La lecture comme acte d’innovation. Le cas de la grammaire humaniste
p. 19-51
Texte intégral
1L’écriture et la lecture sont les compétences les plus largement répandues dans la civilisation occidentale, fondée sur l’écrit. Depuis l’invention de l’écriture, l’expérience que l’homme fait de la réalité n’a pas seulement trouvé une expression orale, mais a été fixée et transmise dans des textes. Etre analphabète, dans cette civilisation, c’est être condamné à une existence de paria. En même temps, les attitudes spécifiques que l’homme adopte face au monde semblent se manifester dans les modes de lecture : les différentes manières d’interpréter la relation entre le lecteur et le texte, dans l’acte de lecture, ne circonscrivent pas seulement le rapport de l’homme à la réalité du texte, mais aussi, métaphoriquement, à la réalité tout court1.
2La thèse selon laquelle ma manière de comprendre un texte dépend de la façon dont je le lis, et ma manière de comprendre la réalité de la façon dont je « déchiffre » le monde – ce qui implique qu’une nouvelle méthode de lecture puisse introduire des innovations dans la vie et la conscience de l’homme – semble faire l’objet d’un consensus2. Les avis divergent, en revanche, quant à la définition des différents modes de lecture, l’analyse de leurs implications, la description de leurs effets et l’évaluation de leur portée générale. Un champ de recherche est ouvert ; un besoin de clarification se fait sentir.
3L’objet de ce travail est d’étudier le cas de la grammaire humaniste, soit de la méthode de lecture développée par les humanistes de la Renaissance qui enseignaient les studia humanitatis, la grammaire, la rhétorique, la poétique, l’histoire et la philosophie morale3. Cette méthode, qui fut diffusée dans toute l’Europe par leurs élèves, constituait le fondement de leur projet éducatif. Je tenterai, d’abord, de cerner la place de ce mode de lecture dans le cadre de l’enseignement humaniste et d’en présenter les principaux éléments. Je situerai, ensuite, la méthode des humanistes dans son contexte, en la comparant avec les modèles de la fin du Moyen Age, et la décrirai comme la source et l’expression de la nouvelle vision du monde des humanistes ; enfin, je m’efforcerai d’indiquer brièvement quel fut l’impact du modus legendi humaniste sur la philosophie et la science de la Renaissance et du début de l’époque moderne.
1. – Le ‘modus legendi’ humaniste
4Comme la scolastique, avec laquelle il chercha à rompre avec toute sa violence polémique, l’humanisme était une culture du livre : il voyait dans les textes de la tradition l’objet et la source par excellence de la connaissance. Scolastique et humanisme semblaient cependant s’opposer dans leur mode de sélection des textes : la scolastique se limitait, pour l’essentiel, à un canon de textes faisant autorité4 ; pour l’humanisme, tout livre, en principe, pouvait être un objet de lecture et d’étude5. Des divergences se manifestaient également dans les méthodes de lecture : celle des scolastiques fut rejetée comme stérile et scientifiquement improductive – vision que les humanistes contribuèrent largement à imposer6 –, tandis que la méthode humaniste, qui annonçait celle de la philologie classique, put conserver un certain prestige, bien qu’il fût limité à une discipline spécialisée.
5R. Sabbadini a analysé cette méthode dans son célèbre petit livre Il Metodo degli umanisti7, en s’appuyant sur un autre petit ouvrage, le traité : De Modo et ordine docendi et discendi8, dans lequel Battista Guarino, le fils de Guarino de Vérone, le plus célèbre et le plus influent des professeurs humanistes du XVe siècle, avait résumé du vivant même de son père les principes pédagogiques développés et appliqués par ce dernier et les avait présentés comme un code systématique.
6Pour Sabbadini, l’école de Guarino et le traité de son fils, qui illustrent l’approche philologique humaniste de la tradition antique, invitent à attribuer à l’humanisme lui-même les réalisations qui suscitèrent l’invention de « l’humanisme » du XIXe siècle : l’institution du « lycée humaniste » et la « renaissance de l’Antiquité classique »9. Sabbadini ne va pas plus loin et ne se demande pas si la méthode que Guarino tenait pour assurée, et qui servit à fonder la philologie classique, était par ailleurs susceptible d’apporter une caution au projet plus universel de Guarino et de la pédagogie humaniste : la lecture humaniste des textes ne devait-elle pas apporter autre chose qu’une formation tournée vers le passé et intellectuellement brillante ? Ne devait-elle pas s’efforcer de surmonter en pratique certains problèmes actuels de la vie10 ? La méthode ne devait-elle pas être davantage qu’une méthode particulière et spécialisée, une méthode universelle ?
7Sabbadini eut peut-être raison d’épargner les humanistes et de ne pas leur poser cette question. Les adversaires des studia humanitatis ne critiquèrent-ils pas d’emblée leur éloignement11 ? Si les humanistes entendaient conférer à leur enseignement une portée universelle, cette prétention ne sembla guère être reconnue comme légitime. Récemment, les partisans des humanistes – et non plus seulement leurs détracteurs – ont décrit cette méthode comme une rhétorique vide et privée de sens12 ; quand on examine enfin, sous cet angle, le texte fondateur de la pédagogie humaniste, le traité de Battista Guarino, il faut reconnaître qu’on est d’abord déçu et désemparé.
8Il apparaît en effet qu’à l’exception de quelques réflexions psychologiques présentées dans la dédicace13, et d’un appendice de conseils pour le travail personnel, le modus studendi14, la partie principale du traité de Guarino, le modus docendi pueros15, se compose d’un guide de l’enseignement de la grammaire : la divisio grammatices, donnée au début, est commentée en détail dans les chapitres suivants. Les travaux de K. Percival16 ont montré qu’en dépit des prétentions polémiques de ceux qui l’enseignaient, la grammaire humaniste, du moins à l’époque où elle se constitua, au XVe siècle, ne se distinguait guère de la grammaire scolastique sur les questions centrales, la morphologie et la syntaxe. L’intérêt suscité par ce traité semble plus remarquable que le traité lui-même ; le lecteur est, dès lors, tenté de le feuilleter rapidement ; rencontrant, à la fin de l’ouvrage, un passage où l’auteur s’excuse à demi et suggère que ce texte contient davantage qu’il n’y paraît au premier abord17, il peut cependant relire le texte plus attentivement.
9Ce n’est qu’au terme de cette seconde lecture, plus précise, qu’on peut constater que si la syntaxe et la morphologie des humanistes ne sont pas fondamentalement différentes de la syntaxe et de la morphologie scolastiques, le sens que Guarino confère au terme de « grammaire » implique une nouveauté décisive par rapport à la grammaire scolastique. Sa grammaire enseigne la syntaxe et la morphologie, mais elle ne se limite pas à une introduction élémentaire à la langue latine comme celle qu’Isidore de Séville avait présentée au Moyen Age18 et qui avait été ensuite reprise dans les manuels de Donat et de Priscien19 ; comme le souligne d’emblée Guarino dans sa divisio grammatices, sa grammaire comprend une seconde partie :
La grammaire a deux parties, dont l’une, qui expose les règles brèves et les méthodes pour toutes les parties du discours, est appelée grammaire méthodique, tandis que l’autre, qui traite des récits et des événements historiques, est appelée grammaire historique20.
10L’accent était mis sur cette seconde partie : alors que Guarino consacrait six pages à l’exposition des thèses de la première partie méthodologique, l’introduction à la partie historique, qui comprenait les conseils pour le travail personnel, occupaient neuf pages dans l’édition de E. Garin21.
11A l’origine de cette nouvelle conception de la grammaire, on trouvait les Institutiones Oratoriae de Quintilien, redécouvertes en 1416 à Saint Gall par Poggio Bracciolini : la grammaire y était également divisée en deux parties, et la seconde, celle qui sortait du cadre de la pure pédagogie linguistique, était désignée comme l’exégèse poétique22. Cette distinction semble remonter à la tradition alexandrine, qui attachait beaucoup moins d’importance aux prosateurs qu’aux poètes, mais admettait, malgré tout, les textes de prose comme objets complémentaires de la grammaire, du moins chez Denys le Thrace23. Cicéron, qui semblait inclure la grammaire ainsi entendue dans la rhétorique, fit ensuite succéder à l’exégèse poétique la cognitio historiarum, sans se justifier24. Quintilien, enfin, modifia expressément sa première définition, brevissime, de la seconde partie de la grammaire et déclara que la lecture des poètes ne suffisait pas et devait être complétée par une étude précise de tous les genres textuels (outre la musique, il mentionnait l’histoire, la philosophie et la rhétorique), destinée à parfaire la formation de l’orateur accompli25. Par la suite, il eut finalement recours, pour résumer sa définition de la grammaire, à la terminologie que reprit plus tard Battista Guarino26. Les humanistes, qui, outre la grammaire et la rhétorique, considéraient la poésie, l’histoire et la philosophie morale comme leurs domaines, ou apprirent à les considérer comme tels en s’inspirant de Quintilien27, voyaient manifestement d’un bon œil ce programme d’élargissement de la grammaire. Quelques années avant que Battista Guarino n’expose, en s’appuyant sur Quintilien, le programme d’enseignement et d’apprentissage de son père, le premier pape humaniste, Pie II, qui n’était encore qu’Enea Silvio Piccolomini, avait défendu, dans son traité de pédagogie, une conception de la grammaire qui se référait explicitement à Quintilien, et lui avait consacré la moitié de son ouvrage (vingt-sept pages)28. Dans la génération suivante, le grand Ange Politien se réclama lui aussi de cette définition « universelle » du grammairien pour légitimer son projet d’un enseignement humaniste des textes de la philosophie d’école :
La tâche des grammairiens est d’examiner et d’expliquer tous les genres de textes – ceux des poètes, des historiens, des orateurs, des philosophes, des médecins, des juristes29.
12La nouveauté de ce que les humanistes appellent la grammaire ne réside donc pas dans une révolution des contenus traditionnels d’enseignement, la syntaxe et la morphologie, mais dans une extension du programme d’enseignement : la grammaire devait devenir une discipline à part entière, vouée à la lecture, l’examen et l’explication – excussio et enarratio – des différents genres – omnis scriptorum generis. Ce programme était prometteur ; il permettait d’envisager une ouverture à tous les auteurs et à tous les textes. Dans leur entreprise de « rénovation de l’Antiquité classique », les humanistes refusèrent, en effet, la limitation du corpus des textes scientifiques à un canon bien défini. Ce programme annonçait en même temps une forme universelle d’approche des textes, une méthode applicable à toutes les sciences ayant un support textuel, par delà les frontières des disciplines particulières.
13Ce second projet était exposé dans un feuillet du traité de Battista Guarino, au début du chapitre De Modo studendi, qui donnait des conseils pour une lecture autonome et décrivait très brièvement cette méthode universelle de recherche scientifique. Elle consistait, d’abord, à s’assurer de la signification des mots – la vis vocabulorum – et à examiner chaque phrase, explanatio sententiae, puis à sélectionner des extraits, excerpere, particulièrement remarquables ou singuliers, memoratu dignum, enfin à rassembler, in unum quemdam locum colligere, parmi ces passages choisis, tout ce qui relevait d’une même matière, quae ad eamdem materiam pertinent30.
14Dans un premier temps il s’agissait de soumettre à une analyse philologico-historique de type lexical les mots du texte qui étaient de la même famille et d’éclairer le sens littéral de chaque passage ; dans un second temps, de sélectionner, en fonction de critères extérieurs au texte, une série de termes et de propositions « remarquables » ou « singuliers » parmi ceux qui avaient été élucidés ; dans un troisième temps, ces derniers étaient utilisés à des fins étrangères au texte, dont Guarino précisait la nature : cette lecture du texte devait permettre à l’orateur de faire la preuve de ses qualités, l’abondance, copia, et l’aisance, promptitudo, quel que soit le sujet de son exposé31. D’où le conseil de s’intéresser à tous les auteurs et tous les textes, et la recommandation plus spécifique de lire des ouvrages qui se caractérisaient par leur grande variété et par leur profusion d’exemples et de cas singuliers, comme ceux de Valère Maxime et de Justinien, pour la description des hommes, ceux d’Aulu-Gelle, de Macrobe et de Pline pour celle de la nature32.
