1. Le texte dans la modernité. Les éditions depuis Brunck
p. 7-42
Texte intégral
Constances de la vulgate avant et après la lecture du Laurentianus L
1Le manuscrit L, utilisé pour les scholies par Lascaris en 15181, n’a pas été beaucoup lu par les éditeurs de Sophocle à la suite de l’Aldine2, ni par Turnèbe, ni par ses successeurs, adoptant son texte comme une vulgate, ni par Brunck, revenant à la tradition de l’Aldine3. L’était en effet inconnu. Ses leçons ont été réintroduites dans la discussion savante par Elmsley, qui s’est rendu à Florence pour relire les scholies et confronter l’édition de Rome avec son modèle. Porson avait souhaité faire le voyage pour collationner L. Le Chancelier de l’Université lui en a refusé l’autorisation : « Mr. Porson can collate the MS at home »4.
2L’homogénéité de la tradition manuscrite de Sophocle se montre dans l’influence réduite qu’en dépit de la qualité vite reconnue du manuscrit, la collation de L a exercée, après 1825, sur la discussion savante. L’information venait s’ajouter en réalité à une vulgate bien établie. Le nombre de lectures nouvelles et de modifications importantes est resté limité. Lorsque la supériorité de L fut établie, on a pu s’en tenir, comme auparavant, à la vulgate de Brunck.
3Recopiant les scholies, Elmsley constate que l’édition de Lascaris, qu’on avait utilisée jusqu’à Brunck (1786) et jusqu’à lui, avant la publication de sa collation par Gaisford (1825) et avant la nouvel collation de Dübner chez Dindorf (1852), repose sur] Laurentianus L5.
Les deux textes, l’Aldine et Turnèbe
4L’Aldine de 1502 avait créé une vulgate, une première ; elle a été relayée plus tard par celle de l’édition de Turnèbe de 15526. Avec la seconde, on lisait un texte tributaire de la recension de Triclinius ; celui de l’Aldine répondait de près à notre manuscrit A, utilisé et préféré par Brunck, qui détrôna la seconde. A partir de lui le mot de vulgat désigne le plus souvent dans les discussions, la tradition du Parisinu A et de l’Aldine, qu’on oppose à Triclinius7.
5D’après les précisions apportées par J. Irigoin8, s’appuyant sur des études de W. Beneševič (1926) et B.L. Fonkitch (1964), l’édition de Venise n’aurait pas principalement été faite, comme l’a soutenu Turyn contre Beneševič9, sur le Vindobonensis phil. gr. 48 (Y) mais pour la triade dite byzantine, sur un autre manuscrit, également proche de A, de Leningrad (grec 731 de la bibliothèque Saltykov-Sčedrine qui porte les traces de cette utilisation10 ; le texte imprimé a été corrige d’après un autre manuscrit, comportant les sept tragédies, à savoir le manuscrit de Vienne, qui ne porte pas de signes de la préparation. Les corrections faites sur le manuscrit qui a servi pour l’édition concordent avec les leçons du Vindobonensis et le texte de l’Aldine.
6Entre l’Aldine (1502) et Turnèbe (1552), on a la première juntin (Florence, 1522), les éditions de Simon de Colines (Colinaeus, Paris 1528), de Kämmerer (Camerarius, Haguenau, 1534), de Brubach (Francfort, 1544), la deuxième Juntine de Vettori (Victorinus, Florence, 1547)11. C’est la première vulgate (du Parisinus).
7Le texte de l’édition de Turnèbe, basée sur la recension de Triclinius12, a été reproduit ensuite dans les éditions du XVIème13 jusqu’au XVIIIème siècle. Brunck est revenu à celui de l’Aldine, reconnaissant et défendant sa supériorité. Il pensait en plus que Turnèbe n’avait même pas eu accès au Parisinus T. Il y eut des contacts ou « contaminations » entre les deux vulgates, avant Brunck (voir les notes ajoutées par Johnson, 1746), et des critiques de Turnèbe-Triclinius qui ont précédé la sienne (implicites chez Reiske, dans ses Animadversiones de 1753, plus explicites dans les Notes de Heath, 1762)14.
8Dans les premières décennies du XIXème siècle, les auteurs, classant les manuscrits, en retiennent quatre comme modèles de tous les autres : L, A, le Parisinus B15 et T16 ; ils représentent deux traditions, les deux premiers l’Aldine, les deux autres, la triclinienne17. On discute de leur relation. Certains, comme Burges, que résume Blaydes, sont allés jusqu’à considérer l’accord de la Souda et d’Eustathe avec la première (L, A) comme un indice en faveur de la plus grande ancienneté du texte de Turnèbe (B, T). Les citateurs byzantins lui servent simplement à fixer une date ; en fait la dépendance repose, qu’il y ait accord ou non entre l’Aldine et les Byzantins, sur l’appréciation des divergences dans T, qui paraissaient à Burges souvent supérieures, et plus proches de l’archétype commun18. Là où Elmsley avait, avec plus de jugement, reconnu une recension, à savoir le travail éditorial d’un critique, plus ancien que Triclinius (aussi ancien que le manuscrit qu’il utilise), un autre y trouvait les traces d’une tradition manuscrite, moins corrompue que l’autre, tellement l’opinion des philologues pouvait varier alors, autant qu’aujourd’hui, sur le caractère et la provenance des leçons ; les avantages reconnus aux leçons portaient, chez les uns et les autres, les traits de leur propre activité critique.
Brunck : au seuil de la modernité
9Le déplacement effectué par le retour à la tradition de l’Aldine était pour Brunck une affaire considérable. L’écart paraissait extrêmement important.
10L’édition de Turnèbe représente aux yeux de Brunck une autorité usurpée : les savants ont été obnubilés par le renom et l’érudition du critique, qui lui-même a été victime de l’autorité abusive de Triclinius, à laquelle il n’aurait pas même eu accès par une bonne source19. Estienne 1568) et (Canter (1593)20 ont eu le malheur de le suivre, et c’est Canter surtout qui est à l’origine de la version du texte de Sophocle qui s’est imposée dans les écoles et parmi les lettrés21.
11Les reproches que Brunck adresse à Turnèbe, quand même ils portent sur un choix critique, touchent le jugement et la constitution libre du texte, rationnelle ou psychologique. La tradition doit virtuellement contenir le vrai. Il faut d’abord le penser. Lorsqu’on ne le retrouve pas, le défaut sera dans la matière. Ainsi Antigone, v. 238 : Brunck ne comprend pas qu’on puisse préférer navra (Triclinius), avec Turnèbe, à πρῶτα, qui était mieux dit (Turnebus e Triclinio pessime) ; le primum était d’une bonne rhétorique ; il avait raison pour le choix de la leçon même si cette priorité est, en fait, dans le contexte, nécessaire pour distinguer la personne.
12Triclinius, et Turnèbe, après Brunck, restent décriés22, malgré les précisions apportées par Elmsley sur la tradition philologique qui avait précédé à Byzance. C’est la logique de l’amélioration, comme si Triclinius représentait à lui seul l’interpolation traquée, bien qu’en même temps on ne l’en juge pas capable.
13Aubreton note23 que Brunck anticipe, par certaines des conjectures qu’il adopte ou fait lui-même, les leçons de L ou de G, qu’il ne connaissait pas. Le cas peut être approfondi ; il montre que l’écart porte sur des divergences que la correction grammaticale ou stylistique pouvait redresser24, comme elle l’a fait dans les recensions byzantines.
14On appellera « ancien » ce qui précède, « récent » ce qui suit Brunck25. Celui-ci fait souvent des erreurs (multa... falsa), et donne beaucoup d’indications superflues ; pourtant Elmsley (à propos d’Oedipe à Colone) reproduit presque tout, parce qu’avec lui tout a changé. Il représente plus qu’il n’est lui-même. Ce sont les lumières, après Turnèbe, après l’obscurantisme triclinien, médiéval (post infelicem ilium Turnebi conatum). Brunck, c’est une vraie recensio, malgré les défauts ; il est le chef de file d’une science nouvelle26 qui repose sur le réexamen de la matière et le libre exercice des facultés de l’entendement ; c’est avec Brunck qu’on discute.
15Il faut dire que l’édition monumentale de Brunck a fourni la base de la discussion savante ; son premier mérite, quelles que fussent les faiblesses de jugement, est celui d’avoir orienté et comme par avance intégré une première fois, par la qualité des informations qu’elle réunissait commodément, un grand nombre des opinions que l’on discutera ultérieurement ; la détermination de certaines erreurs, qui resteront condamnées, en est le revers.
L’ouverture maîtrisée par la raison
16C’est en termes de conformité, principalement rhétorique ou stylistique, que l’on définit, avant Cobet et Lachmann, les critères d’appréciation de la valeur d’une leçon. Les listes que dressent Brunck, après Johnson, puis Erfurdt et Hermann, font l’inventaire des manuscrits et des impressi qu’ils ont pu se procurer ; à l’étendue des ressources répondent les possibilités de choix. La liberté du jugement exigeait une opération de tri. Le rationalisme était à la recherche d’un témoin de bonne foi, de la source la plus fiable. On découvrait ce qui convenait le mieux parce que cela se comprenait le mieux.
17C’est sous cette forme, soumise à la finalité d’une lisibilité classique, toujours meilleure, un premier éclectisme dont le second, post paléographique et conjectural de l’école anglaise des dernières décennies, s’appuyant sur la multiplicité des témoins pour asseoir plus librement le principe de normalité, restera tributaire. La discussion n’aura pas changé de nature. Les évaluations, liées à l’incertitude de l’information et à la variété des choix, ont largement favorisé le développement des conjectures. On répétait pour soi ce que l’on pratiquait sur la base de documents.
18Face à la vérité révélée de la tradition herméneutique préromantique, le critère de l’historicité se libère de l’autorité au profit du sens, qu’il soumet aux règles de l’entendement rationnel. A un troisième stade, l’absence ou le refus de toute tradition, fût-elle soumise à l’évaluation historique, aura érigé le principe antiautoritaire en méthode, et dressé l’éclectisme contre les significations originales, liées à une tradition et à la permanence d’un intérêt. Le point de vue, défendu dans ces pages, en faveur du sens, que Brunck avait intronisé contre l’autorité, s’en démarque dans le choix des critères. Les règles du déchiffrement ne sont pas préétablies, fixées par les lois de l’entendement ; la réévaluation des catégories de l’approche forme une partie intégrante du processus d’élucidation herméneutique.
La survivance de Triclinius, décrié et perpétué
19L’Aldine était pour Brunck simplement caractérisée par le défaut des traits qui déparaient la vulgate de Turnèbe ; la définition négative suffisait à la rapprocher du manuscrit A, au sein d’une tradition commune et autonome.
20En revenant à la tradition de l’Aldine, à savoir en délaissant la vulgate de Turnèbe, il a reconnu la prééminence des leçons qu’il lisait dans ses manuscrits de Paris (en premier lieu), qu’il a consultés avec plus ou moins de soin et de bonheur27. Elmsley, collationnant, plus d’une génération après lui, le Laurentianus L (qu’il appelle Laur. A., le distinguant du Laur. B.), même s’il établit une supériorité de L sur A, ne dissocie pas deux familles distinctes. Il les regroupe parce que leurs différences communes, par rapport à la vulgate de Turnèbe, l’emportaient sur les différences particulières. Les écarts notés par Elmsley par rapport à l’Aldine (Brunck) dans L ont été publiés par T. Gaisford en 182628. Dindorf a « presque entièrement adopté » cette lecture de L, retranchant une grande partie des autres manuscrits29 entre L et A.
