II. Qu’est-ce que la musique ?
p. 47-78
Texte intégral
« … un art libre, jaillissant, un art de plein air, un art à la mesure des éléments… »1
(Debussy)
« Musique : souffle des statues. Ou bien : silence des images. Parole où la parole cesse »2
(Rilke)
« En tout vrai poème… on peut trouver un temps qui ne suit pas la mesure… un temps que nous appellerons vertical pour le distinguer du temps commun qui fuit horizontalement avec l’eau… alors que le temps de la poésie est vertical… »3
«… ce qui commande tout, c’est la dialectique de ce qui coule et de ce qui jaillit »4
Questions de méthodologie
1La sensibilité musicale de Bachelard le rapproche singulièrement d’un musicien qui, à l’orée du XXe siècle, a créé une « musique nouvelle » à partir de « la musique des éléments » qu’il percevait lui aussi avec acuité : il s’agit de Claude Debussy (1865-1918) qui en a éprouvé les principes structurants dans une œuvre inanalysable5 selon les critères musicologiques habituels. Pourtant, on ne trouvera pas chez Bachelard d’allusion à ce musicien, si ce n’est, indirectement, par l’intermédiaire du poète Maeterlinck, auteur du livret de l’opéra de Debussy, Pelléas et Mélisande (1902), dont la fameuse scène de la fontaine est citée comme modèle de silence dans L’eau et les rêves6 ; ou encore par Laurent Tailhade7 un autre poète, cité par Bachelard dans La terre où les rêveries de la volonté, auquel Debussy avait adressé une lettre au ton assez vif, publiée dans la revue ésotérique L’Initiation datée du 19 juin 18928. Néanmoins, nous avons pu relever des noms de compositeurs qui lui étaient proches et constater la remarquable affinité de la théorie bachelardienne du temps avec celles de Debussy et de ses contemporains.
2Bachelard partageait avec lui un même goût pour l’écoute des voix du monde qui ont appris à l’homme à parler et à chanter. Tel fut l’apport essentiel de l’ethnomusicologie au XXe siècle qui, en ne séparant pas l’art de la vie, eut pour effet d’élargir considérablement la notion de musique : déjà active dans les silences et les timbres de la langue auxquels Bachelard fut si sensible, celle-ci ne formait pas pour lui « un domaine à part ».
3Nous avons vu que son écriture était d’essence musicale dans la mesure où le fond n’y est pas dissociable de la forme9, comme en musique. Les impressions sensorielles suscitées par ces « harmonies de rythmes »10, éveillent chez le lecteur un sens du mouvement qui le met tout entier en activité.
4Dans cette enquête sur les sources musicales de Bachelard, il nous faut distinguer la dimension sonore de la dimension culturelle de la musique, présente dans ses livres sous la forme de références à des compositeurs, à des œuvres du répertoire ou à des musiques de tradition orale. L’on va retrouver ainsi des références aux travaux d’un ethnomusicologue contemporain, André Schaeffner (1895-1980) qui pose la question de la nature de la musique notamment dans son livre Origine des instruments de musique11 cité par Bachelard dans L’air et les songes et sur lequel nous allons nous attarder à présent.
Musique et langue, musique et danse
5On trouve dans ce livre, un questionnement particulièrement intéressant pour notre propos sur la conception musicale de la langue à travers l’exemple du banda : il s’agit d’« une langue musicale qui peut se parler, se siffler, soit avec la bouche, soit au moyen de sifflets en bois et en corne, ou encore se reproduire au tambour [de bois] linga. D’où la relation faite pas ces peuples avec le langage tambouriné qui repose sur une analogie entre les timbres de la langue et ceux des instruments : « De fait, les banda font un usage journalier du langage tambouriné, qui est la reproduction fidèle de la langue avec toute sa richesses et toutes ses nuances, et au moyen duquel on peut exprimer absolument toutes les idées qu’il est possible d’émettre avec la langue parlée »12. Ce témoignage prouve que les tambours « parlent vraiment » aux oreilles des indigènes qui entendent leur langue comme des timbres de percussions et que pour les Banda, comme pour les Maori, « les valeurs musicales l’ont emporté sur les valeurs phonétiques »13. On peut entendre des échos de ce langage percussif et « tambouriné » dans certains passages de La terre et les rêveries de la volonté qui figurent la lutte de l’homme avec la matière14.
6Nous avons vu que Bachelard n’hésitait pas à intégrer les bruits aux sons musicaux, rejoignant là les perspectives d’A. Schaeffner qui a posé dans son livre des limites de ce qu’on entend généralement par « musique » et par « instrument » de musique : « Pouvons-nous définir le terme d’instrument de musique ?…. Le problème des instruments ne touche-t-il pas à celui des limites de la musique ? »15. Il y répond par la négative : « Autant peut-être nous demander s’il existera jamais une définition de la musique, qui soit précise et valable en tous les cas, qui réponde également à toutes les époques et à tous les usages de l’art »16. Pour lui, la musique dépend des actes de la vie d’un peuple singulier qui trouve en elle et dans la nature environnante, sa source ; mais, si tout objet est sonore, comment reconnaître en lui des qualités musicales ?
7Ces questions posées en 1968 par A. Schaeffner, résument la pensée de tout un courant musical ayant intégré au XXe siècle les bruits aux sons musicaux17 :
« Quel mode de relation s’établit-il ainsi entre la musique et les objets sonores ou bruyants dont elle provoque l’emploi ?….est-elle faite de tous les sons, de tous les bruits qu’ils peuvent produire ? Où n’aurions-nous pas restreint le nombre et le registre des instruments aux seuls qui nous paraissent le mieux figurer ce que nous appelons musique ? […] Bref, la musique est-elle l’œuvre de ses instruments ou n’ont-ils été construits que selon son image ? »18
8A. Schaeffner cite à ce sujet le philosophe Alain qui, dans son Système des beaux-arts19 considère, parmi les instruments, « seulement les plus parfaits » (le violon, l’orgue et le piano), ignorés des deux tiers de l’humanité (au moins). Cette branche « savante » de la musique, issue du genre religieux en Europe occidentale, n’est pas la seule à intéresser Bachelard pour qui la musique englobait celle des mots de la langue. À la question, « qu’est-ce que la musique ? », A. Schaeffner n’apporte donc aucune réponse définitive et universelle, car cette notion varie suivant les peuples. C’est pourquoi, distinguer, comme on le fait habituellement, entre « la musique « proprement dite » et une autre (qui ne le serait point) » lui apparaît dénué de sens :
« Musique « parfaite » ou « proprement dite », ce sont là expressions qui éludent tout ce qui, des origines mêlées… des ténèbres de la musique survit en l’art que nous considérons comme nôtre… c’est méconnaître à quel point ces origines mêmes, ces fonctions aberrantes de la musique, ces véhémences primitives de sons et de rythmes participent à ce qui figure pour nous le propre de cet art… »20
9Schaeffner en vient finalement à envisager la question de l’origine des instruments sous deux angles, soit en fonction d’une idée préconçue de « la musique », soit en tant que le « produit d’un hasard »21. Finalement, il trouve dans le corps humain la source de la musique qui, de ce fait, se trouve indissolublement liée à la danse. D ‘ après lui, l’homme a trouvé dans les claquements de doigts et de pieds, les ressources d’une musique élémentaire qui subsiste dans le flamenco où ce procédé d’accompagnement est demeuré intact et se trouve également répandu dans le monde22. Ainsi compris comme des « arts du mouvement », la musique et la danse sont issus d’un geste à la fois visible et invisible : « L’homme frappe le sol de ses pieds ou de ses mains, bat son corps en cadence, sinon l’agite en partie ou en entier afin de mouvoir les objets et ornements sonores qu’il porte ». La première musique qui se présente est donc avant tout une « musique de gestes »23 : « Que la musique ait sa source dans le corps humain, cela paraît évident. Or la danse aussi, affirme A. Schaeffner.… la musique instrumentale, en ses formes primitives, suppose toujours la danse »24.
10Telle est la thèse principale d’A. Schaeffner retenue par G. Bachelard comme on le verra bientôt. Dans L’air et les songes, il fait allusion à ce passage : « Le rythme même du pied frappant sur le sol a d’ailleurs pu être à la base du rythme musical. Dans une danse primitive, André Schaeffner voit se réunir les mythes de la fraternité de la terre et de l’élan végétal »25. Il cite à l’appui le Sacre du printemps de Stravinsky, musique gestuelle par excellence, et dont la chorégraphie particulière lui était familière, si l’on en croit la description précise qu’il en fait ici :
« Une des origines de la danse, « c’est que la terre, cette mère, soit foulée, et que les sauts soient d’autant plus élevés qu’à leur hauteur devra monter la végétation : il s’agit-là de symboles printaniers, de rites de fécondité (le Sacre du printemps sera rempli de pareils piétinements rituels du sol) donnant à ces foulements et à ces sauts un sens qui fut peut-être le premier ». L’être humain, dans sa jeunesse, dans son essor, dans sa fécondité, veut surgir du sol. Le saut est une joie première »26.
11La perception à la fois dynamique et corporelle que Bachelard avait de la musique, lui a fait considérer les sons avant tout comme des rythmes et des timbres suscitant en lui une activité corporelle qu’A. Schaeffner a qualifiée d’« union réelle de la musique et de la vie »27. C’est pourquoi il ne faut pas la limiter « au seul aspect de ses œuvres », c’est-à-dire à l’aspect culturel, mais également l’envisager sous un certain « naturalisme » qui est propre à Bachelard et à d’autres civilisations avec lesquelles il partage ce trait : c’est le cas de la civilisation chinoise que Bachelard connaissait à travers le livre de Marcel Granet, La civilisation chinoise, cité dans le premier livre sur La terre28 et de celle des Dogons dont les mythes lui ont été communiqués directement par Marcel Griaule au retour d’un voyage effectué en 1946 :
« Marcel Griaule, rentrant en décembre 1946 d’un nouveau voyage chez les Dogons, a bien voulu nous communiquer les documents relatifs aux légendes de forgeron. Nous avons eu là confirmation inattendue de notre hypothèse de lecture. Pour les Dogons, le soleil est « le feu de la forge céleste » »29.