15Si l’on songe à la prétention universelle avec laquelle les humanistes proclamaient cette nouvelle méthode de lecture grammaticale, on peut être déçu, en constatant qu’elle n’avait apparemment pas d’autre objectif qu’une réforme de l’enseignement élémentaire d’une science particulière : la rhétorique. Mais si l’on songe au texte qui se trouvait au fondement de cette conception de la grammaire, les Institutiones Oratoriae de Quintilien, ce constat n’a rien de surprenant. Rappelons-nous le propos d’E. Cassirer au début de son livre Individu et cosmos dans la philosophie de la Renaissance : l’humanisme ne représentait pas une véritable alternative à la philosophie et à la science scolastiques, il ne pouvait opposer à ces dernières qu’un « idéal culturel fondé sur l’éloquence »33. L’hypothèse que la diffusion de la grammaire humaniste et du mode de lecture qui lui est propre aient constitué une nouveauté significative paraît d’emblée sujette à caution.
2. Le contexte philosophique
16On ne saurait cependant s’arrêter à un tel constat – pas seulement parce que de Quintilien à Guarino, d’Enea Silvio Piccolomini à Politien, les auteurs nous exhortent à ne pas sous-estimer la grammaire et à ne pas nous laisser abuser par son apparente modestie34, mais aussi parce que de clairs indices suggèrent que la grammaire humaniste qui, chez Battista Guarino, se présentait comme une « propédeutique rhétorique », s’inscrivait dans un projet plus ambitieux : ou bien la méthode humaniste de lecture des textes excédait la finalité rhétorique invoquée par Guarino, en vue de laquelle elle avait d’abord été conçue, ou bien la rhétorique humaniste, l’« idéal culturel fondé sur l’éloquence » ne se réduisait pas à un art du beau discours savant, et représentait une alternative à la conception scolastique de la philosophie et de la science, comme l’affirmaient certains humanistes, par exemple Lorenzo Valla, un contemporain de Guarino35.
17Ces indices ne sont pas seulement textuels, mais factuels. Ils concernent la place et la fonction de la grammaire enseignée par les humanistes dans le contexte de leur temps : non pas le milieu culturel et scientifique du XIXe ou du XXe siècles, mais la réalité intellectuelle du Moyen Age tardif et de la Renaissance. Ils tendent à montrer que l’enseignement des professeurs humanistes, orienté vers la rhétorique, ne s’adressait pas seulement à un public de futurs écrivains et brillants orateurs ; en l’espace d’un siècle, de 1450 à 1550, son succès irrésistible l’amena à conquérir tout le terrain de l’enseignement élémentaire dans l’Europe latine36. Cherchant la cause de la rupture qu’il observait, dans l’histoire des sciences, entre la fin du Moyen Age et le début de l’époque moderne, P. Duhem considéra ainsi qu’il était légitime d’en attribuer l’initiative aux humanistes37. Le programme de lecture grammaticale que ces derniers avaient développé à partir de la tradition de la rhétorique, et généralisé à l’ensemble de l’enseignement élémentaire rencontra manifestement un grand succès à la fin du Moyen Age : bien qu’il trouvât son origine dans une science spécialisée, il parvint à supplanter la méthode universelle de la philosophie et de la science scolastiques, alors dominante. Celle-ci trouvait son expression, on le sait, dans les deux grandes formes de la production scientifique médiévale, le commentaire et la quaestio38, tous deux issus de la tradition néoplatonicienne et fondés sur la lecture des textes canoniques39. Le commentaire, ou narratio, consistait en un exposé retraçant la structure argumentative du texte ; l’enseignant devait se soumettre à cet exercice indispensable pour l’apprentissage des fondements d’une discipline et des acquis de cette dernière. La quaestio, ou assignatio causarum, consistait en un examen des énoncés problématiques du texte, sur le modèle du pro et contra. Elle était insérée dans le commentaire, ou faisait l’objet d’une mise en scène particulière, sous la forme de la quaestio disputata : elle était alors assumée par l’élève qui, ne comprenant pas encore le texte et hésitant quant à la signification à attribuer à tel ou tel énoncé, voyait ses doutes se dissiper en constatant que l’énoncé problématique entretenait un lien logique avec d’autres dont le sens était assuré40. Ces deux formes de la lecture scolastique partaient donc du principe que le texte formait un tout ordonné et non contradictoire, que le message du texte était donné dans l’enchaînement logique et non contradictoire des différents énoncés et que la lecture du texte, le processus d’apprentissage et d’investigation scientifique de la lectio, avait pour objet l’appropriation intellectuelle de cette structure et la démonstration de son caractère cohérent et non-contradictoire.
18Aussi longtemps que les conceptions scientifiques scolastiques purent se fonder sur le principe exposé au début du De Interpretatione d’Aristote, selon lequel les contenus de connaissance, les notions ou les concepts, étaient les images de réalités extérieures à l’âme41 qui s’imprimaient en elle comme le sceau dans la cire, par le truchement de la perception sensible, on put considérer que la mise en ordre des concepts selon leur plus ou moins grand degré d’universalité – « homme » est plus universel que « Socrate », qui lui est donc subordonné, et moins universel qu’« être vivant », auquel il est subordonné – était à l’image de l’ordre des choses, et que l’enchaînement des concepts dans une argumentation logiquement nécessaire permettait de connaître la véritable structure des choses : quand on démontre la proposition selon laquelle tous les hommes sont mortels en attribuant au concept d’« être vivant » la fonction d’une cause – « Tous les êtres vivants sont mortels / Les hommes sont des êtres vivants / Tous les hommes sont mortels » – le fait que l’homme soit un être vivant est aussi la cause réelle de son impossibilité à être immortel.
19La vérité, définie comme l’adéquation du contenu de connaissance et de l’objet de connaissance, adaequatio rei et intellectus, était ainsi garantie par l’établissement de l’enchaînement logique des concepts. L’ensemble des propositions qui pouvaient être formulées à propos d’une chose, de façon cohérente et non contradictoire, exposaient l’être véritable de cette chose et l’ensemble de toutes les propositions qui pouvaient être formulées à propos de la réalité en général de façon cohérente et non contradictoire exposaient l’être véritable de la réalité en général. Pour connaître la réalité, le savant scolastique ne devait donc pas observer les choses elles-mêmes, mais lire les écrits d’Aristote, qui donnaient une image conceptuelle de l’être véritable des choses ; pour comprendre le monde, il ne devait pas analyser les lois de la nature, mais expliciter la structure logique de l’argumentation aristotélicienne ; pour écarter les doutes et les interrogations, il ne devait pas étudier les choses elles-mêmes, mais la doctrine aristotélicienne, et saisir sa cohérence et son absence de contradiction.
20Les choses évoluèrent cependant au début du XIVe siècle, avec Guillaume d’Ockham, lorsqu’au terme de deux siècles de « querelle des universaux », s’imposa l’idée que tout ce qui existe est une chose unique, un être particulier – comme Socrate et Platon – et que, par conséquent, il ne peut exister, dans la réalité, quelque chose comme un universel – l’homme, par exemple, ou l’être vivant en tant que tel42. L’universalité n’était plus que la propriété d’un concept, susceptible d’être appliqué à une pluralité ou à une multiplicité de choses, ou bien à toutes les choses43 ; pour ne pas limiter la puissance absolue de Dieu, les choses existantes devaient être absolument contingentes et ne pouvaient être liées entre elles par des relations nécessaires comme celles de la logique44.
21Les concepts cessaient dès lors d’être les images de réalités extérieures à l’âme et devenaient de simples signes renvoyant à ces réalités ou à ces choses ; l’ordre des concepts, fondé sur le divers degrés d’universalité, n’avait plus la propriété de refléter l’ordre des choses, et même la nécessité logique de l’enchaînement des concepts n’avait plus la faculté d’incarner la véritable structure des choses. Si la lecture des écrits d’Aristote avait jusque là été identifiée au déchiffrement de la réalité elle-même, dont ses concepts, ses propositions et ses arguments renvoyaient l’image, elle se limitait désormais à la reconstitution d’un système de signes cohérent et non contradictoire qui pouvait, certes, aider à penser la réalité, mais dont on pouvait mettre en doute la capacité à représenter adéquatement la réalité, et à donner accès à la connaissance véritable de cette dernière. Dans le prologue de son commentaire de la physique d’Aristote, Guillaume d’Ockham exposait cette situation avec toute la clarté requise, en déclarant, à propos de l’objet de la physique :
A propos de ce qu’il faut dire sur le fait que la philosophie naturelle traite des substances sensibles et composées en premier lieu de matière et de forme, et en second lieu de certaines substances séparées. Il faut savoir, pour comprendre cela, que toute science a égard à une ou plusieurs liaisons. Et de même que les liaisons de concepts sont connues par le savoir, les éléments non liés à partir desquels ces liaisons sont établies appartiennent au domaine de ce savoir. Mais ces liaisons que la science naturelle connaît ne sont pas établies à partir de choses sensibles ou de substances, mais à partir d’intentions ou de concepts de l’âme qui sont communs à ces choses. Dès lors, la science naturelle ne traite à proprement parler ni des choses corruptibles et engendrées, ni de substances naturelles, ni de choses dotées de mouvement, car ces choses ne sont sujet ou prédicat d’aucun syllogisme connu de la science naturelle. La science naturelle traite plutôt, à proprement parler, des intentions de l’âme qui sont communes à ces choses et qui supposent précisément pour ces choses dans beaucoup de propositions45.
22En lisant les textes canoniques, en faisant l’épreuve de leur cohérence et de leur absence de contradiction, le philosophe et le savant de la scolastique tardive n’ont plus accès à l’être des choses, à la structure et à l’ordre de la réalité ; ils se dotent de notions, de concepts, de signes qui peuvent représenter les choses, et à partir desquels ils peuvent penser la réalité sans contradiction, mais qui s’interposent entre eux et les choses contingentes et les empêchent de connaître la réalité. La méthode de la science scolastique – la lecture comme reconstruction de la structure logique du texte – conduit ad absurdum : ce qui semblait conférer à cette lecture le caractère d’un processus de connaissance, l’universalité et la nécessité logique, devient, face à une réalité entendue comme globalement contingente, le signe manifeste de son incapacité à permettre la connaissance véritable des choses46.
23Sur le fond de cet échec de la philosophie et de la science scolastiques, au point qu’on a parlé d’« auto-destruction de la pensée médiévale »47 et de « dissolution de l’image du monde médiévale »48, la lecture « grammaticale » que les humanistes avaient découverte chez Quintilien apparaît sous un jour nouveau : on peut voir en elle une véritable alternative à la méthode scolastique. Dans la mesure où la grammaire était enseignée avant toutes les autres disciplines, y compris la logique, celui qui lisait selon la méthode humaniste ne pouvait pas reproduire les erreurs de la lecture scolastique et tenter de reconstituer la structure logique d’un texte ; il ne pouvait que rester en deçà de cette structure logique qui, dans la scolastique tardive, avait fait écran, par le texte, à la connaissance de la réalité.
24Le lecteur guidé par la grammaire humaniste, on l’a vu49, s’attachait, en premier lieu, à l’explanatio de la vis verborum et sententiae, avant de chercher à connaître les différentes choses désignées par les ternies constitutifs du texte, et d’élucider les différents énoncés relatifs à ces choses. Il voyait en eux des signes, des assertions relatives à la réalité qui, pour l’auteur du texte, était un donné d’expérience, des connaissances particulières qui, se trouvant au fondement de son texte, pouvaient être considérées par elles-mêmes et dans leur spécificité, sans référence à l’ensemble du texte, de la même façon que dans l’ontologie scolastique tardive, les choses particulières existaient en soi et pour soi, sans lien avec les autres choses. Ce n’est pas un hasard si Pétrarque, qui déplorait la réduction nominaliste de toutes les sciences à des disciplines purement formelles50, soutenait que l’expérience personnelle immédiate, l’experientia, était le meilleur guide pour la connaissance de la réalité51, et l’expérience médiatisée transmise dans l’historia un autre guide précieux ; pour Lorenzo Valla, l’histoire au sens le plus large, l’historia, était le fondement de toute philosophie et de toute science52. Il n’est pas davantage fortuit que Guarino ait recommandé, comme on l’a vu, non seulement la lecture des récits des événements humains, historia rerum gestarum, mais aussi celle de l’histoire naturelle, historia naturalis : composée d’une multiplicité de choses – variis ex rebus composita – elle n’était pas moins variée que la nature elle-même, non minus varia quam ipsa natura53.