21Le repli illustre l’autorité d’une tradition, en l’occurrence des impressi, influencés par Turnèbe, d’avant Brunck. Elle était ébranlée de fait, mais on la réintroduisait, en l’ébranlant, parce qu’on ne s’est pas séparé d’elle ; Turnèbe avait constitué la base, ce dont on s’était détaché. Les savants n’ont pas pris sur eux de partir à nouveaux frais. Dans l’aperçu des dix manuscrits utilisés par lui pour Oedipe à Colone, Elmsley sépare L, A, Zn, T, « qui ont été utilement exploités », des six autres, auxquels on renonce sans dommage (K, le Parisinus 288630, deux de la Riccardienne — 77 et un autre31 —, Zo, et Te)32. Il prend quatre d’entre eux (Zn, T, Zo et Te) pour un seul texte ; il y trouve, pour Oedipe à Colone, 120 leçons qui ne se lisent pas ailleurs. Ce sont des « conjectures ingénieuses », que Turnèbe a parfois recueillies ou données en marge. Les activités antérieures sont toujours cotées. « On se tromperait grandement en supposant que cette recension disposait de meilleures sources que L et A »33.
22Elmsley, contre Brunck, n’attribuait pas, comme Brunck l’avait fait, tous les écarts au travail de Triclinius. La comparaison avec le Par. B., rapproché de T, lui faisait penser qu’une activité scolaire était à l’origine de l’état du texte sur lequel Triclinius avait travaillé34. Toutes les interpolations ne sont pas de celui-ci. Certaines sont plus anciennes, dont les leçons qu’on lit dans Zn et que Triclinius a reprises. T porte donc les traces de deux interventions savantes successives35.
23Dindorf (1836) limite la recension triclinienne à T, Tb36 et au Parnesinus Te de Naples (vu par Elmsley) ; il est plus radical qu’Elmsley, précisant qu’une meilleure connaissance des manuscrits a montré par comparaison qu’un grand nombre des leçons attribuées par Brunck et d’autres à Triclinius ne sont pas de celui-ci, avant tout préoccupé de rétablir gauchement les responsiones37. Les interventions dans le texte ne sont pas de lui.
La connaissance des manuscrits en 1836
24Une liste des collations (dans beaucoup de cas plus précisément : des manuscrits utilisés dans les éditions) publiées depuis Brunck, est dressée, après celle d’Elmsley (1824)38, en 1836 par Dindorf dans ses Annotationes39. L’état40 est utile pour mesurer l’étendue des informations au cours des années 30 à 60, comme la liste de Campbell (2ème éd. 1879) l’est pour la fin du siècle, jusqu’à Pearson, témoignant des progrès accomplis entre-temps dans les collations.
Le primat de l’interprétation, rigoriste ou laxiste (Hermann, Blaydes)
25Les tentatives de totalisation qui, par la force des choses, font des philologues, avant l’organisation des universités du XIXème siècle, des collectionneurs, obligés de se procurer les objets du savoir, ou des administrateurs de collections existantes, se reflètent dans la disposition des livres, mais autant dans la représentation encyclopédique de la tradition savante au sujet d’un auteur. Les appréciations ne manquent pas, ni les filiations ; mais la tâche première était d’accéder à ce qu’on pouvait obtenir, et de rassembler. Le savoir est géré matériellement, une extension du patrimoine dans une continuité obligée. La critique avait pour condition l’appropriation des approches antérieures, une doxographie imposée, qui ne pouvait se perpétuer sous la même forme, et dont les éditions variorum offrent une image tout à fait adéquate. C’était vrai au XVIIème siècle et au XVIIIème siècle. La continuité de la référence commune explique pour une bonne part le maintien d’une tradition textuelle, avec Turnèbe. Lorsqu’avec l’édition de Brunck une nouvelle vulgate s’installe, on recommence sur le même mode, en plus concentré ; c’est une survivance, à usage différent. La vulgate réunit Brunck, Erfurdt, Schaefer, Hermann, Wunder, avec du Porson et de l’Elmsley, pour retenir en approuvant (et totaliser), mais aussi pour discuter et polémiquer, en excommuniant l’adversaire. La communauté d’esprit des savants est devenue plus fictive en se scolarisant.
26La professionnalisation progressive de la discipline suscitait un nouveau type de rivalité. Les opinions étaient exposées pour être appréciées et discutées par le maître qui approuve ou désapprouve, mais tranche (recte un tel, inepte un autre). En même temps la discussion renforce la cohérence d’une communauté qui se consolide grâce à l’âpreté apparente ou réelle de ses dissensions internes.
27De la même manière, les manuscrits et les éditions antérieures sont rassemblés sans exclusion, selon leur qualité, certes, mais avant tout pour les informations supplémentaires que l’on y trouve et que rationnellement on sélectionne, selon leur justesse, leur utilité ou leur convenance. La tradition nouvelle qui, au seuil de l’activité philologique, se constitue avec Brunck, comme avec Heyne pour Pindare, conserve l’aspect encyclopédique et crée les moyens de son dépassement. L’Aldine était plus satisfaisante. Blaydes est retardataire, en particulier face aux opinions dominantes sur le continent, lorsque en 1859 il s’interroge sur la valeur ou la supériorité de l’une ou l’autre des deux « traditions ».
28Hermann se situe par rapport aux opinions des philologues antérieurs. S’il reproduit une notice de Brunck ou d’un autre, sans la commenter, c’est qu’il l’accepte41. Il filtre. Hermann, d’une édition (1823) à l’autre (1833), disposait des leçons de L publiées entre-temps (pour Oedipe roi en 1821 par Elmsley, avant la liste des variantes données par Gaisford en 1825). Elles n’ont pas beaucoup modifié sa vue des choses. Il avait sans doute un parti pris, ne voulant pas trop rendre hommage aux amendements de la vulgate introduits par son grand rival42. Aussi les leçons de L, qu’il considère comme un manuscrit parmi d’autres, sont-elles souvent écartées, comme des variantes discutables ou inférieures43, alors que Dindorf, dès 1836, reproduit l’ensemble des leçons pour le seul manuscrit L44. Cependant, la part accordée dans son commentaire à la tradition manuscrite s’accroît manifestement, et prépare la transformation de l’activité interprétative dans les universités.
29Blaydes, qui n’est pas touché dans ses choix par les travaux de l’école critique45, compare, après le milieu du siècle, les vertus des deux vulgates, optant en définitive pour les modernes46 contre les défenseurs de Turnèbe47. L est intégré dans la tradition de A ; sans doute les corrections de A dans L y sont pour beaucoup48. Elmsley avait été sensible aux changements introduits secondairement par Triclinius ; Blaydes finit par le suivre, renversant l’argument (de Burges). Le texte, dans la Souda et Eustathe, qui ignorent Triclinius (T), démontre bien l’ancienneté de l’Aldine, sans diminuer le prestige de Triclinius, « du premier des éditeurs modernes » dont on sait, par son premier témoignage, « qu’il s’est servi de plusieurs textes anciens pour sa révision »49. L’ennemi de Brunck sert ainsi de modèle à l’école critique moderne.
30La particularité du « style » de Sophocle est indéniable. L’individualité fournit un argument décisif pour limiter l’activité conjecturale. Mais l’objection est écartée, chez les « probabilistes », par l’argument de la correction grammaticale et du jugement. Rien n’est obscur, ni « inexplicable ». Inimitable pour le sublime, l’auteur était en même temps commun et bas. En outre, le style est invoqué contre la singularité syntaxique de la phrase. Les critères qu’on applique pour la langue, dans sa généralité, on les reporte sans changement sur celle de l’auteur qui est, par les traits communs qu’extrapole la comparaison, appelé à s’interpréter lui-même, et à se « corriger » quand il est altéré50.
Le représentant exclusif de la tradition : le Laurentianus L (Cobet, Dindorf, Kaibel)
31Dans une tout autre direction, Cobet, avec les notes de son traité De arte interpretandi (1847), a cherché à accréditer contre les philologues que le débat des commentaires pouvait être singulièrement clarifié et allégé par une application stricte de l’art « critique ». Eschyle et Sophocle étaient connus par un seul très beau manuscrit51 ; tout le reste en dépendait, les divergences étaient soit des fautes, dues à l’ignorance des scribes, soit des interpolations. La plupart des discussions grammaticales étaient à ses yeux tranchées. Les variae lectiones pouvaient être écartées, c’étaient des fictions, comme le montrait à l’évidence leur diversité52. L’autre conclusion, non moins radicale, c’était que le texte de L, quand il était détérioré, devait être réparé par les nouveaux spécialistes du manuscrit. Le remède supposait qu’on se fût familiarisé avec les causes de l’accident — une forme de mécanique à la place de l’herméneutique. L’apparat d’Eschyle et de Sophocle devra être libéré des variantes qui n’en sont pas, pour ne plus tromper les usagers, et des fautes mêmes de L. La raison triomphera, grâce à l’établissement d’une vérité enfin objective (certa fides), soustraite aux appréciations fluctuantes.
32L’autorité fallacieuse doit être éliminée. Mais les critères ne sont-ils pas arbitraires ? Cobet réplique aux objecteurs que les pratiques existantes, en particulier dans les commentaires de la tragédie, ne sont pas moins fantaisistes (« interprétations nées dans la tête des éditeurs »)53. La « science nouvelle » fera table rase. Elle fera confiance à une critique rationnelle et rationaliste, qui évitera à l’avenir aux interprètes de discuter sur des inepties. Le champ de l’incertitude doit être réduit. Cobet écrit un manifeste pour purifier la situation par une puissante opération de sélection. La plupart des variantes sont des fausses variantes54, propagées par une fausse tradition dans les apographes altérés ; elles ne résistent pas à une connaissance profonde de la langue ; il ajoute « la longue familiarité avec l’auteur »55. On voit que l’unicité de la source est liée à la réduction cathartique générale ; c’est presque le meilleur des cas.
33La contradiction inhérente à la position de Cobet est patente : d’un côté, la matière était privilégiée, détachée en fonction de critères qualitatifs qui lui accordent une supériorité absolue sur le reste ; de l’autre, une fois que le champ a été délimité, la même matière était si profondément corrompue qu’elle nécessitait une vigilance interventionniste constante. Elle ne différait donc pas essentiellement de ce dont on l’avait d’abord distingué.
34L’antigermanisme, qu’exprime l’éloge exceptionnel qui sera fait en Angleterre (sous la plume de W.G. Rutherford56) de Cobet — après sa mort (en 1889) —, « le philologue du siècle », « britannique dans le génie (avec, en outre, des traits d’esprit français) », ne traduit pas seulement la rivalité scientifique se développant vers la fin du siècle. Les Anglais, et avec eux toute une famille d’esprit, se reconnaissent dans l’élimination de ce que la tradition herméneutique, pour affaiblie qu’elle fût en Allemagne dans la pratique philologique réelle, avait à leurs yeux de subjectif et d’impur, d’opposé à l’observation commune des faits. La rigueur de la méthode de Cobet était exclusive de toute autre. L’empirisme de l’époque s’est fortifié par sa vertu pédagogique et sociale ; il rejoignait une forme mitigée du positivisme doctrinal quand même les doctrines contemporaines n’étaient ni discutées ni adoptées. La précision ne pouvait être herméneutique. Les philologues pensaient que la démonstration en était faite sous leurs yeux. Il en fallait une autre que fournissait l’alliance, chez Cobet, de la paléographie et de l’observation des faits de langue.
35Dans la préface de la première édition (1825), Dindorf a communiqué les leçons de trois manuscrits des Couvents Supprimés à Florence (de la Badia), G, Δ et X (qu’il désigne par la lettre Θ). Il a daté G du XIVème57. A cette époque, avant les travaux de Cobet, il insistait sur la valeur de G, pour les bonnes leçons qu’il confirmait, et parfois attestait seul58. En 1836 encore, Dindorf n’accorde à L que la première place59 ; parmi les manuscrits de Paris de Brunck, A se distingue60.
