Chapitre II. De la variation des êtres organisés à l'état sauvage, ou des moyens naturels de sélection, et de la comparaison des espèces domestiques avec les espèces véritables
p. 43-68
Texte intégral
1Ayant traité de la variation à l'état de domestication, venons-en maintenant aux variations à l'état de nature.
2La plupart des êtres organisés à l'état de nature varient extrêmement peu ; j’écarte le cas des variations (plantes rabougries, coquillages marins d’eau saumâtre) qui sont directement l’effet d’agents extérieurs et dont nous ne savons pas si elles sont dans la race ou héréditaires (discuter ici de ce qu’est une espèce, on ne peut que rarement avancer la stérilité lorsqu'elles sont croisées. Descendance d’une souche commune). Il est très difficile d’estimer la somme des variations héréditaires, parce que les naturalistes (en partie par manque de connaissances, en partie à cause de la difficulté inhérente au sujet), ne sont pas tous d’accord sur la classification de certaines formes comme espèces ou comme races (donner simplement la règle : chaîne de formes intermédiaires, et analogie ; important. Tout naturaliste, lorsqu’il découvre de nouveaux types variables est d'abord très embarrassé lorsqu’il doit les classer comme espèces ou comme variations)1. Quelques races fortement caractérisées de plantes, comparables aux monstres des agriculteurs, existent indubitablement à l'état de nature, comme l'expérience le prouve, par exemple chez la primevère et le coucou, chez deux pissenlits et deux digitales définis comme espèces (comparer les têtes huppées de différents oiseaux très différents avec les épines de l’Echidné et du hérisson), et, je crois, chez quelques pins. Lamarck a observé que, tant que nous limitons notre attention à une région limitée, il n’y a guère de difficultés à décider quelles formes doivent être définies comme espèces et lesquelles comme variétés ; c’est quand les collections affluent de toutes les parties du monde que les naturalistes ont souvent du mal à établir les limites de la variation. Cela est certainement vrai, mais en ce qui concerne les plantes britanniques (et j'ajouterai les coquillages terrestres), qui sont probablement les mieux connues de la terre, les meilleurs naturalistes diffèrent dans l’évaluation des proportions relatives de ce qu’ils appellent espèces ou variétés. Chez beaucoup de genres d’insectes, de coquillages et de plantes, il semble à peu près impossible d’établir la distinction. Dans les classes les plus élevées, il y a moins d’hésitations, bien qu’il existe des difficultés considérables à établir ce qu’il convient d’appeler espèces chez les renards et les loups, et chez quelques oiseaux, par exemple l’effraie blanche. Quand des spécimens leur parviennent des différentes parties du globe, les naturalistes discutent fréquemment de ce sujet, comme je m’en suis aperçu en ce qui concerne les oiseaux provenant des îles Galapagos2. Yarrel a remarqué que des individus d’Europe et d’Amérique du Nord appartenant indubitablement à la même espèce d’oiseaux présentent ordinairement de légères différences, indéfinissables mais perceptibles. La reconnaissance d’un animal par un autre de son espèce semble en fait admettre une certaine marge de différence. Les tempéraments des animaux sauvages, indubitablement, diffèrent. Les variations, en fait, affectent les mêmes parties que chez les races domestiques, par exemple la taille, la couleur, les parties externes et les moins importantes. Dans beaucoup d’espèces la variabilité de certains organes ou qualités est même considérée comme l’un des caractères spécifiques : ainsi, chez les plantes, la couleur, la taille, la pilosité, le nombre d’étamines et de pistils, et même leur présence, la forme des feuilles ; la taille et la forme des mandibules des mâles de certains insectes ; la longueur et la courbure du bec de certains oiseaux (comme l’Opetiorhyncus), sont des caractères variables chez certaines espèces et tout à fait fixes chez d’autres. Je ne peux imaginer que l’on puisse établir une distinction précise entre cette variabilité attestée de certaines parties chez de nombreuses espèces et la variabilité plus générale de l’ensemble de l'organisation de races domestiques.
3Bien que la somme des variations soit excessivement faible chez la plupart des êtres organisés à l’état de nature, et probablement nulle (selon le témoignage de nos sens) dans la majorité des cas, cependant, en considérant combien d’animaux et de plantes, empruntés par l’humanité aux différentes régions du globe dans les pays les plus divers, ont varié sous l’effet de la domestication dans tous les pays et dans tous les temps, je pense que nous pouvons certainement en conclure que tous les êtres organisés, à quelques exceptions près, s’ils étaient aptes à la domestication et élevés durant une longue période, pourraient varier. La domestication semble se résumer à une transformation des conditions naturelles de l’espèce (incluant généralement peut-être une augmentation de nourriture) ; s’il en est ainsi, les organismes à l’état de nature doivent à l'occasion, au cours des âges, avoir été exposés à des influences analogues, car la géologie montre clairement que de nombreuses régions doivent avoir été, au cours des temps, exposées à une gamme très étendue d’influences climatiques et autres ; et si ces zones sont isolées, de sorte que des êtres organisés nouveaux et mieux adaptés ne peuvent y immigrer librement, les habitants autochtones seront exposés à de nouvelles influences, probablement bien plus variées que celles que l’homme exerce sur eux par la domestication. Bien que chaque espèce se multiplie sans doute rapidement jusqu’à la limite numérique extrême que la station peut supporter, il est cependant facile de concevoir que certaines espèces bénéficient en moyenne d’une augmentation de nourriture, car les périodes de famine peuvent être courtes, et ne revenir qu’à de longs intervalles. Tous ces changements de conditions dus à des causes géologiques doivent être extrêmement longs ; quels effets pourraient avoir leur lenteur, nous l’ignorons ; à l’état domestique, il semble que les effets des changements s’accumulent, puis se fragmentent. Quel que puisse être le résultat de ces lentes transformations géologiques, nous pouvons être certains, considérant les moyens de dissémination communs à un degré plus ou moins élevé à tous les organismes, moyens ajoutés aux changements géologiques qui sont constamment en action (quelquefois soudainement, comme lors de la rupture d’un isthme), qu'à l’occasion certains organismes ont dû être soudainement introduits dans de nouvelles régions, où, si les conditions d’existence ne leur sont pas étrangères au point de causer leur extermination, ils se propageront souvent sous l’effet de circonstances encore plus analogues à celles de la domestication, donc manifesteront une tendance à varier. Il me semblerait tout à fait inexplicable que cela ne se soit jamais produit, même si ce n’est que très rarement. Supposons donc qu’un organisme, par quelque hasard (qui ne se répète peut-être pas deux fois en l’espace de mille ans) parvienne sur une île volcanique moderne en voie de formation, qui n'est pas encore entièrement peuplée par les organismes les plus appropriés ; le nouvel organisme pourrait aisément s’y implanter, même si les conditions extérieures étaient considérablement différentes de celles de son pays natal. Nous pouvons nous attendre à ce que les effets de ce changement influencent dans une certaine mesure, même réduite, la taille, la couleur, la nature du revêtement, etc., et même, pour des raisons inconnues, des parties et des organes spéciaux du corps. Mais nous pourrions en outre nous attendre (et ceci est bien plus important) à ce que le système reproducteur soit affecté, comme sous l’effet de la domestication, et que la structure de la progéniture soit à quelque degré rendue plastique. Alors presque toutes les parties du corps tendraient à s’écarter de la forme typique, à de faibles degrés, d’une manière indéterminée, et ainsi, sans sélection, le libre croisement de ces petites variations (joint à la tendance à la réversion vers la forme d'origine) viendrait constamment contrebalancer cet effet modificateur des conditions extérieures sur le système reproducteur. Tel en serait, je pense, le résultat insignifiant sans la sélection. Et ici je dois observer que les remarques précédentes sont tout aussi applicables à cette faible somme de variations attestée chez certains organismes à l'état de nature qu’aux variations conjecturales mentionnées ci-dessus qui résultent d’un changement des conditions.