25Dès lors que le grammairien humaniste dissuade le lecteur d’analyser et de reconstituer l’ordre en vertu duquel les différents énoncés et informations du texte forment une totalité cohérente et non contradictoire, et l’exhorte au contraire à ignorer, voire à bouleverser cet ordre pour sélectionner, excerpere, certaines éléments dans l’ensemble du texte en fonction de critères subjectifs (la singularité, la rareté), pour les regrouper par topiques et par domaines54, le futur juriste, médecin, théologien, philosophe ou savant de la Renaissance apprend à ne plus concevoir le texte comme le tout d’une textura dans laquelle la mise en ordre des mots en énoncés, des énoncés en argumentations, des argumentations en sommes peut être considérée comme l’image de la structure et de l’ordre de ce qui est ou, tout au moins, comme le modèle naturel d’une pensée cohérente et non contradictoire de la réalité, mais comme l’assemblage d’une multiplicité d’expériences isolées, dont la recomposition, établie par l’auteur dans tel ou tel texte, ne possède pas de nécessité ni de validité universelle, et peut donc céder la place à un autre agencement. Comme sa structure ne présente pas un caractère de nécessité, le texte lu selon le modèle humaniste renvoie à la contingence de la réalité, et devient ainsi une image de ce qui est, au sens volontariste de la scolastique tardive (de la même façon que dans la lecture réaliste de la scolastique, le texte se voulait un reflet de la réalité comme ordre nécessaire et universellement valable). D’autre part, cependant, la remise en cause du caractère contraignant de l’ordre d’argumentation syllogistique du texte est au fondement de la réduction spécifiquement humaniste de la logique à un cas particulier de la théorie générale de l’argumentation de la rhétorique55.
26Le professeur de grammaire humaniste désigne une troisième étape de la lecture, qui vient après la sélection et la recomposition des morceaux choisis par topique, et constitue la finalité de l’appropriation du texte par la lecture : l’acquisition de la faculté de parler avec aisance et abondance56. En cela, il reste pris dans le programme de formation de l’orateur développé par Quintilien, dans lequel la lecture grammaticale semblait être mise au service de l’acquisition d’une compétence limitée. Si l’on entend, toutefois, la rhétorique au sens de Cicéron, qui est une source commune de Quintilien57 et des humanistes58, c’est-à-dire comme une théorie universelle et globale de l’expression langagière59, la finalité de la grammaire humaniste, la faculté de discourir avec aisance et abondance, ne se réduit pas à une certaine forme d’expression par la parole, à une certaine modalité de mise en ordre argumentative des éléments, mais s’étend, au contraire, à tous les ordres possibles d’argumentation et d’information. L’orientation rhétorique de la lecture grammaticale implique qu’après avoir, dans un premier temps, mesuré les connaissances et les expériences présentées dans le texte à l’aune de la réalité, et s’être, dans un second temps, libéré de l’ordre argumentatif choisi par l’auteur, le lecteur humaniste est tenu, dans un troisième temps, de les disposer selon un ordre qui lui soit propre et qui lui convienne, en élaborant un nouveau texte : la réalité, que sa contingence prive désormais d’ordre et de structure, et dont la contemplation peut assouvir la soif de connaissance de l’homme, peut être structurée et ordonnée dans l’acte créatif qui consiste à élaborer un texte.
27Dans son traité Della Tranquillità dell’animo, Leon Battista Alberti, le modèle de l’uomo universale pour Jacob Burckhardt60, comparait ce procédé de lecture grammaticale humaniste à la fabrication d’une mosaïque par l’agencement, en fonction de besoins et de projets subjectifs, des débris du temple de la vérité et de la science autrefois érigé selon les règles de la nécessité :
Voilà ce qui se produisit chez les savants : les esprits de l’Asie et surtout les Grecs furent les communs inventeurs de tous les arts et de toutes les disciplines, au fil de longues périodes. Avec leurs écrits, ils érigèrent, pour ainsi dire, un temple pour Pallas Athénas et Pronoia, la déesse des philosophes stoïciens. Ils en construisirent les murs par la quête du vrai et du faux, ils en dressèrent les colonnes par l’étude et la description des effets et des forces de la nature, et ils le couvrirent d’un toit pour protéger cette puissante construction des intempéries : et c’est cela la compétence qu’ils acquirent de fuir le mal et de rechercher le bien, en haïssant le vice et en aimant la vertu.
Qu’arriva-t-il alors ? Tout le contraire de ce que l’on vient de décrire. Cet homme [l’inventeur de la mosaïque] rassembla les débris menus qui restaient et en fit un sol. Mais je voulus, tout comme tel ou tel autre, orner mon petit logis privé, je pris dans cet admirable et noble bâtiment public tout ce qui pouvais servir mon projet, je le divisai en fragments plus nombreux encore et les répartis selon mon bon plaisir…
On voit ainsi que ces choses sont usurpées par les savants, et sont reprises et dispersées dans une multitude d’écrits, en sorte que celui qui veut raisonner aujourd’hui sur ces sujets est contraint de les rassembler, de les mettre en ordre et de les disposer d’une autre manière que les autres, en les adaptant à son œuvre propre ; il est amené à reproduire le geste de celui qui composa autrefois la mosaïque. Quand je vois que ces choses sont assemblées d’une certaine manière, que leurs couleurs correspondent à une forme et à un dessin préalablement choisis et fixés, et qu’elles ne sont pas séparées par une grande fissure, un vide informe, je me réjouis et je juge qu’on ne peut souhaiter mieux61.
3. – Conséquences méthodologiques
28La lecture grammaticale humaniste était enseignée avant la logique : elle devait donc nécessairement négliger la structure argumentative des textes et se concentrer sur l’étude des informations et des énoncés isolés qui étaient à la base de cette structure. L’ordre constitutif des textes qui était, jusque là, le premier objet de la connaissance était ainsi ignoré : le texte était réduit à une multiplicité d’expériences isolées et incohérentes, qui ne donnaient plus accès à une connaissance nécessaire et universellement valable de la réalité, mais offraient par là même un fidèle reflet de l’ontologie volontariste de la scolastique tardive et de la contingence des choses particulières.
29Cependant, dans la mesure où ce mode de lecture – issu d’une formation rhétorique – n’était pas enseigné comme un instrument de contemplation désintéressée, mais dans le but d’apprendre au lecteur à produire ses propres textes et à mettre en place un ordre qui lui fût propre et se distinguât de l’ordre traditionnel, il transmettait également une certaine attitude à l’égard d’une réalité fondamentalement contingente et dépourvue d’ordre : en l’absence de celui qui n’était plus donné objectivement à la contemplation, il enseignait à produire un ordre qui organisait les informations et les choses particulières et isolées en fonction des intentions individuelles.
30Aussi longtemps que ce mode de lecture ne fut pratiqué que dans des cercles humanistes dont les projets étaient principalement littéraires, politiques ou sociaux-Guarino Veronese et Lorenzo Valla appartenaient encore à ce type de groupes62 – la productivité de la méthode ne dépassa pas le cadre de la rhétorique littéraire au sens étroit. Mais à partir du moment où la grammaire humaniste et sa méthode de lecture furent diffusées dans toutes les écoles élémentaires de l’Occident latin, où les philosophes et savants de formation humaniste n’hésitèrent plus à lire en grammatici les textes fondamentaux de la pédagogie universitaire traditionnelle (comme le fit Politien à la fin du XVe siècle, à Florence, avec l’Organon d’Aristote63) et où, avec Jacques Lefèvre d’Etaples64, cette pratique s’étendit hors de l’Italie, les potentialités de la méthode dépassèrent la rhétorique au sens étroit et se prêtèrent à un usage plus universel. Pour le montrer, je voudrais seulement évoquer l’exemple de deux auteurs qui furent en contact étroit avec Battista Guarino à Ferrare, pendant leurs années d’activité, et semblent avoir joué un rôle important dans l’universalisation du modèle de la grammaire humaniste : le Hollandais Rudolph Agricola et l’Italien Niccolò Leoniceno, originaire de Vicenza.
31Rudolph Agricola65 était né en 1444 à Baflo et avait été à l’école à Groningue, non loin de là. Il poursuivit ses études à Erfurt et à Louvain et acquit le grade de magister aussi bien dans la via antiqua réaliste que dans la via moderna nominaliste ; en 1468, il devint précepteur des comtes Johannes et Dietrich von Plieningen et les suivit à Pavie puis à Ferrare. Dans ces villes, il n’apprit pas seulement le grec ; il écrivit une biographie de Pétrarque, reprit à son compte le programme des humanistes et conçut son œuvre majeure, le De Inventione dialectica, qu’il acheva en 1479 à Dillingen, dès son retour d’Italie. Il passa les six dernières années de sa vie à Heidelberg dans des circonstances malheureuses et mourut en 1485. Dans le De Inventione dialectica, Agricola évoquait le conflit des humanistes avec la tradition de la logique scolastique fondée sur l’Organon d’Aristote66. A l’instar des humanistes, il ne concevait pas la logique comme une doctrine de la pensée ou du discours mental67, mais comme une théorie de la communication verbale d’impressions mentales68. Il s’écartait, toutefois, des humanistes au sens où la dialectique ainsi définie comme théorie de l’argumentation syllogistique, ne dépendait pas, pour lui, de la rhétorique-à la différence de Lorenzo Valla, par exemple. Il ne voyait pas dans cette dernière la science première du sermo69. Opérant une distinction entre les trois objectifs du discours accompli, tels qu’ils étaient exposés dans la tradition de la rhétorique – docere, movere, delectare –, Agricola affectait le movere et le delectare, qui, selon lui, n’étaient pas des éléments constitutifs du discours, à la sphère de la rhétorique, et il réservait l’objectif du docere, le seul auquel il était impossible de renoncer dans une perspective de communication, à la dialectique70, qu’il définissait comme « l’art d’expliquer de manière convaincante n’importe quel contenu donné, dans la mesure où sa nature le permet »71.
32Si l’on songe que L. Valla avait justifié le primat de la rhétorique sur la dialectique en faisant valoir que seule la première enseignait le movere et delectare72, l’intérêt d’Agricola pour le docere pouvait apparaître comme un renoncement à l’idéal humaniste de l’orateur accompli ; mais il ne faut pas oublier que Valla associait ces éléments affectifs du discours à la vision d’un orateur cherchant à imposer ses vues politiques et sociales73 ; en isolant les éléments affectifs de la rhétorique, en séparant le docere de la rhétorique, dont il faisait partie à l’origine, et en l’insérant dans une nouvelle forme de dialectique, Agricola libérait la science humaniste de l’emprise du monde politique et social, et en faisait une forme universelle d’appropriation langagière de la réalité74.
33Comme le montre la seconde partie du titre d’Agricola, un des moments majeurs de cette dialectique était l’invention, inventio, de paramètres permettant d’établir des relations entre les contenus isolés et de valider des énoncés particuliers, dont le sens n’était pas encore assuré, en les insérant dans ce réseau de relations75. La logique scolastique désignait ces paramètres comme des concepts intermédiaires ; la discipline qui était censée trouver de tels concepts était appelée topique dans la tradition de l’Organon d’Aristote : c’est la science des topoi ou loci, les lieux où l’on peut trouver des arguments76 ou, si l’on veut, la science des points de vue selon lesquels il faut interroger les choses ou les états de choses, les pragmata.
34Si l’on examine les quatre principaux points de vue sur lesquels Aristote avait fondé sa topologie – propriété, définition, genre, accident77 – on voit que les topoi représentaient des catégories générales de mise en ordre, et si l’on distingue deux parties dans la définition, species et differentia specifica, on retrouve les cinq prédicables que Porphyre présentait, dans son introduction à l’Organon, comme les cinq universaux fondamentaux78. Dans une perspective réaliste, ils constituaient la structure ontologique elle-même ; dans un contexte nominaliste, en revanche, ils n’étaient que des termes mentaux permettant de penser la réalité contingente de manière cohérente et non contradictoire. L’humaniste ne pouvait se satisfaire d’aucune de ces deux interprétations et en cherchait une troisième qui rendît compte de la contingence absolue des choses particulières, sans qu’il fût nécessaire de renoncer à la fonction cognitive des topoi. La méthode de lecture grammaticale développée par Battista Guarino se présentait comme une alternative.