36Le point de vue de Dindorf, défendant à nouveau, plus de vingt ans après Cobet, la même thèse (en 1869), est différent et plus défensif, moins conquérant. Là où Cobet s’en prenait au fatras des manuscrits secondaires qui amenaient les philologues à s’occuper sérieusement d’inepties et de bévues (les « blunders »), Dindorf, ayant été amené dans la pratique à reconnaître l’utilité de ces manuscrits pour l’établissement du texte, en diminue la portée et en dévalorise l’apport — l’argument sera repris par Turyn contre A61 — : toutes ces leçons portent sur des points mineurs, la correction peut être attribuée à un grammairien (« ce ne sont pas de graves corruptions du texte »)62. Il place très explicitement le travail savant au même niveau que la tradition antique (« admise par d’autres »), comme un complément de L. La chose n’est « pas moins sûre »63 lorsqu’il s’agit de faire son texte. La confiance en la raison critique, chez Cobet, est devenue une forme d’indifférence sur le fond (non licet), au profit de l’activité éditoriale et conjecturale, plus empirique. Avec le principe de la correction généralisée, on pouvait, comme il le fait, au-delà des subsides jugés les plus utiles (les trois apographes A, G, K), ajouter d’autres recentiores, même du XIVème et du XVème (quae partim correctoribus potius deberi quam e libris antiquioribus derivatae esse videntur, pour Euripide). On était revenu, au sein de la même thèse, au flou que Cobet avait cru pouvoir dissiper. On voit que le jugement sur les échantillons de manuscrits servait, au XIXème siècle, à faire un tri (« critique ») de manière à ne pas être submergé par le fatras et pour éviter des voyages inutiles, comme le montrent, entre autres exemples, les conclusions que Dindorf tire, sans examen approfondi, des interpolations dans K, qu’il considère pourtant comme l’un des meilleurs apographes64.
37La différence dans l’appréciation du manuscrit entre Cobet et Dindorf (1860) est notable ; l’un et l’autre ont eu des sectateurs. Le premier intégrait l’ensemble du manuscrit dans l’origine unique, avec les corrections, sans exclure les interventions postérieures ; le second, après les nouvelles collations de Dübner, distinguait l’état primitif des ajouts postérieurs, qu’il traitait comme des conjectures au même titre que les divergences des apographes. Cobet avait de fait dans L inclus une partie de A.
38Ainsi les vers 1485 s. à la fin de l’Électre, qui ne se trouvent pas dans L, avant intervention, ont été éliminés par Dindorf. Il a été très largement suivi. Le caractère gnomique de ces vers arrêtait l’action (voir Masqueray, Dawe). Le vers 800 d’Oedipe roi, s’il manquait dans L, devait être considéré comme secondaire65. On pouvait s’en passer selon Nauck. La paléographie consolidait un verdict. Mais alors les vers devaient avoir été faits à Byzance. Dans Antigone, v. 838, le vers manque dans A (l’omission peut être conjecturale, voir φϑιμένῃ, v. 836)66 ; l’indice n’était pas moins bon.
39La dépréciation que subira A dans les groupements de Turyn en 1949, réduisant la tradition ancienne à LɅ et la famille romaine, reproduit exactement en un sens le discrédit jeté sur ce manuscrit par Cobet ou Dindorf, réduisant la tradition au profit de L. Elmsley ayant démontré l’importance de L, pour compléter la vulgate de A et, en particulier, celle de la discussion savante, et ayant apporté ses nouvelles collations, Cobet et Dindorf ont laissé tomber ce qui était historiquement une « base », pour ne garder que le complément. Dans la logique d’une progression, on peut se dire que, redressant correctement le rapport entre A et L, ils s’en sont tenus à ce renversement, et ont dépassé le but. Mais la méthode qui les conduisait à ce dépassement repose sur une pratique très précise de la critique, s’accommodant par devoir de la détérioration du document authentique, unique parce qu’authentique. La sélection est arbitraire ; en un sens, elle illustre pourtant pleinement le principe critique ; elle présente la détérioration sans concession, dans sa plénitude67. Un auteur comme Tournier, devant l’autorité de ces philologues exclusivistes, d’une part, et les objections solides, de l’autre, optait pour un parti pragmatique68. Les corrections plus « modernes » de L’étaient reproduites lorsqu’elles figuraient dans la « vulgate » ou dans une autre édition « estimée » (fût-ce celle-là même qu’il publiait chez l’éditeur Hachette)69.
40A l’époque de Kaibel (voir son Électre de 1896), on reste encore dans la tradition de la thèse de Dindorf par la manière dont on combat l’unicité70 ; on souligne l’accord des corrections non contemporaines dans L avec A pour construire une tradition indépendante (« Π » à côté de « Ʌ » ; deux sources, provenant d’une recension primitive commune, reproduisant le texte alexandrin). Toutes les bonnes leçons ne sont pas passées dans L, il faut les chercher dans A — à côté des interpolations —, « seul descendant de Π » (A, là où on le suit et quand il n’est pas dans L = LA, confirme la valeur de Π). Les autres manuscrits, notamment G, et même les variantes γρ(άφεται) dans L sont dépréciés et écartés71. Cette position dérivée, réinterprétant l’unicité (L représente deux traditions ; la seconde doit être complétée en dehors de L), offre la possibilité d’une représentation fermée ; elle répond ainsi à une pratique philologique différente, dispensant de l’ouverture, défendue ailleurs par Wilamowitz et d’autres, sur une masse à la fois homogène et indistincte. Il s’agit bien ici de choisir dans un éventail limité72. Ce n’est ni l’exclusivisme de Cobet ni l’extension de l’école anglaise contemporaine.
L’obsession du faux et le génie de la recréation (Nauck, Wilamowitz)
41Ainsi un Nauck a pu ne pas accepter le principe de l’exclusivité ; dans la pratique, il ne s’y conforme pas moins (il corrige même plus que Dindorf). Si la question de l’exclusivité ne pouvait pas être tranchée selon lui, dans la pratique philologique, en fait L devait fournir le critère grâce auquel « tout autre manuscrit doit être jugé avec la même méfiance qu’une conjecture d’un savant moderne »73. La corruption généralisée permet d’accueillir, comme autant d’interpolations au sein desquelles il faut trier, l’ensemble des tentatives de réparation qu'elle a suscitées dans les autres manuscrits. Les interventions de Nauck sur l’édition Weidmann d’Œdipe roi, après la mort prématurée de Schneidewin en 1856, pendant plus de vingt ans (il sera relayé par Bruhn, élève de Wilamowitz, en 1897), montrent un acharnement critique inflexible. Le soupçon est méthodiquement tenu en éveil. Ses propositions n’ont pas cessé de garnir les éditions actuelles qui accueillent les corrections74. Le texte de Sophocle est à ses yeux de pessimiste si profondément corrompu par les lectures et les tentatives de correction antérieures, souvent antiques75, que le doute le plus persévérant risque d’être éconduit76. Sophocle est une chose si parfaite77 que le texte transmis répond rarement à l’attente. Il faut bien que quelques passages subsistent pour en donner l’idée. Les qualités d’expression sont plus virtuellement inhérentes à l’œuvre, comme une perfection qui survit à la détérioration, que réellement présentes. La tradition idéaliste de l’évidence de l’œuvre d’art, montrant par sa perfection qu’elle épuise les virtualités de son projet, a été mise au service de l’activité conjecturale. L’attente du critique peut se réclamer d’une conception transhistorique de l’unicité de l’œuvre soustraite aux critères limitatifs de sa production, dont Boeckh avait, dans le sillage de Schleiermacher, fait le principe de sa définition de l’herméneutique. Le texte appelait correction parce qu’il ne répondait pas à l’inexplicable perfection « ès qualités ».
42Le guérisseur veut le bien, il a les moyens de la médication — le génie et la mesure du modèle. Dans le meilleur des cas, il s’égale au poète, il aura écrit du Sophocle (verum restituit Nauck), défendant la perfection contre les faux-critiques78, faussaires d’Alexandrie, et les interpolateurs très anciens79, virtuellement contemporains de la création. La détérioration accompagne la création. La figure du vates suscite aussitôt une rivalité fatale. La critique manichéenne, usurpant le principe, a pris la place de l’herméneutique, comme Nauck de Schneidewin80, qu’il dit qu’il « interpole ». On peut dresser la liste des écarts du texte imprimé d’avec celui de L81, témoin « le plus important », « même si son autorité n’est point exclusive »82 ; il représente en fait la tradition. La différence entre L et les autres manuscrits fait voir les résultats obtenus par le travail de correction, partiellement commencé au cours de la tradition. Même si la conjecture l’emporte sur les leçons tirés d’autres manuscrits, L apporte le paramètre qui mesure la corruption. Où les réparations du passé sont-elles des altérations, où sont-elles des corrections ? Peut-on en décider ? Le préjugé d’autorité, issu du classicisme, qui domine l’histoire, se perpétue au sein de la science historique, selon les lois d’un dualisme dont l’œuvre de Wilamowitz est imprégnée ; elle s’en sert comme d’un outil, associant la contingence à la perfection, reproduisant l’« authentique », fût-il faux.
43L’ennemi est l’« iota », la lettre qu’on explique, mais aussi celle à laquelle on aurait tendance à se tenir pour comprendre ou guérir l’altération. Le mal est trop profond pour ne pas engager la pensée, et justifier les élans de réfection les plus libres. On fait valoir contre la vulgate des exigences rationnelles ; mais la science ainsi instituée tend elle-même à devenir une vulgate. L’autorité académique impose ses certitudes, reconstruites selon les principes de la cohérence logique ou de la vraisemblance psychologique, quand même celles-ci procèdent d’une liberté extrême de la pratique conjecturale. L’élève des lycées lira le texte corrigé si c’est la « vérité » (Campbell engage — timidement — la même « vérité » dans le camp opposé, contre l’amputation arbitraire, par réduction, de l’autorité de la tradition)83 ; il profitera du progrès de l’esprit humain (et de l’émancipation) : dies diem docet84.
44La « difficulté » doit faire « buter », « achopper » (le fameux « Anstoss »), et être l’indice de l’altération ; la lisibilité prime ; elle a été troublée. Le philologue est armé pour l’évacuer (« beseitigen »), c’est le métier85. La restitution est la réplique normative du constat de défectuosité, selon les mêmes principes et la même réglementation. Si, dans ce livre, on l’a laissé en place, du moins pour un temps de la réflexion, c’est que l’« achoppement » fournit un tout autre critère, juste opposé. La norme pouvait ne pas être observée. Ce sera l’effet de la non-observation, dont on examine les conséquences pour le sens.
Le sentiment inné, au-dessus de la science, chez Wilamowitz
45Il est vrai que le programme de la critique conjecturale n’obéit pas nécessairement aux réquisits de la norme. Wilamowitz, qui le définit différemment de Nauck, ajoute une dose d’irrationnel au sein du travail scientifique. Les qualités « impondérables » du « vrai » philologue ne sont en effet pas seulement le sens de la langue et le goût, mais encore l’imagination créatrice, que requiert l’imitation86. « Cela ne s’enseigne pas, ne se démontre pas, et ne s’apprend même que partiellement ». Tout se mêle. La maîtrise quasi intuitive de la norme crée l’exception, une souveraineté qui la dépasse. La rationalité est ainsi exclue ; la « science » revendiquée est autre chose que la science, dont le « génie » se moque ; il a d’autres moyens. On est plus loin encore, parce que l’arbitraire est plus grand, de la possibilité de prendre en compte la spécificité historique de l’œuvre.
46Attribuant à Nauck la palme pour avoir accrédité et illustré sur le continent le principe anglais de l’analogie87, Wilamowitz le sépare entièrement de la calamité créée par la fièvre des conjecturistes de la génération précédente ; pourtant Nauck en est autant et plus qu’un autre le représentant parfait. La dissociation est arbitraire ; le jugement, une fois de plus, partial et contradictoire.
47La singularité, pour légitimer la conjecture, doit, selon Nauck, être limitée au genre, à l’attique et à la langue des tragiques88. Les progrès dans la connaissance des particularités de l’un et de l’autre permettent de reconnaître les interpolations et de démasquer par la démonstration de l’arbitraire les « travestissements ». L’analyse du texte, à la recherche de ses défauts, dépiste les faux et les faussaires89. C’est l’aspect que peut revêtir, au sein d’une discipline traditionnaliste, le transfert de la lutte contre la superstition ; ni l’enjeu ni les motivations ne sont vraiment définis ; il ne reste que les déformations « grossières » qu’a subies le texte, et l’opinion encore « hérétique » sur le texte dont le progrès, somme toute grammatical, finira par démontrer la justesse.
