Chapitre X. Les arts contre leur esthétique naturelle et le problème de la musique, « cet art de paresse »
p. 179-192
Texte intégral
« Gaussin, fou de musique, cet art de paresse et de plein-air où se plaisent ceux de son pays, s’exaltait par le son aux heures de travail, en berçait son repos délicieusement. »
Alphonse Daudet, Sapho, chap. II1
« Ce serait ça le pictural – ce qui reste dans le tableau quand on a enlevé tout l’attirail de la peinture »
Gérard Wajcman, L’Objet du siècle, p. 48
1Dans son ouvrage L’Objet du siècle, Gérard Wajcman propose de définir l’art par un mouvement déflationniste, une déflation de l’imaginaire2. Analysant la peinture contemporaine, il montre que c’est précisément parce que le tableau est « un instrument d’optique », « une machine à faire voir » remontant jusqu’aux conditions de possibilité du visible, jusqu’à son point aveugle, qu’il ne peut se constituer que contre l’image, contre ce qui se donne à voir. Alors l’art se définirait « non par les moyens dont [il] dispose, mais par ceux dont [il] se prive »3.
2On se propose de travailler cette proposition, et de tenter de l’appliquer à la musique, en la modifiant et en la déplaçant.
La peinture contre l’image
3Wajcman décrit le travail de la peinture et l’histoire de celle-ci comme une lutte contre ce qui, trop facilement, ne fait que s’offrir au regard : la peinture n’atteint sa véritable nature qu’en se délivrant de la spécularité des images à laquelle on aurait pu la croire vouée. Elle se constituerait donc comme une remontée de ce qui se donne à voir vers ce qui ne se voit pas. Non seulement elle s’est toujours proposé de faire voir l’invisible, mais elle se constitue dans ce mouvement comme machine à faire voir.
4Voilà qui permet d’abord de relativiser la trop fameuse rupture entre la peinture classique figurative et la peinture moderne abstraite. Même au cœur du régime représentatif, jamais la peinture ne s’est donné pour tâche de montrer ou de reproduire ce qui se voit, y compris en l’esthétisant. Un cas pour ainsi dire aggravé de peinture représentative le montre bien : la peinture de théâtre4. Justement cette peinture, apparemment vouée à produire des images redondantes avec le texte qu’elles sont censées illustrer, prend soin de se démarquer de cette vocation humiliante. Par une série de détours – condensations, invraisemblances voulues, décalages savants par rapport au texte –, elle s’acharne à provoquer un effet d’énigme qui opère comme la lecture d’une pièce de théâtre, en produisant un texte par des opérations successives de réfutation effectuées par le lecteur. Par ses propres moyens, la peinture de théâtre produit donc un effet de théâtre. Elle le fait en s’arrachant à sa pente naturelle, qui serait de montrer tel ou tel moment, de figer une scène en tableau. Le paradoxe est que c’est précisément en lorgnant et en se réglant sur ce qui n’est pas elle (ici, le théâtre), en acceptant une forme d’extériorité, qu’elle parvient à se libérer du piège de sa propre intériorité immédiate (ici, l’image) et à atteindre en vertu de ce détour quelque chose de sa vérité (un objet de pensée qui prend figure).
5Pour reprendre une expression de Pierre Macherey et François Regnault, il y a une manière de mettre « l’art hors de soi »5 qui, loin de le trahir, le révèle. Par une sorte de familière étrangeté, en s’exilant de ses propriétés naturelles, il trouve une identité plus riche.
6Il en résulte que l’objet proposé à l’œil ne lui est pas simplement offert, mais que l’œil s’y rince ou s’y « dégorge »6. C’est parce qu’elle n’en dérive pas de manière spontanée et paresseuse que la peinture, comme d’autres arts du visible, corrige la vue et l’élève à son point critique. Le mouvement réflexif par lequel la vision est conviée à se trouver elle-même en s’opposant à elle-même, s’effectue par une torsion du visible – torsion que la peinture contemporaine porte à son degré extrême. Allant au-delà de ce qui ne se voit pas, celle-ci travaille jusqu’à forer la visibilité pour en figurer les conditions de possibilité. Le carré noir de Malévitch n’est même plus comme une fenêtre : c’est un véritable forage, un trou dans le mur du visible qui parvient à faire voir le point aveugle rendant le visible à la fois possible, pensable et visible. Le moment esthétique est un moment ontologique et logique, pourvu que l’on prenne le sensible au sérieux.
7Ne nous précipitons pas trop pour exporter cela dans l’ordre du sonore, de l’audible et donc de la musique, et ne nous hâtons pas trop de dire d’un savoir irrémédiable que le point aveugle de la musique c’est le silence, ou le cri, ou la dépolarisation. Car de même qu’il ne suffit pas de se planter devant le Carré noir, de le voir d’un regard entendu et de se dire « il n’y a rien à voir », il ne suffit pas, pour entendre le silence du Second Trio des Parques7, de se poser un casque sur les oreilles et de se dire « on n’entend rien pendant cinq temps et demi ».