35Dans une brève remarque qui figure à la fin du deuxième chapitre du premier livre, et qui n’a guère retenu l’attention des commentateurs, Agricola résumait sa définition du topos : il commençait par décrire l’ontologie de la scolastique tardive, qui était pour lui un obstacle à la connaissance : les choses étaient infiniment diverses, dans leur nombre et leur particularité, et l’homme ne pouvait les connaître selon leur essence. Agricola formulait ensuite, sur cette base, une nouvelle hypothèse ontologique : cette particularité et cette infinie diversité des choses n’excluait pas nécessairement que des similitudes existassent entre les choses. Il en concluait que l’homme pouvait relever ces similitudes, en dépit de toutes les différences, et construire à partir d’elles des registres généraux, communia capita, des topoi issus de la réalité, qui permettaient d’esquisser non pas l’ordre des choses par excellence, mais un ordre des choses possible et adéquat à la réalité. Il écrivait :
Si l’on regarde ce que nous avons dit, on n’ignorera pas que ce que nous avons affirmé est vrai : tout ce qui est dit pour ou contre une chose est en rapport avec elle et est lié à elle, pour ainsi dire, par une sorte de communauté naturelle. Mais de par leur nombre, les choses sont infinies, et leurs spécificités et leurs différences sont par conséquent elles aussi infinies. Il s’ensuit que nul discours, nulle puissance de l’esprit humain n’est en mesure d’embrasser tout ce qui est en accord ou n’est pas en accord avec des choses particulières, prises isolément. Toutefois, bien que chacune d’entre elles se distingue par ses caractéristiques propres, toutes possèdent une disposition commune et tout tend à la ressemblance des natures : ainsi, tout possède sa propre substance, tout trouve son origine en vertu de certaines causes, tout produit des effets. Les plus talentueux des hommes ont extrait de cette immense diversité des choses des points de vue communs comme la substance, la cause, l’effet et celles dont nous allons parler à présent, afin que lorsque nous considérons attentivement quelque chose, nous produisions un argument adéquat à celle-ci79.
36Dans notre contexte, le terme décisif est « extraire », excerpere, la procédure de sélection et de recomposition des passages choisis qui entre dans la description que fait Agricola de l’élaboration des topoi, suggérant qu’il a en tête le processus par lequel l’élève démonte la structure du texte dans la lecture grammaticale et rassemble en un « lieu » – un topos – les énoncés et les points de vue qui concernent un même sujet80.
37La dialectique d’Agricola représente donc un prolongement de la méthode de lecture humaniste : celle-ci ne s’applique plus seulement aux textes dans lesquels l’humaniste semblait voir une image de la réalité contingente, mais est transposée à la réalité elle-même. Le livre d’Agricola enseigne ainsi une dialectique dont les fondements ne contredisent pas, à la différence de la dialectique scolastique traditionnelle, les principes de la compréhension des textes enseignés par la grammaire humaniste, mais reposent au contraire sur eux. Cette dialectique était à même de remplacer la dialectique scolastique traditionnelle dès lors que les étudiants avaient appris la lecture grammaticale au cours de leur formation élémentaire et dès lors que l’opposition entre le mode de lecture grammaticale humaniste transmise au cours des premières années et le mode de lecture scolastique enseigné par la suite était apparue comme une contradiction insupportable. Ce fut de plus en plus souvent le cas au XVIe siècle, comme semble en témoigner le destin singulier du De Inventione dialectica. Après avoir été achevée en 1479 à Dillingen, la dialectique d’Agricola ne rencontra aucun écho pendant trente-six ans : elle apparaissait sans doute comme trop étrangère et insolite dans une Europe du Nord où l’enseignement humaniste commençait à peine à se diffuser. Par la suite, après la parution des premières versions imprimées (Louvain, 1515 ; Cologne, 1520 et 1523 ; Strasbourg, 1521), la dialectique d’Agricola devint, à partir de 1527, un véritable best-seller, qui connut cinquante-neuf rééditions jusqu’à l’année 1563, le manuel courant de l’enseignement de la dialectique dans les universités, où la lecture grammaticale des humanistes était désormais enseignée. Par la suite, elle sombra peu à peu dans l’oubli : huit nouvelles éditions entre 1563 et 1600, puis plus rien81. Ce désintérêt soudain n’était pas fortuit – mais avant d’en évoquer les raisons, je voudrais encore rappe1er Niccolò Leoniceno, l’autre contemporain de Guarino à Ferrare, qui œuvra également à l’universalisation de sa méthode de lecture grammaticale.
38Né en 1428 à Vicenza, Leoniceno82 appartenait à une famille d’humanistes prestigieux-sa mère était la fille d’Antonio Loschi, le chef de file de l’humanisme de la deuxième génération dans le nord de l’Italie. Leoniceno suivit ainsi une excellente formation humaniste, mais il étudia la médecine à Padoue, où il enseigna entre 1462 et 1464, après un voyage en Angleterre ; par la suite, il devint médecin à la cour de la famille d’Este, et fut nommé professeur de mathématiques, de philosophie morale et de médecine à Ferrare. A l’exception de deux séjours, en tant que « professeur invité », à Bologne et d’un voyage à Florence, où il rencontra Politien et Pic de la Mirandole, il ne quitta plus Ferrare jusqu’à la fin de sa longue vie, en 1525. Dans son enseignement, il appliqua la méthode humaniste de lecture grammaticale, décrite par son collègue Battista Guarino, à l’étude des textes canoniques de la faculté de médecine ; il soumit l’Histoire naturelle de Pline (que Guarino recommandait également) à une critique philologique et technique, qui suscita un rejet immédiat83, tout comme l’œuvre du Vénitien Ermolao Barbaro, contemporaine de la sienne et inspirée par les mêmes prémisses ; en tant que traducteur et interprète de Galien, il fut le fondateur de l’école de « médecine humaniste »84 ; Erasme dit de lui qu’il fut le premier à apprendre à la médecine à parler latin85.
39Pour Leoniceno, qui avait connu une éducation humaniste dès sa plus tendre enfance et lisait tout naturellement les textes de la tradition selon la méthode de la grammaire humaniste, ce n’est pas l’universalisation de la méthode de lecture par excerpta qui posa problème, à la différence d’Agricola, qui était issu de la tradition logique de la scolastique, et chercha à l’orienter dans le sens de la grammaire humaniste ; c’est plutôt l’universalisation de ce qui en résultait : celle de l’ordre auquel il fallait soumettre le matériau assemblé par la sélection et l’assemblage des passages choisis. Dans la tradition de Quintilien, Guarino avait proclamé que la finalité de la lecture grammaticale était la perfection du discours86 : et pour cela, il avait enseigné qu’il fallait s’exercer dans la lecture par extraits et dans leur mise en ordre. Le médecin Leoniceno, qui se donnait pour mission la guérison des malades plutôt que le discours87, ne pouvait se satisfaire d’une telle finalité rhétorique : il se mit en quête d’un autre principe, plus général, de classification des différentes informations rassemblées dans la lecture. Sa réponse se trouve dans un petit texte apparemment anodin qui se fixe pour seul objectif d’expliquer le premier chapitre méthodologique de l’Ars parva de Galien88 mais développe en réalité une nouvelle méthode scientifique89.
40L’Ars parva, appelée aussi Ars medicinalis ou Tegni, avait été traduite en latin par Leoniceno, qui n’était cependant pas son premier traducteur. Elle était déjà connue au Moyen Age depuis le XIe siècle, où elle avait été lue et commentée comme une partie de l’Articella, et considérée comme un texte fondateur de la médecine90. Le chapitre d’introduction méthodologique, en particulier, avait rencontré un écho important. Galien y évoquait de manière très concise et obscure trois formes de doctrine ordonnée ; il entendait suivre l’une d’entre elles dans son ouvrage, celle qui reposait sur l’explication des définitions, et désignait seulement les deux autres comme la forme analytique et la forme synthétique, sans autre précision, en attribuant, semble-t-il, à la forme analytique une importance décisive pour les arts et les sciences91. Dans la mesure où aussi bien la mention de la méthode analytique et de la méthode synthétique que l’accent mis sur l’analyse semblaient indiquer une certaine proximité avec la méthode aristotélicienne de la demonstratio quia et de la demonstratio propter quid92, qu’Averroès décrivit plus tard comme la principale méthode d’Aristote, le regressus93, on pouvait penser que les commentateurs médiévaux interprétaient les « ordres de théorie » de Galien dans une perspective aristotélicienne et averroïste et voyaient là une preuve de leur validité94.
41Leoniceno délaissa le cadre aristotélico-averroïste, au sein duquel ses prédécesseurs scolastiques n’avaient pu parvenir à une interprétation de Galien, et transposa les ordres de ce dernier dans un contexte nouveau : celui de sources qui ne furent pour une part accessibles qu’aux humanistes du Quattrocento – les réflexions méthodologiques des commentateurs grecs néoplatoniciens d’Aristote, dont la terminologie semble plus proche de celle de Galien95, et les réflexions méthodologiques exposés dans d’autres ouvrages du même Galien, susceptibles d’éclairer les propos sibyllins de l’introduction de l’Ars parva96. Leoniceno aboutit ainsi à une interprétation de Galien en rupture avec la tradition aristotélicienne : il distingue l’ordre, ordo, selon lequel un art ou une science est enseigné, et la manière, modus, ou la méthode, methodus ou via, selon laquelle un art ou une science est constitué. L’ordre de la doctrine, qui fixe d’un point de vue pédagogique la succession des contenus d’enseignement d’une science, peut correspondre aux trois modèles distingués par Galien au début de l’Ars parva – le modèle résolutif, le modèle compositif et le modèle définitif97. Le modus de la doctrine, la méthode selon laquelle elle est fondée, est le même pour tous les arts et toutes les sciences : la sélection et la mise en ordre des connaissances particulières en vue de la finalité spécifique de chaque art ou de chaque science, de l’objectif qu’elle est censée atteindre et qui confère seul aux connaissances isolées leur portée scientifique, leur caractère de théorème. Après avoir cité un passage dans lequel Galien décrit la genèse de différents arts à partir de leur finalité, Leoniceno en conclut :
Par ces mots, Galien déclare très explicitement ce que signifie la connaissance du but, c’est-à-dire le but conçu par l’esprit et désiré, et comment, si l’on assume comme point de départ, tous les arts sont constitués d’après la méthode, c’est-à-dire d’après un certain cheminement et une progression ordonnée. En effet, quand le but de l’art est constitué et fixé, les principes et les théorèmes de cet art sont établis en rapport avec ce but. Comme le dit Galien : le but est la règle et la pierre angulaire de tout ce qui est transmis dans un art ou une science. On appelle principe et théorème d’un art ce qui aide à atteindre plus rapidement ou plus efficacement le but de cet art. A l’inverse, ce qui n’est d’aucune utilité dans la poursuite de ce but n’est pas appelé théorie, comme le dit Galien dans l’ouvrage intitulé De Optima doctrina98.
42Galien parle seulement des arts, artes, au nombre desquels il range au demeurant la médecine comme art de la guérison ; Léoniceno étend, par contre, la méthode – implicitement ici, explicitement par la suite99 – de constitution d’un art à partir de son but aux sciences théoriques et en fait ainsi la méthode universelle de toutes les sciences. La question n’est pas de savoir si cette extension correspondait aux intentions de Galien. L’essentiel, pour nous, est que la méthode scientifique universelle que Leoniceno met au jour, en prenant position par rapport à Galien et ses interprètes, trouve son origine dans la théorie de la lecture grammaticale de Guarino, conçue, au départ, pour une discipline particulière. Chez ce dernier, la sélection des excerpta et la mise en ordre des connaissances particulières, acquises au cours de la lecture, étaient mises au service d’un objectif qui était la production d’un discours riche et habile, autrement dit de l’objectif spécifique de la rhétorique ; chez Leoniceno, cette méthode est affranchie de son lien avec la rhétorique ; seul le principe méthodologique de la finalité est conservé. Il permet de faire de la lecture grammaticale des humanistes la condition universelle de l’enseignement et de la pratique de toutes les sciences. Attribuée à Galien plutôt qu’à Leoniceno, cette méthode joua un rôle important dans les débats méthodologiques du XVIe siècle100, notamment dans le domaine de la médecine et de la philosophie de la nature, où elle fut considérée comme une alternative à la théorie aristotélicienne du regressus ; elle contribua à généraliser le modèle de lecture grammaticale des humanistes.