4Supposons maintenant un Etre3 doté d’un pouvoir de pénétration suffisant pour percevoir des différences dans l’organisation intérieure et extérieure échappant au regard humain, dont la prévoyance s’étendrait sur les siècles à venir, et qui veillerait avec un soin infaillible à sélectionner dans un certain but la progéniture d’un organisme produit sous l’effet des circonstances précédentes ; je ne vois aucune raison concevable qui l’empêcherait de former une nouvelle race (ou plusieurs s’il isolait la souche de l'organisme originel et travaillait sur plusieurs îles) adaptée à de nouvelles fins4. En admettant que son jugement, sa prévoyance, et sa persévérance sont incomparablement supérieurs à ces mêmes qualités chez l’homme, nous pouvons également supposer que la beauté et les adaptations complexes des nouvelles races, ainsi que les différences d'avec la souche originelle, seront plus grandes que chez les races domestiques produites par l’action humaine ; les fondements de son ouvrage seront facilités et nous supposons que les conditions extérieures de l'île volcanique, de par son soulèvement continu et l’introduction occasionnelle de nouveaux immigrants, varient, agissant ainsi sur le système reproducteur de l’organisme sur lequel il opère en rendant son organisation légèrement domestique. Avec assez de temps, un tel Etre pourrait rationnellement (si une loi inconnue ne s’y oppose pas) se proposer à peu près n’importe quel résultat.
5Par exemple, supposons que cet Etre imaginaire souhaite, en voyant une plante pousser sur des détritus organiques dans une forêt, étouffée par d’autres plantes, lui donner la capacité de pousser sur les troncs d’arbres vermoulus, il commencerait par sélectionner tout plant dont les baies seraient, à un faible degré, plus attirantes pour les oiseaux arboricoles, de manière à produire une dissémination adéquate des semences, et, en même temps, il sélectionnerait parmi ces plantes celles qui posséderaient à un degré minime un plus grand pouvoir d’extraire leur nourriture du bois vermoulu ; et il détruirait tous les autres plants moins bien dotés de ce pouvoir. Il pourrait ainsi, au cours des siècles, faire espèrer pousser la plante sur le bois vermoulu, et même sur la cime des arbres, partout où les oiseaux laisseraient tomber les graines non digérées. Il pourrait ensuite, si l’organisation de la plante était plastique, par une sélection continue de plants variant fortuitement5, la faire croître sur du bois sain. Supposons encore que, durant ces transformations, la plante, par défaut d’imprégnation, se reproduise difficilement, il pourrait commencer à sélectionner les individus ayant un miel ou un pollen un peu plus doux, pour inciter les insectes à visiter les fleurs régulièrement ; une fois ceci réalisé, il pourrait si cela profitait à la plante, rendre abortifs les étamines et les pistils des différentes fleurs, ce qu’il pourrait obtenir par une sélection prolongée. Par ces diverses démarches, il pourrait tendre à faire une plante aussi merveilleusement liée aux autres êtres organisés que l’est le gui, dont l’existence dépend strictement de certains oiseaux pour la dissémination, et de certains arbres pour la croissance. En outre, si l’insecte qui avait induit à visiter régulièrement cette plante hypothétique y trouvait grand profit, notre Etre pourrait désirer modifier par sélection graduelle la structure de cet insecte, de manière à faciliter sa récolte de miel ou de pollen ; de cette manière il pourrait adapter l’insecte (toujours en supposant que son organisation soit à quelque degré plastique) à la fleur, et la fécondation de la fleur à l’insecte, comme c'est le cas pour beaucoup d’abeilles et de plantes.
6En voyant ce que l’homme, aveugle et capricieux, a effectivement réalisé par sélection depuis peu de temps, et ce qu’il a probablement réalisé, dans un état moins civilisé, sans aucun plan systématique, pendant les quelques derniers millénaires, téméraire serait la personne qui voudrait poser des limites rigides à ce que l’Etre supposé pourrait effectuer durant des périodes géologiques entières6. En accord avec le plan suivant lequel cet univers semble régi par le Créateur7, cherchons s’il existe dans l’économie de la nature des moyens secondaires par lesquels le procès de sélection pourrait adapter, finement et merveilleusement, des organismes, quelque faible que soit leur degré de plasticité, à des fins diverses. Je crois que des moyens secondaires de ce genre existent (la sélection, dans le cas où l'adulte ne vit que quelques heures, comme chez l'éphémère, doit être faite chez la larve —spéculation curieuse sur l’effet que les changements de cette dernière produiraient chez l’adulte).
Les moyens naturels de sélection8
7De Candolle9, dans un passage éloquent, a déclaré que toute la nature est en guerre, un organisme avec un autre ou avec la nature extérieure. En voyant la face apaisée de la nature, on pourrait bien à première vue en douter, mais la réflexion prouvera inévitablement que cela n’est que trop vrai. La guerre, cependant, n’est pas constante, mais seulement périodique, et peu intense à de courts intervalles, et plus violente à des moments occasionnels plus espacés ; il en résulte que ses effets sont facilement négligés. C’est la doctrine de Malthus appliquée dans la plupart des cas avec une force décuplée10. Comme sous chaque climat il y a des saisons de plus grande et de moindre abondance pour chacun de ses habitants, tous se reproduisent annuellement, et le frein moral, qui dans une faible mesure limite l’accroissement de l’humanité, fait totalement défaut. Même l’humanité, qui se reproduit lentement, a doublé en vingt-cinq ans, et si elle pouvait accroître ses ressources plus facilement, elle doublerait en moins de temps. Mais pour les animaux, sans procédés artificiels, la somme de nourriture pour chaque espèce doit en moyenne être constante, alors que la multiplication de tous les organismes tend à être géométrique, et dans la majorité des cas se produit très rapidement. Supposons qu’il y ait quelque part huit couples de rouges-gorges, que quatre seulement de ces couples n’élèvent annuellement que quatre petits (y compris les couvées doubles), et que ceux-ci continuent à élever leurs petits dans la même proportion ; alors, au bout de sept ans, (une vie courte, en excluant les morts violentes, pour tous les oiseaux), il y aurait 2 048 rouges-gorges, au lieu des 16 individus primitifs. Comme cet accroissement est tout à fait impossible, nous devons en conclure, soit que les rouges-gorges n’élèvent pas environ la moitié de leurs petits, soit que la vie moyenne d’un rouge-gorge élevé, par suite d’accidents, n’atteint pas sept ans. Ces deux obstacles, probablement, se renforcent l’un l’autre. Le même type de calcul appliqué à tous les végétaux et animaux produit des résultats plus ou moins frappants, qui ne sont presque jamais moins marquants que chez l’homme11.