12Ces ethnologues lui ont appris que pour les deux tiers de l’humanité, la musique vient de l’univers et s’adresse à l’homme et non au papier :
« Tant que la musique des « conservatoires », musique trop souvent de papier, n’empêche point qu’en certains lieux de la terre le même art serve encore à chasser les démons, à garder les sanctuaires d’initiations et à couvrir les cris des animaux maléfiques, la diversité des instruments naît de l’union réelle de la musique et de la vie. Il semble qu’à cette condition de matérialité notre sens de la musique s’élargisse. Trop limitée au seul l’aspect de ses œuvres, la musique gagne à être vue également sous le naturalisme des instruments »30
« Un art à la mesure des éléments »
13À cette vision élargie de « la musique », correspond celle du compositeur Claude Debussy :
« … je crois bien que la musique a reposé jusqu’à aujourd’hui sur un principe faux. On cherche trop à écrire, on fait de la musique pour le papier alors qu’elle est faite pour les oreilles ! On attache trop d’importance à l’écriture musicale, à la formule et au métier ! On cherche ses idées en soi, alors qu’on devrait les chercher autour de soi. On combine, on construit, on imagine des thèmes qui veulent exprimer des idées ; on les développe, on les modifie à la rencontre d’autres thèmes qui représentent d’autres idées, on fait de la métaphysique mais on ne fait pas de musique »31
14Ailleurs, Debussy suggère de supprimer purement et simplement dans les conservatoires l’apprentissage de l’écriture « qui est bien la façon les plus solennellement ridicule d’assembler les sons »32. Et il déplore que l’on ne puisse disposer, pour apprendre la musique, que du Conservatoire et de la Schola Cantorum33, alors que « rien n’est plus musical qu’un coucher de soleil !… c’est la plus belle leçon de développement écrite dans ce livre pas assez fréquenté par les musiciens :…la Nature »34. Telle est la voie nouvelle, suivie par Debussy pour qui l’univers s’exprimait en langage musical et non en paroles35, donnant ainsi à l’homme les plus belles leçons de musique que certains musiciens du XXe siècle ont suivies à sa suite :
« Les grandes leçons de musique, ce ne sont pas les musiciens qui me les ont données. Je les ai reçues concrètement de la mer, du vent, de la pluie sur les arbres et de la lumière, ou encore de la contemplation de certains paysages que je recherche parce qu’ils ont plus l’air d’appartenir à la création du monde qu’à des contrées civilisées… »36
15Pour G. Bachelard comme pour Debussy, qui fut aussi un « grand écoutant » des voix du monde et de la musique de l’univers, il ne s’agissait en aucun cas de « décrire » les paysages ; seulement d’en faire revivre les mouvements chez le lecteur-auditeur.
16Quand on écoute une œuvre de Debussy, La Mer ou les Préludes pour piano, dédiés aux images de la Nature, elle reste très éloignée, dans son résultat sonore, des bruits réels du paysage suggéré. La musique n’imite pas le son de l’eau ou celui du vent mais suscite une sorte d’empathie corporelle qui nous fait esquisser intérieurement des mouvements éveillant des réminiscences liées à notre expérience singulière de ce paysage. C’est cette même qualité dynamique que Bachelard reconnaît à la source du langage humain, dont l’essence « liquide » est à rapprocher selon lui de l’élément aquatique comme on l’a vu précédemment. Dans L’eau et les rêves, il insiste sur ce caractère trop peu remarqué : « organiquement, le langage humain a une liquidité,… » et il veut montrer que « cette liquidité donne une excitation… qui déjà appelle les images de l’eau »37. L’imagination matérielle est conçue comme un principe d’excitation, porteur d’un devenir psychique chez l’homme qui a appris à chanter en écoutant la voix de l’eau et celle des oiseaux ; et il existe ainsi selon lui une continuité « entre la parole de l’eau et la parole humaine » qui passe par le vol et le chant des oiseaux38.
17La qualité de liquidité de la musique de Debussy a été perçue par le musicologue Francesco Spampinato comme son essence propre. À propos du second mouvement de La Mer, intitulé Jeux de vagues il écrit : « Le compositeur refuse de donner une représentation plus ou moins traditionnelle de l’eau, du « pittoresque aquatique », il préfère doter sa musique d’une « qualité de liquidité » qui en constitue l’essence… »39. À travers l’eau et les éléments, ce sont des modèles dynamiques, des gestes et des postures que Bachelard et Debussy ont repérés et qu’ils ont transcrits dans leurs œuvres en suscitant chez le lecteur une sorte de mimétique corporelle. La nature nous rappelle que dans le monde comme dans le corps humain, tout est mouvement et que l’on peut percevoir dans ses spectacles changeants, ceux de notre réalité intérieure : par exemple, la dynamique de l’eau, grondante ou tourbillonnante, peut éveiller la perception en nous des énergies que l’on sent circuler et se transformer. Voir un oiseau se poser ou s’envoler, regarder passer les nuages, nous fait esquisser en imagination ces mouvements qui, pour être invisibles, n’en existent pas moins, attendant d’être projetés au dehors. Par l’intériorisation de ces mouvements, l’homme peut acquérir une unité sentie dans l’expérience artistique. « On n’écoute pas assez les mille bruits de la nature, d’après Debussy ; on ne guette pas assez cette musique si variée qu’elle nous offre en abondance. Elle nous enveloppe et nous avons vécu au milieu d’elle sans nous en apercevoir. Voilà selon moi la voie nouvelle »40. Le compositeur est allé chercher dans les mouvements de la nature (voler, nager, courir, croître, se dresser, couler…) l’énergie qui anime sa musique et se transmet à un auditeur réceptif. De même, dans la composition ou l’interprétation, le musicien est relié à des mouvements invisibles qu’un danseur peut extérioriser en puisant lui aussi à la même source, celle du corps propre41 qui ébauche, au contact des spectacles de la nature, des gestes propices à enrichir l’imagination.
18Ce n’est pas forcément du son musical que provient l’inspiration d’un musicien. Un paysage, une matière, une texture et même un texte, peuvent en être l’origine. Ce travail hors contexte est considéré comme le plus essentiel par Debussy ou Ricardo Viñès, son pianiste attitré qui avait l’habitude de donner à ses élèves : « Il faut lire »42 car en musique comme en poésie, l’essentiel se trouve hors musique et hors poésie.
19« La poésie est un art mimique » selon Bachelard qui explique ainsi ce vers de Shelley : « (par là) il faut entendre qu’elle mime ce que l’on ne voit pas : la vie humaine profonde »43
20C’est ce qu’explique Debussy à un journaliste venu l’interviewer à propos de la création de son nouvel opéra (Pelléas et Mélisande, 1902) dans lequel il voulait libérer la musique des lois instaurées dans les traités d’harmonie pour mettre à jour les « correspondances mystérieuses entre la Nature et l’Imagination »44 sans se soumettre à la « reproduction plus ou moins exacte de la nature ». Autrement dit, il s’agissait pour Debussy de produire une musique « qui serait la vie même »45, à l’instar du compositeur Modeste Moussorgski (1839-1881) dont il fut un fervent admirateur46.
Une musique « qui serait la vie même »
21Dès 1901, le compositeur a entrepris de « faire disparaître ces petites manies de forme et de tonalité trop précises qui encombrent si maladroitement la musique »47 en créant une nouvelle musique, « construite spécialement pour le « plein air »48. Celle-ci se distinguerait par :
« … une collaboration mystérieuse des courbes de l’air, du mouvement des feuilles et du parfum des fleurs s’accomplirait, la musique pouvant réunir tous ces éléments dans une entente si parfaitement naturelle qu’elle semblerait participer de chacun d’eux… Et les bons arbres tranquilles ne manqueraient pas à figurer les tuyaux d’un orgue universel, ni à prêter l’appui de leurs branches à des grappes d’enfants auxquels on apprendrait de jolies rondes de jadis, si mal remplacées aujourd’hui par les ineptes refrains qui déshonorent les jardins et les villes d’aujourd’hui… »49
22Contre la loi de l’harmonie apprise dans les traités et suivie en particulier par Wagner (sa cible principale dans ses écrits), Debussy prône la liberté : « Wagner se prononce pour la loi de l’harmonie ; je suis pour la liberté. La liberté, par nature, est libre. Tous les bruits qui se font entendre autour de vous peuvent être rendus. On peut représenter musicalement tout ce qu’une oreille fine perçoit dans le rythme du monde environnant »50. Pourtant, celle-ci n’est certes pas absente de la musique de Wagner qu’un poète qui se disait « non-musicien », a su apprécier à sa juste valeur : il s’agit de Baudelaire, cité par Bachelard dans La poétique de l’espace pour ses commentaires des ouvertures de Lohengrin et de Tannhaüser51. Tout comme il ne peut y avoir de « poésie ou de musique sans silence », pour Bachelard, il ne peut exister de « poésie sans espace », sans l’ouverture, en soi-même, du ciel ou du « désert »52 : « la musique creuse le ciel » dit Baudelaire à propos de la musique de Wagner.
23Bachelard a fait l’éloge du musicien pour lui avoir fait éprouver la verticalité propre au temps musical et poétique : « Rien n’exprime mieux le caractère intime de la notion d’immensité que les pages de Baudelaire consacrées à Wagner »53 affirme-t-il. La perception de cette profondeur ne va pas de soi et l’on doit s’exercer à la sentir, par un petit travail intérieur comme nous le verrons bientôt.
