Livret de La main heureuse
p. 265-275
Texte intégral
SCÈNE 1
1La scène est plongée dans une obscurité presque totale. Au premier plan, l’Homme est étendu, face contre terre. Tapi sur son dos, un animal fabuleux, d’allure féline (une sorte de hyène avec d’énormes ailes de chauve-souris), semble avoir planté ses crocs dans sa nuque.
2La partie visible de la scène, vaguement arrondie (formant un arc surbaissé), est très exiguë. Le fond est caché par un rideau de velours d’un violet sombre, comportant des ouvertures par lesquelles transparaît le regard scrutateur de visages éclairés d’une lumière verte : six hommes et six femmes. La lumière est très faible. Seuls les yeux sont clairement visibles. Le reste est enveloppé de voiles d’un rouge pâle éclairés, eux aussi, par la lumière verte (à gauche et à droite des spectateurs).
SIX FEMMES :
Silence, tais-toi ;
SIX HOMMES :
Tais-toi, tourmenté !
SIX FEMMES :
Tu le sais bien, et tu es aveugle pourtant !
SIX HOMMES :
Tu le savais bien ;
Ne peux-tu enfin trouver le repos ?
SIX FEMMES :
Tant de fois déjà !
Et toujours tu recommences !
SIX HOMMES :
Tu le sais bien, c’est toujours la même chose.
SIX FEMMES :
Toujours la même chose,
Toujours la même fin.
SIX HOMMES :
Dois-tu toujours t’y précipiter ?
UN HOMME :
Ne veux-tu enfin croire ?
CINQ FEMMES et CINQ HOMMES :
Crois en la réalité ;
elle est ainsi ;
ainsi est-elle, et pas autrement.
Toujours tu fixes ton aspiration
Sur l’irréalisable, sur l’irréalisable ;
Toujours tu t’abandonnes à l’appel de tes sens,
UNE FEMME et UN HOMME :
Toujours tu crois au rêve.
SIX HOMMES :
Sans doute
Ceux qui parcourent l’univers,
SIX FEMMES :
qui sont de nature divine et pourtant
aspirent au bonheur terrestre !
SIX HOMMES :
Bonheur terrestre ! Malheureux !
SIX FEMMES :
Malheureux ! Bonheur terrestre !
SIX FEMMES et SIX HOMMES :
Toi, qui portes en toi le supraterrestre,
tu aspires au terrestre !
Et tu ne peux vaincre, malheureux !
3Ils disparaissent (les ouvertures dans le rideau s’assombrissent). L’animal fabuleux disparaît lui aussi. Pendant un instant tout est silencieux et sans mouvement. Puis, des ombres noires (voiles) descendent peu à peu sur l’Homme.
4Soudain, derrière la scène, on entend une musique vulgaire et gaie, qui se termine par un joyeux vacarme d’instruments. Alors que retentissent les derniers accords de cette musique de scène, on entend les éclats de rire stridents et sarcastiques d’une foule de gens.
5Au même moment, d’un élan puissant, l’Homme se relève brusquement. À cet instant, les rideaux sombres du fond se déchirent en deux.
6L’Homme se tient là, droit. Il porte une veste d’un jaune brunâtre, faite d’une étoffe épaisse, évoquant un pelage de félin. La jambe gauche de son pantalon noir n’arrive qu’au genou et se termine en lambeaux. Sa chemise est entrouverte, découvrant sa poitrine. Ses pieds nus sont chaussés de souliers percés, dont l’un est tellement déchiré qu’il laisse apparaître le pied marqué d’une grande plaie ouverte, comme faite par un clou. Son visage et sa poitrine sont défigurés par de nombreuses cicatrices, en partie anciennes, certaines refermées, d’autres encore ouvertes. Ses cheveux sont coupés ras.
7Après s’être relevé, l’Homme reste debout un instant, la tête baissée, puis il dit avec une profonde ferveur :
L’HOMME [à voix basse, mais chaleureusement] :
Oui, oh oui.
8Au même moment, la scène s’éclaire, découvrant le tableau suivant :
Changement
SCÈNE 2
9Espace un peu plus grand, plus profond et plus large que le premier. Au fond, une toile d’un bleu azur pâle évoquant le ciel. En bas, sur la gauche, au ras du sol d’un marron clair, un espace circulaire d’un mètre et demi de diamètre, à travers lequel une éblouissante lumière d’un jaune solaire se diffuse sur la scène. Pas d’autre éclairage que celui-là, qui doit cependant être extrêmement intense. Les rideaux latéraux suspendus sont faits d’une matière plissée d’un jaune vert pâle.
