Annexe n° 2. Protestantisme en Cambrésis et à Bertry entre 1802 et 1878
p. 371-398
Texte intégral
(1). 1802 - 1821
1Pour répondre à la volonté de Napoléon Bonaparte, Premier Consul, les « Articles Organiques des cultes protestants » furent promulgués en avril 1802, le même jour que les « Articles Organiques du Culte catholique ». Leurs dispositions s’inscrivaient dans le processus d’édification d’un Etat centralisé et autoritaire. Elles prévoyaient qu’un certain nombre d’églises protestantes seraient promues au rang d’Eglises consistoriales. Il serait créé une « Eglise Consistoriale » par « six mille âmes de la même confession », mais leur ressort ne pourrait « s’étendre d’un département dans un autre » (Art. 16 et 28). Etaient donc exclus les départements où les protestants étaient moins de six mille.
2Le Consistoire était l’organisme de direction. Outre, le ou les pasteurs de l’église consistoriale, il devait compter de six à douze membres laïques « choisis parmi les citoyens les plus imposés au rôle des contributions directes » (Art. 18). Le choix « à la pluralité des voix » de tout nouveau pasteur pour l’Eglise consistoriale était dans ses attributions, sous réserve que l’élection soit approuvée par le chef du gouvernement en l’occurrence le Premier Consul. Le pasteur ainsi désigné était tenu de prêter serment « entre les mains du préfet » (Art. 26). Les pasteurs recevaient un traitement qui en faisait des fonctionnaires de l’Etat, mais ils ne pouvaient être destitués sans que le Gouvernement eût donné son accord (Art. 7 et 25)1.
3Le seuil des six mille âmes n’était atteint ni dans le département du Nord, ni dans celui de l’Aisne. A l’encontre de ce que prévoyaient les Articles Organiques, le département de l’Aisne fut réuni à celui de Seine-et-Marne pour constituer une Consistoriale unique dont l’Eglise se trouvait à Monneaux, une localité voisine de Château-Thierry, à l’extrémité méridionale de l’Aisne. Son autorité s’exercera cependant jusqu’à l’oratoire de Walincourt, en Cambrésis.
4Avant 1812, le pasteur Matile, Hollandais de naissance, fut seul pasteur pour tout le département de l’Aisne, son point d’attache étant le village d’Hargicourt, dans le canton du Catelet, à la limite du Cambrésis et à moins de dix-huit kilomètres de Walincourt. En 1812, le pasteur Colani occupait la chaire de Lemé, une commune à mi-chemin entre Guise et Vervins. Les protestants de Saint-Quentin n’obtinrent qu’en 1828 la création d’un poste de pasteur dans leur ville. On y nomme, en premier lieu, le jeune pasteur Guillaume Monod.
5A défaut d’une Eglise consistoriale, les Protestants du Nord se virent concéder trois « oratoires » ayant à leur tête des pasteurs « officiels » Il s’agissait de Quiévy, dans le canton de Carnières, à l’est de Cambrai, de Lille et de Walincourt, tous trois créés, le 25 août 1804. Le pasteur De Visme qui exerçait son ministère de la Somme à l’Aisne depuis 1787, fut immédiatement nommé pasteur de Quiévy et le pasteur Boissard fut affecté à l’oratoire de Lille où il ne resta que trois ans. Ce fut le pasteur de Félice qui lui succéda en 1807. Moins favorisé, l’oratoire de Walincourt demeura vacant jusqu’en 1810 et son premier pasteur, le pasteur Courlat, ne put s’y maintenir que pendant un an. A dater de 1813, le poste fut confié de façon durable au pasteur Larchevêque. Celui-ci épousa une jeune fille du village, Madeleine Cattelain. Il fut pasteur titulaire de l’oratoire de Walincourt jusqu’au jour de sa mort, en 18522.
6Sous la Restauration, l’accroissement de la population protestante justifia la création de deux nouveaux consistoires, le premier à Lille en 1822, ayant la responsabilité des protestants du Nord et du Pas-de-Calais, le second à Saint-Quentin en 1829, pour l’Aisne. Le pasteur Matile, d’Hargicourt, fut le premier président du Consistoire de l’Aisne.
7Les protestants des régions du nord de la France étaient dissémines dans un grand nombre de communes rurales et, quelles fussent ou non organisées en églises souvent minuscules, leurs assemblées étaient soumises à un oratoire ou à un poste pastoral placé sous l’autorité du consistoire. Pour l’administration et pour le Gouvernement l’édifice paraissait sans faille. Comme les curés, les pasteurs s’engageaient à dénoncer les éventuels conspirateurs3. Rien n’était censé échapper à la vigilance des maires et des préfets, représentants du pouvoir.
8Dans la pratique le système fut mis en échec pour la simple raison que les circonscriptions pastorales étaient trop vastes pour que les pasteurs pussent les contrôler efficacement. « Quand il y eut un culte établi à Reumont, il fut convenu que le pasteur partagerait ses services entre Bertry et Reumont. M. Larchevêque alla donc trois fois par année à Bertry et autant à Reumont » (H.E., p. 24 - vers 1814).
9Les églises locales continuèrent donc à être dirigées comme par le passé par un conseil d’anciens, des membres respectés de l’assemblée des fidèles en qui ceux-ci plaçaient leur confiance. Leur autorité spirituelle les faisait parfois écouter à l’égal des pasteurs. Il en fut ainsi de Jean-Baptiste Roussiez, un ancien de Walincourt, qui était connu bien au-delà des limites de sa commune, comme d’Osée Gambier d’Hargicourt (H.E., pp. 13, 17 et passim).
10En cette période, de reconstruction des communautés protestantes qui avait débuté en 1787 avec la promulgation de l’Edit de Tolérance et devait se poursuivre sous la Révolution et sous l’Empire, la plupart des réformés étaient des descendants de familles restées fidèles dans le secret à la confession proscrite. Ces « vieux protestants » étaient relativement nombreux dans certaines communes du Cambrésis, qu’il s’agisse de Walincourt, de Caudry, de Beaumont et Inchy ou de Quiévy. Ensemble Beaumont et Inchy comptaient plus de deux cents protestants à la fin de l’Empire. Dès 1810, ils avaient acheté le local précédemment loué qui servait de temple. Pour seulement citer les assemblées dépendant de l’oratoire de Walincourt qui, à l’exception d’Inchy-Beaumont, se trouvaient dans le canton de Clary, Caudry, avec une centaine de protestants, célébrait un culte chaque dimanche (H.E., p. 4 - avant 1810) et Caullery ou Elincourt étaient chacune fortes d’une centaine de membres, soit un cinquième de la population pour Caullery et un dixième pour Elincourt. A Walincourt les protestants étaient plus de trois cents, un quart de la population4.
11On aurait trouvé sans doute des protestants dans presque tous les autres villages du canton de Clary, même s’il ne s’était agi que d’une seule famille où même d’un individu isolé. D’une jeune femme de Clary qui avait fait baptiser son fils à Caullery par le pasteur Larchevêque, le pasteur Pruvot écrivait : « Il y avait donc des protestants depuis longtemps à Clary, car cette Angélique [Loiseau] était fille d’un protestant » (H.E., p. 8 - 1814). Dans son étude sur les protestants de Walincourt, le pasteur Pannier a reproduit une lettre du 20 octobre 1772 qui mentionne une assemblée réunie secrètement « entre le bois de Saint-Aubert et Walincourt et la ferme d’iris », ce qui la situerait à moyenne distance de Walincourt, de Caullery, de Clary et d’Elincourt5. Il semble que les habitants de Bertry avaient eu connaissance de telles assemblées qui se seraient tenues dans un bois proche de Clary, le bois de Gattigny, et ils disaient que les protestants allaient « à la messe au Bois de Gattigny » (H.E., bis). Lors d’un culte présidé à Bertry au commencement de 1814 par le pasteur Larchevêque, « on y a aussi remarqué un homme de Reumont nommé François Dron, tourneur de son état. Je n’ai jamais su comment cet homme était venu protestant, ni en quel temps, toutefois il fut le premier protestant de sa commune » (H.E., p. 8).
12Le pasteur Pannier a relevé les noms de protestants originaires des villages de Villers-Outréaux, de Maretz, de Selvigny, dans les registres de l’Eglise wallonne de Tournai6.
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13Forts de la liberté religieuse qu’ils venaient de recouvrer, les protestants exercèrent un prosélytisme en direction des catholiques auquel peuvent être attribuées des conversions et la création de plusieurs nouvelles églises, notamment en Cambrésis. L’église réformée de Bertry n’eut pas d’autre origine.
14Autant qu’on le sache, le village n’avait compté qu’un seul protestant avant 1808, « Jean-Baptiste Basquin, tailleur d’habits... Cet homme était protestant depuis plusieurs années, mais on n’en savait rien » (H.B. bis). L’aîné des fils du tonnelier Jean-Philippe Poulain, Valentin, tissait le coton pour un fabricant de calicot d’Inchy. « Un jour, il eut occasion de s’entretenir avec lui de la religion protestante et, pour mieux connaître par lui-même ce qui en était, il alla au culte à Inchy » (Ibid., et H.B., p. 3). Il ne lui fallut pas longtemps pour se décider à se convertir et il entraîna la conversion de ses plus proches parents, à commencer par son frère Louis.
