Culture historique locale entre nationalité, Europe et multiculturalité
Dantzig, l’Ermland et Breslau, trois exemples de « territoires reconquis » en Pologne
p. 53-72
Texte intégral
1Dans l’Europe centrale de l’ère du nationalisme et d’un postnationalisme1 dont on peut penser qu’il prend progressivement forme, les régions et localités situées dans des zones intermédiaires ou frontalières entre plusieurs nations ou Etats nationaux, ou bien encore perçues comme telles et revendiquées par plusieurs parties, se trouvèrent plus que d’autres confrontées à des cultures historiques nationales aux rapports conflictuels et on fait de part et d’autre l’objet de réinterprétations récurrentes2 .C’était spécialement vrai là où depuis le XIXe siècle les nations ou Etats nationaux modernes en formation se percevaient mutuellement comme des « ennemis héréditaires » et où, de ce fait, les questions territoriales étaient particulièrement sensibles. Dans le cas de l’Europe centrale, cela ne vaut pas seulement pour les relations des Allemands et de l’Allemagne avec leurs voisins (avant tout les Français, les Danois, les Polonais et les Tchèques), mais aussi pour de nombreuses autres zones frontalières – situées par exemple dans l’ancienne partie orientale de la Pologne, en deçà comme aux marges de la frontière des terres historiquement rattachées à la couronne de Hongrie, et par ailleurs.
2S’agissant du cas germano-polonais, il est désormais parfaitement établi que si les territoires et localités concernés ont connu tensions nationales, dérive nationaliste et dégradation des rapports entre groupes ethniques ainsi que la marginalisation croissante de certains d’entre eux, cela tient pour l’essentiel non à des données locales et régionales mais à l’attitude des autorités centrales des ensembles nationaux concernées3 .
3La confrontation de revendications nationales opposées trouvait son pendant, entre autres, dans le fait que ces localités et régions faisaient l’objet d’interprétations historiques divergentes. Dès lors qu’elles devenaient un enjeu national, leur histoire le devenait également, surtout lorsque les arguments historiques revêtaient une importance décisive et permettaient de conforter du double point de vue historique et juridique des postulats nationaux. Du point de vue de l’historiographie officielle et des sciences historiques nationales, ces lieux jouaient un rôle essentiel et faisaient de part et d’autre l’objet d’efforts ciblés destinés à démontrer leur « caractère historique ». Bien que situés le long des frontières et dans une position périphérique d’un point de vue qui ne se limitait parfois pas à la seule géographie, nombre d’entre eux jouèrent au XIXe et au XXe siècle un rôle spécifique pour l’historiographie officielle ainsi que la culture historique nationales et / ou étatiques et ils acquirent ainsi le statut de symboles, voire de bastions de la légitimité des revendications et luttes nationales. Il suffit de penser à la portée symbolique du Haut-Koenigsbourg en Alsace, de Marienburg/Malbork en Prusse ou de quelques lieux de mémoire modernes dans le Tyrol du Sud (Siegesplatz de Bozen/Bolzano) .
4Dans les régions où la langue allemande et la langue polonaise, l’existence d’un Etat ou d’une tradition étatique nationale allemande ou polonaise ancrée dans l’histoire ou le présent ainsi que les revendications allemandes et polonaises se confrontaient et s’entrecroisaient, ont pris corps dès le XIXe siècle des débats sur le caractère national de leur histoire, de leur évolution et de celle de leur population au fil des siècles, la légitimité de leur rattachement historique à différents souverains ou Etats ainsi que – comme il se doit dans une logique nationaliste – leur vocation historique, leurs réalisations culturelles et économiques ainsi que leur mission civilisatrice. La Prusse orientale et occidentale, la Grande Pologne ou encore la Silésie sont ainsi devenues l’enjeu principal d’un conflit germano-polonais au cours duquel l’histoire a servi d’arme4 et de moyen de mobilisation nationale. De sorte qu’au XIXe siècle elles devinrent en Poméranie, dans les territoires ancestraux de la Prusse avec la Pomérelle, dans l’Ermland et en Mazurie ainsi qu’en Silésie des zones névralgiques pour les relations germano-polonaises, dans le contexte d’une imprégnation nationaliste croissante des sociétés d’Europe centre-orientale. Faisant partie intégrante du royaume des Hohenzollern puis de l’Empire allemand, avec sa politique des nationalités, elles devinrent au plus tard durant la seconde moitié du XIXe siècle des régions gagnées peu à peu aussi par le mouvement national polonais, même si ce ne fut pas sans difficulté et avec un fort retard non seulement par rapport au nationalisme allemand, mais aussi par rapport au nationalisme polonais tel qu’il prenait corps dans le royaume de Pologne, en Galicie, dans les gouvernements de Russie occidentale ainsi que dans la Grande Pologne. Cela déboucha sur des revendications territoriales de la partie polonaise qui se mit à considérer de plus en plus nettement comme terres en définitive polonaises, parmi d’autres, les territoires situés le long du cours inférieur de la Vistule, autrement dit la Prusse occidentale, puis, par la suite, certaines parties de la Poméranie orientale et de la Prusse orientale. Il en résultat des efforts pour incorporer les différents groupes ethniques et linguistiques vivant dans ces régions : les Masures, les Cachoubes, les Silésiens (Schlonsaken, Wasserpolaken) et les habitants de l’Ermland furent présentés comme membres du peuple polonais, Polonais germanisés ayant perdu leur identité polonaise par suite de la politique de germanisation et à qui il convenait de rendre la conscience de leur appartenance polonaise. Cela eut de lourdes conséquences après la Seconde Guerre mondiale, lorsque ces groupes furent exposés à une « politique de repolinisation »5.
5L’évolution de la question nationale entraîna un débat sur le caractère allemand ou polonais de ces régions, et l’étude du passé régional occupa une place dominante dans l’historiographie, le discours public ainsi que la tradition historique du XXe siècle. L’argument principal concernait la composition ethnique de la population à cette époque comme par le passé ainsi que ses raisons d’être, ce qui conférait au terme de germanisation une signification particulière. Partant des catégories modernes du concept de nationalité, on cherchait à établir, sans pouvoir s’entendre sur ce point, qui avait assuré la mise en valeur agricole de ces terres, à qui revenait le mérite des réalisations artistiques, culturelles et scientifiques. Le débat entre Polonais et Allemands concernant la nationalité de l’astronome Nicolaus Kopernik6 est symptomatique de cette situation. A côté de telles références, qui relèvent plutôt du droit naturel, l’appartenance « étatique » de ces régions jouait également un rôle important. Ainsi la partie polonaise considérait comme essentielle pour leur histoire l’époque allant de 1454 à 1772 voire 1793, durant laquelle des liens étroits unissaient l’ancien royaume de Prusse ainsi que ses villes de Dantzig, Thorn et Elbing à la Pologne ; tandis que la partie allemande privilégiait d’une part l’époque de L’Etat teutonique au bas Moyen Age, de l’autre l’ère qui suivit le rattachement à la Prusse. En sorte que de part et d’autre on recourait à la notion de domination étrangère pour montrer que, selon les cas, la période polonaise ou allemande avait été anormale et, au fond, injuste pour ne pas dire insensée7 .
