Avant-Propos
p. 7-9
Texte intégral
1Après tant d’années, l’entreprise commencée avec Jean Bollack arrive près de son terme, avec la publication du commentaire des scènes parlées de L’Agamemnon d’Eschyle. Un prochain volume donnera l’édition critique et la traduction de l’ensemble de la pièce, ainsi qu’une présentation de la tradition de ce texte et des analyses métriques.
2Cette longue gestation n’a pu aboutir qu’avec l’aide d’amis très proches, et d’abord grâce à Jean Bollack, perpétuellement prêt à revenir sur l’ensemble des interprétations proposées, à les discuter, à les modifier et à les renforcer ; au cours de lectures et de relectures communes du texte, nous avons pu partager les exigences de liberté, de rigueur et de critique qu’il a su introduire dans la discussion philologique ; le terme de collaboration est trop en-deçà d’un travail partagé sur ce mode. L’école philologique qu’il a fondée à Lille, et dont j’ai été responsable pendant de longues années, de 1986 à 2000 (cette charge expliquant en partie le retard pris par le livre), a été un milieu exceptionnellement favorable à ce projet. Le goût pour la réflexion commune, pour la remise en question des interprétations réductrices, la curiosité pour les autres disciplines, notamment la linguistique, la philosophie et l’histoire des sciences historiques, caractérisent cette « école » et sont pour beaucoup dans la forme qu’a finalement prise ce commentaire. Heinz Wismann, Philippe Rousseau, André Laks et Fabienne Biaise furent des interlocuteurs permanents et inventifs. Jean Lallot, au début de mon travail, m’avait fortement aidé à en clarifier les orientations. Myriam Hecquet-Devienne a pu examiner à Florence le Laurentianus 32.9 sur plusieurs points difficiles et apporter des observations nouvelles. Myrto Gondicas, François-Pierre Dupleix, Alain Lernould, Denis Thouard, Rossella Saetta-Cottone, Stefano Novelli, Perrine Simon-Nahum, Catherine Dubois, Georges Pinault, Christoph König sont intervenus de manière critique et rigoureuse. Anne de Crémoux, Caroline Plichon ont aidé à la finition du livre. Pendant les années qu’elle a passées au Centre de recherche philologique, Christine Samain a vivifié toute l’entreprise.
3Comme la philologie ne peut survivre sans un débat réellement ouvert et sans la confrontation continue avec d’autres points de vue que le sien sur l’Antiquité, de nombreux autres liens se sont noués.
4Un premier état de ce commentaire a été présenté en 1992 comme travail d’Habilitation devant un jury composé de Jean Bollack, Jacques Jouanna, Charles de Lamberterie, Claude Meillier, Pietro Pucci et Pierre Vidal-Naquet. Les discussions pendant et après la soutenance ont été profondes et m’ont vraiment aidé. Des habitudes de travail en commun ont pu être prises, des amitiés se sont nouées, ou renforcées.
5Vittorio Citti a lu et discuté l’ensemble du commentaire et a apporté les découvertes qu’il faisait sur la lexis d’Eschyle ; il a par ailleurs créé autour de lui, à Cagliari et à Trente, un milieu philologique à la fois international et intense, où l’argumentation l’emporte vraiment sur les préjugés et les conventions. J’ai pu, dans ce cadre, mettre à l’épreuve plusieurs de mes interprétations.
6Les amis qui, en 1991, ont fondé avec Philippe Rousseau et moi le séminaire annuel CorHaLi (Cornell-Harvard-Lille), Pietro Pucci, interlocuteur philologique et philosophique infatigable, Gregory Nagy, qui m’a appris la sociologie des formes poétiques archaïques, ont montré que l’utopie d’une confrontation serrée et généreuse entre des méthodes différentes n’était pas inatteignable. Au fil des années, ce séminaire, qui s’est ouvert aux hellénistes de Lausanne et de Princeton, a su créer une vraie communauté vivante de discussion, avec, notamment, Claude Calame, Andrew Ford, Albert Henrichs, Nicole Loraux, Richard Martin, Charles Segal, Martin Steinrück, Froma Zeitlin. On retrouvera dans ce livre le climat intellectuel de nos échanges.