24D’après Shelley, le silence de la nuit « augmente la profondeur des cieux »54 et tout s’harmonise dans cette profondeur tandis que pour Bachelard « Un mouvement que l’on vit s’accompagne aisément d’une musique imaginaire »55. Dans L’Air et les songes, il assure que « la contemplation poétique, si elle est sincère et profonde, entendra… les mêmes harmonies »56. Et il cite à l’appui toute la poésie de Shelley pour montrer que « c’est le mouvement vécu qui créé une vision »57. C’est ainsi que le quatrième acte de Prométhée est traversé par des « harmonies imaginaires directes »58 qui naissent de l’imagination dynamique en action : « Écoutez comme chaque pause est remplie de sons-notes tous clairs et argentins… »59 conseille le poète qui affirme dans cette œuvre : « pas d’espace sans musique parce-qu’il n’y a pas d’expansion sans espace »60. C’est dans la contemplation profonde des espaces infinis que l’on peut projeter tout un monde sonore au-delà du monde muet car « rien, selon lui, ne suggère comme le silence le sentiment des espaces illimités »61.
25On voit bien que pour Bachelard, l’absence de bruits n’empêche pas la perception d’une musique qui crée l’espace en donnant à l’homme la sensation du vaste, du profond, de l’illimité ; de sorte qu’entrer dans ces espaces c’est comme entrer dans un « corps sonore », explique Bachelard en commentant une page d’Henri Bosco sur la maison62, espace familier, devenu pour lui un corps et une âme, « un grand berceau » de l’être qui vit protégé dans son giron. Passé, présent, avenir n’existent plus dans ce lieu où se mêle, au corps humain, celui de la maison. Si l’on faisait d’après lui, une topo-analyse ou étude psychologique des sites de notre espace intime, on se rendrait vite compte de la valeur fondamentale de l’espace pour l’être humain :
« On croit parfois se connaître dans le temps alors qu’on ne connaît qu’une suite de fixations dans des espaces de la stabilité de l’être, d’un être qui ne veut pas s’écouler, qui dans le passé même, quand il va à la recherche du temps perdu, veut suspendre le vol du temps »63.
26Et Bachelard a cette phrase décisive qui pourrait servir de fil conducteur à toute son œuvre : « Dans ses mille alvéoles, l’espace tient du temps comprimé. L’espace sert à ça. ».64
27Devenue chez Wagner, art de l’espace et non plus art du temps65, la musique est l’incarnation d’un monde né du souffle dans les mythes de création où le son en tant qu’espace, exerce un pouvoir réel sur le cosmos. Conduire cette « matière sonore » jusqu’en ce point où les harmoniques étant de plus en plus accordés avec le son fondamental, permettent d’ouvrir l’espace et de créer un monde dans une juste résonance (le son le plus grave étant en harmonie avec le son le plus aigu) est ce qu’a imaginé Wagner dans le prélude de L’or du Rhin, entièrement bâti sur un son fondamental, un Mi bémol tenu pendant toute la durée du morceau. La genèse de ce son, créateur d’un monde, rappelle étrangement les propos de Schopenhauer, un philosophe bien connu de Bachelard : « La note fondamentale est dans l’harmonie ce qu’est dans la nature la matière inorganique, la matière brute sur laquelle tout repose, se développe »66.
28La musique harmonique de Wagner se présente comme un espace sonore reconquis sur le temps, une spatialité ayant permis à Bachelard de faire l’expérience de la profondeur qui est d’après Oswald Spengler « un acte de naissance psychique, à côté de la naissance corporelle »67. L’écoute bachelardienne de la profondeur est révélatrice d’une autre espèce d’imagination, spatiale, que seul Berlioz, (cité dans Lautréamont)68, a su nous faire éprouver selon lui. S’éveille alors toute une polyphonie des sens reconnue dans La poétique de la rêverie comme étant synonyme de « croissance d’être »69. Lorsqu’elle suit « une conscience qui croît »70, la rêverie est « sur la bonne pente »71 assure Bachelard. Telle est la rêverie de l’enfant qui est une « rêverie d’essor » conduisant à une dé-temporalisation bienfaitrice de l’être. Le même effet d’élargissement ou de dilatation est ressenti au contact de la musique de Wagner, qui lui sert de modèle pour expliquer l’effet ressenti, proprement indicible : « Baudelaire lui-même… fait bien sentir la dilatation progressive de la rêverie jusqu’au point suprême où l’immensité née intimement dans un sentiment d’extase dissout et absorbe, en quelque manière le monde sensible » commente Bachelard. Il va citer à l’appui de sa démonstration, un second texte de musicien, celui de Listz (sic) pour tenter de préciser cette qualité spirituelle de la musique liée à la perception de la profondeur qu’elle seule est en mesure de faire sentir et qui n’est pas réservée aux seuls connaisseurs.
29Chacun peut en faire l’expérience à condition de participer de tout son être à l’écoute musicale. Liszt parle ici d’expérience mystique : « Ce texte, commente Bachelard, nous fait participer à l’espace mystique, né de la méditation musicale. Sur « une large nappe dormante de mélodie, un éther vaporeux… s’étend » ». Dans la suite du texte de Listz (sic), les métaphores de la lumière aident à saisir cette extension d’un monde musical transparent »72.
30Liszt fait partie de cette même famille de musiciens ayant contribué à « fixer le temps dans l’espace »73 et auxquelles participent les fameuses correspondances baudelairiennes éprouvées par Bachelard comme une « augmentation des sens »74 intensifiée par la musique. Celle de Wagner en particulier, incarnait cette nouvelle alliance entre les arts à laquelle aspirait Baudelaire éprouvant au contact de la poésie et de la musique un sentiment inédit d’unité : car « notre être onirique est un. Il continue dans le jour même l’expérience de la nuit »75. À ce titre, l’esthétique de Baudelaire est proche de la conception bachelardienne des arts, unis comme nous le verrons bientôt, sous la bannière de la musique qui donne l’idée immédiate de la vie et de son « pluralisme temporel » :
« Quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique musicale, sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée, pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience »76
31Cité dans L’air et les songes ce passage fait écho à cet « état mystique » décrit par Bachelard comme un « accroissement d’être », à l’image de la vie végétale, quand elle est vécue comme une force primitive : « La vie végétale, si elle est en nous, nous donne la tranquillité du rythme lent… affirme G. Bachelard pour qui « L’Arbre est l’être du Grand Rythme, le véritable rythme annuel »77.
32Compris comme un pur jaillissement de la vie, le rythme était pour lui synonyme de liberté comme pour les musiciens de son époque qui en ont renouvelé la conception en faisant la distinction entre la mesure, contraignante, et le rythme, libre78. Parmi ceux-ci (outre Debussy) figurent Stravinsky et Ravel (1875-1937) pour qui la liberté était aussi privilégiée : « il y a des règles pour faire tenir un bâtiment, aucune pour enchaîner les modulations »)79.
33Le compositeur et musicologue Maurice Emmanuel (1862-1938) fut également apprécié par Bachelard sur ces questions qu’il a abordées entre autres dans ses « travaux si profonds » sur la musique et la danse :
34« Dans la période contemporaine,… « la barre de mesure… n’indique point le rythme ; elle ne lui est point liée ; les membres rythmiques ne correspondent que rarement aux espaces séparateurs des barres » »80 écrit le musicien qui développe sa thèse dans son ouvrage Histoire de la langue musicale81 cité par Bachelard dans La dialectique de la durée : « M. Emmanuel montre le rôle exagéré de la barre de mesure : il faut, dit-il « lui fermer la porte lorsqu’elle prétend pénétrer dans le sanctuaire rythmique. Elle ne remplit qu’un bas office. Elle est métronomique ; elle jalonne la route régulièrement et elle n’a, pas plus que les bornes militaires, le droit de se réclamer du paysage »82.
35C’est dans la réalité physiologique du corps qu’il retrouve les composantes motrices et dynamiques de la musique d’où est issu le rythme musical qui donne son expression à la danse83.
36Romain Rolland (1966-1944) a lui aussi entrepris de rendre au rythme son origine corporelle comme l’ont fait les Hindous en puisant dans la diastole respiratoire un modèle rythmique calqué sur le souffle et la respiration humaine :
« Romain Rolland nous transmet en ces termes la leçon de Vivekananda84 : Apprendre à respirer rythmiquement, d’une façon mesurée, par chacune des narines, alternativement, en concentrant l’esprit sur le courant nerveux, sur le centre. Adjoindre quelques paroles au rythme respiratoire, pour mieux le scander, marquer et diriger. Que tout le corps devienne rythmique ! On apprend ainsi la vraie maîtrise et le vrai repos… Par le moyen de la respiration rythmique, tout se coordonne peu à peu dans l’organisme. Toutes les molécules du corps prennent la même direction »85
37Le portrait que nous avons essayé de reconstituer d’un Bachelard musicien à partir de ses goûts musicaux, fait apparaître un « moderne », plus proche de Debussy et de Stockhausen que des musiciens classiques ou romantiques. Il considèrait toutefois Wagner comme le précurseur d’une écoute nouvelle de la musique, conçue comme un espace-temps dans lequel évoluent des mouvements inscrits en une verticalité essentielle. Cette expérience de la profondeur chez Wagner vient compléter la conception debussyste d’une musique nouvelle ayant pour objectif de faire percevoir des mouvements et non des notes, activant par là-même l’imagination motrice. Finalement, Wagner et Debussy nous éclairent, chacun à sa manière, sur les ressorts de l’imagination humaine qui fut l’objet de la recherche de G. Bachelard : à la musique « harmonique » du premier, de nature essentiellement spatiale, répond l’écoute de la vie des éléments chez Debussy qui suscite davantage l’imagination motrice de l’auditeur.
