Chapitre VI. L’intelligence de l’ouïe. Contributions pour un modèle d’intelligibilité de la perception timbrique en matière d’instrumentation et d’orchestration
p. 105-130
Texte intégral
1On proposera une approche des rudiments de la synthèse additive électroacoustique, afin de dégager un système de classification du répertoire électronique susceptible d’être transposé à l’instrumentation d’abord et ensuite à l’orchestration. Cette convergence de principes en provenance de sources diverses n’est pas due au hasard, mais au contraire à la manière spontanée avec laquelle l’ouïe connaît, reconnaît, compare, met en valeur, évalue la distance à la source, et classe les signaux qu’elle détecte selon l’ordre d’importance attribuée. Toutes ces activités se réalisent avant la transmission de l’information au cerveau, et constituent ce que nous voudrions appeler « l’intelligence de l’ouïe ». Connaître mieux comment fonctionne cette intelligence permettrait de donner des bases épistémologiques à l’esthétique musicale, indépendamment du style et de l’époque.
2Voyons comment l’oreille réagit face à l’expérience de la synthèse additive.
3La synthèse additive est une activité spécifique du studio de musique électronique. Dérivée de la loi de Fourier, pour laquelle toute vibration peut être décomposée en termes de vibrations plus simples, cette technique part des ondes simples telles que les ondes sinusoïdales – qui, par ailleurs, n’existent pas dans la nature à l’état pur – pour obtenir des complexes sonores synthétisés en unités perceptives différentes des ondes constitutives considérées individuellement. Le procédé inverse de la synthèse additive est la synthèse soustractive, c’est à dire la réduction par filtrages divers d’un signal complexe, pour obtenir une onde simple.
4Tous les sons existants peuvent être réalisés à partir de l’addition physique et de la perception synthétique des complexes de sinusoïdes. La colonne verticale simultanée des complexes sonores est leur configuration spectrale ou spectre. Les partiels sont leurs composantes individuelles, c’est-à-dire chaque composante considérée séparément. Le spectre est l’un des facteurs de la reconnaissance du timbre en matière instrumentale et électroacoustique. Il n’est pas le seul, comme font déjà démontré les expériences de la musique concrète (par exemple si l’on coupe le transitoire d’attaque d’un piano, l’oreille ne reconnaît plus l’instrument) et les recherches postérieures de synthèse digitale des sons instrumentaux de David Wessel, Jean-Claude Risset, Barry Truax, Jean-Baptiste Barrière, et tant d’autres. À ce propos, Risset nous informe que
selon la conception classique, le timbre dépend principalement du spectre en fréquence [...]. Certains traités mentionnent aussi le profil dynamique, les temps d’attaque et de montée [...]. Si telles étaient les déterminantes du timbre, l’imitation des instruments serait facile, et les techniques électroniques l’auraient permise dès les années 50, ce qui ne fut pas le cas. Ce modèle est trop simple, la réalité est plus complexe – on aurait pu s’en douter. Le spectre est bien un paramètre sensible, mais on ne peut l’assimiler au timbre, signature auditive de l’instrument1.
5Un nombre considérable de variables (évolution dynamique des composants, bruits parasites de l’attaque, souffle qu’accompagne fonde stationnaire, forme spécifique du son, effet Doppler pour les signaux mobiles, etc.) s’ajoutent donc au spectre pour contribuer à définir le timbre spécifique. Mais, bien entendu, la configuration spectrale d’un son est une notion de base dont on ne peut pas se passer. L’oreille reconnaît les spectres de façon immédiate, ce qui, à l’origine, a dû agir comme un mécanisme de survie. En effet, cette reconnaissance spontanée détermine la nature de la source et la distance qui la sépare de l’auditeur.
6Mais le spectre d’un son ne se trouve pas isolé dans la nature. En général, les sons font partie de divers environnements sonores que l’oreille doit pouvoir différencier, à partir des rapports de majeure ou de moindre fusion que ce son entretient avec un environnement sonore quelconque. Entre autres éléments pertinents, l’oreille discerne spontanément le degré de simplicité ou de complexité de l’organisation spectrale. Ceci concerne deux niveaux différents, fortement enchevêtrés : le nombre de partiels d’une part, et leur rapport de fréquences de l’autre.
7Par rapport au nombre de partiels, l’oreille repère et les spectres pauvres et les spectres riches. Une seule sinusoïdale constitue un cas extrême de pauvreté spectrale, inexistant dans l’univers audible naturel ; les sons et les bruits de la nature sont toujours complexes. Mais, au studio de musique électronique, il est possible de générer une seule onde simple. Cette onde est perçue comme une hauteur précise.
Exemple2 CD, 1 : sinusoïde
8L’oreille ressent le manque de composants spectraux de plusieurs manières. D’abord, la localisation du signal est problématique ; un mouvement de la tête, et l’ouïe est désorientée par rapport à l’endroit spatial de provenance de l’onde. Ensuite, l’association de plusieurs sinusoïdes de fréquences très voisines et en fortissimo produit dans la région d’audibilité optimale (autour de 2000 Hz) un étrange phénomène de distorsion. L’oreille perçoit des sons qui en vérité n’existent pas dans la réalité physique ; ils s’appellent sons différentiels (leur fréquence est la différence des fréquences intervenantes).