L’HOMME :
La floraison ; ô désir !
10Derrière lui, à gauche, une belle et jeune créature sort d’un des replis des rideaux latéraux. Elle est drapée dans une robe tombante, plissée, d’un violet pâle ; sa chevelure parée de roses jaunes et rouges ; silhouette gracieuse.
11Traversant la scène à pas légers, la Femme s’arrête à peu près à mi-chemin et regarde l’Homme avec une pitié indicible. Sans se retourner, l’Homme est secoué d’un frisson.
L’HOMME :
Ô toi ! Toi qui es si bonne !
Comme tu es belle !
Comme cela fait du bien de te voir,
de parler avec toi,
de te regarder.
Comme tu souris,
Comme tes yeux rient,
Ton âme est si belle !
12De sa main droite, la Femme prend une coupe et, en tendant le bras droit (recouvert jusqu’au poignet par un pan de sa robe) en avant, elle l’offre à l’Homme. D’en haut, une lumière violette est projetée sur la coupe.
13Un moment d’extase.
14Soudain, l’Homme se retrouve avec la coupe dans la main, alors que ni l’un ni l’autre n’ont bougé de leur place et sans que l’Homme se soit retourné vers la Femme (N.B. : l’Homme ne doit jamais regarder vers elle ; il regarde toujours fixement devant lui, elle reste toujours derrière lui) ; l’Homme tient la coupe dans sa main droite, à bout de bras. Il la contemple avec ravissement. Soudain, il devient profondément sérieux, presque triste ; il réfléchit un instant, puis son visage s’éclaire à nouveau et, avec une joyeuse résolution, il porte la coupe à ses lèvres et la vide lentement.
15Tandis qu’il est en train de boire, la Femme le regarde avec moins d’intérêt. Son visage prend soudain une expression de froideur. D’un geste peu gracieux, elle rajuste les plis de sa robe et se glisse silencieusement vers l’autre côté de la scène. Elle s’arrête près du rideau de droite (toujours derrière l’Homme).
16Pendant qu’il buvait, l’Homme a fait lentement quelques pas en avant, vers la gauche, de sorte qu’il se trouve maintenant à peu près au milieu de la scène. Lorsqu’il laisse retomber la main qui tient la coupe, le visage de la Femme exprime l’indifférence, par moments teintée d’hostilité. L’Homme, profondément plongé dans ses pensées, reste là, extrêmement ému, transporté.
L’HOMME :
Comme tu es belle !
Je suis si heureux, parce que tu es auprès de moi !
Je revis...
(Il tend les deux bras)
Ô belle !
17Pendant ce temps, elle s’est lentement détournée de lui. Alors que son regard tombe sur la partie droite du rideau, son visage s’éclaire.
18Un Monsieur apparaît alors devant ce rideau ; portant un pardessus gris foncé, canne à la main, il est habillé avec élégance ; son allure est distinguée. Il lui tend la main ; elle s’avance tranquillement vers lui, souriante, comme s’il s’agissait d’une vieille connaissance. Alors qu’elle sourit au Monsieur, l’Homme commence à s’agiter. Le Monsieur la prend rapidement dans ses bras et tous deux disparaissent par la coulisse de droite.
19Légèrement penché en avant, d’un geste saccadé l’Homme tourne la tête à plusieurs reprises, comme un animal qui prend le vent.
20Au moment où le Monsieur tend la main vers la Femme, la main gauche de l’Homme se crispe convulsivement ; quand elle se jette dans les bras du Monsieur, l’Homme gémit. Il fait quelques pas vers la gauche, puis reste immobile, prostré...
L’HOMME :
Ô...
21Mais, quelques instants après, la Femme sort précipitamment de la coulisse de gauche et s’agenouille devant lui. Le visage de la Femme exprime l’humilité, elle semble demander pardon. Sans regarder vers elle (son regard est dirigé vers le haut), l’Homme l’aperçoit aussitôt ; son visage s’éclaire...
L’HOMME :
Ô douce, ô belle !
22Elle se relève lentement, cherchant la main gauche de l’Homme pour y déposer un baiser. Avant qu’elle ne puisse le faire, il se laisse glisser sur les genoux et tend les mains vers elle (sans cependant la toucher).
