Exil, migration et histoire poétique : le cas de Michael Hamburger (1929-2007)
p. 185-200
Texte intégral
1Dans une étude sur le statut du migrant vis-à-vis de l’histoire culturelle, Leslie A Adelson souhaite provoquer « le renversement des catégories prévisibles ». L’auteur part de réflexions échangées par Salman Rushdie et Günter Grass où les migrants sont présentés comme victimes d’une triple perturbation (en l’occurrence, comme elle le souligne, non sans ironie, le migrant est Günter Grass et celui qui le présente ainsi est Salman Rushdie) :
Perturbation qui se manifeste quand les migrants perdent leur place dans le monde,
quand ils s’aventurent en une langue qui leur est inconnue, et
quand ils se retrouvent « cernés par des individus dont les comportements et codes sociaux » ne sont pas les leurs, « divergent beaucoup des leurs » voire « provoquent leur dégoût »1.
2Contrairement à ces expressions que le/la critique ressent comme des poncifs qui interdisent au migrant toute évolution positive, et installent le protagoniste dans un espace inhospitalier qu’elle désigne du terme d’ « entre-deux » (Le texte s’intitule « Against between »), elle prône plutôt l’idée d’un enrichissement mutuel possible des cultures par le regard de celui qui, ayant certes le statut de migrant, « franchit le pont », c’est la métaphore qu’elle emploie. Ce franchissement fait de la migration le cœur même d’une forme nouvelle et salutaire de créativité, nouvelle pour l’individu, mais aussi pour les cultures qu’il relie. Plutôt que de parler de « statut du migrant » il faudrait alors plutôt parler de trajectoire migratoire, comme l’a si bien montré Joël Bernat2.
3Si cette thèse peut paraître ne pas correspondre à la situation de tous les exilés ni de tous les migrants, elle correspond en tout cas assez précisément au parcours de Michael Hamburger – ce que nous voudrions montrer à la faveur d’une triple réflexion :
Nous décrirons ce parcours comme le passage d’une situation d’exilé (que nous définissons à l’instar d’Eberhard Lämmert comme étant celui qui souhaite le retour)3 à une dynamique migratoire, que nous comprenons comme intégration de la représentation du transitoire à son propre cheminement (migratoire comme réappropriation du statut de migrant dans le sens de Leslie A. Adelson) . Nous nous demanderons ce qui caractérise particulièrement, dans ce cadre, le parcours de Michael Hamburger.
Nous définirons l’apport de Michael Hamburger en termes d’histoire littéraire en partant de cette notion de transitivité et nous montrerons qu’il inscrit la poésie moderne entre empirie et masque d’une manière orientée4 .
Nous montrerons que ce parcours est intégré à sa propre production poétique. Nous partirons du poème « Ave Atque Vale »5 pour montrer qu’il intègre le transitoire, comme héritage, dans l’espace lyrique, lui-même, intermédiaire entre moi empirique et masque.
Du déracinement au paradoxe de l’enracinement moderne, produit d’une relecture
4Au fil du temps Michael Hamburger a égrené plusieurs textes dans lesquels il ne cesse de refaire le récit de son histoire, recréant cette dernière, la situant tout en l’extrayant simultanément d’une représentation toute faite qu’il redoute. Il la dote ainsi de « racines recomposées », à la faveur de ses essais et écrits autobiographiques, regroupés notamment dans le volume Das Überleben der Lyrik6 (La survie de la poésie) ainsi que de son autobiographie, intitulée A mug’s game- intermittent memoirs – 1924-1954, titre traduit en allemand par l’expression « verlorener Einsatz » – « Un engagement pour rien »7.
5L’étincelle première est, depuis cette perspective, la situation de fait de Michael Hamburger. Il arrive en Angleterre en 1933, à l’âge de neuf ans et comme il le dit lui-même, il est placé dans un statut intermédiaire à plus d’un titre, du fait objectif qu’il a quitté l’Allemagne pour l’Angleterre, mais aussi du fait qu’il se trouve alors à cet âge charnière et en lien avec la question de l’écriture, dans la situation d’écrire en anglais et de chercher constamment malgré cela, à tisser des liens de la culture germanophone qu’il a été contraint de quitter à la culture anglophone qu’il embrasse sans s’y intégrer entièrement.
« Si j’avais été plus âgé ou plus jeune de quelques années en novembre 1933, soit j’aurais commencé à écrire en allemand, je serais donc devenu un écrivain allemand malgré l’émigration, soit j’aurais écrit en anglais, sans devenir pour autant traducteur et germaniste. Mais au moment où j’ai commencé à écrire sérieusement, à l’âge de quatorze ou quinze ans, j’ai ressenti simultanément le besoin de transposer le passé enraciné dans la langue allemande dans ma nouvelle vie et dans mon nouveau domaine linguistique ». (ZS, 57)
6Cependant, très vite, il revendique ce cosmopolitisme particulier, dont il fait un enracinement paradoxal par le prisme de ses retraductions et relectures et qui lui permet de se décaler en permanence par rapport au groupe (de même qu’il s’appropriera par l’effet du même renversement ironique l’injure que pensait lui avoir adressée un critique littéraire, nationaliste du pays de Galles, en le traitant de poète « cosmopolite sans racine »).