9La richesse d’un spectre est donnée par la fusion de plusieurs sinusoïdes à l’intérieur d’un phénomène unitaire. Il se perçoit en termes de brillance, de rugosité, de nasalité. Mais la notion de richesse spectrale est plus complexe, parce que, mis à part le nombre réel de composants d’un spectre, la complexité d’un son dépend aussi des limites de l’audibilité. En fait l’oreille a une zone d’audibilité optimale qui se trouve autour de 2000 Hz, comme l’ont démontré les expériences de Emil Leipp avec la représentation sonographique :
Rappelons d’abord que la sensibilité de notre oreille aux diverses fréquences n’est absolument pas « homogène » : aux très basses et très hautes fréquences le seuil de perception est beaucoup plus élevé qu’autour de 2000 Hz. Une conclusion s’impose dès lors : si un son comporte par exemple des composantes du même niveau physique entre 30 et 12000 Hz, il est bien évident qu’elles ne sont pas perçues comme ayant la même intensité auditive !...]. Conséquence importante : un son [...] changera de timbre si on le transpose vers l’aigu3.
10En résumant, on peut constater que les partiels des spectres qui tombent au-delà de la zone optimale ne seront pas perçus, ou ils le seront de manière imparfaite. Ceci a des conséquences par rapport à la dynamique, étant donné qu’il sera nécessaire de compenser l’absence audible de partiels par une nuance plus importante. Le manque d’homogénéité des registres a aussi d’importantes conséquences en matière instrumentale, sur lesquelles on reviendra. Quant au rapport de fréquences des partiels, il y a trois cas de figure de base.
11a) Les partiels se trouvent entre eux en proportion de nombres entiers. Dans ce cas ils s’appellent « harmoniques », et le spectre résultant est harmonique ; son nom rappelle la gamme des harmoniques découverte par les pythagoriciens. Le premier harmonique, celui de la fréquence la plus grave, s’appelle fréquence fondamentale de ce spectre ; elle sera perçue comme la hauteur du son. Dans un spectre harmonique donc, si la fondamentale se trouve à 100 Hz, le deuxième harmonique sera 200 Hz, le troisième 300, etc.
Exemple CD, 2 : gain spectral
12On peut voir, d’ores et déjà, que la hauteur n’est pas indépendante de la configuration spectrale, mais qu’elle en fait partie4. Les spectres harmoniques se différencient entre eux par l’accentuation des composants. Soit un spectre de 11 harmoniques à partir de 100 Hz :
Exemple CD, 3 : onde harmonique complexe
13Quand tous les harmoniques sont également accentués, ou quand les harmoniques pairs sont plus intenses que les impairs, le timbre a une prédominance nasale ou nasillarde ; c’est le cas des ondes triangulaires et « en dents de scie ».
Exemple CD, 4 : harmoniques pairs intenses
14Quand, par contre, les harmoniques impairs prédominent sur les harmoniques pairs, la sonorité est douce et voilée. Ainsi pour l’onde carrée.
Exemple CD, 5 : harmoniques impairs accentués
15b) Deuxième cas de figure, les partiels ne se trouvent pas en rapport de nombres entiers entre eux, mais il est toujours possible de reconnaître une fréquence fondamentale comme la hauteur. Dans ce cas, le spectre est inharmonique. Encore est-il possible d’établir différents degrés d’inharmonicité, en fonction de la distribution des partiels, plus ou moins proche de la distribution harmonique. L’exemple qui suit montre un spectre inharmonique qui évolue dans le temps en perdant des composantes.
Exemple CD, 6 : spectre inharmonique évolutif
16c) Troisième cas, les partiels ne se trouvent pas en rapport de nombre entiers entre eux, et il est impossible de reconnaître une fréquence fondamentale. Le spectre est un spectre de bruit, susceptible d’être reconnu par rapport au registre où il se produit (grave, moyen, aigu) mais pas en fonction de hauteurs individuelles.
17Dans le studio de musique électroacoustique il est possible de générer un bruit avec toutes les fréquences audibles : il s’appelle bruit blanc, et, comme les sinusoïdes et les autres ondes, il n’existe pas isolé dans la nature. Filtrée avec un filtre passe-bande, cette source se transforme en ce qu’on appelle le bruit coloré, susceptible d’être localisé dans un registre quelconque.
Exemple CD, 7 : spectre de bruit
Vers le monde instrumental
18Avant de comparer la synthèse additive avec l’instrumentation et l’orchestration, il est nécessaire de définir ces termes.
19Selon A. Hoérée,
l’orchestration comporte 1° l’instrumentation, ou science de l’écriture particulière à chaque instrument ; 2° l’orchestration proprement dite ou art de combiner, équilibrer les parties instrumentales par leur emploi simultané, en vue de l’organisation de la partition5.
20Cette approche est subtile ; science et art sont combinés ici de manière à faire apparaître l’objectif et le subjectif de la discipline. Les instruments restent circonscrits au domaine de l’organologie, tandis que la combinaison instrumentale relève de la création, de la poïésis des compositeurs.
21On peut approfondir la notion d’orchestration en disant qu’elle est la discipline musicale qui étudie l’association et la dissociation perceptive des timbres instrumentaux de l’orchestre. Elle s’élabore sur la base d’unités synthétiques produites à partir de l’addition de timbres individuels. La sonorité résultante étant qualitativement différente des timbres qu’elle intègre, l’orchestration peut être aussi définie comme la science de la création de timbres orchestraux.
L’instrumentation
22Si nous transposons les rudiments de synthèse additive dont on vient de parler vers les instruments de l’orchestre, nous pouvons observer que, en principe, les timbres instrumentaux sont aussi susceptibles d’être classés par la simplicité ou par la complexité de leur spectre, soit par le nombre de composantes, soit par le rapport de fréquences des composantes.
