Conclusion
p. 319-328
Texte intégral
1La question de Nietzsche est donc celle de savoir si et comment un discours esthétique est possible. Nietzsche critique deux types de discours sur la musique dont il montre le caractère illégitime.
2En premier lieu, il refuse la métaphysique de la musique et, plus largement, tout discours sur la musique qui l’explique en vertu d’une certaine conception du monde et de l’homme. Car, en procédant ainsi, on plaque sur l’œuvre un réseau de sens qui lui est absolument extérieur et qui en transforme la signification véritable (donc : qui lui donne un sens qu’elle n’a pas).
3En second lieu, Nietzsche rejette le discours qui, prétendant parler de l’œuvre, parle en vérité des effets qu’elle produit sur le spectateur – de sorte qu’on parlera ici, non pas de l’œuvre mais de soi-même, non pas de l’art mais de ses sentiments. On remarquera qu’il y a un point commun, certes négatif, entre les deux extrémités de la philosophie nietzschéenne : de La Naissance de la tragédie au Cas Wagner, Nietzsche a toujours considéré qu’il est absolument illégitime d’assimiler le discours esthétique à un discours sur le sujet en qui elle produit un sentiment du beau. En ce sens, il a systématiquement refusé le sol à partir duquel se déploie l’esthétique kantienne – et, avant elle, l’esthétique anglaise qui pour la première fois affirme le rôle du sentiment. C’est pourquoi le beau n’a jamais été, pour Nietzsche, un critère et une valeur dans la sphère esthétique, pour autant qu’il reconduit nécessairement, dans la philosophie moderne, au sujet esthétique : la métaphysique de la musique de La Naissance de la tragédie voit la valeur esthétique dans le vrai (l’art wagnérien est l’art vrai, die wahre Kunst), et la physiologie de la musique propose comme critère esthétique l’intérêt (entendu comme intensification et valorisation de la vie).
4La réflexion sur les conditions de possibilité du discours esthétique conduit Nietzsche, à l’aune de la critique dans Humain trop humain des positions soutenues dans La Naissance de la tragédie (et donc de l’adoption des positions de Hanslick contre celles de Wagner), à montrer que le seul discours légitime sur la musique et plus largement sur l’œuvre d’art est un discours descriptif (jugement de fait ou de connaissance).
5Il en résulte deux points importants.
6Le premier, c’est que Nietzsche, reprenant et défendant l’esthétique musicale formaliste, est à l’origine, avec les autres partisans d’une telle conception, de ce qu’on entend aujourd’hui par musicologie, c’est-à-dire d’un discours scientifique sur la musique qui consiste dans l’analyse de la partition et dans l’exhibition du style (c’est-à-dire des caractéristiques techniques) d’une œuvre ou d’un musicien.
7Si je prétend parler sérieusement d’un musicien et le comparer à un autre, par exemple Debussy et Ravel, je ne peux pas me contenter de dire que Debussy me plonge dans un état que Ravel ne parvient pas à me procurer, qu’il produit en moi des émotions incomparables – d’autant plus que, une fois que j’ai dit ça, non seulement il n’y a plus rien à dire, sinon à décrire plus précisément les états dans lesquels me met la musique de Debussy (ce qui toutefois ne produit aucune avancée), mais mon interlocuteur n’aura plus qu’à en appeler à son propre sentiment qui vaut autant que le mien : toute discussion, voire toute formulation reste donc vaine et n’a aucun sens. Du coup, je dois commencer par décrire et distinguer ce qui caractérise ces deux musiciens dans la manière dont ils ordonnent la succession des sons. Cela posé, une fois que j’ai décrit et opposé deux styles, deux conceptions de la musique, deux manières de construire une temporalité musicale – ce qui est néanmoins plus long que de décrire le sentiment que cette musique éveille en moi, et surtout autrement plus intéressant –, le jugement de valeur esthétique reste indéductible du jugement de fait et mon goût comme mon plaisir ne sauraient être dérivés de la structure de l’œuvre.
8C’est la raison pour laquelle Nietzsche, s’il maintient toujours à partir de Humain trop humain la thèse selon laquelle seul le jugement de fait est un discours esthétique légitime, va toutefois parallèlement élaborer une physiologie de la musique qui propose, elle, un jugement de valeur. Cette physiologie, on l’a vu, mesure la valeur des œuvres musicales et des musiciens en rapport à une certaine conception de la vie. Puisque la vie ordonne ou organise une diversité en une totalité, la musique de Wagner est condamnée parce qu’elle reste incapable de sortir de la succession désordonnée et arbitraire d’instants, de phrases et de moments, pour construire un tout régi par une loi une.