23Tandis qu’elle est debout et lui à genoux, l’expression de son visage se modifie peu à peu et devient légèrement sarcastique. Il la regarde avec ravissement, lève la main et effleure doucement la sienne.
24Tandis qu’il est toujours à genoux, profondément ému et contemplant sa main élevée, elle s’enfuit rapidement par la coulisse de gauche.
25L’Homme ne prête pas attention à son départ. Pour lui, il la touche toujours de sa main, dont il ne peut détacher le regard. Après un moment, projetant les bras vers le haut, il se redresse d’un effort surhumain, et reste debout, gigantesque, sur la pointe des pieds.
L’HOMME :
À présent, je te possède pour toujours !
26Pendant un court instant, la scène devient complètement obscure, puis immédiatement s’éclaire à nouveau. Maintenant, toute sa surface est visible, découvrant ce qui suit :
27Changement
SCÈNE III
28Paysage sauvage ; des rochers d’un gris noirâtre sur lesquels poussent quelques pins aux branches d’un gris argenté. À peu près vers le milieu de la scène, une petite plate-forme rocheuse, flanquée de rochers à pic qui rejoignent, à droite et à gauche, les côtés de l’avant-scène. Le plateau est légèrement en pente vers l’avant. Vers le milieu à droite, il descend à pic et en plan incliné. Là, entre deux formations rocheuses, il faut ébaucher un ravin dont le bord est visible. Devant, un plateau inférieur, relié au plateau supérieur. Surplombant le ravin, se dresse un rocher isolé, de la taille d’un homme. Derrière le plateau (sur un plan plus élevé) se trouvent deux grottes, cachées pour l’instant par une pièce d’étoffe d’un violet sombre. La scène doit être éclairée d’en haut, par derrière, de manière à ce que les rochers jettent de l’ombre sur la scène, par ailleurs plutôt éclairée. L’ensemble n’est pas censé imiter la nature, mais devrait plutôt représenter une combinaison libre de couleurs et de formes. Au début tout cela est éclairé d’une lumière d’un gris verdâtre (par derrière uniquement). Par la suite, une fois les grottes éclairées, lumière jaune verte sur les rochers et bleue violette foncée sur le ravin.
29Aussitôt que la scène s’éclaire, on voit l’Homme émergeant du ravin (c’est pour cela que le bord du ravin doit être surélevé). Il y parvient sans effort, bien que cela paraisse plutôt difficile. Il est vêtu comme à la première scène, sauf qu’il porte autour des reins une corde ornée de deux têtes de Sarrasins ; il tient à la main une épée nue, maculée de sang.
30Peu avant que l’Homme soit complètement sorti du ravin, l’une des deux grottes (celle de gauche) s’éclaire et, changeant de couleur assez rapidement, passe du violet sombre au marron, puis au rouge, au bleu au vert, et enfin à un jaune brillant et délicat (jaune citron – pas trop vif).
31À l’intérieur de la grotte, représentant une sorte de local tenant à la fois d’un garage de mécanicien et d’un atelier d’orfèvre, on peut voir plusieurs ouvriers à l’ouvrage, portant des tenues de travail réalistes. L’un d’eux est en train de limer, un autre est assis devant une machine, encore un autre est occupé à donner des coups de marteau, etc. La lumière à l’intérieur de la grotte semble maintenant venir principalement des lampes suspendues au-dessus des établis (lueur crépusculaire, entre chien et loup). Au milieu, se trouve une enclume et, placé à côté, un lourd marteau de forgeron.
32Une fois parvenu en haut, l’Homme se dirige vers le milieu de la scène en passant derrière le rocher, s’arrête et observe pensivement les ouvriers. Une idée semble germer en lui ; il respire lourdement. Puis, son visage s’illumine, devient plus gai, et il dit calmement et avec candeur :
L’HOMME
Cela peut se faire plus simplement !
