous d’accepter sans arrière-pensée.
De ma part c’est déjà faire un acte de ce devoir que de le proclamer, car je ne suis pas de ceux dont ce nouvel ordre de choses réalise les théories politiques ; mais avec la même franchise que je le déclare, je déclare aussi que, dans mon opinion, il est impossible de rêver aujourd’hui une autre forme de gouvernement que celle qui existe, et que toute tentative d’en faire revivre une autre, toute résistance à la République ne tendrait qu’à livrer le pays aux horreurs de l’anarchie.
C’est là le péril que les bons citoyens doivent s’efforcer de conjurer en se serrant tous autour des hommes qui tiennent la barre du vaisseau de l’État, pour les appuyer, et les aider à éviter les écueils où il peut se briser.
Mais, en travaillant à raffermir l’ordre ébranlé par la commotion que nous venons de ressentir, vos représentants ne cesseront pas de veiller aux intérêts de la liberté ; ils n’oublieront pas que la conservation de l’ordre lui-même en dépend chez une nation résolue, comme la nôtre, à ne porter jamais le joug du despostime, sous quelque forme qu’il s’impose. Je veux donc encore, je veux toujours toutes nos libertés : liberté de la presse, sans les entraves du fisc ; liberté d’association, sans la formalité de l’autorisation préalable qui en est la négation ; liberté de conscience, dans toute son étendue, et avec toutes ses conséquences ; liberté d’enseignement, qui est une de ces conséquences les plus immédiates.
L’amélioration du sort de la classe laborieuse, qui va être l’objet de la sollicitude de la République, est aussi celui de mes vœux les plus ardents, Je laisse aux électeurs de mon pays, qui me connaissent, à ceux surtout qui sont voués aux fatigues du travail et aux souffrances de la pauvreté, le soin de dire si mes sentiments pour eux sont douteux, et si mon langage mérite confiance. Toutefois ne nous précipitons pas avec trop d’impatience vers un but que le temps seul peut nous faire atteindre, et ne nous exposons pas à tout perdre, en voulant cueillir le fruit avant de le laisser mûrir.
Enfin il est un devoir dont l’expérience d’un déplorable passé permet moins que jamais l’oubli à vos représentants : c’est de ne point laisser dégénérer les fonctions de leur noble mandat en une agence de sollicitations. Il est temps d’ailleurs que les spéculations de l’égoïsme fassent place au désintéressement du patriotisme ; il est temps que tous, électeurs et représentants, en servant le pouvoir, quand ses actes mériteront notre concours, nous n’ayons d’autre but que de servir le pays, et que nous ne lui demandions plus de faveurs en échange de nos services.
Tels sont mes sentiments ; tels sont aussi, je n’en doute pas, ceux auxquels vous attachez vos suffrages, et si vous les portez sur d’autres, si ils sont encore jugés meilleurs citoyens que moi, je m’en réjouirai pour la patrie.
J’ai l’honneur d’être,
Votre dévoué concitoyen,
Auguste Gros,
Avocat.
Boulogne, le 14 mars 1848.
15. Rapport du préfet sur la situation politique du département du Pas-de-Calais, 1er février 1902
25Boulogne-sur-mer, 1re circonscription
Monsieur Lemaitre, publiciste, dignitaire du Grand Orient, esprit très distingué, nature très droite et généreuse a été désigné pour être le porte-drapeau du parti républicain dans la première circonscription de Boulogne contre M. Achille Adam. Les chances de Monsieur Lemaitre résultent de son talent oratoire qui est très brillant, de ses qualités de séduction personnelle et de l’appui des républicains concentrés en sa faveur. Mais son défaut de situation personnelle dans une région où l’argent est tenu non seulement pour un avantage matériel mais pour un instrument de considération morale ; son dreyfusisme avéré et affiché dans une circonscription qui, à quelques semaines d’intervalle a donné deux fois, dans des consultations cantonales, le témoignage de ses tendances nationalistes, la fortune considérable de son concurrent M. Achille Adam, qu’aucun scrupule n’embarrasse dans l’usage électoral qu’il en fait, sont de nature à diminuer sérieusement l’espoir de voir un homme aussi distingué que M. Lemaitre aller prendre la place d’un soliveau parlementaire réputé indigne de toute estime. Ce serait tant pis pour Boulogne, pour le Parlement et pour la moralité politique.
26Rapport du préfet sur la situation politique du département du Pas-de-Calais, 1er février 1902.
27Archives Départementales, M. 131.
16. La Chambre de Commerce plaide en faveur du libre échange
En 1834. « Si les besoins de l’État le permettaient (nous serions d’avis) qu’il y eut liberté sans limites dans les rapports avec les pays qui nous offriraient la réciprocité car la population aurait tout à gagner à un système qui lui permettrait d’acheter les objets de sa consommation là où elle les trouverait à plus bas prix. L’agriculture et l’industrie au lieu de diriger leurs efforts vers les productions auxquelles le sol est impropre ou que le génie français n’affectionne point, les employeraient à créer celles qui offriraient des chances de succès ».
et en 1854, « On attend du Gouvernement que tout en ménageant les intérêts engagés dans ces débats où le passé exerce une si grande influence, il conduise le pays avec prudence mais avec esprit de suite et résolution vers une existence industrielle plus dégagée des entraves que depuis longtemps il subit.