6Le contexte né de la restructuration de l’Europe centrale et orientale après la Première Guerre mondiale et du tracé de la frontière germano-polonaise a suscité de violentes querelles dans l’opinion publique comme parmi les scientifiques qui étudiaient l’histoire de la région. L’« absurdité du couloir de Dantzig », rejeté par la partie allemande, devint un thème aussi central que, du côté polonais, le plaidoyer pour « Polska nad Bał tykiem », « la Pologne jusqu’à la Baltique ». De ce point de vue, la « lutte pour la Vistule » était une des tâches principales qui incombaient à des milieux scientifiques mis au service de la cause nationale8. Cela continua d’une certaine manière après la Seconde Guerre mondiale et après le rattachement à la Pologne du sud de l’ancienne Prusse orientale, de Dantzig et de la Poméranie orientale. Les milieux scientifiques polonais se virent chargés de justifier par des arguments scientifiques les « actions de repolinisation » engagées dans ces régions et d’établir qu’elles étaient polonaises au regard de l’histoire, afin de légitimer par l’histoire les nouvelles extensions territoriales en montrant qu’il s’agissait de terres rendues à la Pologne9.Même si par la suite ces objectifs ont cessé d’être prioritaires, la focalisation sur les thèmes liés à la nation polonaise dans l’historiographie régionale n’en restait pas moins typique des « régions reconquises » ; l’accent y était mis sur la population, la langue et la culture polonaises ou bien sur l’appartenance à l’Etat polonais dans le passé. Et en dépit des nouveaux accents, très nombreux et forts, qui se sont imposés dans l’historiographie polonaise bien avant la chute du régime communiste, cette tendance s’est perpétuée pour partie jusqu’à aujourd’hui. A l’inverse, la perception allemande de l’histoire de la Poméranie et de la Pomérelle était étroitement liée dans les décennies d’après-guerre au thème des déplacements de population, à l’étude de la culture régionale des régions concernées, et marquée par la dimension politique de cette problématique. Il fallut attendre le nouveau cours politique et le changement de génération pour qu’émergent de nouvelles impulsions10 .
7De ce point de vue, on peut constater durant les dernières décennies un changement de paradigmes progressif tout à fait significatif. Le temps passant, les régions qui ont constitué depuis le XIXe siècle l’enjeu des conflits nationaux germano-polonais sont mises au service de schémas de légitimation et de modes d’identification totalement différents. Sans que les perspectives nationales antérieures soient pour autant totalement abandonnées, l’histoire strictement polonaise ou allemande a fait place, dans une proportion significative et de plus en plus importante au sein du débat historique public ainsi que des sciences culturelles et historiques, à une histoire polonaise et allemande, voire dans une perspective plus large à une histoire explicitement et délibérément multiculturelle et européenne. Les nouvelles approches et les nouvelles perspectives historiographiques sont concomitantes d’une redéfinition des objectifs politiques. Deux cas très concrets des années quatre-vingt-dix permettent d’illustrer ces tendances, considérées ici du point de vue polonais et de son évolution. Alors que dans le cas de Dantzig et des festivités marquant le millénaire de sa fondation en 1997 notre attention se portera surtout sur le débat historique public, les aspects culturels et scientifiques prédomineront en ce qui concerne la situation culturelle de l’Ermland . Puis le cas de Breslau sera analysé sous l’angle de la typologie afin d’attirer l’attention sur une variante particulière du transfert symbolique de références historiques régionales.
8Au XXe siècle, Dantzig était l’un des sites les plus riches de traditions dans une Pomérelle que se disputaient Polonais et Allemands. Alors que la partie allemande mettait en avant, de manière tantôt explicite, tantôt implicite, les réalisations culturelles allemandes à l’Est, la partie polonaise voulait voir dans la formule « miasto wierne Rzeczypospolitej »11 (une ville fidèle à la Rzeczpospolita) la quintessence de l’histoire de Dantzig . Il est toutefois frappant de constater que depuis les années quatre-vingt l’historiographie polonaise accorde de plus en plus d’attention à la culture germanophone et aux élites, sans pour autant se détourner automatiquement des schémas d’explication antérieurs .12 Cette évolution doit autant à une prise de distance critique par rapport à l’optique nationale dans l’étude de l’histoire des siècles passés qu’au contexte politique. En définitive c’est précisément Dantzig, considérée comme une « deuxième capitale de la Pologne »13 inofficielle par suite de l’évolution politique des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, qui est devenue le principal exemple de prise en compte renforcée des connexions internationales, multiculturelles et européennes par la culture historique et la politique, tant au niveau local que national – tout du moins pour les élites. A elle seule la formule de marketing touristique « miasto hanzy i Solidarności » (la ville de la Hanse et de Solidarność) associait, dans les années quatre-vingt-dix, les références au passé européen et à la dimension nationale moderne de l’histoire de la ville, en donnant une interprétation aisément compréhensible pour les étrangers et les Polonais. Dantzig devint ainsi le lieu dont les traditions germano-polonaises, puis plus encore les traditions internationales, multiculturelles et explicitement européennes furent de plus en plus soulignées et utilisées dans le discours politique.14 Ces références ont en particulier servi à légitimer et étayer les relations internationales de la ville, de la région et de l’Etat . Les rapports de partenariat réactivés entre deux villes hanséatiques, Dantzig et Brême (ils furent noués dès 1976, dans le cadre du premier jumelage officiel entre la République fédérale d’Allemagne de l’époque et la République populaire de Pologne), revêtirent aussi en ce sens une signification particulière ; ils témoignaient d’une « solidarité hanséatique »15 et étaient sensés démontrer une continuité historique entre la Hanse et Solidarnośé . Ce terme de « solidarité » (en polonais solidarność), qui faisait clairement écho aux événements de Dantzig durant les années quatre-vingt et à leur signification pour l’ensemble de la Pologne ainsi que pour l’étranger, mais en fait s’appliquait implicitement à Dantzig même, renvoyait explicitement aux efforts déployés en matière de rapprochement germano-polonais ; tandis que la référence à la Hanse renvoyait à la collaboration des villes de la Baltique au sein d’une association appelée Nouvelle Hanse.
9A l’occasion du millénaire de la fondation de la ville en 1997, le jumelage avec Brême fut intensifié avec force références historiques. Parmi les festivités communes organisées à cette occasion on comptait par exemple un match amical entre les équipes de football de Lechia Gdansk et Werder Bremen ainsi que l’arrivée à Dantzig en août 1997 de l’« Ubena », reconstitution d’une cogue de la Hanse partie de Brême .
10Que ce soit dans le cadre des relations bilatérales avec l’Allemagne, de la collaboration régionale sur le pourtour de la Baltique ou bien des efforts d’intégration européenne de la Pologne, la tradition historique de Dantzig ainsi remise au jour offrait une base argumentaire et un cadre parfaitement adaptés. Non sans raison Dantzig accueillit dans les années quatre-vingt-dix nombre de négociations et rencontres politiques, dont quelques rencontres au sommet comme lors de la venue en Pologne des chefs d’Etat britannique, allemand, danois, suédois, tchèque ou turque. Cette évolution connut son apogée avec les festivités organisées pour le millénaire de la ville au printemps 1997.16 Responsables politiques et milieux culturels exposèrent à cette occasion leur vision de l’histoire de la ville, en insistant tout particulièrement sur les dimensions multiculturelle et européenne. Dans la brochure officielle intitulée « Dantzig cité millénaire », tout à fait révélatrice, qui a été éditée pour l’occasion après avoir été préparée par le comité d’organisation des festivités du millénaire, on peut lire : « L’histoire de Dantzig est une mosaïque faite des grandes et des petites histoires de la Pologne, de l’Europe et aussi du monde […] Située au point de rencontre des routes commerciales ainsi que des cultures slave, germanique et scandinave, Dantzig était un creuset. […] Par le passé s’y rencontraient les colons polonais et allemands, les Flamands, les Ecossais, les Hollandais, les Italiens, les Français, les Scandinaves »17. Certes la Dantzig polonaise est ici prédominante, mais les facettes allemandes, puis éminemment internationales de l’histoire culturelle n’en sont pas moins régulièrement évoquées, ce qui n’a cependant pas empêché les auteurs de considérer « l’époque du rattachement à la couronne polonaise » comme « l’âge d’or de Dantzig ».18 Il n’en reste pas moins qu’il y a là une tentative très intéressante pour « internationaliser » une tradition conçue jusqu’alors comme spécifiquement polonaise : le mois d’août 1980 et la naissance de Solidarność « ont marqué le début d’une nouvelle époque en Europe orientale »19.