15Les principes d’égalité et de liberté affirmés dans la Déclaration des Droits de 1789 et diffusés sous la Révolution purent n’être pas étrangers à certaines adhésions au protestantisme qui pouvait paraître plus proche de la République que la hiérarchie de l’Eglise catholique et que le cérémonial de ses offices. Un culte célébré dans une langue que tous comprenaient faisait les fidèle égaux, de même que les faisait égaux le droit qui leur était reconnu de lire et de commenter la Bible. Le pasteur Pruvot se souvenait du premier culte réformé auquel il avait assisté à Inchy et qui se faisait en français. « Ce qui m’a d’abord dégoûté de l’Eglise romaine, ce furent son idolâtrie et son culte en langue étrangère » (H.E., p. 6). Ces remarques ne pouvaient être venues spontanément à l’enfant de neuf ans qu’il était alors et c’est d’ailleurs à son oncle Valentin qu’il les a attribuées dans la version écourtée de l'Histoire des Protestants de Bertry. Le culte protestant d’Inchy « lui plut beaucoup parce qu’il se faisait en langue vulgaire, qu’on y lisait l’Evangile, qu’on adorait Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et qu’il n’y avait dans le temple ni statues, ni images, ni aucune représentation pour se prosterner devant ».
16A Bertry, dès 1810, les protestants s’organisèrent en une assemblée autonome et Valentin Poulain se trouvait à leur tête. Il est probable qu’ils bénéficièrent des conseils des « anciens » de l’église réformée d’Inchy-Beaumont et qu’ils s’inspirèrent des modèles à leur portée pour le choix des livres jugés indispensables. On peut penser que leur petite bibliothèque était le reflet fidèle des bibliothèques que possédaient les plus pauvres des églises protestantes de leur temps.
17Le premier de tous les livres était évidemment la Bible. Il revint aux frères Poulain, Valentin et Louis, d’acheter « une grosse Bible d’Ostervald d’occasion qu’on voulut bien leur revendre » (H.E., p. 5). Ils ne la payèrent pas moins de vingt francs, ce qu’un ouvrier tisseur gagnait alors en moyenne en deux semaines de travail. D’autres membres de l’assemblée se procurèrent une « Liturgie, dite de Genève, pour les dimanches et jours de fête », un « Indicateur pour les chapitres qu’on devait lire et pour les psaumes que l’on devait chanter chaque dimanche de l’année et aux fêtes », des recueils de « sermons de Jacquelot, de Durand et de Saurin » (Ibid.). « Avec toutes ces choses, on établit le culte à Bertry » (H.B., bis). Témoins du passé dans ce village « où il n’y avait que préventions contre les protestants », on trouva « chez quelques catholiques romains des Nouveaux Testaments avec les psaumes en musique et quelques cantiques » (H.B., p. 6).
18Les cultes se firent en se conformant aux pratiques en usage ailleurs. En l’absence d’un pasteur, ils se déroulaient avec alternance de prières dites à haute voix par les fidèles, de chants et de lecture. « Dans le culte, on ne se mettait point à genoux » (H.E., p. 7), mais chacun y participait activement, même si le rôle principal était réservé aux « lecteurs ». L’attention de tous était constamment tenue en éveil, ce qui était heureux. Comment autrement l’assemblée n’aurait-elle pas été saisie par la torpeur au cours de l’interminable lecture de sermons composés en d’autres temps à l’intention d’un auditoire peut-être mieux préparé à les entendre. Les après-midi du dimanche étaient les rares moments dérobés au travail, les matinées elles-mêmes étant réservées pour des tâches qu’il eût été inconcevable d’accomplir en un « jour ouvrier ». Au « dîner », le pot-au-feu avait été servi et ce repas du milieu du jour était souvent le seul de toute une semaine où il était permis de s’attarder autour d’une table. En été, on devait affronter le soleil du plein après-midi pour aller au temple, mais, dès l’automne, le soir tombait déjà à l’heure du culte. Le pasteur Pruvot fut toujours opposé aux « cultes de lecture » parce qu’il avait pu observer dans le passé que « la lecture des sermons dans un culte endort » (H.B., p. 138).
19Les premiers lecteurs, à Bertry, avaient été de simples travailleurs manuels. « Les lecteurs n’étaient pas alors si communs qu’aujourd’hui, parce que l’instruction n’était pas développée. D’ailleurs lire en public n’était pas chose facile » (H.B. bis). On comprend d’autant mieux que les protestants n’aient jamais hésité à entreprendre des « démarches » quand l’occasion se présentait à eux d’entendre un pasteur s’adresser du haut d’une chaire à ses auditeurs campagnards. « C’était chose rare que d’entendre un ministre, aussi, quand il y en avait un qui prêchait quelque part, tous les protestants d’alentour, jusqu’à plusieurs lieues de distance, s’y transportaient tant pour l’entendre que pour faire la Sainte Cène » (H.E., p. 4).
20Plus tard le pasteur Pruvot allait se montrer sévère quand il évoquerait les débuts de l’assemblée de Bertry et le comportement de ses membres. « Jusqu’ici le protestantisme de Bertry comme des autres localités environnantes n’était plus qu’un protestantisme formaliste et sans foi » (H.B., p. 27). Sans indulgence, il l’opposait au renouveau de ferveur religieuse qui marqua les années 1820, au « Réveil ». Il y vit le retour à la « religion des apôtres », aux sources véritables de la foi chrétienne. Il n’avait pas oublié que son oncle Valentin Poulain et lui-même avaient été de ses artisans.
21Pour les protestants de Bertry, le Réveil eut des conséquences durables.
(2). 1821-1830
22La présence dans le Nord des troupes britanniques d’occupation après Waterloo permit aux aumôniers qui les accompagnaient de développer une action missionnaire en direction de la population, « car... les Anglais... avaient avec eux des missionnaires qui portaient la bonne nouvelle de l’Evangile en France et frayaient la voie à la liberté évangélique. En 1819, Monsieur Pyt Henri, de Sainte-Croix, canton de Vaud, Suisse, fut envoyé à Valenciennes, Nord, par le Comité de la Société Evangélique Continentale de Londres, parce que les aumôniers de l’armée avaient jeté quelque peu de la semence de la Vérité » (H.E., p. 13).
23A l’occasion de l’une de ses tournées de prédications, Henri Pyt alla à Caudry le 7 décentre 1819 et les protestants de Bertry purent ainsi le connaître et aller l’entendre prêcher. Il retourna à Valenciennes en passant par Saulzoir, puis gagna Nomain, sur la frontière de Belgique. « Il trouva dans ce village une intéressante assemblée protestante de cent quarante personnes auxquelles il prêcha » (H.E., p. 13 et H.B.). Il s’établit à Nomain dès janvier 1820 « et bientôt il vit les fruits de son œuvre par la conversion de plusieurs personnes ». Quelques jeunes gens formés par lui allaient entreprendre le colportage religieux de village en village et, dans l’automne 1821, l’un de ses disciples, Jean-Baptiste Ladames se présenta à Bertry.
24Ladame était déjà alors un homme fait, âgé de plus de trente ans et ancien soldat des années de l’Empire. Il avait donc parcouru bien des chemins et avait participé à la campagne de Russie en 1812, avant d’être mis en « congé illimité » et de revenir, en 1815, à Nomain qui aurait été son lieu de naissance. Ce fut là qu’il aurait noué ses premières relations avec des protestants, mais "sa conversion", avec la signification que lui donnaient les artisans du Réveils devait être l’œuvre d’Henri Pyt.
25Le Jeune Jean-Baptiste Pruvot avait été conquis par lui dès leur première rencontre et ne devait jamais cessé de le défendre contre ses détracteurs, lui faisant place dans ses Mémoires et surtout dans son Histoire des Protestants de Bertry. Sans le reconnaître expressément, il lui attribuait la dissidence, la "conversion", de plusieurs protestants de Bertry, et il le justifiait d’avoir "formé des églises particulières" (H.B., p. 34), au nombre desquelles se trouvait l’assemblée de Reumont.
26Le personnage jouait de son influence sur ceux qu’il abordait et, semble-t-il, il savait entraîner l’adhésion des adolescents, ce qui le fit accuser "d’enlèvement de mineurs" (Ibid.). Associé à ses attitudes de piété, son charisme faisait de lui un fondateur de secte (H.E., pp. 13, 15 et 17 et H.B., pp. 30 à 35).
27La nécessité de la conversion et son urgence ont été au centre des messages transmis par les colporteurs évangélistes de Nomain, le salut et la vie éternelle ne pouvant être gagnés qu’à ce prix. Les pasteurs eux-mêmes étaient tenus de se convertir, ce qui amenait le pasteur Pruvot à écrire que le pasteur Colani qui avait prêché à Bertry "avant sa conversion", avait voulu y retourner pour « encore y prêcher après être converti" (H.E., p. 17). Toutefois, il admettait que l’affirmation que le salut "est gratuit" que "le ciel ne se gagne pas, qu’il se donne" (H.E., p. 239) n’était pas nouvelle et que bien avant le Réveil et la venue des colporteurs de Nomain, des réformés, dont était Jean-Baptiste Poussiez, cet "ancien" de Walincourt, en avait fait un thème de prédication « pour faire comprendre aux protestants de Bertry comme à ceux des environs, que le salut était par la foi en Jésus-Christ, que personne ne pouvait être sauvé par ses bonnes œuvres, vu que les hommes sont pécheurs. Mais on ne le comprenait pas » (H.E., p. 13)7.