43Dans la seconde moitié du XVIe siècle, le prestige de Leoniceno – comme celui d’Agricola – fut cependant éclipsé par celui de Pierre de La Ramée101. Si Agricola avait privilégié l’inventio, sa théorie de la dialectique fit valoir l’importance du iudicium, ou de la mise en ordre du matériau102. Le manuel de Pierre de La Ramée remplaça celui d’Agricola dans les écoles du nord de l’Europe103. A la différence de Leoniceno, qui avait fait passer au premier plan le projet subjectif et la finalité spécifique de chaque science, Pierre de La Ramée fonda sa méthodologie des sciences sur l’idée d’une structure universelle de la connaissance humaine : l’universel n’est pas connu avant le particulier104, mais sa connaissance présente un degré supérieur de clarté et de certitude. Sa méthode et son ordre, qui englobe toutes les sciences, va de l’universel au particulier105. Il ne s’agissait pas pour lui de contester la théorie humaniste, qui faisait depuis longtemps l’objet de débats méthodologiques106, mais de lui donner un prolongement ; une autre histoire.
Notes de bas de page
1 A titre d’exemple M. Foucault, Les Mots et les choses, Paris, 1966 ; id., L’Ordre du discours, Paris, 1972 ; H. Blumenberg, Die Lesbarkeit der Welt, Francfort, 1981 ; V. Flusser, Die Schrift, Francfort, 1992 ; cf. aussi E.R. Curtius, « Das Buch als Symbol », dans ; Europäische Literatur und Lateinisches Mitelalter, Berne, 4e édt., 1963, p. 306-352 ; tr. fr. J. Bréjoux, La Littérature européenne et le Moyen Age Latin, Paris, 1956 ; E. Garin, « La Nuova Scienza e il simbolo del libro », dans : La Cultura filosofica del Rinascimento Italiano, Florence, 1961, p. 451-465.
2 Cf. H. G. Gadamer, Wahrheit und Methode, Tubingen, 1960 ; tr. fr. P. Fruchon, Vérité et méthode, Paris, 1996.
3 Cf. P. O. Kristeller, « The Humanist Movement », dans : Renaissance Thought. The Classic, Scholastic and Humanist Strains, New York, 1961, p. 9 s.
4 Cf. par exemple J. A. Weisheipl, « Curriculum of the Faculty of Arts at Oxford in the Early Fourteenth Century », Mediaeval Studies 26, 1964, p. 143-185 ; concisément, J. Pinborg, « Textbooks and University Courses », dans ; N. Kretzmann et al. (éds.). The Cambridge History of Later Medieval Philosophy, Cambridge, 1982, p. 17-19.
5 Cf. A. Grafton, « The Availability of Ancient Works ». dans : Ch. B. Schmitt et al. (éds.), The Cambridge History of Renaissance Philosophy, Cambridge, 1988, p. 767-791.
6 Cf. E. Garin, « Alle Origini rinascimentali del concetto di filosofia scolastica », dans : La Cultura filosofica, p. 466-480.
7 R. Sabbadini, Il Metodo degli umanisti, Florence, 1926. Cf. également du même, La Scuola e gli studi di Guarino Veronese, Catane, 1896, et A. Grafton, Joseph Scaliger. A Study in the History of Classical Scholarship, Oxford, 1983, vol. I.
8 Battista Guarino (1434-1513), De Modo et ordine docendi et discendi (1459), [Ferrare 1472 ; Heidelberg, 1489 ; Strasbourg. 1514] éd. lat./it. de E. Garin, dans : Il Pensiero peda gogico dell’Umanesimo, Florence, 1958, p. 434-471.
9 On sait que le concept d’Humanisme a été forgé par le pédagogue bavarois Friedrich Immanuel Niethammer, qui l’utilisa comme slogan dans sa défense du gymnase humaniste contre le « Realgymnasium » des « Philanthropiniens » (autour de Basedow). Cf. F.I. Niethammer, Der Streit des Philanthropinismus und Humanismus in der Theorie des Erziehungsunterrichtes unserer Zeit, Iéna, 1808. repr. Weinheim, 1968 ; on le rencontre, en revanche, pour la première fois considéré comme le concept désignant une époque apparemment dans le titre des volumes classiques de G. Voigt, Die Wiederbelebung des classischen Alterthums oder Das erste Jahrhundert des Humanismus, 2 vol., Berlin, 1859, 4e édt., Berlin, 1960.
10 Sur cette exigence, cf. par exemple Guarino da Verona dans sa lettre à son disciple Giovanni Nicola, qui connut un succès politique, dans ; Epistolario, 159, éd. R. Sabbadini, 3 vol., Venise 1915-1919, 1, p. 261-264, lignes 65-70 : « Has ob res non mediocres musis gratias debes quibus a pueritia usque imbutus et institutus te tuos et urbana negotia regere, disponere et administrare, restituere ac sustentare didicisti. Quo effectum est, ut musas ipsas non modo chordarum et chitarae, sed rerum etiam publicarum moderatrices esse demonstres ». Cf. aussi le discours de Philipp Melanchthon In Laudem novae scholae, éd. R. Nürnberger, dans : R. Stupperich (éd.), Melanchthons Werke in Auswahl, Gütersloh, 1961, 3, p. 63-69, placé sous la devise : « Quae enim alia res maiores utilitates toti generi humano affert quam litterae ? » (p. 64, 31).
11 Cf. par exemple, pour le XIVe siècle, Cino Rinuccini, « Invettiva contro a cierti caluniatori di Dante, Boccaccio e Petrarca », dans : Giovanni da Prato, Il Paradisio degli Alberti, éd. A. Wesselofsky, Bologne, 1867, 1, 2, p. 303-316 ; pour le XVe siècle, Paul de Venise, Universalia, praedicamenta sexque principia, Venise, 1492, f. 2.1-2 ; pour le XVIe siècle, Sperone Speroni, Dialogo delle lingue, éd. it/all. de H. Hardt, Munich, 1975, p. 121 s., pour le XVIIe siècle, W. Kühlmann, « Apologie und Kritik des Lateins in Schrifttum des deutschen Späthumanismus », dans : R. J. Schoeck (éd.), Acta Conventus Neolatini Bononiensis, Binghampton, New York, 1985. p. 356-377.
12 Cf. A. Grafton et L. Jardine, « Humanism and the School of Guarino : a Problem of Evaluation », Past and Present 96, 1982, p. 51-80 ; les mêmes, From Humanism to the Humanities, Londres, 1986.
13 Cf. B. Guarino, De Modo et ordine, p. 134-135 et p. 440-451.
14 Ibid., p. 458-459 et p. 470-471
15 Ibid., p. 440-441 et p. 458-459.
16 Cf. W.K. Percival, « The Grammatical Tradition and the Rise of the Vernacular », Current Trends in Linguistics 13, 1975, p. 231-275 ; id., « Renaissance Grammar : Rebellion or Evolution », dans : G. Tarugi (éd.), Interrogativi dell’Umanesimo, Florence, 1976, 2, p. 73-89 ; id., « Renaissance Grammar », dans : A. Rabil Jr. (éd.), Renaissance Humanism : Foundations. Forms, and Legacy. Humanism and the Disciplines, Philadelphie, 1988, 3, p. 67-83.
17 B. Guarino, De Modo et ordine, p. 470-471 : « Habes, mi Maffee, a praeceptore munus quod longe plus utilitatis in recessu habere conoscetur, quam im fronte promittere videatur ».
18 Cf. Isidore de Séville, Etymologiarum sive originum libri XX, Lib. I, éd. W.M. Lindsay, Oxford, 1911, vol. I.
19 Cf. Aelius Donatus, Ars minor / Ars maior, dans : Grammatici Latini, éd. H. Keil, vol. IV, Leipzig, 1864, p. 355-402 ; Priscien, Institutiones Grammaticae, dans : Grammatici Latini, éd. H. Keil, vol. II/III, Leipzig, 1855/1859.
20 B. Guarino, De Modo et ordine, p. 440 : « Grammaticae autem duae partes sunt, quarum alteram methodicen, quae breves omnium orationis partium formulas, idest methodous declarat ; alteram hystoricen, quae historias et res gestas pertractat, appellant ».
21 La répartition des pages chez Battista Guarino est la suivante : grammaire méthodique. p. 440-452 ; grammaire historique, p. 454-470, dont les p. 454-458 pour le modus docendi, les p. 460-470 pour le modus studendi vel discendi.
22 Cf. Quintilien, Institutiones oratoriae I, iv, 2 : « Haec igitur professio, cum brevissime in duas partes dividatur, recte loquendi scientiam et poetarum enarrationem, plus habet in recessu quam fronte promittit ».
23 Cf. Denys le Thrace, Ars grammatica, cité d’après R. Pfeiffer, History of Classical Scholarship. From the Beginnings to the End of the Hellenistic Age, Oxford, 1968, p. 268 : « Grammatiké estin empeiria tôn parà poietaîs te kai syngrapheûsin hos epi to poly legoménon ».
24 Cicéron, De Oratore I, 187 : « In grammaticis poetarum pertractatio, historiarum cognitio, verborum interpretatio, pronuntiandi quidam sonus ».
25 Quintilien, Inst. or., I, iv, 4-5 : « Nec poetas legisse satis est : excutiendum omne scriptorum genus non propter historias modo, sed verba, quae frequenter ius ab auctoribus sumunt. turn neque citra musicen grammatice potest esse perfecta… nec si rationem siderum ignoret… nec ignara philosophiae…, eloquentia quoque non mediocri est opus… quo minus sunt ferendi, qui hanc artem ut tenuem atque eiunam cavillantur. quae nisi oratoris futuri fundamenta fideliter iecit, quidquid superstruxeris, corruet ».
26 Quintilien, Institutio oratoria I, ix, 1 : « Et finitae quidem sunt partes duae, quas haec professio pollicetur, id est ratio loquendi et enarratio auctorum, quarum illam methodicen, hanc historicen vocant ».
27 Je ne vois pas pour l’heure, de façon nette, si l’on doit considérer que le programme des studio humanitatis a été simplement favorisé par Quintilien, ou s’il est directement inspiré par lui. Chez Vergerio, rédacteur du premier traité de pédagogie humaniste au début du XVe siècle, ne pouvant donc pas connaître Quintilien, on ne trouve pas encore le système des studia humanitatis, mais simplement les disciplines traditionnelles des artes liberales élémentaires et des trois facultés supérieures de la médecine, du droit et de la théologie, complétées par l’histoire et la poésie. Cf. Petrus Paulus Vergerius, « De Ingenuis moribus et liberalibus studiis adolescentiae », éd. A. Gnesotto, Atti e Memorie della R. Accademia di Padova 34, 1918, p. 75-157 ; en particulier les p. 119-126.
28 Enea Silvio Piccolomini [Pio II] (1405-1564), Lettre au roi Ladislas de Bohème : De Liberis educandis (1450), dans : Briefwechsel 40, éd. R. Wolkan, IIe partie, Vienne, 1912, p. 103-158, ici p. 124 s. : « Quia vero grammatica doctrine cujusvis hostium esse dinoscitur ac plus in recessu habet, quant in fronte promittit desperataque videri potest, nisi ab ephebis puerisque percipiatur, admonere te paucis volumus, ne hanc contemnas artem… Grammatica, sicut Quintilianus ait, in latinum translata litteraturam significat habetque partes tres, recte loquendi scientiam, poetarum et aliorum auctorum enarrationem scribendique rationem ».
29 Ange Politien (1454-1494), « Praelectio in Priora Aristotelis Analytica, cui titulus Lamia », dans : A. Politien, Le Selve e la strega. Prolusioni nello studio Fiorentino (1482-1492), éd. I. del Lungo, Florence, 1925, p. 220 : « Grammaticorum enim sunt haec partes, ut omne scriptorum genus, poetas, historicos, oratores, philosophos medicos iureconsultos excutiant atque enarrent ». Et plus loin Politien insiste sur le caractère inhabituel de ce concept de grammaire : « Nostra aetas, parum perita rerum veterum, nimis brevi gyro grammaticam sepsit : at apud antiquos olim tantum auctoritatis hic ordo habuit, ut censores essent et iudices scriptorum omnium soli grammatici… Nec enim aliud grammaticus graece, quam latine litteratus : nos autem nomen hoc in ludum trivialem detrusimus, tanquam in pistrinum ».