11Pratiquement à chaque étape, la dimension internationale, multiculturelle et européenne ainsi que la collaboration germano-polonaise ont été présentées comme donnant son sens à l’histoire de Dantzig. Ainsi peut-on lire dans le discours de bienvenue du Président de la République Alexander Kwaśniewski : « L’histoire de Dantzig est un exemple de tolérance et de collaboration entre les nations. Chaque fois qu’elle était placée sous le signe de la tolérance, la ville prospérait. Lorsque l’intolérance l’emportait, la ville déclinait. […] Dantzig a de tous temps été une zone de contact dans les relations polono-germaniques, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. J’espère qu’avec l’entrée dans la nouvelle Europe Dantzig restera un point d’ancrage pour les contacts entre la Pologne et l’Allemagne »20. Encore convient-il de noter l’existence de conflits d’autre nature en contrepoint de ces appels à surmonter les frontières, à faire œuvre de tolérance et à collaborer par delà le cadre strictement national, dans la mesure où les fêtes du millénaire de Dantzig ont été le révélateur de nombreux conflits de politique intérieure. C’est ainsi que le président, de droite, du conseil municipal n’a pas personnellement invité le Chef de l’Etat aux manifestations officielles, à la différence de Lech Wałęsa ; sa lettre a simplement été lue lors de la séance solennelle. De même, les membres de gauche du conseil municipal ont refusé de paraître revêtus, comme les autres, d’une toge style Renaissance, pour marquer leur opposition à la majorité de l’assemblée21.
12L’Eglise n’est pas non plus restée en retrait, tout du moins en ce qui concerne la figure historique de saint Adalbert dont la mission en Prusse en l’an 997 est à l’origine de la première évocation attestée de la urbs Gyddanycz . Non seulement la personnalité de l’évêque de Prague fut au centre de manifestations – par exemple lors de symposiums scientifiques ou bien à l’occasion du grand défilé historique à travers la ville – mais on a régulièrement rappelé sa dimension internationale, le rôle de la vénération du martyr non seulement pour la tradition culturelle polonaise, mais aussi tchéco-bohémienne, hongroise et allemande. Dans ce contexte, saint Adalbert, la Hanse et d’autres sujets concrets ont été « internationalisés » et ont servi à légitimer une lecture multiculturelle, voire européenne de l’histoire. Le saint a ainsi été présenté comme un grand Européen, ce qui faisait écho à des tendances similaires dans la culture tchèque de l’époque. L’association « duc tchèque/de Bohême, saint patron polonais, Européen » se retrouvait également dans le titre d’une longue interview du grand médiéviste polonais Henryk Samsonowicz parue dans le journal libéral Gazeta Wyborcza22. Le cardinal Józef Glemp a souligné pour sa part que la mission d’Adalbert, partant de Dantzig pour s’étendre à l’ensemble de la Prusse, a constitué « une grande idée, mûrement réfléchie, dans le but de surmonter les barrières qui séparaient les mondes chrétien et païen ».23 Cette interprétation du conflit historique le transformait pratiquement en une collaboration, en échange fructueux, mettant l’accent sur l’échange non entre deux cultures nationales mais entre deux religions, plus exactement entre le christianisme et le monde non chrétien. La première de la pièce donnée par le groupe Offenes Theater Danzig dans la salle du théâtre Wybrzeze (sur la côte) le 23 avril 1977 constitue un chapitre particulier de la commémoration de saint Adalbert . Sic itur at Deum, pièce de Urszula Wojtkiewicz et du directeur du groupe Dariusz Wójcik, était consacrée, au delà des grands aspects de la légende d’Adalbert, à son « pèlerinage » depuis la Bohême, en passant par Rome, la France, l’Allemagne et la Pologne, jusqu’en Prusse. Se référant pour sa part à l’Europe, Reinhold Lehmann a le mieux rendu la nouvelle signification symbolique d’Adalbert : « Adalbert était en tous points un Européen. Comment aurait-il sinon pu devenir un saint polonais, lui originaire de Bohême ? Si on recherche de nos jours un lobbyiste pour défendre à Bruxelles l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne, saint Adalbert aurait tout à fait le profil requis »24. Tandis que le Varsovien Adam Krzemiński constatait de façon tout aussi justifiée : « Je veux bien, mais aujourd’hui l’Europe peut s’étendre vers l’Est sans que plus personne n’exige pour cela de martyre »25. Par quoi la mission européenne d’Adalbert ainsi révisée devient un fait quasiment établi et se trouve symboliquement associée à l’actuelle « dimension européenne de l’UE » lors d’un moment clef des préparatifs de la Pologne pour son intégration future à l’Union européenne26 .
13Comme nous l’avons déjà noté, les fêtes du millénaire de 1997 ne sont pas un phénomène isolé dans la démarche qui vise à démontrer le caractère international, multiculturel et européen de l’histoire locale et régionale de Dantzig ; mais elles constituent un temps fort dans une évolution qui va des années quatre-vingt-dix jusqu’à nos jours. Il serait assurément réducteur de n’y voir qu’une stratégie des élites culturelles, scientifiques et municipales. Même s’il est inévitable de se demander dans quelle mesure ces nouvelles perspectives influencent la perception de l’histoire qu’ont les habitants de Dantzig et plus généralement les Polonais, au-delà des seules élites et de la mise en valeur de la ville (car leur genèse, leur mise en forme et leur diffusion leur confère sans conteste un caractère élitaire), d’autres aspects de cette culture historique ne doivent pas pour autant être oubliés. Celle-ci ne se limite pas, en effet, à quelques occasions solennelles ou exceptionnelles de portée internationale, elle concerne aussi d’importants groupes sociaux au sein même de la ville comme en dehors d’elle. Elle joue ainsi, depuis les années quatre-vingt-dix, un rôle plus grand dans la vulgarisation de l’histoire, dans la littérature locale et régionale ainsi que dans le marketing touristique de la ville. Dans leur conscience politique, les Polonais semblent de moins en moins associer Dantzig à l’assaut contre la poste polonaise en septembre 1939 (scène qui marqua fortement l’image de la ville dans le contexte politique du fait des événements de l’époque ainsi que de leur représentation ultérieure à des fins de propagande ou artistiques) .27 C’est plus le thème de la résistance au régime communiste dans la Pologne des années soixante-dix et quatre-vingt qui joue un rôle important durant les trois dernières décennies. Tout en restant dans le cadre de l’histoire nationale immédiatement contemporaine, on s’intéresse dès lors non seulement à des événements de portée internationale, mais aussi à des faits qui ne concernent plus en premier lieu un conflit national. Quant aux divers sujets portant sur l’histoire de Dantzig à la fin du Moyen-Âge et au début de l’ère moderne analysés sous l’angle de la multiculturalité, ils semblent plus familiers à un certain public local qui leur prête intérêt. Le marketing touristique précédemment évoqué est à l’inverse orienté vers un public international et vise à renforcer l’attractivité touristique de la ville de manière ciblée en jouant de la multiculturalité.