28Peut-être parce que les propagandistes du Réveil venus de Nomain pour prêcher « la bonne nouvelle de l’Evangile » n’étaient que des laïcs qui « expliquaient la Parole de Dieu avec une grande simplicité » et qu’ils « priaient d’abondance », ils surent mieux se faire entendre. Dès la première visite de Ladame à Bertry, Valentin Poulain avait expliqué autour de lui que ce colporteur avait fait « une prière d’abondance, comme font les pasteurs, et que cet homme n’avait pas étudié » (H.E., p. 15 et H.B., p. 36). Prier, prêcher d’abondance, ce n’était pas autre chose que s’exprimer sans s’y être préparé, en improvisant selon son cœur. Ainsi l’idée allait-elle prendre forme que le privilège de « prêcher l’Evangile » ne revenait pas aux seuls pasteurs ou à quelques « anciens », puisque ces colporteurs et ces évangélistes en fournissaient la preuve. Désormais, à Bertry, quand « on se réunissait le soir,... dans ces réunions, on s’exhortait à expliquer la parole de Dieu » (H.E., p. 15).
29De telles pratiques allaient à l’opposé du système hiérarchisé mis en place avec les Articles Organiques qui fondaient l’autorité des pasteurs sur le fait qu’ils étaient instruits et avaient étudié « dans le séminaire de Genève »8. Quand les circonstances voulaient que des laïcs assurent les cultes, ils ne pouvaient le faire que dans le rôle de modestes lecteurs des Saintes Ecritures, de la liturgie, des prières ou des sermons que d’autres avaient composés.
30A Bertry et à Reumont que Ladame avait visité également à l’automne 1821, comme dans les différents villages où se présentèrent les évangélistes du Réveil, leurs messages, « toutes ces bonnes choses » ; furent généralement bien accueillis. Dans le même temps, les pasteurs « officiels » voyaient s’affaiblir leur autorité. Jean-Baptiste Pruvot et son cousin, Théophile Poulain, qui n’étaient que de très jeunes gens, osèrent pourtant tenir tête au pasteur Larchevêque au cours d’entretiens devant les préparer pour la première communion. « On nous fit plusieurs fois nous présenter devant lui pour être interrogés, mais nous n’étions point d’accord avec lui sur le fondement du salut. Enfin, il ne voulut plus nous interroger et, comme plusieurs jeunes gens de Reumont devaient être reçus par lui en un certain jour, nous allâmes à Reumont et nous fîmes la communion avec les autres » (H.E., p. 15 - 1822).
31Si leur foi a été sincère, la volonté de s’imposer à la tête de leur église a pu amener certains laïcs à faire dissidence de l’Eglise protestante nationale. Ce fut probablement son ambition qui poussa Valentin Poulain dans cette voie, comme peut-être même son fils Théophile. Au dire du pasteur Pruvot qui l’avait bien connu, celui-ci avait « fait tant de progrès qu’à l’âge de dix-huit ans, il pouvait prêcher en chaire... On comprend que mon oncle et son fils étaient désireux de mettre au profit les dons qu’ils avaient reçus du Seigneur en faisant le culte à Bertry de la même manière qu’on le faisait à Reumont » (H.E., p. 18 - 1824). En ce temps-là, sous la direction de Ladame, l’église protestante de Reumont était devenue une église Baptiste.
32Dans le département de l’Aisne et du Nord, l’Eglise baptiste était parvenue alors à s’imposer dans des assemblées réformées où avait triomphé la dissidence, et il n’est pas exclu qu’elle ait bénéficié de la curiosité que pouvaient éveiller les baptêmes par immersion. Ces baptêmes donnaient une expression concrète à l’acte de la conversion en imposant un engagement à la fois physique et moral à ceux qui souhaitaient être baptisés et étaient invités à témoigner « de leur foi et de leur espérance ». Le salut pouvait leur sembler dès lors moins aléatoire.
33Le pasteur Pruvot a laissé une description minutieuse du temple de Reumont qui avait été aménagé sur le modèle du temple bâti à Nomain en 1821 (H.E., p. 17). L’un et l’autre comportaient un baptistère et il paraît vraisemblable qu’au moins dans le nord de la France, le Réveil ait été fortement marqué par l’action des baptistes.
34Qu’ils fussent ou non des baptistes, les pasteurs « réveillés » et les évangélistes amenèrent des catholiques à la conversion, bien qu’ils aient porté leur action de préférence en direction des protestants réformés. En Cambrésis, dans tout le ressort de l’oratoire de Quiévy, la mort du pasteur De Visme qu’avait remplacé le pasteur Durell, leur avait laissé le champ libre. « Le Réveil eut aussi lieu à Saulzoir et à Quiévy, à Saint-Vaast, par le fréquent passage des pasteurs, des évangélistes et des colporteurs allant et venant de Reumont à Nomain » (H.E., p. 17). Le pasteur Colani, de Lemé, passait également pour être un pasteur « converti : Parfondeval, Landouzy-La Ville sentirent les bienfaits du réveil de M. Colani, leur pasteur, ainsi que Vaux-en-Arrouaise qui d’ailleurs était très rapproché de Reumont » (Ibid.).
35A l’inverse, les pasteurs de Félice à Lille, Larchevêque à Walincourt, et Matile, président du Consistoire de l’Aisne, se refusèrent à tout rapprochement avec les dissidents. Les conflits qui avaient éclaté dès 1821, se prolongèrent parfois sur plusieurs années. Ils eurent dans certaines circonstances pour origine des contestations sur la faculté offerte aux uns ou aux autres d’utiliser le temple ou le local affecté au culte.
36A Nomain, les « protestants » qui s’opposaient aux « régénérés », les chassèrent du temple en 1821 et ceux-ci durent en construire un à leur usage (H.E., p. 14). A Hargicourt, le pasteur Matile avait argué de sa qualité de pasteur « officiel » pour ne « point prêter sa chaire et son temple aux prédicateurs fidèles » et il semble même qu’il n’hésita pas à faire appel à la force publique. « Les chrétiens se trouvèrent forcés de se réunir hors du temple. Pour cela on leur fit un procès... Les fidèles durent se réunir dans les bois par la pluie pour entendre la prédication de la parole de Dieu » (H.E., p. 17).
37Tout au contraire, à Reumont, ce furent les partisans de l’Eglise réformée, très minoritaires, qui furent évincés, même si « tous les protestants... ne reçurent pas ce qu’ils appelaient la nouvelle doctrine » (H.E., p. 47).
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38Les frères Poulain, Valentin et Louis, dirigeaient en fait l’assemblée de Bertry et leurs désaccords se répercutèrent pendant de longues années sur la vie de l’église locale, sans que le pasteur Larchevêque paraisse être jamais intervenu ouvertement. Il laissa le soin d’agir à l’ancien Jean-Baptiste Roussiez « en qui [Louis Poulain] avait toute confiance. Et la barre fut dans la roue » (H.E., p. 18).
39A Bertry, le culte et les réunions religieuses s’étaient faits depuis les premiers jours dans des maisons appartenant aux Poulain : De 1809 à 1820, chez Valentin, provisoirement ensuite dans une maison achetée par le père Poulain, puis à nouveau chez Valentin.
40Une première scission fut consommée au printemps 1824. Au cours d’une réunion des « principaux de l’assemblée », Valentin Poulain et son fils Théophile déclarèrent qu’ils allaient entrer dans l’Eglise de Reumont « laquelle marche selon la Parole de Dieu et selon nos principes ». Ils renonçaient aux droits qu’ils pouvaient avoir sur les quelques biens de l’assemblée, « la Bible, les liturgies, les sermons, et les bancs (sic) ». Pour le pasteur Pruvot, Théophile Poulain avait « la maladie de la séparation » (H.E., p. 19).
41Jusqu’à l’automne 1826, il semble que Théophile Poulain se comporta en toutes circonstances comme le pasteur de l’Eglise dissidente de Reumont. Il prêchait et il baptisait par immersion des candidats au baptême qui venaient parfois le trouver d’aussi loin que Saint-Vaast en Cambrésis, ou même de Sains-Richaumont ou de Parfondeval, dans l’Aisne. Chez son père, à Bertry, « il travaillait peu de son état de menuisier, mais il étudiait beaucoup » (H.E., p. 27). En septembre 1826, les élèves de la « Maison des Missions établie à Paris depuis peu de temps » (H.B., p. 50) furent provisoirement envoyés à Lemé et le pasteur Coloni invita Théophile Poulain à se joindre à eux9. Celui-ci allait rester jusqu’en 1828 à Lemé où le pasteur Colani « lui donnait les leçons qu’il avait besoin et le dirigeait dans ses études » (H.E., p. 27). En 1828, il devint, à Saint-Quentin, le suffragant du pasteur Guillaume Monod.
42Valentin Poulain avait remplacé son fils à Reumont, mais il prit la décision en 1827 de faire à nouveau le culte à Bertry, dans sa propre maison, parce qu’il était « fatigué d’aller ainsi à Reumont tous les dimanches, hiver et été, bon ou mauvais temps », et cela depuis trois ans (H.E., pp. 27 et 28).
43« Dès ce moment, il eut deux cultes protestants à Bertry », les deux assemblées se disputant l’adhésion des prosélytes venus du catholicisme et celle des protestants du village.
44Après une tentative de fusion qui ne dura qu’un « certain temps », en 1828, un nouveau compromis fut réalisé sans la participation des deux frères Poulain qui « étaient tellement prévenus l’un contre l’autre qu’ils ne pouvaient s’accorder même dans les choses les plus simples... et, comme on voulait pas avoir l’honneur, ni les uns ni les autres, d’abandonner son lieu de culte pour aller dans l’autre, on se décida encore à faire le culte de [dimanche] matin chez mon oncle Louis, et le soir chez mon oncle Valentin » (H.E., p. 33).