…/… Si notre industrie entière avait dès cette époque (1834) été placée dans des conditions de lutte graduellement plus ouvertes avec l’industrie étrangère… elle eût acquis une habitude de la perfection, un mépris de l’à-peu-près, une science du bon marché qui lui auraient fait depuis longtemps réaliser les miracles qu’accomplit l’industrie anglaise et livrer à notre commerce qui l’en a tant de fois sollicité vainement des moyens plus féconds d’échanges avec le monde entier ».
28Archives de la Chambre de Commerce, Rapport sur le régime des Douanes, imprimé, 66 pages.
« Ce programme (lettre de Napoléon III publiée dans Le Moniteur du 15 janvier 1860 annonçant la signature du traité de commerce avec la Grande-Bretagne) n’est pas seulement immense dans ses vues et ses projets, il est surtout hardi, courageux parce qu’il rompt décidément avec le système surrané et désastreux des prohibitions et qu’il entre fermement dans la voie libérale et généreuse qui a si admirablement réussi à l’Angleterre. Applaudissons donc de toutes nos forces à ce coup d’État pacifique et surtout progressif et soyons en fiers comme d’une véritable conquête… qui apporte à tous le bien-être et le travail. »
29L’Impartial, 19 janvier 1860.
17. Boulogne et les crises économiques
1837. « La crise commerciale et industrielle qui sur plusieurs points de la France et particulièrement dans les localités de grandes fabriques a apporté des perturbations plus ou moins profondes n’avait eu aucune influence appréciable sur la partie de l’arrondissement comprise dans le ressort de la Chambre… Ainsi toutes celles de nos industries, et ce sont les plus nombreuses, qui se rapportent à l’extraction et à la préparation des matériaux de construction n’ont pas souffert. Les charpentiers de navires, poulieurs, voiliers, tonneliers et autres ouvriers attachés à la navigation et à la pêche n’ont subi ni diminution de travail ni réduction de salaire… Quant aux difficultés des salaisons, elles tiennent aux abus dès longtemps introduits dans le régime de nos pêches. Les importations de charbon anglais s’accroissent chaque jour… Le commerce de transit et de commission a suivi aussi une progression ascendante… Le crédit lui-même ne semble pas avoir été affecté.
…/… On peut affirmer que la cause de l’état de gêne actuellement ressenti n’est pas, en France, la cause d’aucune entreprise hasardeuse, d’aucune surexcitation soit de la production soit du crédit. Le mal pour nous tient à une trop grande propension à s’effrayer, à un défaut de confiance en nos propres ressources, à une sorte de panique. Le remède ne peut donc jamais être que moral… Au temps seul, à une meilleure direction, à une éducation commerciale mieux faite, est réservé le secret de faire échapper notre pays à ce retour périodique de crises pénibles qui semble l’une des lois de l’existence de son commerce.
30Archives de la Chambre de Commerce, registre de correspondance n° 3, lettre 1553, rapport au sous-préfet, 3 juillet 1837.
1878. « Si comme on l’a dit toute marche entraine dans une sorte de commune solidarité, il est évident que nous subissons aujourd’hui le contre-coup des crises étrangères… d’Amérique, d’Angleterre, Allemagne et ailleurs. La guerre qui a éclaté entre l’empire ottoman et la Russie n’a pas non plus peu contribué à aggraver notre situation. La crainte de complications européennes qu’elle a fait appréhender a encore profondément ébranlé la confiance et arrêté bon nombre de spéculations. La famine de l’Inde, la peste bovine en Hongrie, la maladie de la vigne dans les contrées viticoles, l’émigration des capitaux vers la Grande-Bretagne où l’argent est à 4 % tandis qu’il n’est chez nous qu’à 2 %, la défiance croissante des capitalistes qui n’osent, pour la plupart, se dessaisir de leur argent qu’ils laissent improductif sont aussi pour quelque chose dans la crise actuelle. »
31Archives de la Chambre de Commerce, dossier Enquêtes industrielles, lettre du 17 janvier 1878.
18. La Marine boulonnaise dans les années 1890
Du haut de la falaise, on distingue le port et les bassins comme un plan déroulé : les grands bateaux pressés contre les quais, la flottille brune des pêcheurs qui va partir. La brise apporte de lointains « Ohé ! hisse ! » ; les voiles, couleur cachou, s’étendent lentement le long des mâts comme des ailes d’oiseaux nonchalants qui hésitent à s’envoler. Et, pour encadrer cela, la ville coquette étale, sur deux collines, ses maisons blanches, le dôme de la cathédrale, la vieille tour du beffroi. C’est un panorama de jouets d’enfants : Boulogne-sur-mer, ville d’eaux et l’un des premiers ports de France pour la pêche du hareng, du maquereau, etc. Du point culminant de la falaise où je suis placé, et descendant vers le port et la ville, de nombreuses ruelles aux maisonnettes pressées s’entassent, étroites, sales, presque à pic, avec, parfois une centaine de marches d’escalier très hautes à la place de la chaussée. Cela s’appelle le quartier de la « Beurrière », c’est là qu’habitent trois mille familles de pêcheurs.
C’est une population que j’ai beaucoup connue que celle de ces pêcheurs boulonnais aux mœurs si particulièrement simples et insouciantes ; les femmes ont toute l’énergie et tout le courage à terre, et quand – bien rarement – les hommes demeurent quelques jours à leur foyer après les pêches lointaines, harassés et comme grisés d’infini, ces grands enfants écoutent, sans les entendre, les éternelles semonces de leurs robustes épouses ; indifférents à tous les détails du ménage et de la vie pratique, ils fument paisiblement leur pipe de terre.