38Parmi les instruments dont l’homme dispose pour « donner corps » au son en jouant sur les possibilités infiniment variées du timbre, figure la voix, privilégiée chez Bachelard comme dans les musiques extra-européennes : « Nous abusons de ce terme uniforme de chant comme s’il recouvrait un art unique et homogène, nous dit A. Schaeffner. Songeons déjà à l’infinité de timbres que donnent dans une même langue la résonance variée des voyelles, le frottement ou la vibration des semi-voyelles, la percussion de certaines consonnes… »86
39Certains interprètes ont réussi à merveille cette projection de leur propre corporéité dans le son qui acquiert de ce fait une épaisseur et un « grain » singulier : tel fut le cas de Charles Panzéra (1896-1976), cité en exemple par Bachelard dans La poétique de l’espace comme « le chanteur sensible à la poésie »87.
40Célèbre pour son interprétation « incarnée » des mélodies françaises du tournant du siècle, cet interprète est à l’origine de la distinction faite par Roland Barthes entre le « phéno-chant » et le « géno-chant »88 dans L’obvie et l’obtus.
41Le grain de la voix, explique R. Barthes est « la matérialité du corps parlant sa langue maternelle… quelque chose qui est directement le corps du chantre, amené d’un même mouvement à votre oreille, du fond des cavernes, des muscles, des muqueuses, des cartilages,… comme si une même peau tapissait la chair intérieure de l’exécutant et la musique qu’il chante »89. C’est aussi pour cette raison que Bachelard a privilégié la voix dans sa poétique où il affirme « la primauté du vocal sur le sonore »90. Ce couplage entre la voix et l’ouïe est essentiel pour Bachelard qui dans L’air et les songes, en appelle « … à l’expérience de tous ceux qui savent éprouver les joies vocales sans parler, à tous ceux qui s’animent dans une lecture muette… »91. Il propose une autre manière d’entendre, par le corps, en des mouvements et des gestes sentis d’abord intérieurement. Seule cette action « muette » de tout le corps, permettra selon lui de juger la poésie, qu’il faut saisir selon lui « … dans son élan »92, en écoutant les images se former. La preuve de cette perception corporelle du son chez G. Bachelard, nous est donnée dans La dialectique de la durée où il fait de précieuses révélations sur sa manière d’entendre.
42Quand il dit que « le vrai rythme poétique est fait du groupement des tonalités… (qu’) il est intensité… »93, il reconnaît implicitement la primauté du timbre et du rythme sur la note : « nous avons d’abord les timbres, ensuite les durées »94, affirme Bachelard. Or, Debussy ne pensait pas autrement sa musique dont c’est même là l’un des traits essentiels. Dans sa perception du temps senti comme une prolifération d’instants discontinus, Bachelard s’exprime en musicien de son époque, se prononçant « pour la liberté ». Son expérience musicale lui a permis de voir dans le rythme le moyen pour l’homme de se libérer des contraintes de la « mesure » et ne pas se soumettre aux mouvements collectifs. Perçu comme « une somme intégrale de rythmes »95, l’homme est un être discontinu pour Bachelard qui s’associe à la pensée du compositeur Iannis Xenakis (1922-) et à travers lui, à toute une génération de musiciens de la deuxième moitié du XXe siècle, pour lesquels : « L’homme est un être discontinu. Non seulement il est discontinu dans ses perceptions, dans ses jugements, mais dans tout. La continuité est une chose qui lui échappe constamment. C’est une problématique zénonienne, le changement tout court, et c’est une sorte de lutte perpétuelle de notre perception et de notre jugement que d’essayer d’imaginer le mouvement continu »96.
43Mais si l’homme est un être discontinu et que la continuité est factice, la musique n’est-elle pas un moyen pour lui de la recréer ? Ne pouvons-nous voir ici l’une des raisons du choix de Bachelard dans sa pratique musicale d’un instrument voué à la vocalité et à la continuité ? Le violon qui, dans les premiers concertos (ceux de Corelli notamment) était si « chantant », ne permettait-il pas à Bachelard de compenser cette discontinuité inscrite en l’homme ? N’est-ce pas finalement l’un des sens de la musique que de nous donner l’illusion de cette durée ?
44La dialectique du temps et de l’espace fut éprouvée douloureusement par Bachelard qui a témoigné dans son œuvre de leur liaison intime : « l’espace est notre ami » affirme le philosophe parce que l’espace « tient du temps comprimé »97. Car si la mémoire se souvient de l’espace, en revanche elle n’enregistre pas la durée. Ce qui lui fait dire que seule la verticalité perçue du temps peut nous permettre de vivre, en échappant à ses lois implacables. Bachelard ne reprend pas seulement ici les thèses de la physique quantique dont il avait une connaissance profonde. Il témoigne d’une expérience vécue qui fut à l’origine de son « esthétique concrète ». Sans nier l’importance de ces théories scientifiques, fort proches, du reste, des recherches musicales des compositeurs du début XXe siècle, je soutiendrai ici que la conception bachelardienne du temps a un fondement musical indéniable, inspiré de son écoute fine du monde et de sa pratique de musicien.
45Afin de prendre toute la mesure de la proposition bachelardienne, il me paraît nécessaire de rappeler ici les principes de la nouvelle théorie du temps musical conçue à partir de la notion debussyste d’« harmonie de timbres »98, et théorisée par Karlheinz Stockhausen (1928-2007).
Les nouvelles conceptions du temps musical au XXe siècle
46Présent dans toute la musique pour orchestre de Debussy, ce concept est particulièrement mis en évidence dans les pièces pour piano où l’on voit apparaître une écriture sur trois ou quatre portées, suggérant une spatialité sonore qui incite l’interprète à différencier en intensité chaque strate : c’est ainsi que dans « Cloches à travers les feuilles » (Images, II, 1907), par exemple, chaque plan sonore, loin d’être un simple « accompagnement » est en réalité un timbre qui change de « couleur » au rythme des changements des durées : ainsi, dans cette partition, un quintolet ne « sonne » pas comme un « triolet », etc. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce-que les musiciens « entendent par l’imagination plus que par la perception » et qu’ils possèdent intuitivement cette écoute verticale du son perçu dans toutes ses résonances, lequel peut se décomposer en une multitude de fréquences99.
47Le « son fondamental » forme, avec la série des harmoniques100, un ensemble dont la résonance produit une diversité d’intensités et de « battements » rythmiques (de plus en plus rapides), qui créent la richesse et la variété des timbres. D’où l’impossibilité d’isoler, comme on le fait habituellement, non seulement le rythme du timbre, mais aussi des intensités, hauteurs, registres, attaques et accents etc., tous ces paramètres constituant ce que l’on appelle globalement « le corps du son »101. Le rapport entre ces différents paramètres avait été établi dans le système tonal suivant un ordre hiérarchique privilégiant les hauteurs : au XXe siècle, les musiciens se sont détournés de cette quête de la hauteur absolue pour s’orienter vers des systèmes où celle-ci n’a plus la même valeur (comme par exemple dans les systèmes sériel, atonal ou micro-tonal). Mais l’on peut trouver, bien avant le XXe siècle, dans le système tonal, des traces de cette perception intuitive de la primauté du timbre et des intensités sur les hauteurs, chez Beethoven en particulier et chez d’autres compositeurs pour qui une modulation102 entraînait nécessairement un changement de rythmes et de timbres103.
48Cela signifie que l’on ne peut déterminer une durée sans tenir compte du timbre : dans la nature du son même, une durée est avant tout ce qui fait durer un timbre, lequel s’avère totalement inquantifiable. Mieux : il est impossible de définir un seul paramètre sans tenir compte de l’ensemble : ainsi, une hauteur est relative à son rythme, son intensité, son registre (ou sa position dans l’espace, lequel deviendra dans la musique électro-acoustique de plus en plus important), à son attaque, son entretien, sa fin…
49Les compositeurs du XXe siècle, à la suite de Claude Debussy, ont réalisé que tout ce système de différences bien établi depuis des siècles104, entre les différents paramètres musicaux, était impossible à évaluer (même s’il s’avère pratique pour l’analyse). C’est à cette réalité acoustique du son que se réfère Claude Debussy, particulièrement sensible à la beauté du phénomène sonore et à sa matérialité, goût qu’il partage avec G. Bachelard ; mais c’est à Karlheinz Stockhausen (1928-2007) que revient d’avoir théorisé dans un article fameux105, cette idée que le rythme, c’est du timbre, devenu avec lui un phénomène global et inquantifiable, qui comprend les intensités, hauteurs, registres, etc. se mêlant pour constituer le « spectre » du son106.
50Le timbre devient alors fonction de la distribution des occurrences dans le temps, changeant au gré des rythmes.
51La musique de K. Stockhausen est particulièrement représentative de ce phénomène107 et se caractérise par un raffinement extrême dans la notation des intensités, des durées et des tempi, au point que l’on a pu parler de « fondamentale de temps » à propos de sa musique dans laquelle l’accord fait place au « bloc » et au « formant » pour bien signifier la dimension verticale de la réalité sonore. Dans cette musique, il n’y a plus de passé ni de futur mais un temps « sphérique » signifiant que chaque son englobe des groupes plus ou moins longs (ce qui donnera l’idée à ce compositeur de créer une œuvre intitulée précisément Gruppen, pour 3 orchestres). Dans Zeitmasse (op. 5, 1955-56), Stockhausen est allé jusqu’au bout de cette idée en substituant à la notion de « tempo » la notion de « champ temporel » qui laisse une grande liberté à l’interprète : non tenu d’exécuter la pièce en un temps imposé, celui-ci va par exemple « le plus vite possible » afin qu’il ne puisse plus « compter » des valeurs de durées comme dans le système tonal, mais évaluer la musique selon sa propre sensibilité, d’après son propre vécu du temps, non plus compté mais senti. Le compositeur introduit ici un phénomène « humain » par une complication extrême de la notation des durées qui oblige l’interprète à se fier à sa propre sensibilité. Celui-ci prend alors conscience que tout est facteur de rythme, étant entendu que le rythme ne se réduit en aucun cas à la « métrique », comme l’a bien compris G. Bachelard (qui cite en connaisseur dans L’air et les songes, Le Sacre du Printemps de Stravinsky108, passé maître dans l’art de jouer sur cette différence). Debussy, quant à lui, travaille dans la temporalité pure, modifiant le temps des horloges au moyen de ses harmonies de timbre qui existent par elles-mêmes, sans avoir besoin de pauses ou de silences notés dans la partition.