45Tous ces gens de condition modeste et peu instruits, mais passionnés pour le service de Dieu, se faisaient l’écho à leur niveau des débats qui se poursuivaient alors dans les cercles « éclairés » du protestantisme français entre tenants du Réveil et héritiers de la théologie réformée du XVIIIe siècle, entre « évangélistes » et « libéraux ». « Ce surtout qui leur faisait grand bien et qui les faisait avancer, c’est qu’à la sortie de leurs cultes, ils s’entretenaient de ce qu’ils avaient entendu. Ils parlaient beaucoup et s’édifiaient les uns les autres » (H.B. bis). « La rivalité des églises faisait lire la Parole de Dieu pour mieux connaître les doctrines » (H.B., p. 48).
46En 1831, une maison qui appartenait au père Poulain se trouva vacante. Il s’agissait de la maison qu’il avait achetée en 1820 et « à laquelle tenait le petit temple » où le culte s’était fait provisoirement cette année-là (H.E., p. 12). L’assemblée se décida à rentrer dans ce temple. Jérémie Poulain raccommoda la chaire qui avait été brisée, on fit blanchir la pièce dans laquelle on porta les bancs et les chaises, et bientôt nous fûmes installés dans ce temple » (H.E., p. 35).
47Les protestants de Bertry étaient donc en droit de penser qu’ils avaient accompli leur union dans un esprit de mutuelle tolérance. Elle ne fut que temporaire. « Comme on n’était pas d’accord, il fallait encore une fois se séparer. Alors, pour que la séparation ne tombât sur le dos de personne et pour que personne n’ait le temple, mon oncle Louis et mon oncle Philippe Poulain poussèrent mon grand-père à vendre la maison... Les dissidents se réunirent chez mon oncle Valentin et les nationaux retournèrent chez mon oncle Louis ». « Dissidents » ou « nationaux » étaient les vocables qui revenaient le plus souvent sous la plume du pasteur Pruvot. Après 1835, il leur substituera généralement les mots « baptistes » ou « réformés ».
48Cette succession d’épisodes permettrait de conclure que les protestants, tout au moins à Bertry, n’étaient soumis à aucune autorité étrangère à leurs assemblées. Il est vrai que les dissidents, même si, dans leur majorité, ils se voulaient baptistes, n’étaient sous l’obédience d’aucune hiérarchie ecclésiastique. Il aurait dû en aller autrement pour les réformés puisque, en principe, ils dépendaient du pasteur Larchevêque.
(3). 1830 - 1836
49Dans le Nord et dans l’Aisne, les missionnaires du Réveil, des agents de la société Evangélique Continentale, ne se firent peut-être pas sciemment les propagandistes des doctrines baptistes. Néanmoins, dans leur ensemble, les communautés dissidentes, à l’exemple de Nomain, de Saulzoir ou de Reumont, s’intégrèrent dans la mouvance de l’Eglise baptiste anglo-saxonne.
50Il revint à la Société Baptiste de Londres de rassembler sous sa houlette les assemblées dissidentes qui acceptèrent de se placer sous sa direction.
51Dans l’automne 1830, Valentin Poulain et son neveu, Joseph Haimet, « furent appelés à Londres pour y recevoir vocation comme évangélistes de la part de la Société Baptiste » (H.E., p. 35). Dès leur retour, ils furent affectés à des secteurs différents, le Cambrésis pour Valentin, l’Aisne pour Joseph Haimet. L’église dissidente de Bertry s’organisa « sur le pied d’une église baptistes (Ibid.). Fort de ses nouvelles prérogatives, Valentin Poulain devait bientôt baptiser par immersion, « dans un des étangs de la Caserne de Bertry », son neveu Jean-Baptiste Pruvot.
52Les noms d’autres agents de la Société Baptiste sont cités dans l'Histoire racontée à mes enfants. Elisée Lorriaux « était employé comme évangéliste par une Société baptiste de Londres » à Quiévy où, faisant concurrence à l’église réformée, « il y avait encore une église dissidente » (H.E., p. 38 - 1833 et H.B., p. 68). A Saulzoir, le baptiste Joseph Thieffry était évangéliste et, en 1835, il devait être consacré au pastorat. Il assistait, la même année, à Douai, à la cérémonie de consécration des deux jeunes pasteurs Alexis Montelle et Jean-Baptiste Crétin, et il était présent à Bertry.
53En 1840, la Société Baptiste Américaine avait remplacé en France depuis plusieurs années déjà la Société Baptiste Britannique.
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54La construction d’un temple à Bertry allait être entreprise à l’initiative de Valentin Poulain. En 1832, il acheta un terrain voisin de sa maison de la rue de Cambrai et il le mit à la disposition de ses frères baptistes pour y construire un temple (H.E., p. 36). Une souscription permit d’acheter les matériaux du gros œuvre et, « au mois de mai 1832, tous les jeune gens de la petite assemblée se mirent à brouetter des briques, le soir après leur journée de travail. Les jeunes filles mêmes se mirent à l’œuvre » (H.B., p. 66). Un emprunt contracté à un taux usuraire devait procurer les sommes nécessaires pour le paiement des maçons et des charpentiers, mais les travaux n’en furent pas moins interrompus après que le bâtiment eut été couvert. Il put être achevé en 1834. Baptistes et nationaux s’entendirent pour en partager l’usage. Les baptistes dont l’église n’était pas reconnue officiellement n’auraient pu, en tout état de cause, se permettre d’écarter les réformés.
55Du fait que Valentin Poulain était toujours le propriétaire légal du terrain, il était devenu également propriétaire du temple. Dans l’intention de garantir l’avenir, il fit don de l’ensemble, terrain et bâtiment, au Consistoire de Lille, une décision qui ne pouvait être qu’à l’avantage de l’Eglise réformée (H.E., p. 48). « Un jour, le Consistoire envoya aux baptistes de Bertry un acte de ses délibérations par lequel il leur disait que le temple avait été donné au Consistoire pour servir de lieu de culte aux protestants et non point aux baptistes ». Quelques jours plus tard, le pasteur Durell « rassura les baptistes en leur disant de ne point faire attention à cela » (Ibid.)
56Ce furent effectivement les pasteurs baptistes américains, Willmarth et Willard, qui firent « l’ouverture officielle » du temple au mois de septembre 1836. Le pasteur Willard avait même contribué à son aménagement intérieur en versant « six cents francs de sa bourse, mais quand M. Willard fit ce don, il ne savait pas que le temple avait été donné au Consistoire du Nord, car il est probable qu’il n’aurait pas donné un sou ».
57Le pasteur Willmarth était en France depuis 1833 ou 34, peut-être avec mission d’assurer le transfert à la Société Baptiste Américaine des responsabilités et des biens de la Société Britannique. Il avait séjourné à Paris ou à Versailles et il ne vint en Cambrésis qu’en 1835, avec pour objectif, semble-t-il, d’en faire une terre d’élection pour l’évangélisation baptiste en prenant appui sur une église locale dont il lui revenait de déterminer le point d’implantation. Cette nouvelle église ne devrait pas entrer trop manifestement en concurrence avec le pasteur d’un oratoire réformé, non plus que susciter l’opposition de « vieux protestants » solidement encadrés par leurs anciens. Elle aurait cependant besoin de prendre appui sur un groupe de dissidents qui seraient disposés à se soumettre aux directives de la Société Baptiste. Les possibilités de choix étaient limitées et seuls Bertry et Reumont paraissaient convenir. A l’étranger l’assemblée de Reumont avait acquis une audience égale à celle de Nomain (H.E., p. 17), quant à Bertry, sa cause était défendue par Valentin Poulain qui assurait « qu’il était nécessaire d’un agent dans les environs de Bertry, espérant que le choix pourrait peut-être tomber sur lui » (H.E., p. 40).
58Plus que par le plaidoyer de Valentin Poulain, la décision en faveur de Bertry s’imposa du jour où il apparut que la secte des Irvingiens avait rallié la majorité des dissidents baptistes de Reumont.
59Ceux que le pasteur Pruvot n’a jamais appelés autrement que les « Irvingiens », du nom de « Irving, pasteur chrétien écossais très avancé qui a prêché l’Evangile avec puissance et simplicité » (H.E., p. 82), se voulaient membres d’une « Eglise catholique apostolique ». La secte était présente dans l’Aisne en 1835 et elle avait pénétré en Cambrésis. Son représentant, Carey, fut introduit dans les églises protestantes par le pasteur Méjanel, un ancien compagnon de Pyt dans le Nord, en 1819. Celui-ci présenta Carey au pasteur Colani. « Il [Méjanel] prêcha beaucoup dans les églises de M. Colani, ainsi que son compagnon Carey, racontant partout qu’un grand réveil s’était opéré en Ecosse » (H.B., pp. 69 et suivantes ; H.E., pp. 39 et suivantes).
60En Cambrésis, « le premier de ces deux hommes que les Chrétiens entendirent, ce fut Carey. Il était à Vaux. De tous les villages, de Reumont, de Bertry, de Montigny, Ligny, de Maurois, de Clary, etc... il y avait des protestants » (H.E., pp. 39 et 40).
61Il semble que les propagandistes irvingiens gagnèrent aisément les protestants dissidents, alors que leurs prédications éveillèrent la méfiance des « nationaux », bien que ceux-ci leur aient ouvert leurs temples et n’aient pas manqué d’aller les entendre prêcher. Le jour où Méjanel et Carey vinrent à Bertry, Méjanel prêcha le matin et Carey l’après-midi. « Il dut se mettre à la porte du temple pour parler, tant il y avait de monde dans la cour et que le temple était rempli... Il fut écouté par au moins six cents personnes, tant de protestants venus des villages voisins que des catholiques romains de la localité » (H.B., p. 73).