8Restons encore un peu en compagnie de G. Wajcman. Une chose frappe à la lecture de ces analyses : leur convergence avec celles naguère effectuées par Jean-Luc Marion, d’abord dans L’Idole et la distance, puis dans La Croisée du visible8, deux ouvrages consacrés eux aussi à célébrer la lutte acharnée de la peinture contre l’image livrée clés en mains. La différence, semble-t-il, est que Marion se tourne vers une herméneutique et conclut que la peinture, si elle se détourne de la facilité du voir, manifeste une présence du visible dont le modèle de l’icône est le schème. De son côté, Wajcman reste au plus près de la matière de l’objet et de ce que j’appelle le paradoxe esthétique : l’objet montre et rend visible, par la présence purement immanente de ses propriétés matérielles et seulement par elles, ce qui est au fondement ontologique et logique du visible.
9Ainsi l’un et l’autre, de façon originairement hégélienne, font bien de l’art à la fois une non-chose et une hyper-chose, mais la séquence n’est pas accentuée de la même manière. Pour Marion, c’est parce que l’art est une non-chose (traversée par une transcendance signifiante) qu’il est une hyper-chose (la figure sensible de cette transcendance, laquelle est évidemment défigurée). Pour Wajcman, c’est parce que l’art est une hyper-chose (un mouvement qui pousse la matière à bout et la met hors d’elle) qu’il est une non-chose (une cristallisation de pensée).
10Dans cette divergence entre la voie phénoménologique et herméneutique d’une part (quelque chose en deçà de la matière vient la trouer et l’habiter) et la voie matérialiste de l’autre (l’effet signifiant ne suppose pas un sens préexistant, mais tient à un pur agencement de la matière) on peut préférer la seconde, non seulement parce que c’est la plus économique (elle ne suppose rien d’autre que ce que nous avons toujours eu sous les yeux : ce n’était que cela !) mais parce qu’elle est esthétique de manière radicale. La figure de la chose n’est autre que le corps de la pensée, non que la pensée s’aviserait de se donner un corps, mais parce qu’elle fait corps avec son corps propre. Nous retrouverons cette divergence plus loin touchant la musique, qu’elle divise profondément.
11Le point sur lequel on prendra appui pour le moment est la convergence entre les deux voies. Le corps de l’œuvre d’art est un corps contraire à une esthétique naturelle : l’esthétique de l’art prend à rebrousse-poil l’esthétique ordinaire. Le sensible de l’œuvre d’art se construit par non-consentement à la naturalité du sens qu’elle mobilise.
La dimension soustractive de l’art et le problème de la musique
12Ainsi apparaît la dimension soustractive de l’art. Dans son Petit manuel d’inesthétique9, Alain Badiou avance que la danse est une métaphore de la pensée par cette forme de soustraction :
Toute pensée véritable est soustraite au savoir où elle se constitue. La danse est métaphore de la pensée précisément en ceci qu’elle indique par les moyens du corps qu’une pensée dans la forme de son surgissement événementiel est soustraite à toute préexistence du savoir, [p. 104]
13Une généralisation de cette dimension soustractive est ainsi suggérée. La peinture n’est pas vouée à l’œil, mais révèle la vision en la pensant, en faisant voir l’ordre du visible précisément parce qu’elle s’arrache à l’aisance du tissu préconstitué d’un facile savoir de la vision. Parallèlement, et d’un mouvement comparable, le vers s’arrache à la prose dont il révèle en la forçant les composantes rythmiques, la poésie s’arrache à la platitude de la chronique parce que le poète s’intéresse au vraisemblable constitutif du réel et non à un réel abstrait parce que préconstitué10, le roman lui-même s’arrache à la narrativité journalistique, rend à la prose ce qui lui est dû en la travaillant et en la transformant en « prose romanesque » étudiée par Natacha Michel dans L’Ecrivain pensif11.
14Plus généralement encore, la littérature s’arrache à l’idiome et, sous les yeux de son lecteur ébahi, met en déroute sa compétence de locuteur naturel. C’est en la rendant étrangère à elle-même que la littérature construit la langue et élève le locuteur « idiot » à l’état de lecteur universel. En réalité, on ne fait que décrire ici le mouvement d’étrangeté constituant des humanités : « donner un sens plus pur aux mots de la tribu »12 est une manière de construire la cité, à l’opposé des opérations de proximité qui suffisent à constituer l’ethnie.
15Notons bien qu’une telle soustraction n’a rien d’abstrait, contrairement à ce que suggère une qualification que l’art contemporain traîne comme une casserole. Si la littérature congédie le bavardage qui l’étouffe, le roman l’histoire qui l’énerve, la peinture l’image qui la fixe au voyeurisme, ce n’est pas en se resserrant sur une pureté retrouvée qui ne serait, comme l’idiotie de tout à l’heure, qu’une extériorité de plus, qu’une donnée pure et simple.