7Il se reconnaît ainsi d’une part comme un individu sans classe, et d’autre part comme l’héritier d’une lignée détachée de la question nationaliste. Il peut prétendre au titre d’individu sans classe, du fait de son statut de poète dans la société anglaise, qui selon lui n’intègre pas les poètes aux schémas sociologiques. Et plus généralement, c’est un « statut » qu’il revendique et en vue duquel il s’efforce en permanence de se défaire des moules dans lesquels on tente de le couler. Ainsi, refuse-t-il d’adopter les codes de la moyenne bourgeoisie anglaise à laquelle le prépare son éducation scolaire. De même, ayant intégré l’armée anglaise, il s’efforce de ne pas obtenir le grade d’officier. Il souligne dans son autobiographie qu’il avait trouvé là, parmi les sans grades, une solidarité dont les intellectuels et autres classes supposées supérieures ne lui semblaient pas capables. Il le proclame : « J’ai fait de mon mieux pour me débarrasser des effets de ce conditionnement » (ÜL, 233).
8Le refus d’une adhésion au nationalisme sous quelque forme qu’il se présente s’affiche dans sa relecture de sa généalogie personnelle et poétique. Il décrit ainsi son histoire familiale comme une histoire qui transcende les frontières de la nation et s’ancre et survit par le lien au territoire délimité et riche en traditions de la région ou de la petite ville.
9Un passage assez long de Michael Hamburger traduit bien cette situation :
« Le processus d’assimilation s’était achevé deux générations avant la mienne. L’un de mes grand-oncles était devenu protestant, luthérien, au moment où il avait épousé une femme non-juive qui était restée auprès de lui durant le troisième Reich en Allemagne, et l’avait aidé de ce fait à survivre à cette époque. Mon grand-père du côté paternel était écrivain durant sa jeunesse. Devenu correspondant culturel de journaux allemands à Paris, il se consacra à cette mission qui consistait à familiariser les lecteurs allemands avec le naturalisme français, avant tout avec Zola et Daudet, avant même que ce mouvement n’exerçât une influence décisive sur la littérature allemande durant les années quatre-vingt du XIXe siècle. La famille de mon père était passée de la Silésie à Berlin, celle de ma mère de la Rhénanie au Bade-Wurtemberg ; là était née ma grand-mère maternelle dans le village de Rohbach bei Sinsheim. Ma prime enfance s’était déroulée entre Berlin et Kladow, un village à l’extérieur de Berlin. […], d’où mon rejet de la métropole ou de la mégapole comme paradigme culturel et social […] ». (ÜL, 231)
10Lors de son exil en Grande Bretagne, une situation similaire se crée du fait que la famille Hamburger trouve d’abord à s’installer en Ecosse. Ainsi, ce que Hamburger appelle son « patriotisme » est-il lui aussi désengagé de la topographie nationaliste et plonge-t-il ses racines dans un temps de la généalogie paradoxale : « Ainsi advint-il que même mon patriotisme britannique, qui s’était immanquablement développé sur la base de l’expérience d’une privation forcée de ma nationalité première, avait gagné en complexité du fait de mes primes relations avec l’Ecosse ». (ÜL, 232)
11Les poètes en lesquels il se reconnaît sont eux aussi des êtres de la région et de l’internationalité en même temps : Il cite Herbert Read, Ewin Muir, Vernon Watkins, qui viennent du Yorkshire, des Iles Orkney et du Pays de Galles ou encore « l’Américain anglicisé » T.S. Eliot. Il reconnaît enfin dans la situation du migrant à l’ère postcoloniale un digne prolongement de sa position, soulignant avec délectation qu’il publie ses ouvrages de poésies traduits de l’allemand ou du français chez un Tamoul de confession catholique romaine, originaire de l’île de Ceylan du nom de Tambimuttu . (ÜL, 233)
12On comprend donc une réflexion double de Michael Hamburger sur cette question des origines comme une double mise en garde : D’une part, il s’agit bien de prendre en compte les détails d’une réalité complexe quant à la question de l’origine :
« Me méfiant des généralisations et étant en général considéré par la littérature anglaise du fait de mon histoire personnelle comme un cas à part, il me faut commencer par présenter les éléments de cette histoire à part. Les complexités et contradictions de ce cas peuvent peut-être aider à comprendre la spécificité de ma position au regard de la question de l’appartenance régionale, nationale et internationale ». (ÜL, 231)
13D’autre part, il s’agit de dénier à cette question, une portée déterminante, si jamais on l’entendait comme assignation limitative et dépréciative :
« Les hommes peuvent s’enraciner partout. Que leurs racines plongent suffisamment profondément, et leur nourriture sera universelle. Toute mon expérience me dit, qu’il y a une simplification grossière et arbitraire dont les critiques devraient se prémunir, à vouloir étiqueter les poètes uniquement d’après leur lieu d’origine, leur appartenance ethnique et leur parcours biographique plus ou moins aléatoire ». (ÜL, 234/235)
14Ce statut particulier conduit Michael Hamburger à développer un regard tout à fait novateur sur l’histoire de la poésie moderne européenne.
L’histoire littéraire et culturelle en débat
15Suivant le germaniste anglais Hans Reiss, les émigrés politiques n’ont pas exercé d’influence marquante dans le domaine universitaire en Grande Bretagne étant donné que celui-ci était relativement imperméable aux influences extérieures et aux modes. En revanche, ils ont souvent hérité d’une tournure d’esprit particulière que Hans Reiss caractérise de la manière suivante : empirisme, absence de nationalisme, sens de la classification des œuvres suivant leur niveau8. Ces aspects sont certes présents dans les écrits de Michael Hamburger sur la poésie moderne et en particulier dans The Truth of Poetry qui va nous occuper à présent. Toutefois, on peut se demander s’ils ne résultent pas plutôt d’un travail de Michael Hamburger sur la base de la généalogie particulière qu’il s’est recréée et qui suppose aussi un positionnement intellectuel spécifique.