Le conflit entre la qualité littéraire et la revendication philologique (le pragmatisme de Tournier, Masqueray)
48De Saint-Pétersbourg, Nauck, en 1883, signale l’entrée (ou le « retour ») de la France dans le « club », parmi les défenseurs de l’hellénisme, avec les publications issues de l'École des Hautes Études90, autour de Henri Weil et de Tournier. Grec veut dire philologie, et, pour philologie, Nauck dit émendation. Il salue l’universalisation d’une pratique allemande, et, avec elle, la conquête et la reconnaissance ; plus implicitement (et profondément), il se félicite de ce qu’il lui plaît de prendre pour un arrêt de la résistance du côté du « goût » et, plus généralement, des valeurs littéraires91, au nom desquels on recomposait Sophocle. Tournier, en fait, ne supprimait pas la coupure entre la science philologique et les traditions littéraires ; il juxtaposait les points de vue. Lorsque, plus d’une génération plus tard, l’activité éditoriale se rendit plus autonome en France (avec la fondation de la Collection des Universités de France), la division n’était pas encore supprimée. La philologie était récusée au nom du goût, à cause des excès de l’interventionnisme, sans que les valeurs esthétiques, au nom desquelles, chez les philologues, les opérations étaient menées, fussent remises en question. On avançait sur les deux plans de la Bildung et de la Wissenschaft.
49Défendre l’authenticité d’une leçon, selon l’école allemande, c’est ne pas « éclaircir un passage altéré »92. S’il est difficile, il risque d’être corrompu. L’interprète aplanit les difficultés. Les notes justifient « le sens » pour justifier la leçon retenue. Les deux opérations, interprétative et critique, sont solidaires. En vérité, l’une dépend de l’autre. Le principe est terriblement restrictif et mutilant. La menace de l’opinion est pesante. La défense de l’écart et de la différence peut discréditer, professionnellement. « L’obscurité d’une phrase... est une raison pour qu’il (l’éditeur) ne l’explique pas... ». La mise en garde est sérieuse ; le philologue risque, sinon, de s’attacher au non-être : « si l’obscurité est de nature à faire soupçonner une altération du texte »93. La frontière ainsi tracée sera en expansion constante, élargissant le domaine du soupçon, contre la spécificité de l’inhabituel, au profit de l’attente commune.
50Peut-on décider de ce qui est premier, du consensus social et scolaire et des principes esthétiques, commandant l’étude des textes, avant leur établissement, ou des nécessités d’une pratique, choisissant ses critères d’efficacité ? Les principes aboutissaient en tout cas à reléguer l’interprétation et le non connu. La critique la supposait en principe, mais elle dépendait d’elle, à savoir des critères admis, trop fondamentalement.
51Le conservatisme français peut s’accommoder d’un texte transmis dont la lettre n’est pas interprétée. Il pourrait sembler que cette attitude soit diamétralement opposée à l’option correctrice de Nauck. Or la traduction répond fréquemment à la même attente, sans que la décision philologique la reporte dans les mots grecs. Fitton Brown remarquait que dans Ajax, v. 208, la conjecture de Thiersch, ἠρεμίας pour ἁμερίας, traduite par Mazon, n’est pas retenue dans le texte de Dain94.
52Masqueray, prenant ses distances devant les excès de l’interventionnisme, dont Nauck est l’un des représentants, rapporte les verdicts d’athétèse, avec le reste, à la commodité d’appréciations plus arbitraires que subjectives95. Mais rien n’est gagné par ce jugement, qui ne défend que le goût contre l’excès96 et s’accommode d’« une demi-obscurité» ou d’« un demi-jour »97. La rigueur du jugement est dénoncée, pour sa rigueur, non pour un autre jugement, plus juste. Le laxisme est réinvesti par les vices de son contraire.
La réaction contre l’exclusivité du Laurentianus (Schneidewin, Wolff, Lipsius, A. Seyffert, Schneider)
53Au milieu du siècle, à en juger par l’édition remaniée de l’Histoire de la littérature de G. Bernhardy98, lorsqu’on ne partageait pas le point de vue radical des critiques paléographes, on regroupait, selon Elmsley, les manuscrits, suivant le degré de pureté, en deux classes, une ancienne avec L, mais aussi A (source de l’Aldine), et une classe récente de textes byzantins (dont T) interpolés dès avant Triclinius99.
54La thèse de Cobet (pour la lier à ce seul nom), qui a eu, contre l’utilisation éclectique des manuscrits, pour fonction de démontrer la puissance sélective de la méthode paléographique, a suscité comme réaction la défense soit de A soit de G, soit de l’un et de l’autre100, puisqu’ils étaient plus souvent que d’autres adoptés comme «correcteurs byzantins » (chez Dindorf, Nauck, ou d’autres). La thèse était d’abord infirmée dans les faits ; en plus elle valorisait à l’excès la puissance de divination chez les philologues médiévaux ; Campbell posait le problème de façon moins unilinéaire, plus contaminationniste, ne se limitant pas à construire des traditions différentes, rivales de L.
55Ce n’est pas un hasard si la plus ancienne prise de position (1853), il semble, parmi les contestataires de la thèse de Cobet, émane du camp « herméneutique » hermannien (contre lequel la thèse était au fond soutenue), sous la plume de F.W. Schneidewin défendant l’indépendance des manuscrits A et G101.
56L’étude des leçons de la Souda avait montré à Schneidewin, avant la confirmation que lui fournit l’édition des scholies par Dindorf, dont il fait le compte rendu102, que l’accord de G (et de P)103 avec la première main de L s’explique par une dépendance commune, observée aussi dans la Souda, de l’archétype plus pur que L (la seconde main de L « n’a pas complété le texte d’après un autre manuscrit » — il pense à Cobet — mais corrigé librement le texte) ; le manuscrit A est un témoin équivalent de la même branche que L, « qui souvent a conservé la leçon originelle »104. L’importance de l’altération de la tradition ancienne par des additions secondaires dans G ne lui a pas échappé105. La réplique était reprise dans une démonstration plus systématique de l’autonomie des traditions par J.H. Lipsius en 1860106. Il faisait dériver G et K, non de L, mais d’un archétype commun, et A d’une autre source indépendante. Il était frappé par la parenté plus étroite qui reliait L et G.
57Avant Dübner, Gustav Wolff, l’auteur de l’édition Teubner annotée, que nous citons régulièrement107, a fait en 1848, pour la seule pièce d’Oedipe roi, une collation du Laurentianus avec l’Aldine, complétant la lecture d’Elmsley de 1820108, moins précise, d’après l’auteur, pour cette pièce109 que pour les autres110. Dans son édition (1870), il corrige Dübner (Dindorf, 1860) où il y a lieu, d’après ses propres collations. Son principe était de suivre L, à défaut (lorsque L est « faux ») A, les scholies ou la tradition indirecte. Sinon, il ne reste que le recours aux conjectures, parmi elles les manuscrits « inférieurs », dont Wolff dit avoir collationné quelques-uns au Vatican et à Naples. La base fournie par L n’est donc pas exclusive pour lui ; il suit le Parisinus A, appartenant selon lui à une autre famille, avec les scholies et la tradition indirecte. Le reste ou les autres manuscrits rassemblent des conjectures (« Vermutungen ») de la même nature que celles des philologues modernes111.
58Le plaidoyer de Dindorf, l’année de la parution de l’opuscule de Lipsius112, montre que le débat portait entièrement sur l’appréciation du travail philologique dans les leçons. Ce que l’on puisait dans le fonds des autres manuscrits était ou bien transmis, ou bien issu d’une science de l’adaptation et de la réparation d’un texte corrompu. Le paradigme était fourni par l’activité des critiques, dont elle illustrait l’ambivalence. Si les divergences étaient des interpolations, elles pouvaient être bonnes, comme des conjectures, et adoptées ; ou bien être mauvaises, et rejetées, et, si le texte de L à cet endroit était corrompu, contraindre les modernes à faire mieux. Elles confirmaient la nécessité de l’intervention, et proposaient en même temps une solution de rechange. Dans bien des cas, les variantes étaient bien ce pour quoi on les prenait, à savoir des interprétations ou adaptations évidentes d’une leçon préexistante. Ce réel statut de certaines variantes était attribué à toute la tradition autre que L.
59Si tous les manuscrits sont des apographes de L, toutes les leçons, empruntées à ce qui n’est pas lui pour corriger ses fautes témoignent d’une activité savante, souvent instruite et ingénieuse. Les conséquences de l’exclusivisme montrent nettement, une fois de plus, que les leçons, aux yeux des philologues, se valent, n’étant pas appréciées selon leur « unicité » mais selon leur conformité aux critères linguistiques et esthétiques en usage. L’étude de la dépendance et de la relation des manuscrits projette sur le texte la pratique des savants qui l’établissent — et le « constituent ».
60Seyffert (1864), pour démontrer, après Lipsius, que G ne pouvait pas, comme Dindorf le pensait, être un apographe de L, relève une liste de cas où L et G portent une erreur commune, corrigée dans d’autres manuscrits113 ; ou bien ils ont ensemble la leçon considérée comme authentique114 ; ou bien G offre une version altérée de la même leçon115 ; ou bien enfin G présente un meilleur texte que L. Il distingue, pour la supériorité, les cas où la leçon a été généralement admise, ceux où il est tenté de la défendre, et ceux où elle pourrait éventuellement être préférée116, tandis qu’il rapporte la masse de fautes dans G au travail défectueux d’une translittération d’un archétype qui, à la différence de la construction de Lipsius117, n’était pas commun à L118. Établissant la supériorité sur les autres des manuscrits L, A et G, Seyffert en tire une conclusion pratique ; il demande, en pleine expansion interventionniste, que la tradition soit pesée avec attention avant qu’on corrige. Il reconnaissait qu’avec un seul manuscrit, fût-ce L, on était contraint de corriger, et donc poussé trop loin ; on affaiblissait la matière pour avoir à la remplacer ; le lien étroit qui unissait la thèse de l’unicité et la pratique conjecturale ne lui avait pas échappé119.
61Schneider (en 1877)120, réagissant contre la thèse de Dindorf, examine les divergences avec A dans Électre121 pour conclure à la valeur d’une tradition indépendante de L comme A. Seyffert l’avait soutenu avec succès pour G. La plupart des accords pouvaient servir l’une ou l’autre démonstrations. Schneider relevait les fautes communes à L et G, et celles communes à A et G, pour conclure que le manuscrit G dépendait des deux branches (de L et de A)122, toutes deux authentiques, bien que A soit beaucoup plus touché par les interpolations que L (il ne distinguait pas ces cas de correction, parmi les accords AG) ; il aurait pu vouloir montrer que A dépendait des deux branches, G et L ; il aurait dû, des deux côtés, pousser jusqu’à ce reste qui subsiste. La justesse métrique d’une leçon de A, contre L, dans la même logique, mais interprétée inversement, était pour Schneider un signe d’ancienneté123.
L’ouverture mitigée par le conservatisme (Campbell)
62L’hypothèse de Dindorf se dénonçait elle-même, aussitôt formulée, en se révélant inapplicable. Il faut, parmi les philologues qui ont pris le contre-pied, avant tout citer Lewis Campbell (1879)124, légitimant l’évidence d’une pluralité de familles, et distinguant A pour sa qualité au sein de la tradition de l’Aldine et de la Juntine, avec laquelle avait renoué Brunck : « sans doute la famille de A présent et-elle un texte à certains égards supérieur à celui de L »125, bien qu’il faille compter avec « des émendations scholastiques ».