23De prime abord, nous constatons que la totalité des vents et des cordes présentent un spectre harmonique mis en relief par leur technique traditionnelle de jeu. Cette explication est importante parce que les musiques contemporaines ont apporté avec elles d’autres modalités de jeu, qui font relativiser la notion de timbre que nous attribuons à chaque instrument. Dans ce sens, Michel Chion a raison de se demander ce « que veut dire la notion de timbre de trombone, à partir du moment où on frappe sur l’instrument, au lieu de souffler de la façon traditionnelle »6.
24En conservant la technique traditionnelle et reconnue pour chaque instrument, la famille des flûtes présente une configuration singulièrement pauvre en harmoniques à partir de son registre grave et moyen.
25La pauvreté spectrale de la flûte est présente dans les trois registres considérés.
Teiltöne = | partiels, harmoniques |
Tonhöhe = | hauteur |
Frequenzabstände = | les intervalles entre les fréquences |
26Par cette pauvreté harmonique, elle approche la couleur sinusoïdale, comme on le constate à l’oreille.
Exemples CD, 8/9/10 : onde sinusoïdale, flûte, onde sinusoïdale + flûte
27Nous sommes ici en pleine application de la loi de Fourier.
28Le reste des bois, des cuivres et les cordes possède un spectre riche dans leur registre grave et moyen, avec diverses configurations d’accentuations des harmoniques de leur spectre. Par rapport aux accents des composantes, mise à part la série des harmoniques pairs ou impairs dont on a déjà parlé, il faut dire que la forme et les dimensions de la caisse de résonance des instruments ajoute des accents sur certaines régions du spectre. Ces zones sont les régions formantiques, de grande importance pour la reconnaissance des timbres.
29En continuant avec le spectre harmonique, les instruments à double anche battante (hautbois, cor anglais, basson) montrent tous des harmoniques également accentués, avec une légère prédominance des harmoniques pairs, ce qui explique leur clarté caractéristique. On est proche de l’onde triangulaire ou de fonde « en dents de scie » (graphique 5).
Exemples CD, 11/12/13 : onde « en dente de scie ». hautbois, onde « en dente de scie » + hautbois
30Les instruments à anche simple battante présentent un spectre où prédominent les harmoniques impairs, ce qui explique leur ductilité dynamique et leur sonorité douce qui affecte la quasi totalité du registre. L’onde carrée est proche de leur configuration spectrale.
Exemples CD, 14/15/16 : onde carrée, clarinette en si bémol, onde cernée + clarinette
31Les spectres des instruments à anches lippales (cor en fa, trompettes, trombones et tubas) montrent dans leur registre grave et moyen respectifs tous les harmoniques accentués de manière identique, à l’exception de ceux qui appartiennent aux régions formantiques respectives. Ils approchent la configuration de fonde triangulaire (graphique 6, p. 116).
32Dans le registre moyen du hautbois, la fréquence fondamentale est moins présente que le premier harmonique ; ceci explique la nasalité caractéristique de l’instrument.
33Le spectre de la clarinette montre une nette prédominance des harmoniques impairs par rapport aux pairs dans les trois registres considérés.
Teiltöne = | partiels, harmoniques |
Tonhöhe = | hauteur |
Frequenzabstände = | les intervalles entre les fréquences |
34Le spectre du cor en fa présente une remarquable homogénéité par rapport à la dynamique des harmoniques de son spectre.
Teiltöne = | partiels, harmoniques |
Tonhöhe = | hauteur |
Frequenzabstände = | les intervalles entre les fréquences |
Exemple CD, 17/18/19 : onde triangulaire, cor en fa. onde triangulaire + cor en fa
35Les cordes aussi sont proches de l’onde triangulaire, à l’exception du violon alto dont raccordement ne correspond pas aux dimensions physiques, ce qui produit la nasalité caractéristique du son.
36Mis à part les instruments harmoniques, nous trouvons dans l’orchestre toute une variété d’instruments dont la technique normale de jeu produit des spectres inharmoniques. Ces instruments peuvent être classés par rapport à leur degré d’inharmonicité. D’abord ceux qui sont accordés sur la gamme tempérée (piano, guitare, harpe, marimbaphone, vibraphone, métallophone, célesta, glockenspiel, etc.), dont les touches ne suivent pas la proportion en nombres entiers de la gamme des harmoniques, mais qui restent très proches de la distribution harmonique. Ils constituent un bel exemple du seuil de tolérance de l’ouïe, qui continue à assimiler ces instruments de faible inharmonicité aux instruments harmoniques. Mais arrêtons-nous un instant pour considérer le cas d’un violon qui joue avec un piano : l’effort d’adaptation du violoniste à la gamme tempérée est considérable. S’il accordait comme il le fait quand il joue tout seul, le désaccord avec le piano serait parfait !
37Un exemple démontre l’inharmonicité du piano : l’harmonique 7 de la corde ut grave du piano est bas par rapport à la même note jouée sur les touches. On le constate par le battement entre les deux fréquences proches.
38Les instruments de faible inharmonicité peuvent être distingués en rapport à la pauvreté ou à la richesse de leurs spectres. Le piano, la guitare, la harpe, ont des spectres riches ; le métallophone, le xylophone, la xylomarimba, montrent pour leur part des spectres restreints en nombre de composants.
39Dans l’ordre d’inharmonicité croissante, plus les arrangements de partiels diffèrent de la distribution harmonique, plus on a de difficulté à reconnaître une hauteur comme fréquence fondamentale. Les cloches par exemple ordonnent leurs partiels d’une façon qui ressemble à l’agencement harmonique, mais la fréquence fondamentale entre en concurrence avec le partiel porteur de la tierce mineure, très fort. Cela fait qu’une mélodie en tonalité majeure jouée par des cloches (carillon, cloches tubulaires) sonne complètement désaccordée, parce que la tierce majeure de la tonalité entre en collision avec la tierce mineure portée par l’harmonique.