J’avais pris chez lui, en traversant « la Beurrière », un pêcheur convalescent retenu encore à terre pour quelques jours. Tout en descendant vers le quai, nous causions et ses confidences ressemblaient étrangement à tant d’autres que j’avais entendues ailleurs :
« Après la pêche du maquereau pendant quelques semaines, c’est celle du hareng qu’on rapporte tout salé : on part vers le mois de juin pour les mers d’Écosse. Alors, on est pendant six ou sept semaines tout le temps en mer. Quand on revient, vite on débarque le poisson, on embarque l’approvisionnement, car il faut repartir tout de suite ; nous faisons trois ou quatre voyages comme ça, les derniers sont un peu plus courts ; puis c’est l’époque du hareng frais pris dans nos mers. Oh ! alors, on travaille sans jamais arrêter. Il n’y a plus ni jour ni nuit pour nous ; on reste souvent soixante heures sans dormir et sans se débotter, jusqu’à ce qu’on tombe de sommeil et de fatigue… On rentre au port presque chaque jour avec le poisson péché la nuit et on repart par la même marée. (Malgré moi, je songeai à la journée de huit heures).
Il reprit :
« À cette époque un matelot ne rentre presque jamais à sa maison ; sa femme et ses enfants viennent le voir sur le quai pendant qu’il travaille. On ne reste à terre que pendant les gros, gros temps…
Et ça dure longtemps ?
Du mois de novembre à la fin de janvier ; le plus dur, c’est que c’est les trois mois d’hiver ; il ne fait pas chaud sur la mer et sur les quais, par tous les temps, les mains dans la saumure, à tirer sur les cordages, à tripoter les poissons, à rouler les barils…
Et pendant ce temps-là. quand dormez-vous ?
Deux ou trois heures par nuit, chacun son tour ; ça n’est pas beaucoup, mais vous savez, on s’habitue à tout !
Il m’avait raconté tout cela pêle-mêle, d’un ton très simple, sans fausse colère ; à la fin, il secoua la tête et ajouta tristement :
Pour gagner cinquante-deux sous par jour !.… Comme si on pouvait nourrir six, sept enfants avec ça !
Pourquoi ne réclamez-vous pas ?
Baste ! fit-il, on ne peut pas parler aux armateurs ! ils vous répondent que si vous n’êtes pas contents vous pouvez débarquer et qu’ils en ont d’autres à mettre à notre place !
Si vous réclamiez tous ensemble ? insistai-je. Vous n’avez jamais songé à vous mettre en grève ?
À quoi ça servirait-il ! À nous faire diminuer encore, bien sûr !
32Jules Huret, Enquête sur la question sociale en Europe, Paris, 1897, pages 158-163.
19. Délibération de la Chambre de Commerce de Boulogne en faveur de la colonisation du Tonkin
Considérant que la solution de la question du Tong-Kin est attendue par le pays avec une vive et légitime impatience ;
Que de nombreuses assemblées, composées des représentants autorisés de l’industrie et du commerce, ont, par des vœux puissamment motivés, engagé le Gouvernement à prendre une énergique résolution et à faire respecter le droit de protectorat concédé à la France par le traité de 1874 ;
Que d’après les renseignements si complets fournis par les explorateurs du Tong-King, MM. Dupuis et Millot, les populations Tonkinoises ne nous sont pas hostiles ;
Que le pays, par sa situation près de la zone tempérée, entre le 18e et le 23e degré de latitude nord, est dans des conditions climatériques plus favorables aux Européens que celles de la Cochinchine française ;
Qu’il est des plus fertiles, riche en produits pouvant alimenter un commerce important, notamment en fer, cuivre, étain, or, argent, houille, bois, riz, coton, thé, etc. ;
Qu’il est peuplé d’au moins douze millions d’habitants, pour la plupart civilisés et ayant des besoins multiples, en rapport avec leurs ressources ;
Que notre commerce et notre marine marchande retireraient de sérieux avantages des relations qu’il nous serait facile d’établir, par le Fleuve Rouge, avec de riches contrées jusqu’ici fermées au commerce étranger, le Tong-Kin, le Yun-Nan et les provinces du sud-ouest de la Chine ;
Qu’il importe d’assurer à nos produits de nouveaux et larges débouchés, et qu’à raison de ses ressources considérables et de sa proximité de Saigon, le Tong-Kin est dans des conditions exceptionnelles, propres à faciliter singulièrement les échanges qui se feraient avec ses habitants ;
Que, sans vouloir pousser le Gouvernement dans une guerre de conquêtes pouvant devenir extrêmement coûteuse, il est permis de désirer qu’il prenne des mesures pour assurer l’exécution du traité signé, en 1874, avec l’empereur d’Annam, et pour faire respecter notre droit de protectorat sur le Tong-Kin ;
Par ces divers motifs, émet le vœu que le Gouvernement hâte autant que possible la solution de la question du Tong-Kin dans le sens le plus favorable aux intérêts français.
33Archives de la Chambre de Commerce, compte-rendu des séances (1882-1883), pages 14 à 16, 4 et 15 mai 1883.
20. La généalogie de la famille Adam

21. La chanson boulonnaise la plus ancienne
34D’ins l’Cav’ a Thuillier
C’est la chanson
patoisante la plus ancienne de Boulogne. La cave à Thuillier se trouvait à
l’entrée de la rue de Blois, aujourd’hui disparue, près du port et du quai
Gambetta. C’était un restaurant où l’on faisait bal.