63Le principe du regroupement a été suivi par Campbell, réunissant autour de L des manuscrits dont il observait la dépendance étroite, comme P ou K (il ajoutait l’Ambrosianus L 39, Wa et A, collationné par Dindorf en 1825)126, et, d’autre part, A, U, qu’il considère comme la source de l’Aldine127, et quelques « proches ». Il ne lui a pas échappé que ce dernier groupe n’était pas exempt de corrections d’origine scolaire (« scholastic emendation »)128, de la main d’un Moschopoulos ou d’un Thomas Magister. Il faut préciser qu’il fait la même observation pour G. C’est déjà Dawe (dans un cadre stemmatiste ouvert) ; et c’est déjà Turyn. Il se trouve, même là, loin de L, au milieu des conjectures, « à l’occasion une épave de la tradition ancienne ».
64Au vers 1106 des Trachiniennes, L porte αὐυηδηϑεὶς (Colonna ne reconnaît pas avec certitude la main qui efface la syllabe ϑη)129. Le scribe, il semble, commence par écrire une leçon corrompue, αὐϑηδὴς, qui est dans A et dans d’autres manuscrits (rec. Pearson). La tradition erronée, mais ancienne, survivait pour Campbell dans A, qui ne la tenait pas de L. En fait, ce pourrait être une variante ; on aurait l’adjectif αὐϑηδηής, variant ou renouvelant sémantiquement la forme connue αὐϑάδης (dans la série de ϑυμηδής), épithète de γόνος, avec une autre analyse syntaxique de la phrase (ὠνομασμένος pris en facteur commun)130.
65En restreignant la tradition authentique, et en promouvant la conjecture pour la partie défectueuse, on s’accorde sur l’invention ; il faut l’investir par la divination ; elle est revendiquée. La philologie s’assume dans son ambition. La tradition ouverte peut s’associer en revanche, comme chez Campbell, à un conservatisme marqué, parce que la matière première offerte au jugement critique est plus complexe et plus subtile. Campbell dresse l’inventaire d’une documentation manuscrite que Jebb jugera de peu de secours. La logique de l’ouverture produira une forme de renversement, comme on le voit dans les travaux anglais récents dont Campbell est un précurseur par certains côtés. Ce n’est plus Sophocle mais l’activité savante ancienne que l’on met maintenant au jour. La correction s’objective elle-même dans l’observation de la pratique. Ce qu’on évalue, pour examiner d’abord si c’est possible, et si ce n’est pas à tort qu’on l’a rejeté, au-delà des frontières imposées en faveur des exercices productifs de la critique verbale, est autrement légitimé quand, en fait, l’évaluation sert à élargir la base documentaire. On accueille libéralement un travail de correction antérieur, accompli dans l’histoire, et semblable à celui que refont les critiques, plus historiens que leurs devanciers.
66La thèse de Cobet, que Campbell même, qui la remet en question, ne rejette pas franchement131, repose sur une idée de correction dans l’expression, à savoir d’exactitude, et d’un dosage d’altération, qu’on doit accepter (et qu’on peut réparer). Si toutes les corrections secondairement introduites dans L sont d’origine savante (tout ce qui provient de A), le texte a naturellement ce degré de corruption et ne peut être corrigé que par lui-même, par les indices qu’il fournit par ses fautes132.
67L’origine est unique, bien que défectueuse ; la défectuosité lui est propre. L’écart entre le texte primaire et sa détérioration est ainsi simplement reporté à l’intérieur d’une tradition rigoureusement limitée à la « lettre » d’un manuscrit plus ancien, et supérieur133. Dindorf marquait certes la différence entre le texte de L et son modèle, l’archétype à reconstituer, à partir de L, n’empêche ; Campbell pouvait lui opposer qu’il importait davantage de s’approcher « le plus possible » de la « vérité »134 au lieu de passer par un exercice périlleux de reconstitution de l’archétype.
68Comme tout ce qui dans L était considéré comme fautif devait être réparé par le critique moderne, et que l’exercice d’école avait été rendu plus ardu par le codex unicus, adapté aux exigences du séminaire de Cobet, lorsque les corrections de L postérieures à la première main étaient éliminées, le problème se compliquait encore, et de beaucoup ; plus question de choisir à l’intérieur de L ; il fallait trouver — inventer. Campbell leur répondait qu’il pouvait, dans la masse des manuscrits du XIIIème siècle, et d’après (il en avait consulté — rapidement135 — une bonne vingtaine)136, y avoir « quelques bonnes leçons », et, parmi elles, une certaine proportion devait être authentique137. C’était la controverse, la contradiction de Wilamowitz ; le même débat toujours. Il ne peut être éclairci qu’à condition de voir que seule une certaine dose d’ouverture permet de situer et de différencier ce qui est vraiment bon et ce qui est trompeur. Pour que le faux puisse être localisé au dehors quand la tradition authentique ne doit ni être arbitrairement rétrécie, ni exclure arbitrairement ; et le « faux » ou l’altération ne connaît plus aucune limite quand la sélection n’est pas faite, aussi bien par le « forcing » de la critique verbale, comme chez Cobet, Dindorf ou Nauck, soit par défaut de critères interprétatifs suffisamment définis et audacieux, comme aujourd’hui chez Dawe (et d’autres éditeurs anglais, comme Diggle)138. Les deux positions, de l’excès d’exclusion à l’excès d’inclusion, se rejoignent étrangement, au service d’un maximum de réfections, quelles restent à inventer par les philologues, ou qu’elles restent non reconnues comme telles, et à redécouvrir, quand on confond l’authentique avec la correction.
La question d’un savoir préétabli (Jebb)
69Jebb admet « the paramount importance of L... as the basis », bien que sans exclusive139 ; il reconnaît une valeur particulière à A140. L représente presque à lui seul la tradition. Les autres manuscrits, rapprochés occasionnellement, ne sont pas des apographes, mais des subsides. Il ne tranche pas à cause de cas comme ceux des vers 800 ou 896, mais adopte un point de vue très proche de l’unicité. Bien que l’autorité de L soit libérale, elle est si évidente qu’il lui paraît difficile de décider que les divergences dans ce manuscrit proviennent toutes de corrections savantes. En fait, ce sont des problèmes de pure interprétation philologique qu’il cite dans sa préface141. Pour onze des douze leçons où il dit ne pas suivre L, le texte de L peut ou doit, selon moi, être défendu142. Il ne reste que la « correction » ἐγὼ οὔτ’ (v. 332, v.l. dans A, qui a ἐγώ τ’ dans le texte ; cf. R, G v.l.)143 pour ἐγώ τ’ dans L ; elle est commandée par le deuxième οὔτε ; elle peut être soit ancienne soit résulter d’un travail éditorial.
70On cherche à faciliter la lecture et à « maîtriser » le texte, en proposant une solution, et en exposant les difficultés ; dans le meilleur des cas, on fournit au lecteur les informations dont il a besoin, lui épargnant d’autres lectures, et si possible un sens ou une traduction qui ne l’arrête pas.
71La mise en question ne peut pas être radicale, parce que le savoir examiné est préétabli. On s’y réfère et on le gère. La maîtrise de Jebb est dans cette gestion du savoir, dans l’organisation souveraine de la matière et de la discussion, et dans le jugement qu’elle requiert ; rarement dans une problématisation nouvelle, avec le réexamen qu'elle implique, et qui porte sur les préalables de la compréhension.
L’histoire de la détérioration (Wilamowitz)
72La thèse de la tradition unique, représentée par un seul manuscrit (Laurentianus, Mediceus), ne s’est pas imposée par l’autorité d’un Cobet ou d’un Dindorf seulement, défendant, l’un dans son De arte interpretandi, l’autre dans sa Préface de 1860 et dans un article du Philologus sur le Mediceus144, un point de vue en vérité improbable ; Wilamowitz, le qualifiant d’objectivement insoutenable, le mesurant aux « faits », l’expliquait par « l’homogénéité stupéfiante » du texte145. Le jugement, pourtant contredit, ne serait-ce que par les scholies, lacunaires dans L, pouvait ainsi se concevoir (ou être excusé)146 ; Wilamowitz ne montrait pas qu’il était l’aboutissement logique, bien qu’extrême ou excessif, d’une application méthodique du principe de l’élimination. L’historien était restrictif parce qu’il se proposait d’avancer jusqu’à l’objet original, jusqu’au témoignage irréfutable ; il accroissait en même temps, presque à l’infini, le domaine de sa détérioration, si bien que les moyens de sa restitution, qui étaient logiquement secondaires, finissaient par devenir primordiaux dans les faits. Le vrai qu’on recherchait était repoussé, toujours plus loin. On y avait renoncé avant lui (quand on l’eut même accepté), comme le montre la discussion presque contemporaine, de Schneidewin à Campbell.
73L’homogénéité, mise en relief par Dindorf147, pouvait expliquer la méprise de Cobet ; elle avait, pour Wilamowitz, surtout un aspect inquiétant : n’était-ce pas le signe qu’on avait affaire à un remaniement qui avait aplani les difficultés ? La facilité offerte à l’éditeur, en comparaison d’Eschyle ou d’Euripide, paraissait troublante148. Manière de voir. On se dira que la difficulté et les épines se découvrent partout, quand même elles sont masquées, qu’elles surgissent de la phrase et de sa syntaxe plus que de la corruption matérielle.
74Le principe de l’élimination des manuscrits du XIIIème au XVIème siècle au profit des vetustiores est, pour Wilamowitz, la condition du progrès de la philologie (la raison de celui qui a eu lieu). Il pensait que les inventions hardies des Byzantins allaient disparaître de l’apparat critique pour laisser la place à la « tradition » authentique149. Il n’a pas prévu la réaction. « On peut comprendre qu’on se soit emporté contre les interpolateurs impertinents qui avaient si bien mené leur affaire ; l’esprit et l’expérience linguistique des critiques modernes les mieux armés se sont laissés berner »150. Le progrès était dans le repli sur les manuscrits « plus anciens ». Ailleurs il est potentiellement contaminationniste151. En effet, à la fin du siècle, Wilamowitz (au moment de la traduction d’Oedipe)152, estime qu’il n’existe pas d’édition qui permette de juger de la tradition. L et A ne suffisent pas ; il souligne l’importance de G, après Bruhn153, mais aussi de Val. gr. 40, avec la triade154. Parmi les fautes accumulées à Byzance depuis le IXème siècle, auxquelles il pensait plus qu’aux interventions (les « interpolations » étaient encore réservées, pour les poètes, d’après lui, au XIIIème siècle), il peut se trouver de bonnes leçons dispersées partout (« tout peut être un texte transmis »). La masse cependant a une origine, canalisée dans l’archétype, un « manuscrit qui a fait autorité », muni de nombreux doublets (variantes anciennes ou erreurs introduites dans le texte déjà détérioré de la fin de l’Antiquité). Deux phases de détérioration, l’une plus interne, l’autre plus diffuse.
75La devise du progrès conduit à l’affirmation d’une actualité déterminée par des critères d’efficacité. Wilamowitz estime, avec une part de lucidité, une autre de profonde injustice, que la plupart des travaux que ses devanciers ont écrits, et plus encore fait écrire, sont périmés, bons à mettre au pilon155. Mieux vaut faire du neuf, en contestant la méthode, sans revenir en arrière pour en évaluer l’utilité. Presque tout est condamné, sans appel, au profit d’un recommencement, qui permet d’ignorer et de refaire ce qui souvent, sous une forme comparable et amendable, a déjà été fait, pour le jour.
L’autorité précaire du philologue : l’exemple d’Aristarque
76La réputation d’Aristarque s’est imposée pour Wilamowitz, à cause de sa compétence de grammairien, mais avec l’ambiguïté qui caractérise l’autorité. La progression de la recherche ne pouvait continuer à la reconnaître156. Paradoxalement, elle était pourtant légitime. On peut donc supposer « historiquement » deux mouvements contraires. Les premières générations ont eu raison de ne pas se soumettre par une reconnaissance « aveugle » au savant157 ; ainsi il se survivait dans ses pairs. En même temps, plus tard, dans la décadence, l’autorité fut reconnue à bon droit et sans entraves par des esprits plus médiocres. Le progrès reste confiné dans l’orbite d’une légitimité autoritaire.