33Il se dirige vers l’enclume, laisse tomber son épée, prend une barre d’or par terre, la dépose sur l’enclume et, de sa main droite, saisit le lourd marteau. Avant qu’il ne lance le bras pour frapper, les ouvriers se lèvent précipitamment et font mine de se jeter sur lui. Pendant ce temps, comme s’il ne remarquait pas ces gestes menaçants, l’Homme contemple sa main gauche élevée, dont les bouts des doigts sont éclairés d’en haut d’une lumière bleu azur. Il la regarde d’abord avec une profonde émotion, puis, rayonnant, pénétré d’un sentiment de puissance. Les ouvriers ne doivent pas aller jusqu’à l’attaquer réellement, mais leur intention doit néanmoins être claire pour le public. Avant que les ouvriers puissent l’attaquer, l’Homme brandit le marteau à deux mains d’un élan léger et frappe un coup puissant sur l’enclume.
34Lorsque le marteau retombe, le visage des ouvriers exprime un étonnement profond : l’enclume s’est fendue par le milieu et l’or est tombé dans la fente.
35L’Homme se baisse et le retire de la main gauche ; lentement, il l’élève bien haut. C’est un diadème, serti de pierres précieuses.
L’HOMME [simplement, sans émotion] :
C’est ainsi que l’on crée un bijou !
36L’attitude des ouvriers redevient menaçante, puis dédaigneuse, ils tiennent conseil et semblent projeter quelque action contre l’Homme. En riant, l’Homme leur lance son ouvrage. Ils s’apprêtent à se jeter sur lui. 11 s’est retourné et ne les voit pas. Il se baisse pour ramasser son épée.
37Au moment où il touche l’épée de sa main gauche, la grotte devient obscure. Toute trace de l’atelier disparaît derrière le rideau sombre.
38Aussitôt qu’il fait sombre, [le] vent se lève ; d’abord murmurant doucement, puis, de plus en plus violent et menaçant. Parallèlement à ce crescendo du vent, se produit un crescendo de lumière. Cela commence par une lumière rouge sourde (venant d’en haut) qui devient marron puis verdâtre. Ensuite, elle se transforme en gris bleu foncé et puis en violet. De celui-ci se dégage un rouge d’un sombre intense de plus en plus brillant et éclatant, jusqu’à ce que, ayant atteint le rouge vermeil, il se mélange progressivement à l’orange puis au jaune clair, et enfin à une brillante lumière jaune qui, de tous côtés, inonde la deuxième grotte. Cette grotte, déjà ouverte au commencement de ce jeu de lumière, aura elle aussi été soumise (de l’intérieur et suivant la même échelle de couleurs) à ce crescendo d’éclairage (bien qu’avec une intensité moindre que le reste de la scène). À présent, cette grotte ruisselle, elle aussi, de lumière jaune.
39Pendant ce crescendo de lumière et de tempête, l’Homme se comporte comme si ces deux phénomènes émanaient de lui. Il regarde d’abord sa main (lumière rouge) ; celle-ci retombe lentement, visiblement épuisée ; ses yeux s’enflamment (lumière verdâtre). Il est saisi d’une excitation croissante, ses membres se crispent convulsivement ; en tremblant, il étire les deux bras (lumière vermeil) ; ses yeux sont exorbités et il ouvre la bouche dans un rictus d’horreur. Quand la lumière jaune apparaît, sa tête semble sur le point d’éclater.
40L’Homme ne se retourne pas vers la grotte, mais regarde droit devant lui.
41Quand tout est éclairé, la tempête s’arrête et la lumière jaune passe rapidement à une douce nuance bleutée.
42Pendant un instant, la grotte reste vide, baignée de cette lumière. Puis, à petits pas rapides et légers, la Femme entre (par la gauche). Elle est vêtue comme à la deuxième scène, mais la partie supérieure gauche de sa robe manque, de sorte que cette partie de son buste est entièrement découverte jusqu’à la hanche.
43Lorsqu’elle a dépassé le milieu de la scène, elle s’arrête un instant, en regardant autour d’elle comme si elle cherchait quelque chose. Puis, elle tend les bras vers le Monsieur qui, au même moment, devient visible sur le côté droit de la grotte. Dans sa main droite, il tient le lambeau manquant de la robe et lui fait signe en l’agitant.
44Pendant ce temps, le désespoir de l’Homme s’accroît. Les doigts recourbés en griffes, les bras pressés contre son corps, pliant les genoux en avant, il penche le buste en arrière. Lorsque le Monsieur agite le lam beau de robe, l’Homme se retourne d’un mouvement saccadé et violent et se laisse tomber sur les genoux, puis sur les mains ; à quatre pattes, il essaie d’atteindre la grotte, mais il ne réussit pas à escalader la pente.