Le refrain
deux variantes :
on z’allons tous ringuerner d’ins l’cav’ à Thuillier (bis)
on voit tout l’mond’inguerner d’ins l’cav’ à Thuillier (bis)
Le revuiste Jean Jarrett a retrouvé quelques refrains qu’il a retranscrits avec la musique.
Il y en a six. En voici deux particulièrement typiques.
L’autre jour, avec min camara-a-de Gustave
In r’venant du bal, ben démoli, ben esquintaïe
In passant sus’ quaïe, v’là qu’on voyons sortir d’eune cave
Des mat’lots comme nous qui z’avett l’air tous au plus gaie.
On nous approchons tout près d’c’el maison
Pour nous assurer de c’qui z’avett’ à rigoler
refrain différent
C’est qui v’nett’ ed boulotter dins l’cav’ à Thuillier (Bis)
•
35Ils descendent dans la cave, se font servir « d’el viand, d’el salad’ des bett’raves ». Ils ont mangé « comme des affamaïe ». Ensuite, ils se sont mis à fumer « eun’ bonn’ gross’pipe ». « Eun’ greull ed bourgeois qui rapassett’ aussi du bal », descendent dans la cave, se font servir des tripes « avec du vin blanc, du champagn’ et tout l’bataclan ».
•
Le 5e couplet :
On voudrot pont croir’ équ’dins c’el cav y rint tant d’monde
Et qu’on est servi avec autant d’subtilitaïe
On n’peut trouver, ui, dins l’plus biauw quartier d’Boulonne
Eun’ maison qui r’çoit eun clientèle si mélangeaïe
Y vient des z’Inglais et des z’Hollandais
Des marins d’Etat et des mat’lots du Canada.
Et c’est là que se place le refrain que nous avons reproduit d’abord.
22. La plus célèbre chanson Boulonnaise : « Ô Guénel »
36La quête de Noël remonte à plusieurs siècles. Les enfants en sollicitant la générosité publique portent une lanterne faite dans une betterave évidée où ils ont placé une bougie allumée. L’utilisation de cette plante remonte au début de ce siècle. Avant, les quêteurs portaient des lanternes de papier huilé.
37Les paroles datent à la fin du siècle dernier.
38Actuellement, on le chante ainsi :
O guénel, guénel
Tioupe et tioupe et tioupe
Lavez vos écuelles
Et léquez vos plats
Si vos filles sont belles
On les mariera
Si en’sont pas belles
On les laissera là
Et tralala
•
O guénel par un p’tit treuw
J’vous vois ben là tous les deuw
Minger de l’tarte et du gatieuw
Sins m’in donner un p’tit morciew
P’tit Jésus passera par là,
I dira : quo qu’te fais là ?
J’cueille des violettes
Pour ches p’tites fillettes
J’jue du violon
Pour ches p’tits garçons
•
39Mais assez souvent, les « margats », on appelle ainsi les enfants en bas âge, à Boulogne-sur-mer, entonnent une introduction à cette chanson :
O Guénel, Grand Père Barbot
Il a vint’ comme un tonneau
(Il a mingé trop d’haricots) (facultatif)
40et ils poursuivent :
Et j’vous vois bin la tous les deuw, etc..
41(Grand Père Barbot à la fin du siècle dernier, tenait un café rue de la Lampe. Il était obèse et populaire. C’est ainsi qu’il est entré dans la chanson et la légende boulonnaises).
23. Premières heures de guerre
Samedi 1er août. À 6 heures, Marie-Jeanne, notre bonne vieille petite cloche du couvre-feu, a sonné pour la mobilisation. Je ne l’ai pas entendue ; mais, de 9 heures du matin à 4 heures, le gros bruit mât de la lourde porte de la Banque de France, fermée et rouverte toutes les cinq minutes, à cause de l’affluence, m’a donné comme un avant-goût de lointaine canonnade… À 9 h 30, avec Henri et Jeanne, je suis monté à l’Hôtel de Ville. Le guichet droit de la porte des Dunes était fermé, – ce que nous n’avions jamais vu : un réserviste montait la garde sous la voûte, devant l’escalier qui descend au tunnel des Tintelleries…
Dimanche 2 août. A la gare, à 7 heures, il est arrivé de Paris un train bondé d’Anglais pressés de rentrer chez eux. Allum, le fils aîné du consul de Norvège, était là, qui attendait son frère, comédien sous le nom de Henri Laverne et qui, appelé et avant de partir demain, revient voir les siens, ici, un instant.
Lundi 3 août. – Le pouvoir civil le cède à l’autorité militaire ; l’état de siège est décrété.
Le soir, tour de jetée. (On n’y voit déjà plus de couples d’amoureux). La nuit était claire ; la mer pleine. À l’horizon, des feux de projecteurs annonçaient des bateaux de guerre… Dès 9 heures, les cafés du port (et tous les autres) étaient fermés. La grande pêche est arrêtée. Les bateaux ne peuvent sortir que deux heures par jour. Les boys-scouts continuent de se promener en ville avec leurs clairons, leurs tambours, leur grosse caisse et leur drapeau bigarré. Ils font un vacarme de tamtam nègre qui provoque toujours, ici, des acclamations. On crie, sur leur passage : — Vivent les Inglais !
Mercredi 5 août. – Ce que nous avions du 8e de ligne a quitté la ville, par un train de midi, pour Maubeuge.