Les papyrus témoins d’une tradition ouverte (Pearson)
77La préface de Pearson montre le rôle joué en Angleterre par les découvertes papyrologiques dans la consolidation de la position éclectique, qui a fini par prévaloir. C’était défendre, après les travaux de F.G. Kenyon et de B.P. Grenfell158, la position de Campbell (mais aussi de Wilamowitz, comme souvent contradictoire), contre Jebb et les éditions continentales, à tradition fermée, de Mekler, Kaibel et d’autres.
78La méthode et les conclusions étaient simples. On prenait les papyrus, pour mince que fût la base qu’ils offraient (surtout pour Sophocle, et en 1923)159, comme des témoins directs de l’édition alexandrine. Lorsque leurs divergences coïncidaient avec des leçons de recentiores160, on pensait tenir une preuve en faveur de l’ouverture prônée par Campbell. La transmission devait être aussi large que l’avait été celle de l’Antiquité. On négligeait la possibilité du retour des mêmes erreurs à deux époques différentes (ce qu’on s’accorde maintenant à admettre)161. Ce qui vaut pour les fautes peut valoir pour les corrections. Pearson pensait que l’ouverture papyrologique avait apporté le coup de grâce aux différents aménagements de la thèse de Cobet ; elle attestait une continuité plus large que celle de L, de LA ou même de LAG162. Rien ne devait rester sans examen, ni être systématiquement attribué à la philologie byzantine. Si elle était moins décriée, on aurait tenu des moyens nouveaux pour valoriser les accords et les coïncidences. Aussi Pearson, au vers 86, retenait-il φάτιν d’un recens (Augustanus b ; Dawe a trouvé la leçon aussi dans le Vaticanus Zc) ; φήμην de la tradition restreinte (LAGR) pouvait (et lui semblait) n’être qu’une glose.
79La réaction contre cette valorisation d’une nouvelle tradition papyrologique, contre l’antiquité du témoignage, a reconnu l’importance des détériorations, immédiates et transmises, que les papyrus comportent, au même titre que les manuscrits médiévaux163 ; certains accords avec la tradition médiévale peuvent être dus à la régularité répétitive des erreurs164. Les conclusions premières cependant n’ont pas été remises en question. La position de l’ouverture s’est sentie renforcée.
80Ce que Pearson dit de la timidité des réactions contre l’opinion dominante de la suprématie de L165, s’applique en fait doublement à l’autorité exercée ; elle était d’abord trop fortement établie, et partagée par les « grands », et elle s’imposait ensuite, comme toujours, jusque dans l’argumentation qui la combattait166, affaiblissant la mise en question. Pour le fond, pourtant, le problème avait été correctement posé, en dehors même de l’intervention de Campbell, loué pour une indépendance d’esprit167 que Jebb n’atteint pas, puisqu’il n’a pas reconnu l’autonomie du Parisinus ; tout ne peut pas y avoir été inventé par les Byzantins. Il cite deux exemples, Électre, v. 947, τελεῖν A, qu’il adopte avec Campbell (suivi de Kells, Colonna, Dawe), pour ποεῖν (L et GR, qu’ont préféré Jahn, Jebb, Kaibel, Bruhn, Mazon-Dain ; cf. Kamerbeek) ; le cas n’est évidemment pas décidable (ce sont quasiment des synonymes)168, on ne peut pas exclure que τελεῖν soit une correction byzantine169 ; d’autre part, Antigone, v. 235, où A (avec des recc.) porte δεδραγμένος, que tout le monde adopte (je cite Campbell, Jebb, Mazon-Dain, Müller, Kamerbeek, Dawe, Colonna) ; il semble qu’on ait affaire à une variante de la tradition antique (à voir les deux explicitations dans la scholie de L, p. 230, 4 s. Papageorgius), Pearson ne doutait pas que πεπραγμένος était issu, comme une faute, de δεδραγμένος, alors que Campbell mettait méthodiquement en balance les leçons πεπραγμένος (dont la cause n’est pas classée)170 et δεδραγμένος.
Notes de bas de page
1 La source de l’édition de Rome des scholies paraît être le Parisinus gr. 2799 (écrit autour de 1500), copié sur le Laurentianus. Les révisions d’après L, reportées sur ce manuscrit, se retrouvent toutes dans l’édition de 1518 ; voir J. Irigoin, 1977/1978, p. 321 ; ci-dessous, p. 157, n. 2.
2 Colonna, vol. 1, p. LXI, signale cependant, à la suite d’Elmsley (cf. Lipsius, 1860, p. 24 s.) et de Campbell, p. XLIII, que Victorinus (P. Vettori), dans son édition de 1547, a ajouté quelques leçons de L à la première Juntine (Florence, 1522).
3 Voir Irigoin, 1977/1978, p. 322, qui oppose le cas d’Eschyle, où l’excellence du même manuscrit était reconnue dès le milieu du XVIe siècle, à celui de Sophocle, où l’on a dû attendre la première moitié du XIXème.
4 Voir l’article « Porson » de 1’Encyclopaedia Britannica, 11ème éd., 1911, s.v.
5 Voir ci-dessous, p. 13 s. ; 157, n. 1.
6 Deux éditions du texte, datées de 1552 et 1553 (d’où les divergences dans les bibliographies) ; les scholies, dans un appendice de l’édition de 1553 ; cf. Turyn Manuscript Tradition, p. 74. n. 73. On a écrit Tournebou dans le commentaire dans cette introduction, la dénomination traditionnelle de Turnèbe a été préférée
7 Voir cependant p. 13 s., 15, 17.
8 1977/1978, p. 320 s.
9 Manuscript Tradition, p. 27 et 175 s. La supposition y est qualifiée d’« untenable ».
10 La copie semble perdue pour les quatre autres pièces.
11 Voir Turyn, Manuscript Tradition, p. 198-201, pour les transcriptions manuscrites d’éditions imprimées de Sophocle ; Aubreton, Démétrius Triclinius, p. 239 s.
12 Turnèbe s’est écarté des éditions précédentes en se basant sur le Parisinus gr. 2711 (= T) ; voir Turyn, Manuscript Tradition, p. 80-86 ; et Irigoin, 1977/1978, p. 322. Pour les scholies de la triade et d’Antigone, il s’est servi, d’après Turyn, d'un manuscrit de Cambridge (Bibl. Univ. Dd. XI.70 [= Tg]), descendant d’un manuscrit de Modène, l’Estensis Tf (op. cit., p. 82). Voir les observations d’Irigoin sur l’état du manuscrit, loc. cit., p. 322. Turnèbe pourrait avoir disposé du manuscrit Y, ayant servi pour le texte de l’Aldine (voir ci-dessus, p. 8) ; les leçons non tricliniennes auraient alors une double origine. L’hypothèse est retenue par Turyn, Manuscript Tradition, p. 176, n. 187.
13 Les variantes chez H. Estienne proviennent de Turnèbe. Voir Elmsley (éd. d’Oed. à Colone, 1824, p. VI), citant ses Annotationes in Sophoclem et Euripidem. Elmsley reproduit ses remarques « davantage pour l’autorité du nom que pour les lumières qu’il jette sur Sophocle ».
14 Longe melior et emendatior est is codex eo quo Turnebus usus est,..., Praefatio, p. XII. Voir l’aperçu d’Aubreton, Démétrius Triclinius, p. 257-261, avec l’extrait qu’il reproduit de Heath (p. 260) comparant les éditions qui suivent toutes Turnèbe avec celle qu’Alde avait donnée ex melioribus longe et vetustioribus exemplaribus. Pour le XVIIIème s., voir aussi p. 158, n. 3. Je cite Brunck d’après l’édition élargie, en 4 vol., Londres, 1824 (avec les leçons et les notes d’Erfurdt, Hermann, Schaefer ; et Charles Burney).
15 Le Parisinus gr. 2787 (Zn) s’accordant souvent avec T (Blaydes, Preface, p. XLI).
16 Se réclamant d’Elmsley, Blaydes note que « the possession of these... enables us, in a great measure, to dispense with the rest » (Preface, p. XXXVI).
17 Cf. Blaydes, ibid. ; voir ci-dessous, p. 14 (Elmsley).
18 T. Burgess est l’auteur des annotations sur les trois tragiques dans la réédition de 1779 de l’œuvre de Burton avec les tragédies thébaines (1759) ; voir ci-dessous, p. 158, n. 3. G. Burges a, lui, édité plusieurs tragédies autour de 1820-1830, dont le Philoctète (Londres, 1833). La préface explique ses principes. Contre Hermann, « qui change constamment d'opinion sur tous les points épineux », il préfère établir son propre texte de nouo, en s’appuyant si possible, avant d’avoir recours à l’émendation, sur les manuscrits, ou alors, sur cette autre autorité (« what is of equal authority ») de la langue, jus et norma loquendi (p. VI ; la préface est en anglais comme le commentaire ; l'auteur avoue avec complaisance ne pas lire l'allemand). La sélection des notes (variorum) est soumise à la simplicité et à la correction du langage que le texte de Triclinius (T Zn Zr) observe mieux, confirmant ainsi contre Elmsley l’authenticité de cette branche (« another more intelligible... source, an older and better Ms »), provenant pourtant du même archétype unique (p. IX s.). On est donc libre de faire son choix et de puiser où l’on trouve son bien.
19 Voir ci-dessus, p. 8.
20 De l’édition de Plantin (Canter) : Sophocleorum dramatum formant ita constituit, ut eam exhibent vulgares editiones omnes,...
21 magistrorum, tironum, literatorum manibus versari solitae (Brunck, Praefatio ed. primae, p. X).
22 Pour Brunck, voir encore ci-dessous, p. 108, n. 3. Avant Elmsley ou Dindorf (voir ci-dessous pour l’un et pour l’autre), on pourrait citer la préface de Bothe (1806), pour la perpétuation du jugement de Brunck : Turnebi quamvis parum iudiciosa diligentia.
23 Démétrius Triclinius, p. 269, n. 3.
24 Aubreton ne donne pas d’exemples. Il faudrait, d’une part, s’assurer que les leçons ne se trouvaient pas dans un autre manuscrit qu’il consulte, d’autre part définir chaque fois la nature du problème posé.
25 Blaydes, Preface, p. XXXVI, n. 2.
26 Elmsley, 1824, p. VII.
27 Voir ci-dessus, p. 11, pour les critiques d’Elmsley.
28 Sophoclis Tragoediae septem ad optimorum exemplarium fidem ac praecipue cod. vetustissimi florentini em.
29 Ad S. Tragoedias Annotationes, 1836, Index librorum, p. XV, après l’édition Teubner de 1825. Il est résolu à faire état de toutes les leçons de L, et de citer les autres en usant « d’une sélection beaucoup plus sévère ». C’est l’amorce de l’exclusivisme.
30 Copie de L du XVIème siècle, cf. Turyn, Manuscript Tradition, p. 184.
31 Pour 77, voir Turyn, op. cit., p. 188 s. (copie de L). La portion du texte dans le Riccard. 89 est une transcription de 1565 de la deuxième Juntine ; cf. Turyn, op. cit., p. 200 s.
32 « Recension triclinienne », selon Elmsley, p. IV, et Turyn, op. cit., p. 76.
33 Oedipe à Colone (1824), p. 88 s. ad v. 7.
34 ... tum alii, tum grammaticus, cujus recensionem exhibet Ms. Par. B., op. cit., p. IV.