9Il est important de souligner que la critique de Wagner n’est pas méthodologiquement construite comme on le croit communément. Puisque Nietzsche dit qu’il ne supporte pas la musique de Wagner et qu’elle le rend malade, on peut être tenté de dire qu’il procède à la manière de Madame Verdurin, mesurant la valeur de la musique à l’aune des névralgies qu’elles lui causent1 (rabattement du problème esthétique sur le sujet). Mais, comme on l’a vu, le jugement de valeur est fondé sur la structuration de l’objet lui-même. Si la musique de Wagner est malade, c’est parce qu’elle est désorganisée et qu’elle part à l’aventure mesure après mesure.
10En quoi consiste, en définitive, la critique du Nietzsche de la maturité à l’égard de Wagner ? Elle se trouve dans la critique de l’assimilation de la musique à un langage possédant un sens extra-musical – tentative qui, pour Nietzsche, apparaît dans la musique romantique et trouve son achèvement dans le « drame musical de l’avenir ». Il ne suffit toutefois pas de produire une telle affirmation, dans la mesure où les œuvres musicales et les musiciens auxquels Nietzsche en appelle contre Wagner et le romantisme – tout autant la musique proprement classique, c’est-à-dire Bach, Händel ou Mozart, que les œuvres de Rossini, Bizet ou Offenbach – semblent également utiliser la musique au sens d’un langage possédant un pouvoir expressif et donc un sens extra-musical.
11Néanmoins, ce n’est pas parce que la musique est dotée d’un pouvoir expressif qu’elle se trouve pour autant pourvue d’un sens extra-musical. Nous l’avons vu : il est illégitime, dans la physiologie de la musique de Nietzsche, de parler d’un sens extra-musical, dans la mesure où, si la musique exprime la vie, cette vie n’est ni un au-delà ni un en deçà de la musique auxquels celle-ci renverrait, mais simplement la loi d’organisation qui régit la succession des sons.
12Pour Nietzsche, donc, la musique, comme celle de Mozart ou de Rossini, peut avoir un pouvoir d’expression sans pour autant revendiquer un sens extra-musical. Mais en quel sens la musique wagnérienne prétend-elle alors à un sens extramusical ? Quelle est alors la différence ?
13C’est que la musique wagnérienne procède à la manière de l’irrationaliste qui cherche à formuler sa conception : si l’irrationaliste utilise le langage ordinaire, ce n’est précisément que pour le déprécier et exprimer son incapacité à dire adéquatement ce qui est. De même la musique wagnérienne : en elle, les sonorités, dans leur aspect fini, se nient pour autant qu’elles avouent leur incapacité à exprimer l’infini – comme ne cesse de le répéter Le Cas Wagner. S’il y a deux manières d’utiliser le langage ordinaire, l’une pour dire quelque chose (attitude active et affirmative) et l’autre pour dire qu’avec le langage on ne peut rien dire, qu’on est condamné à l’erreur et à l’illusion, et que la discursivité langagière doit s’effacer au profit d’un sentiment indicible et ineffable (attitude passive, négative et réactive), il y a de même deux manières de faire de la musique et d’organiser les sons.
14Un musicien peut certes chercher à exprimer quelque chose dans la musique qu’il compose – et, selon Nietzsche, il ne peut faire autrement même s’il s’en défend, puisque la musique qu’il fait est le symptôme ou l’expression de la vie et des forces qui l’habitent. Mais cela ne le conduira pas pour autant à dénier à la musique le pouvoir d’exprimer ce qu’elle prétend exprimer – ce qui, en revanche, caractérise l’art wagnérien pour le philosophe. Mais pourquoi la musique wagnérienne témoigne-t-elle d’un constant déni des sons dans leur aspect sensible ? Tout simplement parce qu’elle ne cherche pas à exprimer quelque chose de fini, possédant donc une forme close et achevée, à la manière où l’aria exprime un sentiment – et l’on se souvient que, pour Nietzsche, la mélodie infinie n’est rien d’autre qu’une conséquence de l’incapacité à inventer un air, une mélodie. Car ce que prétend exprimer la mélodie wagnérienne, c’est l’infini qui, n’étant pas pour Wagner et conformément à l’idéal romantique du ressort de la discursivité conceptuelle, relève de la musique conçue comme le seul langage qui puisse exprimer adéquatement l’être. Or il en va de même pour le langage ordinaire et pour le langage musical : si l’on donne pour but à la musique d’exprimer un infini qui reste ineffable et indicible, la musique, qui n’est somme toute qu’une succession finie de sons, ne peut alors que chercher à le suggérer sans pouvoir proprement l’exprimer, le dire, le montrer ou encore l’exhiber (qu’on se souvienne de la formule de Adorno sur le mystère dans Parsifal) – et c’est précisément par là que le son avoue son impuissance et se nie dans son imperfection, c’est-à-dire dans son aspect fini.