52Dans leurs analyses de l’œuvre de Bachelard, les philosophes ont généralement reconnu chez lui l’importance du rythme109 mais ils ont étudié ce paramètre de manière isolée, indépendamment de tous les autres. Le rythme y est pensé pour lui-même et en relation avec le problème du temps, que Bachelard aborde effectivement dans La dialectique de la durée et l’Intuition de l’instant, pour contredire la conception bergsonienne de la durée. Ces analyses, pour intéressantes qu’elles soient, confondent à mon sens, la notion générale de « rythme », applicable à n’importe quel domaine (y compris le domaine économique) et le rythme musical lié à tous les paramètres du son, assimilé dans ces théories à un corps dans une vision à peine métaphorique, comme l’avait bien compris G. Bachelard. C’est à cette perception de la liaison organique qu’il fait référence lorsqu’il mentionne la « rythmanalyse » comme exemple de rythme musical fondé sur une distribution de l’énergie qui se déploie selon des « dialectiques temporelles »110.
Le temps sphérique et le temps senti
53L’une des premières conséquences de cette théorie qui accorde la primauté du timbre et du rythme sur les autres paramètres, est que cela entraîne des modifications dans la perception du temps des horloges : il n’y a plus de passé ni de futur, ni avant ni après. Seulement du présent, dans toute son épaisseur et sa verticalité : « toute structure, s’accompagnant de rythmes multiples… est faite, verticalement, d’instants superposés », affirme Bachelard qui veut s’efforcer « d’analyser l’épaisseur musicale » de l’instant dans lequel il décèle sa véritable poétique. Il se montre ici résolument « moderne », dans la mouvance des avant-gardes qui ont donné une postérité aux mélodies de timbres et à « l’espace sonore ». Cette prise de conscience de la profondeur de l’espace ouvert par le son qui lève, à chaque fois, un spectre harmonique différent, ayant sa durée propre, a été réalisée par Bachelard qui ne cesse d’attirer l’attention sur ce phénomène comme le fit Debussy dans sa musique. Tous deux ont su écouter le renouvellement incessant de la matière sonore dans les mille vibrations rythmiques qui la constituent. Par suite, Bachelard a posé « la nécessité d’inscrire au compte du temps sa valeur essentielle de renouvellement… »111.
54L’un des moyens utilisés par Debussy et K. Stockhausen pour modifier le timbre était d’agir sur le « spectre » du son : en trafiquant les « formants » des durées, ces compositeurs en arrivent à trafiquer les timbres, montrant non seulement par là que les durées sont constitutives du timbre (et inversement) mais que le rythme c’est du timbre avant tout ; ce que Bachelard avait parfaitement compris et assimilé. Il en déduit que « la matière vivante est plus riche en timbres, en échos, plus prodigue en résonances, que la matière inerte »112 et qu’« elle existe sur le plan du rythme »113, développant un « temps ondulant »114 proche de celui de Stockhausen.
55Loin d’avoir une perception linéaire, mélodique, de la musique, Bachelard a témoigné de sa perception « discontinue », sans passé ni futur, de la matière sonore qui n’a plus rien à voir semble-t-il, avec le déroulement temporel de la musique tonale. Son intérêt pour les musiques de son époque et pour l’ethnomusicologie lui ont ouvert des perspectives nouvelles qui l’ont conforté dans son intuition d’une verticalité et d’une épaisseur constitutive du temps en laquelle réside selon lui toute sa poétique. Celle-ci peut se définir comme une poétique de l’instant présent, calquée sur le mode de perception de l’enfant qui éprouve la nécessité de sentir le temps et de le créer à chaque instant, comme l’espace dans lequel il évolue, en écoutant « les mille rythmes » qui l’animent :
« En tout vrai poème, on peut alors trouver les éléments d’un temps arrêté, d’un temps qui ne suit pas la mesure, que nous appellerons vertical pour le distinguer du temps commun, qui fuit horizontalement avec l’eau du fleuve, avec le vent qui passe… alors que le temps de la prosodie est horizontal, le temps de la poésie est vertical ; la prosodie n’organise que des sonorités successives ; elle règle des cadences… Le but c’est la verticalité, la profondeur ou la hauteur ; c’est l’instant stabilisé où les simultanéités prouvent que l’instant a une perspective métaphysique.… »115
56Si, d’après Bachelard, « nous ne savons sentir le temps qu’en multipliant les instants conscients »116, cela signifie non seulement que la conscience du temps est toujours active, mais qu’elle est affective : car l’écoute attentive des instants nous fait vivre dans une relation poétique impliquant la réciprocité entre les êtres vivants : ainsi, nous dit G. Bachelard, « c’est parce qu’on aime et qu’on souffre que le temps se prolonge en nous et qu’il dure ».
57De sorte que « le temps n’est rien s’il ne s’y passe rien »117 car « Le Temps est essentiellement affectif »118.
58Cette découverte, exposée dans L’intuition de l’instant, Bachelard l’a faite à l’occasion d’une épreuve douloureuse, celle de la perte d’un être cher119, qu’il évoque dans ce livre sans s’y attarder mais en des termes choisis, suggérant l’importance décisive de cet évènement dans sa vie et qui fut à l’origine de l’arrêt de sa pratique instrumentale d’après son entourage : « quand survient l’instant déchirant où un être cher ferme les yeux, confie Bachelard, immédiatement on sent avec quelle nouveauté hostile l’instant suivant « assaille » notre cœur…] tous les instants sont à la fois donateurs et spoliateurs et qu’une nouveauté jeune ou tragique, toujours soudaine, ne cesse d’illustrer la discontinuité essentielle du Temps ». Or, Bachelard fait immédiatement le rapport avec la musique, qui, en tant qu’« art du temps » et de l’espace, était aussi d’origine affective : « Si nous examinons un son qui soit aussi uni que possible objectivement, nous verrons que ce son uni n’est pas uniforme subjectivement.… À la moindre expérience nous reconnaîtrons que la perception du son n’est pas une simple sommation, les vibrations ne peuvent avoir un rôle identique puisqu’elles n’ont pas la même place… ».
59Ces remarques de Bachelard sont la preuve d’une écoute fine du son (entendu dans ses variations perpétuelles de rythmes et d’intensités), de la part d’un musicien qui, de toute évidence, entend la musique, en sa matérialité, mais aussi l’espace qui sépare les sons des silences et tisse les relations entre les hommes. Du « corps du son » au corps humain il n’y a qu’un pas que Bachelard franchit, en nous invitant à « vivre verticalement »120, dans un temps poétique et musical qui est pour l’homme un vrai refuge. Car « … toute valorisation est verticalisation… »121 et l’homme en tant que « somme intégrale de rythmes »122, « ne peut vivre horizontalement ». Et il nous engage à « éprouver le caractère tonique des espérances » car « si le tonus augmente… aussitôt, l’homme se redresse »123.
60L’imagination dynamique est un amplificateur psychique qui nous fait mesurer l’importance de « l’attitude et de la stature, du courage de vivre contre la pesanteur, de vivre « verticalement », sans penser au passé douloureux ni à l’avenir incertain. Telle est selon lui la plus grande responsabilité humaine « la responsabilité de notre verticalité »124. Nous avons à « composer » de la musique pour survivre, car « pour penser, pour sentir, pour vivre, nous dit Bachelard il faut mettre de l’ordre dans nos actions, en agglomérant des instants dans la fidélité des rythmes, en unissant des raisons pour faire une conviction vitale »125.
61Ce sont ces « gerbes d’instants »126 qui donnent valeur humaine aux actes d’après Bachelard pour qui « toute vie est un feu »127 et tout être, une flamme, à la « verticalité habitée »128, un « élan sur-vital »129 dont tout l’art consiste à savoir toujours prendre un nouvel élan pour sauter « au-delà de soi-même », « au-delà de sa pointe »130.
62L’on perçoit ici tout ce que la théorie de la primauté du timbre sur les hauteurs a de profondément humain pour Bachelard qui voyait dans le rythme une promesse de libération inscrite dans le destin vertical de l’être humain, qui est d’être une « vie-flamme » à l’image de la vie elle-même comme l’a suggéré Nietzsche131. Ce philosophe a prôné une philosophie de la musique comprise comme une philosophie de la flamme-vie par Bachelard pour qui l’être humain n’était pas différent de la musique. En tant que puissance de liaison et de disjonction, de construction et de dissolution, il se percevait comme une puissance de transformation qui se consume et se renouvelle sans cesse. Cette façon d’envisager l’homme et le monde comme incarnation de la musique était aussi celle de Schopenhauer qui voyait dans la « mondanité » du son le fruit d’une dilatation et d’une amplification vouée à se résorber en un accord musical.