40Les instruments d’inharmonicité moyenne peuvent, eux aussi, s’expliquer en termes de nombre de composantes. Sont pauvres en spectre les temple-blocs ; riches par contre sont les cloches tubulaires.
Exemple CD, 20 : spectre de cloche
41Les gongs et les timbales sont des cas encore plus inharmoniques : les premiers partiels sont très serrés et brouillent encore plus la notion de hauteur fondamentale. Ils sont riches en harmoniques. Du côté de la pauvreté spectrale nous trouvons les sonnailles. Quant aux cloches de mauvaise qualité, la sensation de hauteur sera de plus en plus mise en question par l’arrangement du spectre, qui s’éloigne de la proportion numérique harmonique.
42Ainsi nous arrivons aux instruments de percussion indéterminée, dont la hauteur n’est plus discernable en principe – en étouffant leur résonance on peut faire ressortir certains partiels –, mais dont il est encore possible de déterminer le registre. Ce sont par exemple les cymbales, le tam-tam, les tambours, la caisse claire, etc., qui ne s’écrivent pas sur portée mais sur une ligne seule, et dont il est possible de déterminer des différences du grave à l’aigu par familles.
Exemple CD, 21 : spectre de cymbale
43Les partiels des configurations spectrales sont enchevêtrés de manière inextricable ; les diverses mailloches et baguettes utilisées normalement par la percussion (en coton, en bois, en métal, etc.) jouent ici un rôle très important par rapport au spectre (graphique 7).
44La distinction entre spectres pauvres et spectres riches est maintenue. Sont pauvres les claves, les wood-blocks dans le registre aigu, le tambour de bois dans le grave. Sont riches par contre les cymbales, tam-tams, caisse claire, triangle, tambour de basque, maracas, guëro, tambour de pluie, situés dans le registre moyen aigu, les tom-toms, la grosse caisse dans le registre grave.
45Nous sommes en présence de bandes de bruit dont la vivacité ne doit pas nous faire oublier leur ressemblance spectrale avec les bandes de bruit coloré du studio électroacoustique.
46Un aperçu graphique permettra d’établir les différences de configuration entre les spectres (graphique 8, p. 120).
47Cette incursion dans l’organologie est très sommaire, mais importante pour comprendre que la synthèse électroacoustique et l’instrumentation relèvent de la même source perceptive : l’oreille et son activité spontanée. On vient de présenter les instruments de l’orchestre en termes de complexité spectrale, soit dans le nombre de composantes, soit dans le rapport numérique à l’intérieur des configurations. Ceci n’a pas la prétention de déterminer la reconnaissance timbrique, encore moins d’avoir apporté les éléments de la synthèse instrumentale, laquelle dépend de la corrélation de multiples facteurs individuels. Mais, par contre, la classification peut nous permettre de comprendre dans quelle mesure la notion de spectre contribue de façon déterminante à l’association et à la dissociation perceptives, au même titre que la hauteur, le rythme et la dynamique, traditionnellement reconnus dans ce rôle.
48Voici un schéma général de l’instrumentation en fonction de la simplicité ou de la complexité du spectre – rappelons néanmoins que cette classification n’a aucune prétention exhaustive :
L’orchestration
49L’orchestration est un sujet qui ne peut pas être envisagé sans quelques réserves. En fait, aucun propos en matière de musique ne se manifeste si insaisissable que la systématisation de l’orchestration. Comme nous l’avons déjà constaté par les définitions données plus haut, le terme se trouve à la charnière de l’objectif psychoacoutisque et du subjectif réifié. Entre la difficulté naturelle de définir le timbre et son écoute d’une part et la recherche de nouveautés timbriques propres à la composition de l’autre, la confusion est assez importante. Robert Piencikowski a parfaitement situé cette difficulté quand il affirme pouvoir déceler
[...] une ambiguïté fondamentale, équivoque entre la réalité physique du timbre comme objet d’analyse acoustique, et sa fonction esthétique de modèle métaphorique transposée sur le domaine musical. La recherche d’une conjonction reliant matériau et forme a conduit les musiciens à accepter l’éventualité d’une structure analogique à celle qui offre l’observation du timbre applicable aux catégories de la composition.
L’écart est considérable cependant entre la réalisation des œuvres et une écriture qui viserait la seule transposition de spectres acoustiques : simple question de littéralité, qui oppose les optimistes du sens propre aux réalistes du sens figuré7.
50Un survol global de ce qui a été fait en matière d’instrumentation et d’orchestration permet de classer les traités selon les deux critères, l’organologie d’une part et les principes compositionnels de l’autre.
51Dans le traité de Gieseler-Lombardi-Weyer nous apprenons par exemple que
[...] tous les livres d’instrumentation, orchestration et organologie qui ont été publiés jusqu’à présent depuis le XVIIIe siècle se montrent partagés entre la pure information sur les instruments isolés et la considération de leur utilisation en configurations et ensembles d’ordre musical8.
52Observons donc que ni l’organologie à elle seule ni la poïésis des compositeurs considérée de façon spécifique n’ont suffi à donner à l’orchestration un profil définitif. Et pour cause : ce profil dépend directement du mode de fonctionnement de l’oreille, préalable à toute manifestation sonore et à toute musique, qu’elle soit électroacoustique ou instrumentale.