8Beaucoup d’illustrations pratiques de cette tendance rapide à l’augmentation existent, notamment pendant des saisons exceptionnelles, avec l’accroissement extraordinaire du nombre de certains animaux ; par exemple, pendant les années 1826 à 1828, à La Plata, par suite de la sécheresse, des millions de têtes de bétail avaient péri et la région grouillait d’innombrables souris ; or je pense qu'il est incontestable qu'à l’époque de la reproduction toutes les souris (à l’exception de quelques mâles ou femelles excédentaires) s’accouplent ordinairement, et par conséquent que cette augmentation étonnante pendant trois ans doit être attribuée au fait que des individus avaient survécu en bien plus grand nombre que d’habitude la première année et fait souche, et ainsi de suite pendant trois ans, où leur nombre fut ramené à des limites normales par le retour d’un temps humide. Là où l’homme a introduit des plantes et des animaux dans une nouvelle région qui leur est favorable, il y a beaucoup d'exemples du nombre d’années étonnamment court qu’il a fallu pour qu'ils peuplent entièrement la région. Cette augmentaion s'arrêtait automatiquement dès que la région était entièrement peuplée, et cependant nous avons toutes les raisons de croire, d’après ce que l’on sait des animaux sauvages, que tous les individus s’accouplaient au printemps. Dans la majorité des cas, il est très difficile de se figurer où s'exerce cette limitation ; elle porte sans doute généralement sur les graines, les œufs et les jeunes ; mais si nous nous rappelons à quel point il est impossible, même pour l’homme (qui nous est bien plus connu que n'importe quel autre animal), de savoir, par des observations intermittentes et répétées, quelle est la durée de vie moyenne, ou de découvrir de combien diffère le pourcentage des morts par rapport à celui des naissances dans des régions différentes, nous ne devrions pas être particulièrement surpris de notre impossibilité à saisir la cause précise de la limitation du nombre des individus chez les animaux et les plantes. Il faut toujours se souvenir que, dans la plupart des cas, les obstacles à l’augmentation agissent chaque année périodiquement à un degré faible et régulier, et à un degré très élevé les années extrêmement froides, chaudes, sèches, ou humides, selon la constitution des organismes en question. Qu’une cause d’extinction quelconque vienne dans une faible mesure à s’atténuer, et le pouvoir géométrique d’augmentation de tout organisme accroîtra instantanément la moyenne du nombre des individus de l’espèce ainsi favorisés. La nature peut être comparée à une surface sur laquelle pressent dix mille coins acérés qui se touchent les uns les autres, et sont enfoncés par des coups incessants12. Pour assimiler complètement ces vues, beaucoup de réflexion est nécessaire : il faut étudier Malthus sur l’homme, ainsi que tous les cas semblables à ceux des souris de La Plata, du bétail et des chevaux lors de leur introduction en Amérique du Sud, des rouges-gorges à la lumière de nos calculs, etc. il faut réfléchir à l’énorme puissance de multiplication potentielle et annuellement en action chez tous les animaux ; réfléchir aux myriades de graines disséminées par une centaine de procédés ingénieux, année après année, sur la surface entière de la terre ; et cependant nous avons toutes les raisons de supposer que le pourcentage moyen de chacun des habitants d’une région demeure ordinairement constant. Gardons enfin présent à l'esprit le fait que ce nombre moyen d’individus dans chaque région (les conditions extérieures restant les mêmes) est maintenu par des luttes périodiques contre d'autres espèces ou contre la nature extérieure (comme aux confins des régions arctiques, où le froid fait obstacle à la vie) (dans un cas comme celui du gui, l’on peut se demander pourquoi il n'y a pas plus d’espèces, pas d'autres espèces interfèrent ; réponse presque évidente, mêmes causes qui font obstacle à la multiplication des individus), et qu’ordinairement chaque individu de chaque espèce conserve sa place, soit par la lutte qu’il soutient lui-même et par sa capacité de se procurer de la nourriture pendant une longue période de sa vie (à partir de son état d’œuf), soit par la lutte continue de ses parents (dans des organismes à vie courte, quand l’obstacle survient à de longs intervalles) contre et par rapport à d’autres individus de la même espèce ou d'espèces différentes.
9Mais imaginons que les conditions extérieures d’une région se modifient ; si c’est dans une faible mesure, les proportions relatives de ses habitants ne seront dans la plupart des cas que légèrement modifiées ; mais si le nombre des habitants est réduit, comme dans une île13 si le libre accès à partir d’autres régions y est limité, et enfin si le changement des conditions est continu (formant ainsi des stations nouvelles), dans ce cas, les aborigènes doivent cesser d’être aussi parfaitement adaptés aux conditions modifiées qu’ils l’étaient à l’origine. Nous avons montré que ces changements de conditions extérieures, agissant sur le système reproducteur, poussent probablement l’organisation des êtres qu’ils affectent le plus à devenir, comme dans la domestication, plastiques. Peut-on douter maintenant, considérant la lutte que chaque individu (ou ses parents) doit soutenir pour se procurer sa subsistance, que toute légère variation dans la structure, le comportement ou les instincts, qui adapterait mieux cet individu aux conditions nouvelles, aurait un effet sur sa vigueur et sa santé ? Dans la lutte, il aurait plus de chances de survivre, et ceux de ses descendants qui hériteraient de la variation, si petite soit-elle, auraient plus de chances de survivre. Chaque année, il y a plus de naissances que de survies ; le plus petit grain dans la balance doit, à la longue, déterminer qui mourra et qui survivra. Que cette œuvre, de sélection d’une part, d’élimination d’autre part, continue à agir pendant des milliers de générations, qui pourrait alors prétendre qu’aucun effet ne s’en suivrait, quand nous nous souvenons de ce que, en peu d'années, Bakewell a accompli avec le bétail et Western avec les moutons, par ce même principe de sélection.
10Pour donner un exemple imaginaire, supposons une île soumise à des changements progressifs, où l’organisation d’un animal canin devient légèrement plastique, où cet animal chasse surtout les lapins, mais parfois les lièvres14 ; supposons que ces changements fassent décroître très lentement le nombre des lapins et augmenter celui des lièvres ; cela aurait pour conséquence que le renard ou le chien serait poussé à essayer d’attraper plus de lièvres, et qu’il tendrait à diminuer en nombre ; son organisation, cependant, étant légèrement plastique, les individus aux formes les plus légères, aux pattes les plus longues et à la meilleure vue (bien qu’ayant peut-être moins de ruse et de flair) seraient légèrement favorisés quelque petite que soit la différence, et tendraient à vivre plus longtemps et à survivre pendant l’époque de l'année où la nourriture serait la plus rare ; ils élèveraient aussi plus de petits, et ces derniers tendraient à hériter de ces légères particularités. Les moins rapides seraient rigidement détruits. Je ne vois pas plus de raisons de douter que ces causes produiraient, sur une période d’un millier de générations, un effet marqué, et adapteraient la forme des renards à attraper des lièvres au lieu de lapins, que de douter que les lévriers peuvent être améliorés par sélection et un élevage attentif. Il en irait de même pour des plantes dans des circonstances analogues ; si l'on pouvait augmenter les nombre des individus d’une espèce pourvus de graines plumeuses par un plus grand pouvoir de dissémination dans leur habitat propre c’est-à-dire si l’obstacle à l’accroissement portait principalement sur les graines), celles des graines qui seraient, fût-ce dans une proportion infime, plus duveteuses, ou qui auraient une aigrette placée de manière à donner un peu plus de prise au vent, tendraient à la longue à mieux se disséminer ; donc un plus grand nombre de graines ainsi formées germeraient, et tendraient à produire des plantes héritant de ce duvet un peu mieux adapté.