16Ce mouvement de constitution de l’essence de l’art n’est pas obtenu par une sublimation extatique qui, en évaporant le sensible, prétendrait atteindre le moment idéal, quintessence vide de toute consistance, où la pensée, prétendant ne plus se payer de mots, s’engouffre dans sa propre négation. La remontée vers l’essentiel n’est pas une épochè, mais une obstination rude à lutter contre le sable de la pente naturelle pour trouver le roc ou l’argile de la rugosité sensible qui fait corps avec la pensée. Le trésor amassé est d’autant plus volumineux que le tri a été sévère. Claudel a raison de comparer le vers à un lingot13. Il n’y a rien de plus concret, de plus lourd qu’un lingot de matière précieuse. La soustraction dont nous parlons est donc aussi une démultiplication.
17Ainsi l’enrichissement réel résulte d’une forme de privation. Les classiques le savaient bien, de Boileau qui se vantait d’avoir appris à Racine à faire les vers « avec difficulté »14, de Corneille se félicitant de ce que l’auteur dramatique ait affaire aux « incommodités de la représentation »15 à Le Brun commentant La Manne dans le désert – c’est en transformant un obstacle en moyen que Poussin réussit à peindre la temporalité. En refusant son consentement à une réalité offerte, l’art produit d’autant plus de réalité concrète.
18Munis de cette remarque, nous devons alors considérer la musique comme un problème, elle qui semble être une solution. Ou plutôt c’est parce qu’elle se présente comme solution que son cas nous apparaît comme éminemment problématique.
19Dans ce mouvement soustractif en effet, la musique pose problème précisément parce qu’elle en semble dispensée, du fait qu’elle prétend tout simplement l’incarner, le représenter ou au moins en présenter le schème. Étant elle-même soustraction, amenuisement en concentration des dimensions du sensible, la musique n’aurait pas besoin d’effectuer le mouvement soustractif qui la libérerait de ses propres facilités et d’un abandon à l’étalage de ses charmes d’extériorité – comme si elle en était dépourvue. L’idée est donc que la musique n’aurait pas de démon extérieur auquel elle serait tentée de s’abandonner : elle n’aurait que des vertus d’intériorité.
20On reconnaît ici un argument inspiré par la lecture de Hegel en grande partie responsable de cette présentation flatteuse, immédiatement soustractive et quelque peu moralisante, de la musique. On se souvient, en effet que Hegel, à l’issue de sa mémorable analyse de la peinture hollandaise qui s’achève sur l’idée d’une « recréation subjective de l’extérieur », aboutit à la thèse de la « musicalisation »16. Le moment musical du parcours esthétique est celui où l’esprit parvient à se concentrer en lui-même et à toucher comme à son port, celui de l’intériorité : la musique incarne quelque chose du destin spirituel de l’art. La soustraction dont nous parlions plus haut est ici prise au sens d’un dépouillement, d’une concentration vers l’ordre psychique. Selon Hegel, la matérialité musicale a ceci de particulier qu’elle s’offre comme un scénario d’abolition de la matière, dans le rapport nécessaire qu’elle entretient avec le temps et par conséquent avec le silence qui est à la fois sa négation, son terme et sa fin, le destin dans lequel elle s’abîme :
Ainsi, le son est bien une manifestation extérieure ; mais son caractère est précisément de se détruire, de s’anéantir comme tel. À peine l’oreille en a-t-elle été frappée, qu’il rentre dans le silence. L’impression pénètre à l’intérieur, et les sons ne résonnent plus que dans les profondeurs de l’âme émue, ébranlée dans ce qu’elle a de plus intime.
Cette intériorité, dégagée de tout objet extérieur, à la fois quant au contenu exprimé et quant au mode d’expression, donne à la musique le caractère formel qui la distingue. Elle a bien, il est vrai aussi, un contenu riche à développer ; mais ce n’est ni dans le sens des arts figuratifs ni dans celui de la poésie. Car, précisément, le travail qui consiste à combiner des objets, des images ou des pensées, à en former un tableau vivant pour les yeux ou l’imagination, lui est étranger17.
21Ainsi, ce qui serait étranger à la musique, c’est précisément l’étrangeté extérieure qui frappe les autres arts d’une forme de contingence et de facticité et dont ils ne peuvent se débarrasser qu’à grand peine, dans un effort ascétique de musicalisation. Mieux encore, la musique réaliserait le tour de force de matérialiser la dématérialisation, et en cela elle mériterait une mention spéciale et un rôle eschatologique : c’est le point de fuite du système des beaux-arts. Autant dire que l’idée même de système des beaux-arts s’y abolit.
22Schopenhauer allait déjà plus loin dans ce parcours auquel il donne une inflexion métaphysique18. S’il y a, dit-il « dans la musique quelque chose d’ineffable et d’intime », c’est parce que, à part des autres arts, « complètement indépendante du monde phénoménal »,
[...] elle est la reproduction immédiate de la volonté elle-même et exprime ce qu’il y a de métaphysique dans le monde physique, la chose en soi de chaque phénomène, [p. 335]
23Paraphrasant un texte de Leibniz, Schopenhauer définit la musique comme
[...] un exercice de métaphysique inconscient, dans lequel l’esprit ne sait pas qu’il fait de la philosophie, [p. 338]
La pente de l’intériorité : ascendante ou descendante ?