14Dans la perspective longue des deux dernières décennies, on peut également observer dans l’Ermland une évolution semblable à celle de Dantzig, bien que ce territoire ait été aussi fortement marqué par les conflits nationalistes du XXe siècle. L’Ermland28 a résulté de l’élévation, au XIIIe siècle, d’un évêché au rang de principauté au sein de l’ordre Teutonique médiéval, puis de l’empire de Prusse rattaché à la couronne polonaise, dans lequel l‘évêque exerçait également le pouvoir séculier en commun avec le chapitre.29 A la suite du premier partage de la Pologne, il fut rattaché à la province prussienne de Prusse orientale. Sous la monarchie prussienne puis l’Empire allemand, la région connut toutes les vicissitudes résultant des mesures d’intégration nationale, de l’antagonisme germano-polonais croissant et du Kulturkampf – ce dernier soulevant d’autant plus de difficultés que la majorité de la population germanophone était catholique romaine. Depuis le dernier quart du XIXe siècle, l’Ermland est devenu de plus en plus un sujet de discorde entre l’Allemagne et la Pologne, et même de revendications territoriales après la Première Guerre mondiale. Comptant au nombre des territoires rattachés à la Pologne après 1945 où furent pratiquées des « mesures de repolinisation », l’Ermland devint l’objet d’une culture historique intensive tant de la part de la Pologne que des Allemands expulsés.30 Cela a contribué à entretenir les controverses nationales dans l’historiographie. Cependant, les choses ont peu à peu changé dans le domaine culturel depuis les années soixante-dix et quatre-vingt et plus fortement encore après 1989 . De nombreux historiens et acteurs de la vie culturelle polonais de la nouvelle génération ont pris en compte la situation traditionnellement frontalière de la région. Il s’agit en l’occurrence de personnes dont les ancêtres habitaient ces lieux avant la Seconde Guerre mondiale ou bien sont venus s’y installer après le rattachement à la Pologne. Les notions de frontière, multiculturalité et transfert culturel sont devenues en quelque sorte des termes clefs incontournables de la nouvelle perception des traditions de l’Ermland. La multiculturalité, le multilinguisme et la multiconfessionnalité constituent des leitmotivs récurrents de la tradition régionale. Ce n’est pas le fruit du hasard si Robert Traba, principal représentant de ce mouvement et fondateur (1990) de la revue Borussi, éditée à Olsztyn et largement consacrée à la multiculturalité de la région, a qualifié l’Ermland et la Mazurie de « pays aux mille frontières »31, une démarche qui inclut également les traditions culturelles allemandes et juives. La politique de repolinisation ainsi que les années d’après-guerre font l’objet d’un regard très critique et le mythe de la « reconquête » est remis en question32, sans que cela débouche pour autant sur un conflit fondamental avec l’identité nationale polonaise. Dans le premier numéro de la revue du même nom, on pouvait lire : « Nous sommes conscients du passé culturel et multiethnique [de la région]. […] Tout en représentant l’identité polonaise, nous mettons aussi au jour l’héritage borussien [référence aux Prußen/Pruzzen ou Borussiens dont la langue s’est définitivement éteinte au XVIe/XVIIe siècle – remarque de l’auteur], allemand et local de la région afin de montrer que – tout en rappelant les tragédies du XXe siècle – nous aspirons à vivre dans une patrie libre et démocratique et respectons dans le même temps les autres peuples »33. Dans ce contexte, le fait que l’Ermland et la Masurie constituent la voïvodie dont la population comporte le plus grand nombre de non Polonais (10 %)34 est perçu comme un symbole positif – dans la mesure où « ce melting pot culturel est typique des sociétés frontalières. Un état de fait qui n’est pas nouveau dans cette région »35. La situation frontalière du double point de vue ethnique et culturel est ainsi présentée comme l’un des principaux facteurs identitaires de la région. Ceci ne se réfère cependant pas tant au fait que l’Ermland septentrional constitue l’actuelle frontière de la Pologne ; la coexistence de diverses cultures, religions et langues ainsi que les fluctuations de l’appartenance étatique par le passé sont à l’évidence perçues comme l’essentiel.
15« L’Ermland éternelle région frontalière »36, cette formule n’est pas, dans un tel contexte, synonyme de situation périphérique problématique. A une époque placée sous le signe de l’interculturalité et de la collaboration internationale, se trouver en limite d’une frontière est perçu comme une donnée positive. De tels arguments sont en particulier utilisés – et pas seulement dans le cas de l’Ermland – pour justifier et intensifier la coopération internationale, voire l’intégration de la Pologne à l’Union européenne. Certes, on pourrait se demander dans quelle mesure cela permet également aux initiateurs de cette tendance de s’autojustifier .Mais dans la région concernée et dans ce contexte, une question déjà évoquée paraît plus essentielle : dans quelle mesure les opinions et le sentiment de ceux qui défendent la tradition de multiculturalité de l’Ermland, découlant de sa situation frontalière, rayonnent-ils au delà de leur seul cercle, dans quelle mesure sont-ils également partagés par la population actuelle de l’Ermland en dehors de l’élite culturelle, interculturelle et peut-être aussi politique ?
16Les phénomènes que nous venons de retracer à grands traits dans le cas de Dantzig et de l’Ermland se retrouvent mutatis mutandis dans des lieux et régions similaires – la Cachoubie, Toruń, Stettin, mais aussi la Silésie, même si la Gdańsk des années quatre-vingt-dix présente à n’en pas douter la dimension explicitement européenne la plus marquée. En Silésie comme dans d’autres régions – outre l’Ermland on peut évoquer par exemple la Poméranie polonaise ou bien la Cachoubie – l’accent était plutôt mis sur les relations « bilatérales » ou « trilatérales » que comportait un passé germano-polonais, polonais-cachoube-germanique, polono-ger-mano-tchèque. Dans le cas de la Silésie, on note durant les années quatre-vingt-dix l’émergence de nouveaux paradigmes dans l’étude de l’histoire régionale, que ce soit du point de vue polonais, allemand ou tchèque37, ainsi que des amorces de coopération transfrontalière.38 La mise en perspective internationale et européenne de l’héritage culturel ainsi que de la culture historique dans le contexte de l’intégration européenne ont pris des formes spécifiques dans les régions frontalières ; y sont en effet apparues des ébauches de coopération, en particulier dans les nouvelles Eurorégions qui présentent parfois par endroits une cohérence régionale interne du point de vue historique, sans cependant correspondre précisément, sauf cas exceptionnel, à des provinces historiques ni à d’autres entités politiques. En Silésie, on relève des exemples de coopération remarquables dans les régions de Zittau, Liberec (Reichenberg) et Jelenia Góra (Hirschberg) ainsi que dans l’Eurorégion Neiße (en polonais Nysa, en tchèque Nisa), de même que dans le Glatzer Land (en polonais K łodzko/ ziemia kłodzka, en tchèque Kladsko)39 .
17Cependant, la métropole silésienne de Breslau (en polonais Wrocław, en tchèque Vratislav) constitue depuis les années quatre-vingt-dix un cas à part dont les spécificités ne peuvent être qu’esquissées dans le cadre de cet article. Après la Seconde Guerre mondiale, la ville est devenue une des principales agglomérations polonaises, un centre économique et culturel qui joue un rôle central pour la Basse Silésie et dont l’importance dépasse le cadre purement régional. La Seconde Guerre mondiale et le « glissement vers l’ouest » des frontières polonaises ont induit un échange complet de population.40 La particularité de la situation tenait au fait qu’à la place de la population allemande sont arrivés essentiellement des Polonais en provenance d’Ukraine occidentale, précédemment polonaise et désormais rattachée à l’Union soviétique. Dans ce contexte, Breslau devait également assurer une certaine continuité avec l’ancienne cité polonaise de Lemberg (en polonais Lwów, en ukrainien Lviv), en particulier dans le domaine de la culture et de l’éducation. C’est ainsi que certaines parties de l’ancienne université polonaise ont été transférées de Lemberg à Breslau41 tout comme une grande partie de l’Ossolineum (Institut national Ossolinski/ Zakład Narodowyim . Ossoliń skich), une des principales institutions littéraires et scientifiques de Pologne, regroupant bibliothèque et archives, qui, créée en 1817, a toujours symbolisé Lemberg ainsi que la Galicie.
18C’est pourquoi nombre d’institutions et d’habitants de Breslau ont aujourd’hui encore un « héritage mémoriel » qui les rattache à Lemberg et à l’Ukraine occidentale et auquel ils s’identifient souvent – alors même qu’ils vivent depuis deux voire trois générations à Breslau. Ce phénomène a également trouvé son expression dans les manifestations visibles de l’histoire culturelle et du souvenir de manière beaucoup plus marquée depuis les années quatre-vingt que par le passé.42 On trouve aujourd’hui dans les églises, les rues et les parcs de Breslau une concentration remarquable, et en tout état de cause inhabituelle, de monuments et de plaques commémoratives qui rappellent le souvenir des civils et des soldats polonais morts pendant les combats ayant eu lieu dans l’Est d’antan, en particulier en Ukraine occidentale, et qui les présentent comme les victimes de la terreur soviéto-communiste, nazi ou encore ukrainienne. Bien que la plupart n’aient été dévoilés que durant les années quatre-vingt-dix, on ne peut manquer de relever dans certains cas une connotation latente anti-ukrai-nienne. Ce qui n’est toutefois pas le cas du plus grand monument, érigé à la mémoire des 22 000 soldats et policiers polonais faits prisonniers par les Soviétiques et assassinés au début de la Seconde Guerre mondiale. Et ce ressentiment concerne en règle générale l’ancienne partie orientale de la Pologne et non pas directement l’actuelle Ukraine occidentale. Alors que ce monument n’a pu être édifié qu’après le changement de régime (il a été dévoilé en octobre 2000), se dresse depuis 1964 sur la place de Tannenberg (place Grunwaldzki), à l’est du centre-ville historique, un « monument à la mémoire des Professeurs de Lemberg » dédié aux 25 scientifiques et aux membres de leurs familles exécutés en 1945 par les occupants allemands. Par ailleurs, et en dépit de son éloignement géographique, Breslau est un lieu où se concentre l’intérêt culturel et scientifique pour l’ancienne Galicie, mais aussi pour l’Ukraine moderne et contemporaine, y compris pour le peuple ukrainien – comme on peut le constater entre autres dans quelques librairies du centre-ville.