30 B. Guarino, De Modo et ordine, p. 460 s. : « … nec sint solum a praeceptore audire contenti, sed qui in auctores commentaria scripserunt et probati sunt, eos ipsimet perlegant et radicitus, ut aiunt, sententias et vocabulorum vim annotent… Explanations quoque in libros scribere vehementer conducet…Sed omnino illud teneant, ut semper ex iis quae legunt conentur excerpere, sibique persuadeant, quod Plinius dictitare solebat (Plin. Ep. 3,5, 10-17), ‘nullum esse librum tarn malum ut non in aliqua parte prosit’…ea vero potissimum excerpent, quae et memoratu digna et paucis in locis inveniri videbuntur… inter legendum ex variis libris sententias quae ad eandem materiam pertinent adnotabunt, et in unum quendam locum colligent ».
31 B. Guarino, De Modo et ordine, p. 460 : « Hoc exercitationis genus mirifice acuit ingenium, linguam expolit, scribendi promptitudinem gignit, perfectam rerum noticiam inducit, memoriam confirmat, postremo studiosis quasi quandam expositionum cellam promptuariam et memoriae subsidium praestat… Erit hoc etiam ad orationis tum copiam turn promptitudinem valde idoneum… ». Cf. aussi p. 454 : « Historiographos ordine perlegent, hinc variarum gentium mores instituta leges, hinc varias hominum fortunas ingeniorum et vitia et virtutes excerpent, quae res maxime in quotidiano sermone facundiam, et in variis rebus prudentiae opinionem creabit ».
32 B. Guarino, De Modo et ordine. p. 454 : « Eos, qui res gestas carptim collegerunt prius perlegent ; quo in genere Valerius et Iustinus eis offerentur, quibus externam et romanam historiam una ferme aspectu contemplatur. A Valerio ea quoque praestibatur utilitas, ut ad omnes virtutem partes, ad egregia turn dicta turn facta exemplis orationem exornent ». Cf. également p. 460 : « Ubi primum per se studere incipient, operam dabunt ut eos videant qui variis ex rebus compositi sunt, quo in genere est Gellius, Macrobius Saturnalium, Plinii Naturalis historia, quae non minus varia est quam ipsa natura ».
33 E. Cassirer, Individuum und Kosmos in der Philosophie der Renaissance, Leipzig, 1927, Darmstadt, 3e édt. 1963, p. 1 ; tr. fr. P. Quillet, Individu et cosmos dans la philosophie de la Renaissance, Paris, 1983, p. 7 : « Le principe qu’oppose Pétrarque à la scolastique et à la doctrine aristotélicienne, en effet, n’a par lui-même ni source ni contenu philosophique. Ce n’est pas une nouvelle méthode de pensée, c’est le nouvel idéal culturel de ‘l’éloquence’ qui se dresse contre la philosophie de l’Ecole ».
34 Quintilien eut cette formule, citée ci-dessus à la note 22 : « Haec igitur professio… plus habet in recessu quam fronte promittit », qui sera répétée par Enea Silvio Piccolomini et Battista Guarino, transformée par Ange Politien.
35 Cf. Lorenzo Valla (1407-1457), Repastinatio dialectice et philosophie, L. II, Prooemium, éd. G. Zippel, 2 vol., Padoue, 1982, 1, p. 175-177.
36 Cf. E. Garin, L’Educazione in Europa (1400-1600), Bari, 1957 ; T. Heath, « Logical Grammar, Grammatical Logic and Humanism in Three German Universities », Studies in the Renaissance 18, 1971, p. 9-64 ; T.A. Brady Jr. et H.A. Oberman (éds.), Itinerarium Italicum. The Profile of the Italian Renaissance in the Mirror of its European Transformations. Dedicated to P. O. Kristeller on the Occasion of his 70th Birthday, Leyde, 1975 : P. Grendler, Schooling in Renaissance Italy : Literacy and Learning, 1300-1600, Baltimore, 1989 ; K. Jensen, « Humanist Latin Grammars in Germany and their Italian Background », dans : M. Tavoni, (éd.), Italia ed Europa nella linguistica del Rinascimento, 2 vol., Ferrare, 1996, 2, p. 23-41.
37 P. Duhem, Etudes sur Leonard de Vinci, 3 vol., Paris, 1906-1913, III, p. v (préface) : « L’habileté mathématique acquise dans le commerce des géomètres de l’Antiquité, Galilée et ses contemporains en ont usé pour préciser et développer une science mécanique dont le Moyen Age chrétien avait posé les principes et formulé les propositions les plus essentielles. Cette mécanique, les physiciens qui enseignaient, au XIVe siècle, à l’Université de Paris, l’avaient conçue en prenant l’observation pour guide ; ils l’avaient substituée à la dynamique d’Aristote, convaincue d’impuissance à ‘sauver les phénomènes’. Au temps de la Renaissance, l’archaïsme superstitieux où se complaisaient également le bel esprit des Humanistes et la routine averroïste d’une scolastique rétrograde repoussa cette doctrine des ‘Modernes’ ».
38 Cf. par exemple P.O. Kristeller, « The Aristotelian Tradition », dans : Renaissance Thought. p. 31 ; T. Rentsch, « Die Kultur der quaestio. Zur literarischen Formgeschichte der Philosophie im Mittelalter », dans : G. Gabriel et Ch. Schildknecht (éds.), Literarische Formen der Philosophie, Stuttgart, 1990, p. 73-91.
39 Cf. E. Lamberz, « Proklos und die Form des philosophischen Kommentars », dans : J. Pépin et H. D. Saffrey (éds.), Proclus. Lecteur et interprète des Anciens, Paris, 1987, p. 1-20.
40 Cf. par exemple Albert le Grand, « Quaestiones super de animalibus », L. XI, q. 1, dans : Opera Omnia, éd. E. Filthaut O. P., t. XII, Münster, 1955, p. 218, Z. 14-16 ; 36-45 : « …quaeritur, utrum in scientia sit modus processivus duplex : narrativus et causarum assignativus… Dicendum, quod duplex est processus in scientia. Et hoc manifestum est ex parte rei et ex parte nostra. Ex parte rei, quia in qualibet scientia supponitur aliquid tamquam fundamentum scientiae, et ex isto in sequentibus [vel] consequentium causae assignantur, sed suppositiones non traduntur nisi narrando, sed conclusiones consequentes traduntur causas assignando ; ergo etc. Ex parte nostra requiritur uterque processus, quia ad docentem pertinet narrare et ad discentem, cum dubitat, causas quaerere »
41 Aristotele, De Interpretatione 1, 16 a 3-8, tr. lat. de Julius Pacius dans : Aristoteles latine, interpretibus variis edidit Academia Regia Borussica, Berlin, 1831, repr. E. Keßler, Munich, 1995, 8a : « …quae igitur sunt in voce, sunt notae passionum quae sunt in anima ; et quae scribuntur, sunt notae eorum quae sunt in voce atque ut literae non sunt apud omnes eaedem, ita nec voces sunt eaedem, sed passiones aninti, quarum haec primum sunt signa, eaedem sunt apud omnes eaedem sunt etiam res, quarum hae passiones sunt simulacra ».
42 Guillaume d’Ockham, Summa Logicae I, 15, éds. Ph. Boehner, G. Gal et S. Brown (OP I), St. Bonaventure, 1974, p. 50. 6-11 : « Nullum universale est substantia singularis et una numero. Si enim diceretur, quod sic, sequeretur, quod Sortes esset aliquod universale, quia non est maior ratio, quare unum universale sit una substantia singularis quam alia. Nulla igitur substantia singularis est aliquod universale. Sed omnis substantia est una numero et singularis ».
43 G. d’Ockham, Summa Logicae I, 15, p. 53, 93-98 : « Ex quibus aliisque multis patet, quod universale est intentio animae nata praedicari de multis. Quod etiam ratione confirmari potest, nam omne universale, secundum omnes, est de multis praedicabile. Sed sola intentio animae vel signum voluntarie institutum natum est praedicari et non substantia aliqua. Ergo sola intentio animae vel signum voluntarie institutum est universale ».
44 Ceci suit indirectement de la démonstration suivante de l’impossibilité des universaux réels : cf. G. d’Ockham, Summa Logicae I, 15, p. 51, 29-37 : « Si opinio ista esset vera, nullum individuum posset creari, si aliquod individuum praeexisteret, quia non totum caperet esse de nichilo, si universale, quod est in eo, prius fuit in alio. Propter idem sequeretur, quod Deus non posset unum individuum substantiae adnihilare, nisi cetera individua destrueret, quia, si adnihilaret aliquod individuum. destrueret totum, quod est de essentia individui, et per consequens destrueret illud universale, quod est in eo et in aliis ; et per se consequens alia non manerent, cum non possent manere sine parte sua, quale ponitur illud universale ».
45 G. d’Ockham, Expositio in libros Physicorum Aristotelis, Prologus et Libri I-III, Prologus § 4 (OP IV), éds. V. Richter et G. Leibold, St. Bonaventure, 1985, 10, 6-11, 20 : « Circa primum dicendum est, quod philosophia naturalis considerat de substantiis sensibilibus et compositis ex materia et forma principaliter, secundario de aliquibus substantiis separatis. Ad cuius intellectum est sciendum, quod omnis scientia est respectu complexi vel complexorum. Et sicut complexa sciuntur per scientiam, ita incomplexa, ex quibus complexa componuntur, sunt illa, de quibus illa scientia considerat. Nunc autem ita est. quod complexa, quae sciuntur per scientiam naturalem non componuntur ex rebus sensibilibus nec ex substantiis, sed componuntur ex intentionibus seu conceptibus animae communibus talibus rebus. Et ideo proprie loquendo scientia naturalis non est de rebus corruptibilibus et generabilibus nec de substantiis naturalibus nec de rebus mobilibus, quia tales res in nulla conclusione scita per scientiam naturalem subiiciuntur vel praedicantur. Sed proprie loquendo scientia naturalis est de intentionibus animae communibus talibus rebus et sup ponentibus praecise pro talibus rebus in multis propositionibus ».
46 Cf. D. Perler, Der propositionale Wahrheitsbegriff im 14. Jahrhundert, Berlin, 1992.
47 Cf. H. Rombach, Substanz, System, Struktur I : Die Ontologie des Funktionalismus und der philosophische Hintergrund der modernen Wissenschaft, Fribourg/Munich, 1965, p. 78-93.
48 Cf. G. Leff, The Dissolution of the Medieval Outlook. An Essay on the Intellectual and Spiritual Change in the Fourteenth Century, New York, 1976.
49 Cf. ci-dessus la note 29.
50 Cf. par exemple Francesco Petrarca (1304-1374), Epistulae familiares XVI, 14, 12, dans : Le Familiari, éd. V. Rossi, Florence, 1937, 3, p. 213 ; et en général, cf. E. Keßler, Petrarca und die Geschichte. Geschichtsschreibung, Philosophie, Rhetorik im Übergang vom Mittelalter zur Neuzeit, Munich, 1978, p. 132-140.
51 Cf. Pétrarque, Epistulae familiares VI, 4, dans : Le Familiari, Florence, 1933, 2, p. 78 : « …experientiam que certissima magistra rerum est ».
52 L. Valla, Gesta Ferdinandi Regis Aragonum, Prooemium § 11, éd. O. Besomi, Padoue. 1973. p. 6 : « Et si vera fateri non piget, ex historia fluxit plurima rerum naturalium cognitio, quam postea alii in precepta redegerunt. plurima morum, plurima omnis sapientie doctrina ».
53 Cf. la note 31 ci-dessus.
54 Cf. ci-dessus la note 30 : « …semper ex iis quae legunt conentur excerpere,…ea vero potissimum excerpent, quae et memoratu digna et paucis in locis inveniri videbuntur…inter legendum ex variis libris sententias quae ad eandem materiam pertinent adnotabunt, et in unum quendam locum colligent ».
55 Cf. par exemple L. Valla, Repastinatio, L. II, Prooemium, 1, p. 175 : « Nam quid aliud est dialectica, quam species confirmationis et confutationis ? He ipse sunt partes inventionis, inventio una ex quinque rhetorice partibus. ‘Dialectici est syllogismo uti’. Quid, non orator eodem utitur ? Immo utitur nec solo eo, verum etiam enthymemate et epicheremate, adde etiam inductionem ».