16D’un point de vue purement autobiographique, une chose est sûre : ce n’est pas le système anglais qui est resté imperméable à l’influence de Hamburger, c’est Hamburger qui s’est extrait de ce système. En effet, c’est précisément au moment où il décide d’écrire SON histoire de la poésie, sous forme essayiste et non pas académique, qu’il renonce à la carrière universitaire qu’il avait l’opportunité de mener en Grande Bretagne, carrière en laquelle il voit un frein à la réflexion. Quels sont donc les éléments novateurs de sa position en matière d’historiographie poétique ?
Le contexte
17Pour le saisir, il faudrait d’abord rappeler qu’au moment où Michael Hamburger se décide à s’attaquer à ce champ particulier de la poésie moderne (The Truth of Poetry a paru en 1968 pour la première fois), le devant de la scène est occupé, dans l’espace germanophone, par l’ouvrage d’Hugo Friedrich sur la Structure de la poésie moderne (première parution en 1956 ; neuvième édition en 1966, etc .)9.
18Hugo Friedrich y proclame, relativement à un groupe de poètes délimités par lui, européens il est vrai, mais centrés en particulier sur les poètes français, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé, que la poésie moderne n’est plus tout à fait affaire de personne mais plutôt de structure. Il entend par là « une architecture de base qui se répète avec une insistance frappante à travers les manifestations les plus diverses de la poésie moderne ». (SP, dt, 9 ; fr, 8). Cette structure est affectée par lui de coefficients ambigus sinon négatifs à ses yeux, tels que la déshumanisation, la désubjectivation, le jeu gratuit, … lequel est foncièrement apolitique : « Dans la mesure où ces formes poétiques ont une valeur, elles ne la doivent pas à une foi ou à une idéologie, moins encore à la politique de tel et tel parti ». (SP, dt, 10 ; fr, 9)
19Parallèlement à cette focalisation particulière et paradoxalement, Hugo Friedrich perpétue le discours traditionnel des philologies nationales. Ainsi se sent-il tenu d’expliquer que si la structure en question s’est cristallisée particulièrement en France, il n’en reste pas moins qu’elle a été transférée à l’aire anglo-saxonne : textuellement, « j’ai consacré autant d’efforts qu’il était nécessaire à un Allemand (Gottfried Benn) et à un Anglais (T.S. Eliot), afin de démontrer leur grandeur sans doute, mais aussi leur communauté dans les moyens d’expression avec les Français, les Espagnols ou les Italiens ». (SP, dt, 10 ; fr, 9). Il est donc en mesure d’affirmer qu’en Allemagne, « Benn a repris tout cela [les effets de la modernité mallarméenne, FL], dans des formulations qui n’appellent aucune réplique et qui ont créé un appel d’air », ce qui nous semble symptomatique de cet état de fait (SP, dt, 162 ; fr, 161) Paradoxalement, cette histoire de la poésie encore ancrée dans une conscience nationale affirmée conduit en même temps à un nivellement des individualités poétiques. Rémy Colombat montre toute l’ambivalence de cette position :
« Ainsi se constitue une relation à double sens entre la poétologie de Benn (essentiellement le discours de Marburg) et la théorie de Friedrich sur la poésie moderne : d’une part Benn est mis en conformité avec les tendances qui se sont forgées dans la poésie moderne à partir du travail poétique de Rimbaud et de Mallarmé et il apparaît ainsi comme héritier de Mallarmé et représentant de la « modernité dure », d’autre part, les concepts de Benn sont reprojetés sur la poésie des français, si bien que l’analyse de Mallarmé est contaminée en partie par des éléments qui sont propres à la poésie postexpressionniste »10.
20Relativement à ces prises de position, Michael Hamburger se fixe la mission suivante : réhabiliter la diversité de la poésie moderne (de 1850 à 1967) en s’opposant à la fois au monologisme structurel d’Hugo Friedrich (il n’y a pas « une » structure de la poésie moderne, il y a des textes poétiques et des individualités qui s’y expriment), et à sa conception pseudo européenne de la modernité, nationaliste sur le fond et décharnée voire dépolitisée dans la forme11. S’agit-il pour autant de s’affilier à la fameuse opposition de la poésie pure et de la poésie engagée ? Michael Hamburger est-il, comme on le lit dans certaines histoires de la poésie moderne des années quatre-vingt, le maître d’œuvre du renversement qui a réhabilité Brecht et qui a installé ce double paradigme de l’opposition entre Benn et Brecht comme un pilier incontournable et inéluctable de l’histoire poétique après 1945 ? N’est-ce pas là traiter de manière réductrice de positions originales ? Certes, Michael Hamburger modifie notablement le corpus dont part Hugo Friedrich et l’enrichit énormément. Il accorde en particulier une place importante aux poètes Whystan H. Auden et Bertolt Brecht qui sont à peine évoqués par le professeur de Fribourg. Toutefois, il s’agit pour Michael Hamburger d’une double réhabilitation, puisqu’il s’agit pour lui tout autant d’insérer Auden et Brecht dans un tissu plus général fait aussi d’avancées formelles (et non seulement idéologiques) que de montrer que les poètes dits « symbolistes » sont tout autant aux prises avec la « réalité »12.
21Il apparaît donc que l’histoire de la poésie écrite par Michael Hamburger, interdite d’originalité par le théorème de Hans Reiss, est ensuite repensée dans les termes des querelles qui animent la scène de l’histoire poétique en Allemagne depuis les années cinquante, sans être perçue pour elle-même.
Originalité de la méthode
22En fait, Michael Hamburger fait fond sur l’option suivante : l’individualité de la structure poétique est en lien avec la matérialité du contexte qu’elle reflète pour mieux s’en détacher, de manière toutefois conflictuelle pour la personne du poète, proposition dans laquelle l’on peut voir l’élaboration intellectuelle de ses choix personnels.