53L’orchestration pose aussi des difficultés d’ordre historique.
54Pendant le XIXe siècle, la musique pour orchestre se compose en deux temps. Dans le premier priment les préoccupations mélodiques, harmoniques et rythmiques. Dans le deuxième, le compositeur transcrit ses thèmes – composés en général au piano – sur une orchestration quelconque. L’orchestration contribue à solidifier la logique du discours musical, composé en fonction d’une logique thématique forte.
55Historiquement, les associations timbriques avaient la valeur d’une sémantique tout à fait particulière. Ainsi nous informe Jean-Michel Court :
Depuis le grand Traité d’instrumentation et d’orchestration d’Hector Berlioz, chaque auteur d’un ouvrage traitant de l’écriture pour orchestre a abordé, avec plus ou moins de bonheur, la question de l’affect associé aux timbres. Les Principes d’orchestration (de Rimsky - Korsakov) ne font pas exception à la règle, et au fil de pages il donne des informations concernant l’emploi des instruments et décrit l’effet obtenu9.
56L’orchestration se fait donc, traditionnellement, par « thématisation » des couleurs de l’orchestre, point de vue cohérent avec l’esthétique du romantisme.
57Avec l’effondrement du thème comme figure centrale de la musique, le timbre va devenir une réflexion d’ordre structurel pour les compositeurs. Cette nouvelle fonction, résolument typique de la dernière moitié du XXe siècle, ne consiste plus à habiller timbriquement les motifs déjà composés auparavant – on se souviendra des conseils de Rimsky-Korsakov par rapport à la meilleur manière « d’habiller » les mélodies – mais par contre, on élabore des contextes timbriques associatifs où la configuration spectrale sert à rapprocher ou à séparer les événements. Ainsi le timbre devient un paramètre à part entière, au même titre que les autres.
58Notre hypothèse est que l’orchestration se réalise sur les mêmes catégories que celles que nous avons décelées pour les ondes et pour les instruments individuels. L’orchestration crée des instruments perceptifs sur la base d’une organisation de l’orchestre en pôles timbriques qui répondent aux mêmes critères d’organisation et de richesse spectrale. Bien sûr, à spectres rapprochés dans la configuration correspond une possibilité majeure d’association des événements. Selon ce point de vue, orchestrer veut dire diriger l’activité instrumentale de manière à pouvoir créer un contexte perceptivement indissociable, en menant la musique vers un pôle ou vers un autre. Les instruments le permettent parce que leurs techniques de production de son ne sont ni plus ni moins qu’une manière rationnelle et systématique d’appauvrir ou d’enrichir leur configuration spectrale par les moyens dont ils disposent. Naturellement, il y a des instruments plus ductiles que d’autres pour la réalisation de ces opérations. On peut donner quelques exemples de ce rapprochement de spectres. À cet effet, il est nécessaire de revenir sur la classification de l’instrumentation :
Graphique 10. La sémantique de timbres selon Rimsky – Korsakov
caractère | instrumentation | traité |
mélodie de caractère gracieux et léger | flûte en Majeur | p. 22 |
mélancolie superficielle | flûte en mineur | p. 22 |
gaîté naïve | hautbois en Majeur | p. 22 |
douloureux et touchant | hautbois en mineur | p. 22 |
mélodie de caractère joyeux et méditatif | clarinette en Majeur | p. 22 |
ou éclatante gaîté | ||
mélodie de caractère méditatif et triste ou dramatique et passionné | clarinette en mineur | p. 22 |
timbre sénile et narquois | basson en Majeur | p. 22 |
timbre souffreteux et triste | basson en mineur | p. 22 |
timbre effrayant | contrebasson dans le grave | p. 23 |
timbre indolent et rêveur | cor anglais | p. 23 |
timbre sombre et morne | clarinette basse dans le grave | p. 23 |
sonorité claire et provocatrice | trompette forte | p. 26 |
angoisse et fatalité | trompette dans le grave | p. 26 |
timbre sombre | cor dans le grave | p. 27 |
timbre sombre et menaçant | trombone dans le grave | p. 27 |
sonorité triomphale | trombone dans l’aigu | p. 27 |
timbre épais et rude | tuba | p. 28 |
caractère farouche et crépitant | cor avec sourdine forte | p. 29 |
timbre tendre et mat | cor avec sourdine piano | p. 30 |
timbre tendre et poétique | harpe | p. 33 |
caractère dramatique, inquiet | violons 1 | p. 43 |
caractère gracieux | violons 1 | p. 43 |
caractère gracieux, légèreté aérienne | violons 1 con sord | p. 43 |
sonorité recherchée | violons 1 aigu | p. 43 |
mélodie paisible | violons 1+2 et altos | p. 45 |
caractère sévère | vlc + cb | p. 47 |
caractère sinistre, monstrueux | vlc + cb | p. 47 |
chant très expressif (appassionato) | vl +vlc à l’8ve | p. 49 |
sonorité belle et austère | vl 1+2 et vlc + vla à l’8ve | p. 50 |
mélodie de caractère extrêmement tendu | vl+ vla ou vl + vlc à la 15e | p. 51 |
caractère austère et rude | cordes à la double octave (deux lignes à l’8ve) | p. 51 |
timbre morne | clar. dans le grave | p. 55 |
timbre maladif | basson dans l’aigu | p. 55 |
triomphal ou provocateur | cuivres diatoniques en Majeur | p. 62 |
sombre et funèbre | cuivres diatoniques en mineur | p. 62 |
fadeur et douceur affectée | cuivres | p. 63 |
d’après J.-M. Court, L’orchestration dans les œuvres symphoniques Stravinsky, thèse de doctorat, dir. F. Decarsin, Université de Marseille - Aix-en-Provence, janvier 2000, p. 182-183
Applications à l’instrumentation, exemples
a) Flûte
59La flûte appauvrit son spectre par des doigtés spéciaux, ce que les compositeurs écrivent comme des harmoniques avec un petit (°), en obtenant un spectre encore plus proche de la sinusoïde. Elle se rapproche du spectre des flageolets de cordes.