19L’intérêt pour Lemberg, la Galicie et l’Ukraine est particulièrement visible dans l’image populaire et touristique que la ville donne d’elle-même.43 Parmi les institutions culturelles, cette continuité n’est pas seulement incarnée par l’Ossolineum précédemment évoqué, dont les bâtiments ont été rénovés en 2000 et à la signification et la genèse duquel sont avant tout sensibles les milieux scientifiques et culturels ainsi que le public intéressé par cette question. Pour la majorité des habitants de Breslau ainsi que pour les touristes polonais et certains touristes étrangers, la principale attraction est le panorama de Racławice . Cette fresque circulaire de style illusionniste, longue de 114 mètres et haute de 15 mètres, peinte par Jan Styka (1858-1925) et Wojciech Kossak (1857-1942), représente la première grande bataille du soulèvement de Kościuszko en 1794, qui s’est déroulée aux environs de Cracovie et terminée par une célèbre victoire polonaise ; en 1894, à l’occasion du centenaire de cet événement et de l’inauguration de la grande exposition consacrée à la Galicie, elle fut présentée à Lemberg, capitale galicienne, avec l’accord des autorités autrichiennes et y est demeurée jusqu’au bombardement d’avril 1944. L’œuvre fut certes remise à la Pologne par l’Union soviétique et transférée à Breslau pour y être restaurée, mais il fallut attendre le nouveau contexte social des années quatre-vingt pour que soit trouvée une solution définitive. La réouverture de cet ouvrage du passé, considéré comme un symbole de Lemberg, qui intervint « logiquement » à Breslau le 14juin 1985 a compté au nombre des moments forts de la vie culturelle locale de l’après-guerre. Jusqu’à aujourd’hui, les visiteurs polonais font massivement le voyage pour visiter cet endroit. De la même manière, on a installé dès 1956 au cœur de la place du marché de Breslau la statue de A. Fredo, œuvre de Leonard Marconi, initialement située à Lemberg depuis 1879. Le comte Alexander Fredo n’était pas seulement l’un des principaux dramaturges polonais du XIXe siècle, c’était également un membre éminent et un porte-parole important de la diète durant le Vormärz.
20Ces références ont conféré une signification particulière à la « repolinisation » de l’image de la ville et de la perception de son histoire après la Seconde Guerre mondiale. Il fallut attendre les dernières décennies pour que la référence à l’entité polonaise dans la présentation du passé devienne moins prégnante et pour que soit mieux prises en compte les dimensions locale et régionale. Qu’après la Seconde Guerre mondiale on n’ait guère été sensible à une histoire « allemande » de la ville n’a rien de surprenant. Depuis les années quatre-vingt-dix par contre les « traditions allemandes » semblent trouver leur place dans la perception multiculturelle et internationale de l’histoire de la ville, y compris la tradition des ducs de Piaste en Silésie.44 Le centre-ville historique conserve des témoignages de la symbolique bohémienne du Bas Moyen-Âge et du début des Temps modernes.45 Par contre, on ne trouve guère de références à une dimension internationale de l’université de Breslau en dehors du milieu scientifique, même en rapport avec les débuts du nationalisme moderne, lorsqu’elle exerça simultanément une influence non négligeable sur le mouvement national allemand, polonais, tchèque, sorbe et cachoube.
21Mais ce qui caractérise de plus en plus la dimension historique clairement affichée du centre-ville historique, c’est une ambiance qui rappelle la Galicie d’autrefois, un pays situé plusieurs centaines de kilomètres plus à l’est. A lire les noms des restaurants, des hôtels, des cafés ou encore des spécialités sur les menus, on a l’impression de se trouver dans un centre-ville de l’ancienne Galicie habsbourgeoise, non dans la capitale d’une province de l’Etat prussien : A l’Empereur (avec une connotation symbolique qui rappelle la double monarchie autrichienne), restaurant de Lemberg, à la Dzieduszycki (nom d’une des familles de l’aristocratie galicienne les plus influentes au XIXe siècle), « à l’ukrainienne », bière de Lemberg et bien d’autres dénominations rappellent fortement des phénomènes similaires à Cracovie et dans quelques autres villes de Pologne méridionale situées entre 1772/1795 et 1918 en Galicie habsbourgeoise et sujettes à la nouvelle vague de mythisation de l’ancien empire habsbourgeois ainsi que de sa province galicienne46 (voir entre autres Przemyśl, Sanok).
22La mise en valeur proclamatoire de la multiculturalité de l’histoire de Breslau a connu une impulsion particulière au début du XXIe siècle avec la parution d’un ouvrage de Norman Davies, historien britannique de renommée mondiale particulièrement apprécié en Pologne47 pour ses écrits sur l’histoire polonaise, et de son collègue Roger Moorhouse, dans lequel Breslau est décrite à travers toute son évolution historique comme l’archétype d’une ville d’Europe centrale.48 L’ouvrage a été écrit en collaboration directe et avec le soutien de la municipalité de Breslau, et repose sur des travaux qui ont reçu un appui international en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Pologne. Mettre en valeur la dimension internationale et multiculturelle de l’histoire de la ville constitue la thèse centrale et l’intention déclarée de cette imposante publication. Encore convient-il de noter que ce travail fait apparaître les limites d’une telle démarche lorsqu’elle tourne à une remise en question systématique, dépourvue de dimension critique et de recul, de l’historiographie nationale et devient un instrument de culture historique. C’est précisément sur ce point touchant à la fonction de l’historiographie que les auteurs sont pris dans une contradiction symptomatique entre leur attitude critique vis-à-vis des perspectives ayant prévalu avant eux et leur déclaration de principe. Ils n’hésitent pas à condamner pour des motifs moraux et professionnels les historiens du XIXe et du XXe siècle en leur reprochant de considérer l’histoire chacun de son seul point de vue strictement national, d’appliquer rétrospectivement au passé l’idée de nation et de déformer en l’actualisant, voire d’instrumentaliser ainsi l’histoire pour les besoins de leur époque. Or leur propre démarche constitue un exemple type de cette pratique dans la mesure où ils partent du postulat que l’histoire de Breslau est placée sous le signe de la multiculturalité et doit être écrite comme telle : « Les archétypes nationalistes rigides doivent être rejetés au profit d’un kaléidoscope multiculturel changeant »49. Mais ce n’est là qu’un exemple frappant parmi beaucoup d’autres dans lesquels l’étude transfrontalière « commune » du passé de différentes régions et localités est justifiée par la même démarche intellectuelle. Il est dès lors à peu près inévitable d’aborder le thème de la fonction identificatrice de l’histoire et de son interprétation, car si dans tel ou tel cas l’intégration de nouvelles démarches historiographiques dans le canon d’un passé multiculturel, international et européen peut reposer sur une ferme croyance en la « vérité objective » et la « justesse » de cette perspective, dans le cas présent on ne peut manquer de relever une similitude avec l’engagement identitaire des activistes propagateurs de l’idée-nationale : on formalise une certaine identité collective, on lui donne corps par recours à l’histoire et on la propage. Aussi bien Dantzig que Breslau, avec la culture historique attachée à ces deux cités, sont des exemples d’une dénationalisation programmatique largement posée en postulat de l’extérieur. Certes le milieu local des élites culturelles, scientifiques et communales est à l’origine d’impulsions importantes, mais celles-ci sont renforcées par le poids des postulats et déclarations décisifs d’hommes politiques, d’historiens et d’acteurs de la vie culturelle extérieurs aux villes concernées ainsi que, éventuellement, par les attentes des visiteurs étrangers (décryptage des imbrications de l’histoire internationale pour les uns, retour touristique empreint de nostalgie dans le pays natal perdu pour les autres). En ce sens, on pourrait dresser un parallèle entre la nationalisation des régions frontalières ethniques au XIXe et au début du XXe siècle érigée en postulat par certains centres de décision nationaux d’une part et, de l’autre, l’internationalisation, la multiculturisation et l’européanisation revendiquée pour partie également par les milieux politiques et culturels. L’Ermland se distingue de ce point de vue de Dantzig et de Breslau dans la mesure où les principales impulsions y ont émané presque exclusivement des élites culturelles régionales.