35 Ibid.
36 Dresdenensis a, cf. Erfurdt-Hermann, Dindorf.
37 Index librorum, p. XVIII.
38 Voir ci-dessus, p. 13 s. Pour Brunck, voir la n. suiv. et p. 81, n. 2.
39 Voir l’Index librorum, p. XV-XVIII. Après Brunck (A, Zn, Zf, Par. 2794 [= C Dindorf], 2820 [= D Dindorf], et un manuscrit de la bibl. personnelle de Brunck), Bekker pour Hermann (Zr, Par. 467 [ ?]), Bothe (P), Doederlein (Monac. graec. 334), Elmsley (L, Riccardianus 77, Zo « semblable à Zn » [= R Dindorf]), Erfurdt et Hermann (Tb et un deuxième ms. de Dresde, Da. 22, deux de Leipzig, 1.4.44, a et b, deux de Moscou, Mosq. a, olim Sinod. Bibl. gr. 504 [cf. Turyn, op. cit., p. 192] et b [= Jb], Sinod. Bibl. gr. 505), Faehsi (Par. 2884 [= E Dindorf]), Hermann (Zb, Monac. gr. 507, après Brunck = Augustanus b., c.), Porson (Londres, Harley 5743, apographe de A pour Philoctète, Trachiniennes, voir Turyn, op. cit., p. 190), Purgold (J). Dindorf néglige trois manuscrits d’Oxford et de Cambridge, utilisés par les Anglais (nihil vidi memorabile). Pour G, Δ, X, voir p. 20.
40 Repris et développé par Blaydes, Preface, p. XLI-XLIV.
41 Pour Brunck, voir par exemple au vers 1061. Les notes de Hermann sont ajoutées à l’édition minor d’Erfurdt (8 vol., 1809-1825 ; la major en 7 vol. est de 1802-1811, préparée sur les conseils et avec l’aide de Hermann ; Erfurdt, mort à l’âge de trente-trois ans, en 1813, n’a pu publier qu’Antigone et Oedipe roi ; Hermann a remanié ces deux pièces, et s’est chargé du reste, 1817-1825 ; Oedipe roi, en 1823).
42 Voir, entre beaucoup d’exemples, ad. v. 1196 ou 1201.
43 Voir au vers 221 ; contre Elmsley 315, 461, 957, 1200.
44 Praefatio, p. XV (Index librorum).
45 Il suit l’édition Dindorf de 1849. Comme Wunder, plus grammairien que critique (voir Blaydes, Preface, p. XXXV), a suivi Dindorf, quand il en disposa ; la première édition de son commentaire (1824) est antérieure (rééd. de 1831-1837, et postérieurement, en Allemagne et en Angleterre).
46 Brunck, Elmsley, Hermann, etc.
47 Burges, Buttmann. Le texte « triclinien », plus ancien que le grammairien, était antérieur à la Souda et à Eustathe, marqués par l’Aldine, voir ci-dessus, p. 10. La qualité, c’était la lisibilité ; elle ne témoignait pas du travail éditorial, mais d’une pureté antique. L’un et l’autre, avec les scholies, remontent à un archétype unique. Les divergences somme toute sont mineures.
48 L, A, T, avec le Parisinus 2787 (B, encore pour Jebb et Pearson), représentaient pour Elmsley l’essentiel ; voir ci-dessus, p. 9.
49 Préfacé, p. XXXVIII ; voir, sur ce texte dans les scholies de Triclinius, Irigoin, ci-dessous, p. 59, n. 4.
50 « ... their modes of expression generally bear a striking resemblance to one another... », Blaydes, Preface, p. XXXI. On n’en disconviendra pas.
51 L’opinion avait, pour Eschyle, été soutenue par Burges dans son commentaire des Suppliantes (1822), au moment même où Elmsley rapportait ses collations de L de Florence.
52 Il n’y a pas de système dans ces ondulations de l’altérité :... quae ratio est... istarum lectionum, quae e diversis apographis diversae afferuntur ?, De Arte Interpretandi, p. 103. Pour les apports et les limites, voir Wilamowitz, Einleitung in die griechische Tragédie, 2ème éd., p. 253.
53 ... in editorum cerebro natis, op. cit., p. 129.
54 Il ne discute pas, dans le traité, d’exemples empruntés aux tragiques ; mais voir ses Novae (1858) ou Variae lectiones (1873).
55 ... diuturna lectione scriptoris, op. cit., p. 129.
56 1889, p. 470-474.
57 La même erreur (surprenante) se trouve répétée dans l’édition des scholies, chez Papageorgius ; voir ci-dessous, p. 109, n. 1.
58 Annotationes (1836), Index librorum, p. XVI. Plus tard, le manuscrit sera relégué au rang de bon apographe, voir 1860, vol. I, Praefatio, p. V. Wilhelm Dindorf (1802-1883), grand éditeur de textes grecs, avec son frère Karl Ludwig, a édité Sophocle en Allemagne et en Angleterre (les éditions anglaises étaient souvent publiées aussi à Leipzig), couvrant largement le marché. Dès 1821 (à dix-neuf ans), il réédite l’Oedipe roi d’Elmsley. Il y a 1. les éditions Teubner ; la première est de 1825, contenant les leçons des trois manuscrits de Florence (2ème éd. 1850, 3ème 1856, 4ème 1863 et 1875, 5ème, texte tiré des Poetae sc., 1867 ; la 6ème éd., revue par Mekler, est de 1885) ; avec une traduction latine, en 2 vol., 1850 ; 2. l’édition des trois tragiques, avec Aristophane, les Poetae scenici, en un seul volume, paru d’abord à Leipzig (et Londres) en 1830 (« reissue » à Londres, 1841 ; 2ème éd. revue, Oxford, 1851 ; autres éditions, 1861,1865, 1868 etc. ; une « cinquième », avec une nouvelle préface, que nous citons, Leipzig, 1869). 3. Il a fait paraître une édition annotée en 2 vol. à Oxford en 1832 (le texte, 2ème éd. 1849) et 1836 (les Annotationes, citées p. 13, n. 3, à distinguer de celles des scholies). La plus importante, et sans doute la plus répandue, était la troisième d’Oxford, en 8 volumes, de 1860, avec les préfaces auxquelles on se réfère. Eschyle et Sophocle ont été édités par lui (1842-1844) dans la Didotiana (Ahrens, d’après Dindorf, et Dindorf, d’après son édition ; la traduction latine est de Benloew). L’entreprise est énorme. Il faut ajouter, entre autres publications sur Sophocle et les autres tragiques, l’édition des Scholies de 1852 (voir p. 157, n. 1). Voir aussi la bibliographie, vol. III.
59 Quum aliis, tum inprimis..., Annotationes, Praefatio, p. III.
60 Unus eminet, Index librorum, p. XVI.
61 Voir ci-dessous, p. 87.
62 Préface des Poetarum scenicorum graec. fabulae (1869), p. IV.
63 Non minus certae erunt habendae, ibid.
64 Voir 1860, vol. VIII, p. XIV s., critiqué par A. Metlikowitz, « De Sophoclis Codice Laurentiano, Plut. XXXI, 10 », 1890, p. 216 s. La différence d’appréciation est liée à la facilité accrue des transports.
65 Voir ci-dessous, p. 97. Lipsius, De Sophoclis emendandi praesidiis, p. 9, réfute l’opinion de l’interpolation, et, avec elle, le parti pris. Dindorf n’avait-il pas hésité à maintenir le dogme jusqu’à l’athétèse du vers ?
66 Voir Colonna, om. A, delevit Dindorf. Pour Dawe, la lacune est plus étendue (Studies, III, p. 48). Erreur ou corruption de l’archétype (maintenu par hypothèse : « in a Ms that could genuinely be called the archetype »), la source de AUY omet deux vers (le connu et l’inconnu), les sources des autres manuscrits, un seul.
67 Mekler, dans le remaniement de l’édition Teubner de Dindorf (1885), dressant une liste de même type que celle de Dindorf, avec les écarts empruntés à d’autres manuscrits, reste, sans grande conviction, fidèle à l’orthodoxie de Dindorf. Il considère tous ces écarts comme des fautes.
68 Pour la ligne de conciliation suivie par cet auteur, voir ci-dessous, p. 27 s.
69 « Introd. », p. IX s.
70 Voir l’analyse judicieuse de Schneider, « Der Stammbaum der Sophokleischen Handschriften », 1877, p. 449.
71 Des dix variantes de l’archétype que Turyn énumère pour Électre, deux (v. 1417, ἀρὰς Gsγρ, cf. Dawe, pour ἀραί ; v. 1460, μάτην GR pour πάρoς Gsγρ et L) n’apparaissent que dans G ; des autres variantes, v. 272 (αὐτοέντην Lsγρ pour αὐτοφóντην), 379 (λόγων Lsγρ pour γόων), 1019 (ἀλλ’ οὐδὲν ἧσσόν μοι Lsγρ pour ἀλλ’ αὐτόχειρί μοι), 1101 (μαστεύω Lsγρ pour ἱστορῶ), 1148 (σὴ Ls s.l. pour σοὶ), 1393 (ἑδράσματα Lsγρ pour ἑδώλια), 1450 (μήνυέ μοι Lsγρ pour δίδασκέ pe), aucune n’est adoptée par les éditeurs modernes. Elles apparaissent souvent comme des exercices scolaires, des recherches de synonymes (αὐτοέντην, que retient Dawe, ne fait pas exception). Au vers 1097, Ζηνòς Lsγρ convient pour le mètre (cf. Triclinius), contre Διòς, que Kaibel (comme d’autres) remplace par un autre mot. Les autres exemples confirment (ou peuvent faire comprendre) son jugement. La glose, quand elle convient, peut, comme on l’admet, s’être glissée dans le texte ; en marge, elle peut s’être muée en « variante ».
72 Voir l’opposition décrite par Earle, qui opte pour l’information ouverte, p. 57-59.
73 Voir le compte rendu de l’édition de Dindorf (1860), 1862, p. 156.
74 On peut citer l’usage qu’en fait Diggle, dans son Euripide (O.C.T.).
75 D’autres Nauck ont autrefois réparé le texte. L’auto-projection est parfaite. Les altérations se laissent difficilement identifier.
76 Préface à la 7ème éd. ; dans la 9ème éd., p. X.
77 Citations de Boeckh, tirées de son Antigone (1843), p. 6 : « les œuvres de Sophocle sont si parfaites que la moindre déviation leur fait perdre aussitôt à la fois la force expressive et la coloration ajoutée à l'expression ».
78 « Die gröbsten Fälschungen... scheinen von den Pseudokritikern in Alexandria herzurühren... », préface à la 5ème éd. ; dans la 9ème éd., p. VI.
79 Avant la période alexandrine (ibid.). C’est l’expression la plus parfaite du pessimisme méthodique de Page.
80 Qui, pour Blaydes, est le représentant de cette orientation allemande de la critique (« the general exegetic character of the notes », Preface, p. XXXV).
81 D’après les collations d’Elsmley, de Cobet (mises à la disposition de Schneidewin), de G. Wolff pour Oedipe roi (« Oedipus Tyrannus post Elmsleium denuo collata cum codice Laurentiano primo », 1854, p. 118-129), à côté de celles faites par Dübner (1852) pour Dindorf.
82 Nauck, op. cit., p. IV.
83 Le point de vue normatif triomphe. Mieux vaut, pour l’élève des lycées, une modification, même incertaine, qu’une expression bizarre ou « obscure » ; Nauck, op. cit., p. VI.
84 Op. cit., p. VII.
85 Cf. W. Kraus, « Eine vergessene Konjektur Radermachers (Sophokles, Philoktet 220 und 222) », 1980, p. 12. Voir mon étude à paraître sur Philoctète, v. 220-222.
86 « Die nachschaffende phantasie », Einleitung, p. 217 ; voir F. Bücheler (1978), p. 244. Voir aussi ci-dessus, p. XV.
87 Einleitung, p. 252 ; il a créé « un modèle inégalable » avec le recueil des fragments.
88 La « poésie » n’est pas impliquée dans la langue, confinée au sentiment et à l’effet oratoire (voir une expression comme « la singularité la plus intime de la poésie sophocléenne », Nauck, 1862, p. 169, touchant une double entente).
89 Loc. cit., p. 175.
90 Préface à la 8ème éd. de l’Œdipe à Colorie, 1883, p. 3 s.
91 Le « goût indépassable » des Français, le sens de la « simplicité », de « l’expression appropriée », la mesure, p. 4. Les valeurs « classiques ». Sur la tension créée par la reconnaissance de deux types de valorisations qui s’excluent, et la balance entre obstacles dressés en France et motivations implicites en Allemagne, voir mon étude « M. de W.-M. (en France). Sur les limites de l’implantation d’une science », dans Wilamowitz nach 50 Jahren, p. 468-512.