62Carey revint seul à Bertry « en temps de moisson ». C’était un samedi. « Il visita tous les principaux protestants du village... Ce jour-là, Carey fit un service au temple... Avant de sortir, [il] annonça qu’il prêcherait le lendemain dimanche à dix heures du matin, mais qu’il serait au temple à neuf heures pour répondre aux questions qui lui seraient présentées » (H.B., p. 77). Les « frères » qui, pour Jean-Baptiste Pruvot n’étaient autres que les baptistes, le poussèrent à affronter Carey. Ses arguments parurent sans doute convaincants aux témoins de la rencontre. A Bertry, une seule famille « abandonna l’assemblée » (H.B., p. 82), mais il en fut tout autrement dans plusieurs communes.
63« A Reumont, les Irvingiens s’emparèrent du temple... A Montigny, il n’en réchappa pas un seul. A Ligny, plusieurs familles furent entraînées. A Quiévy, il en arrive autant à presque tous ceux qu’on croyait convertis. A Saulzoir, tous les dissidents furent engagés dans cette erreur » (H.E., p. 43).
64Les Irvingiens avaient doté leur Eglise d’une hiérarchie de ministères religieux subordonnés à de « nouveaux apôtres ». « Ils établirent des anges, des pasteurs, des diacres, des prophètes, des évangélistes, enfin une quantité de ministres » (Ibid.), en assez grand nombre pour satisfaire à bien des ambitions cachées et gagner des adhérents, tel ce membre de l’église baptiste de Bertry qui les rejoignit, « espérant que par là il pourrait obtenir un emploi dans le nombreux personnel de leur administration » (H.E., pp. 43 et 44).
65Les Irvingiens affirmaient également qu’ils recevaient des messages du Saint-Esprit. Ils avaient la prétention de faire des miracles. Ils prophétisaient la prochaine venue du « Seigneur Jésus » qui envoyait « des anges pour assembler ses élus des quatre vents des cieux » (H. E. p. 39).
66L’engouement populaire favorisa les Irvingiens au détriment surtout de l’Eglise baptiste, mais il ne devait pas durer plus d’une dizaine d’années et bénéficia en définitive à l’église catholique. Déçus dans leur attente millénariste, nombre de ceux qu’avaient convaincus les propagandistes de l’Eglise catholique apostolique des Irvingiens, rentrèrent dans le sein de l’Eglise catholique « romaine » en se soumettant sans résistance aux conditions qui leur furent imposées.
67En février 1844, le pasteur Pruvot avait trouvé « fort papistes » les Irvingiens de Saulzoir et il devait apprendre en mai de la même année que les Irvingiens de Reumont « étaient entrés dans l’Eglise romaine [et] s’étaient réunis à Bertry chez un de leurs partisans... Tous ceux qui voulaient rentrer dans l’Eglise devaient prêter serment... de ne plus jamais abandonner cette Eglise et d’avoir recours à l’intercession des saints, surtout à celle de la bienheureuse Vierge Marie, et enfin de ne plus lire la Bible et le Nouveau Testament, pas même celui de Savy » (H.E., p. 141).
68Les revers de la secte irvingienne paraissent avoir été exploités contre les protestants en général. Un correspondant du pasteur Pruvot lui écrivit après qu’il eut lu dans un journal de Bordeaux : « que soixante protestants d’un village du Nord nommé Saulzoir étaient entrés dans l’Eglise romaine, pasteur en tête » (Ibid.). « J’ai répondu à M. Jacquemart que ceux qui étaient ainsi entrés dans l’Eglise romaine n’étaient que des Irvingiens, et leur Pasteur. En février 1850, le pasteur Pruvot citera à nouveau le nom d’un « Petitpierre, François Louis », qui était un « ange des Irvingiens » (H. E. p. 206).
(4). 1835 - 1846
69Quand le pasteur américain Willmarth était venu en Cambrésis en 1835, il était à la recherche de « jeunes gens pour les faire étudier ». Il y revint « pas longtemps après » pour rencontrer à Bertry Jean-Baptiste Pruvot que lui avait recommandé l’évangéliste de Quiévy, Elisée Lorriaux. Il s’était aussi intéressé à un évangéliste « nommé Louis Dussart qui était là [à Versailles], sous la direction de M. Pyt » (H.B., p. 85). Il « le fit aller un certain temps à l’Ecole Normale de Versailles » avant de le consacrer au pastorat dans l’été 1835. Ce fut Dussart qu’il choisit comme pasteur de l’église baptiste de Bertry (H.E., p. 40).
70En avril ou en mai 1836, le pasteur Willmarth s’installa à Douai avec son beau-frère, le pasteur Willard, et ils y ouvrirent une « école » où seraient formés de futur évangélistes et pasteurs baptistes, des français recrutés dans le nord du pays. Jean-Baptiste Pruvot allait en être l’un des tout premiers élèves.
71« Quand M. Dussart fut arrivé à Bertry, il eut beaucoup à lutter contre les principes des Irvingiens », mais il eut d’autres adversaires et il dut aussi lutter « contre les [protestants] nationaux, contre les catholiques romains, contre le Méthodisme qui éclatait dans les environs de Lille, et même contre les chrétiens, et les Chrétiens baptistes, car l’Eglise de Bertry était strictement Baptiste, c’est-à-dire qu’elle ne recevait dans son sein que ceux et celles qui étaient baptisés selon la Parole de Dieu » (H.E., p. 43).
72Tous les pasteurs « nationaux » ne s’étaient pas montrés de prime abord adversaires des dissidents baptistes, mais le prosélytisme des pasteurs anglais, puis américains qui cherchaient à évincer leurs collègues réformés, rendait une confrontation inévitable. On peut y voir la raison d’être de la délibération du Consistoire du Nord concernant le temple de Bertry, qui exigeait que le culte y soit célébré « selon la liturgie de l’Eglise réformée, pour y lire l’Ecriture sainte, les Réflexions, les sermons et les prières en usage dans cette Eglise » (H.E., p. 48). Le Consistoire entendait donc imposer un retour aux « cultes de lecture » en mettant fin aux pratiques religieuses introduites par les évangélistes du Réveil. Les réformés s’efforcèrent également de reprendre le contrôle d’assemblées sur lesquelles ils avaient conservé assez d’influence pour mettre les baptistes en échec.
73Dans le voisinage de Bertry, à Ligny, l’installation d’un « appelé Richez, d’Inchy, protestant et maréchal de son état » encouragea les « vieux protestants qui n’assistaient point aux réunions chrétiennes, et ils établirent un culte national. M. Larchevêque, pasteur de Walincourt, alla y prêcher » (H.E., p. 62).
74A Nomain, depuis 1821, réformés et baptistes disposaient de locaux distincts, mais les réformés ne renonçaient pas à rallier les dissidents une entreprise à laquelle se consacrait un ancien colporteur évangéliste, Ubald Waquier. (H.E., p. 54). Pour contrecarrer son action, le pasteur Willard décida de muter le pasteur Dussart à Orchies et d’envoyer à Bertry, Jean-Baptiste Pruvot pour le remplacer (H.E., pp. 54 à 57 et p. 64).
75Il est certain que les réformés avaient sur les baptistes l’avantage du statut de leur Eglise, ce qui leur permettait, le cas échéant, de bénéficier de l’appui des maires et des représentants locaux de l’administration préfectorale. Ils pouvaient aussi compter sur le soutien de ces « notables laïques, choisis parmi les citoyens les plus imposés au rôle des Contributions directes », qui dirigeaient les Consistoires (Art. 18 des Articles Organiques). A l’inverse, les baptistes étaient trop souvent conduits à agir en contravention avec la Loi.
76Les communautés baptistes étaient généralement trop pauvres pour entretenir des lieux de culte indépendants et devaient faire appel à la bonne volonté des réformés pour obtenir l’autorisation de faire le culte dans un de leurs temples. Dès son retour à Bertry en 1839, Jean-Baptiste Pruvot se vit opposer les instructions données par le pasteur Larchevêque aux anciens des églises protestantes. Il les avait avertis qu’ils « ne devaient recevoir que les ministres salariés par l’Etat » (H.E., p. 65). Ces consignes paraissent avoir été appliquées à Cambrai comme à Inchy-Beaumont (H.E., p. 72, janvier 1840, et H.E., p. 93, avril 1841). A Caudry, en juillet 1839, « on m’a dit qu’on ne savait pas si je pourrais continuer à y aller... Ce jour-là, les anciens de Caudry étaient allés à Inchy pour entendre M. Larchevêque. Cela fut la raison pour laquelle on ne put décider si on me recevrait une autre fois » (H.E., p. 65). Quatre ans plus tard cependant le pasteur Pruvot n’avait toujours pas renoncé à aller à Caudry : « Le 30 [avril 1843], j’ai prêché deux fois chez les protestants où je fus bien reçu (H.E., p. 127 et aussi p. 128 - 28 mai).
77Les pasteurs baptistes se heurtaient à d’autres difficultés quand ils devaient conduire un enterrement. Avant de leur accorder l’autorisation de faire des obsèques, les maires pouvaient exiger qu’ils leur présentent une délégation d’un pasteur réformé. Sur ce point, le Consistoire de Lille aurait donné des consignes restrictives. En décembre 1844, le pasteur Durelle refusa un « billet de délégation » au pasteur Pruvot « sous le prétexte qu’il se compromettrait près du Consistoire » (H.E., p. 150).