11Outre ce moyen naturel de sélection par lequel sont préservés, dans l’œuf, dans la graine ou à l'état adulte, ceux des individus qui sont le mieux adaptés à la place qu’ils occupent dans la nature, il existe un second agent à l’œuvre chez la plupart des animaux sexués qui tend à produire le même effet, la lutte des mâles pour la possession des femelles15. Ces luttes se décident généralement par la loi du combat, mais, dans le cas des oiseaux, apparemment par le charme de leur chant, leur beauté ou leur pouvoir de séduction, comme les danses de la grive de roche de la Guyane. Même chez les animaux monogames, il semble y avoir un excès de mâles qui pousserait à provoquer une lutte ; c’est chez les animaux polygames (phoques ? Pennant sur les combats de phoques) cependant, comme les cervidés, les bovidés, les coqs, que nous pouvons nous attendre à trouver la lutte la plus sévère ; n'est-ce pas chez les animaux polygames que les mâles sont les mieux adaptés au combat ? Les mâles les plus vigoureux, ce qui implique chez eux une adaptation parfaite, doivent généralement l’emporter dans leurs nombreux combats. Ce genre de sélection, cependant, est moins rigoureux que l’autre ; il n’exige pas la mort du perdant, mais lui accorde moins de descendance. Cette lutte, en outre, a lieu à un moment de l’année où la nourriture est généralement abondante, et le principal effet produit serait peut-être la modification des caractères sexuels, et la sélection de formes individuelles, sans aucun rapport avec le pouvoir de se procurer de la nourriture ou de se défendre contre des ennemis naturels, mais bien avec celui de se battre entre elles. Cette lutte naturelle entre mâles peut être comparée dans son effet, encore qu’elle soit moindre, à celui produit par les éleveurs qui s’intéressent moins à la sélection attentive de tous les jeunes animaux qu’ils élèvent qu’à l'emploi occasionnel d’un mâle de choix.
Différences entre « races » et « espèces » : en premier lieu, leur pureté et leur variabilité
12Nous pouvons nous attendre à ce que les races16 produites par ces moyens naturels de sélection diffèrent à certains égards de celles que produit l’homme. L’homme choisit principalement par l’œil, et n’est pas capable de percevoir le trajet de chacun des vaisseaux et des nerfs, ni la forme des os, ni la correspondance de la structure interne avec la forme extérieure. Il est incapable de sélectionner des nuances dans la différence de constitution17 et, par la protection qu’il fournit et ses efforts pour préserver la vie de sa propriété, dans quelque pays qu’il vive, il amoindrit, dans la mesure de ses capacités, l’action sélective de la nature, qui se poursuit néanmoins dans une moindre mesure, pour tous les êtres vivants, même si la durée de leur vie n’est pas déterminée par leurs propres pouvoirs de résistance. L’homme a un mauvais jugement, il est capricieux, il ne désire pas, ou ses successeurs ne désirent pas, sélectionner dans le même but précis pendant des centaines de générations. Il ne peut pas toujours adapter la forme sélectionnée aux conditions les plus adéquates, et il ne maintient pas l’uniformité de ces conditions : il sélectionne celui qui lui est utile et non le plus adapté aux conditions dans lesquelles il a placé chaque variété : il choisit un chien petit, mais il le nourrit copieusement ; il choisit un chien à dos long, mais ne l’entraîne pas d’une manière spéciale, au moins à chaque génération. Il laisse rarement les mâles les plus vigoureux lutter pour leur vie et se propager, mais les choisit tels qu’il les possède ou qu’il les préfère, et pas nécessairement ceux qui sont les mieux adaptés aux conditions d’existence. Tout agriculteur ou éleveur sait combien il est difficile d’empêcher un croisement occasionnel avec une autre lignée. Il ne détruit souvent qu’à regret un individu qui s’écarte considérablement du type requis. Il commence souvent sa sélection par une forme ou un monstre qui s'écarte considérablement de la forme mère. La loi naturelle de sélection agit très différemment : les variétés sélectionnées ne diffèrent que légèrement des formes parentes18 ; les conditions sont constantes pendant de longues périodes et se modifient lentement ; les croisements sont rares ; la sélection est rigide, infaillible, et poursuivie pendant de nombreuses générations ; une sélection ne peut jamais s'effectuer sans que la forme ne soit mieux adaptée aux conditions que la forme mère ; la puissance sélective procède sans caprice, adaptant avec constance la forme à ces conditions pendant des milliers d’années ; la puissance sélective n’est pas trompée par des apparences extérieures, elle s’exerce sur l’organisme pendant sa vie entière, et si ce dernier est moins bien adapté que ses congénères, il est inexorablement détruit ; chaque partie de sa structure est ainsi vérifiée et jugée bonne pour la place qu’il occupe dans la nature.
13Nous avons toutes les raisons de croire qu’en proportion du nombre de générations où une race domestique est préservée de tous croisements, des efforts consacrés à une sélection poursuivie fermement avec une fin unique en vue, et du soin, à ne pas placer une variété dans des conditions qui ne lui conviennent pas, en fonction de tout cela, la nouvelle race deviendra « pure », ou sujette à variations. Combien « plus pure » incomparablement serait alors une race produite par ces moyens naturels de sélection rigides et constants, excellement exercée et parfaitement adaptée aux conditions, libre de toute tare ou de tout croisement, et formée pendant des milliers d'années, en comparaison d’une race produite par une sélection humaine faible, capricieuse, mal exercée et mal adaptée. Les races d’animaux domestiques produites par les sauvages, en partie à cause de leurs conditions de vie et en partie à cause du soin plus grand qu’ils prennent intentionnellement des individus qui ont à leurs yeux le plus de valeur, s’approcheraient probablement plus du caractère d’une espèce, et je crois que c’est bien le cas. La marque caractéristique d'une espèce dont l’importance vient immédiatement après —ou égale— la stérilité lorsqu'on la croise avec une autre espèce, marque qui est en fait la seule autre caractéristique (sans faire de pétition de principe ni affirmer que l’essence d’une espèce est de ne pas descendre d’un parent commun à une autre forme) est en effet la similitude des individus qui composent l’espèce, ou, dans le langage des éleveurs, sa « pureté ».