À midi 30, nul communiqué nouveau à la sous-préfecture. J’ai fendu le groupe serré de pauvres femmes qui encombraient, muettement, le couloir menant à l’Assistance : l’archiviste Hiance, avec trois employés, y distribuait des bons de soupe, pain et légumes à toucher aux cantines scolaires. Il y a déjà plus de 1 500 inscrites.
42Extraits de « Dans un port de Détroit », Société d’éditions « Librairie Paul Ollendorff » 1915.
24. Le terrible bombardement du 14 août 1941
43Jeudi 14 août 1941, 15 h 30
« Une série de détonnations qui ne laissent aucun doute sur ce sinistre et souvent meurtrier contre-temps tant de fois répété depuis un an. Certains vous diront qu’il dura trois minutes. D’autres certifieront qu’il ne prit pas plus de quinze secondes. Je retiendrai plutôt ce dernier temps… Je me trouvais à cette heure-là au local de l’Harmonie du Commerce, place de Picardie, où fonctionnait le service des tickets de ravitaillement… Un cri dans la foule qui se porte instinctivement le long des murs… Les visages se décomposent et le cœur se crispe comme pris dans des tenailles… ».
Le journaliste gagne la Haute Ville où lui, dit-on, des bombes sont tombées.
« À peine ai-je dépassé la Bibliothèque Communale que je suis rejoint par un homme qui grimpe la côte en poussant à la main sa bicyclette. Il extériorise un faciès de damné. De son visage écarlate, couvert de sueur, se détachent des yeux dans lesquels je peux lire des éclairs de folie et d’épouvante.
C’est André Magniez, conducteur de travaux à la Voierie Municipale. Je l’interroge au passage, en m’efforçant de régler ma marche sur sa cadence de forcené.
« Il hoquète : « Je rassemble mes ouvriers… Quelle pagaye !… C’est fantastique !…
Où les bombes sont-elles tombées ?
Partout !… rue Thiers… Il y a peut-être quarante morts !… Place du Palais de Justice !… À Bréquerecque !… À Saint-Pierre !… C’est épouvantable ».
Place du Palais de Justice :
« Une excavation pas énorme, attire mes regards sur la chaussée, à peu près à hauteur du débit de boissons portant l’enseigne « À la Marie-Jeanne ». Les ouvriers de la voierie sont déjà occupés à la combler. « Un vieillard a été tué net à cet endroit… Je vois sortir d’en face, « du café du Tribunal », une civière portée par un agent de police et un civil qui emporte le corps ensanglanté d’une enfant, d’une fillette d’une dizaine d’années, déjà démesurément allongé par la rigidité cadavérique »
« Une immense flaque de sang s’étale au coin de la rue Saint-Jean, sur le trottoir du Palais de Justice. Là aussi, un homme s’est vidé de tout son sang et n’a pas dû survivre… ».
« … À peine les nuages noirâtres qui voilent la lumière du jour se sont-ils estompés, que déjà les sauveteurs sont à pied d’œuvre. Les équipes de déblaiement dont on ne louera jamais assez le dévouement et la célérité vont arracher des décombres tout ce qui peut être sauvé… et malheureusement beaucoup de cadavres. Mais l’impression générale ressentie est celle d’un charnier étalé sur les ruines d’un tremblement de terre.
Les corps gisent pêle-mêle sur les trottoirs, sur la chaussée, au milieu des décombres, des amas de poutres, de moellons et de ferraille tordue.
« Sur quelques cadavres qui portent pour la plupart d’affreuses mutilations, on a jeté un linge, un sac ou un morceau d’étoffe. D’autres ont les yeux grand ouverts, la bouche tordue. Il semble que la mort les a surpris avant qu’ils n’aient pu esquisser le moindre mouvement de fuite ».
44Extrait du reportage réalisé par Edouard Jamolli, le soir même, et qui ne fut publié qu’en août 1946 dans « Le Journal du Pas-de-Calais et de la Somme ».
25. Lettre du Curé Doyen de Saint-Pierre à ses paroissiens
Mes chers Paroissiens,
La Paroisse Saint-Pierre n’est plus. J’ai été le témoin de son agonie le jeudi 15 juin. En face du champ de ruines qui couvre le quartier, il n’y a qu’un mot et une attitude qui conviennent au chrétien ; Notre Père qui êtes aux cieux, que Votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
C’était le soir à 10 heures 30. On se préparait à prendre dans les caves le repos de la nuit. Un bruit de moteurs que vous connaissez… La ville s’illumine de boules rouges qui donnent le sinistre signal… et durant 45 minutes, 500 avions en vagues successives, ininterrompues laissent tomber sur le port, sur la ville et en particulier le quartier de Saint-Pierre, des milliers de bombes explosives et incendiaires (1 200 tonnes).
Je renonce à vous décrire l’heure que nous avons passée. (Nous étions 61 personnes dans la cave du presbytère). Bref, quand nous sommes sortis des abris, voici le spectacle qui s’offrit à nos yeux ; la place de l’Église n’était plus qu’une série d’immenses entonnoirs, la nef de l’Église gisait en un amas de pierre, le clocher brûlait le lendemain, maisons, rues, méconnaissables, effondrées ou incendiées. Chers paroissiens, en moins d’une heure, le quartier avait été fauché.