78De leur côté, les baptistes ne se privaient pas d’affirmer que les seuls convertis devenus des baptistes pouvaient se proclamer chrétiens et ils refusaient ce privilège à tous les autres protestants. Le pasteur Pruvot était donc amené à dire, en 1844, « qu’il avait prêché à une assemblée composée de chrétiens, de protestants et de catholiques romains » (H.E., p. 142). Dans une même intention de dénigrement, il reprochait leur laxisme aux protestants nationaux, une accusation qui va contre toutes les idées répandues sur le rigorisme huguenot. Le pasteur Pruvot était pourtant sincère le jour où il écrivait que « l’église baptiste de Ligny commençait à faillir et à se tourner vers l’Eglise nationale où on avait plus de large, surtout les jeunes gens » (H.E., p. 113 - mai 1842) ou quand, en 1844, il insistait sur le fait qu’à Caullery, « on allait au temple le matin [du dimanche], quand on avait le temps, et l’après-midi un peu plus pour y entendre un culte de lecture, après lequel les jeunes gens s’en allaient à la danse, et une grande partie des autres allaient au cabaret, voir même les anciens et les diacres » (H.E., p. 147).
79Quels qu’aient été leurs griefs réciproques, les fidèles, réformés ou baptistes, se côtoyaient journellement, étaient souvent apparentés, se réclamaient tous de la Réforme, participaient à des services religieux où ils accueillaient les prédicateurs qui se présentaient, sans tenir compte outre mesure de l’ostracisme qu’affichaient leurs guides spirituels. Dans un village comme Bertry où les liens qui unissaient les membres des deux assemblées étaient particulièrement étroits, les « nationaux » se montraient tout aussi attentifs que les « frères » eux-mêmes aux problèmes qui préoccupaient ceux-ci et ils n’hésitaient pas à manifester leur opinion. Le jour où Jean-Baptiste Pruvot fut appelé à remplacer le pasteur Dussart, « [ils] furent fâchés de ce que les baptistes avaient écrit à Monsieur Willard pour que je n’allasse point à Bertry. Ils disaient que je valais bien M. Dussart » (H.E., p. 56). En cette occasion, avaient pu aussi se révéler les liens de subordination des églises baptistes à la Société américaine. « M. Willard m’a dit... que si l’Eglise de Bertry veut choisir son pasteur, elle [est] libre de le faire, mais, pour cela, il faut qu’elle le paie. C’était bien juste, car les agents n’étaient pas salariés par les églises, mais par la Société et la Société était libre de les placer où on voulait les accepter, et de les changer à volonté » (H.E., p. 56 - 1839).
80Il était de moindre conséquence que d’autres chapitres de dépenses fussent laissés à la charge des églises locales et couverts par des collectes ou par des souscriptions.
81C’était sur un point de doctrine que réformés et baptistes restaient des adversaires irréductibles, se refusant à toute concession dans l’interprétation différente qu’ils faisaient des Ecritures en ce qui concernait le baptême, les conditions de son administration et la signification qu’il convenait de lui donner pour se conformer à la Parole de Dieu.
82En mai 1839, avant d’autoriser Jean-Baptiste Pruvot à prêcher dans leur temple, les anciens de Saulzoir avaient tenu à s’assurer qu’il ne prêcherait pas « le baptême ». « Je leur répondis... que mon intention était avant tout de prêcher la repentance et la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ. Alors ils me dirent de prêcher » (H.E., p. 62). A Bertry, « quand on parlait de la sainteté et de l’obéissance à la Parole de Dieu, ils [les nationaux] pensaient toujours que c’était après eux qu’on en avait » (H.E., p. 43 - 1836).
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83L’avenir de la Société baptiste en Cambrésis en devait pas seulement être compromis par la défection d’assemblées conquises par la secte des Irvingiens ou regagnées par l’Eglise réformée. Il lui faudrait aussi enregistrer celles d’hommes qui lui avaient été de longue date dévoués, tels Valentin Poulain ou le pasteur Dussart.
84En avril 1841, une lettre du pasteur Willard apprenait au pasteur Pruvot « que son confident, son bras droit, M. Dussart, venait de quitter la Société Baptiste pour prendre du service à la Société Evangélique de Paris, sous le contrôle de M. De Visme de Saint-Amand-Les Eaux » (H.E., p. 92). Plus tard, Dussart deviendra le pasteur de l’église protestante indépendante de Gaubert, en Eure-et-Loir. Il mourra à Gaubert au mois de novembre 1862 (H.E., p. [266]).
85Valentin Poulain, en 1841, prétendait être lui aussi « changé de sentiment sous le rapport des principes baptistes » (H.E., p. 92). En mai et en juin de cette année-là, il fit une longue visite à son fils Théophile devenu le pasteur de l’église protestante indépendante de Boulogne-sur-Mer. Jean-Baptiste Pruvot pensait que son oncle espérait « que par-là, il pourrait avoir des vues pour trouver une vocation ou un emploi » (H.E., p. 95).
86Il faut toutefois remarquer que les églises de Boulogne-sur-Mer et de Gaubert, comme toutes les églises qui appartenaient au mouvement des Eglises indépendantes, s’étaient séparées de l’Eglise protestante concordataire et avaient rejoint la Société Evangélique de France. Elles souhaitaient une séparation des Eglises et de l’Etat10.
87Dans les années 1840, les baptistes s’associèrent à une campagne en faveur de la « liberté des cultes », ce qui supposait une égalité de traitement pour toutes les Eglises et qu’aucun culte ne soit « salarié » (H.E., p. 191). Ils pensaient non sans raison que les Articles Organiques favorisaient à leur détriment prêtres catholiques et pasteurs réformés « officiels ». En 1843, ils s’efforçaient de rassembler des signatures sur une pétition qu’ils enverraient à la Chambre des Députés « pour y faire plaider la liberté des cultes » (H.E., p. 126). C’était sans doute cette pétition que le pasteur Pruvot présentait en janvier 1844 aux protestants du Cambrésis. Il constatera qu’à Bertry « les pédobaptistes », pour lui les réformés, ne devaient trouver qu’avantages à ce que l’Etat continue à payer le traitement des pasteurs dont autrement ils auraient eu la charge.
(5). 1846 - 1852
88Le déclin des baptistes en Cambrésis se révèle en partie à travers l’histoire de l’Assemblée baptiste de Bertry.
89En 1838, les principaux membres de l’église baptiste avaient adopté et signé le « Règlement et la Discipline des Eglises baptistes ». Ces signataires étaient évidemment des fidèles baptisés par immersion et ayant de ce fait acquis le privilège de participer à la Cène et de diriger l’assemblée. Celle-ci devait compter aussi non seulement les enfants, mais les adultes qui n’avaient pas encore été admis au baptême. En 1838, à Bertry, ces baptistes à part entière étaient seulement vingt-trois, dont quinze habitants le village. Les huit autres appartenaient aux communes de Caullery, de Ligny, de Walincourt.
90Quatre ans plus tard, en 1841, ils n’étaient plus que onze, dont un habitant de Clary. « Les autres s’étaient retirés par caprice, par indifférence, par dégoût en voyant que le désordre était parmi les meneurs, mais surtout par manque de soumission à la Parole de Dieu » (H.E., p. 107).
91La Société Baptiste perdrait bientôt plusieurs églises en Cambrésis et, en 1847, les seules assemblées qui semblent être restées vivantes étaient celles de Bertry, de Saint-Vaast, de Viesly, et peut-être d’Estourmel. Encore les assemblées de Saint-Vaast et de Viesly s’étaient-elles associées pour ne plus constituer qu’une église unique. Deux ans plus tard cette église de Saint-Vaast et Viesly allait recevoir « un coup mortel » avec le départ de plusieurs de ses membres et la mort de trois autres pendant l’épidémie de choléra (H.E., p. 201).
92Dès son installation à Douai, le pasteur Willard ne s’était pas simplement préoccupé de la mission baptiste en Cambrésis et il avait transféré dans l’Aisne et dans l’Oise des évangélistes et de jeunes pasteurs à qui il confiait la tâche de multiplier les lieux d’implantation de sa Société dans ces départements. Rentré en France après un séjour d’un an et demi en Amérique, entre novembre 1844 et juin 1846, il n’allait pas tarder à prendre conscience de l’état précaire de l’œuvre dans tout le secteur confié au pasteur Pruvot. En décembre 1846, il avait demandé à celui-ci de lui faire connaître le « nombre de baptêmes administrés dans le courant de l’année » (H.E., p. 175). Si le texte de la réponse qu’il reçut n’est pas connu, la substance s’en trouve dans l'Histoire racontée à mes enfants où seuls trois baptêmes sont mentionnés, deux à Bertry en mai et en juillet, le troisième à La Capelle, dans l’Aisne, le 1er novembre. Là le baptisé était un homme de cinquante-sept ans venu d’Etréaupont, un ancien blessé de la bataille de Wagram (H.E., pp. 169, 171, et 174). Ce chiffre dérisoire ne différait pas de ceux des années précédentes. Il permet de comprendre les raisons de la prière que le pasteur Pruvot avait placée en conclusion à l’année 1845 : « Je te remercie, Seigneur, de ce que tu m’as donné de prêcher ta Parole et de ce que tu l’as bénie pour le salut de ces quelques qui n’ont point eu honte de se faire baptiser en ton nom » (H.E., p. 162).
93Sans renier ses convictions, il cherchait à rompre l’isolement des minuscules assemblées dont il était responsable en montrant à ses collègues réformés qu’il était prêt à « s’intéresser à toutes les œuvres évangéliques » et qu’il voulait « demeurer d’accord avec les autres pasteurs en tout ce qui ne blessait pas ses principes chrétiens » (H.E., p. 169).