24Il semble que le crédit accordé à la musique en termes d’essentialisation esthétique repose non seulement sur la facilité à la caractériser en termes d’abstraction et de resserrement intérieur, mais également sur une forme d’évidence qui accompagne le son musical aussi bien dans son émission que dans son audition. Son existence est en effet subordonnée à une condition impérative : il faut imposer silence à tout le reste, et de ce silence émerge une réalité sonore qui se veut en rupture avec celle de la langue, y compris lorsqu’elle lui est conjointe. Ce caractère incantatoire de la musique a été souligné par Vladimir Jankélévitch dans son ouvrage La Musique et l’ineffable19 :
La musique est le silence des paroles ; tout comme la poésie est le silence de la prose. La musique, présence sonore, remplit le silence, et pourtant la musique est elle-même une manière de silence. [...] La musique est une espèce de silence, et il faut du silence pour écouter la musique ; il faut du silence pour écouter le mélodieux silence ; ce bruit mélodieux, ce bruit mesuré, enchanté qu’on appelle musique, il faut l’environner de silence ; la musique impose silence au ronron des paroles, c’est-à-dire au bruit le plus facile et le plus volubile de tous, qui est le bruit des bavardages ; le bruyant se tient coi pour mieux recevoir l’incantation, [p. 172]
25Notons que cette incantation se paie d’une indistinction musicale où toutes les musiques sont prises sans autre forme de procès, comme si elles souscrivaient toutes à cette sacralité. Notons aussi, à la suite de Pascal Quignard20, qu’une telle présentation installe la musique dans un climat d’édification et rabat la musique sur l’hymne. Ce terrorisme musical (dont les danseurs et les chorégraphes souffrent beaucoup dans le domaine de l’art) s’autorise d’une fonction morale (la musique adoucit les mœurs), dont le déploiement conséquent et ultime n’est autre que la mise au pas. La lecture du livre que Simon Laks écrivit à son retour d’Auschwitz, Musiques d’un autre monde21, présente une réalité qu’on devinait confusément derrière les enchantements d’Orphée.
26Cette représentation dominatrice et abstraite de la musique lui accorde, on l’a vu, une place à part qui finit par récuser le concept des beaux-arts comme formant un système avec analogies, oppositions et parallélismes partageant une poétique commune. La projection de la musique dans un rôle modélisant, un rôle pilote, a pour présupposé implicite, (qui devient explicite chez les grands penseurs comme Hegel et Schopenhauer) une eschatologie esthétique réglée par la musique. À son tour, cette finalisation du champ esthétique s’autorise d’une subreption de la fonction soustractive de l’art, subreption qui est donnée comme évidence mais qui n’est autre qu’un sophisme : tout se passe comme si l’intériorité (entendue à la fois comme intimité psychique et essentialisation – comme concept moral et métaphysique) était une opération soustractive et comme si elle était la seule valide.
27L’identification entre l’opération soustractive constitutive de l’art et l’accès à l’intériorité, à un noyau psychique, a en effet l’avantage de permettre un court-circuit. L’ellipse du mouvement par l’extériorité d’exil et de déréliction qui accompagne la soustraction dans les arts visuels peut ici prendre diverses formes, d’une psychologie intimiste à une métaphysique extatique. Le livre de Pascal Quignard La Haine de la musique en rumine la forme contemporaine la plus terrifiante, dans laquelle l’étoffe du son musical se présente comme intériorité déjà là, irrécusable parce que consubstantielle au tréfonds d’un animal funestement rythmique et mélodique, d’un corps irrémédiablement hystérisé et drogué dès sa vie embryonnaire par le mélos et le tarabust qui n’ont pas d’extérieur :
Comment entendre la musique, n’importe quelle musique, sans lui obéir ?
Comment entendre la musique à partir du dehors de la musique ?
Comment entendre la musique les oreilles fermées ?
Simon Laks, qui dirigeait l’orchestre, n’était pas davantage lui-même à « l’extérieur » de la musique sur le prétexte qu’il la dirigeait.
Primo Levi poursuit : « Il fallait l’entendre sans y obéir, sans la subir, pour comprendre ce qu’elle représentait, pour quelles raisons préméditées les Allemands avaient instauré ce rite monstrueux, et pourquoi aujourd’hui encore, quand une de ces innocentes chansonnettes nous revient en mémoire, nous sentons notre sang se glacer dans nos veines. »
Primo Levi continue en disant que ces marches et ces chansons se sont gravées dans les corps : « Elles seront bien la dernière chose du Lager que nous oublierons car elles sont la voix du Lager. »
C’est l’instant où le fredon resurgissant se métamorphose sous la forme du tarabust. Le melos tarabustant le rythme corporel, se confondant à la molécule sonore personnelle, alors, écrit Primo Levi, la musique annihile. La musique devient « l’expression sensible » de la détermination avec laquelle des hommes entreprirent d’anéantir des hommes, [p. 228-229]
28Sans doute, la version la plus complète, la plus conséquente et la plus lucide – y compris dans ses déploiements moraux et politiques – de la thèse qui accorde à la musique un statut soustractif immédiat est la pensée esthétique de J.-J. Rousseau. C’est lui qui porte à son intensité maximale la thèse selon laquelle la musique est investie d’un pouvoir précisément dans la mesure où elle conduit vers un ineffable en deçà des langues et des systèmes articulés. L’accès direct au noyau psychique épargne à la musique tout un circuit encombrant et explique son « pouvoir » : sa consubstantialité avec l’étoffe psychique fait qu’elle est capable, non pas d’exciter les émotions, mais à proprement parler de les réactiver :
Que toute la nature soit endormie, celui qui la contemple ne dort pas, et l’art du musicien consiste à substituer à l’image sensible de l’objet celle des mouvements que sa présence excite dans le cœur du contemplateur : non seulement il agitera la mer, animera la flamme d’un incendie, fera couler les ruisseaux, tomber la pluie et grossir les torrents ; mais il peindra l’horreur d’un désert affreux, rembrunira les murs d’une prison souterraine, calmera la tempête, rendra l’air tranquille et serein, et répandra, de l’orchestre, une fraîcheur nouvelle sur les bocages : il ne représentera pas directement ces choses, mais il excitera dans l’âme les mêmes mouvements qu’on éprouve en les voyant22.