7Il me fallait également ancrer le questionnement philologique adressé au texte de l’Agamemnon dans des problématiques théoriques actuelles. Sans une réflexion philosophique sur elle-même, la philologie reste bancale et inconsciemment prisonnière des philosophies existantes. Le « détour » par un réexamen des questions générales que pose l’acte d’interpréter a donc été nécessaire (ce détour étant lui aussi facteur de retard) ; il a été possible et fructueux grâce à Heinz Wismann, qui a profondément renouvelé la réflexion herméneutique en soumettant les théories de l’histoire à une critique philosophique à la fois radicale et positive, c’est-à-dire qui donne ses chances à une compréhension non naïve des individualités historiques. Ce travail a eu une répercussion forte sur ma manière de lire et de comprendre l’histoire de la tradition philologique. De longues discussions avec Jean-Marc Ferry, notamment sur l’histoire des formes de discours, m’ont permis de situer dans un contexte historique et théorique intelligible le travail sur les phrases d’Eschyle. Par ailleurs, j’ai été soutenu dans l’idée que la philologie ne progressait que par un retour réflexif sur son histoire en m’associant à plusieurs reprises à l’entreprise d’une histoire critique des disciplines littéraires modernes menée par Michel Espagne et Michael Werner.
8Plusieurs fois, j’ai eu la possibilité de porter les débats philologiques hors de la scène académique, et de rencontrer des philologues d’un autre genre, qui ne sont pas moins exigeants. En 1990-1992 notamment, j’ai participé à l’élaboration du spectacle d’Ariane Mnouchkine, Les Atrides, au Théâtre du Soleil, en travaillant avec elle mot à mot la lettre du texte de l’Agamemnon. Il ne s’agissait pas simplement de transmettre une lecture (ce qui est l’un de nos rôles, puisque nous sommes ausi les « griots » des textes que nous analysons), mais, surtout, d’enrichir fortement mon approche du sens en la confrontant à une pratique risquée, globale et lumineuse de cette œuvre.
9Plusieurs institutions ont indéfectiblement soutenu l’entreprise, malgré ses lenteurs. Au Comité national du C.N.R.S., Jacques Bompaire, Raymond Weil et Mireille Corbier m’ont encouragé et suivi au cours de ce travail. Comme d’habitude, la Maison des Sciences de l’Homme, à Paris, a été, avec Clemens Heller et Maurice Aymard, exceptionnellement généreuse. Grâce à elle, j’ai pu bénéficier, entre autres, des compétences de Myrto Gondicas et de Rossella Saetta-Cottone. L’année passée au Wissenschaftskolleg à Berlin, en 1995-1996, ne pouvait qu’être féconde, et elle le fut. Sous ma direction, le Centre de reherche philologique de l’Université de Lille III a été en 1998 l’un des partenaires fondateurs de l’Unité Mixte de Recherche « Savoirs et Textes » ; cette équipe, dirigée depuis 2000 par Jean Celeyrette et Fabienne Biaise, continue et continuera à aider de tels travaux. Philippe Rousseau, Président de l’Université et philologue, sait ce qu’encourager la recherche sur les textes veut dire.
10Les Presses Universitaires du Septentrion, grâce à Pierre Leconte, Jérôme Vaillant et Jean-Gabriel Caby, ont su apporter à l’entreprise un soutien ferme. Nadine Deregnaucourt, Corinne Jourdain, Halima Boulatarès ont participé à la composition de l’ouvrage ; Patricia Verdier, avec son savoir-faire et ses solutions de mise en page, lui a donné sa forme définitive. Son travail est plus que précieux.
11La rumination philologique d’une même œuvre a été une épreuve pour les proches, qui ont dû prendre avec patience mes impatiences répétées. Pendant ces nombreuses années, Christiane Donati a supporté de pactiser avec des êtres aussi pathétiques, monstrueux, détraqués ou authentiquement déterminés que Cassandre, Agamemnon, Égisthe, ou Clytemnestre, et a finalement su me convaincre qu’une analyse littérale de ces individus n’avait aucune raison de ne pas se clore. Elle m’en a donné les moyens.
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