15Si la musique pourtant expressive de Mozart ou Bizet reste affirmative, c’est parce qu’elle n’exprime rien au-delà de ce qu’elle peut exprimer – et, comme on l’a vu avec Hanslick, le pouvoir d’expression de la musique reste une simple analogie, car ce que la musique peut avoir de commun avec le sentiment, c’est seulement le mouvement et l’intensité. Autrement dit : dans la musique affirmative, l’expression reste secondaire et subordonnée, car ce qui importe c’est d’abord et avant tout la musique, l’ordonnance mélodique, harmonique et rythmique des sons, donc la construction d’une temporalité musicale qui ne présente qu’une analogie avec le sentiment. Si la musique de Wagner est, elle, une musique empreinte de négativité, c’est parce qu’elle considère les sons comme le véhicule d’un sens extra-musical qui ne peut justement jamais être adéquatement exprimé par la musique – de sorte que la musique, qui tend explicitement vers lui, qui se le donne pour objet, ne fait que le suggérer, parce qu’il reste toujours au-delà. La négation du fini, c’est la négation du sensible – et, du coup, le retour du religieux. Il ne faut pas chercher la justification de l’affirmation nietzschéenne selon laquelle l’art wagnérien est un substitut du religieux dans les écrits de Wagner, dans ses livrets ou dans sa vie, mais dans les présupposés que recèle la manière dont il écrit la musique.
16On a vu ce qui justifie l’affirmation d’une telle tendance dans la musique wagnérienne : à savoir le fait que la musique wagnérienne refuse de construire une totalité harmonique, mélodique et rythmique nécessairement finie (conformément à une volonté affichée qui n’est pour Nietzsche qu’une incapacité, dans la mesure où elle ne construit pas pour autant, toujours selon notre auteur, quelque chose d’autre, mais proprement rien), et qu’elle passe son temps à se dédire pour promettre quelque chose qui n’advient jamais.
17À l’aune des analyses qui précèdent, on voit que, par delà les différences, il y a quelque chose qui demeure identique dans La Naissance de la tragédie et Le Cas Wagner, et qui concerne la caractérisation de la musique wagnérienne. Dans la métaphysique de la musique du jeune Nietzsche, la supériorité de la musique wagnérienne se trouve dans sa capacité à exprimer une essence du monde qui, puisqu’elle à l’origine de toute forme (finie), ne possède aucune forme – en d’autres mots : son pouvoir d’exprimer l’infini. Ce que, en revanche, critique la physiologie de la musique du Nietzsche de la maturité, c’est précisément cette prétention de la musique wagnérienne à être plus que de la musique et même autre chose que de la musique, puisqu’elle opère un constant déni d’elle-même (la succession finie de sons possédant une détermination fixe et précise) au profit d’un arrière-monde intelligible qu’elle ne peut que suggérer.
18L’analyse qui précède peut certes tout à fait être contestée. C’est que, malgré les déclarations de Nietzsche et les écrits théoriques de Wagner, dans lesquels celui-ci détermine l’essence de la musique, on peut tout à fait considérer en elle-même et pour elle-même la musique de Wagner et en décrire les caractéristiques stylistiques qui marquent une date dans l’histoire de la musique. D’un tel point de vue, ce qui est intéressant n’est pas de chercher à savoir si la musique wagnérienne exprime ou prétend exprimer quelque chose, mais, sous couvert d’expression c’est-à-dire grâce au prétexte du drame, comment Wagner a introduit quelque chose de radicalement nouveau dans le monde harmonique de la musique classique.
19Mais, même de ce point de vue, on retrouve à nouveau une critique qui, non seulement a d’abord été formulée par Nietzsche, mais a ensuite été reprise par des musiciens. Car la question est de savoir si, même en s’en tenant à des considérations sur la structure proprement musicale du drame musical de l’avenir, la musique de Wagner peut être qualifiée autrement que par son aspect négatif et réactif. Comme nous l’avons vu, la musique de Wagner se construit contre, elle se construit en opposition – contre l’idéal classique et en opposition à lui. Comment peut-on parler de la mélodie infinie autrement qu’à la manière dont la théologie négative parle de Dieu (Boucourechliev) ? Comment parler du rythme wagnérien autrement que dans son opposition au rythme proprement musical (et Wagner, d’ailleurs, n’en parle pas autrement) ? Ou encore : comment caractériser, en général, la musique de Wagner, autrement que dans opposition aux lois de la musique classique (et Wagner lui-même ne la présente pas d’une autre manière) ? Camille Saint-Saëns souligne combien le discours des commentateurs est curieux, pour autant qu’ils n’arrivent pas à déterminer positivement la force de la musique wagnérienne2.