23La comparaison avec la République tchèque voisine ouvre une perspective intéressante : les deux pays sont certes confrontés au problème délicat des transferts de population intervenus après la Seconde Guerre mondiale, avec ses retombées sur la vie politique intérieure tant en Pologne qu’en République tchèque. Mais on ne peut guère imaginer en arriver à une « internationalisation » et une « multiculturisation », voire à une européanisation programmatique aussi marquée de l’héritage culturel laissé par l’histoire dans les régions autrefois germanophones de la République tchèque, en dépit de quelques efforts faits en ce sens. Une des conditions préalables, en dehors du domaine politique, tient peut-être à la densité des relations transnationales entre les cultures locales concernées dans les exemples polonais que nous avons envisagés : que ce soit à Dantzig, à Thorn, à Breslau ou dans l’Ermland, il est tout à fait possible de présenter les traditions culturelles comme multiculturelles au sens propre de ce terme, tandis que dans le cas de la Bohême ces rapports ne sortent guère du cadre de la biculturalité germano-bohémienne. La capitale Prague, où un mythe idéalisé de multiculturalité s’est à nouveau imposé après 199050 et qui pourrait être comparée en plus d’un point aux centres urbains de Pologne occidentale, constitue une exception. Encore convient-il de ne pas occulter une différence fondamentale : Prague n’est pas, comme Dantzig ou Breslau, une cité rattachée à un Etat national actuel à la suite de la Seconde Guerre mondiale et qui, de ce fait, aurait eu le besoin impérieux de légitimer par l’histoire ce changement d’appartenance.
24Analyser les nouvelles cultures historiques locales et régionales, c’est prendre avant tout en compte des visions, des programmes, des schémas de légitimation et leur concrétisation. Dès lors, il est clair que même dans le cas de la Pologne les interprétations à dominante multiculturelle et européenne des traditions locales et régionales présentées dans cet article, s’agissant de la côte de la mer Baltique ou de Breslau, ne sauraient faire l’unanimité. Peut-être parce qu’il s’agit là de notions au premier abord élitistes. Mais c’est justement de cela qu’il s’agit : de formuler et de propager diverses alternatives d’identité ; d’une identité, au sens national, transfrontalière et peut-être même européenne. La diffuser, la justifier, c’est donc aussi montrer sa dimension historique et réinterpréter en ce sens l’histoire des lieux et des régions concernés. Il n’y a pas d’identité européenne sans histoire européenne. L’identification avec l’interculturalité suppose une tradition historique et une lecture de l’histoire placées sous le signe de la multiculturalité, tout comme les mouvements nationalistes et les nationalismes du XIXe siècle avaient besoin d’une interprétation nationale de l’histoire. Et si un cercle se referme de la sorte, alors nous pourrons non seulement saisir avec plus de justesse et de recul critique le rôle et les positions de l’historiographie, mais encore mieux comprendre aussi les historiens du nationalisme, tous les créateurs des historiographies nationales.
Notes de bas de page
1 Alain Dieckhoff : La nation dans tous ses états. Les identités nationales en mouvement. Paris 2005, S. 304-310 ; Hans-Ulrich Wehler : Nationalismus . Geschichte – Formen – Folgen. München 2001, p. 104-115, entre autres titres.
2 S’agissant des notions de culture historique et d’historiographie officielle, voir essentiellement Wolfgang Hardtwig : Geschichtskultur und Wissenschaft . München 1990 ; Jörn Rüsen : Was ist Geschichtskultur ? Überlegungen zu einer neuen Art, über Geschichte nachzudenken . In : Klaus Füßman u . a. (Hrsg .) : Historische Faszination . Geschichtskultur heute. Frankfurt a. M. 1994, S. 3-26 ; Bernd Mütter u . a. (Hrsg .) : Geschichtskultur. Theorie – Empirie – Pragmatik . Weinheim 2000 ; Thomas E. Fischer : Geschichte der Geschichtskultur. Köln 2000.
3 Voir Thomas Serrier : ‚Deutsche Kulturarbeit in der Ostmark’ . Der Mythos vom deutschen Vorrang und die Grenzproblematik in der Provinz Posen (1871-1914). In : Michael G . Müller
– Rolf Petri (Hgg.) : Die Nationalisierung von Grenzen. Zur Konstruktion nationaler Identität in sprachlich gemischten Grenzregionen .Marburg 2002, p. 13-33 ; Ralph Schattkowsky : Nationalismus und Konfliktgestaltung. Westpreußen zwischen Reichsgründung und Erstem Weltkrieg. In : Id., p. 35-79.
4 Edgar Wolfrum : Geschichte als Waffe. Vom Kaiserreich bis zur Wiedervereinigung. Göttingen 2001.
5 S’agissant de cette repolinisation et vérification, voir entre autres, pour ce qui concerne l’Ermland et la Masurie, Leszek Belzyt : Zum Verfahren der nationalen Verifikation in den Gebieten des ehemaligen Ostpreußen 1945-1950 . Jahrbuch für die Geschichte Mittel- und Ostdeutschlands 39, 1990, p. 247-269 ; Ders. : Między Polską a Niemcami . Weryfikacja narodowoś ciowa i jej nastę pstwa na Warmii, Mazurach i Powiś lu w latach 1945-1960 [Entre Pologne et Allemagne. La vérification nationale et ses conséquences dans l’Ermland, en Masurie et dans le bassin de la Vistule]. Toruń 1998, p. 63-73, 142-154. Voir aussi Edmund Wojnowski : Warmia i Mazury w latach 1945-1947 [Ermland et Masurie dans les années 1945-1947] .Olsztyn 1968,21970 .
6 Leopold Prowe : Streit über die Nationalität des Copernicus . Breslau 1872.
7 Vgl. Jörg Hackmann : Ostpreußen und Westpreußen in deutscher und polnischer Sicht. Landeshistorie als beziehungsgeschichtliches Problem . Wiesbaden 1996 ; Peter Oliver Loew : Danzig und seine Vergangenheit 1793-1997 . Die Geschichtskultur einer Stadt zwischen Deutschland und Polen. Osnabrück 2003 ; Miloš Řezník : Das Königliche in den deutsch-polnischen Auseinandersetzungen um den„ Historischen Charakter « Pommerellens in der ersten Hälfte des 20. Jahrhunderts . In : Dietmar Willoweit – Hans Lemberg (Hg.) : Reiche und Territorien in Ostmitteleuropa . Historische Beziehungen und politische Herrschaftslegitimation . München 2006, p. 311-328.
8 Voir entre autres Erich Keyser (Hrsg.) : Der Kampf um die Weichsel. Untersuchungen zur Geschichte des polnischen Korridors . Stuttgart – Berlin – Leipzig 1926 ; Johann Fürst : Der Widersinn des polnischen Korridors . Ethnographisch, geschichtlich und wirtschaftlich dargestellt. Berlin 1926 ; Wacław Sobieski : Walka o Pomorze [La lutte pour la Pomérelle] . Poznań 1928 ; Florian Znaniecki : Socjologia walki o Pomorze [Sociologie de la lutte pour la Pomérelle]. Toruń 1935 .
9 Voir par exemple Karol Górski : Zadania historiografii polskiej na Pomorzu [Rôle de l’historiographie polonaise en Poméranie/Pomérelle]. Przeglą d Zachodni 1 (1946), p. 139-146.