29Ce faisant, le théoricien de l’Essai sur l’origine des langues ne manque pas d’en appeler aux figures anciennes, figures perdues et à jamais inaudibles, des langues primitives, méridionales et chantantes qui ont disparu. Sur une poésie grecque que nous n’avons jamais entendue23, que nous n’entendrons jamais, Rousseau projette les propriétés idéales d’une musique vocalique et accentuée aux intervalles infinitésimaux.
30Ce mouvement vers les régions indicibles, fortement ponctué de références lacédémoniennes, trouve son complément dans la régression politico-esthétique dont le programme est détaillé, sous le concept inquiétant de « régénération », dans la Lettre à d’Alembert sur les spectacles.
31Dans la perspective de Rousseau, l’identification de l’origine de la musique à un noyau profondément moral est figuré dans un schème : la voix. Le modèle vocal scande l’opposition entre la fluidité mélodique et l’articulation des « institutions harmoniques », entre les hiéroglyphes et les alphabets, entre la naturalité d’authenticité psychique et la naturalité physique des « combinaisons mortes », entre l’ordre pneumatique et l’ordre vibratoire.
32L’intérêt que prend ici pour nous la pensée de Rousseau réside justement dans son dualisme : même si Rousseau en privilégie l’un des aspects, il n’en théorise pas moins l’idée d’une division qui oppose la musique à elle-même. En effet, le sonore n’épuise pas la musique et son statut est ambivalent. Ce n’est pas le sonore qui constitue pour Rousseau l’essence de la musique, c’est un investissement de l’ordre psychique et moral dans la sphère sonore. D’où le choix de la voix comme représentant de cet investissement : il s’agit d’un objet sonore éminemment traversé par le souffle de l’âme, c’est dit Rousseau en un superbe oxymore, « un organe de l’âme »24. Cela explique, entre autres, pourquoi le domaine musical n’est pas autant que les autres sphères esthétiques soumis aux détours et aux médiations d’une matérialité tapageuse et articulée.
33Mais il n’empêche, et Rousseau ne le sait que trop puisque c’est contre eux qu’il écrit, que les musiciens « modernes », négligeant le véritable sens moral de la musique, sont fascinés par l’extériorité et se livrent à un art dégénéré (harmonique et articulé), persuadés que la musique consiste en une grammaire sonore, en un arrangement de vibrations intelligible par une représentation rationnelle discontinue et ordonnée. Les musiciens modernes, Rameau en tête, croient donc au moment extérieur de la musique. C’est exactement en ces termes que Rousseau les caractérise, pour les condamner :
Voyez comment tout nous ramène sans cesse aux effets moraux dont j’ai parlé, et combien les musiciens qui ne considèrent que la puissance des sons que par l’action de l’air et l’ébranlement des fibres, sont loin de connaître en quoi réside la force de cet art. Plus ils le rapprochent des impressions purement physiques, plus ils l’éloignent de son origine, et plus ils lui ôtent aussi de sa primitive énergie. En quittant l’accent oral et s’attachant aux seules institutions harmoniques, la musique devient plus bruyante à l’oreille et moins douce au cœur. Elle a déjà cessé de parler, bientôt elle ne chantera plus et alors avec tous ses accords et toute son harmonie elle ne fera plus aucun effet sur nous25.
Une étrangeté constituante
34À en juger par les efforts de Rousseau pour remonter à ce qui serait la source métaphysico-morale de la musique, la redoutable confusion entre le mouvement soustractif de l’art et son degré d’intériorité n’est donc pas aussi évidente qu’il y paraît et nombre de musiciens n’y consentent pas.
35La question se pose alors de savoir si l’identification du musical et du pneumatique (terme qui réunit à la fois l’idée de psychisme, de moralité et celle d’une structure animée par le rythme et le souffle) par laquelle on pourrait croire la musique dispensée du mouvement soustractif, ne serait pas elle-même la pente naturelle, le moment de facilité auxquels la musique, en se réfutant et en se divisant, peut et doit se soustraire pour se constituer comme art. Il faudrait alors penser la musique dans le mouvement de cette auto-division, dans l’arrachement aux sirènes de l’évidence chantante et pneumatique, de même que la peinture s’arrache aux mirages de l’imagerie visuelle. La peinture n’est pas sage comme une image : pourquoi la musique devrait-elle rester vouée aux effusions et au « coup de sifflet du S.S. »26 ?