20En fait, ce qui, selon Nietzsche, caractérise la musique wagnérienne, c’est la « négation continuelle des lois de l’ancienne musique ». Autrement dit : Wagner ne cherche pas à construire quelque chose de nouveau, de sorte que son œuvre est simplement fondée sur la transgression systématique des règles de l’idéal classique. Et c’est précisément en ce sens que Wagner n’est pas le commencement de quelque chose de nouveau, mais uniquement la fin de l’histoire de la musique occidentale. Debussy, lui aussi, ne cesse d’insister sur le fait que Wagner est, non pas un début, mais un achèvement.
21À propos de Debussy, on peut d’ailleurs s’interroger sur la pertinence d’une opinion répétée par les commentateurs – et dont l’origine se trouve, à notre connaissance, dans le Richard Wagner de René Dumesnil3 –, selon laquelle Nietzsche, dont on a vu qu’il n’oppose à la musique wagnérienne que des exemples imparfaits (Bizet, Gast, etc.), aurait annoncé (pressenti) et/ou adoré la musique de Debussy4. Le rapprochement entre Nietzsche et Debussy est fondé, non pas sur une analyse qui comparerait la conception du grand style et de la musique méditerranéenne à la structure musicale de l’œuvre de Debussy, mais uniquement sur le point commun négatif des deux hommes : le refus de la voie wagnérienne.
22Il est certes important de souligner que la voie indiquée par les textes de Nietzsche n’est nullement un retour au classicisme : non seulement Nietzsche condamne une telle attitude réactive – qui est, par exemple, dans Le Cas Wagner, la nostalgie qu’il attribue à la musique de Brahms –, donc encore une force de la faiblesse qui n’est nullement une affirmation et la création de quelque chose de nouveau, mais il écrit explicitement : « La méprise commise par l’art jusqu’ici : tourné vers l’arrière. Mais il est la force créatrice d’idéal – manifestation visible des espoirs et des vœux les plus intimes5 ». Le retour au style classique est tout autant que son refus empreint de négativité. Comme on l’a vu, la distinction entre la musique du sud et la musique du nord recoupe certes la distinction entre le style classique et le style romantique, mais le problème est que ces deux dernières expressions ne sont pas chez Nietzsche réductibles à leur sens historique, parce qu’elles sont investies d’un sens proprement philosophique. Le classicisme musical, au sens historique du terme, n’est pour Nietzsche qu’un exemple de musique affirmative (et donc du style classique au sens philosophique) : et s’il est une force, ce n’est qu’au XVIIIe siècle qu’il a pu l’être, et non au XIXe, où il ne peut apparaître que comme un refuge ou comme un pis-aller – autrement dit : le classicisme musical ne peut avoir la même valeur pour ceux qui l’utilisaient spontanément, d’une manière innocente, et pour ceux qui aujourd’hui, le font faute de mieux6…
23La question, nous semble-t-il, n’est nullement celle de savoir si Nietzsche aurait préféré Pelléas et Mélisande de Debussy ou « le ballet dramatique accompagné de voix qui fleurira au début du XXe siècle7 » ou bien encore autre chose, mais celle de savoir si la musique, après les transgressions romantiques et l’impasse dans laquelle elle se trouve à la fin du XIXe siècle, est pour lui encore possible. Sur cette question, les jugements de Nietzsche varient. Dans certains textes, la musique – c’est-à-dire la musique occidentale – apparaît comme un phénomène qui, comme tout phénomène, naît, vit et meurt : notre musique, née à la fin du XVIIe siècle, semble désormais condamnée à sombrer. Mais si Le Cas Wagner soutient explicitement une telle thèse – exactement comme dans le Crépuscule des idoles, seul texte, comme on l’a vu, où la musique est destituée au profit de l’architecture –, on lit dans le chapitre de Ecce homo consacré à l’ouvrage de 1871 : « En fin de compte, je ne vois aucune raison de renoncer à l’espérance d’un avenir dionysien de la musique8 ».