Exemples CD, 22/23 : son voilé. son normal
60Le whistle-tons ou souffle porteur d’harmoniques rapproche également la flûte des cordes, si ces dernières font des glissandi de flageolets.
Exemple CD, 24 : whistle-tons
61La flûte change son timbre, par exemple :
62– Par spicato ou / et par obturation de la glotte, ce qui l’apparente aux percussions de faible et moyenne inharmonicité pauvres en composants (xylophone, vibraphone, métallophone) au spectre de bruit pauvre en composantes (claves, wood-blocks) mais aussi aux instrument riches de faible inharmonicité (piano, guitare, harpe).
Exemples CD, 25/26 : spicato. slaps
63– Par bruit de clés, elle peut approcher les percussions indéterminées pauvres du point de vue spectral (wood-block, tambour de bois)
64– Les trilles, les Flatterzünge de gorge et de lèvres et le vibrato sont perçus comme une forme de complexité timbrique, rapprochant ainsi la flûte des instruments harmoniques riches (tous les vents et les cordes)
Exemples CD, 27/28 : trille, Flatterzünge
65– L’application des anches lippales sur l’embouchure de la flûte produit un effet « trompette » qui la rapproche des cuivres.
Exemple CD, 29 : trompette
66– L’association perceptive avec les instruments d’inharmonicité moyenne (cloches tubulaires, cymbales anciennes) peut être donnée par les multisons
Exemple CD, 30 : multison
67– L’association avec les spectres de grande inharmonicité (gong, timbale, sonnaille) peut se réaliser par la modulation entre la voix et le son de l’instrument, sur des intervalles autres que les consonances parfaites
Exemple CD, 31 : modulation
68– Le rapprochement avec les instruments de bruit riches en composants peut se produire par le souffle dans l’embouchure, sans son (cymbales, maracas, tambour de pluie).
b) Cordes
69– Les cordes réduisent leur spectre à travers différents moyens : a) par flageolets ou harmoniques naturels ; b) par harmoniques de quarte ; c) par utilisation de la sourdine ; d) par registre, aigu ou suraigu ; e) par incidence de l’archet sur la touche ; e) en jouant l’archet sur l’escargot ou sur la caisse de résonance des instruments. Tout ceci les rapproche des flûtes.
70– Les pizzicati et col legno rapprochent les cordes des inharmoniques faibles, pauvres et riches (xylophone, vibraphone, métallophone, piano, guitare, harpe).
71– Jouer sur la pointe de l’archet va dans le sens de spectres inharmoniques pauvres (temple-blocks), et de bruit, pauvres (wood-block)
72– Trémolo, trilles, arco sul ponticello (sur le chevalet) rapprochent les cordes des spectres harmoniques riches, en particulier la sourdine qui a la propriété d’effacer la fondamentale et de faire ressortir le second harmonique.
73– Les cordes arrivent à la moyenne et grande inharmonicité (cloches tubulaires, gong) en jouant l’archet sur le cordier, ou en « préparant » l’instrument (en insérant des objets entre les cordes).
74– Le spectre de bruit (de type tambour de pluie ou claves) peut s’obtenir de plusieurs manières, l’une d’elles étant l’archet qui joue sur le fil en bois du chevalet (ressemble au souffle de la respiration).
c) Piano
75– Le piano appauvrit son spectre a) par sourdine, b) par muted (appuyer un doigt sur une corde de la harpe à l’intérieur du piano, tandis que l’autre main joue la même note sur la touche), c) par harmoniques naturels ou de quarte, d) par registre.
76– Il approche la moyenne et la grande inharmonicité riche en partiels (cloches tubulaires, gongs, timbales), par « préparation » (des objets divers entre les cordes de la harpe, comme par exemple dans les célèbres Sonates et Interludes pour piano préparé de John Cage).
77– Mis à part tous les bruits qu’il permet de réaliser (bruit de pédale, déplacement d’une baguette effleurant les touches blanches ou noires, coups sur la caisse de résonance, etc.), sa grande variété de clusters l’amène vers les spectres de bruit, pauvres et riches en composantes (cymbales, tam-tams, grosse caisse, etc.)
d) Autres exemples
78– Les anches battantes simples (clarinette, saxo) et doubles (hautbois, cor anglais, basson, contrebasson) appauvrissent leur spectre quand ils jouent sur leur registre aigu et suraigu, parce que les configurations tombent au-delà de la zone d’audibilité optimale déjà mentionnée (on se souviendra du fagot du Sacre du Printemps). Ainsi les instruments se rapprochent des flûtes et s’associent perceptivement avec elles. Pour le reste, et à l’exception de l’obturation de la glotte, ils suivent ce qu’on a vu pour la flûte.
79– Les cuivres appauvrissent ou enrichissent leur spectre par diverses sourdines (en bois, en métal, oua-oua, etc.)
80– Le cor peut se jouer « bouché », ce qui naturellement filtre le nombre de composantes spectrales.
L’ouïe cette inconnue
81De la synthèse additive à l’instrumentation et de l’instrumentation à l’orchestration, tout ce parcours a essayé de mettre en évidence la façon dont l’oreille entend, avec des manifestations et des comportements qui se répètent dans une branche ou une autre de la production musicale.