36On voit immédiatement que la question suppose qu’on puisse penser pour la musique comme pour les autres arts une soustraction d’extériorité, qui lui évite la fausse soustraction d’intériorité, qui lui épargne de devenir « un art de paresse » en la rendant attentive à sa matière a contrario de la ligne de pente sonore. La conséquence est aussi que, de ce fait, la musique serait délivrée du pilotage encombrant qui lui était confié ipso facto par sa surabondance pneumatique, et donc qu’elle n’est ni plus ni moins qu’un art comme les autres. Si elle est un art comme les autres, alors elle peut aussi être un art parmi les autres et confronté aux autres : la question de l’opéra apparaît ainsi comme décisive, et liée à celle de l’existence du concept des beaux-arts.
37Il s’agit donc de souligner ce qui, dans un passage par une extériorité propre et non pas simplement extérieure, peut constituer la musique en réaction à son esthétique naturelle. C’est probablement aussi ce qui fait que les arts convergent, la convergence étant diamétralement opposée à une synthèse des arts. On emprunte ici le concept de convergence à Adorno, qui caractérise l’unité de l’art par son obstination à s’opposer à un donné strictement empirique. Dans son ouvrage Adorno, la vérité de la musique moderne27, Anne Boissière commente :
Pour Adorno, l’œuvre n’est œuvre d’art qu’en se séparant de la réalité empirique dont elle est pourtant issue.
38Et c’est, ajoute-t-elle, ce qui donne à l’art à la fois son autonomie et son statut critique.
39En passer par l’extériorité n’équivaut pas nécessairement à s’en remettre à un principe d’extériorité : il existe une forme d’extériorité qui, loin de soumettre l’art à ce qui lui est extérieur, le ramène au contraire vers ce qui lui est propre. Un art ne devient complètement lui-même que s’il est poussé « hors de lui ».
40On en déduit facilement que, s’agissant de la musique, la question de l’opéra est centrale. Les diverses formes esthétiques de la haine de l’opéra en témoignent, qui se ramènent toutes à un reproche d’extériorité aliénante. On peut haïr l’opéra par amour du théâtre ou par amour de la musique : dans les deux cas, c’est désigner l’opéra comme un mauvais lieu de perdition où chaque art est livré aux autres, un lieu de prostitution où chaque art est réduit à son point de grossièreté. Pourtant, ce lieu de friction qui sort la musique d’elle-même pour la vouer à sa vulgarité lyrique ou tapageuse, qui sort le théâtre de lui-même pour le vouer à l’ineptie de l’intrigue et à la stéréotypie de l’abus des cadences versifiées, c’est aussi parfois le lieu de l’expérience la plus exquise, lorsque chaque art s’y trouve, non pas renvoyé à un autre, mais renvoyé par les autres à sa propre étrangeté. Par exemple, c’est ainsi que Lulu d’Alban Berg, qui ne comprend aucun ballet réel, est un opéra dont la musique, fréquemment hantée par la présence invisible de la danse, se déploie dans ce creux qu’elle se ménage étrangement.
41Mais on citera un autre exemple, qui porte sur la friction entre la musique et la langue. À la fin de la fameuse « scène des Songes » d’Atys (Acte II, scène 4) Lully et Quinault se sont rencontrés en sortant de l’orbite de leur collaboration ordinaire, non pas dans une synthèse préétablie où l’un des arts se serait asservi à l’autre, mais dans un moment remarquable (qui coïncide du reste avec le centre dramatique de l’opéra) où, lorgnant sur l’extériorité de l’autre, chacun des arts s’est retrouvé face à sa propre étrangeté de sorte que, aussi bien musiciens que locuteurs français, nous n’en croyons pas nos oreilles. Ce qu’on entend, c’est bien de la musique du XVIIe siècle, et c’est bien de la prosodie française : elles sont l’une et l’autre éminemment reconnaissables, précisément parce que ni l’une ni l’autre ne se ressemble, parce que chacune s’est écartée de l’esthétiquement correct à cause de l’autre.
42Pour faire la démonstration jusqu’au bout, il faudrait comparer et opposer ce morceau à certains passages où Campra (notamment à la fin de l’acte II de son Idoménée), s’amusant à composer une musique hyper-lullyste, réussit à produire un effet comique28 à l’oreille des connaisseurs : effectivement la musique est drôle quand elle se ressemble trop ! Mais justement, parce qu’il est un grand musicien, Lully est lui-même surtout lorsqu’il ne se ressemble pas.
43On sait que Rousseau lui-même avait pensé à la figure symétrique de la convergence étrange qui vient d’être citée – cette fois, non plus par friction conjointe, mais par séparation absolue et choc alternatif entre musique et langue. Comme le soulignent Pierre Macherey et François Régnault29, Brecht retrouvera notamment dans son commentaire sur Mahagony et dans son Petit Organon les thèses du mélodrame rousseauiste.