63Ainsi, selon Bachelard, le mouvement est une aide pour l’homme qui peut, en redonnant vie aux images, non seulement éprouver en lui une certaine cosmicité mais faire à travers elle l’expérience intérieure de son unicité et de sa verticalité. À la suite de Robert Desoille qui se servait de cette dynamique des images comme technique médicale psychiatrique132, Bachelard considérait que monter ou descendre étaient pour l’homme des mouvements fondamentaux, des valeurs vitales associées à l’expression de la vie : « Descendre, c’est aussi descendre en nous-même »133 car nous sommes, explique Bachelard, « verticalité isomorphe aux images de la profondeur »134.
La dynamique des silences et des timbres
64De la notion de verticalité, Bachelard a déduit une « métaphysique instantanée »135 qui oblige à entendre au-delà du son, dans un silence habité et vivant, conçu comme une variation de la musique à l’instar de Debussy dont l’apport fut essentiel à ce sujet : « Je me suis servi d’un moyen qui me paraît assez rare, c’est-à-dire du silence (ne riez pas) comme un agent d’expression et peut être la seule façon de faire valoir l’émotion d’une phrase » écrit-il dans une lettre au compositeur Ernest Chausson (1855-1899)136 à propos de son opéra Pelleas et Mélisande qui a inspiré à Bachelard ce postulat fondamental : « Pas de grande poésie sans silence »137.
65Debussy est avec Webern (1883-1945)138, l’un des premiers compositeurs ayant su « faire silence » avec tout un orchestre, incitant d’autres musiciens après lui139 (parmi lesquels les tenants de la « musique spectrale »)140 à rendre compte des « mille rythmes » qui bruissent dans le son et l’animent d’une vie incessante. Proche en cela de la matière vivante qu’étudie le micro-physicien, le son a été conçu comme un être vivant par G. Bachelard pour qui la musique résulte avant tout de l’acte de vivre. Son approche de la musique comme « prolifération d’instants », vécue dans le flux de son jaillissement et dans son perpétuel renouvellement, s’adresse aux forces motrices du corps propre. Ce faisant, il en appelle à une autre philosophie, une philosophie de l’acte141 qui procède d’une « décision instantanée »142 et nous ramène à l’expérience : « nous devons apprécier l’existence en termes d’expérience »143, affirme-t-il : « … Nous trouvons plus prudent de ne postuler que des objets actuels, c’est-à-dire des objets saisis dans leur acte, comme actes, comme expérience »144. Car « on n’est jamais sûr en microphysique d’expérimenter sur un élément isolé… l’individualité désignée par la localisation… est précisément ce qui est en question présentement… »145.
66Le même problème se pose au musicien pour qui la musique est un monde mouvant, en perpétuelle activité (et non pas un univers figé sur du papier). Il lui est donc impossible d’en rendre compte en la fixant pour toujours dans un schéma ou une forme qui n’existe finalement que vécue par un auditeur. Inanalysable avec les concepts classiques de l’espace et du temps statiques, la musique est de l’ordre de l’expérience, de l’intuition immédiate. Or, affirme G. Bachelard, « une intuition ne se prouve pas, elle s’expérimente »146. C’est pourquoi la musique, qui relève de la vie, comme la matière, ne doit pas être considérée comme une substance solide : « On ne veut pas prendre le tremblement, l’ondulation comme des touts, comme des synthèses chose-mouvement. On veut analyser… ces éléments complexes qui sont inanalysables expérimentalement »147. Immatérielle, elle se définit comme une énergie en mouvement qui n’existe que dans l’acte d’écoute et de jeu instrumental ou vocal. À vouloir l’enfermer dans des schémas, on en perd toute la subtilité tant il est vrai que : « Enfermer le réel c’est le stabiliser »148, d’après Bachelard, c’est « en entraver les émanations, les pertes subtiles, en le fixant solidement dans l’espace »149.
67Ces propos font écho à ceux d’un autre philosophe-musicien, compositeur à ses heures150, conscient lui aussi de l’absurdité de vouloir fixer la musique dans des formes alors qu’elle relève entièrement du mouvement : « Nous ne sommes pas assez subtils pour percevoir l’écoulement probablement absolu du devenir », affirmait déjà Nietzsche et nous imposons « la forme parce que nous ne saisissons pas la subtilité d’un mouvement absolu… et c’est en quoi consiste l’erreur : nous admettons l’identité et la permanence parce que nous ne pouvons voir que le permanent »151. Celui-ci n’existe que pour nos organes grossiers, « qui ramènent les choses à des plans communs, alors que rien n’existe sous cette forme » dans la vie qui se renouvelle sans cesse. Nous décelons dans ces propos que G. Bachelard n’aurait pas désavoués, l’une des raisons pour laquelle celui-ci a peu parlé de musique dans ses écrits : car comment dire le « devenir » au moyen du langage ? D’après Nietzsche, « les moyens du langage sont inutilisables pour dire le « devenir » et il appartient à notre indissociable besoin de conservation de poser un monde plus grossier d’être durables, de « choses »152. C’est pourquoi Nietzsche a opté secrètement pour l’art plutôt que pour la philosophie153 : « Seule vie possible : dans l’art. Autrement, on se détourne de la vie »154.
68L’hypothèse que je formule, à la suite de ces arguments, est que Bachelard a éprouvé au plus haut point cette difficulté qu’il y a à parler d’un art qui est la vie même et a préféré y renoncer au profit de l’évocation. Par sa sensibilité à la dimension sonore du langage, il a su créer dans sa poésie, à l’instar de Debussy, « un art libre, jaillissant » et « à la mesure des éléments ». Mais le silence fut pour lui un autre puissant moyen d’expression de la « musique » comprise comme « une musique qui creuse le ciel » à l’instar de Baudelaire, et qui est formée par l’ensemble des sons et des silences à l’œuvre dans le flux musical, entendu d’abord en imagination.
69La découverte d’un espace intermédiaire entre le poème et sa réalisation (l’interprétation) est créateur d’une temporalité singulière chez le lecteur, amené ainsi à éprouver son unicité dans le libre exercice de son activité propre, éveillée par l’émergence d’une image, entre son et silence. Bachelard a montré que l’unité d’un sujet ne peut se saisir que dans l’unicité d’une action comprise comme un élan, un « vouloir vivre » pour reprendre les termes de Schopenhauer155. Mais cette « action » dont le philosophe allemand avait également établi l’existence, est-elle de même nature que l’activité déployée entre l’agir et le non-agir et qui précède l’acte artistique ou musical ? C’est ce que nous aurons à préciser dans les prochains chapitres.
Notes de bas de page
1 C. Debussy, Interviews, « La pensée d’un grand musicien » Excelsior, 18 janvier 1911, in Monsieur Croche et autres écrits, op. cit. p. 296.
2 R. Maria Rilke, « À la musique », Poèmes épars, 1907-1926, choisis et traduits par Philippe Jacottet, in Rainer Maria Rilke, Œuvres 2 Poésie, édition établie par Paul de Man, Seuil, 1972 [1929], p. 435.
3 II, p. 104.
4 AS, p. 152.
5 cf. les travaux de Francesco Spampinato sur ce sujet et notamment : « Principi construttivi e dinamiche tensive in Jeux de vagues de Debussy, dans Quaderni di studi semiotici maggio-dicembre 2004, Bompiani, p. 15-38.
6 « L’eau est aussi un modèle de calme et de silence. L’eau dormante et silencieuse met dans les paysages, comme le dit Claudel, « des lacs de chant ». Près d’elle la gravité poétique s’approfondit. L’eau vit comme un grand silence matérialisé. C’est auprès de la fontaine de Mélisande que Pelléas murmure : « Il y a toujours un silence extraordinaire… On entendrait dormir l’eau » (acte I). ER, p. 258.
7 Bachelard se réfère notamment aux Poèmes élégiaques, Œuvres, I, p. 121 à propos des images du labyrinthe et du serpent que le poète unit dans ses œuvres in TRR, p. 285.
8 L’article de L. Tailhade, paru au mois de juin 1892 intitulé « Quand les violons sont partis » par Édouard Dubus, fait allusion à la musique de Debussy : « En ce temps de banquisme, de niaiserie et de stupéfiante ignorance ; en ce temps où le grouin du public s’oriente vers les boniments péladasinesques, la peinture d’Henri des Groux et la musique d’Achille de Bussy… ». Debussy lui répond (preuve qu’il était un lecteur de cette revue ésotérique où l’on peut trouver des articles sur Joséphin Péladan 1859-1918, un écrivain occultiste fondateur de l’Ordre kabbalistique de la Rose-Croix en 1888 avec Stanislas de Guaïta, cité par Bachelard dans Le droit de Rêver) : « Monsieur, Lisant par hasard un numéro de L’Initiation, juin 1892, à propos d’un livre de E. Dubus, je trouve mon nom cité. Permettez-moi de l’étonner de cette citation, et, encore que vous parliez de moi sans probablement connaître de ma musique, j’ai publié d’ailleurs trop peu de choses, et trop peu fait parler de moi, pour que puisse s’orienter le plus humble des groins. Vous choisissez mal vos noms, n’étant justement connu que par de rares personnes, parmi lesquelles, je crois, vous comptez des amis. J’ai trop de plaisir à avoir pour vous une grande admiration ». Lettre datée du dimanche 19 juin 1892, in L’initiation, no du 3 juillet 1892, p. 95-96.
9 « Pater a écrit que tous les arts aspirent à la condition de la musique, peut-être parce-qu’en musique, le fond est la forme », J. L. Borges, in préface à L’Autre, le Même, in O. C, La Pléiade, Gallimard, 1974, T. II, p. 67.
10 G. Bachelard, in II, p. 68.
11 A. Schaeffner, Origine des instruments de musique éditions de l’EHESS, 1968 pp. 14-15.
12 M. Eboué, Les peuples de l’Ougbanghi-Chari, p. 80, cité par A. Shaeffner, Origine des instruments de musique, op. cit. en note de la p. 24.