23On peut aussi la mettre en lien avec une double filiation même si Michael Hamburger lui-même ne l’évoque que de manière incidente et même si peut-être il recrée à sa manière ces options : celle des anarchistes Kropotkine et Landauer d’une part (ÜL 199), pour l’option « politique » (en un sens très général), celle du représentant d’une « herméneutique matérielle », Peter Szondi d’autre part, pour sa conception de la production du texte, amendée par des réflexions sur les notions de « self » et d’« antiself » empruntées à Yeats et de psychologisation de celle-ci empruntée à Edmund Wilson13.
24En quoi cela se manifeste-t-il ?
25D’une part, est affirmée à travers sa poésie une conception de l’internationalisme marchand contraignant l’individu poète. Cela transparaît dans sa description du déterminisme qui s’est installé partout en Europe : « il y a très peu de poètes sérieux depuis Baudelaire qui ont pu vivre de leurs œuvres, peut-être même n’y en eut-il pas un seul. En revanche, il y a des milliers de gens, y compris les poètes eux-mêmes, qui ont pu vivre de ce qu’ils écrivaient sur la poésie ou de ce qu’ils en disaient » et plus loin, « les marchandises ont pris la place des choses ». (WP, 11)
26A cet internationalisme marchand répond une forme d’internationalisme poétique qui est en même temps le double et le contraire de celui-ci (il souligne que tous les poètes qui se sont intéressés de près ou de loin à ces questions, se sont posé la question d’une théorie des valeurs). L’internationalisme marchand s’instaure à grande échelle et nie les différences. Le transnationalisme poétique se crée sur la base de réseaux, de contacts entre individus, d’un tissus organique transnational mais interpersonnel.
27L’internationalisme marchand veut niveler les modes d’expression, les uniformiser, le transnationalisme poétique veut y résister en tablant sur les forces créatrices de l’individu.
28D’autre part, cette résistance ne se limite pas aux simples mécanismes de la dénonciation, de l’énonciation ou de la répulsion. Elle se fait plutôt dans la transposition d’un mouvement de la conscience du poète au texte. En effet, la poésie moderne n’est plus un art mimétique, son engagement, moral à défaut d’être politique, ne pourra se décoder de manière directe.
29Il ne le pourra pas même sur la base d’un syllogisme ou d’un chiasme particulier suivant lequel les tenants de la poésie pure seraient protofascistes et ceux de la poésie engagée communistes (M. Hamburger cite ce paradoxe exprimé par Walter Benjamin du fascisme qui esthétise la politique et du communisme qui la politise – mais c’est pour mieux s’en dégager (WP, 128)) . La seule possibilité de définir la « marche de la poésie » et sa démarche sera de détecter des structures de transition, les « équivalences d’évocation » pour le dire à la manière de Gérard Raulet14, ce que Jean Bollack nomme dans son introduction à l’herméneutique matérielle de Peter Szondi, « le mouvement dialectique que produit l’œuvre avec sa structure formelle et les conditions externes de sa production » laquelle se cristallise pour Hamburger dans la formation de « masques » (WS, 87-112)15 .
30C’est en effet ce que propose Michael Hamburger, en rappelant à la fois l’importance de l’écart qui est au cœur de l’expression poétique, et dans l’analyse des pôles constitutifs de cet écart, portant l’accent sur le pôle sensible, ce qui a minima donne les aspects suivants :
partant de l’écart entre abstraction et sensualité en poésie moderne, l’accent porté sur l’obligatoire sensualité de la poésie même dite abstraite dans la mesure où elle utilise le langage dont l’aspect sensuel ne peut pas être éradiqué, et où elle fait toujours fond sur une expérience sensible
partant de l’écart entre moi social du poète et moi poétique, l’accent porté sur l’obligatoire sociabilité de la poésie (même la poésie de Benn qui se proclame monologique se donne bien à lire)
partant de l’écart entre expression d’une force vitale produite dans le surgissement du texte et élaboration formelle, l’accent porté sur le surgissement.
31C’est ce qu’il ressaisit à partir de sa théorie des « masques » qui seraient en effet le fruit du jeu susnommé, puisqu’ils recouvrent une tension entre le moi empirique et le moi lyrique, ou encore entre le moi social et le moi individuel qui s’expriment dans le poème.
32Ainsi peut-il rappeler et expliquer que Rilke dans ses Lettres milanaises (1921-1926) prenne position pour Mussolini, ce qui est en lien avec la tension permanente entre le rôle d’aristocrate et celui de paria qu’endosse tour à tour le moi lyrique dans les poèmes de Rilke16. (WP, 136, 137)
33De même, il dira de Benn, d’une part qu’il a une attitude vitaliste et monologique en réaction à son activité de médecin spécialiste des maladies vénériennes, qui pourrait du fait d’une empathie avec ses patients souffrant le conduire à développer un syndrome de la personnalité multiple. D’autre part, il montrera que cette attitude monologique, affichée envers et contre toute réalité comportementale et textuelle du poète, fait le lit d’une cécité politique. (WP, 77 ; 187, 188)
34Enfin, la même tension existe chez Brecht entre moi social et moi personnel mais elle est réduite à son plus petit dénominateur, ce qui fait de Brecht à la fois un parent d’E . Pound, car il utilise des techniques imagistes qu’il a héritées d’une fréquentation personnelle d’E . Pound et l’écrivain « presque classique », dira M. Hamburger, de la modernité en ce qu’il reproduit une problématique sociale. (WP, 247sq)
35En bref, ce que Hamburger met en acte dans sa présentation de la poésie moderne est bien une définition de celle-ci relativement à son surgissement d’une part, en lien à un « point d’existence » subjectif, devenu le moyen d’une expérience »17 ou encore pour le dire dans les mots de Valéry qui avait inspiré Szondi « point d’existence ineffable où la pensée touche, et peut intéresser à soi, le plus possible des puissances d’une vie », par quoi Valéry définit ce qu’est la profondeur, profonde pensée : « Profonde pensée est une pensée qui nous paraît n’avoir pu se former et se laisser prendre qu’à l’écart du temps naturel »18.