Chers amis, je sais combien vous étiez attachés à votre paroisse, à son Église, ses offices, son esprit, sa vie, ses œuvres. Nous en étions fiers et je vous remercie de tout cœur de tout ce que vous y avez fait pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.
Le troupeau est maintenant dispersé. Le Pasteur a tenu à garder le bercail jusqu’au bout, auprès des brebis qui y étaient encore. Le capitaine quitte son bateau naufragé quand tout l’équipage est sauvé.
Chers Paroissiens, continuons à remplir notre devoir au jour le jour.
Je reste à Boulogne, chez Monsieur l’Archiprêtre de Notre-Dame (2, Parvis Notre-Dame) où j’ai trouvé l’hospitalité.
Demeurons unis par la pensée, par le cœur et par la prière. Avec plaisir, je recevrai de vos nouvelles.
Je vous bénis paternellement dans l’épreuve qui touche toute notre famille paroissiale.
Bon courage et confiance.
Que Notre-Dame de Boulogne vous ramène au port ! Catholiques et Français toujours !
Bien cordialement à vous en Notre-Seigneur.
29 juin 1944 En la fête de Saint-Pierre
Chanoine Pierre Guillemin Doyen de Saint-Pierre
26. Avis
45Boulogne, le 10 septembre 1944
À Messieurs les Maires de la Zone Interdite de Boulogne
Dans le but d’épargner de lourdes pertes à la population civile telles qu’il y en a eu à déplorer au Havre, il a été décidé d’évacuer le territoire de la Zone interdite de Boulogne.
C’est ainsi que la population des communes comprises dans le groupe suivant :
a) — de Isques, de St-Étienne, de St-Léonard, d’Outreau, d’Echinghem ;
b) — de St-Martin
devra se mettre immédiatement en route et par groupes.
Ces communes doivent être évacuées pour le 11 septembre 1944 à 18 heures au plus tard.
Le groupe a) devra suivre le trajet ci-dessous à partir de St-Léonard : Echinghen, écart de Questinghen, commune de Wirwignes et de là en direction de Desvres.
Le groupe b) suivra le trajet ci-dessous à partir de St-Martin : Vallée du Denacre, écart de Rupembert, écart de l’Ermitage, écart de La Capelle et de là en direction de St-Omer.
Il n’est permis d’emporter que des bagages indispensables pouvant être portés à la main ou sur le dos.
Les voitures automobiles, hippomobiles, les chevaux, les bicyclettes et le bétail doivent demeurer dans les communes et remis aux services allemands qui délivreront à cet effet des bons de réquisition.
Devront obligatoirement rester dans les communes évacuées :
a) le Maire ou à défaut le Secrétaire de Mairie ;
b) les fermiers et leurs familles mais qui devront toutefois faire évacuer le personnel de leur ferme ;
c) les malades et infirmes (sous réserve de production d’un certificat médical) ainsi que le personnel sanitaire nécessaire.
Une liste des personnes restant sur place devra être établie en double exemplaire suivant le modèle ci-après et présentée à la Standortkommandantur 5 bis rue St-Jean pour le 13 septembre 1944 à 18 heures. À cette liste devront être joints les certificats médicaux dont il est fait mention plus haut.
Nr Noms Prénom Date de naissance Domicile Motif
Le libellé original de cet ordre d’évacuation devra être retourné à la Standortkommandantur après publication.
Signé : HEIM.
Lieutenant Général.
27. Les Citations de Boulogne
461. Guerre 1914-1918 (par décret du 5 novembre 1919).
– « La Ville de Boulogne-sur-Mer, base militaire de premier ordre pour les armées alliées et l’un des principaux objectifs de l’ennemi, a subi pendant de longs mois des bombardements aériens meurtriers. Malgré les pertes éprouvées, a conservé intact son moral et maintenu sans défaillance son activité ».
472. Guerre 1939-1945 (par décret du 10 juillet 1947).
– « La Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur est conférée à la ville de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Magnifique Cité Maritime et Commerciale déjà atteinte par la guerre de 1914-1918, a subi pendant toute la guerre de 1939-1945 l’un des plus durs martyres qu’ait connu une ville française. Écrasée sous plus de 400 bombardements, assiégée en 1944, la Ville de Boulogne a toujours conservé intact son patriotisme, sa confiance dans la victoire et a été l’un des foyers les plus actifs de la Résistance. Depuis la Libération, elle donne encore le magnifique exemple de l’ardeur et du stoïcisme de sa rude population qui s’emploie sans faiblir, au milieu de ses ruines, à la résurrection de la Ville et de son Port. Croix de guerre 1914-1918 ».
483. Guerre 1939-1945.
La Ville de Boulogne-sur-Mer a été citée à l’Ordre de l’Armée par Décision du 11 novembre 1948 de M. le Ministre de la Défense Nationale. Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre avec palme. « Ville martyre, a fait preuve au cours de la guerre 1939-1945, d’un admirable stoïcisme et d’un magnifique courage sous plus de 400 bombardements destructeurs et meurtriers. A conservé intact pendant ces terribles épreuves un patriotisme indomptable donnant ainsi un magnifique exemple de résistance à l’ennemi. Depuis la Libération, n’a cessé de travailler avec acharnement à sa résurrection ».