82Jusqu’à présent, nous avons essayé de dégager un modèle perceptif complémentaire de l’analyse formelle d’une œuvre, soit dans le domaine instrumental, soit dans l’électroacoustique10. Ce modèle reflète la dynamique de fonctionnement de l’ouïe, qui travaille comme un véritable décodeur de la composition spectrale de la source, préalable de l’activité cérébrale. Le cerveau élabore des informations déjà « filtrées » par l’oreille ; si cette première sélection n’y avait pas lieu, le cerveau serait submergé par des messages acoustiques de toute sorte, dont il devrait faire le tri au détriment de sa vitesse de réaction. C’est ici qu’une explication vraisemblable du fonctionnement de l’audition s’impose.
83En premier lieu, l’oreille externe permet la localisation spatiale de la source à travers la capture du signal par les deux pavillons et par les différences, mesurées en millisecondes, du temps de vibration des deux tympans. Jusqu’à présent, il n’existe pas de modélisation parfaite du fonctionnement de cette localisation stéréophonique, qui peut déterminer avec une étonnante précision la provenance de la source.
84À ceci s’ajoute la mesure de l’intensité du signal, produite au niveau de l’oreille moyenne. Situés entre le tympan et la fenêtre ovale, il y a trois osselets minuscules articulés par des muscles et des ligaments, qui constituent un système élastique articulé. Ce système assure la connexion entre les deux membranes, ou, mieux encore, il amplifie d’une trentaine de fois la vibration du tympan pour concentrer l’excitation de la fenêtre ovale, beaucoup plus petite que le tympan. Cette deuxième vibration sera transformée en différences de pression à l’intérieur de la cochlée de l’oreille interne. Si le signal est fort, le système ossiculaire se relaxe pour éviter la lésion. Si par contre, le signal est faible, le système va se tendre pour amplifier la vibration. Un crescendo est donc inversement proportionnel par rapport à l’activité musculaire de l’oreille moyenne nécessaire pour le percevoir, de la tension (ppp) à la relaxation progressive (fff). Après sa localisation au niveau de l’oreille externe, l’oreille moyenne décrypte la vitesse avec laquelle la source approche de l’auditeur. Il manque encore l’analyse spectrale du signal, qui permettra la reconnaissance de sa nature et de sa signification. Ainsi nous arrivons à l’oreille interne, où les vibrations de la fenêtre ovale se transforment en différences de pression en affectant le liquide contenu dans la cochlée. C’est en définitive cette information qui contient la clef de l’analyse spectrale. Les recherches d’Albert Fregman en matière de psychologie de la perception acoustique semblent, dans ce sens, concluantes :
Nous savons qu’aux premiers stades du processus auditif, la membrane basilaire de l’oreille interne et les fibres nerveuses décomposent l’ensemble du signal en messages neuronaux séparés pour chaque région fréquentielle et à chaque intervalle temporel du son perçu. On peut donc dire que le système auditif dispose de son propre spectrogramme, que l’on appelle souvent le neurospectrogramme11.
85La différence entre spectres pauvres et riches ainsi que la complexité en termes de rapport de partiels se fait ici avec un propos tout à fait différent du musical : il s’agit de décoder la nature du signal et les intentions de l’émetteur. Ces informations s’ajoutent aux autres pour être transmises au cerveau dans leur contexte.
86Il est certain que cette activité n’a pas pour origine une activité esthétique ; elle a à voir avec nos mécanismes de survie. En fait, elle est peut-être la base épistémologique de toute esthétique. Dans ce sens Fregman dit :
[...] les dernières découvertes en psychologie de la perception permettent de comprendre que certains principes de composition ne résultent pas de la syntaxe d’un style en particulier, mais sont dérivés des principes fondamentaux de la perception auditive humaine [...]. Il ne s’agit pas de nier la spécificité de la musique [...]. Je veux simplement dire que notre perception est filtrée par un système auditif conçu pour des tâches plus fonctionnelles, et que la structure musicale est passée au crible des principes qui régissent le fonctionnement concret et quotidien de ce système auditif12.
87La sélection des informations acoustiques de l’oreille est intelligente parce qu’elle ne se borne pas à déchiffrer un paramètre du signal ; au contraire, elle analyse spontanément un contexte paramétrique. On peut tirer des conclusions analogues de la connaissance des mécanismes de fonctionnement des autres sens, auxquels traditionnellement on avait attribué un rôle passif de simple réception d’informations. Ces recherches réactualisent la discussion philosophique du sensible face à l’intelligible d’un point de vue moins spéculatif. En matière de perception visuelle, Rudolf Arnheim a contribué à effacer la frontière entre les deux, et il nous fournira une conclusion :
Je prétends que les opérations cognitives désignées par le vocable « pensée », loin d’être l’apanage de processus mentaux intervenant à un niveau bien au-dessus et au-delà de la perception, constituent les ingrédients fondamentaux de la perception elle-même. Je me réfère ici à des opérations qui consistent à explorer activement, à sélectionner, à appréhender ce qui est essentiel, à simplifier, à abstraire, à analyser et à synthétiser, à compléter, à réajuster, à comparer, à résoudre des difficultés, de même qu’à combiner, à trier, à placer dans un contexte. Ces opérations ne sont pas la prérogative d’une seule et unique fonction mentale ; elles constituent la manière dont l’esprit de l’homme et celui de l’animal traitent le matériau cognitif, à quelque niveau que ce soit [...].