44Pour un second exemple d’étrangeté constituante, on reviendra à la question du silence musical, déjà soulevée plus haut. Nous l’avons remarqué, le schéma intimiste qui voue la musique à l’intériorité et lui accorde, sous le prétexte qu’elle n’aurait pas d’extérieur, un rôle modélisant et même eschatologique, ce schéma implique une double fonction du silence. Une fonction d’autorité : c’est le silence que la musique impose et qui la définit comme incantation. Une fonction de finalité : c’est le silence qui la traverse et vers lequel elle tend, qui la définit comme intériorité et tendance vers l’immatérialité.
45Ces deux formes de silence sont consubstantielles à la musique, comme son tenant et son aboutissant. À ces deux formes, il faut joindre, pour des raisons analogues de consubstantialité, le silence de scansion, qui s’écrit dans la continuité du flux sonore, qui s’y inscrit. C’est ce que Michel Poizat appelle « le silence qui parle »30. Mais, poursuivant la lecture de Michel Poizat, on rencontre un autre silence, qu’il appelle à la manière de Lacan « l’Autre silence » ou encore « le silence qui hurle ». Celui-ci résulte d’une
[...] destruction, silence mortifère, présence absolue non coupée de la pulsation présence / absence, faisant ainsi lui aussi apparaître la dimension du Fixe. La musique joue en permanence avec cet horizon, l’approchant souvent, le manquant toujours, [p. 127].
46Et l’auteur donne l’exemple du prélude de L’Or du Rhin de Wagner
[...] où un seul accord tenu aux contrebasses pendant cent trente sept mesures évoque le silence originaire des temps mythiques primordiaux.
47On finira en citant un autre exemple de ce silence de forage, événement d’un morceau qui, de l’aveu même de son compositeur, doit produire un effet de trouble en déroutant l’oreille à cause notamment d’un intervalle enharmonique, sorte de soleil noir musical. C’est le silence du Second Trio des Parques à la fin de l’acte II d’Hippolyte et Aricie de Rameau. Apparemment, il s’agit d’un ordinaire silence structural de scansion (il est écrit et est mesurable) ; en réalité, il a pour effet que le compteur s’affole ou s’arrête et qu’on se demande vraiment combien de temps cela va durer.
48Paradoxalement, un tel silence laisse toute sa place au réel sonore, on peut même dire qu’il perce l’oreille jusqu’au réel même de toute sonorité. Paradoxalement, puisqu’il est aussi le point aveugle ou plutôt le point sourd de toute présence sonore : il exhibe les deux valeurs élémentaires d’une algèbre de Boole pour l’oreille. Il est le point où s’engouffre la musique, son propre point d’étrangeté, qui la ravit à elle-même et qui la rend à elle-même. De même que le Carré noir de Malevitch arrache le visible à lui-même pour le détacher sur le fond de sa propre possibilité, c’est un forage dans le son musical, qui fait hurler sa propre possibilité. Selon Poizat, un problème fondamental de la musique, et tout particulièrement de la musique d’opéra qui se confronte à la langue, est d’insérer en elle ce silence innommable et de le rendre acceptable. En élargissant le propos, on pourrait donc dire que le problème de tout art est, à l’issue d’une démarche de non-consentement à sa pente naturelle, de regarder en face son propre soleil sans pour autant s’y consumer.
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Notes de bas de page
1 Alphonse Daudet, Œuvres complètes, Paris : Gallimard, La Pléiade, vol. 3, 1994, p. 413.
2 Gérard Wajcman, L’Objet du siècle, Paris : Verdier, 1998, p. 182.
3 Ibid., p. 166.
4 Voir ci-dessus, chapitre 3.
5 Pierre Macherey et François Regnault, « L’Opéra ou l’art hors de soi », Les Temps Modernes, no 231, août 1965, p. 320 et suiv.
6 G. Wajcman, op. cit. p. 85.
7 Rameau, Hippolyte et Aricie, Acte II, scène finale.
8 Jean-Luc Marion, L’Idole et la distance Paris : Grasset, 1977 ; La Croisée du visible, Paris : La Différence, 1991 (2e éd. PUF, 1996).
9 Alain Badiou, Petit manuel d’inesthétique, Paris : Le Seuil, 1998.
10 Aristote, Poétique, chap. 9.
11 Natacha Michel, L’Écrivain pensif, Paris : Verdier, 1997.
12 Stéphane Mallarmé, Tombeau d’Edgar Poe, dans Œuvres complètes, Paris : Gallimard La Pléiade, p. 70, la même idée est explicitée à la fin de Crise de vers (ibid., p. 368). Sur cette fonction constituante et reconstituante de la poésie et de la lecture poétique, voir Pierre Campion, Mallarmé. Poésie et philosophie, Paris : PUF, 1994.
13 Paul Claudel, Réflexions et propositions sur le vers français, § 2, dans Réflexions sur la poésie, Paris : Gallimard Idées, 1963, p. 10.