36Mais ce saisissement, exhaustion d’un écart relatif au temps naturel se fait au moyen de masques où transparaît le lien social et personnel. Cette théorie des masques incline le libre jeu poétique vers l’empirie tout en l’en séparant. C’est une théorisation de l’écart qui devient constitutif du geste poétique et de son lien à l’histoire et s’oppose ainsi à la lecture « structurelle » et nationaliste de Hugo Friedrich. A cela s’accorde aussi son écriture poétique, telle qu’elle est illustrée par l’un de ses derniers poèmes, intitulé Ade Atque Vale. (texte en annexe à la fin de l’article).
Ade Atque Vale
37Ce poème est-il l’expression d’un « message extatique » comme l’affirme le commentateur ?19. Clairement, il y est question d’une tension entre vie et art qui se fait plus forte au moment de la séparation, mis en exergue par le titre.
38La séparation, peut-être, d’amis chers, serait le point de surgissement de l’œuvre, point d’existence subjectif suscitant une « concentration des puissances d’une vie ». Celle-ci s’exprime de manière structurelle par l’usage de la métonymie. Dans cette épreuve de la séparation, ce qui est ressaisi, ce sont surtout des traces mnésiques culturelles ou personnelles permettant de lui donner un visage et les conflits qui en résultent pour le moi lyrique20 .
39Le poème esquisse plusieurs variantes de cette séparation dont l’une développée jusqu’au vers 7 est celle de la fixation des instants ou des paroles pour la postérité.
40Les instants, peut-être les plus frappants, de l’existence (v . 1-2), les paroles mêmes que l’on a peut-être échangées, sont consacrés par l’art (v . 3-4) ; toutefois, étant ainsi saisis, ils sont également figés.
41Pour signaler cela, le poète recourt tout à la fois à l’image du chant d’ambre et à celle de l’impuissance de l’abeille. Ces deux éléments semblent des emprunts à une tradition poétique qui lentement s’efface, emprunts métonymiques ou relève de restes empruntés à la mémoire culturelle de l’histoire poétique.
42Le chant d’ambre pourrait rappeler certaine conception relevant de l’esthétisme telle qu’on en rencontre en particulier chez Hofmannsthal dans une collusion d’ailleurs avec certains motifs de la poésie de Yeats21.
43L’abeille, réminiscence antique sans doute, comme l’est aussi le vers-titre emprunté à Catulle, est peut-être celle qui a survécu de l’essaim qui, suivant la légende, avait construit un rayon de miel sur la bouche du poète Pindare endormi, figurant l’inspiration destinée à lui apporter de doux chants.
44L’abeille unique, évoquée ici, ne peut ni secréter du miel ni même butiner les pétales de la fleur dont le dessin est figé sur le vase.
45De la fondation de la poésie lyrique par Pindare à ce qu’elle est devenue à la fin du XIXe siècle s’affirme une contradiction qui paraît insurmontable.
46Le moi lyrique qui tente absolument de construire un pont entre le masque du poète symboliste et son expérience existentielle, ici, celle du deuil, est détruit par cette tension (v. 5 – « which, met, leave me unborn or dead »). Enfermé dans cette perception d’une temporalité éteinte, il ne peut plus être.
47Pourtant, de cet anéantissement surgit, d’abord par la négative (cf. l’usage abondant de négateurs de toutes sortes dans le texte ; nothing, no, un-, ..), l’idée d’un autre renversement magistral. Certes, ce que nomme le texte, ce sont des impossibilités : il est impossible de comparer, il est impossible de faire appel à la main et à la mémoire.
48Pourtant ces impossibilités contiennent en germe l’idée d’un renouveau. Elles circonscrivent un monde inexistant, un monde de la non représentation22, mais dont la conformation s’allie à la matérialité du vivant. La possibilité de comparer en restaure la diversité. La main suggère que la poésie est plus qu’un art élitiste et inaccessible, un artisanat, où l’on peut voir une métonymie de l’art « objectal » de Hamburger ; la mémoire tisse un lien de l’imagination à la perception23.De ce lieu qui est un non-lieu (cf. aussi un autre titre de Hamburger « die NichtEreignisse »)24 peut renaître l’affirmation brute de l’existence, par la répétition vive du verbe « être » (v.9). Celle-ci génère dans le texte la figuration par-delà le dessin figé et même effacé des fleurs sur le vase, d’un battement d’aile qui les surplomberait et serait celle du « migrateur » (v.12,13) .
49En outre, à ce va et vient, qui ne cesse de franchir le seuil de la mort, comme un seuil baroque démultiplié, mort existentielle et mort poétique tressées entre elles, mais aussi comme le seuil en effet d’un regain de vie, se superpose le maillage du réseau des migrants dans le temps et l’espace : ils sont tous là, de Catulle à son frère, de Swinburne à Baudelaire, mais aussi de Hamburger lui-même à Kenneth Cox, l’ami poète polyglotte par choix antinationaliste, décédé en 2005 à l’âge de 89 ans et auquel Michael Hamburger a dédié la version anglaise du texte25 comme en réplique aux paroles amicales de ce dernier :
« Michael Hamburger who was […] brought here in flight from Nazis at an age (10 – 12 ?) too late to pick up the language quickly and as if born to it, too soon to have a proper knowledge of adult German. By immense labour he has made himself a master of both languages not quite happy in either . […] Unacademic like me he remains one of the few living writers I respect and even occasionally consult ». (25 July 2004)26
50Michael Hamburger lui retourne alors, dans une sorte d’exultation peut-être, mais d’exultation mélancolique tout de même, arpentant encore la lisière de l’art figé et de l’indéfait, celle de l’expérience éprouvée dont on est en même temps séparé.