10 Voir par exemple dans le cas de la Poméranie Jan M. Piskorski (Hrsg.) : Pommern im Wandel der Zeiten. Szczecin 1999 .
11 Voir le titre du livre d’Edmund Cieślak : Miasto wierne Rzeczypospolitej. Szkice Gdanskie (XVII-XVIII w.) [Une ville fidèle à la Rzeczpospolita . Esquisses de Dantzig (XVIIe-XVIIIe siècle)] Warszwawa 1959 . La majeure partie des ouvrages visant à présenter une histoire globale de la ville publiés entre les années quarante et soixante-dix est placée sous le signe de cette formule, par exemple l’un de ceux qui ont remis l’historiographie polonaise à l’ordre du jour : Kazimierz Piwarski : Dzieje Gdańska wzarysie [Précis de l’histoire de Dantzig] . Gdań sk 1946.
12 Voir par exemple les nouvelles présentations synthétiques de l’histoire de Dantzig comme : Edmund Cieślak (Hrsg.) : Historia Gdańska . Bd . 1 – 5. Gdańsk – Sopot 1985-1997 ; aussi Edmund Cieślak – Czesłw Biernat : Dzieje Gdańska . Gdańsk 1994 .
13 Voir en particulier Reinhold Vetter : Die heimliche Hauptstadt Polens ? /Gdańsk – ukryta stolica Polski ? Dialog 11 (1997), p. 54-56.
14 Sur ce sujet, voir aussi Loew (cf. note 8), p. 507-508.
15 Danuta Reichel : Hanseatische Solidarität . 20 Jahre Partnerschaft/Hanzeatycka solidarność . 20 lat partnerstwa . Dialog 11 (1997), Nr . 1, p. 58-59.
16 Peu après, ces festivités furent analysées du point de vue historique par Rex Rexheuser : Deutsche Geschichte als polnisches Problem. Beobachtungen zum tausendjährigen Jubiläum in Danzig 1997. In : M. Weber (Hrsg.) : Deutschlands Osten – Polens Westen. Vergleichende Studien zur geschichtlichen Landeskunde, Frankfurt a. M. 2001, S. 253 – 276. Rexheuser était à l’époque directeur de l’Institut historique allemand de Varsovie. A ce titre il a été directement concerné par les festivités organisées à Dantzig, qui concernaient aussi directement les relations polono-germaniques, ainsi que par l’écho qu’elles suscitèrent en Allemagne (par exemple, mais pas uniquement, parmi les organisations de personnes déplacées). Ses remarques sur le sujet ne se limitent pas à une réaction purement personnelle mais comportent aussi explicitement une dimension germano-polonaise. Les observations personnelles jouent également un rôle non négligeable pour l’auteur du présent article. Doctorant originaire de Prague, il travaillait à l’époque à Dantzig à sa thèse sur le patriotisme régional en Prusse occidentale au XVIIIe siècle et a pu assister aux principales manifestations organisées en 1997 à l’occasion du millénaire de la ville. Concernant les festivités de 1997, voir aussi Loew, 2003 (cf. note 8), p. 516-522.
17 Gdańsk tysiącletni 997 – 1997 [Dantzig cité millénaire 997 – 1997]. Danzig 1997, non paginé.
18 Id.
19 Id.
20 Cité entre autres dans Gazeta Wyborcza, 19. 04 . 1997, p. 1.
21 Id.
22 Czeski książę, polskiś więty, Europejczyk [Duc de Bohême, saint polonais, Européen]. Gazeta Wyborcza, 19. 04. 1997, p. 8-9.
23 Cité entre autres dans Gazeta Wyborzca, 19. 04. 1997, p. 1.
24 Adam Krzemiński : Św. Wojciech, Otton III iksiążę Bolesław/Der hl. Adalbert, Otto III . und Herzog Bolesław . Dialog 11 (1997), Nr. 1, p. 20-21.
25 Id.
26 Le gouvernement polonais reposait alors sur une coalition de centre gauche regroupant l’Alliance de la gauche démocratique (Sojusz Lewicy Demokratycznej, SLD), parti post-commu-niste dont le candidat Aleksander Kwaśniewski devait remporter les élections présidentielles de 1995 contre Lech Wałęsa, et du Parti agrarien (Polskie Stronnictwo Ludowe, PSL) présidé de longue date par Waldemar Pawlak. A la différence des partis conservateurs, cette coalition faisait preuve d’une certaine ouverture dans les relations internationales et en matière d’intégration de la Pologne au sein des structures européennes et transatlantiques.
27 Voir aussi Loew (cf. note 8), p. 497-522.
28 Il n’existe à ce jour que peu de présentations synthétiques de l’histoire de l’Ermland. Et lorsque cela est le cas, l’Ermland y est traité conjointement avec la Masurie, région très différente à de nombreux points de vue. Parmi les études récentes scientifiquement solides voir en premier lieu Stanisław Achremczyk : Historia Warmii i Mazur [Histoire de l’Ermland et de la Masurie] . 2., erw . Aufl., Olsztyn 1997. L’étude synthétique à l’usage du grand public la plus récente, consacrée à l’histoire des deux régions, est celle du poète Erwin Kruk : Warmia i Mazury [Ermland et Masurie], Wrocław 2004. Les études suivantes, concernant l’histoire du droit et l’histoire de l’Eglise, sont spécifiquement et exclusivement consacrées à l’Ermland : Outre le texte de l’évêque Jan Obłąk : Historia diecezji warmińskiej [Histoire du diocèse de l’Ermland], Olsztyn 1959, voir essentiellement Alojzy Szorc : Dzieje diecezji warmińskiej [Histoire du diocèse de l’Ermland], Olsztyn 1990. Dans les ouvrages en langue allemande, l’Ermland est en général intégré à l’histoire de la Prusse orientale, comme par exemple chez Hartmut Boockmann : Ostpreußen und Westpreußen [Reihe Deutsche Geschichte im Osten Europas], Berlin 1992, ou Ernst Opgenoorth : Handbuch der Geschichte Ost- und Westpreußens . Tl. 1 – 3. Lüneburg 1994-1998 .
29 Sur ce sujet, voir l’analyse fondamentale et exhaustive de la structure interne de l’évêché par Alojzy Szorc : Dominium Warmińskie 1243 – 1772 [Le Dominium d’Ermland 1243 – 1772], Olsztyn 1990, voir aussi Andrzej Kopiczko : Ustrój a organizacja diecezji warmińskiej 1525 – 1772 [Constitution et organisation du diocèse d’Ermland 1525 – 1772], Olsztyn 1993 . Danuta Bogdan : Warmia w XVI – XVIII wieku . Dominium – księstwo – kraik ? In : Jacek Wijaczka (Hg.) : Prusy Książęce i Prusy Królewskie w XVI – XVIII wieku [Le duché de Prusse et le royaume de Prusse du XVIe au XVIIIe siècle], Kielce 1997, p. 61-62.