Il semble qu’il n’y a pas de processus de pensée que l’on ne puisse trouver à l’œuvre – en principe tout au moins – au sein de la perception13.
88En définitive, on peut soutenir avec Arnheim que la perception et la pensée ne font qu’un. À mon sens, ceci est le point de départ de la vraie discussion en matière d’esthétique.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Arnheim, Rudolf, La Pensée visuelle, trad. fr. C. Noël et M. Le Cannu, Paris : Flammarion, 1976.
10.1016/S1240-1307(97)81555-5 :Chion, Michel, « La dissolution de la notion de timbre », Revue d’analyse musicale, no 3.
Court, Jean-Michel, « L’Orchestration dans les œuvres symphoniques de Stravinsky » Thèse de doctorat, Univ. de Marseille - Aix-en-Provence, janvier 2000.
Fregman, A., « Timbre, orchestration, dissonance et organisation auditive », Le Timbre, métaphore pour la composition, Paris : IRCAM, Christian Bourgois, 1991.
Gieseler, W., Lombardi, L., Weyer, Rolf-Dieter, Instrumentation in der Musik des 20. Jahrhunderts, Moeck, Celle, 1985.
Hoérée, A., « Orchestration », Dictionnaire. Science de la musique, Paris : Bordas, 1976, vol. II.
Leipp, Emil, Acoustique et musique, Paris : Masson, 1976.
Piencikowski, Robert, « Fonction relative du timbre », Le Timbre, métaphore pour la composition, Paris : IRCAM, Christian Bourgois, 1991.
Risset, Jean-Claude, « Timbre et synthèse de sons », Revue d’analyse musicale no 3, Le timbre : Forme, espace, écriture, avril 1986.
Notes de bas de page
1 Jean-Claude Risset, « Timbre et synthèse de sons », Revue d’analyse musicale no 3, Le timbre : Forme, espace, écriture, avril 1986, p.12.
2 Les exemples musicaux sont sur le CD audio joint à cet ouvrage.
3 Emil Leipp, Acoustique et musique, Paris : Masson, 1976, chap. XI, p. 145 et 146.
4 Cette constatation contredit les principes de l’harmonie traditionnelle, qui a toujours dissocié la hauteur et le timbre.
5 A. Hoérée, « Orchestration », Dictionnaire. Science de la musique, Paris : Bordas, 1976, vol. II.
6 Michel Chion, « La dissolution de la notion de timbre », Revue d’analyse musicale, no 3, op. cit., p. 8.
7 Robert Piencikowski ; « Fonction relative du timbre », Le Timbre, métaphore pour la composition, Paris : IRCAM, Christian Bourgois, 1991, p. 86.
8 W. Gieseler, L. Lombardi, Rolf-Dieter Weyer, Instrumentation in der Musik des 20. Jahrhunderts, Moeck, Celle, 1985, p. 4 : « Ailes bis jetzt erschienen Bücher über Instrumentation, Instrumentationslehre, Orchestration, Instrumentierung sind (seit dem 18. Jahrhundert) angesiedelt zwischen Instrumentenkunde und Instrumentation als kompositorischen Vorgang, zwischen Information über Einzelinstrumente und über ihr Zusammenwirken mit dem Ziel musikalischer Gestaltung. »
9 Jean-Michel Court, « L’Orchestration dans les œuvres symphoniques de Stravinsky » Thèse de doctorat, Univ. de Marseille – Aix-en-Provence, janvier 2000, p. 182.
10 On peut renvoyer notamment aux œuvres suivantes : Atmosphères de Ligeti, Ethers de Tristan Murail, Pfat de Jacinto Sclessi pour les pièces instrumentales ; Voix blanche de Gilles Gobeil, Cadena de Bo Rydberg, El Espiritu de la lluvia de Ricardo Mandolini pour les pièces électroacoustiques.
11 A. Fregman « Timbre, orchestration, dissonance et organisation auditive », Le Timbre, métaphore pour la composition, op. cit., p. 207.
12 A. Fregman, ibid., p. 214.
13 Rudolf Arnheim, La Pensée visuelle, trad. fr. C. Noël et M. Le Cannu, Paris : Flammarion, 1976, pp. 21-22.
Auteur
Compositeur, est professeur de musique à l’Université de Lille-III, où il est co-fondateur (avec Jean-Marc Chouvel) et responsable du Studio de Musique Électroacoustique du Nord du Département d’Etudes musicales de Lille-III, il est chercheur associé au Centre d’Étude des Arts contemporains de l’Université de Lille-III.
Prix Trinac en 1997 décerné par le Conseil International de la Musique (CIM), l’UNESCO et le Conseil Argentin de la Musique pour la pièce Los Enemigos del Conocimiento et de nouveau en 2002 pour la pièce Presentimientos. Il a également obtenu en 2002 le Prix Magistère du 29e Concours International de Musique et d’Art Sonore Électroacoustiques de Bourges pour les pièces La noche en que los peces flotaron (2002), La queja del Dios (1999) et El cuaderno del Alquimista (1979).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mythologies et mythes individuels
À partir de l'art brut
Anne Boissière, Christophe Boulanger et Savine Faupin (dir.)
2014
Au service d'une biologie de l’art. Tomes I et II
Recherches sur les arts de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est
Jean Naudou, Claudine Picron et Philippe Stern
1978
Les fils d’un entrelacs sans fin
La danse dans l’œuvre d’Anne Teresa De Keersmaeker
Philippe Guisgand
2008
Tombeau de Léonard De Vinci
Le peintre et ses tableaux dans l’écriture symboliste et décadente
Jean-Pierre Guillerm
1981