51Ce poème exprime donc d’abord une sorte de poétologie du vivant surgie du négatif, contre une poétologie mortifère qui scelle positivement les choses, telle que celle d’un Mallarmé par exemple, du cygne pris dans la glace.
52Poème de la séparation de l’ami décédé, du deuil, et de l’exhortation néanmoins à laisser s’affirmer la vie depuis l’écart du transitoire, de l’éphémère, de la négativité, du fragment qui échappe par miracle à la compression de la « mondialisation », il est donc le legs vivifiant du migrateur.
53Ainsi, le défi proposé par Leslie A. Anderson est-il relevé. Plutôt que d’enfermement dans un entre-deux, il faudrait parler d’exhaustion d’un écart, que ce soit au plan biographique où la fracture est l’occasion de l’affirmation d’un humanisme spécifique fait d’humilité et d’une forme d’anarchisme, au plan de l’historiographie culturelle où l’exploration de l’écart comme fondateur et moteur de la création poétique permet à la fois d’en comprendre le fonctionnement intrinsèque et de l’inscrire dans le mouvement contextuel de manière éthique et individué la perpétuation de l’écart fondant notamment la reprise du symbolisme mais aussi sa possible description par une théorie telle que celle de l’herméneutique matérielle, enfin, il permet de saisir dans quel réseau non seulement diachronique mais même synchronique, l’auteur d’abord exilé, à présent migrateur s’inscrit.
54C’est un réseau dessiné par son cheminement, ses accointances, sa lucidité, pour lequel le transitoire de la migration est réinscrit dans le texte qui est toujours le fruit de la relecture, l’écueil de l’aristocratique ambition de l’art et son nécessaire dépassement.
55Il place bien évidemment l’interprète et l’historien aussi en situation de nécessaire dépassement.
Michael Hamburger
Ave Atque Vale
56for Kenneth Cox
Moments remain, the sculpted, painted, drawn
Split second millennia long,
Current word silenced, ambered into song
Where nothing can change, no bee molest these petals
Which, met, undo me, leave me unborn or dead,
Unable to compare,
Let hand, make memory meddle.
Momentous did they seem? Not now, so still.
They are, are, are, are, are, the things I see
And will be when they’re lost, obliterated,
The model passed away.
On this old empty vase glazed patterns dance,
Above it fixed wings beat, the migrant’s flight.
Good morning, present, absent ones, good night.
57(Copyright © Michael Hamburger and Jacket magazine 2005
(Michael Hamburger: Wild and Wounded, Anvil Press poetry, 2004),
(http://jacketmagazine.com/28/cox-hamb.htm l))
Ave Atque Vale
Augenblicke bleiben bestehen, gemeiszelt, gemalt, gezeichnet
Bruchteile von Sekunden Jahrtausende lang,
Geläufiges Wort zum Verstummen gebracht, von Bernstein
Umschlossen im Lied
Wo nichts sich verändert, keine Biene, die Blütenblätter verletzt
Welche angreifend, mich zerstören, zugrunde richten, mich
Ungeboren oder tot zurücklassen,
Unfähig zu vergleichen,
Unfähig zuzulassen, dasz die Hand, das Gedächtnis sich einmischen.
Schienen sie tatsächlich bedeutungsschwer? Nicht jetzt, so still.
Sie sind, sind, sind sind, sind, die Dinge die ich sehe
Und werden weiter sein wenn auch verloren, ausgelöscht,
Das Urbild längst zunichte gemacht.
Auf dieser alten Vase wo glasierte Schemen tanzen
Darüber feste Schwingen schlagen, Zugvögel Flug.
Guten Morten, ihr Anwesenden, Abwesenden, gute Nacht.
58(Version allemande de Friederike Mayröcker, in: MH: Unterhaltung mit der Muse des Alters. Gedichte/Hanser, HRsg. Von Richard Dove, 2004, p. 181)
Salut et porte-toi bien
Les instants demeurent, inscrits dans la pierre, sur la toile, la page,
Fragments de secondes pour les millénaires.
Les paroles vives se sont tues, serties en un chant d’ambre,
Où rien ne change jamais, aucune abeille pour blesser ces pétales
Lesquels frappant mon regard, me désaisissent, me laissant là mort-né ou sans vie,
Incapable de comparer,
De faire en sorte que la main, que la mémoire s’en mêlent.
Paraissaient-elles donc lourdes de sens ? Plus rien de cela désormais, que le silence.
Elles sont, sont, sont, sont, sont, les choses que je vois
Et continueront à être quoique perdues, éteintes,
Leur effigie première depuis longtemps effacée.
Sur cet antique vase où les formes d’émail dansent
Les surplombant des ailes figées battent, vol de migrateurs.
Bonne journée, ô vous qui êtes absents, vous qui êtes présents, bonne nuit.
59Version française de Françoise Lartillot .
(Remarque : nous avons choisi de conserver le même nombre de vers que dans la version anglaise)
Notes de bas de page
1 Leslie A. Adelson : Against Between – Ein Manifest gegen das Dazwischen, in : Heinz Ludwig Arnold (hrsg.) : Literatur und Migration. Text + Kritik. IX/06, München, 2006, p. 36-45, ici p. 36 .
2 Joël Bernat, « Cheminant, d’appartenances à identité », dans le présent volume.
3 Eberhard Lämmert : Verwundenes Exil. Rückblick auf ein Symposion mit exilierten Literaturwissenschaftlern. In : Walter, Schmitz (Hrsg.) : Modernisierung oder Überfremdung .Zur Wirkung deutscher Exilanten in der Germanistik der Aufnahmeländer . JB Metzler, Stuttgart, Weimar, 1994 (Dokumentation eines Kolloquiums in Marbach a. N ., 2-4. September 2004), p. 231, 232.