28. Revendications de l’Association des propriétaires, commerçants de Boulogne, sinistrés et expropriés
« Considérant que le plan Vivien pour la transformation de Boulogne est désapprouvé par 93 % des Boulonnais, qu’il bouleverse sans nécessité la structure entière de la ville ; que s’il était exécuté, il détruirait l’âme de la cité, lui enlèverait son cachet personnel et son attrait particulier ; que ce bouleversement engloutirait des capitaux énormes ; que les méthodes préconisées pour l’exécution de ce bouleversement, ne tenant aucun compte de la situation des habitants, sacrifient à la technique les biens des expropriés et ont déjà réduit à la misère un grand nombre de Boulonnais, par trois années d’attente et une intolérable obstruction officielle à leur installation,
Considérant que l’ampleur des transformations envisagées dans ce plan transforme la ville en un vaste chantier pour plusieurs générations ; que des travaux importants ont été exécutés d’après ce plan bien avant qu’il eut reçu l’approbation des Boulonnais ; que lesdits travaux, dont l’urgence est loin d’être démontrée, ont englouti des sommes considérables qui auraient dû, par priorité, être consacrées à des travaux de première urgence au premier rang desquels des logements pour les habitants,
Considérant qu’en agissant de cette manière, le MRU a voulu imposer ce plan à la ville en la mettant en présence du fait accompli ; que, dans un pays où il existe encore des lois réglant les prérogatives gouvernementales et administratives, ces méthodes sont inadmissibles,
Considérant que l’ampleur du projet le rend inexécutable dans l’état actuel du pays, ruiné sous toutes les formes ; qu’il est impossible de le discuter en détail, et en démontrer les erreurs multiples dans les quelques jours d’une enquête,
Les sinistrés expropriés protestent contre l’extension démesurée du domaine maritime et contre la destruction de Capécure, qu’une étude approfondie fait apparaître inutile,
Protestent contre l’ingérence abusive de l’État dans le domaine municipal où ses agents entendent régner en maîtres,
Rejettent en bloc le plan Vivien et demandent que la transformation de Boulogne soit révisée par des architectes et ingénieurs boulonnais, en accord avec les représentants des activités municipales de la ville. »
49La Voix du Nord, 2 septembre 1947.
50MRU : Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme
29. Deux discours d’installation de maires : Jean Febvay en 1947, Henri Henneguelle en 1953
Jean Febvay, le 26 octobre 1947
« Mes chers collègues,
Les premiers mots seront pour remercier tous ceux qui, par leurs suffrages, ont fait de moi le premier magistrat de la ville. C’est un grand honneur que vous me faites. C’est, en vérité, une lourde charge et je vous promets d’apporter tous les soins, tout mon dévouement dans l’accomplissement des tâches quotidiennes.
Je dois maintenant rendre hommage à ceux qui nous ont précédés, à vous, Monsieur le maire sortant, à tous vos collaborateurs, dont la tâche, je me plais à le reconnaître, fut très lourde, à vous qui avez eu la mission de diriger les affaires de la ville dans des conditions particulièrement difficiles.
Nous sommes réunis pour poursuivre l’œuvre commencée. Toutes les opinions sont représentées dans ce conseil. C’est ce qu’il y a de magnifique dans notre pays. Ce n’est pas une raison pour engager une bataille. N’oubliez pas, mes chers collègues, que nous sommes les représentants de Boulogne et que nous devons servir nos concitoyens quels qu’ils soient. Il s’agit de reconstruire notre Cité, de rapatrier nos concitoyens qui sont logés hors de Boulogne. Il s’agit de rendre la prospérité à la ville et au port, d’assister tous ceux qui souffrent et sont dans le besoin. Pour cela, j’ai besoin de votre concours à tous. Si j’ai raison, soutenez-moi, si j’ai tort, dites-le moi. Dans l’un comme l’autre cas, vous ferez votre devoir »
Vive Boulogne, Messieurs, et Vive la France.
51Archives municipales de Boulogne-sur-Mer, Registre de délibérations du conseil municipal, 1947, 59W2.
Henri Henneguelle, le 4 mai 1953
« Je remercie les collègues qui m’ont honoré de leur confiance et m’ont replacé après une interruption à peu près de six années, à la tête de l’Administration municipale. Je salue tous nos nouveaux collègues, sortants, anciens et nouveaux élus. Je les assure de mon entier dévouement à la cause de la ville de Boulogne et à la défense de ses intérêts. Que chacun trouve ici sa place dans l’amitié, la sympathie et le respect de toutes les opinions de la personne humaine. Les luttes des listes adverses sont terminées, la fièvre électorale est tombée. Électeurs et électrices de toutes nuances ont repris leur travail côte à côte dans la paix et l’union. Inspirons-nous de ces exemples, entreprenons en commun et avec ardeur les tâches rudes, difficiles, en n’ayant d’autres soucis que les intérêts collectifs de la cité. C’est à cette action, messieurs, que je vous appelle, certain que aurez tous à cœur d’aider à la réalisation des espoirs de nos concitoyens dans l’ordre et la concorde. Pour ma part, je m’attelle au char de la cité avec courage, confiance et espoir. Les difficultés sont nombreuses, les obstacles difficiles, les embûches certaines ; je lutterai. Je lutterai pour vaincre. Mon programme, faire revivre la ville dans toutes ses activités économiques et sociales ; promouvoir de grands travaux dans la mesure où les crédits gouvernementaux ne seront pas davantage limités, reconstruire nos écoles, nos bâtiments publics, activer la reconstruction des quartiers déshérités, les grands travaux d’urbanisme, bâtir par tous les moyens qui pourront être mis en œuvre dans le cadre des lois existantes ; rechercher la possibilité d’un programme d’HLM qui permettrait de fournir à nos concitoyens non fortunés des logements confortables, aux loyers abordables. Rechercher les moyens de reloger et de loger toute notre population dans des conditions humaines. Trouver dans le cadre local, outre les moyens déjà cités, la possibilité de fournir un emploi à nos travailleurs actuellement inoccupés. Assurer la continuation de nos œuvres en faveur des vieux et des vieillards, des économiquement faibles, des assistés, des sans-travail et de l’enfance. Marquer toute notre action d’un sens social humain et raisonnable.