13 A. Schaeffner, in op. cit. p. 24.
14 Cf. chapitre I de ce livre.
15 A. Schaeffner, in op. cit., p. 9.
16 Ibid.
17 cf. le manifeste futuriste L’art des bruits, publié par Luigi Russolo en 1913.
18 Ibid.
19 Alain, Système des beaux-arts, Paris, NRF, liv. IV, ch. V.
20 A. Schaeffner, in op. cit., p. 10.
21 Ibid.
22 in op. cit. p. 30.
23 Cf. le chapitre VI de ce livre.
24 A. Schaeffner, in op. cit. pp. 14-15.
25 G. Bachelard, AS, p. 77.
26 Ibid.
27 A. Schaeffner, op. cit. p. 11.
28 TRV, p. 169.
29 G. Bachelard in op. cit. p. 162.
30 A. Schaeffner, op. cit. p. 11. C’est moi qui souligne.
31 C. Debussy, « la musique d’aujourd’hui et celle de demain, Monsieur Croche et autres écrits, Gallimard, 1971, p. 281. C’est moi qui souligne.
32 C. Debussy, « L’orientation musicale » in op. cit. p. 66.
33 « … où, fût-on génial comme Bach, doué comme Chopin, il faut subir le même règlement » C. Debussy, « Du respect dans l’art », in op. cit., p. 212.
34 C. Debussy, « Considérations sur le Prix de Rome au point de vue musical », in op. cit., p. 171.
35 L’on retrouve chez ses « fils spirituels » la même conception : ainsi, Manuel de Falla (1876-1946) a affirmé dans ses écrits que « pour le cœur du musicien, la musique est contenue en toute chose : dans l’apparence des gens comme dans la cadence de leurs paroles, dans la couleur du fleuve et dans le profil des montagnes d’un paysage ». M. de Falla, « Déclarations publiées dans Sinfonía y ballet d’Adolfo Salazar, Madrid, mars 1929 », in Écrits sur la musique et les musiciens, Paris, Actes Sud, 1992, p. 195. Pour Maurice Ohana (1913-1991), la musique « parle de la création du monde, des origines de l’espèce, de ce que Debussy appelle « l’histoire du monde racontée par le vent… ». M. Ohana, « Anonyme du XXe » dans Avant-Scène Opéra Hors-série no 3 p. 7.
36 M. Ohana, in T’harân-Ngô, Conversation avec M. Ohana et Alain Grunenwald, Arfuyen II, Avignon, 1975, p. 59. Né à Casablanca en 1913 et mort à Paris en 1992, ce compositeur se réclamait de Claude Debussy et de Manuel de Falla dont il se disait l’héritier spirituel.
37 ER, p. 22.
38 Ainsi, c’est l’eau qui a appris « aux oiseaux et aux hommes à chanter, à parler » dit-il au début de ER, p. 22. Le passage est le suivant : « prouver que les voix de l’eau sont à peine métaphoriques, que le langage des eaux est une réalité poétique directe… que les eaux bruissantes apprennent aux oiseaux et aux hommes à chanter, à parler, à redire, et qu’il y a en somme continuité entre la parole de l’eau et la parole humaine. Inversement, nous insisterons sur le fait trop peu remarqué qu’organiquement, le langage humain a une liquidité, un débit… une eau dans les consonnes. Nous montrerons que cette liquidité donne une excitation… qui déjà appelle les images de l’eau ». Nous étudierons au chapitre V l’importance de ces images de vol et de chant d’oiseaux chez Bachelard et dans l’idée qu’il se faisait de la musique.
39 F. Spampinato, op. cit. p. 20.
40 in « La musique d’aujourd’hui et celle de demain », Comoedia, 4 novembre 1909, in Monsieur Croche, op. cit., p. 281.
41 La notion de corps propre a été développée en particulier dans la phénoménologie par Maurice Merleau-Ponty. Le corps propre est mon propre corps, celui que je perçois du dedans et qui m’est invisible. Il se distingue du « corps-objet », visible, d’autrui.
42 Nina Gubitsch, Ricardo Viñes à travers son journal et sa correspondance, thèse de doctorat, 1977, T. I, p. 337.
43 AS, p. 52.
44 C. Debussy, « Pourquoi j’ai écrit Pelléas », in Monsieur Croche, op. cit. p. 61.
45 Moussorgski s’est donné pour but historique de créer « … une mélodie qui serait la vie même » et non une mélodie classique. Je travaille sur la façon dont les gens parlent et j’en suis arrivé à une mélodie créée directement par ce parler… Ce travail me procure une grande joie. Et si l’on entendait un chant tout à fait inattendu, opposé à la mélodie classique que les gens aiment tant, mais qui serait pourtant accessible à tout un chacun ? Si j’y parviens, j’estime que ce sera une conquête dans le domaine de l’art et il faut que j’y parvienne ». Lettre de Moussorgski à Vladimir Stassov, le 25. XII. 1876, op. cit. p. 425. Moussorgski, M., Correspondance, traduite, présentée et annotée par Francis Bayer et Nicolas Zourabichvili, Fayard, 2001.
46 Cf. son article sur Les Enfantines de Moussorgski, La Revue Blanche, 15 avril 1901, Monsieur Croche, op. cit. p. 23. À propos des deux compositeurs, Jean Barraqué écrit : « C’est par une même façon de ressentir le monde harmonique que Moussorgski et Debussy sont intimement liés. Cette conformation identique du sens auditif les a conduits à des rencontres… » dans Debussy, Paris, Le Seuil, 1962, p. 31.
47 C. Debussy, « La musique en plein air », in op. cit. p. 45.
48 Ibid.
49 C. Debussy, « Considérations sur la musique en plein air », op. cit., 75.
50 C. Debussy, « Déclarations à un journaliste autrichien », décembre 1910, in op. cit. p. 289.
51 Baudelaire, L’art romantique, X, cité par Bachelard dans La poétique de l’espace, p. 177. On trouvera également ce texte dans Baudelaire critique d’art, suivi de Critique musicale, édition établie par Claude Pichois et présentée par Claire Brunet, Paris, Gallimard, 1976, p. 439-475.
52 « Dans le désert caché que nous portons en nous », écrit H. Bosco dans L’antiquaire, auquel fait écho cet aveu « En moi s’étendait le vide et j’étais le désert dans le désert », p. 228 cité par G. Bachelard en note de PE, p. 186.
53 PE, p. 177.
54 AS, p. 63.
55 Bachelard, à propos de la poésie de Shelley, in op. cit. p. 61.
56 Ibid.
57 op. cit. p. 54.
58 op. cit. p. 62
59 Le passage est le suivant : « Écoutez comme chaque pause est remplie de sons-notes tous clairs et argentins, acérés comme la glace, qui réveillent, qui percent le sens et vivent dans l’âme comme les étoiles effilées percent l’air de cristal de l’hiver et se mirent dans la mer », ibid.
60 Ibid.
61 PE op. cit. p. 55.
62 Ibid.
63 PE, p. 27.
64 Ibid.
65 « Tu vois ici mon fils, le temps se transforme en espace » Gurnemanz, Parsifal, acte I.
66 Schopenhauer, Le monde comme volonté et représentation, Quadrige PUF, 1966, p. 330.
67 « La profondeur est un acte de naissance psychique, à côté de la naissance corporelle Oswald Spengler, Le déclin de l’Occident, Paris, NRF Gallimard, 1948, T. I, p. 172.
68 À propos de l’écriture de Lautréamont, Bachelard cite le critique littéraire Gil Robin pour vérifier avec lui que « À aucun moment on ne sent cette fatigue intellectuelle, cette fatigue du verbe… qui ramènent dans certains styles des termes favoris, des assonances familières. Alors, la mélodie verbale manque de profondeur. Lautréamont est « sonore et symphonique à la manière de Berlioz », L, p. 87.
69 PR, p. 5.
70 Ibid.
71 PR, p. 7.
72 PE, p. 177. Le texte original de Liszt dit : « Cette introduction renferme et révèle l’élément mystique, toujours présent, toujours caché dans la pièce… C’est au commencement une large nappe dormante de mélodie, un éther vaporeux qui s’étend… le vif étincellement, amené par degrés à cette intensité de rayonnement solaire, s’éteint avec rapidité comme une lueur céleste. La transparente vapeur des nuées se referme, la vision disparaît peu à peu… ».
73 Adorno, Essai sur Wagner, Paris Gallimard, 1966, p. 81.
74 PE, p. 177.
75 AS, p. 30.
76 AS, p. 282. C’est moi qui souligne.
77 G. Bachelard, AS, p. 254. Ainsi, G. Bachelard conseille de « vivre comme un arbre » en donnant « au psychisme aérien de l’arbre le souci complémentaire de ses racines » Bachelard, G., in TRR, p. 299.
78 Pour Manuel de Falla, le rythme est l’élément premier de la musique nouvelle créée par Debussy : « « L’esprit nouveau réside… dans les trois éléments fondamentaux de la musique : le rythme, la modalité et les formes mélodiques au service de l’évocation », in « Introduction à la musique nouvelle », Madrid, 1916, Écrits sur la musique et les musiciens, Arles, Actes Sud, p. 67.
79 Le Courrier musical du 1er janvier 1910) cité par G. Bachelard dans La dialectique de la durée p. 116.
80 DD, p. 116.
81 t. 1, p. 253, cité par G. Bachelard in op. cit. p. 117.
82 Bachelard, op. cit. p. 118.
83 M. Emmanuel, La danse grecque antique d’après les monuments figurés, 1896, Genève-Paris, Slatkine, Reprints, 1984.
84 G. Bachelard met cette référence en note de la p. 146 de DD : Romain Rolland, La vie de Ramakrishna, p. 295.
85 Bachelard, op. cit. p. 146-147.
86 A. Schaeffner, op. cit. p. 14-15.
87 « Panzera, le chanteur sensible à la poésie, me disait un jour qu’aux dires de psychologues expérimentaux, on ne peut penser la voyelle « a » sans que s’innervent les cordes vocales… » PE, 177.