L’HOMME :
Toi, toi ! Tu es mienne...
tu étais mienne... Elle était mienne...
45Tandis que l’Homme chante, le Monsieur remarque sa présence mais ne semble en tenir compte que par le regard imperturbable qu’il lui jette. Alors que l’Homme tente d’escalader la pente, d’un geste calme et froid, le Monsieur lui lance le lambeau de robe et, sans jamais se départir de cette expression de parfaite indifférence, sort de scène. L’Homme se relève en essayant désespérément de grimper vers la grotte. Il n’y parvient pas, car les parois sont aussi lisses que le marbre.
46Immédiatement, la scène devient tout à fait obscure, puis s’éclaire à demi d’une pâle lueur gris vert.
47La grotte est de nouveau sombre, comme au début.
48Aussitôt que la lumière revient, la Femme bondit de la grotte sur le plateau rocheux, cherchant le lambeau de robe. Elle l’aperçoit par terre non loin de l’Homme, se précipite pour le ramasser et s’en couvre. Pendant qu’il faisait sombre, l’Homme a appuyé sa tête contre la paroi, le dos tourné à la Femme. Alors qu’elle se couvre avec le lambeau de robe, il se retourne, se jette à genoux et chante (suppliant) :
L’HOMME :
Ô belle, reste auprès de moi.
49En se traînant sur les genoux, il essaie d’arriver jusqu’à elle, mais elle se dérobe à lui et se précipite vers le rocher situé à l’avant-scène. D’un bond, il la suit, puis continue à se traîner sur les genoux. Elle gagne rapidement le sommet et atteint le bloc de pierre près du ravin. Au moment où elle a bondi de la grotte sur le plateau, ce bloc de pierre a commencé à s’éclairer (de l’intérieur) d’une éblouissante lumière verte. Maintenant le pic ressemble à un masque monstrueux et ricanant ; son apparence entière est telle, que l’on pourrait le prendre pour l’animal fabuleux de la première scène, debout cette fois. À ce moment, l’Homme se trouve en contrebas, exactement en face de la Femme, de sorte que lorsqu’elle pousse le rocher légèrement du pied, il bascule et dévale sur l’Homme.
50Tandis que le rocher ensevelit l’Homme, la scène s’obscurcit et on entend de nouveau la musique violente et le rire moqueur de la première scène.
51Changement
SCÈNE IV
52Immédiatement, la scène s’éclaire.
53Décor comme à la première scène : les six hommes et les six femmes. Leurs visages sont à présent éclairés par une lumière gris bleu ; l’animal fabuleux est à nouveau en train de ronger la nuque de l’Homme, et celui-ci est étendu par terre, à l’endroit où le rocher l’avait projeté, confirmant ainsi l’impression que ce rocher et l’animal fabuleux ne font qu’un.
SIX FEMMES :
Te fallait-il revivre cela ?
Te fallait-il revivre ce que tu as si souvent vécu ?
TROIS HOMMES :
Le fallait-il ? Le fallait-il ?
Ce que tu as si souvent vécu ?
TROIS HOMMES :
Te fallait-il revivre ce que tu as si souvent vécu ?
Le fallait-il ?
SIX FEMMES et LES HOMMES :
Ne peux-tu renoncer ?
Ne peux-tu enfin te résigner ?
N’y a-t-il pas de paix en toi ?
Toujours pas !
Tu tentes de saisir
ce qui ne peut que t’échapper lorsque tu le tiens.
SIX FEMMES et UN HOMME :
Mais ce qui est en toi et autour de toi,
SIX FEMMES :
où que tu sois,
CINQ HOMMES :
Mais ce qui est en toi, où que tu sois,
SIX FEMMES et SIX HOMMES :
Ne te sens-tu pas ?
Ne t’entends-tu pas ?
Tu ne comprends que ce que tu saisis !
Tu ne sens que ce que tu touches,
seulement les plaies de ta chair,
SIX FEMMES :
seulement les souffrances de ton corps ?
UN HOMME :
mais pas la joie dans ton âme ?
SIX FEMMES et CINQ HOMMES :
Et tu cherches pourtant !
Et tu te tourmentes,
et tu es sans repos.
UN HOMME :
Et tu te tourmentes, et tu te tourmentes,
et tu es sans trêve.
SIX FEMMES et SIX HOMMES :
Malheureux !
54La scène s’obscurcit lentement et le rideau tombe.
Auteur
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