Introduction
p. 9-13
Texte intégral
1« C’est ainsi que l’on crée... ! s’exclame l’Homme de La Main heureuse dans la jubilation de son acte créateur. Cette parole triomphale de l’Homme-Schoenberg, convaincu que la création ne peut être que spontanée, inconsciente et réservée au seul génie, ne constitue pourtant en rien une démonstration, tout juste une affirmation de ce que ne peut être l’œuvre d’art, à savoir une action laborieuse aux mains de simples techniciens. Le mystère de la création reste entier et Schoenberg n’en a pas fini de le questionner, par tous les moyens, de ses œuvres (La Main heureuse, Moïse et Aaron...) à ses écrits1, inlassablement, jusqu’à la fin de sa vie2. Quelle part prend la conscience dans l’avènement de l’œuvre d’art ? Quelle est celle de l’inconscient ? D’où l’œuvre provient-elle ? Pourquoi et comment advient-elle ? Quelle est la part de l’héritage ?... Ces questions, que nous partageons avec le compositeur, fondent l’existence de ce livre ; d’autres s’y sont peu à peu ajoutées : peut-on capter l’origine des images chez un créateur ? Les sens jouent-ils un rôle particulier dans le processus d’invention ? Comment saisir la nécessité, à un moment donné, d’expressions artistiques nouvelles : atonalité, abstraction, expressionnisme... ? Que recouvre cette “nécessité intérieure” brandie comme un blanc-seing par l’avant-garde 1910, justifiant les positions les plus radicales ?...
2Si Schoenberg semble, en raison de son expérience d’artiste, ne concevoir la création que comme la manifestation du mystère intime de l’individu, ne doit-on pas, avec un peu de recul, élargir le questionnement à la participation de la collectivité humaine à ce phénomène ? Certes, beaucoup l’ont fait avant nous : Walter Benjamin, Adorno, Francastel, Panofsky, Lucien Goldmann... pour ne citer qu’eux, mais ce que nous nous proposons ici, c’est moins d’étudier l’œuvre en elle-même, que le processus par lequel elle émerge, ce qui est « dans l’air », avant même qu’elle n’ait pris tout à fait corps. Peut-être que ce que l’on nomme inspiration est moins métaphorique que l’on a coutume de le penser ; peut-être est-ce la manière dont un créateur « absorbe » l’air ambiant et le métabolise par un processus inconscient jusqu’à l’expirer, transformé en œuvre, tout cela en un geste unique, vital. Brassant pêle-mêle pensées, actions, sentiments, inconscient, venus du monde alentour, « l’air du temps » irrigue son être, se fondant à son univers propre. Notre objet pourrait donc être l’étude dialectique3 de l’émergence d’une œuvre par un mécanisme de métabolisation de la réalité (collective et individuelle), distinct de la conscience, en une création qui devient alors le façonnage d’une utopie, c’est-à-dire une réalité autre. Pourtant, est-il pertinent de supposer l’existence d’une « réalité », distincte de l’homme ? Y a-t-il vraiment un monde objectif qui, s’introduisant dans celui de l’artiste, contribuerait à édifier, selon l’hypothèse de Gilbert Durand, l’imaginaire créateur ? Ou est-ce un monde purement virtuel, façonné par chaque être vivant, alors inventeur d’un univers bien réel quoique dépourvu de toute existence objective ? En ce cas, l’œuvre d’art pourrait être une modalité particulière – car soumise à des compétences spécifiques (relevant tout à la fois de la technique et de la vision synthétique) – de « l’invention de la réalité »4 à laquelle se livre chaque être humain.
3Entre la phénoménologie « début de siècle », toute tendue vers la saisie de ce point de jonction volatil entre l’intérieur et l’extérieur de l’individu, et le constructivisme contemporain5 comme celui de Palo Alto, audacieusement tenté par la mise en cause de l’objectivité même, une réflexion sur l’acte créateur serait-elle en mesure d’apporter sa pierre à l’édifice et d’éclairer une parcelle du mystère de la création ? C’est cet espoir qui a guidé la conception de ce livre. Nous avons cherché à saisir le moment où l’œuvre d’art pointait, où elle commençait de prendre forme, où elle commençait tout bonnement d’exister, tant pour son créateur, dans sa solitude et son unicité d’être vivant, que pour la collectivité, prédisposée à la reconnaître comme telle, fût-ce pour la contester ! Car, pour qu’il y ait œuvre d’art, il faut bien un consensus qui la désigne ainsi6. C’est à cette condition d’être reconnue qu’elle jouera son rôle culturel. Quelles sont donc les conditions, à la fois pour que l’œuvre advienne, chez un créateur particulier, en un lieu, en un temps, dans une culture donnés, et pour que cette œuvre soit adoptée par la collectivité humaine comme faisant sens ?