Aucune des activités de la ville ne peut nous laisser indifférents ou passifs. Les activités portuaires et la Chambre de Commerce auront toute notre collaboration compréhensive et agissante. La pêche, les industries locales, le commerce apportent à la ville une part de son activité et de son renom. Nous aiderons à leur développement.
Je ferai une mention spéciale au tourisme, sous toutes ses formes, aux sports, aux activités de plein air. Boulogne peut et doit être une ville active, animée, aimable et souriante. Ce sera notre préoccupation constante et l’objet de notre attention vigilante. Chassons l’esprit partisan pour ne travailler qu’avec notre cœur dans le sens de la justice et de la plus stricte équité. Beau programme sans doute direz-vous, Messieurs, je m’attacherai à le suivre, à le respecter avec la volonté de servir les intérêts supérieurs de notre Cité et de la République. Boulogne doit revivre, Boulogne revivra ».
52Archives municipales de Boulogne-sur-Mer, Registre de délibération du conseil municipal, 1953, 59W8.
30. La fermeture de l’usine Comilog de Boulogne-sur-Mer
« Le groupe Eramet a annoncé vendredi lors d’un comité d'entreprise (CE) extraordinaire à Boulogne-sur-Mer la fermeture de l’usine de ferro-maganèse de sa filiale Comilog. « La cessation d’activité sera effective à la fin 2003 », a déclaré à l’issue du CE Michel Delime, le directeur du site. Dans un communiqué, la direction de la Comilog affirme que le cas des 351 salariés sera examiné individuellement, et que des reclassements seront proposés à chacun d’entre eux. « La société va engager des discussions avec les pouvoirs publics pour la réindustrialisation du site et assumera ses responsabilités en matière d’environnement », précise-t-elle. Les dirigeants de la Comilog expliquent la décision de fermer le site par la hausse du prix de la matière première, la concurrence internationale, et la baisse de la demande.
« L’usine de Boulogne-sur-Mer a perdu 25 millions d’euros par an lors des trois dernières années et son déficit structurel met en péril l’ensemble de la branche manganèse du groupe », a, pour sa part, expliqué Michel Delime. Le maire de Boulogne-sur-Mer, Frédéric Cuvillier, a, quant à lui, fait part de son indignation : « C’est une catastrophe pour la ville ». « Non seulement 351 personnes vont perdre leur emploi mais c’est purement et simplement l’existence du port de commerce qui est remise en cause », a-t-il souligné. De fait l’activité de l’usine représentait 57 % du trafic du port. Les syndicats veulent encore croire en leurs chances de trouver des « solutions alternatives ». La reprise en serait une, mais il serait étonnant que le groupe métallurgique brade une usine dans laquelle il a englouti 140 millions d’euros lors des cinq dernières années.
53Extrait de l’Expansion du 05/09/2003
31. Le stade nautique de la Liane inauguré par le ministre
« On a suivi la croissance du stade nautique de la Liane, inauguré samedi, un peu comme on le fait pour un fœtus à l’échographie.
D’abord la pose de la première pierre en octobre 2010, un point d’étape des travaux en mars 2011 et samedi matin donc, les élus qui coupent le ruban inaugural de cet équipement utilisé par le canoë-kayak (BCK) en attendant qu’un jour l’aviron boulonnais le rejoigne… L’histoire retiendra que c’est un ministre de la République qui a manié les ciseaux. En l’occurrence Frédéric Cuvillier, qui avait à ses côtés Dominique Dupilet, président du Département. On doit à ce dernier d’avoir saisi la balle des Jeux Olympiques de Londres au bond avec l’idée de rénover et de créer de nouveaux équipements sportifs en profitant d’aides financières. « Pour 20 M d’euros mis sur la table, on a l’équivalent de 110 M € de travaux », s’est félicité samedi Dominique Dupilet. La pratique du sport a été dopée, le nombre de licenciés a bondi de « 70 000 en trois ans ». Grâce à ces équipements de pointe, le Pas-de-Calais servira de base arrière d’entraînement à certaines délégations étrangères qualifiées pour les JO.
Frédéric Cuvillier a rappelé que le stade nautique de la Liane avec son architecture centrale en forme d’étrave, fait de bois, de verre et d’acier, était « le point de départ de l’aménagement des berges de la Liane que nous devons nous réapproprier. Il y a derrière ce stade une logique d’intégration dans un grand projet d’aménagement urbain ».
Un stade nautique, couveuse de futurs champions. Comme un clin d’œil, samedi matin, Mathieu Goubel, formé au BCK, a fait troisième au championnat du Monde.
Les jeunes ont désormais un superbe outil et un site d’entraînement de premier plan pour suivre sa trace. Le stade nautique a coûté 2,5 M €, le Département en a pris 38 % à sa charge, la CAB 54 % soit 1,3 M € et l’État a mis les 200 000 € restants. »
54Romain Douchin, La Voix du Nord du 29.05.2012.
Notes de bas de page
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