56 Cf. ci-dessus, la note 30.
57 Cf. Quintilien, Ins. or., I, x, 1-8.
58 Cf. par exemple L. Valla, Repastinatio, 1, p. 176.
59 Cf. Cicéron, De Oratore II, 5 : « …neminem eloquentia non modo sine dicendi doctrina, sed ne sine omni quidem sapientia florere umquam et praestare potuisse. Etenim ceterae fere artes se ipsae per se tuentur singulae ; bene dicere autem, quod est scienter et perite et ornate dicere, non habet definitam aliquam regionem, cuius terminis saepta teneatur : omnia, quaecumque in hominum disceptationem cadere possunt, bene sunt ei dicenda, qui hoc se posse profitetur, aut eloquentiae nomen relinquendum est » ; cf. également Cicéron, Orator, 100-103.
60 Cf. J. Burckhardt, Die Kultur der Renaissance in Italien, II, 2, éd. W. Goetz, Leipzig. 1925, p. 130 s. ; tr. fr. H. Schmitt et R. Klein, Civilisation de la Renaissance en Italie, 3 vol.. Paris, 1958,
61 Leon Battista Alberti (1404-1472), Della Tranquillità dell’animo, dans : Opere volgari, éd. A. Bonucci, Florence, 1843, 1, p. 92 s. : « Così avviene presso de’ letterati : gl’ingegni d’Asia, e massime de’ Greci, in più anni, tutti insieme furono inventori di tutte l’arti e discipline ; e costrussero uno quasi tempio e domicilio, in suoi scritti a Pallade e a quella Pronea, dea de’ filosofi stoici, estesero le parti colla investigazione del vero e del falso ; statuironvi le colonne col discemere e annotare gli effetti e forze della natura, apposervi il tetto, quale difende tanta opera dalle tempeste avverse ; e questa fu la perizia di fuggire il male, e appetire e conseguire il bene, e odiare il vizio, chiedere e amare la virtù. Ma che interviene ? proprio il contrario da quel di sopra. Colui raccolse i minuti rimasugli, e compose il pavimento : noi vero, dove io corne colui e come quell’altro volli ornare un mio piccolo e privato diversorio, tolsi da quel pubblico, pregiato e nobilissimo edificio quel che mi parse accomodate a’miei disegni, e divisilo in più particelle, dividendole ove a me parse… E veggonsi queste cose litterati e usurpate da tanti, e in tanti loro scritti adoperate e disseminate, che oggi a chi voglia ragionare resta altro nulla che solo raccogliere e assortirle, e poi accoppiarle insieme con qualche varietà dagli altri e adattezza dell’opera sua ; quasi come suo istituto sia imitare in questo chi altrove fece il pavimento. Qual cose, dove io le veggo aggiunte insieme in modo che le convengano con suoi colori a certa prescritta e designata forma e pittura, e dove io veggo fra loro niuna grave fessura, niuna deforme vacuità, mi diletta, e giudico nulla più doversi desiderare ».
62 Pour B. Guarino, cf. ci-dessus la note 10 ; pour L. Valla, Repastinatio, vol. 1, p. 5, où il fonde son scepticisme quant à l’importance d’Aristote avant tout sur les insuffisances de ses réalisations politiques : « Non enim iis rebus operam dedit unde prestantes viri maxime dignoscuntur, aut consiliis publicis vel ad populum vel in senatu, aut administrandis provinciis, aut exercitui ductando, aut causis agendis, aut medecine factitande, aut iuri dicundo, aut responsis consultorum, aut scribundis historiis, aut poematibus componendis », et p. 176, où il définit l’orator, qui est la visée de sa méthode, « rector ac dux populi ».
63 Cf. A. Politien, Lamia, p. 224 s. : « Quare, quoniam libros Aristotelis de Moribus iampridem, proxime autem Porphyrii Quinque Voces, et Aristotelis eiusdem Praedicamenta, cum Sex illis Gilberti Poretani Principiis, libellumque qui dicitur Peri hermeneias, turn velut extra ordinem Sophisticos Elenchos, intactum ab aliis opus et pene inenodabile ; sum publice interpretatus ; vocant ecce me nunc eundem ad se Resolutaria duo volumina, quae Priora vocantur, in quibus omnis recte ratiocinandi regula continetur. Qui quanquam libri spinosiores alicubi sunt et multis rerum verborumque difficultatibus involuti, tamen ob id eos etiam libentius alacrius animosius aggredior, quod fere in omnibus gymnasiis a nostrae aetatis philosophis, non quia parum utiles sed quia nimis scrupolosi, praetereuntur. Quis mihi igitur iure succenseat, si laborem hunc interpretandi difficillima quaeque sumpsero, nomen vero aliis philosophi relinquero ? Me enim vel grammaticum vocatote, vel, si hoc magis placet, philosophastrum, vel ne hoc ipsum quidem ».
64 Sur Jacques Lefèvre d’Etaples (ca. 1460-1536), cf. mon article : « Introducing Aristotle to the 16th Century. The Lefèvre Enterprise », dans C. Blackwell et S. Kusukawa (éd.), Philosophy in the Sixteenth and Seventeenth Centuries. Conversations vith Aristotle, Aldershot 1999, p. 1-21.
65 Sur Rudolph Agricola (1444-1485), cf. en général E Akkerman et A.J. Vanderjagt (éds.), Rodolphus Agricola Phrisius (1444-1485). Proceedings of the international Conference at the University of Groningen 28-30 October 1985, Leyde, 1988, ainsi que G.C. Huisman, Rudolph Agricola. A Bibliography of Printed Works and Translations, Nieuwkoop, 1985.
66 Rudolph Agricola, De Inventione dialectica libri tres, cum scholis Ioannis Matthaei Phrissemii, L. I, cap. III, Cologne, 1528, repr. et intr. par W. Risse, Hildesheim, 1976, p. 10-15.
67 Cf. G. d’Ockham, Summa Logicae I, 1, 7,26-8,34 s., où Ockham subordonne la langue parlée conventionnelle à la langue mentale naturelle : « Dico autem voces esse signa subordinata conceptibus seu intentionibus animae, non quia proprie accipiendo hoc vocabulum ‘signa’ ipsae voces semper significent ipsos conceptus animae primo et proprie, sed quia voces imponuntur ad significandum illa eadem, quae per conceptus mentis significantur ita, quod conceptus primo naturaliter significat aliquid et secundario vox significat illud idem, in tantum quod voce instituta ad significandum aliquid significatum per conceptum mentis, si conceptus ille mutaret significatum suum, eo ipso ipsa vox sine nova institutione suum significatum permutaret » ; cf. aussi sur le rapport des deux langues, Summa Logicae I, 3, p. 11-14.
68 Cf. R. Agricola, De Inventione dialectica I, 1, I : « Oratio quaecunque de re quaque instituitur, omnisque adeo sermo, quo cogitata mentis nostrae proferimus, id agere, hocque primum et proprium habere videtur officium, ut doceat aliquid eum qui audit…Quod si est signum rerum, quas is qui dicit animo complectitur, oratio, liquet hos esse proprium opus ipsius, ut ostendat id atque explicet, cui significando destinatur ».
69 Cf. par exemple L. Valla, ci-dessus, note 55.
70 Cf. R. Agricola, De Inventione dialectica, I : « Neque me praeterit maximis authorum placuisse, tria esse quae perfecta oratione fiant, ut doceat, ut moveat, ut delectet, & docere quidem rem facilem esse, & quam quisque tantum non inertissimae mentis praestare possit, concutere vero affectibus audientem, & in quencumque velis animi habitum transformare, allicere item audiendique voluptate tenere suspensum non nisi summis & maiori quodam musarum afflatu instinctis contingere ingeniis. Nec sane inficias ivero esse ista praecipua bene dicendi praemia sequique orationem, verum sequi verius quam effici, potiusque accessionem esse ipsius quam proprium opus. Sed de his alio loco explicatius dicendum erit. Hoc in praesentia dixisse sufficiat posse docere orationem, ut non moveat, non delectet : movere aut delectare ut non doceat, non posse ».
71 Cf. R. Agricola, De Inventione dialectica, p. 155 : « ars probabiliter de qualibet re propo sita disserendi, prout cuiusque natura capax esse poterit ».
72 L. Valla, Repastinatio, 1. p. 175 s. : « Sed vide quid interest. Dialecticus utitur ‘nudo’ (ut ita loquar) syllogismo, orator autem ‘vestito armatoque et purpura ac gemmis ornato’ : ut multe sint ei et magne preceptorum comparande divitie, si videri volet orator. Dialecticum propre dixerim paupertas decet. Quoniam non tantum vult docere orator, ut dialecticus facit, sed delectare etiam ac movere, que nonnumquam ad victoriam plus valent quam ipsa probatio… »
73 Cf. ibid., § 5-6.
74 Cf. sur ce point W. Ong, Ramus, Method and the Decay of Dialogue, Cambridge (Mass.), 1985 ; C. Vasoli, La Dialettica e la retorica dell’Umanesimo : ‘Invenzione’ e ‘Metodo’ nella cultura del XV-XVI secolo, Milan, 1968, p. 147-182.
75 Cf.R. Agricola, De Inventione dialectica I, 2, p. 6 : « Si qua duo itaque conveniant inter se nec ne, velis perspicere, si sint eiusmodi, ut quemadmodum magnitudines diximus applicari non posse, sic & ista consentanea sint an dissentanea, ex ipsis perspici nequeat, necesse est tertium aliquod invenias, quod alteri horum consentaneum esse certum sit, idque alteri deinde comparatum, proinde ut illi fuerit consentaneum vel dissentaneum, ita esse inter se ambo, quae proposita fuerant, sciamus. Id tertium turn medium argumentationis dicitur,…tum…argumentum…Hanc partem excogitandi vel medii vel argumenti vocant dialectici inventionis ».
76 Cf. Cicéron, Topica 8 : « Itaque licet definire locum esse argumenti sedem, argumentum autem rationem, quae rei dubiae faciat fidem ».
77 Aristoteles, Topica I, 4 ; 101b25 : tr. latine de Julius Pacius dans : Aristoteles latine : « …ex dictis igitur patet secundum praesentem divisionem accidere ut quattuor omnia riant, id est vel proprium, vel definitio, vel genus vel accidens ».
78 Cf. Porphyre, Isagoge I, éd. I. Th. Buhle, dans : Aristotelis Opera omnia Graece et Latine, vol. I, Zweibrücken, 1791, p. 369 : « Cum sit necesse, Chrysaori, ad intelligendas apud Aristotelem Categorias, nosse, quid sit genus, qui differentia, quid species, quid proprium, quid accidens…tentabo paucis, velut introductionis modo, quae apud veteres occurrunt, persequi… »
79 Cf. R. Agricola, De Inventione dialectica I, 2, p. 8 : « Intuentem ergo illa quae dixi de ea, non latebit verum esse quod proposuimus, omnia quae vel pro re quaeque vel contra dicuntur, cohaerere, & esse ea quadam (ut ita dicam) naturae societate coniuncta. Res autem numero sunt immensae & proinde immensae quoque proprietas et diversitas earum. Quo fit, ut omnia quae singulis conveniant aut discrepent, singillatim nulla oratio, nulla vis mentis humanae possit complecti. Inest tamen omnibus, tametsi suis quaeque discreta sint notis, communis quaedam habitudo, & cuncta ad naturae tendunt similitudinem, ut quod est omnibus substantia quaedam sua, omnia ex aliquibus oriuntur causis, & omnia aliquid efficiunt, Ingeniossissimi itaque virorum, ex effusa illa rerum varietate, communia ista capita, ut substantiam, causant, eventum, quaeque reliqua mox dicemus, excerpsere, ut cum ad considerandam rem quampiam animum advertissemus…duceremus inde argumentum propositis rebus accommodatum ».
80 Cf. B. Guarino, note 30 ci-dessus.
81 W. Ong, Ramus, Method, a signalé le premier ce destin étonnant, dorénavant présenté en détail dans la bibliographie de G.C. Huisman, Rudolph Agricola, p. 17-87.