94Une nouvelle circonscription existait en Cambrésis en 1846 avec à sa tête le pasteur et le conseil presbytéral de l’Eglise réformée d’Inchy-Beaumont. Elle groupait des assemblées qui avaient appartenu soit à l’oratoire de Walincourt, soit à celui de Quiévy, et s’étendait, entre ces oratoires, de Cambrai à Bertry, à Reumont et jusqu’aux confins de l’Aisne. Le pasteur Pruvot serait inévitablement en contact avec le pasteur d’Inchy avec qui il jugeait nécessaire d’entretenir de bons rapports.
95Le pasteur Hoffmann fut le premier titulaire de la chaire d’Inchy-Beaumont. Il arriva à Beaumont le 20 mai 1846 et, le jour même, il reçut la visite du pasteur Pruvot qui ne le quitta que « vers le soir ». Le lendemain, jour de l’Ascension, celui-ci alla écouter sa prédication et il jugea que son nouveau collègue avait prêché « très évangéliquement ». Présent le dimanche 24 mai à la cérémonie d’installation, il eut la satisfaction d’être invité « à dîner avec les autres pasteurs chez Moïse Basquin, maire de Beaumont » (H.E., p. 169).
96Dans les semaines qui suivirent, négligeant le fait que sa présence qu’il voulait fraternelle n’était peut-être pas souhaitée, Jean-Baptiste Pruvot se fit le guide du pasteur Hoffmann dans ses visites aux différentes églises de sa circonscription paroissiale. Les deux hommes étaient trop éloignés l’un de l’autre, ne serait-ce que sous le rapport des croyances, pour ne pas s’affronter. Si le pasteur Hoffmann avait des raisons de craindre d’être évincé par un pasteur originaire du Cambrésis et que tous connaissaient, le pasteur Pruvot pouvait penser que le pasteur réformé n’hésiterait pas à user des armes que la Loi mettait entre ses mains. « Le 13 [juin 1847], dimanche, j’ai été à Caudry où j’ai prêché deux fois. Le même jour M. Hoffmann est aussi allé à Caudry pour la réunion du soir, dans l’intention, m’a-t-on dit, de m’insulter, parce qu’il croyait que j’allais baptiser tous les membres de l’Eglise protestante de Caudry. Mais ayant été averti, je ne suis pas allé à la réunion, parce que, comme pasteur officiel, il était armé de pouvoir » (H.E., p. 182).
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97La crise économique et politique qui conduirait à la révolution de février 48, favorisera un certain rapprochement entre baptistes et réformés. Ils furent exposés à des poursuites « pour cause religieuse », même si la Société Baptiste, dans l’Aisne, une société à direction étrangère, éveillait d’autant plus la suspicion policière11.
98En décembre 1846, le pasteur baptiste de Chauny, Lepoids, l’évangéliste Irénée Foulon et le colporteur Jean-Baptiste Besin, ces deux derniers originaires de Viesly, furent emprisonnés très temporairement (H.E., p. 175) et le Tribunal de Laon les condamna à une lourde amende de cinq cents francs. Le pasteur Pruvot les connaissait depuis longtemps. Irénée Foulon avait été son élève et avait logé chez lui, à Bertry, plusieurs années de suite. Pour ce qui était de Besin, c’était Pruvot qui, en 1843, l’avait recommandé à Victor de Pressensé qui recrutait des colporteurs pour la Société Biblique. Il fut donc cité comme témoin à décharge quand le procès vint en appel devant la Cour d’Amiens, le 11 mars 1847. La cause fut plaidée par « M. de Brouard, avocat chrétien », qui remplaçait Odilon Barrot. « L’amende... a été réduite à cinquante francs, mais pour cela la condamnation restait toujours. On a rappelé en cassation » (H.E., p. 180).
99Les protestants, dans leur ensemble, avaient ainsi de bonnes raisons de penser que la royauté continuerait à soutenir en toutes circonstances la cause de l’Eglise « romaine » et, mettant de côté pour un temps leurs griefs réciproques, ils s’attachèrent à travailler à l’avènement d’une République.
100En Cambrésis, le Gouvernement provisoire sera donc assuré de l’appui de la majorité des protestants. Les communes de Walincourt et de Malincourt où ils avaient une grande influence figuraient sur la première liste d’adhésion au nouveau régime. A Bertry, les chefs de file des deux assemblées, la réformée et la baptiste, Louis Poulain et ses fils, Léopold et Héliodore, pour les réformés, le pasteur Pruvot pour les baptistes, s’engageaient dès mars 1848 dans la campagne électorale, « parce que nous pensions que la République serait favorable à [la] liberté religieuse et à l’Evangile » (H.E., p. 189). La concordance de leurs vues s’affirmait encore en avril 1849 pendant la campagne des élections à l’Assemblée Législative. Leur candidat était le nouveau pasteur de l’Eglise d’Inchy-Beaumont, le pasteur Levasseur, qui avait remplacé en octobre 1848 le pasteur Hoffmann.
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101La Société Baptiste et le pasteur Willard n’avaient pas attendu pour tirer avantage du droit récemment proclamé de s’associer et de se réunir. Dès mars 1848, à Genlis (Villequier-Aumont), « on profita de la liberté que la République offrait pour faire l’ouverture du temple » (H.E., p. 189).
102Le moment paraissait aussi propice pour rassembler des signatures en faveur d’une séparation des Eglises et de l’Etat en faisant circuler une pétition « pour demander au gouvernement de ne plus salarier aucune culte ». Comme il l’avait déjà fait à une époque sans doute moins favorable, le pasteur Pruvot s’y employa (H.E., p. 191 - juin 1848).
103Dans l’Aisne, sous l’impulsion du pasteur Willard, les baptistes rompaient avec les habitudes de discrétion qui avaient été les leurs quand ils administraient les baptêmes par immersion de nuit, « à l’heure convenable pour ne point faire de bruit » (H.E., p. 144 - juillet 1844). A l’occasion d’une assemblée pastorale qui se tint en août 1848 sur les communes de Chauny, de Genlis et de Manicamp, le pasteur Willard présida à un baptême collectif le dimanche 13 août, à Manicamp, une cérémonie qui se déroula dans le style des célébrations religieuses américaines. « On interrogea huit candidats au baptême, puis on partit pour aller baptiser publiquement à la rivière. Quatre à cinq cents personnes étaient présentes à ces baptêmes, lesquels furent accompagnés de cantiques et d’actions de grâce » (H.E., p. 192).
104De plus grande conséquence devaient être les dispositions que prenait le pasteur Willard et qui conduiraient au retrait du Cambrésis de la Société Baptiste Américaine, alors que se renforçaient ses positions dans l’Aisne et dans l’Oise. Après le pasteur Foulon qui étaient établi à La Fère, une autre famille de Viesly, celle du colporteur Besin, fut transférée à Genlis en 1849 et le pasteur Willard aurait voulu que le pasteur Pruvot qu’il avait muté de Bertry à Chéry-Lès Pouilly, dans le Laonnois, y fasse venir sa femme et ses enfants pour une installation définitive. Le refus de ce dernier entraîna son licenciement (H.E., pp. 202, 209 et 210).
105On peut aussi se demander si la Société Baptiste ne poursuivait pas alors des objectifs autres que la seule évangélisation en France et n’encourageait pas l’émigration en Amérique de baptistes français, tels ces « amis » de Crépy-en-Laonnois à qui le pasteur Pruvot avait fait « une visite d’adieux » le 3 avril 1850 et qui « allaient partir pour l’Amérique » (H.E., p. 210).
106En perdant son pasteur, l’assemblée baptiste de Bertry avait perdu toute possibilité de se maintenir à l’écart de l’assemblée réformée. Les quelques familles qui restaient fidèles à la lecture que faisaient les baptistes des « Saintes Ecritures », durent se résigner à se joindre aux autres protestants et les querelles dont l’objet avait été, depuis vingt ans, le temple construit en 1832 par les baptistes, perdaient leur raison d’être.
107En 1855, selon le pasteur Levasseur, l’assemblée de Bertry aurait compté, « pour les deux tiers environ du troupeau », des fidèles appartenant à « l’opinion baptiste »12 et dix ans plus tard, sur un état nominatif des familles protestantes de Bertry, figuraient d’anciens membres de l’assemblée baptiste et des descendants du pasteur Pruvot13.
(6). Après 1852
108Contrairement aux craintes des protestants, l’échec de la Seconde République et la prise du pouvoir par le futur Napoléon III ne leur furent pas préjudiciables. Des dispositions du décret-loi du 26 mars 1852 amendant les Articles organiques, vieux de cinquante ans, répondaient même à quelques-uns de leurs vœux puisqu’elles accordaient aux églises locales le droit d’élire un conseil presbytéral au suffrage universel14.
109Dans des régions industrielles telles que le Cambrésis, la part prise par des industriels protestants au développement économique des débuts du Second Empire put contribuer à un certain progrès des églises réformées.
110Au Cateau, la famille protestante des Seydoux contrôlait les Etablissements du Mérinos, la « Fabrique du Cateau », depuis leur fondation en 1817 par Jacques Paturle, futur pair de France. Charles Seydoux avait été élu à l’Assemblée Législative le 13 mai 1849 et son frère, Auguste, fut nommé maire du Cateau par le Prince Napoléon Bonaparte, le 6 septembre 1852. Ce fut sous son administration qu’un poste de pasteur fut créé au Cateau et entreprise la construction d’un temple dont la dédicace eut lieu à la fin de septembre 1858 (H.E., p. 243). A Inchy, la construction d’un nouveau temple à l’architecture néo-classique débuta en 1857 sous l’impulsion du pasteur Bretegnier, successeur du pasteur Levasseur. Son beau-frère, le pasteur Chenot, était pasteur au Cateau et Auguste Seydoux deviendra membre du Conseil presbytéral d’Inchy le 30 janvier 185915.