Différences entre « races » et « espèces » dans la fertilité des croisements
14La stérilité des espèces, ou de leur progéniture, lorsqu’on les croise, a cependant reçu plus d’attention que l’uniformité de caractère des individus qui composent l’espèce. Il est tout à fait naturel que l’on ait longtemps considéré cette stérilité (si les animaux domestiques descendent de plusieurs espèces et deviennent fertiles entre eux, alors il est clair qu’ils ont acquis une plus grande fertilité en s'adaptant à de nouvelles conditions, et les animaux domestiques peuvent certainement résister d’une manière étonnante à des changements de climat sans perdre leur fertilité) comme la caractéristique essentielle de l’espèce. Car il est clair que si les diverses formes voisines que nous rencontrons dans la même zone pouvaient s’unir entre elles, au lieu de trouver un certain nombre d’espèces distinctes, nous aurions une série confuse et mélangée. Cependant l'existence d’une gradation parfaite dans le degré de stérilité entre les espèces, et le fait que certaines espèces très proches les unes des autres (par exemple de nombreuses espèces de crocus et de bruyères européennes) refusent de se croiser, alors que d’autres espèces, très différentes les unes des autres, ou qui appartiennent même à des genres différents, comme la poule et le paon, le faisan et la grouse, l’azalée et le rhododendron, le thym et le genévrier, produisent des hybrides, auraient dû amener à se demander si la stérilité ne dépendait pas d’autres causes, distinctes d’une loi remontant à leur création. Je ferai remarquer ici que le fait qu’une espèce s’unisse ou non à une autre est bien moins important que la stérilité des rejetons hybrides, lorsqu’il y en a, car certaines races domestiques diffèrent même tellement par la taille (le grand lévrier et le bichon, le cheval de trait et le poney birman) qu’une union entre eux est presque impossible et, fait généralement moins connu, Kölreuter a montré par des centaines d'expériences que le pollen d’une espèce peut féconder l’ovaire d’une autre espèce, alors que le pollen de cette dernière n’agira jamais sur l’ovaire de la première, de sorte que le simple fait de l’imprégnation mutuelle n'a certainement aucun rapport avec la création distincte de deux formes. Lorsqu’on tente de croiser deux espèces tellement éloignées que l’on n’obtient jamais de rejetons, on a observé dans certains cas que le pollen commence son action propre en faisant sortir son tube, et que l'ovaire commence à se renfler, mais que peu après il dépérit. Au stade suivant dans la série, l’on produit des rejetons hybrides, mais rarement et en petit nombre, et ils sont absolument stériles ; ensuite nous avons une descendance hybride plus nombreuse, qui parfois, quoique très rarement, se croise avec l’un ou l’autre parent, comme c’est le cas pour le mulet. Et bien d'autres hybrides, bien que stériles entre eux, s'unissent très facilement avec l’un ou l’autre parent, ou avec une troisième espèce, et donnent des rejetons généralement stériles, mais parfois fertiles, qui à leur tour se croisent avec l’un ou l’autre parent, ou avec une troisième, voire une quatrième espèce : c’est ainsi que Kölreuter a mélangé de nombreuses formes. Enfin, il est maintenant admis par les botanistes qui s’y sont le plus longtemps refusés que, dans certaines familles, les rejetons hybrides de nombreuses espèces sont parfois parfaitement fertiles à la première génération lorsqu’on les croise entre eux ; dans quelques cas même, M. Herbert a trouvé que les hybrides étaient nettement plus fertiles que l’un ou l’autre de leurs parents purs. Il n’y a pas moyen d’échapper à cette conclusion que les hybrides de certaines espèces de plantes sont fertiles, à moins d’affirmer qu’aucune forme ne doit être considérée comme une espèce si elle a une descendance fertile lorsqu’on la croise avec une autre espèce, mais c’est là une pétition de principe. On a souvent affirmé que les différentes espèces d’animaux éprouvent vis-à-vis les unes des autres une répugnance sexuelle ; de celà, je ne trouve aucune preuve ; il semble y avoir seulement un manque d'excitation réciproque des passions. Je ne crois pas qu’à cet égard il y ait une différence essentielle entre les animaux et les plantes, et chez ces dernières il ne peut y avoir de sentiment de répugnance.
Causes de stérilité chez les hybrides
15La différence de nature entre espèces qui cause un degré de stérilité plus ou moins grand chez leurs descendants semble, selon Herbert et Kölreuter19, être liée beaucoup moins à leur forme extérieure, leur taille ou leur structure, qu’à des particularités constitutionnelles, c’est-à-dire leur adaptation à différents climats, à la nourriture, à la situation, etc.. : ces particularités de constitution intéressent probablement l’organisation entière, et non pas une partie déterminée en particulier (ceci semble pourtant une introduction aux cas des bruyères et crocus mentionnés plus haut).
16A partir de ces faits, je pense que nous devons admettre qu’il existe une gradation parfaite dans la fertilité entre espèces qui, croisées, sont tout à fait fertiles (comme les rhododendrons, les calcéolaires, etc.), ou même fertiles à un degré extraordinaire (comme le Crinum), et les espèces qui ne produisent jamais de rejetons croisés, mais qui, par certaines manifestations, comme la sortie du tube pollinique, témoignent de leur union. J’en conclus que nous devons abandonner l’idée que la stérilité, bien qu’indubitablement très fréquente à un degré plus ou moins élevé, puisse être un critère infaillible par lequel on pourrait distinguer les espèces des races, c'est-à-dire des formes issues d’une souche commune.
Stérilité provenant de causes distinctes de l’hybridation
17Voyons s’il existe quelques faits analogues qui jettent une lumière sur ce sujet, et qui tendent à expliquer pourquoi les descendants croisés de certaines espèces sont stériles et d’autres non, sans exiger une loi distincte liée à leur création à cet effet. Un grand nombre, probablement une grande majorité, des animaux capturés par l’homme et soustraits à leurs conditions naturelles, même s’ils sont pris très jeunes, parfaitement apprivoisés, et apparemment en bonne santé, semblent incapables dans ces circonstances de se reproduire (les animaux semblent être rendus plus souvent stériles quand ils sont soustraits à leurs conditions de vie originelle, et sont donc plus stériles lorsqu'on les croise. Nous avons une classe de faits montrant que la stérilité des hybrides n’est pas liée étroitement à des différences extérieures, et ce sont celles-ci exclusivement que l’homme obtient par sélection). Je ne parle pas des animaux entretenus dans des ménageries, comme ceux des jardins zoologiques, dont beaucoup semblent cependant en bonne santé, vivent longtemps, s’accouplent mais ne se reproduisent pas, mais bien des animaux capturés et laissés partiellement en liberté dans leur pays natal. Rengger en mentionne plusieurs, pris jeunes et apprivoisés, qu’il éleva au Paraguay et qui ne purent se reproduire ; le guépard et l'éléphant nous en offrent d'autres exemples, ainsi que les ours en Europe, et les vingt-cinq espèces de faucons, appartenant à différents genres, qui par milliers ont été élevés pour la chasse et ont vécu longtemps en parfaite santé. Si l’on pense aux frais nécessaires et à la difficulté éprouvée pour se procurer une série de jeunes animaux à l'état sauvage, on peut être certain qu’aucun effort n’a été épargné pour favoriser leur reproduction. Cette différence dans les divers types d’animaux capturés par l’homme est si manifeste que Geoffroy-Saint-Hilaire distingue deux grandes classes d’animaux utiles à l'homme : les animaux apprivoisés, qui ne se reproduisent pas, et les animaux domestiques, qui se reproduisent a l'état domestique. Certains faits singuliers pourraient nous faire supposer que la non-reproduction des animaux est due à quelque perversion de l’instinct. Mais nous rencontrons exactement le même type de fait chez les plantes ; je ne parle pas du grand nombre de cas où le climat ne permet pas à la graine ou au fruit de mûrir, mais de ceux où les fleurs ne « prennent » pas, à cause de quelque imperfection de l’ovule ou du pollen. Ce dernier, qui seul peut être examiné distinctement, est souvent imparfait, comme quiconque peut l’observer au microscope en comparant le pollen des lilas de Perse et de Chine à ceux des lilas communs ; j’ajouterai que les deux premières espèces sont stériles aussi bien en Italie que dans notre pays. De nombreuses plantes de marais américaines ne produisent chez nous que peu, ou pas du tout, de pollen, alors que les espèces indiennes du même genre en produisent abondamment. Lindley