30 En ce qui concerne l’intégration nationale de l’Ermland voir entre autres S. Wojciech Wrzesiński : Ruch polski na Warmii, Mazurach i Powiś lu w latach 1920-1939 [Le mouvement politique dans l’Ermland, en Masurie et dans le pays vistulien durant les années 1920 – 1939], Olsztyn 1973 ; Andrzej Wakar : Przebudzenie narodowe na Warmii 1886-1893 [L’éveil national dans l’Ermland 1886 – 1893], Olsztyn 1965 ; Janusz Jasiński : Ś wiadomość narodowa na Warmii w XIX wieku . Narodziny i rozwój [La conscience nationale dans l’Ermland au XIXe siècle. Naissance et évolution], Olsztyn 1983, p. 56 ; Robert Traba : Postawy narodowe niemieckich Warmiaków 1871 – 1914 [Les points de vue nationaux des habitants germanophones de l’Ermland 1871 – 1914]. In : J . Jasiń ski (Hg.) : Zagadnienia narodowoś ciowe w Prusach Wschodnich w XIX i XX wieku [Les problèmes de nationalité en Prusse orientale au XIXe et XXe siècle], Olsztyn 1993, p. 88-102. En ce qui concerne les questions d’historiographie antérieures, voir Janusz Jasiń ski, Historiografia warmińskaw XIX wieku (1815 – 1918) [L’historiographie de l’Ermland au XIXe siècle (1815-1918)]. In : Jerzy Serczyk – Andrzej Tomczak (Hg.) : Dzieje historiografii Prus Wschodnich i Zachodnich do 1920 roku. Kierunki, oś rodki, najwybitniejszy przedstawiciele [Histoire de l’historiographie de la Prusse orientale et occidentale jusqu’en 1920. Grands axes, thèmes centraux, principaux représentants], Toruń 1989, p. 45-72. Pour ce qui concerne le referendum organisé après la Première Guerre mondiale : Wojciech Wrzesiński : Plebiscyty na Warmii i Mazurach oraz na Powiśluw 1920 roku [Les plébiscites dans l’Ermland, en Masurie et dans le pays vistulien en 1920], Olsztyn 1974 . Au sujet de la repolinisation et de la vérification ainsi que de l’attitude des populations autochtones voir Belzyt : Między Polską a Niemcami. Weryfikacja narodowoś ciowaijej następstwa na Warmii, Mazurach i Powiśluwlatach 1945-1960 [Entre Pologne et Allemagne. La vérification nationale et ses conséquences dans l’Ermland, en Masurie et dans le pays vistulien], Toruń 1998 ; du même : Zum Verfahren der nationalen Verifikation in den Gebieten des ehemaligen Ostpreußen 1945
– 1950. Jahrbuch für die Geschichte Mittel- und Ostdeutschlands 39, 1990, p. 247-269. auch Edmund Wojnowski : Warmia i Mazury w latach 1945-1947 [Ermland et Masurie durant les années 1945-1947], Olsztyn 1968,21970.
31 Robert Traba : Kraina tysią ca granic. Szkice o historii i pamięci [Le pays aux mille frontières. Esquisses historiques et mémorielles], Olsztyn 2003 .
32 Beata Pawlak : Pejzaż z zawiłościam . In : T . Prusiński (Hg.) : A dąb rośnie. Warmia i Mazury w reportażu po 1945 roku [Et le chêne pousse. L’Ermland et la Masurie dans les reportages d’après 1945], Warszawa – Dąbrówno 2002, p. 152-157.
33 Borussia 1, 1991, n° 1.
34 Voir Andrzej Sakson : Stosunki narodowoś ciowe na Warmii i Mazurach 1945-1997 [Les nationalités de l’Ermland et de Masurie 1945 – 1997], Poznań 1998.
35 Andrzej Sakson : O antologii i nie tylko [De l’anthologie – et d’autres sujets]. In : Prusiń ski (Hg.) : A dą b… [voir note 35], p. 9-16, ici p. 9-10.
36 Voir Miloš Řezník : Ermland – ein ewiger Grenzraum ? In : Hendrik Thoß (Hg.) : Mitteleuropäische Grenzräume . Berlin 2006, S. 39-58.
37 Marek Czapliński – Elżbieta Kaszuba – Gabriela Wąs : Historia Śląska [Histoire de la Silésie] .
Wrocław 2002, Ludwig Petry – Josef Joachim Menzel – Winfried Irgang (Hrsg.) : Geschichte Schlesiens . Bd. 1 – 3. Stuttgart 1988-1999 ; Rudolf Žáček : Slezsko [Silésie] . Praha 2005 ; Radek Fukala : Slezsko – neznámá země Korunyčeské . Knížecí a stavovské Slezsko do roku 1740 [La Silésie – une province inconnue de la couronne de Bohême. Le duché de Silésie jusqu’en 1740]. České Budě jovice 2007 .
38 Pour ce qui est de la Silésie, une présentation globale germano-polono-tchèque est en préparation. En ce qui concerne les régions de Poméranie et de Cachoubie évoquées, voir Piskorski (cf. note 11) ; Kaschubisch-pommersche Heimat/Pomorze – mała ojczyzna Kaszubów. Gdańsk – Lübeck 2000.
39 Glatz était partie intégrante du royaume de Bohême depuis le Moyen Âge mais s’en était de fait progressivement détachée ; en 1742, elle fut, comme la plus grande partie de la Silésie, retranchée des terres de la couronne de Bohême et de la monarchie habsbourgeoise et annexée par la Prusse. Bien qu’il y ait eu des tentatives en ce sens depuis la fin du Moyen Âge, c’est depuis cette date que Glatz a été définitivement considérée comme faisant partie de la Silésie. Il fallut attendre 1945 pour que la région de Glatz soit rattachée à la Pologne et, bien qu’elle n’ait pratiquement jamais été placée sous autorité polonaise au cours de l’histoire, elle fut assimilée aux « terres reconquises » et « repolonisées ». Après chacune des deux guerres mondiales, les dirigeants tchécoslovaques ont revendiqué un temps de petites parties de la région, mais le tracé historique de la frontière entre la Bohême et Glatz a été à chaque fois maintenu. La population allemande en a également été expulsée et les petites minorités tchèques ont disparu après la Seconde Guerre mondiale.
(Le Glatzer Land correspond à la région de l’actuelle ville de Kłodzko – NdT).
40 Voir entre autres Tomasz Szarota : Osadnictwo miejskie na Dolnym Śląsku [La population urbaine en Basse Silésie]. Wrocław – Warszawa – Kraków 1968 ; Sebastian Siebel-Aschen-bach : Lower Silesia from Nazi-Germany to Communist Poland 1942-1949 . London 1994.
41 Pour ce qui concerne la situation de l’université après la guerre, voir entre autres Teresa Suleja : Uniwersytet Wrocławski w okresie centralizmu stalinowskiego 1950-1955 [L’université de Wrocław à l’époque du centralisme stalinien, 1950-1955] .Wrocław 1995.
42 Les quelques remarques concernant Breslau s’appuient pour l’essentiel, comme déjà en partie dans le cas de Dantzig, sur des observations et des expériences personnelles de l’auteur. Pour une histoire moderne et complète de Breslau par des historiens polonais, voir : Historia Wrocławia. Bd. 1 – 3. Wrocław 2001 .
43 On en trouve même parfois trace dans les guides imprimés de la ville, par exemple dans Jansuz Czerwiński : Wrocław. Przewodnik turystyczny [Breslau. Guide touristique]. Wrocław 2004.
44 Notons que pour instaurer un jumelage avec une ville allemande (Dortmund), on le plaça également dans le cas de Breslau, comme pour Dantzig et Brême, sous le signe de la « solidarité ». Mais la démarche fut ici plus modeste et fit surtout référence aux contacts établis à l’époque de Solidarność. Voir Andreas Bornholdt : Solidarität von Gemeinde zu Gemeinde und Schule zu Schule. Breslau- Dortmund 1980-1989 . Dortmund 1990.
45 L’importance croissante que le passé bohémien de la ville occupe dans la culture historique locale avait à n’en pas douter déjà joué un rôle dans les efforts déployés par Breslau pour instituer un jumelage officiel avec Prague. Faute de pouvoir y parvenir dans la mesure où Prague recherchait plutôt un jumelage avec une autre capitale européenne, Breslau dut finalement « se satisfaire « d’un accord avec la ville de Hradec Králové (en allemand Königgrätz) en Bohême orientale.
46 Claudio Magris : Der habsburgische Mythos in der modernen österreichischen Literatur .
Wien 2000. Voir aussi Ewa Weigandt : Austria Felix czyli O micie Galicji w polskiej prozie współczenej [Austria felix ou le mythe galicien dans la prose polonaise contemporaine]. Poznań 1997 ; Dietlind Hüchtker : Der « Mythos Galizien ». Versuch einer Historisierung . In : Müller – Petri (voir note 3), p. 81-107 .
47 Krzysztof Kosiński : Najsłynniejszy polski historyk [Le plus célèbre historien polonais]. Gazeta Wyborzcza, 31. 08 . 2004, p. 14-15.
48 Norman Davies – Roger Moorhouse : Die Blume Europas. Breslau – Wrocław – Vratislavia . Die Geschichte einer mitteleuropäischen Stadt. München 2002 .
49 Davies – Moorhouse (voir note 48), p. 86 .
50 Voir, à titre d’exemple, Walter Schmitz – Ludger Udolph (Hrsg.) : Tripolis Praga. Die Prager Moderne um 1900. Dresden 2001.
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