14 Comme le rapporte l’abbé Dubos, Réflexions critiques..., Paris : Pissot, 1770, II, section 9, volume II, p. 110-111 : « Il me souvient de ce que dit Despréaux à Racine, concernant la facilité de faire des vers. Ce dernier venait de donner sa tragédie d’Alexandre lorsqu’il se lia d’amitié avec l’auteur de l’Art poétique. Racine lui dit, en parlant de son travail, qu’il trouvait une facilité surprenante à faire ses vers. Je veux vous apprendre à faire des vers avec peine, répondit Despréaux, et vous avez assez de talent pour le savoir bientôt. Racine disait que Despréaux avait tenu parole. »
15 Pierre Corneille, Discours de la tragédie, dans Trois discours sur le poème dramatique, éd. M. Escola et B. Louvat, Paris : GF, 1999, p. 121.
16 Hegel, Esthétique, II, section III, chap. 3, trad. Bénard revue, présentée et annotée par B. Timmermans et P. Zaccaria, Paris : Le Livre de poche, 1997, vol. 1, p. 735.
17 Hegel, Esthétique, III, section III, chap. 2, ibid., vol. 2, p. 322. Voir l’article d’Alain Olivier « Les expériences musicales de Hegel », Musique et philosophie, sous la dir. d’Anne Boissière, Paris : CNDP, 1997, p. 79-111, où l’auteur précise utilement que l’esthétique musicale de Hegel n’est pas une esthétique « romantique » au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Cela n’empêche nullement Hegel d’être un théoricien de l’intériorité s’agissant de la musique :
« Dans le cours de 1829, l’opposition de la musique instrumentale et de la musique vocale tend donc enfin à disparaître, parce qu’est mise en évidence leur essence commune : la liberté, l’être-chez-soi dans l’altérité, qui se manifeste particulièrement dans le chant et dans la virtuosité. Or, la liberté ainsi conçue n’est pas autre chose que le contenu de l’art romantique au sens hégélien, c’est-à-dire de l’art moderne ; elle n’est pas autre chose que le contenu même de la religion et de la philosophie modernes. » (ibid., p. 100).
18 Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, trad. A. Burdeau revue et corrigée par R. Roos Paris : PUF, 1996, III, § 52, p 327-339. Le Supplément au Livre III, chap. 39, ibid, p. 1188 et suiv. expose cette destination métaphysique en relation avec le traitement musical de la matière sonore en particulier sous sa forme mélodique.
19 Vladimir Jankélévitch, La Musique et l’ineffable, Paris : Le Seuil, 1983.
20 Pascal Quignard, La Haine de la musique, Paris : Calmann-Lévy, 1996.
21 Simon Laks et René Coudy, Musiques d’un autre monde, Paris : Mercure de France, 1948.
22 Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de musique, article « Imitation », dans Œuvres complètes, Paris : Gallimard La Pléiade, vol. 5, 1995, p. 861. Voir aussi, Essai sur l’origine des langues, Paris : G.F., 1993, chap. XVI, p. 117.
23 Voir Marie-Élisabeth Duchez, « Principe de la mélodie et origine des langues », Revue de Musicologie, déc. 1974, p. 33-86 et mon introduction à Rousseau, Essai sur l’origine des langues, Paris : GF, 1993.
24 Essai sur l’origine des langues, chap. XVI, Paris : GF, 1993, p. l16.
25 Essai sur l’origine des langues, chap. XVII, ibid., p. 118.
26 Pascal Quignard, op. cit. p. 227.
27 Anne Boissière, Adomo, la vérité de la musique moderne, Lille : Presses du Septentrion, 1999, p. 179.
28 Je me permets de renvoyer à mon commentaire dans La France classique et l’opéra ou la vraisemblance merveilleuse, Arles : Harmonia Mundi, 1998, p. 54.
29 Article cité, p. 329 : « Rousseau aurait pu écrire lui-même le n° 74 du Petit Organon : “Que les arts frères de l’art dramatique soient donc invités dans notre maison, non pour fabriquer « l’œuvre d’art totale » dans laquelle ils se perdraient tous, mais pour faire avancer la tâche commune ensemble et chacun selon sa manière. Toutes leurs relations consisteront à s’éloigner les uns des autres.” »
30 Michel Poizat, L’Opéra ou le cri de l’ange, Paris : Métailié, 1986, p. 126.
Auteur
Professeur de philosophie à l’Université de Lille-III, membre du Centre Eric Weil. Outre de nombreux articles et contributions à des ouvrages collectifs d’esthétique et de philosophie politique, elle a publié notamment : Jean-Philippe Rameau, splendeur et naufrage de l’esthétique du plaisir à l’âge classique, 2e édition, Paris : Minerve, 1988 ; Condorcet, l’instruction publique et la naissance du citoyen, 2e édition, Paris : Folio-Essais, 1987 ; Poétique de l’opéra français de Corneille à Rousseau, Paris : Minerve, 1991 ; La République en questions, Paris : Minerve, 1996 ; La France classique et l’opéra, (livret avec deux CD audio), Arles : Harmonia Mundi, 1998. Elle a également édité des textes classiques (notamment Rousseau, Essai sur l’origine des langues, Paris : GF 1993) et coordonné un ouvrage collectif sur la danse à l’âge classique.
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