fait observer que la stérilité est le fléau des agriculteurs ; Linné a fait des observations sur la stérilité de presque toutes les fleurs alpines lorsqu'elles sont cultivées dans les plaines. Il est possible que la vaste catégorie des fleurs doubles doit sa structure à un excès de nourriture agissant sur des parties rendues légèrement stériles, mais capables de remplir leur véritable fonction, et par conséquent susceptibles de devenir monstrueuses, monstruosité, comme toute autre maladie, héritée et rendue commune. Loin que la domestication soit en elle-même défavorable à la fertilité, il est bien connu que lorsqu’un organisme est capable de se soumettre à ces conditions, sa fertilité s’accroît au delà de ses limites dans la nature. Selon les agriculteurs, de légers changements dans les conditions, c'est-à-dire dans la nourriture ou dans l’habitat, ainsi que des croisements avec des races légèrement différentes, augmentent la vigueur et probablement la fertilité des rejetons. Il semble également qu’un changement dans les conditions, même très grand, comme par exemple une transplantation des pays tempérés dans l’Inde, ne diminue en rien la fertilité, bien qu'il affecte la santé, la durée de vie et la période de maturité. Quand la stérilité est causée par la domestication, elle est du même ordre et varie de degré, exactement comme chez les hybrides : n’oublions pas en effet que le plus stérile des hybrides n’est en aucune façon monstrueux ; ses organes sont parfaits, mais ils ne fonctionnent pas, et une observation microscopique approfondie montre qu’ils se trouvent, dans les intervalles entre les saisons de reproduction, dans le même état que ceux des vraies espèces. Le pollen défectueux, dans les cas mentionnés ci-dessus, ressemble exactement au cas des hybrides. La fertilité occasionnelle des hybrides, comme le mulet ordinaire, est tout à fait comparable à la reproduction, très rare mais occasionnelle, des éléphants en captivité. La raison de l’imperfection du pollen produit par beaucoup de géraniums exotiques (pourtant en parfaite santé) semble pouvoir être mise en rapport avec l'époque à laquelle on leur donne de l’eau, mais dans la plupart des cas nous ne pouvons émettre d’hypothèses sur la cause précise de la stérilité des organismes soustraits à leurs conditions naturelles. Pourquoi, par exemple, le guépard ne se reproduit-il pas, alors que le chat ordinaire et le furet (ce dernier enfermé généralement dans une petite boîte) sont fertiles, pourquoi l’éléphant ne l’est pas alors que le porc est prolifique, pourquoi la perdrix et la grouse, dans leur propre pays, sont stériles alors que plusieurs espèces de faisans, la pintade des déserts de l’Afrique et le paon des jungles de l’Inde sont fertiles ? Nous demeurons cependant convaincus que la cause en est due à quelques particularités constitutionnelles qui chez ces organismes ne sont pas adaptées à leurs nouvelles conditions de vie, quoiqu’elles ne provoquent pas nécessairement un mauvais état de santé. Pourquoi alors s’étonner si les hybrides qui ont été produits par croisement d’espèces à tendances constitutionnelles différentes (tendances que nous savons être éminemment héréditaires) sont stériles ? Il n’y a rien d’improbable à ce que les forces constitutionnelles de l’hybride d’une plante alpine et d’une plante de plaine soient perturbées, à peu près de la même manière que lorsque la plante alpine est transplantée dans la plaine. L’analogie, cependant, est un guide trompeur, et il serait téméraire d’affirmer, même si cela apparaît probable, que la stérilité des hybrides est due à un trouble des particularités constitutionnelles de l’un des parents provoqué par le mélange avec celles de l’autre parent, exactement comme chez quelques êtres organisés soustraits par l’homme à leurs conditions naturelles. Bien que cette affirmation soit hasardeuse, il serait, je pense, encore plus hasardeux, étant donné que la stérilité n’est pas plus le fait de tous les croisements qu'elle ne l’est de tous les êtres organisés capturés par l’homme, d’affirmer que la stérilité de certains hybrides est la preuve d’une création distincte de leurs parents.
18Mais, objectera-t-on, (si faible que soit le lien entre la stérilité de certains hybrides et la création indépendante des espèces), comment se fait-il, si les espèces ne sont que des races produites par la sélection naturelle20, que leur croisement produise si fréquemment une descendance stérile, alors que dans la descendance des races produites sans doute aucun par l’habileté humaine, il n’y a pas un seul exemple de stérilité ? Cela ne présente guère de difficultés, car les races produites par les moyens naturels exposés ci-dessus seront sélectionnées lentement mais sûrement, elles seront adaptées à des conditions variées et diverses, et elles seront rigoureusement soumises à ces conditions pendant des périodes de temps immenses ; d’où nous pouvons supposer qu'elles acquerront des particularités constitutionnelles différentes adaptées aux places quelles occupent ; et c'est des différences constitutionnelles entre les espèces que leur stérilité, selon les meilleures autorités, dépend. D’autre part l'homme choisit d’après l’apparence extérieure (une simple différence de structure n’est pas une indication de qui se croisera ou non. Un premier pas est obtenu par la séparation des races) : du fait de son ignorance et du fait qu’il ne connaît aucun procédé comparable en précision à la lutte naturelle pour la nourriture, poursuivie par intervalles durant la vie de chaque individu, il ne peut éliminer de subtiles nuances de constitution qui dépendent de différences invisibles dans les fluides et les solides du corps ; répétons-le, à cause de la valeur qu’il attache à chaque individu, il manifeste au maximum son pouvoir en contrariant la tendance naturelle à la survivance des plus vigoureux21. L’homme, en outre, spécialement dans les premiers âges, n'a pu maintenir les conditions de vie constantes ni, dans les périodes suivantes, la pureté de la souche. Avant que l’homme ait choisi deux variétés de la même souche, adaptées à deux climats ou à d’autres conditions extérieures différentes, et les ait maintenues exactement dans ces conditions pendant un ou plusieurs milliers d’années, en sélectionnant constamment les individus qui y sont les mieux adaptés, on ne peut même pas dire qu’il a véritablement commencé l’expérience. De plus, les êtres organisés soumis depuis le plus long temps à la domestication sont ceux qui ont été le plus utile à l’homme, et un élément principal de leur utilité, en particulier dans les premiers âges, doit avoir été leur capacité de supporter un transport subit dans des climats variés, et en même temps celle de conserver leur fertilité, ce qui en soi-même implique que sous ce rapport leurs particularités constitutionnelles n’étaient pas étroitement limitées. Si l'opinion déjà mentionnée est correcte, à savoir que la plupart des animaux domestiques actuels proviennent du mélange fertile de races ou d’espèces sauvages, nous n’avons alors assurément guère de raisons de nous attendre à la stérilité d'un croisement quelconque de ces souches.
19Il vaut la peine de remarquer que, de même que beaucoup d’êtres organisés soustraits par l’homme à leurs conditions naturelles ont leur système reproducteur affecté au point de devenir incapables de se reproduire, de même, nous l’avons vu au premier chapitre, bien que certains êtres organisés capturés par l’homme se propagent facilement, leur progéniture, après quelques générations, varie ou mute à un tel point que la seule explication possible est que leur système reproducteur a dû, d'une certaine manière, être affecté. Une nouvelle fois, quand les espèces se croisent, leur descendance est généralement stérile, mais Kölreuter a trouvé que si les hybrides sont capables de s’unir à l’un ou l’autre de leurs parents, ou à d’autres espèces, leur descendance est sujette après quelques générations à une variation excessive. Les éleveurs affirment aussi que la descendance des métis, après la première génération, varie beaucoup. Nous voyons ainsi que la stérilité et la variation dans les générations qui suivent sont toutes deux l’effet à la fois de l’éloignement des espèces individuelles de leur habitat naturel et du croisement entre espèces. La connexion entre ces faits peut être accidentelle, mais ils semblent certainement s’étayer et s’éclairer les uns les autres, à partir du principe de la sensibilité extrême du système reproducteur de tous les êtres organisés à une perturbation quelconque, que celle-ci soit due au déplacement ou au mélange, dans leurs relations constitutionnelles avec les conditions auxquelles ils sont exposés.