4 Pour mémoire, Michael Hamburger est l’auteur de nombreux textes sur l’histoire de la littérature dont deux des plus célèbres sont : M. H. : Vernunft und Rebellion . Aufsätze zur Gesellschaftskritik in der deutschen Literatur. Übersetzt von Hermann Fischer, Ullstein, Ulm, 1974. (Originalausgaben : Reason and Energy – London 1957 ; The Living Milton – London 1960 ; From Prophecy to Exorcism – London 1965, übersetzt von Fred Wagner). Carl Hanser Verlag München 1969. M. H. : Wahrheit und Poesie . Spannungen in der modernen Lyrik von Baudelaire bis zur Gegenwart . Übersetzt von Hermann Fischer, Ullstein Materialien . 1985. (Amerikanischer Originaltitel, The Truth of Poetry (1969) ; Deutsche Erstausgabe, Die Dialektik der modernen Lyrik (1972)) (désormais cité WP).
5 Michael Hamburger : Unterhaltungen mit der Muse des Alters. Gedichte . Herausgegeben von Richard Dove. Carl Hanser Verlag, 2004, p. 181. (Traduction de ce poème : Friederike Mayröcker). Ce volume regroupe des textes extraits de plusieurs recueils et traduits par de nombreux poètes. Le texte que nous avons retenu est extrait de : Michael Hamburger : Wild and Wounded, Anvil Press poetry, 2004. (Il existe une autre traduction de ce poème par Peter Waterhouse : Die Nicht-Anschauung, Versuche über die Dichtung von Michael Hamburger. Mit Gedichten von Michael Hamburger. Bozen, Wien, Folio, 2005, p. 94. La version originale du poème Ibid., 125).
6 Michael, Hamburger : Das Überleben der Lyrik. Berichte und Zeugnisse. Hrsg . und mit einem Nachwort von Walter Eckel . Carl Hanser Verlag, München Wien, 1993. (comprenant des essais allant de 1965 à 1992, dont une partie écrite en anglais et traduite et l’autre écrite directement en allemand) (désormais cité ÜL).
7 M .H . : A Mug’s Game – intermittent memoirs – 1924-1954 . Cheadle, Carcanet Press, 1973. (dt : erinnerungen. verlorener einsatz. Übersetzt von Susan Nurmi-Schomers und Christian Schomers . Flugasche Verlag, Reiner Brouwer edition walfisch, Stuttgart, 1987) (Désormais cité v.e.). Ce titre est repris d’une expression de T .S . Eliot : « As things are, and as fundamentally they must always be, poetry is not a career but a mug’s game ». (v.e., 3) En complément de ce volume, il faudrait également citer M .H . : Zwischen den Sprachen. Essays und Gedichte. Frankfurt am Main, Fischer, 1966 (composé de textes écrits pour partie directement en allemand, pour partie en anglais, les traducteurs ne sont pas indiqués de manière systématique. (désormais ZS). M .H . : Pro Domo : Selbstauskünfte, Rückblicke und andere Prosa. Hrsg . von Iain Galbraith . Wien, Bozen, Folio, 2007. (en particulier : Nachtrag zu den Memoiren, Ibid., p. 9-34.).
8 Hans Reiss : Exil oder Akkulturation ? Zur Kontinuität der britischen und irischen Germanistik in der Zeit des ‘Dritten Reichs’ und in der frühen Nachkriegszeit ., p. 55-81, ici p. 56-57, in Walter Schmitz (Hrsg.), cf. note 2.
9 Hugo Friedrich : Die Struktur der modernen Poesie. Von der Mitte des neunzehnten bis zur Mitte des zwanzigsten Jahrhunderts. Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1996 (22), 1956 (1) (SP, dt). Nous citons ici la traduction française de. (SP, fr).
10 Rémy Colombat : Nachwirkungen des französischen Symbolismus in der Poetik der fünfziger Jahre, in DAAD Dokumentationen und Materialien. Deutsch-Französisches Germanistentreffen, Berlin, 30.9. bis 4.10. 1987. Dokumentation der Tagungsbeiträge, p. 127-140.
11 Cf. Également son opposition aux textes de Erich Heller sur la conjonction de la poésie et de l’idée (WP, 25sq).
12 Ainsi, suivant Ludwig Völker, l’on découvre l’importance de Brecht à ce moment là comme celle de la figure complémentaire de celle de Benn et suivant Ludwig Völker toujours le mérite en reviendrait notamment à Michael Hamburger (L. V. : Gattungsdenken im Umbruch, Zum Lyrik-Diskurs der deutschen Literaturwissenschaft nach 1945, in Germanica, 21 : 1997, Von Celan bis Grünbein . Zur Situation der deutschen Lyrik im ausgehenden zwanzigsten Jahrhundert, S. 163- 177). Il est vrai que Michael Hamburger évoque « la signification historique de la relève de Brecht » (WP, 255) comme le souligne également Dieter Lamping (D. L. : Das lyrische Gedicht . Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1989, p. 220), non sans estimer que la position de Michael Hamburger ainsi réduite à son plus strict appareil, devrait être différenciée ; mais il est vrai aussi que Michael Hamburger ajoute « la signification historique de la relève de Brecht quant à la ligne poétique de Baudelaire qui domine depuis le romantisme dans la poésie, n’a pas besoin d’être particulièrement mise en lumière ». (WP, 255/256) .