82 Sur la vie de Leoniceno, cf. D. Mugnai Carrara, « Profilo di Niccolò Leoniceno », Interpres. Rivista di studi Quattrocenteschi II, 1979, p. 169-212.
83 Cf. Niccolò Leoniceno, Plinii ac plurium aliorum auctorum qui de simplicibus medicaminibus scripserunt errores notati, Ferrare, 1492 ; Ermolao Barbaro, Castigationes Plinianae, Rome, 1492-1493, éd. G. Pozzi, 4 vol., Padoue, 1973-1979 ; Pandolfo Collenuccio, Pliniana defensio adversus Leoniceni accusationem, Ferrare, 1493. Sur cette querelle, G. Sarton, Appreciation of Ancient and Medieval Science during the Renaissance (1450-1600), Philadelphie, 1955, p. 78-86.
84 Cf. R. J. Durling, « Chronological Census of Renaissance Editions and Translations of Galen », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 24, 1961, p. 235-36 ; J.J. Bylebyl, « The School of Padua : humanistic Medicine in the XVIth Century », dans : Ch. Webster (éd.), Health, Medicine and Mortality in the XVIth Century, Cambridge, 1979, p. 335-370 ; A. Wear, « Galen in the Renaissance », dans : V. Nutton (éd.), Galen : Problems and Prospects, Londres, 1981, p. 229-267.
85 Erasme, lettre à Boniface Amerbach du 31 août 1518 : « …medicina Latine loqui coepit apud Italos opera Nicolai Leoniceni, senis immortalitate digni », cité d’après D. Mugnai Carrara, « Profilo », p. 202 s.
86 Cf. ci-dessus, note 31.
87 Cf. la lettre de Leoniceno à Gerolamo Menochio de l’année 1503, dans : Opuscula, Bâle, 1532, 53D, cité d’après D. Mugnai Carrara, « Profilo », p. 199 : « Quare tuum ac coeterorum, quos recta studia delectant, erit officium, ut quod ego unus non possum efficere, mecum simul facere studeatis, et quam sibi laudem quidem literatores dudum usurparunt vindicatae Italiae a barbaris, multo iustius nobis asciscamus, qui non sermonem Latinum recuperamus, sed omnes plane homines a mortis periculo eripimus, dum expulsis seculi nostri tenebris, veterem medicinam in lucem revocamus ».
88 Cf. Claudius Galenus, Opera omnia, éd. C.G. Kühn, Leipzig, 1821, 1, p. 305 s., repr. Hildesheim, 1964.
89 Cf. Niccolò Leoniceno, De Tribus doctrinis ordinatis secundum Galeni sententiam, imprimé pour la première fois dans Nicolai Leoniceni in libros Galeni e greca in latinam linguam a se translatos prefatio communis…, Galeni Ars Medicinalis Nicolao Leoniceno interprete que et Ars Parva dicitur… Eiusdem de tribus doctrinis ordinatis secundum Galeni sententiam opus, Venise, 1508. Cf. sur cet écrit, W.F. Edwards, « Niccolò Leoniceno and the Origins of Humanist Discussion on Method », dans : E.P. Mahoney (éd.), Philosophy and Humanism. Renaissance Essays in Honor of Paul Oskar Kristeller, Leyde, 1976, p. 283-305 ; D. Mugnai Carrara, « Una Polemica umanistico-scolastica circa l’interpretazione delle tre dottrine di Galeno », Annali dell’Istituto e Museo di Storia della Scienza di Firenze 7, 1983, p. 31-57.
90 Cf. J. Nieding, Die mittelalterlichen und frühneuzeitlichen Kommentare zur Techne des Galenos, Paderborn, 1924 ; Per-Gunnar Ottoson, Scholastic Medicine and Philosophy : A Study of Commentaries on Galen’s Techni, Naples, 1984.
91 Cf. Galien. Ars medicinalis interprete Nicolao Leoniceno, cap. I. : « Très sunt omnes Doctrinae, quae ordini inhaerent. Prima quidem ex notione finis : quae per resolutionem fit. Secunda ex compositione constat eorum, quae ex resolutione fuerint inventa. Tertia ex diffinidonis dissolutione, cui nunc incumbimus… Neminem tamen ante nos earn quae oritur a notione finis scripsisse comperimus : ex qua omnes artes via quadam atque ordine constituuntur ».
92 Cf. Aristote, Analytica posteriora I, 13, 78a22-79a16.
93 Cf. Averroès, Commentaria magna in Posteriorum Resolutiorum libros duos I, 13, c. 95 s., dans : Aristotelis Opera cum Averrois commentariis, Venise, 1562-1674, repr. Francfort, 1962, vol. I, part. 2a, 208 c s. Cf. également id. Epitome in primum librum Posteriorum Cap. 3-4, in id., vol. I, part. 2b, 56 K s. Sur la doctrine du regressus et son importance, voir en général J. H. Randall Jr., The School of Padua and the Emergence of Modern Science, Padoue, 1961 ; G. Papulli, « La Teoria del ‘regressus’ come metodo scientifico negli autori della Scuola di Padova », dans : L. Olivieri (éd.), Aristotelismo Veneto e scienza moderna. Atti del 25° Anno Accademico del Centro per la storia della tradizione aristotelica nel Veneto, Padoue, 1983, 2, p. 221-279.
94 Cf. N. Leoniceno, De Tribus doctrinis ordinatis secundum Galeni sententiam, s.l./s.a. [BSB 4° Med.g.48a/3] 7v-12r ; W.F. Edwards, « Niccolò Leoniceno ».
95 Fondamental est Ammonius, In Aristotelis Analyticorum priorum librum primum Commentarium, Prooemium, éd. M. Wallies (Commentaria in Aristotelem Graeca IV, 6), Berlin, 1889, 7.26-8.14, qu’il reprend presque littéralement, puis Alexandre d’Aphrodise, Jean Philopon et Simplicius de façon constante, Albinus, Themistius, Proclus, Jean Damascènes et le mathématicien Geminus par quelques citations.
96 Avant tout l’Ars curativa (Methodus medendi vel De arte curativa ad Glauconem). Numquid salubre pertineat ad artem medicinalem vel gymnasticam sive athleticam ? De constitutione artis medicinalis.
97 Cf. N. Leoniceno, De Tribus doctrinis ordinatis, s.l./s.a. [BSB 4° Med.g.48a/3] 15v : « Ad harum autem omnium partium artis medicinalis perfectam doctrinam tradendam omnia afferuntur instrumenta opportuna & divisiones scilicet & diffinitiones & demonstrationes tarn ex prioribus quam ex posterioribus quicumque probantes sicuti materia subiecta vel harum vel illarum est capax… neque enim tres doctrinae, de quibus statim in prooemio artis parvae Galenus facit mentionem modis docendi differant, sicut iuniores medici intellexerunt, sed ordine potius, nam per doctrinam quae actio est doctoris in discipulum possumus tarn ordinem eoram, quae docentur quam modum ipsum doctrinalem intelligere ».
98 N. Leoniceno, De Tribus doctrinis ordinatis, s.l./s.a. [BSB 4° Med.g.48a/3] 12v-36-13r6. « Haec Galeni verba aperte declarant quid sit notio finis apud ipsum scilicet finis artis alicuius mente conceptus ac desideratus, & quomodo sumpto a notione finis initio omnes artes secundum Methodum idest viam quandam atque ordinatum progressum constituuntur. Nam fine artis semel constituto atque proposito inveniuntur principia ac theoremata eiusdem artis per relationem ad finem. Ut enim Galenus inquit finis est regula & examen omnium que in quavis arte aut scientia traduntur. Illa enim principia atque theoremata artis esse dicuntur quae ad finem eius artis vel facilius vel citius assequendum utilia sunt, alioquin si nullum praestarent ad finem artis usum : Nec theoremata quidem ut ait Galenus in libro qui ‘De Optima doctrina’ inscribitur dicerentur ».
99 Cf. N. Leoniceno, De Tribus doctrinis ordinatis, s.l./s.a. [BSB 4° Med.g.48a/3] 14r31-vl3 : « Quamlibet artem vel scientiam suam capere a proprio fine constitutionem et ab aliis distinctionem, ut Galenus sentit, verissimum existit non solum in scientiis practicis sed etiam speculativis, quoniam & hae per suos fines specificantur & declarantur ; ut patet his Aristotelis libro primo primae philosophiae, ubi volens ostendere quid sit sapientia, ait earn esse veritatis contemplatricem (Metaph. I, 3 ; 983b2). Quern locum exponens Alexander in hunc modum scribit : « Cum usus fuisset veritatis nomine in philosophia nunc quod rationabiliter ita vocatur ostendit. Quod enim in philosophiae nomine intelligat speculativam per ea quae subinfert declarat, inquiens ‘Speculativae enim finis est veritas & adhuc magis istius illa pars quae de primis principiis agit & causis quae omnino a sensu sunt separatae, et sua natura entia’, quam sapientiam nominat, quod autem prius dixerat, hoc modo probat : Cum finis philosophiae speculativae sit veritas, a fine autem proposito unaquaeque Methodus specificetur & essentiam habeat convenienter a veritate nominatur. Haec enim ipsius est finis ». Haec quidem Alexander. Si quis vero objiciat aliquas esse scientias speculativas veluti mathematicas quae fine careant huic quoque obiectioni occurrit Alexander in alia expositione libri de prima philosophia de eisdem mathematicis faciens mentionem atque ita scribens : « Adhuc autem non omne bonum sua natura agibile est cum sit aliud bonum agibile, aliud speculabile, & non agibile quod est in Mathematicis, nam circa ea veritas bonum existens ipsis est finis ».
100 Cf. N.W. Gilbert, Renaissance Concepts of Method, New York, 1960 ; W.F. Edwards, « Niccolò Leoniceno », p. 300-305.
101 Cf. sur Pierre de La Ramée (Petrus Ramus, 1515-1572) en général, W.J. Ong, Ramus and Talon Inventory. A Short-title Inventory of the Published Works of Peter Ramus (1515-1572) and of Omer Talon (1510-1562), Cambridge (Mass.), 1958 ; id., Ramus, Method and the Decay of Dialogue, Cambridge Mass., 1958 ; N. Bruyère, Méthode et Dialectique dans l’œuvre de La Ramée, Paris, 1984.
102 Cf Pierre de La Ramée, Dialecticae lnstitutiones, Paris, 1543, repr. Stuttgart-Bad Cannstatt, 1964, où de La Ramée traite rapidement de l’inventio de façon conventionnelle (p. 8v-19r), puis amplement du iudicium (p. 19v-58r), commençant cette partie par les mots : « Iudicium sequitur, pars artis maxima nobilissimaque, hac virtute mens hominum naturae suae celsitudinem praecipue agnoscit ».
103 Cf les deux livres de W.J. Ong cités à la note 101.
104 Petrus Ramus, Quod sit unica doctrinae instituendae methodus. Locus e IX Animadversionum P. Rami ad Carolum Lotharingum Cardinalem, Paris, 1557, 3v4s. : « Sed in hac prioris distinctione captiosum nonnihil est, quod dicitur species esse prior nobis & notior genere : nec enim sequitur, « Si species tempore notior sit nobis quam genus, nobis esse notiorem genere », nec ex eo concludi potest, genera minus esse nobis ac nostris sensibus quam species nota. Non enim efficitur, si ex tenui candela magnam aliquant facem accendero, non esse nobis & nostris sensibus facem candela clariorem. Ita minime efficeretur genera quam species (quanvis ab illis orirentur) non esse notiora clarioraque. Immo vero contra est. Quanto enim communior cognitio fuerit. tanto nobis notior ».
105 Cf. Pierre de La Ramée, Dialecticae lnstitutiones, Paris, 1543, 27, 14 s. : « Secundus [sc. dialectici iudicii gradus] (qui sequitur) collocationem tradit, & ordinem multorum, & variorum argumentorum cohaerentium inter se et perpetua velut catena vinctorum, ad unumque certum finem relatorum. Cuius dispositionis partes duae principes sunt, definitio, distributioque : res enim primum universa definienda & explananda, deinde in partes diducenda est. Tertium membrum hac collocatione nullum est ».
106 Cf. sur cette question cf E. Keßler, « Das rhetorische Wissenschaftsideal des italienischen Humanismus und seine Kritiker », dans : M. Tavoni (éd.), Italia ed Europa nella linguistica, 1, p. 31-43.
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