Points de ressemblance entre « races » et « espèces »
20Les races et les formes classées comme espèces se ressemblent à certains égards, bien quelles diffèrent, pour des causes que, nous l’avons vu, nous pouvons jusqu’à un certain point comprendre, par la fertilité et la « pureté » de leur descendance. En premier lieu, il n’y a pas de signe évident qui nous permette de distinguer races et espèces, comme le prouve la grande difficulté éprouvée par les naturalistes qui s’efforcent de les distinguer22. En ce qui concerne les caractères extérieurs, beaucoup de races issues de la même souche sont bien davantage différentes entre elles que ne le sont de véritables espèces du même genre : voyez les pouillots dont d’habiles ornithologistes ne peuvent distinguer certaines espèces que par les nids ; voyez les cygnes sauvages, et comparez les différentes espèces de leurs genres avec les races domestiques de canards, de poules et de pigeons ; de même, pour les plantes, comparez les choux, les amandiers, les pêchers et les nectarines, aux espèces de beaucoup de genres. Saint-Hilaire a même remarqué qu’il y a une plus grande différence de taille entre des races comme celles des chiens (car il croit que tous descendent de la même souche) qu’entre les espèces d'un genre donné, ce qui n’a rien de surprenant, étant donné que la quantité de nourriture, et par conséquent la croissance, sont le facteur de changement sur lequel l’homme a le plus de prise. Je puis rappeler ce que j'ai dit plus haut : les éleveurs croient que le développement d’une partie ou que la forte activité d’une fonction entraînent une réduction dans d’autres parties, car cela semble jusqu’à un certain point analogue à la loi de « compensation organique » que beaucoup de naturalistes considèrent comme valable23. Pour citer un exemple de cette loi de compensation, les espèces de carnivores aux canines fortement développées ont certaines molaires atrophiées, ou bien, dans la catégorie des crustacés qui ont la queue très développée, le thorax l’est peu, et vice-versa. Les points de différence entre différentes races sont souvent étonnamment analogues à ceux qui distinguent les espèces du même genre : de minuscules marques ou taches colorées (Boitard et Corbié sur la bordure rouge extérieure de la queue des oiseaux ; aussi les barres blanches, noires, brunes ou blanches bordées de noir sur l’aile... analogues aux marques communes aux genres mais avec des couleurs différentes. Queue colorée des pigeons) (comme les raies sur les ailes des pigeons) sont souvent conservées dans les races de plantes ou d’animaux, précisément de la même manière que des caractères insignifiants du même ordre se maintiennent dans toutes les espèces d’un genre ou même d’une famille. Les fleurs en variant de couleur deviennent souvent veinées et tachetées et les feuilles se divisent comme dans de véritables espèces : on sait que les variétés de la même plante n’ont jamais des fleurs rouges, bleues et jaunes, bien que les jacinthes fassent presque exception (oxalis et gentiane) ; et différentes espèces du même genre ont rarement — mais quelquefois cependant— des fleurs de ces trois couleurs. Les chevaux bais qui ont une bande foncée le long du dos, et certains ânes qui ont des bandes transversales sur les pattes, offrent des exemples frappants d’une variation de caractère analogue aux traits distinctifs d’autres espèces du même genre.
Caractères extérieurs des hybrides et des métis
21Il y a cependant, me semble-t-il, une méthode plus importante pour comparer entre elles espèces et races, c’est d'étudier le caractère de la descendance24 quand des espèces sont croisées et quand des races sont croisées : je crois qu’il n’existe aucune différence, sauf dans la stérilité. Ce serait, je pense, un fait merveilleux, si les espèces avaient été formées par des actes de création distincts, que les espèces puissent agir l’une sur l'autre en s’unissant, comme des races issues d'une souche commune. En premier lieu, par croisements répétés, une seule espèce peut absorber et oblitérer complètement les caractères d'une autre ou de plusieurs autres espèces, tout comme une race absorbe une autre race par croisement. Ce serait merveilleux qu’un acte de création absorbe un ou même plusieurs autres actes de création25 ! Les rejetons des espèces, c’est-à-dire les hybrides, et les rejetons des races, c’est-à-dire les métis, se ressemblent en ce qu’ils sont, soit intermédiaires dans leurs caractères (comme c’est le cas le plus fréquent pour les hybrides), soit parfois plus ressemblants à l’un ou l’autre parent ; dans les deux cas, les rejetons produits par le même acte de conception diffèrent quelquefois dans leur degré de ressemblance ; les hybrides et les métis, tous deux, conservent parfois une certaine partie ou quelque organe très semblable à celui de l’un ou l’autre parent ; tous deux, comme nous l’avons vu, deviennent variables au fil des générations, et cette tendance à varier peut être transmise par l’un comme par l'autre ; chez tous deux existe pendant de nombreuses générations une forte tendance au retour à la forme ancestrale. Dans le cas d'un cytise hybride et d’un métis supposé de vigne, différentes parties des mêmes plantes tenaient de chacun de leurs deux parents. Chez les hybrides de quelques espèces, et chez les métis de quelques races, la progéniture diffère suivant l’individu des deux espèces ou des deux races qui est le père (comme pour le mulet commun et le bardot) et qui est la mère. Quelques races, qui diffèrent tellement par la taille que la femelle périt souvent en travail, se croisent entre elles ; il en est de même de quelques espèces quand on les croise ; lorsque la femelle d’une espèce a mis bas après saillie avec un mâle d’une autre espèce, sa progéniture (comme dans le cas extraordinaire de la jument de Lord Morton saillie par le quagga, aussi extraordinaire que soit le fait) est quelquefois détériorée par le premier croisement ; et les éleveurs affirment catégoriquement qu’il en va ainsi lorsqu’une truie ou une brebis d’une race a produit des descendants par un mâle d’une autre race.
Résumé du second chapitre
22Résumons ce second chapitre. Si de légères variations se produisent chez les êtres organisés à l’état de nature ; si des changements de conditions dus à des causes géologiques produisent bien au cours des âges des effets analogues à ceux de la domestication sur des organismes, si petit qu’en soit le nombre ; et comment pourrions-nous en douter, d’après ce que nous connaissons actuellement et ce que nous pouvons présumer, étant donné que des milliers d’organismes capturés par l’homme pour divers usages, et placés dans de nouvelles conditions, ont varié ; si ces variations tendent à être héréditaires, et comment pourrions-nous en douter, en voyant des nuances d’expression, des comportements particuliers, des monstruosités des plus étranges, des maladies, et une multitude d’autres particularités, qui caractérisent et forment, par transmission héréditaire, les innombrables races (il y a 1 200 sortes de choux) de nos plantes et de nos animaux domestiques ; si nous admettons que chaque organisme maintient sa place par une lutte qui revient à intervalles presque réguliers, et comment pourrions-nous en douter, quand nous savons que tous les êtres tendent à se multiplier en une proportion géométrique (comme on le voit immédiatement lorsque les conditions deviennent temporairement plus favorables) alors qu'en moyenne la somme des subsistances doit demeurer constante ; alors, il y aura un moyen naturel de sélection tendant à préserver les individus qui possèdent la plus petite déviation de structure plus favorable aux conditions du moment, et à éliminer ceux qui possèdent des déviations allant en sens contraire. Si ces propositions sont correctes, et s'il n’y a pas de loi de la nature limitant la somme possible des variations, de nouvelles races d’êtres vivants — peut-être en de rares occasions, et seulement dans un petit nombre de lieux — se formeront.