13 Michael Hamburger recourt aux thèses de Peter Szondi surtout dans son texte consacré à Thomas Mann (VR, 127, 128). Par ailleurs, il se réfère souvent à John Yeats comme à un théoricien de la poésie. (VR, 97 ; WR, 87). Indépendamment de cela, il consacre plusieurs études à la poésie de John Yeats .
14 Gérard Raulet : Engagement et utopie dans le lyrisme allemand contemporain, in Etudes Germaniques, avril/juin 1981, p. 178. G. Raulet : Poetische und politische Funktion des Wortes in der deutschen Lyrik der sechziger Jahre, manuscrit dactylogr ., Université de Paris X . Et Hartmut Müller : Formen moderner deutscher Lyrik, Paderborn, Schöningh, 1970.
15 J. Bollack : Un futur dans le passé, l’herméneutique matérielle de Peter Szondi. Préface à P. S. : Introduction à l’herméneutique littéraire de Chladenius à Schleiermacher . Traduit de Einführung in die literarische Hermeneutik par M. Bollack, Paris, Ed . du Cerf, 1989, p. VII.
16 Rainer Maria Rilke : Brief an Aurelia Gallarati-Scotti 5 janvier 1926, in : Briefe in zwei Bänden. Zweiter Band 1919 bis 1926. Herausgegeben von Horst Newski, FfM und Leipzig, Insel Verlag, 1991, p. 388-389. Rilke dit textuellement (en français) : „ Quel beau discours que celui de M. Mussolini, adressé au Gouverneur de Rome ! » (Ibid., 389). Joachim W. Storck donne un commentaire explicatif in : RMR : Briefe zur Politik. Hrsg. von Joachim W. Storck, p. 670. J. W. Storck rapporte les affirmations de Rilke à son état de santé. L’élan du discours qui souligne avec ardeur les développements urbains de la ville de Rome, discours que Rilke a certainement découvert à la lecture du Figaro, aurait tranché sur l’état grave dans lequel il se trouvait. Par ailleurs, Rilke aurait développé une germanophobie grandissante qui le conduisait à apprécier tout ce qui n’était pas allemand, sans discernement.
17 Christoph König, Andreas Isenschmid (dir.) : Engführungen . Peter Szondi und die Literatur. Deutsche Schillergesellschaft, Marbach am Neckar, 2004, p. 10.
18 Paul Valéry : Œuvres (vol. 2). Paris 1960 (Bibliothèque de la Pléïade), p. 687 sq.
19 Exactement, il est dit de ce poème : « Ave Atque Vale », ce sont les mots de Catulle devant la tombe de son frère (« Mon frère, salut et porte toi bien »), qui sont peut-être même encore plus courants en anglais qu’en allemand, notamment du fait de l’élégie éponyme du poète victorien Algemon Charles Swinburne en hommage à son collègue tant admiré, Baudelaire. Que Hamburger renouvelle ici la forme de l’élégie, en la mettant au service d’un message qui chante la vie, voire extatique, il ne paraît utile de le souligner spécifiquement. (M .H . : Unterhaltung mit der Muse des Alters, note, p. 187).
20 Nous indiquons entre parenthèses le numéro du ou des vers concernés, tels qu’ils peuvent être numérotés dans la version d’origine.
21 La critique anglaise relève que l’évocation du vase dans la deuxième partie du poème serait une allusion claire à la poésie de John Keats « Ode to a Grecian Urn » ; sur ce vase dansent des figures peintes qui font apparaître un message qui sera transmis aux générations futures par-delà la vieillesse. En fait Michael Hamburger a ici en tête certainement tout autant Hofmannsthal dont il a traduit les poèmes et auquel il a consacré un essai fondamental. Là, il souligne que Hofmannsthal était conscient des tentations et des dangers que recelaient l’esthétisme (ainsi dans le fameux conte de la 1001e nuit où un vase est également décrit) et qu’en cela, sans encore bien les connaître, il rejoignait les poètes anglais auxquels il s’intéressera par la suite dont W.B. Yeats. Quant à ce dernier, il loue sa conception poétologique consistant à dire que la créativité du poète l’est avant tout dans l’affirmation de l’importance de la négativité. Le poète est celui qui supporte les incertitudes, les secrets, les doutes sans les réduire à une homologie conceptuelle unitaire. (M.H. : Hofmannsthal und England, in ZS, 102-120, particulièrement, 113).
22 Cf. la très belle étude de Peter Waterhouse : Die Nicht-Anschauung… (note 4).
23 Dans « [Eine Selbstinterpretation : ‘At fifty-five’ (‘Mit Fünfundfünfzig’)]“, M. H. définit la mémoire comme une « aptitude humaine qui se trouve à mi-chemin entre l’expérience et l’imagination » (M.H., ProDomo, note 4, 131) et dans un autre essai, il présente son art comme attaché à l’objet : « Aus der Werkstatt eines gegenstandsbezogenen Lyrikers » (ZS, 183-193) . Là il décrit sa propre évolution comme étant en tension avec le symbolisme (ZS, 192, 193) et sa volonté de continuer à écrire comme liée à une perception vive d’objets que sont les arbres d’essence rare, les colombes migratoires (Wandertauben) entièrement disparues d’Amérique ou encore « les êtres humains dont la conscience ou l’absence de conscience font parties des données qui [lui] sont chères » (ZS, 193).
24 M H : Aus einem Tagebuch der Nicht-Ereignisse. Gedicht. Folio, Wien Bozen, 2004. (Où il évoque les mutations de la nature qui, pour être insensibles à une certaine échelle, pourraient préfigurer quelque catastrophe planétaire).
25 D’après : http://jacketmagazine.com/28/cox-hamb.html.
26 D’après : http://jacketmagazine.com/28/cox-jp-int.html.
Auteur
Professeur à l’Université Paul Verlaine, Metz
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