88 Le géno-chant est produit « du dedans de la langue et dans sa matérialité même alors que le phéno-chant correspond à « tout ce qui, dans l’exécution, est au service de la communication, de la représentation, de l’expression », R. Barthes, L’obvie et l’obtus, Essais critiques III, Paris, Seuil, 1982, p. 239.
89 Ibid.
90 AS. p. 276.
91 Ibid.
92 AS. p. 276.
93 G. Bachelard, DD, p. 124.
94 Ibid.
95 II, p. 71.
96 Iannis Xenakis, Arts/sciences/alliages, Paris, Castermann, 1979, p. 104.
97 PE, p. 27.
98 Dans l’opus 10 (1911) le compositeur autrichien Anton Webern (1883-1945) a fait notamment une démonstration magistrale de ce concept. Ici, tous les enchaînements harmoniques sont réglés en fonction de ces harmonies de timbres que Webern appelle klangfarbenmelodie. « C’est bien le seul Debussy que l’on puisse rapprocher de Webern dans une même tendance à détruire l’organisation formelle pré-existante à l’œuvre, dans un même recours à la beauté du son par lui-même… », écrit Pierre Boulez, cité par Jean Barraqué dans Debussy, Paris, Seuil, 1962, p. 7.
99 Un son de fréquence N peut toujours se décomposer en une somme de grandeurs périodiques dont les fréquences sont 2N, 3N, etc. c’est-à-dire les multiples entiers de la fréquence de base N, ordonnées en progression arithmétique.
100 J-Ph Rameau (1683-1764), fut le premier à invoquer dans son traité d’harmonie (1732) la série des harmoniques pour justifier « scientifiquement » l’accord parfait. Il a été précédé de J. Sauveur qui en donne déjà une explication en 1701.
101 Le son est le produit de vibrations perçues par l’oreille. La vitesse des vibrations en détermine la hauteur (plus ces vibrations sont rapides et plus le son est aigu), leur amplitude, l’intensité. N’importe quel son émis par un instrument ou par la voix humaine, loin d’être une note isolée, est en réalité un concert, ou un chœur d’harmoniques qui s’élèvent à partir du son fondamental, dans une intensité décroissante. Le timbre peut être défini comme la résultante de toutes ces vibrations (qui ne sont pas toutes en accord) et du nombre des harmoniques. Ainsi, les notes correspondent à des nombres de vibrations qui sont deux, trois, quatre, cinq, etc. fois plus élevés que celui du son fondamental. Tous les corps sonores n’ont pas la même puissance de vibration et de cette différence est issu le timbre, constitué dans son essence même comme un rythme.
102 La modulation correspond en musique au changement de tonalité : celle-ci est déterminée par un changement de tonique ou note fondamentale d’un ton donné : par exemple, lorsqu’on passe passer de Do majeur à Fa majeur (ou mineur), il y a modulation, le FA devenant à son tour la tonique du nouveau ton.
103 Par exemple chez Mozart, Chopin ou Verdi, pour ne citer que ces trois noms. Ainsi, dans leurs œuvres, on pourra observer qu’un accord de dominante (signe de tension dans le système tonal) coïncidera avec une intensité maximale (double forte) sur un premier temps d’une mesure (dit « temps fort » et se trouve généralement doté d’une durée longue. Il nous faudra ainsi considérer « le tout » pour évaluer la force de la tension créée par le compositeur (et ne pas isoler simplement l’accord de dominante ou le double forte, etc.).
104 Depuis J-Ph Rameau entre autre, qui a théorisé le système tonal à partir de la réalité acoustique du son dans son Traité d’harmonie (1732).
105 « As time passes » (« Comme le temps passe »). Ecrit en septembre-octobre 1956, cet article se réfère tout particulièrement aux œuvres suivantes : Zeitmasse, Gruppen et le Klavierstücke XI. Il a été publié en anglais dans Die Reihe no 3.
106 Cette théorie de Stockhausen a trouvé dans la « musique spectrale » (dont Gérard Griset est l’un des représentants) son point d’aboutissement.
107 Cf. Gruppen (1955-57) pour trois orchestres prévus pour représenter les trois couches de temps, ou encore les Klavierstücke (composés à partir de 1952) pour piano sont l’illustration de cette théorie.
108 AS, p. 77.
109 cf. les travaux de Pierre Sauvanet : Le rythme et la raison, Tome II, Rythmanalyses, éd. Kimé, 2000 ; et aussi Rythmes et philosophie, sous la dir de Pierre Sauvanet et Jean-Jacques Wunenburger, journées d’études organisées par le groupe « Rythmes et philosophie », Dijon, Université de Bourgogne, éd. Kimé, 1996.
110 DD, p. 148.
111 II p. 86.
112 op. cit. p. 130.
113 Ibid.
114 Ibid.
115 II, p. 224.
116 II, p. 88.
117 Op. cit. p. 39.
118 Ibid.
119 Né en 1884, G. Bachelard fut veuf en 1920.
120 AS, p. 18.
121 Ibid.
122 II, p. 71.
123 Ibid.
124 In op. cit. p. 45.
125 Ibid.
126 FC, p. 91.
127 FC, p. 65.
128 FC, p. 58.
129 Ibid.
130 FC, p. 67. « L’art de sauter au-delà de soi-même est partout l’acte le plus haut, écrit Nietzsche cité par Bachelard. Il est le point d’origine de la vie. À flamme n’est rien d’autre qu’un acte de ce genre. Ainsi la philosophie commence là où le philosophant se philosophise lui-même, c’est-à-dire se consume et se renouvelle » in Poésies, trad. Albert à la suite d’Ecce Homo, p. 222.
131 Dans FC, p. 66 (note 2). G. Bachelard cite ces vers extraits d’Ecce Homo (p. 222) : « La vie s’est créée ellemême/Son suprême obstacle./Maintenant elle saute par-dessus sa propre pensées/ » écrit Nietzsche dans Poésies trad. Albert, cité par Bachelard dans FC, p. 66 (note 2).
132 R. Desoille, Le Rêve éveillé et la Psychothérapie, éd. d’Artrey, Paris, 1938. Le chapitre IV de l’AS lui est consacré.
133 TRR, p. 124.
134 TRR, p. 260.
135 « Instant poétique et instant métaphysique » Tel est le titre d’un texte publié en 1939 dans le numéro 2 de la revue Messages : « Métaphysique et Poésie », inséré dans l’édition stock de L’intuition de l’instant, op. cit. p. 103-109.
136 Au début septembre 1891, à propos de son opéra dont il vient de terminer la quatrième partie (cité dans J. Barraqué, op. cit. p. 117-118.
137 Debussy, in Monsieur Croche, op. cit. p. 258.
138 Nombreux sont les musiciens au XXe qui ont su exploiter musicalement la valeur musicale du silence, (devancés en cela par Beethoven) parmi lesquels Erik Satie (1866-1925), Federico Mompou (1893-1987) Auteur de cahiers pour le piano intitulés « musica callada », en hommage à Saint-Jean de la Croix ou encore Maurice Ohana (1913-1991), auteur d’une sorte d’étude sur le silence intitulée Silenciaire (1969) jouée par un orchestre constitué principalement de percussions et de cordes. Citons aussi les Klavierstüke no 9 et 10 de Stockhausen.
139 Ainsi Stockhausen, nous invite à « vivre une diversité aussi générale dans le silence que dans le son (à propos des Klavierstüke no 9 et 10), tandis que M. Ohana est l’auteur d’une œuvre reposant sur ces mêmes principes : Silenciaire pour percussions et cordes (1969).
140 Ce courant musical est représenté entre autres par Gérard Griset (1946-1998) dont les recherches ont portées essentiellement sur l’espace et la relation entre les sons : « Je considère comme essentiel, pour le compositeur, d’agir, non sur le seul matériau, mais sur l’espace, sur la "défense" qui sépare les sons ». Il est l’auteur, entre autres de : Vagues, chemins, le souffle, pour clarinette et deux orchestres (1972), D’Eau et de pierre pour deux groupes instrumentaux (1972), et Partiels, pour seize ou dix-huit musiciens, (1975).
141 II, Stock, Paris, 1931, p. 21.
142 Ibid.
143 Bachelard, EEPC, p. 34.
144 Ibid.
145 Op. cit. p. 32.
146 II, p. 8.
147 EEPC, p. 9.
148 EEPC, p. 11.
149 Ibid.
150 Cf. le pianiste Alain Kremski a enregistré les musiques pour piano de Nietzsche en 2006. Production Archange Melody, A. M. 111.
151 F. Nietzsche, La volonté de puissance, I, livre II, § 299, Paris, Gallimard, 1995, p. 290.
152 F. Nietzsche op. cit. I, livre II, § 58 p 218-19.
153 « Pour vivre, nous avons besoin de l’art à tout instant ». F. Nietzsche, Puiss, II, IV, § 175, p. 272 : « …je donne raison aux artistes plutôt qu’aux philosophes du passé : ils n’ont pas perdu de vue la grande voie sur laquelle s’avance la vie » F. Nietzsche, in La volonté de puissance, op. cit. II, livre IV, § 591, p. 381.
154 F. Nietzsche, La naissance de la tragédie, Paris, Gallimard, 1986, p. 231.
155 « Une action, nous dit Bachelard, n’est pas toujours positive. Et il cite en exemple l’échec en soi. Or, chez Schopenhauer, « la volonté y est toujours positive, le vouloir vivre, comme chez Schopenhauer est bien permanent. C’est vraiment un élan. L’être veut créer du mouvement. Il ne veut pas créer du repos » in DD, p. 21.
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