Limites de la variation
23La plupart des auteurs admettent qu’il existe dans la nature une limite aux variations, bien que je sois incapable de découvrir un seul fait sur lequel cette croyance est fondée. L’un des arguments les plus communs est que les plantes ne s’acclimatent pas, et j’ai même observé que l'on mentionne comme exemple des plantes qui ne sont pas obtenues par semis, mais propagées par boutures. On a cependant mis en avant un bon exemple avec les haricots de Soissons, que l’on pense être actuellement aussi tendres qu'au moment de leur introduction. Même si nous négligeons l’introduction fréquente de graines de pays plus chauds, l’on me permettra de remarquer que tant que les graines sont récoltées pêle-mêle, sans une observation continuelle et sans une sélection soignée des plantes qui ont le mieux résisté au climat durant toute leur croissance, l’expérience de l’acclimation n’a pas encore commencé. Toutes les plantes et tous les animaux dont nous possédons le plus grand nombre de races ne sont-ils pas ceux qui ont été domestiqués le plus anciennement ? Si l’on considère les progrès (l’histoire des pigeons montre une augmentation des particularités ces dernières années)26 les plus récents de l’agriculture et de l’horticulture systématiques, n’est-ce pas contredire tous les faits que d’affirmer que nous avons épuisé la capacité de variation de notre bétail et de nos céréales, même si nous y sommes parvenus pour certains caractères mineurs, comme le poids ou le type de laine ? Qui prétendra que, si l’horticulture continue à se développer pendant quelques siècles, nous n’obtiendrons pas de nouvelles sortes de pommes de terre et de dahlias en grand nombre ? Prenez donc deux variétés de chacune de ces plantes, adaptez-les à certaines conditions déterminées et empêchez tout croisement pendant 5 000 ans, puis variez à nouveau leurs conditions ; essayez plusieurs climats et plusieurs situations, qui pourra alors prédire le nombre et le degré de différences qui sortiront de ces souches ? Je répète que nous ignorons tout d’une limite possible au nombre des variations, et par conséquent du nombre et des différences de races qui pourraient être produits par les moyens naturels de sélection, qui sont infiniment plus efficaces que l’action humaine. Les races ainsi produites seraient probablement très « pures » ; et si, ayant été adaptées à différentes conditions d’existence, elles étaient de constitution différente, si on les déplaçait soudain dans une autre région, elles seraient peut-être stériles et leur descendance serait peut-être infertile. Ces races ne seraient pas distinguables des espèces. Mais y-a-t-il des preuves que les espèces, qui nous environnent de tout côté, ont été produites de cette manière ? C’est une question à laquelle, probablement, un examen de l’économie de la nature nous permettrait de répondre par l’affirmative ou par la négative27.
Notes de bas de page
1 Darwin ne croit pas ici l’existence de nombreuses variations à l'état de nature. Dans L'Origine des Espèces, il parle de « différences nombreuses et légères » (Paris, Maspéro, I, p. 47).
2 La difficulté éprouvée par les meilleurs spécialistes pour classer les spécimens apportés par Darwin de son voyage sur le Beagle fut une des raisons qui le poussa à s'interroger sur « la question des espèces » dès 1837.
3 L’« Etre » du manuscrit de 1844 est remplacé, dans la première édition de L'Origine des Espèces, par la « nature », et dans la sixième édition par la « sélection naturelle ».
4 Si un être vivant peut être adapté à de nouvelles conditions, l'adaptation n'est pas nécessairement « parfaite », selon le langage dominant de la pensée scientifique et théologique de l’époque, mais peut être conçue comme une réduction dynamique de l'écart entre le vivant et son milieu.
5 « Chance seedlings » : Darwin, ici, oppose fortement les variations fortuites, fruit d’un certain hasard, et l’acte de spéciation produit par des « moyens naturels de sélection » utilisés par un Etre omniscient.
6 Cf. L'Origine des Espèces, I, p. 89.
7 Le référence au Créateur disparait dans L'Origine des Espèces.
8 Cette section fut lue devant la Linnean Society le 1er juillet 1858, où furent présentées les recherches de Darwin et de Wallace. Darwin, on l'a vu, ne parle pas de « sélection naturelle » mais de « moyens naturels de sélection ».
9 Dans L'Origine des Espèces, l’exposé de la lutte pour la vie, avec référence à De Candolle, constitue un chapitre séparé, qui se situe avant la discussion sur la sélection naturelle.
10 Cf. L’Origine des Espèces, I, p. 69.
11 Cf., L'Origine des Espèces, p. 70.
12 Cette image, l’une des plus frappantes de Darwin, fut reprise dans la première édition de L'Origine des Espèces, puis supprimée dans les éditions suivantes.
13 Cf. L’Origine des Espèces, I, p. 113. Mais Darwin accorde en fait une plus grande importance dans cet ouvrage à « une vaste contrée ouverte » pour la production de nouvelles espèces, et accorde moins d'importance au rôle de l'isolement.
14 Cf. L'Origine des Espèces, I, p. 97.
15 Ce passage correspond à la section intitulée « sélection sexuelle » dans L'Origine des Espèces (p. 94).
16 Dans L'Origine des Espèces, le terme de « race » est remplacé par celui de « variété ».
17 Cf. L'Origine des Espèces, I, p. 89.
18 On a souvent maintenu que, dans ce manuscrit, Darwin accordait une plus grande importance aux monstres (sports) que dans L'Origine des Espèces. Ce passage montre qu'il accorde déjà en 1844, en ce qui concerne la sélection naturelle, plus d’importance aux petites variations.
19 Certaines de ces considérations sont reprises dans le huitième chapitre de la première édition de L'Origine des Espèces (neuvième chapitre de la traduction française basée sur la sixième édition) consacré aux hybrides.
20 C’est ici le premier emploi de l’expression « sélection naturelle ».
21 En anglais « natural tendency of the most vigorous to survive ». En 1864, Spencer parlera dans ses Principes de Biologie de « survivance du plus apte » (survival of the fittest), terme que Darwin reprendra à partir de la cinquième édition de L'Origine des Espèces (1869) comme synonyme de sélection naturelle.
22 Cf., supra note 2.
23 Cf., L'Origine des Espèces, I, pp. 159-61.
24 Cf., L'Origine des Espèces, II, pp. 347-350.
25 La théorie des « moyens naturels de sélection » est une réfutation de la théorie dominante des « créations séparées ».
26 Dans le premier chapitre de L'Origine des Espèces une section importante sera consacrée aux variations des pigeons domestiques.
27 Dans L'Origine des Espèces, le chapitre VI intitulé « Difficultés de la Théorie » suit celui des « Lois de Variations ».
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