24Cette question, que Nietzsche a posée, non seulement explicitement, mais aussi implicitement (ne serait-ce que dans l’incapacité d’opposer véritablement quelque chose, c’est-à-dire une voie nouvelle, donc indépendamment des qualités et de l’amour qu’il voue à Offenbach, Bizet et les autres9), est justement la question qui a hanté les musiciens et les théoriciens pendant tout le XXe siècle. Si la réflexion de Nietzsche nous intéresse, c’est parce qu’il a donc posé deux problèmes qui nous concernent aujourd’hui : non pas seulement celui des conditions de possibilité du discours sur la musique, mais aussi celui qui consiste à se demander si la musique a encore un avenir. C’est chez Nietzsche qu’on trouve la première formulation de la question de savoir si la musique, aujourd’hui, n’est pas un art mort, de sorte que la seule voie ouverte serait alors d’inventer d’autres formes d’art. Et, puisque la question est bien celle-là, on peut alors en tout cas se demander si le cinéma, à titre d’art total, qui constitue une union véritable des arts figuratifs comme de l’art non figuratif qu’est la musique, des arts de l’espace comme de l’art du temps, de l’apollinien et du dionysiaque, ne constitue pas précisément cette forme d’art nouvelle…
Notes de bas de page
1 « Si le pianiste voulait jouer la chevauchée de la Walkyrie ou le prélude de Tristan, Mme Verdurin protestait, non que cette musique lui déplût, mais au contraire parce qu’elle lui causait trop d’impression. “Alors vous tenez à ce que j’aie la migraine ? Vous savez bien que c’est la même chose chaque fois qu’il joue ça. Je sais ce qui m’attend ! Demain quand je voudrai me lever, bonsoir, plus personne !” » (M. Proust, Du côté de chez Swann, À la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, La pléiade, 1954, vol. I, p. 189)
2 « [...] mais dès qu’ils [sc. les commentateurs] veulent nous expliquer en quoi le drame musical diffère du drame lyrique et celui-ci de l’opéra, pourquoi le drame musical doit être nécessairement symbolique et légendaire, comment il doit être pensé musicalement, comment il doit exister dans l’orchestre et non dans les voix, comment on ne saurait appliquer à un drame musical de la musique d’opéra, quelle est la nature essentielle du leitmotiv, etc. ; dès qu’ils veulent, en un mot, nous initier à toutes ces belles choses, un brouillard épais descend sur le style ; des mots étranges, des phrases incohérentes apparaissent tout à coup, comme des diables qui sortiraient d’une boîte ; bref, pour exprimer les choses par mots honorables, on n’y comprend plus rien du tout. » (C. Saint-Saëns, Portraits et souvenirs, Paris, Société d’édition artistique, p. 211)
3 R. Dumesnil, Richard Wagner, Paris, Plon, 1954. Dumesnil cite le texte de Nietzsche dans lequel se trouve énoncée l’exigence « il faut méditerraniser la musique » et commente : « Ce vœu, il appartenait à Debussy de le réaliser. Mais les raisons qui l’y amenèrent ne sont pas exactement celles que Nietzsche exprimait ».
4 Voir A. Schaeffner, Introduction au Lettres à Peter Gast, op. cit. (1ère ed., 1959), p. 62, et p. 36-37 : Nietzsche « pressentant à la fois Boris et Pelléas » – formule littéralement reprise par A. Villani, « Physique et musique de Nietzsche », Nietzsche. Les Cahiers de l’Herne, op. cit., p. 234 : Nietzsche « annonce Pelléas et Boris Godounov ».
5 1884, 25 [136].
6 Reconnaissons que nous fûmes tentés de reprendre l’idée selon laquelle la seule voie ouverte pour Nietzsche est le retour au classicisme et l’exploration des possibilités infinies de la conscience tonale, identifiant donc le style classique au sens philosophique et le style classique au sens historique, dans deux articles qui, à l’égard du présent ouvrage, ne possédaient qu’un rôle préparatoire (« Les lieder de Nietzsche », op. cit., et « La physiologie de Nietzsche », Nietzsche Studien, vol. 30, 2001).
7 G. Liébert, Nietzsche et la musique, op. cit., p. 103.
8 EH, OPCVIII, p. 288 ; KSA6, p. 313.
9 De sorte que les commentateurs, quand ils parlent du cas Bizet, confondent deux problèmes : les distances que prend Nietzsche vis-à-vis des œuvres qu’il aime ne sont pas liées à la (fausse) question de savoir s’il les aime vraiment quand il dit qu’il les aime (auquel cas il passerait alors son temps à dire tout et n’importe quoi), mais simplement à une autre question qui est, indépendamment de la force qu’il trouve dans ces œuvres et du plaisir véritable qu’elles lui causent – de sorte qu’il faut prendre au sérieux son engouement –, celle de savoir si elles sont un commencement et si elles ouvrent un monde possible pour la musique.
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