4On en conviendra, ces questions interpellent tous ceux que l’art et sa relation au monde préoccupent. C’est pourquoi nous avons conçu ce livre comme une réflexion transdisciplinaire, rassemblant philosophes, littéraires, historiens, aussi bien que penseurs du champ artistique et artistes eux-mêmes.
5Il nous eût néanmoins semblé inconcevable, sinon vain, d’aborder ces questions immenses sans un rapport étroit au concret de l’art ; il nous paraissait indispensable de l’adosser à un exemple précis. Celui-ci nous a été offert par la grande figure de la modernité viennoise, Arnold Schoenberg, à l’époque où celui-ci s’employait, dans le contexte de l’avant-garde européenne des années 1910, à révolutionner les moyens d’expression. Il est vrai que nous avions réalisé en 1997, à l’Université de Lille, la composition scénique de Kandinsky, Sonorité jaune, et en 1998, un spectacle musico-plastico-chorégraphique à partir de La Main heureuse, dans une mise en scène de la chorégraphe Françoise Bénet. Cela eût suffi – nous ayant plongés collectivement au cœur même de la création – à justifier d’une mise en forme écrite de nos réflexions. Pourtant, les raisons de choisir Schoenberg excédaient, tout en l’incluant, cet aspect circonstanciel des choses. D’une part, le compositeur avait lui-même été hanté par la question des mécanismes de la création. Il avait été l’un des premiers artistes, après Wagner (la lignée des artistes théoriciens serait désormais innombrable au xxe siècle), à formuler abondamment sa pensée de l’art tel qu’il se fait et se conçoit, à exprimer – en une époque où, il est vrai, les replis de l’âme fascinaient – l’intolérable souffrance de la création et à en rechercher les causes. Il nous offrait donc une matière de première main. D’autre part, il avait assumé fièrement, quoique douloureusement, sa subversion radicale, la faisant reposer sur la seule « nécessité intérieure ». Pourtant, on ne peut qu’être frappé de la participation de ses œuvres, même les plus novatrices, à un climat général qui les inclut, quoi qu’en pense son auteur, dans un tissu serré, caractéristique de la culture européenne « début de siècle ». Vienne, notamment, était en train de réaliser un syncrétisme extraordinairement fécond de diverses cultures, dont certaines venaient d’être introduites : alors que les univers grec et chrétien fondaient la tradition autrichienne, l’univers judaïque, tout tendu vers le spirituel ainsi que l’univers nordique, plus tellurique, récemment véhiculé par Wagner et les artistes Scandinaves (Ibsen, Strindberg et Munch), faisaient leur entrée sur le devant de la scène. Malgré sa radicalité et son caractère subversif, Schoenberg apparaissait bien partie intégrante d’un monde complexe qui portait son œuvre tout autant qu’elle le portait. Son exemple posait donc de manière aiguë le problème du rapport entre l’artiste novateur, concept typiquement moderne et occidental, et « l’air du temps », cette expression particulière de la créativité collective en germe. Par ailleurs, à l’instar de Kandinsky avec lequel il entretenait des relations d’estime profonde et d’amitié, Schoenberg avait rêvé de synthèse des arts, et c’est ce même intérêt, caractéristique du début du siècle, qui nous permettait à notre tour de fixer notre réflexion sur des questions esthétiques plus générales que ne l’aurait autorisé le choix plus restreint d’un medium artistique défini. Nous avons donc jeté notre dévolu sur La Main heureuse, une œuvre synthétique devenue emblématique de l’esthétique expressionniste, et avons cherché à en scruter les conditions d’émergence, tant au regard du contexte social, politique, esthétique et personnel que dans son matériau même. L’œuvre incarne la remise en cause d’une vision du monde obsolète et devient le capteur, et peut-être aussi en partie le producteur, d’idées auxquelles elle donne une forme « polyphonique ». Schoenberg, pour sa part, y amorce une trajectoire personnelle qui le conduira à son modèle mythique, Moïse, tout en s’inscrivant dans une histoire collective, celle de la modernité européenne et particulièrement viennoise. Notre étude est, de ce fait, non pas celle d’un moment figé, cristallisé dans une œuvre, mais celle d’une étape dynamique traversée par une histoire en marche. Elle se propose de saisir la nécessité d’une œuvre, à sa naissance, alors qu’à travers elle se jouent de rudes tensions entre des mythologies contradictoires (théosophique de filiation chrétienne, judaïque, wagnérienne, grecque antique) peut-être à la source de la douleur expressionniste7. Elle éclaire également une autre genèse, celle de l’œuvre schoenbergien tout entier qui, à l’époque de La Main heureuse, s’oriente vers des territoires encore inexplorés de toute pensée esthétique. C’est dire que nous tentons de faire une histoire des Commencements...