92 Tournier (p. XII), par l’intermédiaire d’Henri Weil, est orienté vers l’Allemagne. Ses remarques pouvaient largement décrire une pratique et une tradition anglaises.
93 Op. cit., p. XII. Le parti choisi par Tournier est révélateur des obligations que lui impose une tradition culturelle trop différente. « ... interpréter les passages vraiment difficiles », et séparément « contester... l’authenticité... » (p. XIII), sans corriger ni exciser.
94 Compte rendu de Mazon-Dain, vol. 2, 1961, p. 162 s.
95 Qui ne souscrirait à une phrase comme celle-ci : « il est trop commode de frapper d’athétèse des vers qui déplaisent, comme de suppléer des lacunes si l’on juge défectueuse la suite des idées », Introduction, p. XXIX.
96 « ... cela n’empêche pas... », ibid.
97 Ibid.
98 Grundriss der griechischen Literatur, 2ème éd., II, 2, p. 346, s’appuyant, outre Elmsley, sur K. Reisig (préface de Sophoclis Oedipus in Colono, p. IX s.).
99 L’opinion de Brunck contre T et Turnèbe est toujours vivace (Triclinius, « par les interventions les plus plates, altère le texte », op. cit., p. 344). Le travail cathartique est dû à Brunck, puis à Hermann. « L’exégèse est plus récente », elle porte sur les problèmes internes et sur l'authenticité des leçons (p. 345).
100 Souvent expressément liée à l’exclusion d’autres manuscrits utilisés ; voir Lipsius, Seyffert, etc.
101 Compte rendu de l’édition d’Oxford des scholies par Dindorf (= vol. II), 1853, p. 497-510 ; voir les résumés des défenses (Schneidewin, Lipsius, A. Seyffert, Schneider, etc.) chez K. Meifert, De Sophoclis codicibus, p. 31. L’auteur retourne à la thèse de Dindorf : tous les manuscrits dépendent du Laurentianus. A est l’apographe le moins altéré de L, corrigé par un grammairien ; il est suivi de G, en troisième position.
102 1853, p. 497 s.
103 Pour P de Heidelberg, il dispose d’une collation nouvelle et excellente par Kayser (p. 499).
104 Des deux exemples qu’il cite (p. 498), pour l’accord de A et de la Souda, le vers 18 est concluant, le vers 13 ne l’est pas.
105 L’évidence est si forte qu’il estime que Dindorf est (par ses propres recherches) contraint « de renoncer à ses opinions insoutenables sur l’origine unique de L » (loc. cit., p. 498).
106 De Sophoclis emendandi praesidiis (p. 21, n. 3), et Apparatus Sophoclei Supplementum, 1867.
107 La première édition est de 1870 ; la troisième, revue par Bellermann, utilisée dans le commentaire, de 1885.
108 1854 (voir p. 25, n. 2), p. 118-129.
109 Éditée en 1809, puis 1812, avant son séjour à Florence.
110 Voir Wolff, 1854, p. 120.
111 Voir ci-dessus, p. 20 s.
112 Dans la préface du tome VIII de l’édition de 1860, p. VI.
113 Anton Seyffert, Quaestiones criticae, p. 19-21 (Moritz Seyffert — voir son édition du Philoctète, Berlin, 1867, ad novissimam optimi codicis conl. — est dans l’autre camp des exclusivistes ; présentation de sa position dans la Praefatio de cette édition).
114 Op. cit., p. 21 s.
115 Op. rit., p. 23 s. Parfois le texte « non altéré » est en fait une correction. Il opère avec les informations qu’il a.
116 Op. cit., p. 28-40 ; pour Oedipe roi, voir p. 33-36. Il fait, comme on peut s’y attendre, la part trop belle à cette tradition.
117 Voir ci-dessus, p. 30.
118 La thèse d’une pluralité de prototypes de la transmission médiévale n’est pas éloignée de la contamination généralisée. Les doublets ne lui paraissaient pas suffisants pour expliquer les divergences.
119 Voir les exemples discutés, op. cit., p. 41. Au vers 499 de l’Ajax, il défend δούλιον LG (contre δουλίαν) τροφήν.
120 1877 (voir p. 22, n. 5), p. 441-449.
121 Il dispose, avec l’édition Jahn-Michaelis (1872), des collations de L (La), K (1 ou Lb Dindorf, dépendant de L), A (p), Zf (e, dépendant de A), G (g), et d’une série d’autres manuscrits (avec la triade), qu’il néglige.
122 Le seul cas qu’il trouvait pour G contre L et A était Électre, v. 57 (φέρωμεν G : φέρωμεν rell.) ; il ne lui paraissait pas concluant (1877, p. 448). Les relevés ne sont ni suffisants ni assez précis, mais comme A effectivement partage, comme G, des leçons avec L, et, d’autre part, s’accorde souvent avec G, la conclusion dépendait du parti qu’on s’était proposé de soutenir.
123 1877, p. 443.
124 Je suis la 2ème édition ; la 1ère est de 1871.
125 Preface, p. XLII.
126 Trois d’entre eux, P, Δ et Wa, sont classés par Turyn dans son groupe ѱ.
127 Preface, p. XLIII. Corrigé par Turyn (Manuscript Tradition, p. 175 s.) ; ci-dessus, p. 8 ; et ci-dessous, p. 85 s.
128 Le terme de « scholastique » n’est pas anodin, en dehors de ce contexte particulier. La pureté originelle grecque est altérée par une tradition ecclésiastique ambiguë.
129 Pour Campbell, c’était le scribe.
130 Sur ce passage des Trachiniennes, voir mon article, 1970, p. 46 s.
131 Voir, du moins, p. XVI : « ... in all probability approximatedly Sound ».
132 Voir Mekler, B.T., p. Vs. : utrum correctiorem scripturam (à savoir d’une autre origine)... an primariam in Laur. amplectaris ceterum vitiosam, cui tamen interdum multo lenior medicina succurrat,... Les fautes sont souvent « minimes », et donc réparables : memoriam levidensi mendo obliteratam (p. VI).
133 Lysias (Palatinus 88 de Heidelberg) fournissait l’exemple, illustré par H. Sauppe dans l’Epistula critica de 1841. Le modèle est présenté comme une tentation dans l’Einleitung de Wilamowitz, p. 253.
134 Op. cit., p. XXIV.
135 Op. cit., p. XVI : « my visits to the towns of Italy... have been unavoidably hurried, and the hours per diem... in the libraries... unfortunately limited ».
136 Op. cit., p. XXII s.
137 Op. cit., p. XXIV.
138 Le principe de la contamination généralisée est formulé par Campbell (voir op. cit., p. XXIV, sur la pratique de corriger un manuscrit d’après l’autre : « le terme de ‘famille’ ne peut s’appliquer qu’en un sens très modifié »).
139 Dans son édition, « Manuscripts », p. LV.
140 Voir ad v. 957 : « A is among the MSS. which have it » (σημάντωρ, qu’il retient). Le manuscrit est un représentant privilégié des apports supplémentaires (de soutien).
141 « Manuscripts », p. LV.
142 Avec A : v. 182, v. 967, v. 1474 ; contre A : v. 43, v. 221, v. 297, v. 347, v. 657, v. 730. On peut considérer comme secondaire l’absence de distinctio dans les vers 1260 et 1387.
143 Pour toute la diversité des autres leçons, voir l’apparat de Dawe.
144 « Ueber die mediceische handschrift des Aeschylus und deren verhaltniss zu den übrigen handschriften », I et II, 1862, p. 55-81 ; 1863, p. 1-17.
145 Einleitung, p. 204 s. ; « aber der text ist von einer verblüffenden einheitlichkeit ».
146 Ibid. Le mal n’a pas été grand. D'abord en raison de cette uniformité relative de la tradition ; et ensuite L est de toute façon « le meilleur manuscrit, incomparable aux autres ».
147 1860, vol. VIII, Praefatio, p. XV : omnis... de librorum manuscriptorum inter se ratione controversia ad minimorum vitiorum correctiones pertinet. La faible divergence appuyait la thèse du travail conjectural.
148 Pour Easterling (« The transmission of the text », Sophocles Electra, éd. par Kells, Appendix 3, p. 252 : « ... there is one fact... ; the striking homogeneity of the MS tradition »), la conclusion est tout autre ; le phénomène est compris différemment s’il est rapporté à l’unité de la transmission. On en tire l’assurance de lire la vulgate de l’Antiquité tardive.
149 Einleitung, p. 194.
150 Par les interpolateurs byzantins des manuscrits plus récents. C’étaient des philologues, « nos collègues », p. 194 s.
151 Voir par ex. Einleitung, p. 205 s.
152 1899, p. 79 ; je cite la 8ème éd., 1914, p. 85-88.
153 Voir p. 86. n. 1 : « Bruhn a montré de façon convaincante que G était indispensable » (la première édition Weidmann de Bruhn [= 10ème], après Nauck, est de 1897 ; Wilamowitz s’y appuie).
154 Vat a, classé par Turyn dans la recension de Moschopoulos (Manuscript Tradition, p. 29 ; d’abord daté du XIIème siècle, cf. Earle, p. 58 ; puis du XIVème ou XVème, chez Pearson).
155 Einleitung, p. 245-251, et ailleurs.
156 « Nous ne sommes pas là pour perpétuer notre propre mémoire », Einleitung, p. 248.
157 Die Ilias und Homer [2ème éd.], p. 7 : « die Grammatiker der nächsten Generation unterwarfen sich auch noch nicht dem blöden Autoritätsglauben... wenn die Grammatiker zu eigenem Urteil nicht befähigt waren, tat auch der blinde Glaube nur Gutes ».
158 Kenyon, 1919, p. 1-15 ; Grenfell, 1919, p. 16-36.
159 Pearson ne disposait que de six fragments, assez minces.
160 Pearson donne pour exemples Oedipe roi, v. 827 (que Dawe n’adopte pas), 1306 (une variante ?), 1355. Ils contribuaient à réhabiliter A (voir v. 1306, 1355). En outre, Électre, v. 963.
161 Voir Dawe, dans son édition de 1982, ad v. 827.
162 Recentiorum auctoritatem... continuo a grammaticis Alexandrinis usque ad nostram aetatem... traditam, p. VII s.
163 Turyn met sur le même plan les papyrus et l’évidence manuscrite : « dans l’ensemble, ils n’apportent pas de divergence notable » (Manuscript Tradition, p. 18, n. 7).
164 Voir West dans ses comptes rendus des Studies de Dawe, 1977, p. 266 ; 1980, p. 365 s.
165 Sed ita modeste et summissa, ut ita dicam, voce loquebantur..., Praefatio, p. IV.
166 Sur le point de la préférence à accorder à L dans l’ambiguïté (Lipsius, A. Seyffert), cf. ci-dessus, p. 23, 31 s. Le parti, encore choisi par Jebb, se défend souvent dans la pratique. Pour Pearson, à moins d’être instruit d’une interpolation, la plus grande ancienneté n’est pas une garantie d’autorité supérieure (Praef., p. Vs.).
167 Du moins dans l’analyse des manuscrits : ad plerorumque sententiam accedere noluit, Praef., p. IV.
168 Ce qu’on ne dirait pas pour le texte poétique doit être reconnu pour les exercices savants, encore que, pour le correcteur, ce ne soit pas un synonyme non plus ; il trouve τελεῖν mieux dit. Le texte est une école du bien dire.
169 « Ancienne », à savoir byzantine (attestée par les deteriores), mais prémoschopouléenne pour Turyn, Manuscript Tradition, p. 18, n. 6, et p. 133.
170 Ce serait un cas où, selon Jebb, L est à préférer pour « les vestiges du vrai ». Pour la défense du texte de L, je renvoie à mon article écrit sur la scène du messager, « Duel pour un espace de parole. Le messager devant Créon, Antigone, v. 223-248 et v. 315-331 » (à paraître).
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