111A Bertry, c’étaient également des fabricants qui prenaient en main les destinées de l’Eglise réformée, Léopold et Héliodore Poulain, les fondateurs de la Maison Poulain Frères. En 1865, Léopold Poulain acheta et mit à la disposition des protestants « l’ancienne maison François Lanciaux... parce que le temple était en grandes réparations » (H.E., p. [285]). La « réinauguration » du temple eut lieu le 2 août 1866 (H.E., p. [290]) et le correspondant d’un journal local, peut-être le curé du village lui-même, pouvait écrire, sans la nommer, que « c’est une famille de Bertry... qui a pris l’initiative de cette reconstruction et a puissamment contribué, par sa munificence, à obtenir un résultat aussi complet ».
112Les techniques de production de l’industrie textile en Cambrésis ont pu favoriser la naissance de nouvelles assemblées protestantes jusque dans l’Aisne. En quête d’ouvriers tisseurs, les fabricants étaient amenés à implanter des fabriques, annexes de la Maison principale, dans des localités parfois éloignées et, quand ils étaient protestants, ils en confiaient tout naturellement la gestion à des coreligionnaires. Les Etablissements du mérinos faisaient ainsi tisser dans différents cantons de l’Aisne et l’ouverture « d’un culte à Frasnoy-Le Grand, à Bohain ou à Grougis », vers 1853, pourrait trouver là son origine. A Mennevret, dans le canton de Wassigny, la famille du cordonnier Rémi Fleury avait été amenée « à la connaissance de l’Evangile... par le moyen de M. François Couillard qui a été s’établir dans ce village avec une fabrique de tissus pour la Maison Seydoux du Cateau » (H.E., p. 214 et suiv.).
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113L’état chiffré de la population protestante a été établi à plusieurs reprise au cours d’enquêtes conduites au XIXe siècle par les préfets ou par les consistoires départementaux, les plus anciennes remontant aux années 1814 à 1820.
114Sous la Restauration, les chiffres avancés étaient de 4743 protestants dans le département du Nord, dont 2541 pour les oratoires de Quiévy et de Walincourt. En 1851, une enquête des présidents des Consistoires donnait le chiffre de 5182 protestants dans le Nord et de 2663 pour les trois oratoires de Quiévy, d’Inchy et de Walincourt qui administraient désormais en se les partageant les assemblées des anciennes circonscriptions de Quiévy et de Walincourt. En trente ans le nombre des protestants n’aurait progressé que de 439 unités au total et de seulement 122 en Cambrésis, alors que l’évaluation de la population protestante faite en 1883 donne, pour les trente années suivantes, un chiffre global de 7452 pour le département du Nord et de 3337 pour le seul Cambrésis et accuse donc un accroissement beaucoup plus marqué16.
115L’extrême précision de tous ces chiffres ne doit pas faire illusion, ne serait-ce que parce qu’ils ne tiennent pas compte de l’existence des baptistes et des dissidents qui se réclamaient tous de la Réforme. Les progrès enregistrés entre 1851 et 1883 pourraient en partie s’expliquer à partir de l’exemple de Bertry dont l’église réformée avait regroupé les protestants dans leur ensemble, aidée en cette entreprise par deux pasteurs successifs, les pasteurs Levasseur et Bretegnier, qui surent faire preuve d’une suffisante largeur de vues dans leurs relations avec cette partie du « troupeau » qui n’avait pas abandonné ses « sentiments... sur la question du baptême17 ».
116En admettant qu’il soit possible d’établir avec exactitude les états successifs de la population protestante commune par commune et dans ses composantes diverses pour la période du XIXe siècle qui prendrait la fin, approximativement, dans les années soixante-dix, et cela pour le département du Nord, on ne peut douter que les pourcentages calculés sur les chiffres globaux de la population resteraient extrêmement bas dans la mesure où le choix serait fait de diluer la présence protestante sur un territoire qui s’étend de Dunkerque au Cateau, à Avesnes et à Maubeuge18. Dans la réalité vécue par le pasteur Pruvot et par ses coreligionnaires, il en allait autrement. L’idée qui s’imposait à eux de la place qui revenait au protestantisme dans le pays tout entier, ils la tenaient de leur expérience quotidienne en Cambrésis et des relations qu’ils avaient des protestants ou avec des sociétés issues du protestantisme à Paris et dans la province française, comme de celles qu’ils entretenaient à l’étranger, dans les pays protestants d’Europe et jusqu’en Amérique.
117Dans le Nord, les protestants étaient loin d’être uniformément répartis et le Cambrésis était une zone privilégiée où ils bénéficiaient de la présence de notables de la politique et de l’économie. Pour ne citer que Bertry, un village où l’on ne connaissait aucun protestant au commencement du siècle, en 1865, sur une population de moins de trois mille habitants, deux mille huit cent quarante-neuf en 1862, ils étaient cent cinquante-deux, soit cinq pour cent19.
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118Bien qu’elles ne soient qu’un calendrier très sommaire des déplacements du pasteur Pruvot qui, de dimanche en dimanche, visitait les assemblées protestantes de l’arrondissement de Cambrai les plus proches de Bertry, et, dans l’Aisne, celles de quelques communes entre Bohain, Grougis et Saint-Quentin, les dernières pages de l'Histoire racontée à mes enfants permettent de dresser une liste d’églises protestantes qui restaient plus que jamais vivantes et où le culte était toujours célébré le matin à dix heures et à trois heures de l’après-midi, le dimanche et a l’occasion de grandes fêtes religieuses. Il va de soi qu’y figurent toujours les villes ou villages de Cambrai, du Cateau, d’Inchy-Beaumont, de Caudry, de Bertry, communes auxquelles s’ajoutent les noms de Reumont, de Caullery, de Ligny, d’Elincourt ou de Maretz, même si celui de Walincourt est absent. Dans l’Aisne, il s’agissait de Bohain, de Fresnoy-Le Grand, d’Essigny-Le Petit et de Grougis.
119La prospérité des assemblées protestantes restera liée à celle de l’économie du Cambrésis et de son industrie textile sous la Troisième République et les protestants étaient alors assez nombreux pour constituer une société qui se développait sans confondre ses activités avec celles de la population catholique, mais pour la découvrir les notes ultimes du pasteur Pruvot ne sont d’aucun secours et c’est à d’autres sources qu’il doit être fait appel.
Notes de bas de page
1 Daniel Robert - Les Eglises réformées de France. 1800-1830. Paris, P.U.F., 1961. Les chapitres II à V traitent, pour l’essentiel, des Articles Organiques.
2 Jacques Pannier - Les Protestants de Walincourt, Caudry et autres lieux du Cambrésis. Paris et Bruxelles, [1924].
3 Daniel Robert, op. cit., p. 81.
4 Daniel Robert, op. cit., p. 523.
5 Jacques Pannier, op. cit., p. 35.
6 Jacques Pannier, op. cit., pp. 17 à 20 et pp. 67 à 74.
7 Sur les courants de la pensée religieuse protestante au XIXe siècle, Encrevé, op. cit., chap. I, III et VII.
8 Daniel Robert, op. cit., pp. 79 et 80 : Articles organiques 10 à 13, et notes.
9 Sur la Société des Missions Evangéliques, Daniel Robert, op. cit., pp. 431 à 434.
10 Sur les Eglises indépendantes et sur leurs relations avec les Sociétés protestantes : Encrevé, op. cit., pp. 131 à 154.
11 Sur les procès engagés alors, Encrevé, op. cit., p. 143, no 309 et pp. 166 et 167.
12 Registre du Conseil presbytéral d’Inchy, à la date du 2 février 1855. Ce registre est conservé à Inchy.
13 Recensement des Protestants. 1865. Se trouve sans doute toujours conservé par une famille protestante de Bertry.
14 Sur les décret-lois de mars 1852 : Encrevé, op. cit., chap. VI et VIII.
15 Sur la construction du temple d’Inchy, articles de S. Besin, dans les numéros 28, 29 et 30 de Jadis en Canbrésis (Année 1985).
16 L’état de la population protestante dans les premières décennies du XIXe siècle est analysé par D. Robert, op. cit., chap. XV et XVI et annexe I, et, pour la seconde moitié du siècle, par Encrevé, op. cit., chapitre premier et annexes statistiques.
17 Séance du 2 février 1855 du Conseil presbytéral d’Inchy (cf. no 34, ci-dessus).
18 « D’emblée, il faut écarter de notre champ la marge étroite des non catholiques... en 1836... le département du Nord ne renferme pas plus de 4000 réformes : encore 1500 d’entre eux résident-ils à Lille... » (P. Pierrard, La vie quotidienne dans le Nord au XIXe siècle, p. 199).
19 L’évolution du protestantisme à Bertry peut être retrouvée à travers la lecture des textes du pasteur Pruvot. La première assemblée qui prit naissance en 1809-1810, comptait d’emblée vingt-huit membres, les enfants en bas âge compris. Il semble que les protestants étaient une cinquantaine vers 1820 et qu’à Reumont, l’église créée en 1814 était passée de dix-neuf à une trentaine de membres, petits enfants inclus. En 1830, à Bertry, les protestants étaient probablement plus de soixante-dix. Avec la dissidence des baptistes, il deviendra difficile de suivre leur progression à partir du seul témoignage du pasteur Pruvot.
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