6Le lecteur constatera que certaines démarches consignées dans ce livre sont résolument scientifiques, alors que d’autres sont avant tout des témoignages artistiques concernant La Main heureuse. Il nous a paru bon en effet, pour tenter d’expliciter l’avènement de la création, de faire leur place à des artistes, capables de parler du processus, de l’intérieur, sans distanciation. C’est ainsi que Françoise Bénet nous entraîne dans la réflexion et les recherches qui ont nourri sa mise en scène du spectacle lillois et que Ricardo Mandolini nous fait participer à son approche musicale de La Main heureuse, celle-là même qui fonde sa pièce électroacoustique, Le Labyrinthe aux miroirs, jointe sur CD à ce livre. Les autres contributions, scientifiques celles-là, s’ancrent néanmoins, pour certaines, de très près sur l’expérience – artistique ou thérapeutique – (je pense à Jean-Marc Chouvel, compositeur, musicologue et plasticien, à Jérôme Dayan, compositeur et musicologue, aussi bien qu’à Alain Bavelier, psychanalyste), pour d’autres, sur les sources les plus objectives – littéraires, historiques ou musicales – (et je pense, cette fois, à Wolfgang Sabler, Christian Merlin, Friedrich Buchmayr, Eric Dufour et à Joseph Auner). Entre ces deux positions prend place la démarche originale de Christian Hauer qui éclaire la nécessité de La Main heureuse à l’aide de l’herméneutique philosophique venue de Paul Ricœur et du concept de transitionalité créé par D.W. Winnicott. Marie-Pierre Lassus emprunte, elle, dans son étude de l’œuvre, les voies chères à Gilbert Durand, alors que Robert Llambias s’attache à montrer les affinités entre les imaginaires français et autrichiens de ce début de siècle. Chacun contribue donc à sa manière à éclairer la genèse de la création schoenbergienne, soit par une démarche centripète conduisant peu à peu vers l’œuvre, soit par un mouvement centrifuge, partant de l’œuvre pour comprendre des phénomènes plus universels. Est-ce à dire que l’exemple de Schoenberg autorise à généraliser les conclusions d’une étude, somme toute, particulière. Sans doute serait-ce abusif, mais on peut compter sur d’autres études transdisciplinaires à venir afin que les observations sur le processus de création puissent être confrontées. Ainsi faudra-t-il ouvrir le dialogue transdisciplinaire à d’autres questionnements épistémologiques absents du présent ouvrage, notamment celui des sciences cognitives, qui, cherchant à comprendre comment on pense, peuvent utilement aider à comprendre comment on crée.
7Pour l’heure, il s’agissait de frayer un chemin... et sur ce chemin, nous avons rencontré un compagnon, attiré lui aussi par le mystère du monde. Parcourant ensemble les mêmes paysages intérieurs, nous avons fraternisé et partagé ses pensées :
« Déjà, ce premier commencement, cet essai tenté dans les meilleures conditions du monde se perd dans le vague et l’incompréhensible. [...] Au lieu d’un tissu, je n’ai en main qu’un faisceau de mille fils emmêlés, que cent mains mettraient des années à débrouiller [...].
Je peux imaginer qu’il en va de même pour tout historien lorsqu’il commence à retracer les événements de quelque époque que ce soit et qu’il se montre soucieux de la vérité. Où trouver le nœud des événements, leur point de contact, le terme commun qui les rassemble ? Pour faire apparaître une telle relation, quelque chose comme une causalité, comme un sens, et aussi bien pour qu’une chose au monde puisse être racontée, il faut que l’historien découvre des unités : un héros, un peuple, une idée, et qu’il attribue à ces unités imaginaires ce qui, dans la réalité, s’est produit de la plus anonyme façon.
Mais s’il est déjà si difficile de présenter dans leur succession un certain nombre d’événements effectifs et prouvés, cela est encore plus difficile dans mon cas, car tout, dès que je veux l’examiner attentivement, devient matière à doute, tout fuit et se dissout [...].
Et aujourd’hui que je veux en noter et retenir au moins quelques fragments, tout cela n’offre qu’une masse informe d’images qui se sont reflétées dans quelque chose, et ce quelque chose est mon propre moi, et ce moi, ce miroir, où que je l’interroge, n’est rien d’autre que néant, que la surface d’un flacon. Je pose ma plume, avec l’intention et l’espoir, certes, de continuer demain ou plus tard, et, mieux encore, de recommencer à neuf, mais derrière cette intention et cette espérance, derrière mon irrésistible désir de raconter notre histoire, se dresse un doute mortel. [...] La question n’est pas seulement : ton histoire est-elle racontable ? mais aussi : pouvait-elle être vécue ? »8
8Je tiens à remercier chaleureusement Christian Hauer et Wolfgang Sabler qui m’ont considérablement aidée, sans ménager leur peine, à la conception de l’ouvrage et la relecture des articles. Je remercie également Francis Courtot et Vincent Tiffon qui m’ont apporté leur aide efficace dans les dernières corrections et bien sûr les auteurs et les traducteurs qui ont voyagé avec nous. Peu avant que les derniers articles ne nous parviennent, nous avons eu la douleur d’apprendre la disparition de Jérôme Dayan. Il sera toujours associé, avec notre profonde amitié, à notre quête du mystère de l’art et de la vie. Que ce livre lui soit dédié.
Notes de bas de page
1 On se reportera au recueil d’écrits de Schoenberg, Le Style et l’idée, Paris, Buchet/Chastel, 1977.
2 « Mais hélas les créateurs terrestres auxquels le don de vision a été accordé, ont encore un long chemin à faire entre la vision et l’accomplissement ; un long chemin sur lequel, chassés du paradis, les hommes de génie eux-mêmes ne peuvent moissonner qu’à la sueur de leur front. C’est hélas une chose que d’être touché par la grâce dans l’instant d’une inspiration créatrice et autre chose que d’être capable de matérialiser sa vision en assemblant laborieusement détails sur détails jusqu’à ce qu’ils se fondent en une sorte d’entité. Et aurait-on réalisé une entité, homuncule ou robot, qui ait conservé quelque chose de la spontanéité de la vision, il restera encore à structurer une forme si l’on veut transmettre un message compréhensible « à tous ceux que cela peut concerner ». » Arnold Schoenberg, « La composition avec douze sons, I » (1941), Le Style et l’idée, Paris, Buchet/Chastel, 1977.
3 « L’action réciproque de l’universel et du particulier, qui se produit sans conscience dans les œuvres d’art, et que l’esthétique a pour fonction d’amener à la conscience, est la véritable nécessité d’une conception dialectique de l’art. » T.W. Adorno, Théorie esthétique, Paris, Klincksieck, 1989, 2e édition, p. 232.
4 Voir Paul Watzlawick, L’Invention de la réalité, Paris, Points/Seuil, 1988.
5 « On peut dire, de façon très sommaire, que le constructivisme moderne étudie les comportements et les processus de perception et de communication à travers lesquels nous inventons à proprement parler nos réalités individuelles, sociales, scientifiques et idéologiques, plutôt que nous ne les trouvons, comme nous le supposons tous naïvement. Par la portée qu’elle a pour la psychothérapie, cette construction de la réalité – que Jean Piaget a minutieusement étudiée chez l’enfant – bouleverse complètement l’hypothèse de base des écoles classiques, à savoir que nous devons d’abord comprendre la réalité avant de pouvoir nous comporter autrement. La pensée constructiviste se trouve exprimée de façon particulièrement dense dans l’impératif esthétique de von Foerster : si tu veux connaître, apprends à agir. » Paul Watzlawick, Les Cheveux du baron de Münchhausen. Psychothérapie et « réalité ». Paris, Seuil, 1991, p. 127-128.
6 En Occident, les expressions populaires d’ici comme d’ailleurs n’ont pas recueilli avant le xxe siècle ce consensus culturel qui permet de les considérer comme art.
7 Le problème de la dualité entre moi et le monde qui étreint l’expressionnisme dans les pays germaniques, se pose beaucoup moins en France où les artistes font davantage appel à la médiation des sens (Mallarmé, Debussy, Pierre Louÿs, Valéry, Ravel, Delaunay...).
8 Hermann Hesse, Le Voyage en Orient, Paris, Calmann-Lévy, 1948, p. 74-77.
Auteur
Musicologue et responsable du Centre d’Etude des arts contemporains de l’Université de Lille 3, a consacré une partie de ses travaux à l’étude de la sensibilité artistique en France et en Allemagne au début du XXe siècle. Elle a notamment publié aux éditions du Lérot, Tusson, 1993, La Belle et La Bête, L’Allemagne des Kapellmeister dans l’imaginaire français (1890-1914) et a édité aux Editions du Septentrion dans la collection Ateliers les actes de deux colloques qu’elle a organisés à Lille 3, La Synthèse des arts (1998) et Le Mélange des arts (1999).
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